Language of document : ECLI:EU:T:2024:28

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

24 janvier 2024 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant des matériaux de construction – Motif de nullité – Non-respect des conditions de protection – Article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Absence de caractère individuel – Article 6 du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑202/22,

TA Towers ApS, établie à Odense (Danemark), représentée par Me L. Andersen, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Wobben Properties GmbH, établie à Aurich (Allemagne), représentée par Mes R. F. Böhm et A. Ebert-Weidenfeller, avocats,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, MM. U. Öberg (rapporteur) et P. Zilgalvis, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 15 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, TA Towers ApS, demande l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 février 2022 (affaire R 2493/2020-3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est la titulaire du dessin ou modèle communautaire déposé le 28 mars 2019 auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1) et enregistré sous le numéro 6 352 332-0001.

3        Le dessin ou modèle contesté est représenté comme suit :

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4        Le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué à des produits relevant de la classe 25.01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondant à la désignation suivante : « matériaux de construction ».

5        Le 3 septembre 2019, l’intervenante, Wobben Properties GmbH, a présenté une demande de nullité du dessin ou modèle contesté, en vertu de l’article 52 du règlement no 6/2002.

6        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec les articles 4 et 8 de ce règlement.

7        L’intervenante a notamment fait valoir, dans la demande en nullité, que le dessin ou modèle contesté n’était pas nouveau au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002, qu’il ne présentait pas de caractère individuel au sens de l’article 6 de ce règlement, et que les caractéristiques de son apparence étaient exclusivement imposées par leur fonction technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, du même règlement. À cet égard, elle s’est prévalue, entre autres, des éléments de preuve suivants :

–        la demande internationale de brevet WO 2010/055535 A1 pour une « tour tubulaire et procédure de construction », publiée le 20 mai 2010 avec les vues suivantes :

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–        la demande de brevet allemande DE 10 2017 106 201 A1 pour un « segment de bride pour un segment de tour en acier d’éolienne et méthode », publiée le 27 novembre 2018 avec les vues suivantes :

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–        une sélection de captures d’écran de Flickr et de YouTube montrant, entre autres, des photos datées du 16 mars 2017 et du 31 mars 2017 et un arrêt sur image d’une vidéo datée du 29 septembre 2016 :

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8        Par décision du 20 novembre 2020, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité au motif que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel en vertu de l’article 6 du règlement no 6/2002, par rapport au dessin ou modèle antérieur divulgué le 20 mai 2010 dans la demande de brevet international WO 2010/055535 A1 citée au point 7, tiret 1, ci-dessus.

9        Le 30 décembre 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par la décision attaquée, la troisième chambre de recours de l’EUIPO a confirmé la décision de la division d’annulation, en concluant que le modèle ou dessin contesté était globalement similaire pour un utilisateur averti par rapport au modèle ou dessin antérieur.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de la division d’annulation du 20 novembre 2020 dans l’affaire ICD 108 309 ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens des procédures devant la division d’annulation, la chambre de recours et le Tribunal.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le premier chef de conclusions, visant l’annulation de la décision attaquée 

13      La requérante invoque en substance trois moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de l’article 8, paragraphe 1, et de l’article 62 du règlement no 6/2002.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

14      Le premier moyen est composé de trois branches, tirées d’erreurs d’appréciation que la chambre de recours aurait commises, premièrement, dans la définition du secteur concerné, deuxièmement, dans la définition de l’utilisateur averti, et, troisièmement, dans la conclusion relative aux impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit.

15      À titre liminaire, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, dudit règlement précise que, pour apprécier le caractère individuel d’un dessin ou modèle, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration de celui-ci.

16      L’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté procède, selon une jurisprudence constante, en substance, d’un examen en quatre étapes. Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué ; deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention aux similitudes et aux différences dans la comparaison des dessins ou modèles ; troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, dont l’influence sur le caractère individuel est en proportion inverse ; et, quatrièmement, en tenant compte de celui-ci, le résultat de la comparaison, directe si possible, des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par tout dessin ou modèle antérieur divulgué au public, pris individuellement [voir arrêt du 10 novembre 2021, Eternit/EUIPO – Eternit Österreich (Panneau de construction), T‑193/20, EU:T:2021:782, point 21 et jurisprudence citée].

17      Si la première étape de l’analyse, à savoir la détermination du secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué, ne ressort pas explicitement du libellé de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, cette étape est en réalité un préalable nécessaire pour définir l’utilisateur averti et la liberté du créateur, ces dernières notions étant explicitement reprises par l’article 6, paragraphes 1 et 2, dudit règlement. À cet égard, l’identification du produit visé par le dessin ou modèle en cause permet de déterminer l’utilisateur averti et le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle (arrêt du 10 novembre 2021, Panneau de construction, T‑193/20, EU:T:2021:782, point 22).

–       Sur le secteur concerné

18      Au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les dessins ou modèles en conflit présentaient des segments pour des tours.

19      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur dans la détermination du secteur pertinent en ne procédant pas à une analyse de la manière dont le dessin ou modèle contesté serait perçu dans ledit secteur. Selon elle, l’une des conséquences de l’absence de cette analyse est que la décision attaquée est fondée sur l’hypothèse erronée que le dessin ou modèle contesté est conçu pour être assemblé avec des éléments identiques et que les dessins ou modèles en conflit sont similaires à cet égard.

20      L’EUIPO fait valoir que le produit auquel le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé ou auquel il est destiné à être appliqué a été clairement identifié par la chambre de recours. Par ailleurs, la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit serait fondée sur les représentations des dessins ou modèles telles qu’elles sont présentées par les parties, indépendamment des produits finaux auxquels elles doivent être appliquées.

21      L’intervenante fait valoir que le dessin ou modèle contesté ainsi que le dessin ou modèle antérieur, présentent des segments pour des tours. Selon elle, il est évident que le dessin ou modèle contesté est conçu pour être assemblé avec des éléments identiques. Le fait que d’autres assemblages soient possibles, n’enlève rien au fait qu’une utilisation régulière de la conception aboutira à un produit ayant la forme d’un cylindre conique.

22      Pour déterminer le produit auquel le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé ou auquel il est destiné à être appliqué, il convient de tenir compte de l’indication des produits dans lesquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué, telle qu’elle figure dans la demande d’enregistrement. En effet, conformément à l’article 36, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, la demande d’enregistrement doit contenir l’indication desdits produits.

23      Il convient de tenir compte également, le cas échéant, du dessin ou modèle lui‑même, dans la mesure où il précise la nature du produit, sa destination ou sa fonction. En effet, la prise en compte du dessin ou modèle lui‑même peut permettre d’identifier le produit au sein d’une catégorie de produits plus large, indiquée lors de l’enregistrement et, par conséquent, de déterminer effectivement l’utilisateur averti et le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle (arrêt du 10 novembre 2021, Panneau de construction, T‑193/20, EU:T:2021:782, point 37).

24      En l’espèce, il ressort de la description accompagnant la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté que les produits visés par celui-ci étaient décrits comme des matériaux de construction, sous la forme d’un segment pour des tours éoliennes. Dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a désigné ces produits par les termes « matériaux de construction pour une tour d’éolienne ».

25      Dans ces conditions, la chambre de recours a pu considérer, sans commettre d’erreur, que le dessin ou modèle contesté présente des segments pour des tours.

26      La requérante fait valoir que, après avoir établi le produit concerné, la chambre de recours aurait dû faire référence au secteur dont relève le produit en cause.

27      Il est exact que la chambre de recours n’a pas fait une référence directe au secteur concerné. Néanmoins, comme l’a souligné à juste titre l’EUIPO, il peut être déduit des conclusions formulées au point 29 de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en compte le secteur des segments pour des tours.

28      Par ailleurs, le fait que le dessin ou modèle contesté présente un seul élément de construction qui, selon la requérante, peut être relié à des éléments d’autres tailles ou dimensions, de sorte qu’il ne forme pas un cylindre conique, alors que le dessin ou modèle antérieur présente une tour entière composée de divers éléments afin de former une tour conique, n’a aucune incidence sur l’appréciation du secteur concerné. En effet, si la détermination du secteur des produits dans lesquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué est une considération pertinente dans le cadre de la détermination de l’utilisateur averti et de son niveau d’attention, du degré de liberté du créateur dans son élaboration ainsi que, éventuellement, lors de la comparaison des impressions globales produites sur ledit utilisateur averti, elle ne saurait cependant impliquer que les produits concernés par les dessins ou modèles en cause soient similaires ou relèvent du même secteur [arrêt du 16 juin 2021, Davide Groppi/EUIPO – Viabizzuno (Lampe de table), T‑187/20, EU:T:2021:363, point 34].

29      Partant, il convient d’écarter la première branche du premier moyen.

–       Sur l’utilisateur averti

30      Au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que l’utilisateur averti des segments pour des tours, visé par l’article 6 du règlement no 6/2002 était, en l’espèce, un professionnel du secteur de la construction qui connaît ces segments et qui est conscient de leurs caractéristiques. Du fait de son intérêt pour les produits concernés, ce professionnel fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise.

31      La requérante ne conteste pas cette définition de l’utilisateur averti.

32      Toutefois, la requérante fait valoir que l’utilisateur averti fait preuve d’un niveau d’attention élevé.

33      La requérante soutient, en particulier, que le nombre de clients professionnels dans le secteur pertinent est faible, qu’ils sont très spécialisés et que l’utilisateur averti connaît parfaitement les détails des dessins ou modèles disponibles sur le marché des segments de tours.

34      L’EUIPO a, lors de l’audience, fait valoir que l’utilisateur averti n’est pas un expert et ne ferait pas preuve d’un degré d’attention plus élevé que celui retenu par la chambre de recours.

35      L’EUIPO et l’intervenante insistent sur le fait que le secteur pertinent, au regard duquel doit être déterminé l’utilisateur averti, est celui des segments pour des tours en général et contestent que le secteur pertinent serait limité et très spécialisé.

36      Selon la jurisprudence, la notion d’utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’un niveau d’attention moyen, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53).

37      Par ailleurs, la notion d’utilisateur averti, créée précisément pour les besoins de l’analyse du caractère individuel d’un dessin ou modèle sur le fondement de l’article 6 du règlement no 6/2002, ne saurait être définie que de manière générale, en tant que référence à une personne qui présente des qualités standard, et non pas au cas par cas par rapport à une utilisation particulière du dessin ou modèle contesté (arrêt du 10 novembre 2021, Panneau de construction, T‑193/20, EU:T:2021:782, point 48).

38      S’agissant plus précisément du niveau d’attention de l’utilisateur averti, le qualificatif « averti » suggère que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un niveau d’attention, en substance, élevé lorsqu’il les utilise (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59).

39      En l’espèce, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 36 à 38 ci‑dessus, et dès lors que le secteur concerné est celui des segments pour des tours, la chambre de recours pouvait considérer à juste titre que l’utilisateur averti était le professionnel du secteur de la construction qui possédait une certaine connaissance des différents segments pour des tours et faisait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait être considéré que l’utilisateur averti connaît parfaitement les détails de tous les dessins ou modèles disponibles sur le marché desdits segments, à supposer même que le nombre de clients dans ledit secteur était faible et que ceux-ci étaient hautement spécialisés.

40      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter la deuxième branche du premier moyen.

–       Sur le degré de liberté du créateur

41      Au point 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la liberté du créateur dans l’élaboration de segments pour des tours était restreinte dans une certaine mesure par des exigences techniques. Ainsi, lesdits segments devraient être d’une certaine taille, d’un certain poids et d’une certaine dimension afin de former la tour et être fabriqués en matériaux capables de résister à des conditions environnementales difficiles ou à d’autres contraintes. Néanmoins, selon ladite chambre, le créateur dispose d’un certain degré de liberté en ce qui concerne la taille, le nombre, la forme et l’agencement des courbes.

42      Cette appréciation, qui n’est pas contestée par les parties, est dépourvue d’erreur.

–       Sur la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit

43      La chambre de recours a considéré au point 43 de la décision attaquée que les dessins ou modèles en conflit partageaient les caractéristiques d’une tôle de forme rectangulaire allongée composée d’un certain nombre de courbes s’étendant dans une direction parallèle longitudinale et que les dessins ou modèles ne diffèrent que par le nombre de courbes. Le dessin ou modèle contesté contiendrait deux courbes, tandis que le dessin ou modèle antérieur en contiendrait quatre.

44      La requérante fait valoir que la comparaison entre les dessins ou modèles en conflit est basée sur des informations factuelles incorrectes. Elle met en exergue les différences suivantes, lesquelles créeraient des impressions globales différentes :

–        premièrement, le dessin ou modèle antérieur présente une tour de forme conique, constituée d’éléments trapézoïdaux, et donc non rectangulaires ;

–        deuxièmement, le dessin ou modèle antérieur présente une préforme et n’illustrerait donc pas une forme finale ; en outre, le dessin ou modèle contesté présente un angle d’environ 152 degrés, tandis que le dessin ou modèle antérieur présente un angle d’environ 90 degrés ;

–        troisièmement, le dessin ou modèle antérieur présente des courbes longitudinales à 90 degrés sur la longueur des panneaux, de sorte que les parties coudées forment une avancée vers l’intérieur de la tour ; cela signifie que les segments pour la tour qui sont placés au-dessus d’une autre série de segments ne peuvent pas dépasser de la surface extérieure ; partant, d’autres moyens d’assemblage devront être utilisés et ces moyens d’assemblage seront visibles et formeront une tour conformément au modèle ou dessin antérieur et contrairement au dessin ou modèle contesté ; par ailleurs, ces courbes produiront nécessairement une toute autre impression visuelle que celle du dessin ou modèle contesté ;

–        quatrièmement, le dessin ou modèle contesté comporte deux courbes et aucun volet, alors que le dessin ou modèle antérieur comporte six courbes et deux volets ;

–        cinquièmement, le dessin ou modèle contesté a bénéficié de l’usage de la liberté limitée du créateur, en ce qui concerne la taille, le nombre, la forme et la disposition des courbes ; il est donc, selon elle, incohérent que la chambre de recours ait conclu que ces éléments ne sont pas suffisants pour compenser les similitudes entre les dessins ou modèles en conflit.

45      En ce qui concerne le premier argument de la requérante, l’EUIPO et l’intervenante ont reconnu lors de l’audience que la forme du dessin ou modèle antérieur pouvait ne pas être strictement défini comme étant rectangulaire. Néanmoins, une différence aussi mineure ne serait pas suffisante pour produire une impression globale différente. À cet égard, l’EUIPO a fait valoir, lors de l’audience, que l’utilisateur averti ne remarquerait pas que les dessins ou modèles en conflit ont des formes différentes, étant donné qu’il s’agit d’éléments de construction très hauts. L’intervenante ajoute que la forme du dessin ou modèle contesté n’est pas non plus strictement rectangulaire, mais présente la même forme trapézoïdale que celle du dessin ou modèle antérieur.

46      En ce qui concerne le deuxième argument de la requérante, l’EUIPO fait valoir que le dessin ou modèle antérieur représente la forme finale du produit. Par ailleurs, le fait que les angles des feuilles soient différents ne serait pas suffisant pour produire une impression globale différente. L’intervenante ajoute qu’il ne peut être établi à partir de l’image du dessin ou modèle contesté que l’angle en particulier serait de 152 degrés.

47      En ce qui concerne le troisième argument de la requérante, l’EUIPO et l’intervenante font valoir que, selon la jurisprudence, le point de référence pour la comparaison est le dessin ou modèle contesté. Par conséquent, les éléments supplémentaires, à savoir des courbes longitudinales à 90 degrés, contenues dans le dessin ou modèle antérieur ne devraient pas être pris en considération. Dans tous les cas, des courbes longitudinales rempliraient essentiellement la finalité technique d’association d’éléments et se verraient donc attribuer un faible poids dans la comparaison.

48      En ce qui concerne le quatrième argument de la requérante, l’EUIPO fait valoir que le dessin ou modèle antérieur comporte quatre courbes et non six. Par ailleurs, l’EUIPO et l’intervenante soutiennent que le nombre différent de courbes ne suffit pas à produire une impression globale différente dans l’esprit de l’utilisateur averti.

49      En ce qui concerne le cinquième argument de la requérante, l’EUIPO estime que le créateur dispose d’un degré de liberté en ce qui concerne la taille, le nombre, la forme et l’agencement des courbes. Néanmoins, les courbes des dessins ou modèles en conflit seraient très similaires. Par ailleurs, l’utilisateur averti saurait que les segments pour des tours peuvent contenir un nombre diffèrent de courbes et n’accorderait donc pas une attention particulière à cette différence.

50      Selon une jurisprudence constante, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte de différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir arrêt du 16 février 2017, Antrax It/EUIPO – Vasco Group (Thermosiphons pour radiateurs), T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, point 53 et jurisprudence citée].

51      La comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit doit être synthétique et ne peut se borner à la comparaison analytique d’une énumération de similitudes et de différences. Cette comparaison doit prendre pour base les caractéristiques divulguées du dessin ou modèle contesté et doit porter uniquement sur les caractéristiques protégées, sans tenir compte des caractéristiques, notamment techniques, exclues de la protection. Ladite comparaison doit porter sur les dessins ou modèles, en principe, tels qu’enregistrés, sans qu’il puisse être exigé du demandeur en nullité une reproduction graphique du dessin ou modèle invoqué, comparable à la représentation figurant dans la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté [voir arrêt du 13 juin 2019, Visi/one/EUIPO – EasyFix (Porte-affichette pour véhicules), T‑74/18, EU:T:2019:417, point 84 et jurisprudence citée].

52      En ce qui concerne la première différence entre les dessins ou modèles en conflit, mentionnée au point 44 ci-dessus, il est vrai que les courbes à l’extrémité de la tôle du dessin ou modèle antérieur ont des longueurs différentes et qu’il n’est donc pas correct de désigner la tôle comme étant rectangulaire, ce qui n’est pas contesté par l’EUIPO et l’intervenante.

53      Il s’ensuit que la chambre de recours a commis une erreur en considérant, au point 42 de la décision attaquée, que la tôle du dessin ou modèle antérieur était rectangulaire.

54      Bien que la différence entre les longueurs des courbes à l’extrémité de la tôle du dessin ou modèle antérieur n’est pas grande, elle est, toutefois clairement visible dans l’illustration du dessin ou modèle antérieur. En effet, un examen de cette illustration permet de constater immédiatement que ladite tôle ne comporte pas quatre angles de 90 degrés et qu’il ne s’agit donc pas d’un rectangle. Ainsi, l’argument de l’EUIPO et de l’intervenante selon lequel la différence de longueur des courbes dans le dessin ou modèle antérieur est si faible que cette tôle semble visuellement rectangulaire doit être rejeté.

55      Contrairement à la tôle du dessin ou modèle antérieur, la tôle du dessin ou modèle contesté apparaît rectangulaire sur l’image reproduite au point 3 ci-dessus, ainsi que la chambre de recours l’a également constaté au point 41 de la décision attaquée. L’intervenante n’a fourni aucune preuve à l’appui de son argument selon lequel la forme de ladite tôle présente la même forme trapézoïdale que celle de la tôle du dessin ou modèle antérieur. Partant, il ne saurait être considéré que la forme de la tôle du dessin ou modèle contesté est rectangulaire.

56      Ainsi, force est de constater qu’il existe une différence entre la forme de la tôle du dessin ou modèle contesté et celle du dessin ou modèle antérieur.

57      L’utilisateur averti, en faisant preuve d’un niveau d’attention relativement élevé, percevra cette différence entre les dessins ou modèles en conflit. En effet, l’utilisateur averti se concentrera sur la forme des tôles des dessins ou modèles en conflit dans la mesure où cette forme fait partie des éléments les plus visibles et les plus importants, dans la mesure où, ainsi que l’a reconnu l’EUIPO lors de l’audience, ladite forme lui permet de se faire une idée de ce à quoi ressembleront les tours finales une fois que les tôles préfabriquées seront assemblées.

58      Par conséquent, l’utilisateur averti sera conscient du fait que, en raison de la forme des tôles, le dessin ou modèle contesté permet d’obtenir un cylindre, tandis que le dessin ou modèle antérieur permet d’obtenir un élément correspondant à un cône tronqué, ainsi qu’il ressort des images reproduites au point 7, tiret 1, ci-dessus. Ainsi, l’utilisateur averti, étant un professionnel du secteur de la construction, a de bonnes raisons d’examiner la forme exacte desdites tôles et remarquera toute différence qui pourrait exister à cet égard.

59      Ce constat n’est pas remis en cause par l’argument de l’EUIPO selon lequel l’utilisateur averti ne remarquerait pas que les tôles en cause ont des formes différentes, étant donné qu’il s’agit d’éléments de construction très longs. Au contraire, le fait que les éléments de construction soient longs renforce l’impression de l’utilisateur averti selon laquelle les tours finales, une fois assemblées, n’auront pas la même forme en raison des formes différentes desdites tôles.

60      Par ailleurs, il ressort des représentations du dessin ou modèle antérieur que ce dernier a quatre courbes, et non six courbes comme le prétend la requérante, alors que le dessin ou modèle contesté a seulement deux courbes. Partant, comme l’a reconnu la chambre de recours au point 43 de la décision attaquée, les dessins ou modèles en conflit différent également par le nombre de leurs courbes.

61      Même si la différence de nombre de courbes entre les dessins ou modèles en conflit ne suffit pas, à elle seule, à produire une impression globale différente dans l’esprit de l’utilisateur averti, ce dernier prendra, néanmoins, note de cette différence et sera conscient que les tours finales auront également des formes légèrement différentes pour cette raison.

62      Il s’ensuit que, la forme des tôles en cause et leur nombre de courbes ayant une influence importante sur les impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit, les différences perçues à cet égard par l’utilisateur averti sont suffisamment marquées pour éviter toute impression de « déjà vu » au sens de la jurisprudence rappelée au point 50 ci-dessus.

63      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que les dessins ou modèles en conflit, comme l’a souligné la chambre de recours au point 47 de la décision attaquée, ont quelques caractéristiques communes, à savoir un certain nombre de courbes allant de haut en bas, créant des panneaux parallèles. À cet égard, force est de constater que les quatre courbes du modèle ou dessin antérieur créent cinq panneaux parallèles qui, du fait que le modèle ou dessin antérieur est plus large en bas qu’en haut, sont tous trapézoïdaux, tandis que les deux courbes du modèle ou dessin contesté créent trois panneaux parallèles, qui, du fait que le modèle ou dessin contesté a la même largueur en haut qu’en bas, sont tous rectangulaires. L’utilisateur averti faisant preuve d’un niveau d’attention élevé remarquera ces différences et n’accordera pas une importance cruciale à ces caractéristiques communes. En effet, il convient de constater que, selon la jurisprudence, des différences constatées pour certains aspects des produits concernés qui seraient gardés en mémoire par l’utilisateur averti peuvent être suffisamment importantes pour créer une impression globale différente de celle produite par le dessin ou modèle invoqué dans la demande de nullité, malgré l’existence de similitude concernant d’autres aspects [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Baena Grupo/OHMI – Neuman et Galdeano del Sel (Personnage assis), T‑513/09, non publié, EU:T:2010:541, points 21 à 25].

64      Il résulte de ce qui précède, que le premier moyen doit être accueilli.

65      En conséquence, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués à l’appui du présent recours.

 Sur le deuxième chef de conclusions, visant l’annulation de la décision de la division d’annulation

66      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’annuler la décision de la division d’annulation du 20 novembre 2020.

67      L’EUIPO estime que le deuxième chef de conclusions doit être rejeté comme étant irrecevable.

68      Par sa demande en annulation de la décision de la division d’annulation, la requérante demande, en substance, la réformation de la décision attaquée, telle qu’elle est prévue à l’article 61, paragraphe 3, du règlement n° 6/2002 [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mai 2020, Divaro/EUIPO – Grendene (IPANEMA), T‑288/19, non publié, EU:T:2020:201, point 85].

69      Il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 61, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre [voir, par analogie, arrêt du 24 octobre 2019, ZPC Flis/EUIPO – Aldi Einkauf (Happy Moreno choco), T‑498/18, EU:T:2019:763, point 129].

70      Or, en l’espèce, il y a lieu de relever que la demande en nullité était non seulement présentée sur le fondement de l’article 6 du règlement no 6/2002, mais également, notamment, sur le fondement de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement. De même, cette demande était non seulement fondée sur le dessin ou modèle antérieur, mais également, entre autres, sur les autres dessins ou modèles antérieurs mentionnés au point 7 ci-dessus. La chambre de recours n’a pas statué sur la demande en nullité pour autant qu’elle était présentée sur le fondement des autres motifs et des autres dessins ou modèles antérieurs invoqués par l’intervenante.

71      Par conséquent, il convient de considérer que les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal ne sont pas réunies, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le second chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

73      La requérante a conclu à ce que l’EUIPO et l’intervenante soient condamnés aux dépens qu’elle a exposés au titre de la procédure devant le Tribunal ainsi que à la procédure devant la division d’annulation et la chambre de recours.

74      En l’espèce, L’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, chacun, la moitié des dépens exposés par la requérante, relatifs à la procédure devant le Tribunal.

75      S’agissant des dépens relatifs aux procédures devant la division d’annulation et devant la chambre de recours, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais qu’elle a exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation [arrêt du 13 juin 2017, Ball Beverage Packaging Europe/EUIPO – Crown Hellas Can (Canettes), T‑9/15, EU:T:2017:386, point 102].

76      Partant, la demande de la requérante tendant à ce que l’EUIPO et l’intervenante soient chacune condamnées aux dépens relatifs aux procédures devant la division d’annulation et devant la chambre de recours ne peut être accueillie que s’agissant des seuls dépens exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 février 2022 (affaire R 2493/2020-3) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO et Wobben Properties GmbH supporteront leurs propres dépens ainsi que, chacun, la moitié des dépens exposés par TA Towers ApS devant le Tribunal et devant la chambre de recours.

Costeira

Öberg

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 janvier 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.