Language of document : ECLI:EU:T:2010:353

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (grande chambre)

7 septembre 2010 (*)

« Recours en annulation – Environnement et protection de la santé humaine – Classification, emballage et étiquetage de certains composés de carbonate de nickel en tant que substances dangereuses – Directive 2008/58/CE – Directive 67/548/CEE – Règlement (CE) n° 790/2009 – Règlement (CE) n° 1272/2008 – Adaptation des conclusions – Application dans le temps de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑532/08,

Norilsk Nickel Harjavalta Oy, établie à Espoo (Finlande),

Umicore SA/NV, établie à Bruxelles (Belgique),

représentées par MK. Nordlander, avocat,

parties requérantes,

soutenues par

Nickel Institute, établi à Toronto (Canada), représenté par MK. Nordlander, avocat, MM. D. Anderson, QC, S. Kinsella et H. Pearson, solicitors,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Oliver et D. Kukovec, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Danemark, représenté par Mme B. Weis Fogh, en qualité d’agent,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle, d’une part, de la directive 2008/58/CE de la Commission, du 21 août 2008, portant trentième adaptation au progrès technique de la directive 67/548/CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (JO L 246, p. 1), et, d’autre part, du règlement (CE) n° 790/2009 de la Commission, du 10 août 2009, modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique et scientifique, le règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (JO L 235, p. 1), dans la mesure où ces actes modifient la classification de certains composés de carbonate de nickel,

LE TRIBUNAL (grande chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi (rapporteur), A. W. H. Meij, M. Vilaras, N. J. Forwood, Mme M. E. Martins Ribeiro, M. O. Czúcz, Mmes I. Wiszniewska-Białecka, I. Pelikánová, E. Cremona, I. Labucka, MM. S. Frimodt Nielsen et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par le présent recours, les requérantes, Norilsk Nickel Harjavalta Oy (anciennement OMG Harjavalta Oy, ci-après « Norilsk Nickel ») et Umicore SA/NV, contestent la légalité de la classification de certains composés de carbonate de nickel en tant que substances dangereuses (ci-après les « classifications contestées ») ayant, d’abord, figuré à l’annexe I de la directive 67/548/CEE du Conseil, du 27 juin 1967, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (JO L 196, p. 1), avant de figurer à l’annexe VI du règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548 et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006 (JO L 353, p. 1).

2        Les classifications contestées ont été introduites par la directive 2008/58/CE de la Commission, du 21 août 2008, portant trentième adaptation au progrès technique de la directive 67/548 (JO L 246, p. 1, ci-après la « directive attaquée »), et ont été reprises, avec effet au 25 septembre 2009, dans le règlement (CE) n° 790/2009 de la Commission, du 10 août 2009, modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique et scientifique, le règlement n° 1272/2008 (JO L 235, p. 1, ci-après le « règlement attaqué ») (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »).

 Cadre juridique

 Dispositions des traités CE et FUE

3        Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE :

« Toute personne physique ou morale peut former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement. »

4        Selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE :

« Toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution. »

 Directive 67/548

5        La directive 67/548, telle qu’elle a été modifiée notamment par la directive 92/32/CEE du Conseil, du 30 avril 1992, portant septième modification de la directive 67/548 (JO L 154, p. 1), et par la directive 2006/121/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, modifiant la directive 67/548 afin de l’adapter au règlement (CE) n° 1907/2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), et instituant une agence européenne des produits chimiques (JO L 396, p. 850), fixe des règles relatives à la commercialisation de certaines « substances », définies comme des « éléments chimiques et leurs composés à l’état naturel ou tels qu’obtenus par tout procédé de production, contenant tout additif nécessaire pour préserver la stabilité du produit et toute impureté dérivant du procédé, à l’exclusion de tout solvant qui peut être séparé sans affecter la stabilité de la substance ni modifier sa composition ».

6        À cette fin, la directive 67/548 procède, conformément à son article 4, paragraphe 1, à une classification des substances en fonction de leurs propriétés intrinsèques selon les catégories prévues à son article 2, paragraphe 2. La classification d’une substance comme « dangereuse » à l’annexe I de cette directive entraîne, comme condition préalable à sa commercialisation, l’apposition sur son emballage d’un étiquetage obligatoire comprenant notamment les symboles des dangers que présente l’emploi de la substance et des phrases types indiquant, d’une part, les risques particuliers dérivant des dangers de l’utilisation de la substance et, d’autre part, les conseils de prudence relatifs à l’emploi de celle-ci.

7        Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 67/548, dans sa version en vigueur avant celle issue de l’article 55, paragraphe 2, du règlement n° 1272/2008 :

« L’annexe I reproduit la liste des substances classées selon les principes fixés aux paragraphes 1 et 2 du présent article, avec leur classification harmonisée et leur étiquetage. La décision d’inclure une substance dans l’annexe I, qui reproduit la liste des substances classées selon les principes fixés aux paragraphes 1 et 2 du même article, avec leur classification harmonisée et leur étiquetage, est prise selon la procédure prévue à l’article 29 [de ladite directive]. »

8        L’article 4, paragraphe 2, de la directive 67/548 prévoit que « [l]es principes généraux de classification et d’étiquetage des substances et préparations sont appliqués selon les critères prévus à l’annexe VI, sauf prescriptions contraires relatives aux préparations dangereuses, prévues dans des directives particulières ».

9        Le point 1.2 de l’annexe VI de la directive 67/548 énonce :

« La présente annexe énumère les principes généraux régissant la classification et l’étiquetage des substances et préparations, visés à l’article 4 de la présente directive […]

Elle s’adresse à toute personne concernée (fabricants, importateurs, autorités nationales) par les méthodes de classification et d’étiquetage des substances et préparations dangereuses. »

10      Le point 4.1.2 de l’annexe VI de la directive 67/548 prévoit :

« Si un fabricant, un distributeur ou un importateur dispose d’informations indiquant qu’une substance devrait être classée et étiquetée conformément aux critères énoncés aux points 4.2.1, 4.2.2 ou 4.2.3, il doit étiqueter provisoirement la substance conformément à ces critères, sur la base de l’appréciation des éléments de preuve d’une personne compétente. »

11      Selon le point 4.1.3 de l’annexe VI de la directive 67/548, « [l]e fabricant, le distributeur ou l’importateur doit remettre dans les plus brefs délais, à un État membre dans lequel une substance est mise sur le marché, un document résumant toutes les informations intéressant cette substance ».

12      Au point 4.1.4 de l’annexe VI de la directive 67/548, il est précisé ce qui suit :

« En outre, un fabricant, un distributeur ou un importateur disposant de nouvelles informations intéressant la classification et l’étiquetage d’une substance conformément aux critères indiqués aux points 4.2.1, 4.2.2 ou 4.2.3 doit remettre lesdites informations à un État membre où la substance est commercialisée. »

13      Le point 4.1.5 de l’annexe VI de la directive 67/548 est libellé comme suit :

« Afin d’aboutir le plus rapidement possible à une classification uniforme dans la Communauté par la procédure prévue à l’article 28 de la présente directive, les États membres disposant d’informations justifiant la classification d’une substance dans une de ces catégories, que ces informations aient été fournies ou non par le fabricant, doivent envoyer dans les meilleurs délais à la Commission lesdites informations, accompagnées de propositions de classification d’étiquetage.

La Commission enverra aux autres États membres la proposition de classification et d’étiquetage qu’elle a reçue. Tout État membre peut demander à la Commission la communication des informations qu’elle a reçues.

[…] »

 Procédure d’adaptation au progrès technique de la directive 67/548

14      En vertu de l’article 28 de la directive 67/548, les modifications nécessaires pour adapter ses annexes au progrès technique sont arrêtées conformément à la procédure prévue à son article 29. Dans le cadre de cette procédure, au titre de l’article 5, paragraphe 1, de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23), lu conjointement avec le point 1 de l’annexe III du règlement (CE) n° 807/2003 du Conseil, du 14 avril 2003, portant adaptation à la décision 1999/468 des dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l’exercice de ses compétences d’exécution prévues dans des actes du Conseil adoptés selon la procédure de consultation (unanimité) (JO L 122, p. 36), la Commission européenne est assistée par un comité qui est composé de représentants des États membres et présidé par un représentant de la Commission. Selon l’article 5, paragraphe 3, de ladite décision, la Commission arrête les mesures envisagées lorsqu’elles sont conformes à l’avis du comité. L’article 5, paragraphe 4, de cette décision prévoit en revanche que, lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l’avis de ce comité, ou en l’absence d’avis, le Conseil de l’Union européenne est saisi et le Parlement européen en est informé.

 Abrogation, modification et remplacement partiels de la directive 67/548 par le règlement n° 1272/2008

15      Avec effet au 20 janvier 2009, la directive 67/548 a été partiellement abrogée, modifiée et remplacée par le règlement n° 1272/2008. Ce règlement vise, notamment, à mettre en œuvre le système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques, tel qu’il a été élaboré au sein des Nations unies (considérants 5 à 8 du règlement n° 1272/2008).

16      Alors même que l’article 55, paragraphe 11, du règlement n° 1272/2008 dispose que « [l]’annexe I [de la directive 67/548] est supprimée », l’annexe VI dudit règlement ne contenait pas, au moment de son entrée en vigueur, les classifications contestées, dont la procédure d’adoption avait connu un retard important, mais uniquement les classifications introduites dans le cadre des adaptations antérieures de la directive 67/548 au progrès technique, en ce compris celles prévues par la directive 2004/73/CE de la Commission, du 29 avril 2004, portant vingt-neuvième adaptation au progrès technique de la directive 67/548 (JO L 152, p. 1, rectificatif au JO 2004, L 216, p. 3).

17      À cet égard, le considérant 53 du règlement n° 1272/2008 énonce ce qui suit :

« Pour tenir pleinement compte des travaux réalisés et de l’expérience acquise dans le cadre de la directive 67/548[…], notamment pour la classification et l’étiquetage des substances spécifiques listées à l’annexe I de la directive précitée, toutes les classifications harmonisées existantes devraient être converties dans de nouvelles classifications harmonisées utilisant les nouveaux critères. En outre, comme l’application du présent règlement est différée et que les classifications harmonisées conformément aux critères de la directive 67/548[…] sont pertinentes pour la classification des substances et des mélanges au cours de la période transitoire qui s’ensuit, toutes les classifications harmonisées existantes devraient également figurer telles quelles dans une annexe au présent règlement. En soumettant toute harmonisation ultérieure des classifications au présent règlement, les incohérences des classifications harmonisées d’une même substance au titre des critères existants et des nouveaux critères devraient être évitées. »

18      L’article 36 du règlement n° 1272/2008, intitulé « Harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances », prévoit notamment :

« 1. Une substance qui satisfait aux critères visés à l’annexe I pour les dangers suivants fait généralement l’objet d’une classification et d’un étiquetage harmonisés conformément à l’article 37 :

a)      sensibilisation respiratoire, catégorie 1 (annexe I, section 3.4) ;

b)      mutagénicité sur les cellules germinales, catégorie 1 A, 1 B ou 2 (annexe I, section 3.5) ;

c)      cancérogénicité, catégorie 1 A, 1 B ou 2 (annexe I, section 3.6) ;

d)      toxicité pour la reproduction, catégorie 1 A, 1 B ou 2 (annexe I, section 3.7).

[…] »

19      En vertu de l’article 37 du règlement n° 1272/2008, intitulé « Procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances » :

« 1. Une autorité compétente peut soumettre à l’Agence une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés de substances et, le cas échéant, des limites de concentration spécifiques ou des facteurs M, ou une proposition en vue de leur révision.

[…]

2. Les fabricants, importateurs ou utilisateurs en aval d’une substance peuvent soumettre à l’Agence une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés de cette substance et, le cas échéant, des limites de concentration spécifiques ou des facteurs M, à condition qu’aucune entrée ne figure à l’annexe VI, partie 3, pour cette substance pour ce qui concerne la classe de danger ou la différenciation couverte par cette proposition.

[…]

4. Le comité d’évaluation des risques de l’Agence, institué conformément à l’article 76, paragraphe 1, [sous] c), du règlement (CE) n° 1907/2006, adopte un avis sur toute proposition soumise conformément aux paragraphes 1 et 2 dans un délai de dix-huit mois à compter de la réception de la proposition, en donnant aux parties concernées l’occasion de formuler des observations. L’Agence transmet cet avis et toutes les observations à la Commission.

5. Lorsque la Commission estime que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la substance concernée est appropriée, elle soumet à bref délai un projet de décision concernant l’inclusion de cette substance et des éléments de classification et d’étiquetage pertinents dans l’annexe I, partie 3, tableau 3.1, et, le cas échéant, des limites de concentration spécifiques ou des facteurs M.

Une entrée correspondante est incluse à l’annexe VI, partie 3, tableau 3.2, dans les mêmes conditions, jusqu’au 31 mai 2015.

Cette mesure, qui a pour objet de modifier des éléments non essentiels du présent règlement, est arrêtée en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 54, paragraphe 3 […]

6. Les fabricants, importateurs et utilisateurs en aval qui disposent de nouvelles informations susceptibles d’entraîner une modification des éléments de classification et d’étiquetage harmonisés d’une substance à l’annexe VI, partie 3, soumettent une proposition […] à l’autorité compétente de l’un des États membres où la substance est mise sur le marché. »

20      Aux termes de l’article 53 du règlement n° 1272/2008, intitulé « Adaptations au progrès technique et scientifique » :

« 1. La Commission peut ajuster et adapter au progrès technique et scientifique […] les annexes I à VII, y compris en tenant dûment compte des développements apportés au [système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques …] Ces mesures, visant à modifier des éléments non essentiels du présent règlement, sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 54, paragraphe 3 […] »

21      Selon l’article 54 du règlement n° 1272/2008, intitulé « Procédure de comité » :

« 1. La Commission est assistée par le comité institué par l’article 133 du règlement (CE) n° 1907/2006.

[…]

3. Dans le cas où il est fait référence au présent paragraphe, l’article 5 bis, paragraphes 1 à 4, et l’article 7 de la décision 1999/468[…] s’appliquent, dans le respect des dispositions de l’article 8 de celle-ci.

[…] »

22      L’article 5 bis de la décision 1999/468, tel que modifiée par la décision 2006/512/CE du Conseil, du 17 juillet 2006 (JO L 200, p. 11), régit la « procédure de réglementation avec contrôle », dans le cadre de laquelle, en vertu du paragraphe 1 dudit article, « [l]a Commission est assistée par un comité de réglementation avec contrôle composé des représentants des États membres et présidé par le représentant de la Commission ». Selon l’article 5 bis, paragraphe 3, de ladite décision, lorsque les mesures envisagées sont conformes à l’avis du comité, la Commission soumet sans tarder le projet de mesures au Parlement européen et au Conseil pour contrôle et ne peut les arrêter que si, à l’expiration d’un délai de trois mois, ni le Parlement européen ni le Conseil ne se sont opposés audit projet. L’article 5 bis, paragraphe 4, de cette décision prévoit que, lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l’avis du comité, ou en l’absence d’avis, la Commission soumet sans tarder une proposition relative aux mesures à prendre au Conseil et la transmet en même temps au Parlement européen.

 Règlement (CEE) n° 793/93 et règlement (CE) n° 1907/2006

23      Le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil, du 23 mars 1993, concernant l’évaluation et le contrôle des risques présentés par les substances existantes (JO L 84, p. 1), tel que modifié, prévoit, conformément à son quatrième considérant, le partage et la coordination des tâches entre les États membres, la Commission et les industriels en matière d’évaluation des risques présentés par les substances produites, importées et/ou utilisées par lesdits industriels. Ainsi, les articles 3 et 4 dudit règlement prévoient l’obligation pour les fabricants et les importateurs desdites substances de communiquer certaines données pertinentes en fonction du volume de production et d’importation.

24      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 793/93, la Commission dresse des listes de substances nécessitant une évaluation prioritaire des risques. Pour chacune de ces substances, l’autorité compétente d’un État membre est désignée comme rapporteur aux fins de l’évaluation desdits risques pour l’homme et pour l’environnement (article 10, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 793/93).

25      À cet égard, l’article 9, l’article 10, paragraphe 2, et l’article 12 du règlement n° 793/93 prévoient l’obligation pour les fabricants et pour les importateurs de transmettre, le cas échéant, des informations complémentaires ou de procéder à des essais pour obtenir toute donnée manquante nécessaire aux fins de l’évaluation des risques. Dans les conditions prévues à l’article 12, paragraphe 3, dudit règlement, les essais peuvent être effectués par un ou plusieurs fabricants ou importateurs agissant au nom d’autres fabricants ou importateurs concernés. En outre, en vertu de l’article 9, paragraphe 3, du même règlement, les fabricants et les importateurs peuvent demander au rapporteur, justification à l’appui, d’être exemptés de tout ou partie des essais complémentaires, soit parce qu’un élément d’information donné n’est pas nécessaire pour évaluer le risque, soit parce qu’il est impossible à obtenir. Ils peuvent également demander un délai plus long lorsque les circonstances l’exigent.

26      À l’issue de son évaluation des risques, le rapporteur peut, le cas échéant, proposer une stratégie et des mesures pour limiter les risques identifiés (article 10, paragraphe 3, du règlement n° 793/93). Sur le fondement de l’évaluation des risques et de la recommandation de stratégie du rapporteur, la Commission soumet une proposition de résultats de l’évaluation des risques des substances prioritaires ainsi que, si nécessaire, une recommandation de stratégie appropriée pour limiter ces risques aux fins de leur adoption conformément à la procédure de comité visée à l’article 15 du règlement n° 793/93. Sur le fondement de l’évaluation des risques et de la recommandation de stratégie ainsi adoptées, la Commission décide, si nécessaire, de proposer des mesures communautaires dans le cadre de la directive 76/769/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses (JO L 262, p. 201), telle que modifiée, ou dans le cadre d’autres instruments communautaires existants appropriés (article 11, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 793/93).

27      Le règlement n° 793/93 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45 et abrogeant le règlement n° 793/93 et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769 et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1, rectificatif au JO 2007, L 136, p. 3, ci-après le « règlement REACH »).

28      Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le règlement REACH vise, notamment, à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. À cette fin, il prévoit des dispositions relatives aux substances et aux préparations, au sens de son article 3, qui sont applicables à la fabrication, à la mise sur le marché ou à l’utilisation de ces substances, telles quelles ou contenues dans des préparations ou des articles, et à la mise sur le marché des préparations (article 1er, paragraphe 2, du règlement REACH). Ainsi, selon son article 1er, paragraphe 3, le règlement REACH repose sur le principe selon lequel il incombe aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, à mettre sur le marché ou à utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou l’environnement ainsi que sur le principe de précaution.

29      En vertu de la règle « Pas de données, pas de marché », consacrée à l’article 5 du règlement REACH, et des obligations prévues aux articles 6 et 7 de ce règlement, les fabricants et les importateurs, dont la production ou l’importation de la substance en cause dépasse la quantité d’une tonne par an, sont tenus de notifier et de faire enregistrer cette substance auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). À cet effet, conformément aux articles 10 et 13 du règlement REACH, ils doivent constituer un dossier technique détaillé contenant des informations sur la substance en cause, y compris sur sa fabrication, sur ses utilisations, sur ses classifications et sur ses propriétés intrinsèques qui doivent, le cas échéant, être démontrées par des essais appropriés ou par les résultats d’études pertinentes.

 Faits à l’origine du litige

 Requérantes et substances concernées

30      Une des requérantes, Norilsk Nickel, est une société de droit finlandais produisant de l’hydroxycarbonate de nickel ainsi que des produits intermédiaires et finis à base de nickel, tels que les cathodes, les briques et les sels de nickel. Elle est contrôlée par OJSC Mining and Metallurgical Company Norilsk Nickel, une société de droit russe et l’un des principaux producteurs mondiaux de nickel. L’autre requérante, Umicore, est une société de droit belge, important en Belgique des produits dérivés du nickel, y compris de l’hydroxycarbonate de nickel, en provenance des pays tiers.

31      Les classifications contestées visent un groupe de quatre composés associés au carbonate de nickel, à savoir l’hydroxycarbonate de nickel, le carbonate de nickel pur et deux autres composés à base de nickel, qui forment un sel de nickel (ci-après les « carbonates de nickel »). La substance principalement commercialisée est l’hydroxycarbonate de nickel, également connue sous le nom de « carbonate de nickel basique » ou de « carbonate acide de nickel ».

 Procédure concernant l’évaluation des risques présentés par les carbonates de nickel

32      En 2000, la Commission a inclus le carbonate de nickel pur dans la quatrième liste des substances prioritaires en adoptant son règlement (CE) nº 2364/2000, du 25 octobre 2000, concernant la quatrième liste de substances prioritaires, conformément au règlement n° 793/93 du Conseil (JO L 273, p. 5). L’agence pour la protection de l’environnement danoise (Danish Environmental Protection Agency, ci-après la « DEPA ») a été désignée rapporteur pour l’évaluation des risques présentés par cette substance. Après discussion, l’évaluation des risques sur le carbonate de nickel pur a été étendue à quatre composés appartenant au groupe des carbonates de nickel. À cette époque, les principaux producteurs de carbonates de nickel en Europe étaient, d’une part, OMG Harjavalta (ci-après « OMG »), dont l’activité dans le secteur du nickel a été entre-temps rachetée par l’une des requérantes, Norilsk Nickel, d’autre part, la Pharmacie centrale de France SA (ci-après la « PCF ») et, enfin, Königswarter & Ebell GmbH (ci-après « Königswarter »). Par ailleurs, l’autre requérante, Umicore, importait des carbonates de nickel en Belgique. OMG avait été chargée des communications avec la DEPA au nom des autres sociétés aux fins de l’évaluation des risques des carbonates de nickel en vertu des dispositions pertinentes du règlement n° 793/93.

33      Le 20 novembre 2002, OMG a informé la DEPA de l’absence de données toxicologiques sur l’homme en ce qui concerne l’hydroxycarbonate de nickel et de son intention de demander une dérogation au titre de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 793/93 (voir point 25 ci-dessus).

34      Par acte déposé auprès de la DEPA le 27 mai 2003, OMG, la PCF, Königswarter et Umicore ont introduit, sur le fondement de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 793/93, une demande visant à être exemptées de l’obligation de procéder à certains essais et de celle de communiquer des données sur la toxicité de l’hydroxycarbonate de nickel pour la santé humaine et pour l’environnement (ci-après la « déclaration de dérogation »).

 Procédure ayant abouti aux classifications contestées

35      Le 16 avril 2004, la DEPA a soumis au Bureau européen des substances chimiques (ci-après l’« ECB »), un organe de la Commission qui avait son siège à Ispra (Italie) et qui a été remplacé par l’ECHA, ainsi qu’au comité technique pour la classification et l’étiquetage des substances dangereuses (ci-après le « CTCE »), une proposition formelle de révision de la classification des carbonates de nickel au titre de la directive 67/548.

36      Dans le cadre d’une réunion des 20 et 21 avril 2004, le groupe de travail d’experts spécialisés en matière de cancérogénicité, de mutagénicité et de toxicité pour la reproduction a débattu de la classification proposée en ce qu’elle visait les risques de cancérogénicité et de mutagénicité.

37      Le CTCE a discuté de la proposition de classification au cours de ses réunions du 12 au 14 mai 2004 et du 21 au 24 septembre 2004. Lors de sa réunion du 21 au 24 septembre 2004, il a été décidé de recommander la proposition de classification révisée des carbonates de nickel et de l’inclure dans le projet de proposition de la directive portant trentième adaptation au progrès technique de la directive 67/548 devant être transmis à la Commission.

38      En novembre 2005, la DEPA a réitéré la proposition de classification révisée des carbonates de nickel au titre de la directive 67/548, d’une part, dans un projet de rapport sur l’évaluation des risques présentés par les carbonates de nickel et, d’autre part, dans un projet de rapport sur l’évaluation des risques présentés par le nickel et par les composés de nickel, qui énonce, notamment, que le classement des carbonates de nickel dans la catégorie 3 des substances mutagènes (phrase R 68) était « justifié par la déclaration de dérogation ».

39      Sur le fondement de la recommandation du CTCE de septembre 2004, le comité au sens de l’article 29 de la directive 67/548, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 1, de la décision 1999/468 et avec le point 1 de l’annexe III du règlement n° 807/2003 (voir point 14 ci-dessus), s’est prononcé, lors de sa réunion du 16 février 2007, en faveur de la proposition de la directive portant trentième adaptation au progrès technique de la directive 67/548, qui a repris la proposition de classification révisée des carbonates de nickel.

40      En mars 2007, ce projet de proposition a été notifié au comité des obstacles techniques au commerce de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (ci-après le « comité OTC »). Le 7 novembre 2007, la Commission a répondu par écrit aux observations formulées par les pays tiers. À la suite du débat qui s’est tenu lors de la réunion du comité OTC, le 9 novembre 2007, la Commission a décidé de reporter l’adoption de la directive attaquée afin que d’autres observations écrites puissent lui être soumises et que le projet de proposition fasse l’objet d’un second examen au sein du comité OTC. Le 12 mars 2008, la Commission a répondu par écrit à une deuxième série d’observations écrites et le projet de proposition a été réexaminé lors de la réunion du comité OTC du 19 mars 2008.

41      Le 21 août 2008, la Commission a adopté la directive attaquée et, en particulier, la proposition de classification révisée des carbonates de nickel conformément à la procédure prévue aux articles 28 et 29 de la directive 67/548, lus conjointement avec l’article 5 de la décision 1999/468 et le point 1 de l’annexe III du règlement n° 807/2003 (voir point 14 ci-dessus).

42      Les classifications contestées, telles qu’elles figurent à l’annexe 1 F de la directive attaquée, se présentent, en substance, comme suit :


« Numéro index

Substance chimique

Classification

Étiquetage

[…]

[…]

[…]

[…]

028-010-00-0

carbonate de nickel ;
carbonate de nickel basique
acide carbonique ; sel de nickel (2+) ; […]
acide carbonique ; sel de nickel ; […]
[μ-[carbonato(2-)-O:O’]] dihydroxytrinickel ; […]
[carbonato(2-)] tétrahydroxytrinickel ; […]

Carc. Cat. 1 ; R 49
Muta. Cat. 3 ; R 68
Repr. Cat. 2 ; R 61
T ; R 48/23
Xn ; R 20/22
Xi ; R 38
R 42/43
N ; R 50-53

T ; N
R : 49-61-20/22-38-
42/43-48/23-68-50/53
S : 53-45-60-61

[…]

[…]

[…]

[…] »


43      Le 10 août 2009, la Commission a adopté le règlement attaqué, notamment sur le fondement de l’article 53 du règlement n° 1272/2008.

44      Par le règlement attaqué, les classifications contestées ont été insérées à l’annexe VI du règlement n° 1272/2008 avec effet au 25 septembre 2009.

45      Aux considérants 1 à 3 du règlement attaqué, il est énoncé ce qui suit :

« 1. L’annexe VI, partie 3, du règlement […] n° 1272/2008 contient deux listes de substances dangereuses faisant l’objet d’une classification et d’un étiquetage harmonisés. Le tableau 3.1 énumère les substances dangereuses faisant l’objet d’une classification et d’un étiquetage harmonisés fondés sur les critères définis à l’annexe I, parties 2 à 5, du règlement […] n° 1272/2008. Le tableau 3.2 établit la liste des substances dangereuses faisant l’objet d’une classification et d’un étiquetage harmonisés fondés sur les critères définis à l’annexe VI de la directive 67/548[…] Il convient de modifier ces deux listes afin de mettre à jour la classification des substances dangereuses qui y figurent déjà et d’y inclure de nouvelles classifications harmonisées. Il est également nécessaire de supprimer les entrées correspondant à certaines substances.

2. Il est nécessaire de modifier l’annexe VI du règlement […] n° 1272/2008 afin de tenir compte des modifications récemment apportées à l’annexe I de la directive 67/548[…] par la directive [attaquée …] et par la directive 2009/2/CE du 15 janvier 2009 de la Commission portant trente et unième adaptation au progrès technique de la directive 67/548[…] Ces mesures constituent des adaptations au progrès technique et scientifique au sens de l’article 53 du règlement […] n° 1272/2008.

3. Le considérant 53 du règlement […] n° 1272/2008 souligne qu’il convient de tenir pleinement compte des travaux réalisés et de l’expérience acquise dans le cadre de la directive 67/548[…], notamment pour la classification et l’étiquetage des substances spécifiques listées à l’annexe I de ladite directive. »

46      L’article 1er du règlement attaqué dispose notamment :

« La partie 3 de l’annexe VI du règlement […] n° 1272/2008 est modifiée comme suit :

Le tableau 3.1 est modifié comme suit :

a)      les entrées correspondant aux entrées de l’annexe I sont remplacées par les entrées figurant dans cette annexe ;

b)      les entrées de l’annexe II sont insérées conformément à l’ordre des entrées figurant dans le tableau 3.1 ;

[…]

Le tableau 3.2 est modifié comme suit :

a)      les entrées correspondant aux entrées de l’annexe IV sont remplacées par les entrées figurant dans cette annexe ;

b)      les entrées de l’annexe V sont insérées conformément à l’ordre des entrées figurant dans le tableau 3.2 ;

[…] »

47      Selon l’article 2 du règlement attaqué :

« 1. Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

2. L’article 1er s’applique à compter du 1er décembre 2010.

3. Les classifications harmonisées de l’annexe VI, partie 3, du règlement […] n° 1272/2008 tel que modifié par le présent règlement peuvent être appliquées avant le 1er décembre 2010. »

48      Les classifications contestées, telles qu’elles sont reprises aux annexes I et IV du règlement attaqué, se présentent, en substance, comme suit :





« Annexe I

Numéro index

Identification chimique internationale

Classification

Étiquetage

  

Code(s) des classes et catégories de danger

Code(s) des mentions de danger

Code(s) des pictogrammes, mentions d’avertissement

Code(s) des mentions de danger

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

028-010-00-0

carbonate de nickel ;
carbonate de nickel basique ;
acide carbonique ; sel de nickel (2+) ; […]
acide carbonique ; sel de nickel ; […]
[μ-[carbonato(2-)-O:O’]] dihydroxytrinickel ; […]
[carbonato(2-)] tétrahydroxytrinickel; […]

Carc. 1A
Muta. 2
Repr. 1B
STOT RE 1
Acute Tox. 4 *
Acute Tox. 4 *
Skin Irrit. 2
Resp. Sens. 1
Skin Sens. 1
Aquatic Acute 1
Aquatic Chronic 1

H350i
H341
H360D***
H372**
H332
H302
H315
H334
H317
H400
H410

GHS08
GHS07
GHS09
Dgr

H350i
H341
H360D***
H372**
H332
H302
H315
H334
H317
H410

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…] »


« Annexe IV

Numéro index

Identification chimique internationale

Classification

Étiquetage

[…]

[…]

[…]

[…]

028-010-00-0

carbonate de nickel ; carbonate de nickel basique
acide carbonique ; sel de nickel (2+) ; […]
acide carbonique ; sel de nickel ; […]
[μ-[carbonato(2-)-O:O’]] dihydroxytrinickel ; […]
[carbonato(2-)] tétrahydroxytrinickel ; […]

Carc. Cat. 1 ; R49
Muta. Cat. 3 ; R68
Repr. Cat. 2 ; R61
T ; R48/23
Xn ; R20/22
Xi ; R38
R42/43
N ; R50-53

T ; N
R : 49-61-20/22-38-
42/43-48/23-68-50/53
S : 53-45-60-61

[…]

[…]

[…]

[…] »


 Procédure et conclusions des parties

49      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

50      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2008, Nickel Institute, une association représentant, aux niveaux européen et mondial, les intérêts de 24 producteurs de nickel, a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions des requérantes. Par ordonnance du 1er avril 2009, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

51      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 mars 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal et a présenté une demande de non-lieu à statuer au titre de l’article 113 du même règlement. Les requérantes ont déposé leurs observations sur cette exception et sur cette demande le 29 avril 2009. Nickel Institute a déposé un mémoire en intervention limité à la question de la recevabilité le 13 mai 2009.

52      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 avril 2009, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 17 juin 2009, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

53      Dans la requête introductive d’instance et dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérantes, soutenues par Nickel Institute, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité et déclarer le recours recevable ;

–        annuler l’entrée du tableau de l’annexe 1 F de la directive attaquée correspondant aux classifications contestées (numéro d’index 028-010-00-0) ;

–        annuler la « décision » de la Commission de fonder les classifications contestées sur la déclaration de dérogation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

54      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours au motif qu’il est devenu sans objet ;

–        à titre subsidiaire, déclarer le recours manifestement irrecevable ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

55      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 3 novembre 2009, les requérantes ont demandé, en réponse à une question écrite du Tribunal, à ce qu’elles soient autorisées à adapter leurs conclusions et moyens d’annulation afin que ceux-ci visent également les classifications contestées, telles qu’elles sont reprises dans le règlement attaqué.

56      Dans leur demande d’adaptation des conclusions et des moyens d’annulation, les requérantes, soutenues par Nickel Institute, concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        faire droit à leur demande d’adaptation des conclusions et des moyens d’annulation afin que ceux-ci visent également les entrées des tableaux des annexes I et IV du règlement attaqué correspondant aux classifications contestées (numéro d’index 028-010-00-0) ;

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

57      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 novembre 2009, la Commission a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à l’adaptation des conclusions et des moyens d’annulation, tout en précisant que cela présupposait que la demande d’adaptation soit intervenue avant l’expiration du délai de recours ouvert contre le règlement attaqué.

58      Par lettre du 19 novembre 2009, le président de la troisième chambre du Tribunal a informé les requérantes de sa décision de les autoriser à adapter leurs conclusions et leurs moyens d’annulation.

59      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 décembre 2009, les requérantes, soutenues par Nickel Institute, ont fait valoir, en réponse à une question écrite du Tribunal, que leur recours était, en tout état de cause, recevable du fait de l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Par acte déposé à la même date, la Commission a contesté cette prise de position.

60      En application de l’article 14 du règlement de procédure et sur proposition du président du Tribunal, le Tribunal a décidé le 14 janvier 2010, les parties entendues conformément à l’article 51 dudit règlement, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie (grande chambre) aux fins de statuer sur l’exception d’irrecevabilité.

 En droit

61      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

62      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer, sans ouvrir la procédure orale, par voie d’ordonnance motivée.

 Sur l’applicabilité de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

 Arguments des parties

63      La Commission estime que l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE n’est pas applicable au cas d’espèce.

64      Il ressortirait d’une jurisprudence constante que la recevabilité d’un recours doit être appréciée au regard de la situation au moment où la requête est déposée. En outre, l’application de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE aux recours formés avant le 1er décembre 2009 aurait des conséquences arbitraires selon que le Tribunal statue avant ou après cette date.

65      La Commission en conclut que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne s’applique qu’aux recours formés après le 30 novembre 2009. En l’espèce, le recours initial ayant été formé le 5 décembre 2008 et la demande d’adaptation des conclusions et des moyens d’annulation ayant été présentée avant le 1er décembre 2009, l’article 263 TFUE n’aurait pas d’incidence sur la présente procédure.

66      Les requérantes, soutenues par Nickel Institute, considèrent que les conditions de recevabilité de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE s’appliquent à tous les litiges pendants devant le Tribunal à la date de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009.

 Appréciation du Tribunal

67      Il y a tout d’abord lieu d’observer que, s’agissant du règlement attaqué, le délai de recours, au titre de l’article 230, cinquième alinéa, CE a expiré le 30 novembre 2009, c’est-à-dire sous l’empire du traité CE, et que les requérantes ont soumis leur demande d’adaptation de leurs conclusions et des moyens d’annulation avant cette date. À la date d’entrée en vigueur de l’article 263 TFUE, le 1er décembre 2009, toute demande d’annulation éventuelle introduite à l’encontre du règlement attaqué aurait donc, en tout état de cause, été irrecevable pour méconnaissance du délai de recours prévu à son sixième alinéa, qui reprend les termes du cinquième alinéa de l’article 230 CE. Ces considérations s’appliquent à plus forte raison, mutatis mutandis, à la demande d’annulation de la directive attaquée et à celle de la prétendue « décision » de fonder les classifications contestées sur la déclaration de dérogation, introduites le 5 décembre 2008.

68      Les positions des parties divergent en ce qui concerne la question de savoir si l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en particulier son dernier membre de phrase, s’applique au cas d’espèce ratione temporis. En particulier, les requérantes, soutenues par Nickel Institute, considèrent que les conditions de recevabilité modifiées qui y sont prévues concernant les actes réglementaires sont d’application immédiate et, partant, rendent leur demande d’annulation partielle des actes attaqués recevable, sans qu’elles doivent démontrer leur affectation individuelle par les classifications contestées. En revanche, la Commission considère que cette disposition ne s’applique pas à la présente procédure, la recevabilité des recours devant être appréciée au regard des conditions de recevabilité en vigueur au moment du dépôt de la requête.

69      À cet égard, il y a lieu de constater que le traité FUE ne prévoit aucune disposition transitoire spécifique régissant la question de savoir si l’article 263, quatrième alinéa, TFUE trouve application à des procédures juridictionnelles en cours à la date du 1er décembre 2009.

70      S’agissant spécifiquement de la question de l’applicabilité dans le temps des règles qui fixent les conditions de recevabilité d’un recours en annulation formé par un particulier devant le juge de l’Union, il ressort d’une jurisprudence établie que, d’une part, conformément à l’adage tempus regit actum (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1971, Henck, 12/71, Rec. p. 743, point 5), la question de la recevabilité d’un recours doit être tranchée sur la base des règles en vigueur à la date à laquelle il a été introduit (arrêt de la Cour du 8 mai 1973, Campogrande/Commission, 60/72, Rec. p. 489, point 4 ; voir également, en ce sens et par analogie, ordonnance du président de la Cour du 22 février 2008, Kozlowski, C‑66/08, non publiée au Recueil, point 7), et, d’autre part, les conditions de recevabilité du recours s’apprécient au moment de l’introduction du recours, à savoir du dépôt de la requête (arrêt de la Cour du 18 avril 2002, Espagne/Conseil, C‑61/96, C‑132/97, C‑45/98, C‑27/99, C‑81/00 et C‑22/01, Rec. p. I‑3439, point 23 ; arrêts du Tribunal du 21 mars 2002, Shaw et Falla/Commission, T‑131/99, Rec. p. II‑2023, point 29, et du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, Rec. p. II‑1753, point 37), dont une régularisation n’est possible que lorsqu’elle intervient avant l’expiration du délai de recours (arrêt de la Cour du 27 novembre 1984, Bensider e.a./Commission, 50/84, Rec. p. 3991, point 8).

71      La solution contraire entraînerait d’ailleurs un risque d’arbitraire dans l’administration de la justice, puisque la recevabilité du recours dépendrait alors de la date, par ailleurs aléatoire, du prononcé de la décision du Tribunal mettant fin à l’instance (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 12 novembre 1981, Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 14).

72      En l’espèce, au moment de l’introduction du recours, à savoir du dépôt tant de la requête introductive d’instance que de la demande d’adaptation des conclusions et des moyens d’annulation, les conditions de recevabilité de celui-ci étaient régies par l’article 230 CE. Dès lors, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 70 ci-dessus, la question de la recevabilité du présent recours doit être tranchée sur le fondement dudit article. Par ailleurs, à supposer même que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en particulier son dernier membre de phrase, aurait pu, en l’espèce, conférer aux requérantes une qualité pour agir leur faisant défaut au regard de l’article 230, quatrième alinéa, CE, celle-ci ne pourrait être prise en compte aux fins de l’appréciation de la recevabilité du présent recours, étant donné que le délai de recours, au sens tant de l’article 230, cinquième alinéa, CE que de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, avait déjà expiré le 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur de l’article 263 TFUE.

73      Cette appréciation n’est pas infirmée par la thèse selon laquelle l’article 263 TFUE ferait partie des règles de procédure s’agissant desquelles la jurisprudence a reconnu que, à la différence des règles de fond ou de droit matériel, elles sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur (arrêts de la Cour Salumi e.a., point 71 supra, point 9 ; du 9 mars 2006, Beemsterboer Coldstore Services, C‑293/04, Rec. p. I‑2263, point 19, et du 28 juin 2007, Dell’Orto, C‑467/05, Rec. p. I‑5557, point 48). En effet, même à considérer que les questions de compétence juridictionnelle relèvent du domaine des règles de procédure (voir, en ce sens, arrêt Dell’Orto, précité, point 49), force est de constater que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 70 et 71 ci-dessus, aux fins de déterminer les dispositions applicables au regard desquelles la recevabilité d’un recours en annulation formé contre un acte de l’Union doit être appréciée, il y a lieu de faire application de l’adage tempus regit actum.

74      Il s’ensuit que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’est pas applicable au présent recours.

75      Il y a dès lors lieu d’examiner la recevabilité du présent recours au regard de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

 Sur la recevabilité du présent recours

 Arguments des parties

76      À l’appui de l’exception d’irrecevabilité et de la demande de non-lieu à statuer au titre des articles 113 et 114 du règlement de procédure, la Commission soutient que l’annexe I de la directive 67/548, y compris les classifications contestées, telles qu’elles ont été introduites par la directive attaquée, a été abrogée, le 20 janvier 2009, par l’article 55, paragraphe 11, du règlement n° 1272/2008, avec pour conséquence automatique que la directive attaquée modifiant cette annexe a été abrogée à la même date et ne produit plus d’effet juridique. Ainsi, la demande d’annulation partielle de la directive attaquée serait devenue sans objet au sens de l’article 113 du règlement de procédure.

77      À supposer même que tel ne soit pas le cas, la Commission estime que les classifications contestées, prévues par les actes attaqués, ne concernent les requérantes ni directement ni individuellement au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

78      Enfin, la demande d’annulation de la prétendue « décision » de la Commission de fonder les classifications contestées sur la déclaration de dérogation serait manifestement irrecevable, une telle « décision » étant inexistante. Même à considérer qu’elle existe, cette « décision » ferait partie intégrante de la directive attaquée et de la procédure ayant abouti à son adoption, dans le cadre de laquelle la Commission aurait procédé à sa propre évaluation des risques.

79      Les requérantes, soutenues par Nickel Institute, estiment être directement et individuellement concernées, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par les classifications contestées, prévues par les actes attaqués.

80      S’agissant du critère de l’affectation individuelle, les requérantes avancent que, malgré leur portée générale, les classifications contestées les concernent individuellement en raison d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne.

81      En premier lieu, à l’instar des deux autres sociétés ayant signé la déclaration de dérogation, les requérantes auraient été clairement identifiables au moment de l’adoption des actes attaqués et auraient ainsi constitué un cercle restreint d’opérateurs au sens de la jurisprudence. Cela tiendrait au fait que les requérantes avaient participé à l’évaluation des risques présentés par les carbonates de nickel sur laquelle les classifications contestées ont été fondées. Plus particulièrement, cette individualisation découlerait de l’accord des quatre sociétés signataires sur la déclaration de dérogation que la Commission a utilisée à cet effet.

82      En deuxième lieu, dans le cadre de la procédure d’évaluation des risques, en tant que producteurs et importateurs des substances concernées, les requérantes disposeraient de garanties procédurales spécifiques, à savoir celles conférées par l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 793/93. Conformément à l’article 9, paragraphe 1, et à l’article 12 dudit règlement, les requérantes auraient été tenues de participer à cette procédure au motif qu’elles avaient précédemment déclaré avoir produit et importé des carbonates de nickel. Il serait reconnu qu’une personne est individuellement concernée par un acte lorsqu’elle est intervenue dans le processus ayant mené à son adoption et lorsque la réglementation applicable lui accorde certaines garanties de procédure. En vertu de ces garanties procédurales, les requérantes auraient eu droit à ce que le rapporteur les consulte avant qu’il ne décide si des informations ou des essais étaient nécessaires aux fins de l’évaluation des risques des carbonates de nickel.

83      Selon les requérantes, ces garanties procédurales s’appliquaient non seulement à la procédure d’évaluation des risques, mais aussi de facto à la procédure ayant abouti à l’adoption de la directive attaquée, étant donné que les classifications contestées reposaient sur ladite évaluation des risques et, en particulier, sur la déclaration de dérogation. Aux termes de l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 793/93 (voir point 26 ci-dessus), la Commission serait tenue de consulter le rapporteur avant toute décision d’introduire des mesures destinées à gérer les risques décelés, ce qui peut comprendre une proposition de modifier la classification. De son côté, le rapporteur devrait consulter les opérateurs concernés en vertu de l’article 10, paragraphe 1, dudit règlement. Par conséquent, les garanties procédurales des requérantes dans le cadre de la procédure d’évaluation des risques feraient partie intégrante du processus décisionnel aboutissant à une décision de classification, telle que celle dont procède la directive attaquée, ce qui aurait pour effet de les individualiser au regard des actes attaqués. Les requérantes précisent qu’elles n’invoquent pas de garanties procédurales spécifiques au titre de la directive 67/548, de sorte que la référence de la Commission à l’ordonnance du Tribunal du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission (T‑369/03, Rec. p. II‑5839, point 76), serait dépourvue de pertinence. De plus, du fait de leur implication étroite dans la procédure d’évaluation des risques, sur le fondement de l’article 10, paragraphe 1, et de l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 793/93, elles se trouveraient dans une situation très différente de celle des requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à cette ordonnance.

84      En troisième lieu, les requérantes seraient individuellement concernées par les classifications contestées en ce que, dans le cadre de l’adoption de ces dernières, la Commission aurait violé leurs droits procéduraux visant à leur garantir que les informations soumises par elles ne seraient pas utilisées à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été fournies. La déclaration de dérogation aurait été établie dans le cadre spécifique de l’évaluation des risques présentés par les carbonates de nickel au titre du règlement n° 793/93 et non aux fins de leur classification en tant que substances dangereuses. En particulier, dans ladite déclaration, les requérantes n’auraient pas reconnu l’existence de raisons scientifiques justifiant l’application du « scénario le plus défavorable » au sulfate de nickel. De ce fait, la Commission aurait été tenue de consulter ou du moins d’entendre les requérantes avant d’utiliser la déclaration de dérogation à des fins autres que celles pour lesquelles elle avait été établie.

85      En quatrième lieu, les actes attaqués affecteraient la position de Norilsk Nickel en sa qualité de représentante de l’industrie des carbonates de nickel au cours des discussions avec le rapporteur, la DEPA, et avec la Commission. En effet, OMG, le prédécesseur de Norilsk Nickel, en tant que producteur le plus important, aurait été désigné comme société devant représenter l’industrie des carbonates de nickel au cours des négociations avec notamment la DEPA et l’ECB dans le cadre de l’évaluation des risques au titre du règlement n° 793/93, en soumettant des observations écrites, y compris la déclaration de dérogation, et en maintenant des contacts étroits avec ces instances. Il s’ensuivrait que Norilsk Nickel est individuellement concernée par les actes attaqués, également en sa qualité de représentante de l’industrie des carbonates de nickel ainsi que d’interlocutrice de la DEPA et de la Commission. Les requérantes, soutenues par Nickel Institute, contestent l’argument de la Commission selon lequel Norilsk Nickel ne peut se prévaloir des arrêts de la Cour du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, points 20 à 24), et du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C‑313/90, Rec. p. I‑1125, points 29 et 30), au motif qu’elle n’est pas une association professionnelle, cette jurisprudence ayant souligné le rôle de négociateur de l’organisme impliqué plutôt que sa forme juridique. À cet égard, Nickel Institute ajoute qu’elle n’aurait pas pu représenter l’industrie dans le cadre de l’évaluation du risque des carbonates de nickel, étant donné que le règlement n° 793/93 exige que ce soient les fabricants et les importateurs des substances concernées qui y prennent part.

86      En cinquième lieu, les requérantes seraient individuellement concernées par les classifications contestées en raison de leur participation intense à la procédure d’évaluation des risques présentés par les carbonates de nickel qui a directement abouti, dans le cadre desdits actes, aux classifications contestées. À cet égard, ces classifications seraient comparables aux mesures d’exécution en matière de concurrence, de dumping ou d’aides d’État, qui sont susceptibles d’être contestées par un opérateur ayant activement participé à la procédure aboutissant à leur adoption. À l’instar de ces mesures, la classification d’une substance au titre de la directive 67/548 ne dépendrait pas d’une décision exclusivement politique pour l’adoption de laquelle les institutions jouissent d’une large marge d’appréciation, mais devrait être déterminée, dans une large mesure, sur le fondement de considérations définies et objectives, notamment au regard des critères et des données scientifiques détaillés prévus à l’annexe VI de ladite directive. En outre, en l’espèce, les requérantes se trouveraient dans une situation analogue à celle d’un producteur ayant participé à l’enquête conduisant à l’adoption d’un règlement antidumping, en ce qu’elles ont activement participé à la procédure ayant abouti aux classifications contestées, fondées en particulier sur la déclaration de dérogation.

87      Enfin, les requérantes relèvent que les considérations figurant aux points 80 à 86 ci-dessus s’appliquent mutatis mutandis aux classifications contestées, telles qu’elles sont reprises dans le règlement attaqué, étant donné qu’elles sont le résultat d’un « transfert mécanique » et à l’identique de celles prévues par la directive attaquée.

88      S’agissant de la demande d’annulation de la « décision » de fonder les classifications contestées sur la déclaration de dérogation, les requérantes, soutenues par Nickel Institute, font valoir que c’est la substance de l’acte et non sa forme qui permet de déterminer s’il produit des effets juridiques susceptibles de faire l’objet d’un recours. Or, il serait évident que, à un moment donné, la Commission a décidé de classer les carbonates de nickel sur le seul fondement de la déclaration de dérogation. En effet, à l’appui des classifications contestées, la Commission n’aurait présenté aucune donnée ou preuve relative à sa propre évaluation des risques liés aux propriétés intrinsèques des carbonates de nickel, le seul élément pertinent à cet égard, à savoir l’étude sur la toxicité orale aiguë, ayant déjà été utilisé aux fins de la précédente classification du carbonate de nickel pur.

89      Par ailleurs, en utilisant la déclaration de dérogation à ces fins, la Commission aurait enfreint le principe de la protection de la confiance légitime. Les requérantes auraient pu en effet légitimement s’attendre à ce que les renseignements qu’elles avaient fournis en vertu du règlement n° 793/93 ne seraient pas utilisés pour des classifications plus défavorables au titre de la directive 67/548 et que, afin de classer les carbonates de nickel, la Commission effectue sa propre évaluation scientifique des dangers des propriétés intrinsèques de ces substances conformément à l’article 4 et à l’annexe VI de ladite directive.

90      Enfin, selon les requérantes, la « décision » contestée ne fait pas uniquement partie intégrante de la directive attaquée, mais produit des effets juridiques autonomes. Ainsi, il serait possible que des tiers, tels les utilisateurs des carbonates de nickel, tentent de tenir les requérantes pour responsables des incidences négatives de la déclaration de dérogation, y compris de celles sur des classifications ultérieures d’autres composés de nickel peu solubles.

91      À cet égard, Nickel Institute précise, en substance, que la déclaration de dérogation a eu, et continue à avoir, des conséquences sérieuses pour ses entreprises membres, en ce que son utilisation affecte bien d’autres substances de nickel produites, importées et utilisées par elles. Ainsi, notamment grâce à cette déclaration et aux classifications contestées, dans la directive 2009/2/CE de la Commission, du 15 janvier 2009, portant trente et unième adaptation au progrès technique de la directive 67/548 (JO L 11, p. 6), l’hydroxycarbonate de nickel, le dihydroxide de nickel et seize autres substances dérivées du nickel faiblement solubles auraient été classés comme des substances « cancérigènes humaines établies », sans qu’il y ait eu une évaluation indépendante de leurs propriétés intrinsèques ou de leur aptitude à provoquer un cancer ou d’autres effets pertinents de ces substances sur la santé humaine.

92      Enfin, les requérantes, soutenues par Nickel Institute, contestent le fait que leur recours soit devenu sans objet en raison de l’abrogation de l’annexe I de la directive 67/548 par l’article 55, paragraphe 11, du règlement n° 1272/2008.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la recevabilité de la demande d’annulation de la prétendue « décision » de fonder les classifications contestées sur la déclaration de dérogation

93      S’agissant de la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la prétendue « décision » de fonder les classifications contestées sur la déclaration de dérogation, il suffit de constater que, ainsi que le fait valoir la Commission, même à supposer qu’une telle « décision » existe, elle constituerait une étape intermédiaire ou un acte préparatoire dans le cadre de la procédure d’adaptation de la directive 67/548 au progrès technique ayant abouti à ces classifications. Or, un tel acte ne serait pas, en tant que tel, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 230 CE, dès lors qu’il ne produirait pas des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérantes, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 17 mars 2009, Ayyanarsamy/Commission et Allemagne, C‑251/08 P, non publiée au Recueil, point 14, et la jurisprudence qui y est citée ; ordonnance du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, point 83 supra, points 55 et suivants).

94      En effet, les éventuelles illégalités entachant un tel acte préparatoire doivent être invoquées à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte définitif dont il constitue un stade d’élaboration (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 12). Dès lors, la légalité de cette « décision » n’est susceptible d’être remise en cause que de façon incidente, à l’appui d’un recours dirigé contre les actes ayant mis fin à la procédure (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juin 2009, Krcova/Cour de justice, T‑498/07 P, non encore publié au Recueil, points 55 et 56), à savoir, en l’occurrence, les actes attaqués.

95      Il y a dès lors lieu d’examiner si les requérantes sont individuellement concernées, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par les classifications contestées, figurant dans les actes attaqués.

–       Sur la recevabilité de la demande d’annulation partielle des actes attaqués

96      Les actes attaqués, y compris les classifications contestées, ont une portée générale en ce qu’ils s’appliquent à des situations déterminées objectivement et produisent des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir à l’égard de toute personne physique ou morale produisant et/ou commercialisant les substances concernées. Toutefois, le fait qu’un acte a, par sa nature et par sa portée, un caractère général en ce qu’il s’applique à la généralité des opérateurs économiques intéressés n’exclut pas qu’il puisse concerner individuellement certains d’entre eux (arrêt de la Cour du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, Rec. p. I‑2903, point 29 ; ordonnances du Tribunal du 10 septembre 2002, Japan Tobacco et JT International/Parlement et Conseil, T‑223/01, Rec. p. II‑3259, point 29, et du 30 avril 2003, Villiger Söhne/Conseil, T‑154/02, Rec. p. II‑1921, point 40 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, point 19).

97      À cet égard, il convient de rappeler qu’un sujet autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concerné individuellement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, que si cet acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et ordonnance de la Cour du 26 novembre 2009, Região autónoma dos Açores/Conseil, C‑444/08 P, non encore publiée au Recueil, point 36).

98      Par ailleurs, lorsqu’une décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (arrêts de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 60 ; du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, Rec. p. I‑1451, point 71, et Sahlstedt e.a./Commission, point 96 supra, point 30).

99      Toutefois, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droits auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure lorsqu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (arrêt Sahlstedt e.a./Commission, point 96 supra, point 31 ; ordonnance de la Cour du 8 avril 2008, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑503/07 P, Rec. p. I‑2217, point 70).

100    C’est au regard de ces principes qu’il y a lieu d’examiner la recevabilité de la demande d’annulation des actes attaqués.

101    Au soutien de leur thèse selon laquelle elles sont individuellement concernées par les classifications contestées, les requérantes avancent, en substance, que, premièrement, elles constituent, avec deux autres sociétés commercialisant des carbonates de nickel, un cercle restreint d’opérateurs ayant soumis conjointement, sur le fondement d’un accord commun, lors de la procédure d’évaluation des risques au titre du règlement n° 793/93, la déclaration de dérogation, dont la Commission aurait illégalement utilisé le contenu aux fins des classifications contestées. Deuxièmement, les requérantes disposeraient de garanties procédurales spécifiques au titre dudit règlement s’appliquant de facto à la procédure ayant abouti à l’adoption de la directive attaquée. Troisièmement, la Commission aurait violé les droits procéduraux des requérantes, en particulier leur droit à être entendues, en omettant de les consulter avant d’utiliser la déclaration de dérogation à d’autres fins que celles pour lesquelles elle avait été établie. Quatrièmement, Norilsk Nickel serait individualisée en sa qualité de représentante de l’industrie des carbonates de nickel dans le cadre des négociations avec la DEPA et avec l’ECB portant sur l’évaluation des risques de ces substances au titre du règlement n° 793/93. Cinquièmement, les requérantes seraient individuellement concernées par les classifications contestées en raison de leur participation intense à cette procédure d’évaluation des risques qui aurait directement abouti à ces classifications.

102    En premier lieu, il convient d’examiner si les requérantes disposaient de droits procéduraux expressément garantis dans le cadre de la procédure ayant abouti aux classifications contestées, qui étaient susceptibles de les individualiser comme des destinataires, cette question se trouvant au centre de leur argumentation.

103    À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’abord, que le fait pour une personne d’intervenir dans le processus d’adoption d’un acte de l’Union n’est de nature à l’individualiser par rapport à l’acte en cause que dans le cas où des garanties de procédure ont été prévues au profit de cette personne par la réglementation de l’Union. Ainsi, dès lors qu’une disposition de droit de l’Union impose, pour adopter une décision, de suivre une procédure dans le cadre de laquelle une personne physique ou morale peut revendiquer d’éventuels droits, dont celui d’être entendue, la position juridique particulière dont bénéficie celle-ci a pour effet de l’individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE (voir ordonnance de la Cour du 17 février 2009, Galileo Lebensmittel/Commission, C‑483/07 P, Rec. p. I‑959, point 53, et la jurisprudence qui y est citée).

104    Il y a lieu de préciser, ensuite, qu’une telle individualisation n’est toutefois reconnue que dans la mesure où les garanties procédurales invoquées sont celles prévues par la réglementation applicable (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, point 47 ; ordonnances de la Cour du 8 décembre 2006, Polyelectrolyte Producers Group/Commission et Conseil, C‑368/05 P, non publiée au Recueil, point 58, et Galileo Lebensmittel/Commission, point 103 supra, points 46 et 54 ; arrêts du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 101, et Alpharma/Conseil, T‑70/99, Rec. p. II‑3495, point 93). Il ressort ainsi de la jurisprudence que la participation active du requérant à une procédure, surtout lorsqu’elle est destinée à l’adoption d’actes de portée générale, n’est susceptible de l’individualiser que dans la mesure où cette participation repose sur de telles garanties procédurales (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 30 janvier 2001, La Conqueste/Commission, T‑215/00, Rec. p. II‑181, points 42 et 43, et la jurisprudence qui y est citée, et du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, point 83 supra, point 73).

105    Force est toutefois de constater que les requérantes admettent elles-mêmes ne pas disposer de telles garanties procédurales au titre de la directive 67/548 ou du règlement n° 1272/2008 pouvant fonder la recevabilité de leur recours.

106    S’agissant de la directive attaquée, il suffit de rappeler que les règles de procédure pertinentes encadrant le processus de son adoption, notamment les points 4.1.2 à 4.1.5 de l’annexe VI de la directive 67/548, ne prévoient pas, en effet, de telles garanties procédurales en faveur d’opérateurs potentiellement affectés par le résultat d’une procédure d’adaptation de la directive 67/548 au progrès technique (voir, en ce sens, ordonnance du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, point 83 supra, points 72 à 80, et la jurisprudence qui y est citée).

107    Il en va de même des dispositions du règlement n° 1272/2008, en particulier de son article 53, paragraphe 1, et de son article 54, paragraphe 3, lus conjointement avec l’article 5 bis, paragraphes 1 à 4, de la décision 1999/468 (voir points 20 à 22 ci-dessus), régissant l’adoption du règlement attaqué. Cette appréciation n’est pas remise en cause par le fait que l’article 37 du règlement n° 1272/2008 (voir point 19 ci-dessus) prévoit, à ses paragraphes 2 à 4, le droit des fabricants, des importateurs ou des utilisateurs en aval de soumettre à l’ECHA une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés d’une substance et d’obtenir, après avoir éventuellement formulé des observations, un avis du comité d’évaluation des risques de l’ECHA. En effet, les éventuelles garanties procédurales prévues à l’article 37 du règlement n° 1272/2008 n’auraient vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse où soit une autorité nationale, soit un fabricant, un importateur ou un utilisateur en aval soumet une telle proposition, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

108    Dans la mesure où les requérantes invoquent leur statut procédural au titre du règlement n° 793/93, il convient de relever que, certes, ce règlement prévoit, à ses articles 6 à 10, à titre de droits et d’obligations procéduraux spécifiques (voir points 23 à 28 ci-dessus), la participation active des opérateurs intéressés à la procédure d’évaluation des risques aux fins de l’établissement d’une liste prioritaire des substances concernées et d’éventuelles propositions de stratégies ou de mesures pour, notamment, limiter les risques identifiés. Force est toutefois de constater que, d’une part, les dispositions du règlement n° 793/93 ne sont pas applicables à la procédure de classification d’une substance en tant que substance dangereuse et que, d’autre part, la procédure d’évaluation des risques des carbonates de nickel, qui est distincte de celle ayant abouti aux classifications contestées, a trouvé son terme, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du même règlement, avec l’inscription de ces substances dans la quatrième liste de substances prioritaires en vertu du règlement n° 2364/2000 (voir point 32 ci-dessus). Cette appréciation est confirmée par l’article 11, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 793/93, en vertu duquel ce n’est que sur la base de l’évaluation des risques finalisée et d’une éventuelle recommandation de stratégie adoptée conformément à la procédure de comité visée à l’article 15 dudit règlement que la Commission peut décider, si nécessaire, de proposer des mesures communautaires dans le cadre de la directive 76/769 ou d’autres instruments communautaires existants appropriés (voir point 26 ci-dessus). Or, il y a lieu de constater que ces dispositions ne précisent aucunement les conditions dans lesquelles le résultat de l’évaluation des risques ou l’éventuelle recommandation de stratégie sont susceptibles de donner lieu à une proposition de classification de la substance concernée au titre de la directive 67/548, voire au titre du règlement n° 1272/2008, ce qui démontre l’autonomie de la procédure d’évaluation des risques par rapport à celle de classification d’une substance en tant que substance dangereuse.

109    Les dispositions précitées du règlement n° 793/93 ne consacrent donc pas de garanties procédurales applicables aux fins de la classification d’une substance en tant que substance dangereuse au titre de la directive 67/548 ou du règlement n° 1272/2008. Elles n’établissent pas non plus de lien entre la procédure d’évaluation des risques d’une substance, d’une part, et celle destinée à une telle classification en tant que substance dangereuse, d’autre part, permettant de conclure que les garanties procédurales conférées par le règlement n° 793/93 sont applicables, ne fût-ce que de facto, comme le prétendent les requérantes, dans le cadre de cette dernière procédure.

110    Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel ces garanties procédurales et leur exercice lors de la procédure d’évaluation des risques sont de nature à individualiser les requérantes au regard des classifications contestées, ces dernières n’étant pas le résultat de la procédure d’évaluation des risques au titre du règlement n° 793/93, mais celui des procédures respectives distinctes d’adaptation de la directive 67/548 et du règlement n° 1272/2008 au progrès technique, dans le cadre desquelles les requérantes ne disposent pas de telles garanties.

111    Par ailleurs, en l’absence de garantie procédurale liée à ces dernières procédures, ne peut être accueilli l’argument selon lequel les requérantes seraient individualisées au motif qu’elles ont activement participé à la procédure d’évaluation des risques présentés par les carbonates de nickel. De même, doit être rejetée la thèse selon laquelle les procédures d’adaptation au progrès technique seraient comparables à d’autres procédures administratives, telles que celles en matière de concurrence, d’aides d’État ou de dumping, dans le cadre desquelles certains droits de la défense prévus par des dispositions expresses doivent être garantis et respectés en vue de l’adoption d’un acte de portée individuelle ou générale (voir, en ce sens, ordonnance du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, point 83 supra, points 58 et 74, et la jurisprudence qui y est citée), ce qui n’est précisément pas le cas en l’espèce.

112    En deuxième lieu, les requérantes ne prétendent pas que, dans le cadre des procédures ayant abouti à l’adoption des actes attaqués, Norilsk Nickel ait joué un rôle de représentante et de principale négociatrice de l’industrie du nickel analogue à celui qu’elle jouait au cours de la procédure d’évaluation des risques au titre du règlement n° 793/93. En outre, il ressort des considérations figurant aux points 105 à 111 ci-dessus qu’une telle qualité lors de cette dernière procédure, à la supposer avérée, ne s’étend pas nécessairement aux procédures d’adaptation au progrès technique de la directive 67/548 et du règlement n° 1272/2008. Par conséquent, Norilsk Nickel ne saurait être considérée comme étant individualisée en raison de cette qualité au regard des classifications contestées, sans qu’il soit besoin d’examiner si, s’agissant de sa participation à la seule procédure d’évaluation des risques, elle était susceptible de satisfaire les critères individualisants reconnus dans les arrêts Kwekerij van der Kooy e.a./Commission, point 85 supra (points 20 à 24), et CIRFS e.a./Commission, point 85 supra (points 29 et 30).

113    En troisième lieu, les requérantes sont restées en défaut de démontrer l’existence d’un droit à être entendues prétendument violé par la Commission au motif qu’elle ne les aurait pas consultées avant d’utiliser la déclaration de dérogation en dehors de la procédure d’évaluation des risques et/ou à d’autres fins (voir point 84 ci-dessus). En effet, ni l’article 9, paragraphes 1 et 3, ni l’article 10, paragraphe 1, ni l’article 11, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 793/93 ne prévoient un tel droit à la suite de l’introduction et de l’acceptation d’une demande des fabricants et des importateurs d’être exemptés de tout ou partie des essais complémentaires. Par ailleurs, les requérantes n’ont pas fait valoir que la déclaration de dérogation contenait des éléments confidentiels au sens de l’article 16, paragraphe 1, du même règlement que la Commission aurait été tenue de protéger. À cet égard, il convient de rappeler également que, en principe, ni le processus d’élaboration des actes de portée générale ni la nature de ces actes eux-mêmes n’exigent, en vertu des principes généraux du droit de l’Union, tels que le droit d’être entendu, la participation des personnes affectées, les intérêts de celles-ci étant censés être représentés par les instances politiques appelées à adopter ces actes (voir ordonnance du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, point 83 supra, point 73, et la jurisprudence qui y est citée). En tout état de cause, même à considérer que, dans le cadre de la procédure ayant abouti aux classifications contestées, la Commission se soit appuyée sur la déclaration de dérogation dans le sens invoqué par les requérantes, il ressort de la jurisprudence citée aux points 103 et 104 ci-dessus que, compte tenu de l’autonomie de la procédure de classification des substances dangereuses par rapport à celle portant sur l’évaluation des risques de certaines substances et en l’absence de droit procédural expressément garanti par la réglementation applicable au cas d’espèce, les requérantes ne sauraient se prévaloir, à l’appui de leur qualité pour agir contre les classifications contestées, d’une garantie procédurale liée à la seule procédure portant sur l’évaluation des risques.

114    En quatrième lieu, il convient d’examiner si l’accord entre les requérantes, la PCF et Königswarter sur la déclaration de dérogation ainsi que l’existence de cette déclaration et son utilisation par la Commission sont susceptibles de les individualiser en tant qu’opérateurs faisant partie d’un cercle restreint au sens de la jurisprudence citée au point 98 ci-dessus.

115    À cet égard, il y a lieu de relever, d’abord, que les requérantes n’ont pas prétendu être les seuls opérateurs à produire et à commercialiser les carbonates de nickel, affectés par les classifications contestées.

116    Ensuite, il est certes constant que, d’une part, les requérantes et les deux autres opérateurs signataires de la déclaration de dérogation étaient les seuls à avoir activement participé à la procédure d’évaluation des risques présentés par les carbonates de nickel et que, d’autre part, la DEPA avait utilisé cette déclaration au soutien de sa proposition ultérieure de classifier les carbonates de nickel en tant que substances dangereuses au titre de la directive 67/548. En outre, à la différence d’autres opérateurs du secteur du nickel potentiellement touchés, ces quatre opérateurs étaient clairement identifiables, voire identifiés par les instances chargées d’examiner et de discuter de cette proposition de classification et de prendre une décision définitive à cet égard.

117    Néanmoins, il y a lieu de considérer que ces éléments ne suffisent pas à individualiser les requérantes au regard des classifications contestées.

118    Force est de relever que le fait d’avoir conjointement soumis une déclaration de dérogation ne crée pas de droit acquis ou subjectif en faveur de ces opérateurs, cette déclaration n’étant qu’une demande de leur part, formulée au titre de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 793/93, à être exemptés de certains essais complémentaires aux fins de l’évaluation des risques de la substance concernée. Ainsi, cette circonstance ne constitue pas une caractéristique propre à ces opérateurs qui puisse être comparée à la qualité de titulaire d’un droit exclusif préexistant de retransmission télévisuelle d’un événement sportif d’une importance majeure pour la société, telle que celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Infront WM, point 98 supra (points 73 à 77), à celle de titulaire d’un contrat passé avant l’adoption de la mesure contestée, telle que celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207, point 31), ou encore à celle de détenteur d’un statut d’imposition particulier au titre d’un agrément étatique accordé sur le fondement d’un régime d’aide, telle que celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Belgique et Forum 187/Commission, point 98 supra (points 59 à 63).

119    Par ailleurs, ce n’est qu’à titre exceptionnel que la jurisprudence a reconnu le caractère individualisant de telles qualités particulières du fait que les mesures contestées avaient précisément pour objet de porter atteinte à la portée et à l’exercice de ces droits préexistants, dont l’institution compétente connaissait préalablement l’existence ou dont les titulaires étaient alors parfaitement identifiables (voir, en ce sens, arrêts Piraiki-Patraiki e.a./Commission, point 118 supra, point 31 ; Belgique et Forum 187/Commission, point 98 supra, point 63 ; Commission/Infront WM, point 98 supra, points 72 et 76, et ordonnance Galileo Lebensmittel/Commission, point 103 supra, point 46 ; ordonnance du Tribunal du 6 septembre 2004, SNF/Commission, T‑213/02, Rec. p. II‑3047, points 68 à 70).

120    Or, en l’espèce, les requérantes ne peuvent se prévaloir de droits préexistants susceptibles d’être affectés par les classifications contestées et, dès lors, prétendre être spécialement touchées par rapport à tout autre opérateur potentiellement concerné, la déclaration de dérogation n’équivalant pas à un tel droit. Ainsi, la seule possibilité de déterminer, au moment de l’adoption des actes attaqués, grâce à la déclaration de dérogation, le nombre et l’identité de certains des opérateurs auxquels ils s’appliquent, n’implique pas que ceux-ci doivent être considérés comme étant individuellement concernés par ces actes, dès lors que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par lesdits actes (voir point 99 ci-dessus), à savoir en vertu de leur qualité de producteur ou de distributeur de carbonates de nickel. Partant, même au regard de cette déclaration, les requérantes sont concernées par les actes attaqués au même titre que tout autre opérateur se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique, à savoir celle de produire et/ou de commercialiser des carbonates de nickel.

121    Il en résulte que c’est à tort que les requérantes prétendent être individuellement concernées par les classifications contestées.

122    Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation partielle des actes attaqués comme irrecevable.

123    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et sans même qu’il soit besoin de se prononcer sur la demande de non-lieu à statuer sur le recours en ce qu’il vise l’annulation partielle de la directive attaquée, il convient de rejeter le recours, dans son intégralité, comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

124    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

125    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, le Royaume de Danemark supportera ses propres dépens.

126    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, de ce règlement, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. En l’espèce, Nickel Institute, qui est intervenue au soutien des conclusions des requérantes, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (grande chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Norilsk Nickel Harjavalta Oy et Umicore SA/NV supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.



3)      Le Royaume de Danemark et Nickel Institute supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 7 septembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger

Table des matières


Cadre juridique

Dispositions des traités CE et FUE

Directive 67/548

Procédure d’adaptation au progrès technique de la directive 67/548

Abrogation, modification et remplacement partiels de la directive 67/548 par le règlement n° 1272/2008

Règlement (CEE) n° 793/93 et règlement (CE) n° 1907/2006

Faits à l’origine du litige

Requérantes et substances concernées

Procédure concernant l’évaluation des risques présentés par les carbonates de nickel

Procédure ayant abouti aux classifications contestées

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur l’applicabilité de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité du présent recours

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur la recevabilité de la demande d’annulation de la prétendue « décision » de fonder les classifications contestées sur la déclaration de dérogation

– Sur la recevabilité de la demande d’annulation partielle des actes attaqués

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.