Language of document : ECLI:EU:T:2023:347

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

21 juin 2023 (*) (1)

« Dumping – Importation de produits extrudés en aluminium originaires de Chine – Règlement d’exécution (UE) 2021/546 – Institution d’un droit antidumping définitif – Article 1er, paragraphe 4, du règlement (UE) 2016/1036 – Définition du produit concerné – Détermination de la valeur normale – Article 2, paragraphe 6 bis, du règlement 2016/1036 – Rapport constatant l’existence de distorsions significatives dans le pays exportateur – Charge de la preuve – Recours à un pays représentatif – Article 3, paragraphes 1, 2, 3, 5 et 6, du règlement 2016/1036 – Préjudice – Facteurs et indices économiques influant sur la situation de l’industrie de l’Union – Droits de la défense – Principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑326/21,

Guangdong Haomei New Materials Co. Ltd, établie à Qingyuan (Chine),

Guangdong King Metal Light Alloy Technology Co. Ltd, établie à Yuan Tan Town (Chine),

représentées par Mes M. Maresca, C. Malinconico, D. Guardamagna, M. Guardamagna, D. Maresca, A. Cerruti, A. Malinconico et G. Falla, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

Airoldi Metalli SpA, établie à Molteno (Italie), représentée par Mes M. Campa, M. Pirovano, D. Rovetta et V. Villante, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Luengo, Mme P. Němečková et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Parlement européen, représenté par M. A. Neergaard, Mmes M. Peternel et L. Stefani, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. S. Papasavvas, président, R. da Silva Passos, S. Gervasoni (rapporteur), Mmes I. Reine et T. Pynnä, juges,

greffier : Mme P. Nuñez Ruiz, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 16 janvier 2023

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours, les requérantes, Guangdong Haomei New Materials Co. Ltd et Guangdong King Metal Light Alloy Technology Co. Ltd, demandent, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation, à titre principal, du règlement d’exécution (UE) 2021/546 de la Commission, du 29 mars 2021, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de produits extrudés en aluminium originaires de la République populaire de Chine (JO 2021, L 109, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »), en tant qu’il les concerne et, à titre subsidiaire, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »), et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation des préjudices qu’elles auraient subis par l’application du règlement attaqué et du règlement de base.

I.      Antécédents du litige

2        Les requérantes sont des sociétés de droit chinois opérant dans le secteur de la production de produits semi-finis en aluminium qui produisent et exportent vers l’Union européenne des produits extrudés en aluminium.

3        Le 3 janvier 2020, l’association European Aluminium, qui représentait plus de 25 % de la production totale de produits extrudés en aluminium dans l’Union, a déposé auprès de la Commission européenne une plainte relative à des pratiques de dumping et au préjudice matériel en résultant.

4        Le 14 février 2020, la Commission a publié l’avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations dans l’Union de produits extrudés en aluminium originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, C 51, p. 26), en vertu de l’article 5 du règlement de base.

5        Le produit soumis à l’enquête relative au dumping et au préjudice subséquent correspondait aux « barres et profilés (creux ou non), tubes, tuyaux, non assemblés, préparés ou non en vue de leur utilisation dans la construction (coupés à dimension, percés, coudés, chanfreinés, filetés), constitués d’aluminium, allié ou non, ne contenant pas plus de 99,3 % d’aluminium ». Ce produit incluait les produits communément appelés « produits extrudés en aluminium », en référence à leur procédé de fabrication le plus courant, même s’ils pouvaient également être produits par d’autres procédés de production, tels que le laminage, le forgeage ou le coulage.

6        L’enquête relative au dumping et au préjudice subséquent a couvert la période comprise entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances utiles pour l’évaluation du préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2016 et la fin de la période d’enquête (ci-après la « période considérée »).

7        Par lettre du 26 février 2020, les requérantes ont été incluses par la Commission dans l’échantillon des producteurs-exportateurs pris en considération dans son analyse.

8        Les 6 avril et 29 mai 2020, les requérantes ont soumis des observations. Entre le 6 et le 29 avril 2020, les requérantes ont soumis à la Commission les questionnaires concernés remplis, accompagnés des annexes contenant les informations requises. Les 3, 5 et 12 juin 2020 ont eu lieu des recoupements à distance pour l’examen des documents comptables présentés et pour la présentation d’autres documents.

9        À la suite d’une demande de European Aluminium, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2020/1215, du 21 août 2020, soumettant à enregistrement les importations de produits extrudés en aluminium originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, L 275, p. 16). Les requérantes ont introduit, le 30 septembre 2020, un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE à l’encontre de ce règlement d’exécution. Par l’ordonnance du 22 décembre 2021, Guangdong Haomei New Materials et Guangdong King Metal Light Alloy Technology/Commission (T‑604/20, non publiée, EU:T:2021:952), le Tribunal a constaté un non-lieu à statuer sur ce recours pour disparition de l’intérêt à agir.

10      Le 22 septembre 2020, la Commission a informé les requérantes de la possible institution d’un droit antidumping provisoire. Le 25 septembre 2020, les requérantes ont présenté de nouvelles observations.

11      Le 12 octobre 2020, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2020/1428, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de produits extrudés en aluminium originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, L 336, p. 8, ci-après le « règlement provisoire »). Le droit antidumping provisoire imposé aux requérantes était de 30,4 %.

12      Le 14 décembre 2020, les requérantes ont introduit un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE contre le règlement provisoire. Par l’ordonnance du 22 décembre 2021, Guangdong Haomei New Materials et Guangdong King Metal Light Alloy Technology/Commission (T‑725/20, non publiée, EU:T:2021:957), le Tribunal a rejeté ce recours comme irrecevable.

13      Le 22 décembre 2020, la Commission a communiqué aux requérantes l’information finale contenant les faits et considérations qu’elle avait jugés essentiels et sur le fondement desquels elle était sur le point d’appliquer des droits antidumping définitifs sur les importations de produits extrudés en aluminium originaires de Chine. Les requérantes ont soumis leurs observations sur cette information finale le 7 janvier 2021.

14      Le 8 février 2021, la Commission a adopté une information finale additionnelle, communiquée aux parties intéressées, afin de mettre en évidence le fait que, à la suite du retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union, le marché de cette dernière ne comprenait plus que 27 États membres. Les requérantes ont présenté leurs observations sur cette information finale additionnelle le 16 février 2021.

15      Le 29 mars 2021, la Commission a adopté le règlement attaqué. L’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué a fixé le taux du droit antidumping définitif appliqué aux requérantes à 21,2 %.

II.    Conclusions des parties

16      Les requérantes, soutenues par Airoldi Metalli SpA (ci-après « Airoldi »), concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce qui les concerne ;

–        à titre subsidiaire, annuler le règlement de base ;

–        condamner la Commission à la réparation du préjudice causé par l’application du règlement de base et du règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission, soutenue par le Parlement européen, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en réparation comme irrecevable ;

–        rejeter le recours en annulation du règlement de base comme irrecevable ou, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        rejeter le recours en annulation du règlement attaqué comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A.      Sur le deuxième chef de conclusions, tendant, à titre subsidiaire, à l’annulation du règlement de base et sur l’exception d’illégalité dudit règlement

18      Par leur deuxième chef de conclusions, les requérantes demandent, à titre subsidiaire, l’annulation du règlement de base.

19      La Commission, soutenue par le Parlement, fait valoir que ce chef de conclusions des requérantes est irrecevable pour cause de tardiveté.

20      Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. Selon l’article 59 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel de l’Union européenne, le délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication. Conformément à l’article 60 du même règlement, ce délai doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

21      En l’espèce, le règlement de base a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 30 juin 2016. Il a été modifié, pour la dernière fois, par le règlement délégué (UE) 2020/1173 de la Commission, du 4 juin 2020, modifiant le règlement de base et le règlement (UE) 2016/1037 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne en ce qui concerne la durée de la période de notification préalable (JO 2020, L 259, p. 1), publié au Journal officiel le 10 août 2020.

22      Il s’ensuit que les conclusions en annulation du règlement de base, formulées dans la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juin 2021, n’ont pas été introduites dans les délais prévus par l’article 263, sixième alinéa, TFUE et par le règlement de procédure, et sont donc irrecevables.

23      Les requérantes soutiennent néanmoins dans la réplique que leurs conclusions visant à l’annulation du règlement de base devraient être considérées comme se fondant sur une exception d’illégalité soulevée à l’encontre du règlement de base au titre de l’article 277 TFUE. Dans la requête, elles auraient en effet fait valoir que l’intégralité du règlement de base était inapplicable au regard des principes établis par le droit primaire de l’Union et par le droit international.

24      En l’occurrence, comme l’indique à bon droit la Commission, il ne ressort pas de la requête que les requérantes ont soulevé une exception d’illégalité du règlement de base. Les points de la requête auxquels se réfère la réplique comme étant pertinents mentionnent uniquement le fait que, si l’illégalité alléguée eu égard aux principes du droit international n’entache pas le règlement attaqué, elle « retombe sur le règlement de base ».

25      Il s’ensuit que l’exception d’illégalité soulevée par les requérantes n’a été invoquée que dans la réplique. Or, le cadre du litige est déterminé par la requête introductive d’instance et une exception d’illégalité est irrecevable au stade de la réplique (voir arrêt du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, EU:T:2005:339, point 51 et jurisprudence citée).

26      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme irrecevable l’exception d’illégalité du règlement de base soulevée par les requérantes, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la portée du mandat ad litem des représentants des requérantes.

B.      Sur le troisième chef de conclusions, tendant à la réparation du préjudice qu’auraient subi les requérantes par l’application du règlement attaqué et du règlement de base

27      Par leur troisième chef de conclusions, les requérantes demandent la réparation du préjudice qu’elles auraient subi par l’application du règlement attaqué et du règlement de base.

28      La Commission rétorque que la requête ne contient aucun argument en ce qui concerne une prétendue violation des articles 268 et 340 TFUE. Les requérantes n’auraient pas établi l’existence d’une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union par la Commission, ni l’existence d’un préjudice ou d’un lien de causalité. L’action en réparation du préjudice serait donc irrecevable.

29      Ainsi qu’il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête introductive d’instance doit notamment indiquer les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 212 et jurisprudence citée).

30      Plus particulièrement, pour satisfaire à ces exigences, une requête tendant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution de l’Union doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à cette institution, les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 53 et jurisprudence citée).

31      Or, en l’espèce, la requête ne contient aucun développement relatif au troisième chef de conclusions, ni même aucune indication relative au préjudice que les requérantes auraient subi ou au lien de causalité entre cet éventuel préjudice et le comportement reproché à la Commission.

32      Partant, comme le fait valoir à juste titre la Commission, le troisième chef de conclusions, tendant à la réparation du préjudice prétendument subi par les requérantes, doit être rejeté comme irrecevable.

C.      Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation du règlement attaqué en tant qu’il concerne les requérantes

33      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent cinq moyens, qui peuvent être résumés, en substance, comme suit :

–        le premier, tiré d’une méconnaissance du principe de bonne administration et d’un détournement de pouvoir ;

–        le deuxième, tiré d’une violation des droits de la défense et d’erreurs commises par la Commission dans la définition du produit concerné, dans la détermination de l’existence de distorsions significatives sur le marché chinois, dans la détermination du pays représentatif et dans la détermination de la valeur normale ;

–        le troisième, tiré d’erreurs commises par la Commission lorsqu’elle a conclu à l’existence d’un préjudice pour l’industrie de l’Union et d’un lien de causalité ;

–        les quatrième et cinquième, tirés d’une violation du droit international, des droits fondamentaux des requérantes et de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration et d’un détournement de pouvoir

34      Le premier moyen est tiré, en substance, d’une violation du principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et d’un détournement de pouvoir.

35      Plus précisément, les requérantes font valoir que le droit à une bonne administration impose à la Commission d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Premièrement, elles font valoir que la Commission n’a pas effectué sa propre analyse des différents éléments, mais a adopté les motifs de la plainte de European Aluminium, en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement de base. Deuxièmement, les marges de dumping, établies sans aucune preuve du dumping, seraient complètement irréelles. Troisièmement, les informations contenues dans l’avis d’ouverture de l’enquête seraient insuffisantes et erronées et les requérantes l’auraient signalé à la Commission, ainsi qu’il ressortirait des annexes de la requête. Or, la Commission n’en aurait pas tenu compte. Quatrièmement, la méthode de calcul utilisée ne saurait être appliquée pour la détermination des prix moyens et le dumping et le préjudice n’auraient pas été correctement établis, ainsi qu’il ressortirait également des données d’Eurostat produites en annexe à la requête. Il s’ensuivrait que l’enquête menée par la Commission serait incomplète et que le règlement attaqué serait entaché d’un détournement de pouvoir.

36      À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, que toute requête introductive d’instance doit notamment indiquer les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête (voir arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 212 et jurisprudence citée).

37      Ainsi, tout moyen qui n’est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme irrecevable. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen. Un moyen peut également être déclaré partiellement irrecevable lorsque la requête ne contient aucun argument ou grief relatif à une prétendue violation d’une disposition (voir arrêt du 15 octobre 2020, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, T‑307/18, non publié, EU:T:2020:487, point 33 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, premièrement, les requérantes n’expliquent pas quels sont les motifs de la plainte de European Aluminium que la Commission aurait adoptés sans procéder à sa propre analyse, ni en quoi consisterait la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement de base.

39      Deuxièmement, les requérantes allèguent que la Commission n’a apporté aucune preuve du dumping. Or, elles n’expliquent pas pourquoi les éléments de preuve considérés par la Commission dans la section 3 du règlement provisoire et dans la même section du règlement attaqué ne sont pas suffisants pour étayer l’existence d’un dumping, ni pourquoi les marges de dumping retenues sont erronées et elles ne font pas non plus de lien avec une prétendue violation du principe de bonne administration.

40      Troisièmement, les requérantes, d’une part, n’expliquent pas pourquoi les informations contenues dans l’avis d’ouverture d’une procédure antidumping seraient insuffisantes et quelles seraient les informations erronées et, d’autre part, font une référence générale à trois annexes de la requête desquelles il ressortirait que la Commission n’aurait pas tenu compte de leurs griefs. Or, ces éléments ne suffisent pas pour permettre au Tribunal de statuer sur cette partie du recours et la référence aux annexes ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit.

41      Quatrièmement, les requérantes n’expliquent pas pourquoi la méthode de calcul du prix moyen ne serait pas utilisable et pour quelle raison il en résulterait que le dumping et le préjudice découlant de celui-ci n’ont pas été correctement établis. Elles ne font pas non plus le lien entre cette critique et une prétendue violation du principe de bonne administration ou un détournement de pouvoir. La référence générale à l’une des annexes de la requête ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit.

42      Force est de constater que les arguments que les requérantes invoquent dans le premier moyen doivent être rejetés comme irrecevables, ainsi que le soutient à juste titre la Commission.

43      Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et d’erreurs commises par la Commission dans la définition du produit concerné, dans la détermination de l’existence de distorsions significatives  sur le marché chinois, dans la détermination du pays représentatif et dans la détermination de la valeur normale

44      Le deuxième moyen repose sur sept branches, tirées, en substance, la première, d’une violation des droits de la défense des requérantes, les deuxième et troisième, qu’il convient d’examiner ensemble, d’erreurs dans la définition du produit concerné, la quatrième, d’erreurs dans la détermination de l’existence de distorsions significatives sur le marché chinois, les cinquième et sixième, qu’il convient d’examiner ensemble, d’un choix inapproprié de la Turquie en tant que pays représentatif et, la septième, d’une détermination erronée de la valeur normale.

a)      Sur la violation des droits de la défense

45      Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, les requérantes font valoir que, à la suite de l’information finale du 7 janvier 2021, elles ont demandé des informations à la Commission, mais que cette dernière aurait refusé de les leur communiquer.

46      Plus précisément, les requérantes expliquent qu’elles ont demandé, par leurs observations sur l’information finale du 7 janvier 2021 et dans le respect des délais de procédure, des informations concernant les prix de certains produits de l’industrie de l’Union sur le marché de l’Union utilisés par la Commission dans son calcul, demande qui n’a pas reçu de réponse. Elles auraient pour cette raison demandé une vérification le 19 février 2021, demande rejetée par la Commission comme tardive. Par les mêmes observations, les requérantes auraient également demandé les données détaillées et les rapports reçus d’Eurostat et des autorités douanières nationales faisant état du volume global des importations de produits extrudés originaires de Chine et de leurs prix moyens, ainsi que les données relatives à la production et à la consommation de l’Union. Les informations demandées par les requérantes ne seraient pas confidentielles. Elles seraient essentielles pour comprendre comment la Commission est parvenue à la conclusion de l’existence d’un dumping et pour prouver qu’un tel dumping n’existait pas.

47      À cet égard, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union [voir arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 38 et jurisprudence citée]. Les exigences découlant du respect des droits de la défense s’imposent non seulement dans le cadre de procédures susceptibles d’aboutir à des sanctions, mais également dans celui des procédures d’enquête précédant l’adoption de règlements antidumping, qui peuvent affecter les entreprises concernées de manière directe et individuelle et impliquer pour elles des conséquences défavorables (voir arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 64 et jurisprudence citée).

48      En vertu de ce principe, les entreprises concernées par une procédure d’enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission pour constater l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir arrêt du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, EU:T:2008:586, point 45 et jurisprudence citée).

49      En l’espèce, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas leur avoir communiqué des informations concernant les prix de certains produits de l’industrie de l’Union sur le marché de l’Union utilisés par la Commission dans son calcul ainsi que les données détaillées et les rapports reçus d’Eurostat et des autorités douanières nationales faisant état du volume global des importations de produits extrudés originaires de Chine et de leurs prix moyens, ainsi que les données relatives à la production et à la consommation de l’Union.

50      Cette argumentation ne saurait être accueillie. Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, les requérantes avaient connaissance de ces données après la communication d’un document relatif à la méthode utilisée, envoyé le 22 septembre 2020. La Commission a également soumis au Tribunal les calculs détaillés de la marge de dumping, les données concernant la consommation de l’Union et les données relatives aux importations, communiquées aux requérantes en annexe à l’information finale le 22 décembre 2020, ainsi que les calculs des effets de sous-cotation pour le groupe auquel appartiennent les requérantes, communiqués aux requérantes en annexe à l’information finale additionnelle, le 8 février 2021.

51      En outre, la Commission a répondu aux observations des requérantes pendant l’enquête administrative faisant état de différences dans les données et méthodes utilisées (voir considérant 195 du règlement attaqué) et a expliqué, au considérant 196 du règlement attaqué, que les différences tenaient au fait que, en effet, la méthode de calcul de la valeur normale aux fins de la détermination du dumping et la méthode de calcul du prix non préjudiciable utilisée pour déterminer la marge suffisante pour éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union étaient différentes. Au considérant 270 du règlement attaqué, la Commission a également répondu aux observations des requérantes concernant la méthode de calcul du préjudice et la source des données utilisées et a expliqué que la méthode de calcul du préjudice était restée la même, la seule différence étant que les données en provenance du Royaume-Uni avaient été exclues des calculs.

52      Certaines allégations figurant dans la requête semblent faire grief à la Commission de ne pas avoir communiqué aux requérantes l’origine des données utilisées. Toutefois, les requérantes n’expliquent pas en quoi la communication de l’origine des données était nécessaire pour la défense de leurs intérêts, dès lors que les données elles-mêmes leur avaient été communiquées et que la Commission avait répondu à leurs griefs.

53      Au vu de ce qui précède, il n’apparaît nullement que la Commission aurait omis de communiquer aux requérantes les données nécessaires afin de les mettre en mesure de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par elle, ainsi que l’exige la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus.

54      Partant, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

b)      Sur la définition du produit concerné

55      Dans le cadre de leurs deuxième et troisième branches, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir considéré que les produits extrudés en aluminium en provenance de Chine étaient un seul et même produit. La Commission aurait eu recours à une technique erronée, l’évaluation « physico-chimique », et aurait dépassé les limites de sa marge d’appréciation en définissant le produit concerné. Elles affirment qu’elles produisent des milliers de typologies de produits extrudés en aluminium et que, pour cette raison, il convient de procéder à des distinctions, car le groupe auquel elles appartiennent est actif dans des niches de marché non couvertes par les producteurs de l’Union.

56      À cet égard, il convient de relever qu’il découle de l’article 1er du règlement de base, intitulé « Principes », et qui vise, à son paragraphe 1, « tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice », que l’enquête antidumping concerne un produit spécifique. Ce « produit considéré » a été défini par les institutions de l’Union lors de l’ouverture de cette enquête. En outre, l’article 1er, paragraphe 4, dudit règlement définit le « produit similaire » comme un produit identique, c’est-à-dire semblable au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré.

57      Selon une jurisprudence constante, la définition du produit concerné dans le cadre d’une enquête antidumping a pour objet d’aider à l’élaboration de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l’objet de l’imposition des droits antidumping. Aux fins de cette opération, les institutions peuvent tenir compte de plusieurs facteurs, tels que, notamment, les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la perception qu’en a le consommateur, les canaux de distribution, le processus de fabrication, les coûts de production et la qualité (arrêts du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, EU:T:2010:390, point 138, et du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 329).

58      Il en découle que des produits qui ne sont pas identiques peuvent, dans certaines conditions, être regroupés dans la même définition du produit concerné et faire l’objet, ensemble, d’une enquête antidumping. Le règlement de base n’impose pas en lui-même que la notion de « produit considéré » vise nécessairement un produit envisagé comme un tout homogène et composé de produits similaires (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, point 42). La définition du « produit considéré », lors de l’ouverture de l’enquête, n’interdit pas aux institutions de l’Union de subdiviser ce produit en types ou en modèles de produits distincts et de se fonder sur des comparaisons entre le prix du produit sur le marché de l’Union et le prix des importations, modèle par modèle ou type par type (voir, par analogie, arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 59).

59      En outre, une allégation selon laquelle le produit concerné est mal défini devrait reposer sur des arguments montrant soit que les institutions ont mal évalué les facteurs qu’elles ont tenus pour pertinents, soit que l’application d’autres facteurs plus pertinents nécessitait de restreindre la définition du produit concerné (arrêt du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, EU:T:2010:390, point 141).

60      Dans ce cadre de contrôle, il convient de prendre en compte la circonstance selon laquelle, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (voir arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 63 et jurisprudence citée). À cet égard, dès lors qu’il a déjà été jugé que la détermination du produit similaire relevait de l’exercice du large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions et faisait donc l’objet d’un contrôle restreint, la même approche doit être suivie en ce qui concerne le contrôle du bien-fondé de la détermination du produit concerné [arrêt du 10 octobre 2012, Gem-Year et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang)/Conseil, T‑172/09, non publié, EU:T:2012:532, point 62].

61      Néanmoins, comme le soulignent à juste titre les requérantes, le pouvoir d’appréciation de la Commission à cet égard n’est pas illimité. Les appréciations de la Commission sont soumises au contrôle du Tribunal, qui porte, dans ce contexte, sur la vérification du respect des règles de droit applicables, sur l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, sur l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits, ou sur l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, EU:T:2008:586, point 120 et jurisprudence citée).

62      Il convient donc d’examiner si, en l’espèce, la Commission a dépassé son large pouvoir d’appréciation en considérant en tant que produits concernés les « barres et profilés (creux ou non), tubes, tuyaux, non assemblés, préparés ou non en vue de leur utilisation dans la construction (coupés à dimension, percés, coudés, chanfreinés, filetés), constitués d’aluminium, allié ou non, ne contenant pas plus de 99,3 % d’aluminium », communément appelés « produits extrudés en aluminium » (voir considérants 38 et 40 du règlement provisoire, confirmés par le considérant 94 du règlement attaqué, sous réserve des informations complémentaires fournies aux considérants 90 à 93 de ce dernier). La Commission a souligné que le produit concerné devait être traité comme un seul et même produit (considérants 56 et 197 du règlement attaqué).

63      La Commission a justifié ce choix, au considérant 56 du règlement attaqué, en expliquant que les produits inclus dans la définition du produit concerné partageaient les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques de base que ce dernier produit.

64      Il convient de relever, concernant la méthode utilisée pour la définition du produit concerné, que la Commission a précisé, aux considérants 56 et 69 du règlement attaqué, que, si certains produits extrudés pouvaient être utilisés uniquement pour une application spécifique, cela tenait au fait que ces produits étaient conçus sur mesure et fabriqués expressément pour l’usage auquel ils étaient destinés. La Commission a pris en compte le fait que la pratique commerciale avait établi un certain nombre de distinctions, notamment entre les alliages durs et tendres, les profilés de taille moyenne et de grande taille, les profilés standard et spéciaux et les produits extrudés destinés à une application spécifique. Toutefois, si de nombreux producteurs sont présents dans plusieurs de ces segments, ils opèrent en fonction des caractéristiques techniques de leurs machines et des exigences de leurs différents clients. En ce qui concerne plus précisément les alliages, la Commission a conclu après l’enquête qu’il existait un certain nombre d’alliages d’aluminium et que différents alliages pouvaient convenir pour une application donnée. La Commission a pris en compte l’argument présenté par différentes parties selon lequel une distinction de marché devait être opérée selon les critères susmentionnés. Malgré tout, compte tenu de l’absence de démarcation nette ou de critère de distinction entre les différents produits, qui justifierait une analyse par segment, la Commission a conclu que l’évaluation du dumping et du préjudice devait être effectuée à l’échelle de l’industrie de l’Union dans son ensemble, en examinant tous les types de produits extrudés en aluminium conjointement et en garantissant la bonne comparabilité des produits concernés.

65      Au considérant 61 du règlement attaqué, la Commission a rappelé qu’elle n’avait pas contesté la complexité de nombreux produits extrudés en aluminium, y compris ceux du secteur ferroviaire, ni le fait que différents types de produits pouvaient présenter des caractéristiques, des utilisations ou un processus de production spécifiques différents, qu’ils pouvaient satisfaire à des normes de produits différentes, ou que l’interchangeabilité pouvait ne pas être universelle entre chacun de ces types de produits. Les informations fournies au sujet des spécificités des différents types de produits n’avaient pas permis de réfuter le fait que les types considérés partageaient les mêmes caractéristiques physiques, chimiques et techniques de base, quel que soit le secteur dans lequel ils étaient utilisés. De plus, au considérant 197 du règlement attaqué, la Commission a indiqué que l’industrie de l’Union était active sur le marché des alliages durs et des alliages tendres, des profils de taille moyenne et de grande taille, des profils standard et des profils spéciaux et subissait la concurrence des importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping pour tous ces types de produits. Elle a également souligné que tant les producteurs de l’Union que les producteurs chinois pouvaient fabriquer différents types de produits et décider de se concentrer sur certains d’entre eux lorsque les conditions du marché le permettaient.

66      Il apparaît, à l’examen de l’analyse de la Commission, que celle-ci a pris en compte plusieurs facteurs pertinents au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, tels que, notamment, les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la demande de la part des clients et le processus de fabrication.

67      En outre, les requérantes n’ont pas démontré, conformément à la règle selon laquelle la charge de la preuve incombe à la partie requérante, laquelle doit proposer des éléments de preuve concluants à l’appui de son allégation (voir arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, point 127 et jurisprudence citée), que la Commission avait mal évalué les facteurs qu’elle avait tenus pour pertinents, ni quels autres facteurs plus pertinents auraient dû être retenus. Le fait que les prix des requérantes auraient été conformes ou supérieurs aux prix des producteurs de l’Union, à le supposer avéré, est sans pertinence aux fins de cette analyse.

68      Partant, les requérantes n’ont pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation dans la définition du produit concerné. Les deuxième et troisième branche du deuxième moyen doivent donc être rejetées.

c)      Sur l’existence de distorsions significatives  sur le marché chinois

69      Les requérantes, soutenues par Airoldi, font valoir que la Commission a soumis leurs produits à des droits antidumping compensateurs sur le fondement d’une analyse vague et hypothétique, fondée sur le document de travail de la Commission relatif aux distorsions significatives dans l’économie de la République populaire de Chine aux fins des enquêtes de défense commerciale du 20 décembre 2017 [SWD(2017) 483 final/2, ci-après le « rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois »], et aurait ignoré les éléments de preuve qu’elles ont présentés. Or, les exportateurs devraient pouvoir être entendus et démontrer l’absence de distorsions dans leur cas.

70      Airoldi conteste pour sa part la légalité du rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois, utilisé par la Commission, lequel ne respecterait pas les exigences de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), du règlement de base.

71      La Commission soutient que la contestation de la légalité du rapport relatif aux distorsions significatives du marché chinois par Airoldi est irrecevable, car elle n’a pas été soulevée par les requérantes.

72      À cet égard, il convient de rappeler que la détermination de la valeur normale d’un produit constitue l’une des étapes essentielles devant permettre d’établir l’existence d’un dumping éventuel. L’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base prévoit, à cet égard, que « [l]a valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur ».

73      Il y a également lieu de constater que, lors de la détermination de la valeur normale, il ressort tant du libellé que de l’économie de cette disposition que c’est le prix réellement payé ou à payer au cours d’opérations commerciales normales qu’il faut prendre en considération en principe en priorité pour établir la valeur normale (arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 20). En effet, en vertu de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, il ne peut être dérogé à ce principe que lorsqu’il est considéré comme inapproprié de se fonder sur les prix et les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur du fait de l’existence, dans ce pays, de distorsions significatives (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 20).

74      L’article 2, paragraphe 6 bis, sous b), du règlement de base définit le concept de « distorsions significatives » comme les « distorsions qui se produisent lorsque les prix ou les coûts déclarés, y compris le coût des matières premières et de l’énergie, ne sont pas déterminés par le libre jeu des forces du marché en raison d’une intervention étatique importante » et comporte une liste indicative de facteurs qui peuvent être pris en compte dans l’analyse de l’existence de telles distorsions.

75      L’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), du règlement de base dispose ce qui suit :

« Lorsque la Commission dispose d’indications dûment fondées sur l’existence possible de distorsions significatives au sens du [sous] b) dans un certain pays ou un secteur particulier de ce pays, et lorsqu’il y a lieu en vue de l’application effective du présent règlement, la Commission produit, publie et met régulièrement à jour un rapport décrivant la situation du marché visée au [sous] b) dans ce pays ou ce secteur. Les rapports de ce type et les éléments de preuve sur lesquels ils reposent sont versés au dossier de toute enquête se rapportant au pays ou au secteur en question. Les parties intéressées se voient accorder amplement l’occasion de réfuter, de compléter ou d’invoquer un tel rapport et les éléments de preuve sur lesquels celui-ci repose, ainsi que de formuler des observations à ce sujet, dans le cadre de toute enquête dans laquelle ce rapport ou ces éléments sont utilisés. Dans son analyse de l’existence de distorsions significatives, la Commission tient compte de l’ensemble des éléments pertinents versés au dossier de l’enquête. »

76      Le concept de « distorsions significatives » et la méthode de calcul de la valeur normale lorsque de telles distorsions existent dans le pays exportateur ont été introduits dans le règlement de base par le règlement (UE) 2017/2321 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2017, modifiant le règlement de base et le règlement (UE) 2016/1037 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2017, L 338, p. 1, ci-après le « règlement modifiant le règlement de base »).

77      Il ressort des dispositions de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base que, lorsque la Commission établit un rapport décrivant la situation du marché dans un pays exportateur, elle tient compte, dans l’analyse de l’existence de distorsions significatives, des facteurs mentionnés à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous b), du même règlement.

78      À cet égard, il convient de relever que le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le domaine des mesures de défense commerciale en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner (voir arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 63 et jurisprudence citée), porte également sur la détermination de l’existence de distorsions significatives au sens de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous b), du règlement de base ainsi que sur la décision d’établir le rapport prévu par l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), dudit règlement. Il en va de même des situations de fait, d’ordres juridique et politique, qui se manifestent dans le pays concerné et que les institutions de l’Union doivent évaluer pour déterminer si un exportateur agit dans les conditions du marché sans intervention significative de l’État (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑443/11, EU:T:2014:774, point 163 et jurisprudence citée).

79      Toutefois, si, dans le domaine des mesures de défense commerciale et, en particulier, des mesures antidumping, le juge de l’Union ne peut intervenir dans l’appréciation réservée aux autorités de l’Union, il lui appartient cependant de s’assurer que les institutions concernées ont tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’elles ont évalué les éléments du dossier avec toute la diligence requise (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑443/11, EU:T:2014:774, point 164 et jurisprudence citée).

80      Conformément à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), du règlement de base, le rapport sur la situation du marché dans un pays et les preuves sur lesquelles il repose sont versés au dossier de l’enquête. Afin d’analyser l’existence des distorsions significatives, la Commission tient compte de l’ensemble des éléments de preuve pertinents versés au dossier de l’enquête, y compris ceux invoqués par les parties intéressées. Interprétée à la lumière du considérant 7 du règlement modifiant le règlement de base, cette disposition signifie que, pour analyser l’existence de distorsions significatives dans un pays tiers, la Commission doit tenir compte de tous les éléments utiles relatifs à la situation du marché intérieur des exportateurs et producteurs de ce pays qui ont été versés au dossier et à propos desquels les parties intéressées ont eu la possibilité de formuler des observations. Lorsqu’il ressort du rapport visé à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), du règlement de base, versé au dossier, qu’il existe des distorsions significatives sur le marché intérieur dans le pays concerné, la Commission doit mettre ces exportateurs et producteurs en mesure de remettre en cause ces constats et ne peut parvenir à une conclusion sur cette question qu’après avoir dûment examiné les éléments qu’ils avancent pour établir notamment que leurs prix et leurs coûts sur le marché intérieur ne sont pas faussés.

81      Ainsi, dans le système mis en place par l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, les constats portés dans le rapport visé à cette disposition peuvent, le cas échéant, avoir pour conséquence de faire supporter la charge de la preuve contraire au producteur qui souhaite être reconnu en tant qu’entreprise dont les prix sur le marché intérieur ne sont pas faussés. Il appartient toutefois à la Commission, en toute hypothèse, d’apprécier si les éléments fournis par le producteur sont suffisants à cet effet et au juge de l’Union de vérifier si cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur manifeste (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑443/11, EU:T:2014:774, point 165 et jurisprudence citée).

82      En outre, il découle du principe de bonne administration, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, que la charge de la preuve qui peut ainsi incomber aux producteurs-exportateurs en vertu de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), du règlement de base ne doit pas être déraisonnable (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑443/11, EU:T:2014:774, point 166 et jurisprudence citée).

83      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes et d’Airoldi concernant l’analyse par la Commission de l’existence de distorsions significatives sur le marché chinois.

84      En premier lieu, il convient d’examiner les arguments d’Airoldi selon lesquels le rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois, en ce qu’il prend la forme d’un simple document de travail des services de la Commission, ne respecterait pas les exigences de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), du règlement de base.

85      La Commission soutient que ces arguments d’Airoldi sont irrecevables, car ils dépassent le cadre défini par les moyens et les demandes des requérantes.

86      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 142, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien, en tout ou en partie, des conclusions de l’une des parties.

87      Selon la jurisprudence, une partie qui est admise à intervenir à un litige ne peut pas modifier l’objet du litige tel que circonscrit par les conclusions et les moyens des parties principales. Il s’ensuit que seuls les arguments d’un intervenant qui s’inscrivent dans le cadre défini par ces conclusions et moyens sont recevables (arrêt du 7 octobre 2014, Allemagne/Conseil, C‑399/12, EU:C:2014:2258, point 27). Si, aux termes de l’article 145, paragraphe 2, sous b), du règlement de procédure, le mémoire en intervention doit contenir les moyens et les arguments invoqués par la partie intervenante, cela ne signifie pas pour autant que cette dernière est libre d’invoquer des moyens nouveaux, distincts de ceux invoqués par la partie requérante. En effet, cette disposition s’inscrit dans le cadre des limites fixées par la procédure d’intervention et doit être lue à la lumière de l’article 142 de ce règlement, selon lequel l’intervention ne peut avoir d’autre objet que le soutien, en tout ou en partie, des conclusions de l’une des parties, qu’elle est accessoire au litige principal et que la partie intervenante accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention (arrêt du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, C‑449/14 P, EU:C:2016:848, point 121).

88      En outre, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2019, Pologne/Parlement et Conseil (C‑128/17, EU:C:2019:194), dont l’objet était l’annulation d’une directive, l’État membre partie requérante soutenait qu’il avait été privé des informations nécessaires afin de participer utilement au processus ayant mené à l’adoption de la directive attaquée. Un État membre partie intervenante avait fait valoir pour sa part que la procédure législative n’avait pas été menée conformément au règlement intérieur du Conseil de l’Union européenne en raison de la communication tardive de certaines informations et de certains documents. La Cour a jugé que les arguments ainsi avancés par l’État membre partie intervenante ne s’inscrivaient pas dans le cadre défini par les conclusions et moyens de la partie principale au soutien de laquelle avait eu lieu l’intervention, et qu’ils étaient donc irrecevables (arrêt du 13 mars 2019, Pologne/Parlement et Conseil, C‑128/17, EU:C:2019:194, points 78 à 80).

89      Il revient donc au Tribunal, pour décider de la recevabilité des arguments invoqués par Airoldi, de vérifier qu’ils s’inscrivent dans le cadre défini par les conclusions et les moyens des requérantes, au soutien desquelles il intervient.

90      En l’espèce, par ses arguments dont la Commission conteste la recevabilité, Airoldi met en cause la conformité du rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), du règlement de base. Premièrement, Airoldi fait valoir que le rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois est un simple document de travail des services de la direction générale (DG) « Commerce » de la Commission, qui ne semble pas avoir fait l’objet d’une quelconque procédure d’approbation par le collège de ses membres. Il s’agirait d’un acte administratif interne des services de la DG « Commerce » de la Commission qui n’aurait pas bénéficié d’une révision par les autres services de la Commission. Deuxièmement, ledit rapport n’aurait pas fait l’objet d’une « publication », conformément aux exigences de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), du règlement de base, car il aurait été publié uniquement en anglais sur le site Internet de la DG « Commerce » de la Commission. Troisièmement, il n’aurait pas non plus été mis à jour et les données citées dateraient de 2017.

91      Lors de l’audience, Airoldi a précisé que, par cette argumentation, elle contestait la légalité de la procédure d’élaboration du rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois. Elle a soutenu que ledit rapport était un acte de portée générale irrégulier dans sa genèse et que ses arguments devaient être interprétés comme étant soulevés au soutien d’une exception d’illégalité au sens de l’article 277 TFUE.

92      Par ces arguments, Airoldi soulève en réalité un moyen nouveau à l’appui de la critique du calcul de la valeur normale figurant dans le règlement attaqué. Certes, les requérantes, dans le cadre de la première branche du premier moyen et de la quatrième branche du deuxième moyen, remettent en question les conclusions de la Commission, fondées sur le rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois concernant les distorsions significatives et elles font également valoir, par la septième branche de leur deuxième moyen, que la Commission a procédé à une détermination erronée de la valeur normale sur la base dudit rapport. Toutefois, elles ne soulèvent aucun moyen tiré, par voie d’exception, de ce que le rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois auquel elles font référence à plusieurs reprises serait entaché d’illégalité. En particulier, au point 115 de la requête, elles remettent uniquement en cause l’absence d’analyse approfondie, dans ce rapport, des conditions pratiquées par elles-mêmes.

93      Lors de l’audience, les requérantes ont précisé que, selon elles, le rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois n’avait aucun effet juridique. Elles ont affirmé qu’elles ne contestaient pas la légalité dudit rapport.

94      Il s’ensuit que les arguments d’Airoldi visent un aspect du règlement attaqué qui n’a pas été contesté par les requérantes, à savoir la légalité de la procédure d’élaboration du rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois, sur le fondement duquel le règlement attaqué a été adopté. Or, l’argumentation des requérantes, visant uniquement l’utilisation dudit rapport, repose sur la prémisse selon laquelle ce rapport est valide. Il s’ensuit que le moyen soulevé par Airoldi ne s’inscrit pas dans le cadre défini par les conclusions et les moyens des requérantes.

95      En outre, contrairement à ce qu’a fait valoir Airoldi au cours de l’audience, une exception d’illégalité telle que celle invoquée en l’espèce ne saurait être examinée d’office par le Tribunal, dès lors qu’elle ne constitue pas un moyen d’ordre public.

96      Dès lors, le présent moyen soulevé par Airoldi et les arguments qui viennent à son appui sont irrecevables et il convient de les rejeter en tant que tels.

97      En deuxième lieu, il convient d’examiner les arguments des requérantes selon lesquels la Commission les aurait soumises à des droits antidumping compensateurs en raison d’une évaluation globale défavorable de l’économie chinoise et sur le fondement d’une analyse vague et hypothétique, fondée sur le rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois. La procédure reposerait sur des faits vagues et potentiels et l’enquête menée les concernant ne serait pas fondée sur des faits, mais sur des idées préconçues.

98      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé aux points 78 et 80 ci-dessus, d’une part, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la détermination de l’existence de distorsions significatives au sens de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous b), du règlement de base et, d’autre part, elle doit tenir compte de tous les éléments utiles relatifs à la situation du marché intérieur des exportateurs et producteurs du pays concerné et donner la possibilité à ces exportateurs et producteurs de démontrer de manière probante que leurs prix et leurs coûts sur le marché intérieur ne sont pas faussés.

99      En l’espèce, au considérant 139 du règlement attaqué, la Commission a indiqué avoir constaté l’existence de distorsions significatives dans le secteur des produits concernés, de sorte que l’application de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base était appropriée. À cet égard, elle a renvoyé, à la section 3.2.1 du règlement provisoire, à l’analyse de l’existence de distorsions significatives dans le secteur de l’aluminium, comprenant le produit concerné, en Chine.

100    Plus précisément, dans le règlement provisoire, la Commission a analysé point par point les différents facteurs dont il faut notamment tenir compte, en vertu de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous b), du règlement de base, à savoir l’existence d’un marché constitué dans une mesure importante par des entreprises qui appartiennent aux autorités du pays exportateur ou qui opèrent sous leur contrôle, sous leur supervision stratégique ou sous leur autorité (considérants 98 à 104 du règlement provisoire), une présence de l’État dans des entreprises qui permet aux autorités d’influer sur la formation des prix ou sur les coûts (considérants 105 à 112 du règlement provisoire), l’existence de mesures ou politiques publiques discriminatoires qui favorisent les fournisseurs nationaux ou influencent de toute autre manière le libre jeu des forces du marché (considérants 113 à 135 du règlement provisoire), l’absence, l’application discriminatoire ou l’exécution inadéquate de lois sur la faillite, les entreprises ou la propriété (considérants 136 à 140 du règlement provisoire), l’existence d’une distorsion des coûts salariaux (considérants 141 et 142 du règlement provisoire) et l’existence d’un accès au financement accordé par des institutions mettant en œuvre des objectifs de politique publique ou n’agissant pas de manière indépendante vis-à-vis de l’État à tout autre égard (considérants 143 à 153 du règlement provisoire). La Commission en a déduit, compte tenu également de l’absence de coopération de la part des pouvoirs publics chinois, qu’il n’était pas approprié d’utiliser, en l’espèce, les prix et les coûts sur le marché intérieur pour déterminer la valeur normale (considérant 157 du règlement provisoire).

101    Dans son analyse, la Commission a pris en compte le rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois, versé au dossier (considérant 73 du règlement provisoire), ainsi que les études et rapports contenus dans la plainte de European Aluminium (considérant 74 du règlement attaqué), à savoir un rapport sur les surcapacités en Chine, publié par la chambre de commerce de l’Union en Chine, le document de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) intitulé « Measuring distortions in international markets : the aluminium value chain » (Mesurer les distorsions sur les marchés internationaux : la chaîne de valeur de l’aluminium) (OECD Trade Policy Papers, no 218, Paris) et le règlement d’exécution (UE) 2019/915 de la Commission, du 4 juin 2019, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines feuilles d’aluminium originaires de la République populaire de Chine à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base (JO 2019, L 146, p. 63). Il ressort de plusieurs considérants et notes en bas de page du règlement provisoire que la Commission a également tenu compte de différentes données disponibles, provenant des agences de presse, de documents et de sites Internet chinois ainsi que d’un document de travail du Fonds monétaire international (FMI) intitulé « Résoudre le problème d’endettement des entreprises chinoises » (WP/16/203) (considérants 91 à 156 du règlement provisoire).

102    Les pouvoirs publics chinois n’ont pas formulé d’observations, ni fourni d’éléments de nature à infirmer les éléments de preuve existant dans le dossier au stade de l’ouverture de la procédure et la Commission les a informés de son intention de faire usage de l’article 18 du règlement de base, qui permet d’établir des conclusions sur la base des données disponibles (considérants 66 et 76 du règlement provisoire).

103    Les requérantes ont formulé des observations à ce sujet avant l’adoption du règlement provisoire (considérant 77 du règlement provisoire) ainsi que des observations relatives au règlement provisoire (considérants 95 et 96 du règlement attaqué).

104    Il ressort de l’analyse des différents aspects du marché chinois, de la variété des sources de données disponibles passées en revue, qui ne se limitent pas au rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois, et des conclusions tirées de ces sources que la Commission, loin de se contenter d’une analyse vague et hypothétique comme l’allèguent les requérantes, a fondé ses conclusions relatives à l’existence de distorsions significatives sur le marché chinois sur une analyse objective des données disponibles pertinentes, a examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce et n’a pas dépassé le large pouvoir d’appréciation que lui reconnaît la jurisprudence en la matière (voir point 77 ci-dessus).

105    En troisième lieu, les requérantes soutiennent que l’existence de distorsions significatives sur le marché chinois ne saurait être considérée comme automatiquement prouvée pour tous les exportateurs concernés. Les parties intéressées auraient le droit d’être entendues afin de prouver l’absence de distorsions en ce qui les concerne. La Commission aurait ignoré les éléments de preuve qu’elles auraient présentés.

106    Premièrement, la Commission n’aurait pas pris en considération le fait que leurs prix sur le marché européen seraient en ligne avec ceux des producteurs européens, que la méthode de calcul du prix moyen des produits extrudés européens serait manifestement erronée et que les parts du marché pertinent en Europe auraient été modifiées.

107    Toutefois, comme le souligne à juste titre la Commission et ainsi que les requérantes l’ont reconnu à l’audience, les prix pratiqués par celles-ci sur le marché européen ne sont pas pertinents pour le calcul de la valeur normale, qui est fondé sur les prix dans le pays exportateur (article 2, paragraphe 1, du règlement de base) ou sur les coûts de production ou de vente correspondants dans un pays représentatif approprié [article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base]. Les prix pratiqués par les requérantes sur le marché européen ne sont pas davantage pertinents pour la détermination de l’existence de distorsions significatives au sens de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, pour laquelle le critère pertinent consiste, en l’espèce, à savoir si le secteur des produits extrudés en aluminium est affecté par des distorsions significatives sur le marché chinois.

108    Ces arguments doivent donc être rejetés.

109    Deuxièmement, les requérantes soutiennent avoir prouvé qu’elles n’ont pas bénéficié de conditions privilégiées pour les financements obtenus pendant la période d’enquête, ni de politiques préférentielles, et présentent des données concernant le taux d’intérêt pour leurs financements pendant cette période. La Commission n’aurait pas pris en considération ces éléments au considérant 103 du règlement attaqué.

110    Toutefois, il apparaît à la lecture du considérant 103 du règlement attaqué que la Commission a pris en considération l’existence de prêts accordés par des banques étatiques et non pas le taux d’intérêt de ces prêts. En effet, le taux d’intérêt, même s’il s’agit d’une variable importante, n’est qu’un des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de déterminer l’existence de financements avantageux. D’autres considérations, comme les conditions d’accès aux financements, les conditions de solvabilité des entités financées et les délais de traitement et de paiement peuvent également être déterminants. L’argumentation des requérantes, limitée aux taux d’intérêt appliqués à leurs financements, ne suffit donc pas pour invalider le raisonnement de la Commission.

111    Troisièmement, les requérantes soutiennent que la Commission ne leur a pas donné l’occasion de prouver que leurs prix ne font pas l’objet de distorsions.

112    À cet égard, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort des points 10 et 13 ci-dessus, les requérantes ont eu l’occasion de présenter leurs observations sur l’existence de distorsions significatives sur le marché chinois tant avant l’adoption du règlement provisoire qu’avant l’adoption du règlement attaqué. Par ailleurs, il apparaît à la lecture de ces règlements qu’une partie des sections consacrées à l’analyse de l’existence de distorsions significatives sur le marché chinois est consacrée aux réponses apportées aux arguments des requérantes.

113    Ainsi, les requérantes ont été mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de sa conclusion concernant les distorsions significatives sur le marché chinois. Elles n’avancent d’ailleurs aucun élément qu’elles n’auraient pas pu faire valoir et qu’elles n’auraient pas eu l’occasion de soumettre à la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 42].

114    En outre, les requérantes ne présentent pas de façon plus détaillée les prétendus éléments de preuve, autres que ceux examinés aux points 106 à 110 ci-dessus, que la Commission n’aurait pas pris en considération. Dès lors, cet argument n’est pas suffisamment précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours et doit être rejeté comme irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, points 166 et 167 et jurisprudence citée).

115    Quatrièmement, lors de l’audience, les requérantes ont ajouté qu’elles n’ont pas été consultées lors de l’élaboration du rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois, ce qui impliquerait que son utilisation dans leur cas serait entachée d’une violation de leurs droits de la défense.

116    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ou qu’ils constituent l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présentent un lien étroit avec celui-ci [voir arrêt du 7 novembre 2019, Intas Pharmaceuticals/EUIPO – Laboratorios Indas (INTAS), T‑380/18, EU:T:2019:782, point 26 (non publié) et jurisprudence citée]. Selon la jurisprudence, l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure est applicable également aux griefs ou aux arguments. En outre, la généralité de l’intitulé d’un moyen invoqué au stade de la requête introductive d’instance ne saurait couvrir le développement, à un stade ultérieur de la procédure, d’arguments spécifiques ne présentant pas un lien suffisamment étroit avec les arguments soulevés dans cette requête (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 59 et jurisprudence citée).

117    En l’espèce, il y a lieu de constater qu’il ne ressort nullement de la requête qu’une violation des droits de la défense, telle que décrite au point 115 ci-dessus, y était alléguée. En outre, ainsi qu’il a été dit aux points 92 à 94 ci-dessus, les requérantes n’ont pas, dans leurs écritures, remis en cause la légalité de la procédure d’élaboration du rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois.

118    En tout état de cause, d’une part, le règlement de base ne prévoit pas la consultation des producteurs exportateurs du pays tiers concerné par le rapport prévu par l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), dudit règlement aux fins de l’élaboration de ce rapport, qui constitue un document de portée générale et qui peut trouver application à plusieurs cas d’espèce. D’autre part, les droits des requérantes ont été pleinement respectés lorsqu’il s’est agi d’appliquer le rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois, ainsi qu’il ressort des points 103 et 105 ci-dessus.

119    Par conséquent, l’argument avancé par les requérantes à l’audience, qui doit être considéré comme nouveau et donc comme irrecevable, doit, en tout état de cause, être rejeté comme non fondé.

120    Partant, il convient de rejeter ces arguments des requérantes et, avec eux, l’ensemble de la quatrième branche du deuxième moyen.

d)      Sur le choix de la Turquie en tant que pays représentatif

121    En premier lieu, dans le cadre de leurs cinquième et sixième branches, les requérantes soutiennent que la Commission a conclu à tort à l’existence de distorsions significatives sur le marché chinois, qui, en tout état de cause, ne les concernent pas. En conséquence, selon les requérantes, elle aurait eu tort de recourir à un pays représentatif pour le calcul de la valeur normale. En outre, il n’y aurait pas eu de débat contradictoire sur le choix du pays représentatif.

122    À cet égard, il convient de constater que les arguments des requérantes quant à la conclusion de la Commission concernant l’existence de distorsions significatives sur le marché chinois ont été écartés dans le cadre de l’examen de la troisième branche de ce moyen et de la quatrième branche du deuxième moyen. En outre, ainsi qu’elle le fait valoir, la Commission a publié, le 16 mars 2020, une première note au dossier sur les sources utilisées pour la détermination de la valeur normale, par laquelle, à partir des critères orientant le choix de prix ou de valeurs de référence non faussés, elle a identifié plusieurs pays représentatifs potentiels. La Commission a recueilli des observations sur cette première note et en a publié une deuxième le 25 juin 2020, dans laquelle elle a répondu aux observations et a informé les parties intéressées qu’elle envisageait de retenir la Turquie comme pays représentatif.

123    Les requérantes n’invoquant pas d’arguments supplémentaires dans le cadre de la présente branche à cet égard, ces allégations doivent être rejetées.

124    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que le choix de la Turquie en tant que pays représentatif est erroné.

125    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base prévoit que, lorsqu’il est jugé inapproprié de se fonder sur les prix et les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur du fait de l’existence, dans ce pays, de distorsions significatives, la valeur normale est calculée exclusivement sur la base de coûts de production et de vente représentant des prix ou des valeurs de référence non faussés. À cette fin, la Commission peut utiliser comme sources d’information, notamment, les coûts de production et de vente correspondants dans un pays représentatif approprié, qui a un niveau de développement économique semblable à celui du pays exportateur.

126    Cette disposition a été insérée dans le règlement de base par le règlement modifiant le règlement de base, qui a également remplacé les dispositions de l’ancien article 2, paragraphe 7, sous a), du même règlement, selon lesquelles « un pays tiers à économie de marché approprié [était] choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix ». Il ressort de leur libellé que l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base et l’ancien article 2, paragraphe 7, sous a), du même règlement poursuivent le même objectif, à savoir déterminer la méthode de calcul de la valeur normale dans le cas d’importations en provenance de pays dont les prix et coûts sur le marché intérieur ne peuvent pas être pris en considération à cause des conditions de marché dans le pays concerné. Toutefois, ces deux dispositions ont une formulation différente, ce qui signifie, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, que la jurisprudence qui interprétait l’ancien article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base peut être transposée seulement en partie aux fins de l’interprétation de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base. En effet, cette dernière disposition introduit une définition différente du pays représentatif, qui doit être « approprié » et avoir « un niveau de développement économique semblable à celui du pays exportateur ». En ce qui concerne les données à prendre en considération, cette même disposition précise qu’il s’agit des données « pertinentes », pour autant qu’elles soient disponibles. Un élément d’ordonnancement entre plusieurs pays représentatifs appropriés est également introduit, car il est précisé que la préférence, pour le choix du pays représentatif, doit aller aux pays « appliquant un niveau adéquat de protection sociale et environnementale ».

127    Cela étant, il est de jurisprudence constante que les institutions de l’Union jouissent d’un large pouvoir d’appréciation concernant la détermination de la valeur normale pour des pays n’ayant pas d’économie de marché (voir arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, point 126 et jurisprudence citée) et que le choix du pays analogue à cette fin s’inscrit également dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le domaine de la politique commerciale commune, en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner (voir arrêt du 29 juillet 2019, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, C‑436/18 P, EU:C:2019:643, point 30 et jurisprudence citée). Cette jurisprudence s’applique également à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, qui limite, toutefois, la marge d’appréciation de la Commission en ce que le pays choisi doit avoir un niveau de développement économique semblable à celui du pays exportateur.

128    Il a également été jugé qu’il convenait de vérifier si la Commission n’avait pas omis de prendre en considération des éléments essentiels ou pertinents en vue d’établir le caractère adéquat du pays choisi et si les éléments du dossier avaient été examinés avec toute la diligence requise pour qu’il pût être considéré que la valeur normale du produit concerné avait été déterminée d’une manière appropriée et non déraisonnable (voir arrêts du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 51 et jurisprudence citée, et du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209, point 32 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, EU:C:1997:261, points 23 et 24). Cette jurisprudence peut être transposée à des situations où l’existence de distorsions significatives dans le pays exportateur justifie l’utilisation des données en provenance d’un pays représentatif approprié pour le calcul de la valeur normale, qui implique également l’examen de situations économiques et politiques complexes.

129    En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, les juridictions de l’Union doivent s’assurer que la Commission n’a pas omis de prendre en considération des éléments essentiels en vue d’établir le caractère adéquat du pays choisi. À cette fin, il incombe auxdites institutions, en tenant compte des autres possibilités qui se présentent, de trouver un pays tiers ayant un niveau de développement économique semblable à celui du pays exportateur. Lorsque le choix de plusieurs pays est envisageable à la lumière des données aisément disponibles, la Commission procède à une analyse comparative de ces différents pays et accorde une préférence aux pays appliquant un niveau adéquat de protection sociale et environnementale.

130    En l’espèce, la Commission a publié, le 16 mars 2020, une première note au dossier sur les sources utilisées pour la détermination de la valeur normale, par laquelle, à partir des critères orientant le choix de prix ou de valeurs de référence non faussés, elle a identifié les pays représentatifs potentiels suivants : Brésil, Colombie, Équateur, République islamique d’Iran, Kazakhstan, Malaisie, Maurice, Mexique, Monténégro, Russie, Serbie, Sri Lanka, Thaïlande et Turquie (considérants 35 et 161 du règlement provisoire). À la suite des observations qu’elle a reçues, elle a informé les parties intéressées, par une note du 25 juin 2020, qu’elle avait l’intention de retenir la Turquie comme pays représentatif (considérants 37 et 164 du règlement provisoire). Les critères pour sélectionner le pays représentatif étaient, premièrement, un niveau de développement économique semblable à celui de la Chine, deuxièmement, que le produit soumis à l’enquête fût fabriqué dans ce pays et, troisièmement, la disponibilité des données publiques pertinentes dans ce pays (considérant 159 du règlement provisoire). La Commission a rappelé que la préférence serait accordée, le cas échéant, au pays ayant un niveau adéquat de protection sociale et environnementale (considérant 159 du règlement provisoire). Après avoir examiné les observations des parties intéressées à la suite de l’information finale, la Commission a confirmé, au considérant 152 du règlement attaqué, le choix de la Turquie en tant que pays représentatif.

131    Dans ce contexte, compte tenu du fait que la charge de la preuve incombe à la partie requérante, laquelle doit proposer des éléments de preuve concluants à l’appui de son allégation (voir arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, point 127 et jurisprudence citée), il y a lieu de vérifier si les requérantes ont avancé des éléments de preuve de nature à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en choisissant la Turquie comme pays représentatif.

132    Les requérantes soutiennent que la Commission a suivi European Aluminium lorsqu’elle a choisi la Turquie comme pays représentatif. Elles font valoir que ce choix ne tient pas compte du nombre d’habitants de la Chine et de la Turquie et de la demande intérieure qui, en raison du principe de l’économie d’échelle, impliquerait que l’augmentation de la production entraîne la diminution des coûts fixes. Selon les requérantes, ce choix ne respecte pas les critères établis par la jurisprudence antérieure, selon laquelle il incombe aux institutions de l’Union, en tenant compte des autres possibilités qui se présentent, d’essayer de trouver un pays tiers où le prix d’un produit similaire est formé dans des circonstances aussi comparables que possible à celles du pays d’exportation, pourvu qu’il s’agisse d’un pays à économie de marché (arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 49).

133    À cet égard, il convient de relever que la jurisprudence invoquée par les requérantes concerne le choix d’un « pays tiers à économie de marché » en vertu de l’ancien article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base. Ainsi, tous les paramètres posés par l’arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland (C‑687/13, EU:C:2015:573), ne sauraient être automatiquement transposés en tant que tels à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base. Plus précisément, cette dernière disposition requiert que le pays représentatif approprié présente « un niveau de développement économique semblable à celui du pays exportateur », et non pas qu’il soit un pays à économie de marché, et prévoit un paramètre supplémentaire, relatif à l’application d’un niveau adéquat de protection sociale et environnementale. Il s’ensuit que le critère qui doit être désormais respecté est le niveau de développement économique semblable à celui du pays exportateur. C’est dans le respect de ce critère que l’essentiel de la jurisprudence relative à l’ancien article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base demeure applicable, à savoir que la Commission doit se fonder sur un pays tiers où le prix d’un produit similaire est formé dans des circonstances aussi comparables que possible à celles du pays d’exportation, conformément au devoir de diligence pesant sur la Commission en vertu de la jurisprudence citée au point 127 ci-dessus.

134    La Commission a fondé son choix de la Turquie en tant que pays représentatif sur les critères repris au point 130 ci-dessus. Parmi ces critères, le premier est le niveau de développement économique semblable à celui de la Chine. La Commission a expliqué, au considérant 159 du règlement provisoire, qu’elle avait utilisé des pays présentant un revenu national brut similaire à celui de la Chine en se fondant sur la base de données de la Banque mondiale. Elle a précisé, au considérant 151 du règlement attaqué, que la Turquie affichait le même niveau de développement que la Chine selon la classification de la Banque mondiale (revenu moyen supérieur) et constituait donc un pays représentatif. Elle a également pris en compte le fait que l’enquête avait révélé que les produits extrudés en aluminium constitués des deux types d’alliages, tendres et durs, étaient produits en Turquie.

135    Les requérantes ne contestent pas le fait que la Turquie affiche un niveau de développement semblable à celui de la Chine. Leur argumentation fondée sur un argument d’économie d’échelle, tiré de ce que la Chine aurait un nombre d’habitants supérieur à la Turquie et de ce que la demande intérieure serait différente, ne saurait invalider les conclusions de la Commission. D’une part, il ne découle nullement du règlement de base que la Commission doit prendre en considération la population des pays lorsqu’elle choisit le pays représentatif. D’autre part, la Chine étant le pays avec la plus grande population au monde, il serait déraisonnable d’exiger de la Commission de retenir en tant que pays représentatif un pays avec une population équivalente. Pour la même raison, l’argument des requérantes concernant la demande intérieure et l’économie d’échelle ne saurait non plus être accepté.

136    Partant, les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans le choix de la Turquie comme pays représentatif.

137    En troisième lieu, les requérantes arguent que le choix du pays de référence est entaché d’un défaut de motivation. La Commission n’aurait pas précisé pourquoi le prix pratiqué par les producteurs turcs cités dans le règlement provisoire pourrait être un élément de comparaison et n’aurait pas expliqué le processus de formation du prix de ces entreprises. En outre, la Commission n’aurait pas motivé dans le règlement attaqué la comparabilité de la Turquie en tant que pays représentatif et n’aurait pas tenu compte de leurs observations en ce qui concerne la différence de typologies et de quantités des produits fabriqués.

138    Selon une jurisprudence constante, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision [arrêts du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, EU:T:2009:212, point 175, et du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 110]. La motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle [arrêts du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, EU:C:2003:511, point 88, et du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 129 (non publié)].

139    En revanche, les institutions ne sont pas tenues de répondre, dans la motivation du règlement provisoire ou définitif, à tous les points de fait et de droit invoqués par les intéressés au cours de la procédure administrative (voir arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 256 et jurisprudence citée).

140    Dans ce contexte, il y a lieu d’observer que la Commission a procédé, aux considérants 159 à 165 du règlement provisoire et aux considérants 142 à 152 du règlement attaqué, à un exposé clair et non équivoque des critères pertinents pour choisir le pays représentatif et des raisons qui ont mené au choix de la Turquie. En effet, la Commission a d’abord exposé les critères utilisés (considérant 159 du règlement provisoire), a indiqué la liste des pays représentatifs potentiels (considérant 161 du règlement provisoire), a expliqué la procédure de consultation avec les parties intéressées (considérants 160 à 163 du règlement provisoire et considérants 143 et 144 du règlement attaqué) et a expliqué pourquoi les observations de certaines parties intéressées ne pouvaient être retenues (considérants 163 et 164 du règlement provisoire et 145 à 151 du règlement attaqué). La Commission a ainsi expliqué que les deux types d’alliages, tendres et durs, étaient produits en Turquie (considérant 164 du règlement provisoire), que l’union douanière ne pouvait faire de la Turquie un pays représentatif inapproprié (considérant 147 du règlement attaqué), que la Turquie était le pays représentatif le plus approprié sur la base des données disponibles concernant les normes environnementales et sociales (considérant 148 du règlement attaqué) et que la Turquie avait le même niveau de développement que la Chine selon la classification de la Banque mondiale (considérant 151 du règlement attaqué).

141    En outre, l’argument selon lequel la Commission aurait ignoré les observations des requérantes en ce qui concerne la différence de typologies et de quantités des produits fabriqués tend à remettre en cause le bien-fondé du règlement attaqué. Il a été rejeté aux points 51 et 56 à 68 ci-dessus.

142    Dès lors, compte tenu du fait que les institutions ne sont pas tenues de répondre à tous les points de fait et de droit invoqués par les intéressés au cours de la procédure administrative, les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission une violation de l’obligation de motivation.

143    Partant, il convient de rejeter ces arguments des requérantes et les cinquième et sixième branches du deuxième moyen dans leur intégralité.

e)      Sur la détermination de la valeur normale

144    Dans le cadre de la septième branche du deuxième moyen, les requérantes font grief à la Commission d’avoir déterminé la valeur normale de manière incorrecte et incompréhensible.

145    En premier lieu, les requérantes font valoir que la Commission leur a imposé des droits antidumping à l’issue d’une enquête insuffisante, sur le seul fondement du rapport relatif aux distorsions significatives sur le marché chinois et de la plainte de l’EA, sans prouver qu’elles tiraient un avantage de la situation économique en Chine et en ignorant les informations fournies par elles, notamment le taux d’intérêt qu’elles payaient pour leurs prêts bancaires.

146    À cet égard, il suffit de rappeler que ces allégations des requérantes ont déjà été écartées dans le cadre de l’analyse de la quatrième branche du deuxième moyen (voir points 97 à 120 ci-dessus).

147    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que des valeurs comme les frais de transport sont construites de manière arbitraire et sont erronées et que, à l’heure actuelle, les coûts d’expédition et de transport sont nettement plus élevés qu’au cours des années précédentes, une augmentation essentiellement due à certaines prévisions des compagnies maritimes.

148    Cet argument des requérantes doit également être rejeté. En effet, une augmentation des prix du transport « à l’heure actuelle » et les prévisions des compagnies maritimes, à les supposer avérées, sont postérieures à l’adoption du règlement attaqué et ne sont pas des éléments de preuve de nature à remettre en question l’analyse de la Commission de la valeur normale dans le règlement provisoire et le règlement attaqué.

149    En troisième lieu, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir motivé de manière très vague ses conclusions concernant certaines de leurs observations, et notamment la manière dont elle était parvenue à établir une valeur équitable sur la base des paramètres turcs, surtout à la lumière des valeurs admises en tant que critères de référence, qui dateraient de 2016 et qui ne seraient pas exactes. En particulier, le prix des matières premières, qui représenterait 70 % du prix final des produits extrudés, ne serait pas correct.

150    Ces arguments des requérantes réitèrent certaines des observations qu’elles ont présentées le 7 janvier 2021 au stade de l’information finale, dans des termes presque identiques. Toutefois, ils ne sont pas suffisamment développés, dans la mesure où les requérantes n’expliquent pas quelles seraient les valeurs admises en tant que critères de référence qui dateraient de 2016, ni pourquoi ces valeurs ne seraient pas pertinentes, de même qu’elles n’expliquent pas pourquoi le prix des matières premières ne serait pas correct.

151    Partant, conformément à la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, ces arguments doivent être rejetés comme irrecevables.

152    Dès lors, il convient d’écarter la septième branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs commises par la Commission lorsqu’elle a conclu à l’existence d’un préjudice pour l’industrie de l’Union et d’un lien de causalité

153    Dans le cadre de leur troisième moyen, les requérantes invoquent, en substance, quatre branches et sont soutenues par Airoldi, qui invoque également deux branches.

154    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base définit la notion de « préjudice » comme s’entendant, sauf indication contraire, notamment, d’un préjudice important pour l’industrie de l’Union ou d’une menace de préjudice important pour cette industrie et qu’il renvoie aux dispositions du même article pour l’interprétation de cette notion.

155    L’article 3, paragraphe 2, du règlement de base régit la détermination de l’existence d’un préjudice. Celle-ci doit se fonder sur des éléments de preuve positifs et comporter un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

156    L’article 3, paragraphe 3, du règlement de base prévoit que, en ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, il convient d’« examine[r] s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union », que, « [e]n ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, [il convient d’]examine[r] s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites » et qu’« [u]n seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante ».

157    L’article 3, paragraphe 5, du règlement de base prévoit que l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et de tous les indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, tandis que l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base précise que les institutions de l’Union sont tenues d’établir, à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents relatifs à la situation de l’industrie de l’Union, l’existence d’un préjudice subi par cette industrie. En particulier, cet article prévoit qu’une telle preuve implique la démonstration que le volume ou les niveaux des prix visés à son paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie de l’Union, au sens du paragraphe 5 de ce même article, et que cet impact est tel qu’il puisse être considéré comme important (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 49).

158    Selon une jurisprudence bien établie, la détermination du préjudice suppose l’appréciation de questions économiques complexes. Dans cet exercice, les institutions de l’Union disposent d’une large marge d’appréciation (voir arrêts du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, EU:C:1991:186, point 86 et jurisprudence citée, et du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 226 et jurisprudence citée). Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de droit applicables, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Tel est, notamment, le cas en ce qui concerne la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antidumping (voir arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 36 et jurisprudence citée).

159    Par ailleurs, il appartient aux requérantes de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 228 et jurisprudence citée).

160    C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner le troisième moyen des requérantes.

a)      Sur les facteurs et indices économiques qui influent sur la situation de l’industrie de l’Union

161    Dans le cadre de leur première branche, les requérantes présentent, en substance, quatre griefs afin de faire valoir que la Commission a évalué de façon erronée les différents facteurs et indices économiques qui influent sur la situation de l’industrie de l’Union.

1)      Sur la prise en considération de la part de marché de l’industrie de l’Union

162    Dans le cadre de leur premier grief, les requérantes soutiennent que la part de marché des producteurs de l’Union est supérieure à 85 %. Or, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que, lorsque les producteurs de l’Union détiennent une part de marché importante, il ne serait pas question d’un préjudice pour l’industrie de l’Union. Une part de marché élevée de l’industrie de l’Union lui conférerait naturellement une position de force qui exclurait un constat de vulnérabilité des entreprises de l’Union.

163    À cet égard, il convient d’observer, ainsi qu’il ressort des points 154 à 159 ci-dessus, que le règlement de base ne prévoit aucun seuil de part de marché de l’industrie de l’Union au-dessous duquel ladite industrie ne peut pas être considérée comme ayant subi un préjudice important au sens de l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement. En outre, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard.

164    Cela étant, il ne saurait être contesté que l’évolution de la part de marché de l’industrie de l’Union constitue un facteur d’une importance significative en vue d’apprécier l’existence d’un préjudice important au détriment de ladite industrie (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2007, Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, T‑107/04, EU:T:2007:85, point 65).

165    En outre, il convient de rappeler que, si l’examen des institutions doit mener à la conclusion que le préjudice causé à l’industrie de l’Union est important, il n’est pas exigé que tous les facteurs et indices économiques pertinents démontrent une tendance négative (arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 114). Par ailleurs, la seule circonstance que certains facteurs de préjudice se soient améliorés durant la période considérée ne signifie pas pour autant que l’industrie de l’Union n’ait pas subi un préjudice important (arrêt du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209, point 93 ; voir également, en ce sens, arrêt du 30 mars 2000, Miwon/Conseil, T‑51/96, EU:T:2000:92, point 105).

166    En l’espèce, afin de conclure que l’industrie de l’Union a subi un préjudice important, dans les sections 4 et 5 du règlement attaqué, la Commission a analysé l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping en évaluant différents indicateurs économiques, en application de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base.

167    Ainsi, il ressort du tableau no 5, repris au considérant 229 du règlement attaqué, que la part de marché des ventes sur le marché libre de l’industrie de l’Union était de 84,4 % pendant la période d’enquête et qu’elle a connu une réduction de 4 % pendant la période considérée. La Commission a également fourni un tableau tenant compte du retrait du Royaume–Uni de l’Union (voir considérant 35 du règlement attaqué), même si ce retrait est devenu effectif après la période d’enquête et la période considérée. Ainsi, il ressort du tableau no 5 bis, repris au considérant 275 du règlement attaqué, que, en ne prenant pas en considération le Royaume-Uni, la part de marché de l’industrie de l’Union était de 85,4 % pendant la période d’enquête et avait perdu 3,0 points de pourcentage pendant la période considérée.

168    Aux considérants 226 et 227 du règlement attaqué, il est expliqué que la consommation de l’Union sur le marché libre a augmenté de 6 %, pourcentage confirmé, pour l’industrie de l’Union en ne prenant pas en considération le Royaume-Uni, par le tableau no 4 bis repris au considérant 271 du règlement attaqué.

169    La Commission a confirmé, au considérant 254 du règlement attaqué, les conclusions relatives à la situation de l’industrie de l’Union exposées aux considérants 271 à 274 du règlement provisoire. Il s’agit, notamment, des conclusions selon lesquelles il est indiqué ce qui suit :

« 271. Plusieurs indicateurs ont montré une tendance positive, notamment pour la production, les capacités, le volume des ventes sur le marché de l’Union et l’emploi. Toutefois, l’évolution positive de ces indicateurs était liée à l’augmentation de la consommation et, en fait, ces indicateurs auraient dû augmenter plus fortement si l’industrie de l’Union avait été capable de profiter de la hausse du marché. De fait, malgré l’augmentation du volume des ventes, l’industrie de l’Union a perdu des parts de marché sur le marché libre.

272. Les prix des ventes sur le marché libre ont augmenté de 19 %. Cela étant, ces augmentations de prix n’ont pas suivi les augmentations des coûts (20 %). Cette évolution était causée par le blocage des prix. L’industrie de l’Union n’a pas été en mesure d’augmenter les prix dans la même mesure que l’augmentation des coûts, en raison de la pression à la baisse causée par les importations en provenance de Chine qui sous-cotent les prix de l’industrie de l’Union. Gardant à l’esprit le fait que les niveaux de rentabilité étaient en dessous du niveau de bénéfice cible sur toute la période considérée, et tenant compte des volumes et des prix modiques des importations chinoises, la Commission a conclu que les augmentations de prix avaient été bloquées sur toute la période considérée. En conséquence, tous les indicateurs de performance financière, à savoir la rentabilité, le rendement des investissements et le flux de trésorerie ont affiché une tendance à la baisse, et les bénéfices réalisés ont été inférieurs au niveau de bénéfice cible tout au long de la période considérée. Cela est d’autant plus dommageable que le marché du produit soumis à l’enquête a pris de l’ampleur au cours de la période considérée, mais que l’industrie de l’Union a encore enregistré des bénéfices faibles et en baisse. Malgré le maintien des investissements aussi haut que possible afin de rester compétitive, l’industrie de l’Union n’a manifestement pas réalisé des niveaux de bénéfices suffisamment élevés pour encourager les investissements futurs. En outre, ce déclin de l’industrie de l’Union s’est produit au cours d’une période de croissance sur le marché de l’Union. L’industrie de l’Union a perdu 5 % de part de marché [chiffre modifié dans le règlement attaqué] dans un marché en croissance, et n’était manifestement pas en mesure de profiter de la croissance du marché de l’Union. »

170    Il ressort de ces éléments que la Commission a dûment pris en considération la part de marché élevée de l’industrie de l’Union ainsi que l’existence de certains indicateurs connaissant une tendance positive. Les requérantes n’ont pas apporté le moindre argument ni élément de preuve permettant de démontrer que les affirmations de la Commission aux considérants 271 et 272 du règlement attaqué, en particulier l’effet sur les prix, étaient manifestement erronées. Ainsi, elles n’ont pas démontré que, eu égard aux principes exposés aux points 163 à 165 ci-dessus, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant une évolution négative de la part de marché de l’industrie de l’Union et en concluant que ladite industrie avait subi un préjudice important, en prenant en compte l’ensemble des indicateurs pertinents et notamment la perte des parts de marché et la détérioration de la rentabilité de l’industrie de l’Union. Au contraire, la Commission a souligné que l’augmentation du volume des ventes n’avait été que de 2 % (voir tableau no 5, repris au considérant 245 du règlement provisoire) au moment où la consommation de l’Union avait augmenté de 6 % (voir tableau no 4, repris au considérant 226 du règlement attaqué) et que l’augmentation des prix n’avait pas suivi l’augmentation des coûts (voir tableau no 7, repris au considérant 256 du règlement provisoire).

171    Cette conclusion n’est pas remise en cause par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal citée par les requérantes, ainsi que le souligne à juste titre la Commission.

172    Certes, les arrêts du 4 février 2021, eurocylinder systems (C‑324/19, EU:C:2021:94), et du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil (T‑528/09, EU:T:2014:35), concernant tous les deux le règlement (CE) no 926/2009 du Conseil, du 24 septembre 2009, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de la République populaire de Chine (JO 2009, L 262, p. 19), ont reconnu l’importance du facteur relatif aux parts de marché de l’industrie de l’Union pour la détermination de l’existence d’un préjudice.

173    Toutefois, l’enseignement principal des arrêts du 4 février 2021, eurocylinder systems (C‑324/19, EU:C:2021:94), et du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil (T‑528/09, EU:T:2014:35), est que les différents indicateurs, y compris la part de marché de l’industrie de l’Union, ne doivent pas être appréhendés de façon isolée, mais globalement dans leur ensemble (voir, en ce sens, arrêts du 4 février 2021, eurocylinder systems, C‑324/19, EU:C:2021:94, point 49, et du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, points 61 à 63).

174    De plus, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 4 février 2021, eurocylinder systems (C‑324/19, EU:C:2021:94), et du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil (T‑528/09, EU:T:2014:35), les facteurs économiques, hormis l’évolution de la part de marché de l’industrie de l’Union, étaient tous positifs (arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, points 59 à 61). Or, dans la présente espèce, il ressort du règlement provisoire que l’utilisation des capacités (tableau no 4, repris au considérant 240 du règlement provisoire), la rentabilité et le rendement des investissements de l’industrie de l’Union (tableau no 10, repris au considérant 265 du règlement provisoire) avaient régressé pendant la période considérée.

175    Par ailleurs, les extraits des arrêts du 4 février 2021, eurocylinder systems (C‑324/19, EU:C:2021:94), et du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil (T‑528/09, EU:T:2014:35), cités par les requérantes, concernent un aspect différent du préjudice, à savoir l’appréciation de la situation de vulnérabilité de l’industrie de l’Union à la fin de la période d’enquête afin de conclure à l’existence d’une menace de préjudice important.

176    En outre, l’arrêt du 2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil (T‑163/94 et T‑165/94, EU:T:1995:83), invoqué par les requérantes, concerne une situation où le Conseil avait commis des erreurs de fait qui avaient fait apparaître des tendances contraires à l’évolution réelle du marché (voir point 114 de cet arrêt), erreurs qui ne sont pas alléguées dans le présent litige. Quant à l’arrêt du 14 mars 2007, Aluminium Silicon Mill Products/Conseil (T‑107/04, EU:T:2007:85), également invoqué par les requérantes, il concerne une situation où le Conseil avait commis une erreur de fait en donnant une image de l’évolution de la part de marché de l’industrie de l’Union contraire aux données reprises dans le règlement provisoire (voir points 63 à 66 de cet arrêt).

177    Airoldi fait néanmoins valoir, premièrement, que des données relatives au préjudice, notamment celles qui concernent la part de marché de l’industrie de l’Union, ne sont pas correctes, car aucune donnée récente sur différents facteurs comme le volume de production n’aurait été fournie au stade définitif. Airoldi met cet argument en relation avec la suppression d’une grande partie des importations sous le code NC 7610 90 90, qui inclut également des produits n’entrant pas dans le champ de l’enquête (voir considérant 202 du règlement attaqué) et le retrait du Royaume-Uni de l’Union.

178    À titre liminaire, il convient de constater que cette argumentation d’Airoldi se rattache au moyen des requérantes qui concerne l’analyse du préjudice subi par l’industrie de l’Union. Il concerne plus précisément les différents facteurs et indices qui influent sur la situation de l’industrie de l’Union, dont les requérantes traitent dans le cadre de la première branche de leur troisième moyen.

179    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la Commission, ces arguments s’inscrivent dans le cadre défini par les conclusions et les moyens des requérantes, conformément à la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus. Ils sont donc recevables.

180    Cela étant, ainsi que l’indique la Commission, le règlement attaqué explique, dans son considérant 278, que les volumes des ventes de l’industrie de l’Union sur le marché du Royaume-Uni ont été évalués à environ 2 % seulement des ventes totales de cette industrie, volume qui ne saurait avoir d’incidence importante sur les indicateurs économiques de l’industrie de l’Union. Le règlement attaqué en conclut que les indicateurs relatifs à l’industrie de l’Union sont représentatifs y compris en prenant en considération le retrait du Royaume-Uni et sont confirmés, de même que les conclusions établies sur cette base. De plus, la part de marché de l’industrie de l’Union, en excluant celle constatée au Royaume-Uni, a été recalculée par la Commission (voir tableau no 5 bis, repris au considérant 275 du règlement attaqué). En outre, la suppression d’une partie des importations sous le code NC 7610 90 90 a été prise en compte par la Commission, ainsi qu’il ressort des considérants 202 à 216 et des tableaux nos 1, 2 et 3, repris, respectivement, aux considérants 208, 217 et 220 du règlement attaqué.

181    Airoldi ne présente pas d’arguments afin de démontrer que ces explications de la Commission sont manifestement erronées et que des adaptations auraient été nécessaires. Ainsi, compte tenu de la charge de la preuve qui lui incombe, il convient de rejeter ces arguments.

182    Deuxièmement, Airoldi soutient également que, si la Commission avait pris en considération la segmentation du marché de l’aluminium, la diminution des produits prétendument préjudiciables importés sous le code NC 7610 90 90, l’augmentation de la part de marché de l’industrie de l’Union de 81,1 % à 85,4 % et la diminution des importations en provenance de Chine de 9,6 % à 5 %, intervenues entre l’adoption du règlement provisoire et celle du règlement attaqué, elle aurait constaté que la place de l’industrie de l’Union avait, en réalité, été renforcée.

183    Il convient une nouvelle fois de constater que cette argumentation d’Airoldi se rattache au moyen des requérantes qui concerne l’analyse du préjudice subi par l’industrie de l’Union et concerne plus précisément les différents facteurs et indices qui influent sur la situation de l’industrie de l’Union, dont les requérantes traitent dans le cadre de la première branche de leur troisième moyen. Elle se rattache également aux deuxième et troisième branches du deuxième moyen, par lesquelles les requérantes reprochent à la Commission d’avoir considéré que les produits extrudés en aluminium en provenance de Chine étaient un seul et même produit.

184    Il s’ensuit que ces arguments s’inscrivent dans le cadre défini par les conclusions et les moyens des requérantes, conformément à la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus. Ils sont donc recevables, contrairement à ce que soutient la Commission.

185    Cela étant, ainsi que l’indique la Commission, le règlement attaqué explique, au considérant 56, pourquoi il considère le produit concerné comme étant un seul et même produit (voir points 62 et 63 ci-dessus). En outre, la suppression d’une partie des importations sous le code NC 7610 90 90 a été prise en compte par la Commission, ainsi qu’il ressort des considérants 202 à 216 et des tableaux nos 1, 2 et 3, repris, respectivement, aux considérants 208, 217 et 220 du règlement attaqué.

186    Concernant la prétendue baisse de la part de marché des importations en provenance de Chine et l’augmentation de la part de marché de l’industrie de l’Union, il convient d’observer ce qui suit.

187    Il ressort du tableau no 5, repris dans le considérant 245 du règlement provisoire, que, à ce stade de la procédure, la Commission avait estimé la part de marché de l’industrie de l’Union sur le marché libre pendant la période d’enquête à 81,1 %. Au terme de la procédure administrative, ce chiffre a été revu à la hausse, à savoir à 84,4 %, à la suite de la révision des volumes d’importation en provenance de Chine (voir tableau no 5, repris aux considérants 229 et 230 du règlement attaqué). La part de marché invoquée par Airoldi, à savoir 85,4 %, concerne la part de marché sur le marché libre de l’industrie de l’Union pendant la période d’enquête, mais en tenant compte du retrait du Royaume–Uni de l’Union (voir tableau no 5 bis, repris au considérant 275 du règlement attaqué). D’une part, il s’ensuit que les chiffres invoqués par Airoldi ne sont pas directement comparables, car ils concernent un champ géographique différent. D’autre part, la Commission a expliqué, au considérant 276 du règlement attaqué, que, bien que la part de marché de l’industrie de l’Union ait été réévaluée à un niveau légèrement supérieur pour la période considérée, cette part de marché avait tout de même perdu 3,0 points de pourcentage.

188    Les mêmes constatations s’appliquent à la diminution des importations en provenance de Chine. En effet, d’une part, Airoldi compare les données prises en considération dans le règlement provisoire aux données du règlement attaqué en ne tenant pas compte du Royaume-Uni (voir tableau no 2, repris au considérant 225 du règlement provisoire et tableau no 2 bis, repris au considérant 262 du règlement attaqué). D’autre part, la Commission a considéré, au considérant 263 du règlement attaqué, que, sur la base des volumes d’importation ajustés, il était possible d’observer des niveaux significatifs d’importations en termes relatifs et absolus, atteignant 5 % de part de marché au cours de la période d’enquête. En chiffres absolus, les importations en provenance de Chine avaient augmenté de 56 % au cours de la période considérée et la part de marché totale des importations faisant l’objet d’un dumping avait augmenté de 48 %.

189    Airoldi ne présente pas d’arguments afin de démontrer que ces constatations de la Commission sont manifestement erronées et que l’industrie de l’Union a été en réalité renforcée. Ainsi, compte tenu de la charge de la preuve qui lui incombe, il convient de rejeter ces arguments.

190    Le premier grief doit donc être rejeté.

2)      Sur la croissance et la rentabilité de l’industrie de l’Union

191    Dans le cadre de leur deuxième grief, les requérantes allèguent que la Commission s’est écartée de la finalité de la réglementation antidumping en concluant à l’existence d’un préjudice pour l’industrie de l’Union dans un contexte de croissance significative de la consommation et de la rentabilité de l’industrie de l’Union.

192    À cet égard, en ce qui concerne la consommation de l’Union sur le marché libre, il est, certes, constant qu’elle a augmenté de 6 % pendant la période considérée [voir tableau no 4, repris au considérant 226 du règlement attaqué et tableau no 4 bis (industrie de l’Union hors Royaume-Uni), repris au considérant 271 du règlement attaqué].

193    Toutefois, il n’est pas exigé, pour constater que l’industrie de l’Union subit un préjudice de nature à justifier l’adoption de droits antidumping, que tous les facteurs et indices économiques pertinents démontrent une tendance négative (arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 114).

194    En outre, la Commission a nuancé l’augmentation de la consommation de l’Union, en relevant que, si elle avait augmenté pendant la période considérée, elle avait baissé entre 2018 et la période d’enquête (voir considérant 216 du règlement provisoire et tableau no 4, repris au considérant 226 du règlement attaqué). De plus et surtout, la Commission a souligné à juste titre, au considérant 271 du règlement provisoire, que, au regard des données disponibles, l’industrie de l’Union avait, en dépit de la progression de la demande, perdu des parts de marché.

195    En ce qui concerne la rentabilité de l’industrie de l’Union, force est de constater qu’il ressort du tableau no 10, repris au considérant 265 du règlement provisoire, qu’elle est certes de 2 % pendant la période d’enquête, mais qu’elle est passée de 4,9 % à 2 % pendant la période considérée. La Commission a pu en déduire l’existence d’un blocage des prix dans un contexte où, ainsi qu’il ressort du tableau no 7, repris au considérant 275 du règlement provisoire, les prix de l’industrie de l’Union ont moins progressé que les coûts.

196    Il résulte de ce qui précède que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant à l’existence d’un préjudice important pour l’industrie de l’Union, malgré l’augmentation de la consommation de l’Union et la rentabilité de 2 % de ladite industrie.

197    Le deuxième grief des requérantes doit, partant, être rejeté.

3)      Sur la prise en considération du prix et du volume des importations en provenance de Chine

198    Dans le cadre de leur troisième grief, les requérantes soutiennent, premièrement, que la Commission a mis l’accent sur le prix des produits importés de Chine en ne reconnaissant pas la pertinence du volume des importations. Deuxièmement, le règlement attaqué serait entaché d’une contradiction entre les considérants 201 et 249 sur cette question.

199    Ce grief des requérantes est fondé sur une lecture erronée du règlement attaqué.

200    Premièrement, il ressort de la section 4.3 du règlement attaqué, intitulée « Importations en provenance du pays concerné », et plus particulièrement des tableaux nos 1, 2 et 3, que la Commission a pris en considération de façon équilibrée non seulement les prix des produits importés de Chine, mais aussi le volume des importations de ces produits.

201    Deuxièmement, il n’y a pas de contradiction entre les considérants 201 et 249 du règlement attaqué, dès lors que ces considérants portent sur des questions différentes. En effet, le considérant 201 du règlement attaqué, sous le libellé « Informations générales », explique notamment qu’« [u]ne pression soutenue a été exercée du fait des prix chinois anormalement bas, [et que] cette pression a eu de multiples conséquences[, puisqu’]elle a notamment bloqué les prix de l’industrie de l’Union, empêché ces prix de refléter l’augmentation internationale des prix des matières premières (aluminium) et déprimé la rentabilité » et que « [c]ette situation préjudiciable ne nécessite pas des volumes d’importation massifs[, puisque] des importations relativement modestes, voire l’existence d’une quantité importante d’importations à bas prix (comme c’est incontestablement le cas en l’espèce), suffisent à fixer un plafond de prix bas qui affecte l’ensemble du marché ».

202    En revanche, au considérant 249 du règlement attaqué, la Commission répond aux arguments par lesquels le groupe auquel appartiennent les requérantes avait contesté l’existence d’un préjudice important au motif que les comparaisons de prix effectuées par la Commission étaient inappropriées. À ce sujet, la Commission a remarqué ce qui suit :

« L’enquête a montré qu’avec une comparaison par type de produit, les prix de ces exportateurs présentaient une sous-cotation importante par rapport à ceux de l’industrie de l’Union, de sorte qu’ils étaient non seulement alignés, mais aussi bien inférieurs. Le groupe Haomei a également suggéré d’utiliser les prix des importateurs comme source de comparaison des prix. Toutefois, […] la Commission a fondé ses comparaisons de prix sur une base objective en utilisant une méthode et des calculs détaillés qui ont été communiqués au groupe Haomei. Cette méthode a consisté en une comparaison des produits par type au moyen de plusieurs critères objectifs ; il s’agissait dès lors de la méthode la plus représentative à la disposition de la Commission. »

203    Il en résulte que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et ne s’est pas non plus contredite en adoptant les considérants 201 et 249 du règlement attaqué, qui concernent des sujets différents.

204    Dès lors, il convient de rejeter le troisième grief des requérantes.

4)      Sur l’accroissement de la part de marché des importations en provenance de Chine

205    Dans le cadre de leur quatrième grief, les requérantes présentent plusieurs arguments afin de faire valoir que la Commission a commis des erreurs dans la prise en considération de la part de marché des importations en provenance de Chine.

206    En premier lieu, elles font valoir que, à la suite de l’information finale additionnelle du 8 février 2021, la quantité des produits concernés importés de Chine est passée de plus de 300 000 tonnes (au début de la procédure) à 128 853 tonnes. Dans ce contexte, la Commission n’aurait pas tenu compte de cette diminution et n’aurait en rien modifié son évaluation du préjudice et du dumping.

207    Ainsi qu’il ressort du tableau no 2 bis, repris au considérant 262 du règlement attaqué, le chiffre de 128 853 tonnes se réfère au volume des importations sous huit codes de la nomenclature combinée pendant la période d’enquête, en tenant compte du retrait du Royaume–Uni de l’Union. Le volume total des importations dans l’Union en provenance de Chine pendant la même période sur la même base était de 152 551 tonnes et la part de marché de la Chine était de 5 % (voir tableau no 2 bis, repris au considérant 262 du règlement attaqué). En ne prenant pas en considération le retrait du Royaume-Uni de l’Union, les importations en provenance de Chine sous huit codes de la nomenclature combinée étaient de 164 641 tonnes et le volume total des importations en provenance de Chine était de 191 981 tonnes pour une part de marché de 6,2 % (voir tableau no 2, repris au considérant 217 du règlement attaqué). Il est constant que ces chiffres sont nettement moins élevés que ceux présentés au tableau no 2, repris au considérant 225 du règlement provisoire, à savoir un volume d’importations en provenance de Chine pendant la période d’enquête de 309 853 tonnes pour une part de marché de 9,6 %.

208    Cela étant, premièrement, il y a lieu de relever que l’argument des requérantes est tiré d’une comparaison entre, d’une part, le volume des importations en provenance de Chine sous huit codes de la nomenclature combinée pendant la période d’enquête constaté dans le règlement attaqué et tenant compte du retrait du Royaume-Uni de l’Union et, d’autre part, le volume d’importations total en provenance de Chine au stade du règlement provisoire et avant ajustements. Il s’ensuit que cette comparaison est fondée sur des chiffres qui concernent des volumes qui correspondent à des champs matériel et géographique différents et ne sauraient être directement comparés.

209    Deuxièmement, il convient de relever que, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, bien que les chiffres des importations chinoises aient été revus à la baisse en raison des divergences de vues sur un code NC, compte tenu des données disponibles, la Commission a pu confirmer que le volume global des importations chinoises était resté important et qu’une évolution de croissance identique à celle du stade provisoire avait pu être observée.

210    En effet, après une analyse plus approfondie des volumes des importations en provenance de Chine, due au fait que le code NC 7610 90 90, qui inclut également des produits n’entrant pas dans le champ de l’enquête, a suscité des avis contradictoires (voir considérant 202 du règlement attaqué), la Commission a revu les chiffres à la baisse. La Commission a estimé que la pénétration chinoise demeurerait importante (considérant 203 du règlement attaqué) et que, même si la part de marché chinoise avait été revue à la baisse en conséquence, les importations étaient restées significatives et une tendance de croissance identique à celle constatée au stade provisoire avait été observée (considérant 213 du règlement attaqué). Après une analyse des différents facteurs et des arguments des parties intéressées aux considérants 208 à 249 du règlement attaqué, la Commission a conclu, au considérant 252 dudit règlement, que les indicateurs clés, qui ont démontré le préjudice dans cette enquête, continuaient d’indiquer l’existence d’un préjudice, même si les importations de produits chinois étaient évaluées en excluant un code NC.

211    Il s’ensuit que c’est à tort que les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas tenu compte de la révision à la baisse des volumes des importations en provenance de Chine. Leurs arguments doivent donc être rejetés.

212    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que la part de marché des importations en provenance de Chine n’a augmenté que de 49 % entre 2016 et la période d’enquête, valeur extrêmement modeste qui ne saurait être considérée comme une menace pour l’industrie de l’Union, dont les résultats seraient stables et positifs. En outre, tout accroissement de la part de marché serait dénué de pertinence, dès lors que la part de marché de départ, en valeur absolue, serait minime, à savoir inférieure à 15 %.

213    Premièrement, il convient de souligner que c’est sans fondement que les requérantes soutiennent qu’une part de marché des importations en provenance de Chine inférieure à 15 % serait « minime ». En effet, si l’article 5, paragraphe 7, du règlement de base dispose qu’une procédure n’est pas ouverte lorsque les importations en provenance d’un pays représentent une part de marché inférieure à 1 %, la part de marché des importations en provenance de Chine est largement supérieure à ce pourcentage (voir tableau no 2, repris au considérant 217 du règlement attaqué, et tableau no 2 bis, repris au considérant 262 du règlement attaqué). Le règlement de base ne prévoit pas d’autre seuil de part de marché pour conclure que les importations en provenance d’un pays tiers ne sont pas de nature à causer un préjudice.

214    Deuxièmement, le volume total des importations en provenance de Chine a augmenté de 49 % entre 2016 et la période d’enquête et la part de marché des mêmes importations a augmenté de 41 % entre 2016 et la même période. Cette augmentation ne saurait être considérée comme « modeste » et les requérantes ne présentent pas d’arguments qui permettraient de remettre en cause cette conclusion.

215    Troisièmement, les arguments des requérantes concernant la situation de l’industrie de l’Union ont été rejetés aux points 162 à 197 ci-dessus et les requérantes ne présentent pas, dans le cadre du présent grief, d’autres arguments qui permettraient, mis en relation avec la part de marché des importations en provenance de Chine, de conclure que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

216    Dès lors, il convient de rejeter ces arguments des requérantes.

217    En troisième lieu, les requérantes soutiennent que les importations en provenance de Chine ont gagné des parts de marché au détriment des producteurs des pays tiers et non au détriment des producteurs de l’Union. En outre, il ressortirait des rapports annuels du groupe Hydro, que la prétendue augmentation de quatre points de pourcentage de la part de marché des importations en provenance de Chine aurait peut-être eu lieu au détriment des parts de marché de ce groupe, qui serait une société de droit norvégien et non un producteur de l’Union.

218    À cet égard, les données invoquées par les requérantes aux points 140 et 141 de la requête, concernant les importations en provenance des pays tiers autres que la Chine et les importations en provenance de Chine, sont issues, ainsi que l’ont précisé les requérantes à l’audience, du tableau no 2 bis, repris au considérant 262 du règlement attaqué (ces données ne concernent pas le volume total des importations, mais les importations sous huit codes NC), et du tableau no 6 bis, repris au considérant 304 du règlement attaqué, et tiennent compte du retrait du Royaume–Uni de l’Union.

219    Il ressort des données incluses dans ces tableaux que le volume total des importations en provenance des pays tiers autres que la Chine est passé de 238 937 tonnes en 2016 à 295 248 tonnes pendant la période d’enquête, portant la part de marché de ces importations de 8,2 % à 9,6 %, tandis que le volume total des importations en provenance de Chine est passé de 97 535 tonnes en 2016 à 152 551 tonnes pendant la période d’enquête, portant la part de marché de celles-ci de 3,4 % à 5 %. S’il est constant, ainsi qu’il ressort également des données présentées par les requérantes, que les importations en provenance de pays tiers autres que la Chine ont diminué entre 2017 et la période d’enquête, l’addition des tonnes importées en provenance des pays tiers autres que la Chine et des tonnes importées en provenance de Chine par année montre une augmentation constante (et non une quantité stable comme le prétendent les requérantes). Il en résulte que l’augmentation en volume des importations en provenance de Chine dépasse la diminution en volume des importations en provenance de pays tiers autres que la Chine.

220    En outre, il ressort du tableau no 2, repris dans le considérant 217 du règlement attaqué, que, pendant la période considérée, le volume total des importations en provenance de Chine a progressé de 49 % (ou de 56 % en tenant compte du retrait du Royaume-Uni de l’Union, ainsi qu’il ressort du tableau no 2 bis, repris au considérant 262 du règlement attaqué). En même temps, il ressort tant du tableau no 5, repris au considérant 229 du règlement attaqué que du tableau no 5 bis, repris au considérant 275 du même règlement, que la part de marché de l’industrie de l’Union a diminué pendant la même période.

221    Par ailleurs, les arguments des requérantes selon lesquels les importations en provenance de Chine ont peut-être eu lieu au détriment des parts de marché du groupe Hydro, qui est une société de droit norvégien, ne sauraient être retenus.

222    En effet, les allégations concernant le groupe Hydro, à les supposer avérées, ne viennent pas au soutien de la thèse présentée par les requérantes, car, ainsi que le relève la Commission sans être contredite par les requérantes, le groupe Hydro fait partie de l’industrie de l’Union et qu’une des sociétés du groupe, à savoir Hydro Extrusion Hungary k.f.t, établie à Székesfehérvár (Hongrie), faisait partie des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, ainsi qu’il ressort du considérant 22 du règlement provisoire.

223    Il convient ainsi de rejeter l’argumentation selon laquelle les importations en provenance de Chine n’auraient pas augmenté au détriment des ventes de l’industrie de l’Union, mais au détriment des importations en provenance de pays tiers autres que la Chine.

224    Dès lors il convient de rejeter ces arguments des requérantes et, avec eux, l’ensemble de la première branche du troisième moyen.

b)      Sur les prix des producteurs de l’Union

225    Dans le cadre de leur deuxième branche, les requérantes font valoir que les producteurs de l’Union vendent une partie de leurs produits à un prix inférieur au coût de production et pratiquent ainsi également un dumping.

226    Toutefois, ces arguments des requérantes, qui concernent les prix des producteurs de l’Union sur le marché de l’Union et pas la comparaison des prix des produits concernés importés de Chine avec ceux vendus pas les producteurs de l’Union, à les supposer avérés, ne sont pas opérants dans le contexte d’une procédure antidumping telle que celle en cause, ainsi que le soutient à juste titre la Commission. Il convient, dès lors, de rejeter la deuxième branche du troisième moyen des requérantes.

c)      Sur les fluctuations du taux de change entre l’euro et le dollar des États-Unis

227    Dans le cadre de leur troisième branche, les requérantes font valoir que, d’après le contenu du dossier, la Commission s’est fondée sur des prix en euros, sans prendre en considération les fluctuations du taux de change entre l’euro et le dollar des États-Unis.

228    La Commission répond qu’elle a effectué le calcul des prix sur le marché de l’Union en euros, car il s’agit de la devise prédominante. Elle ajoute que, lorsque la transaction a eu lieu dans une autre devise, celle‑ci a été convertie en euros en utilisant le taux de change applicable au mois de la transaction.

229    Force est de constater que les requérantes n’expliquent pas en quoi la prise en compte de tels taux de change aurait pu influer sur l’appréciation de l’existence d’un préjudice pour l’industrie de l’Union. De plus, elles n’invoquent aucune erreur particulière que la Commission aurait commise dans le calcul des taux de change appliqués. Ainsi, compte tenu de la charge de la preuve qui leur incombe, il convient de rejeter la troisième branche du troisième moyen.

d)      Sur les calculs de la Commission et les données utilisées

230    Dans le cadre de leur quatrième branche, les requérantes font valoir que la Commission a commis des erreurs dans les calculs qu’elle a effectués et dans les données qu’elle a utilisées.

231    En premier lieu, les requérantes prétendent, premièrement, que, lors du calcul de la sous-cotation et du préjudice pour le groupe auquel elles appartiennent dans le dossier « AD 664 Haomei dumping calc EU27, Annex 4 Haomei injury calculation », la Commission a utilisé comme valeur de base un volume en tonnes pour la production totale de l’industrie de l’Union de loin inférieur à ce que la production de l’industrie de l’Union devrait être selon l’information finale additionnelle.

232    Les requérantes font valoir, deuxièmement, que, dans le dossier « AD 664 Haomei dumping calc EU27 », la marge de dumping a été calculée de manière arbitraire, car les valeurs, notamment les coûts, figurant à l’« Annexe 4 » dans le dossier de la Commission, diffèrent complètement. La même constatation serait valable pour le calcul de la marge de dumping hypothétique qui a été calculée sur la base d’une reconstruction du prix, méthode différente de celle utilisée pour calculer la marge de dumping dans le document intitulé « Annexe 4 » de la Commission, qui ne prendrait en considération que les prix présumés des industries de l’Union.

233    La Commission répond, premièrement, que, d’une part, l’analyse du préjudice repose sur les données d’un échantillon des producteurs de l’Union et que, d’autre part, le document « Annexe 4 » mentionné par les requérantes énumère uniquement les types de produits qui sont fabriqués par l’industrie de l’Union et qui correspondent à ceux du producteur-exportateur.

234    La Commission observe, deuxièmement, que, si le coût de production figurant dans le document intitulé « Annexe 4 » était différent de celui du calcul du dumping, cela s’explique par le fait que ledit document présente les coûts de production de l’industrie de l’Union, tandis que le rapport sur le calcul du dumping indique les coûts du groupe auquel appartiennent les requérantes.

235    Force est de constater que les requérantes ne contestent pas les explications de la Commission et n’invoquent pas d’autres prétendues erreurs à ce sujet susceptibles de priver de plausibilité les calculs de la Commission concernant le préjudice. Ainsi, compte tenu de la charge de la preuve qui leur incombe, il convient de rejeter ces arguments.

236    En deuxième lieu, les requérantes arguent que la procédure menée par la Commission manquait de transparence quant aux sources des données utilisées et quant au calcul des coûts et au territoire auquel ces coûts se réfèrent dans la colonne Y du document intitulé « Annexe 4 ».

237    La Commission rétorque qu’elle a expliqué aux requérantes à quoi correspondait chaque colonne. Elle aurait ainsi communiqué aux requérantes un document exposant la méthode de calcul du préjudice et de la sous-cotation.

238    Il convient de constater que, pour étayer son propos, la Commission a soumis au Tribunal un document communiqué aux requérantes qui contient de telles explications. Les requérantes ne contestent pas ce fait et n’invoquent pas d’autres éléments afin d’étayer leur argument concernant la prétendue absence de transparence quant aux sources des données utilisées par la Commission. Ainsi, compte tenu de la charge de la preuve qui leur incombe, il convient de rejeter cet argument.

239    En troisième lieu, les requérantes font valoir que, alors que les prix pratiqués par le groupe auquel elles appartiennent sont homogènes, les prix de l’industrie de l’Union sont extrêmement disparates. En outre, lorsque les tarifs des requérantes sont comparés à ceux des producteurs de l’Union, leurs prix seraient toujours en ligne ou supérieurs pour des produits similaires ou identiques. Enfin, il ressortirait des documents de la Commission que la différence de prix entre leurs prix et les prix de l’industrie de l’Union serait de 6 %.

240    Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, la circonstance qu’il existe des différences de prix entre les producteurs de l’Union est sans incidence sur la légalité du règlement attaqué. La comparaison pertinente aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice est celle qui porte sur les mêmes types de produits et sur les différences de prix entre les importations chinoises et les producteurs de l’Union.

241    En l’espèce, il ressort du considérant 232 du règlement provisoire que la marge moyenne pondérée de sous-cotation des prix est de plus de 25 %. Cette conclusion a été confirmée au considérant 224 du règlement attaqué. La Commission précise, au considérant 232 du règlement provisoire, que « [l]es chiffres réels calculés ne sont pas inscrits […] pour des raisons de confidentialité […] et sont situés dans une fourchette de 15 à 35 % » et qu’[i]l a été constaté qu’environ 99 % du volume des types de produits importés subissait une sous-cotation ». Le règlement attaqué explique également, au considérant 224, que les calculs de sous-cotation de la Commission ont porté sur l’ensemble des producteurs-exportateurs de l’échantillon, en utilisant une méthode détaillée par type et par transaction pour la période d’enquête. Il en ressort que la marge de sous-cotation constituait une moyenne et le fait pour les requérantes de remettre en question les conclusions de la Commission à cet égard sur la seule base des prix qu’elles pratiquent ne suffit pas pour invalider l’ensemble de l’appréciation de la Commission concernant la marge de sous-cotation et le préjudice subi par l’industrie de l’Union.

242    Il convient dès lors de rejeter ces arguments.

243    En quatrième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission ne leur a pas appliqué la réduction de 20 % correspondant au pourcentage des exportations en provenance de Chine vers l’Union qui sont dirigées vers le Royaume-Uni, à la suite du retrait de ce dernier de l’Union.

244    La Commission répond que la réduction de 20 % n’a pas été appliquée aux requérantes, car elles réalisent leurs principales ventes dans l’Union.

245    Les requérantes n’ayant pas contesté cette explication de la Commission et n’ayant pas apporté d’éléments de preuve pour démontrer que l’approche de la Commission est erronée, il convient de rejeter cet argument et, avec lui, l’ensemble de la quatrième branche du troisième moyen.

e)      Sur l’incidence du retrait du Royaume-Uni de l’Union

246    Airoldi fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte des modifications de certains facteurs intervenues entre l’adoption du règlement provisoire et l’adoption du règlement attaqué à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union. Selon Airoldi, la Commission aurait dû procéder à une nouvelle analyse complète des indicateurs de préjudice pertinents. Les données que la Commission n’a pas révisées à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union devraient être considérées comme erronées. En outre, la Commission n’aurait pas donné aux parties intéressées la possibilité de formuler des observations sur les indicateurs de préjudice et le lien de causalité, qui auraient dû être dûment prises en considération.

247    La Commission rétorque que ces critiques sont irrecevables, car les requérantes n’ont pas soulevé de tels arguments.

248    Il ressort de la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus qu’une partie qui est admise à intervenir à un litige ne peut pas modifier l’objet du litige tel que circonscrit par les conclusions et les moyens des parties principales. Il s’ensuit que seuls les arguments d’un intervenant qui s’inscrivent dans le cadre défini par ces conclusions et moyens sont recevables.

249    En l’espèce, il ressort de l’exposé des branches du présent moyen que les requérantes ont remis en cause différents aspects du calcul et des conclusions de la Commission qui concernent le préjudice, mais n’ont pas soulevé de griefs concernant l’incidence du retrait du Royaume-Uni de l’Union, si ce n’est la réduction de 20 % correspondant au pourcentage des exportations en provenance de Chine vers l’Union qui sont dirigées vers le Royaume-Uni (voir point 243 ci-dessus). Au contraire, les requérantes se sont référées à l’analyse de la Commission tenant compte du retrait du Royaume–Uni de l’Union et ont tiré des arguments des données fournies dans cette analyse (voir points 208 et 218 ci-dessus) sans émettre de doutes concernant celle-ci.

250    Il s’ensuit que les arguments d’Airoldi visant à invalider l’analyse du préjudice subi par l’industrie de l’Union suivant le retrait du Royaume-Uni de l’Union constituent en réalité un moyen nouveau, ne s’inscrivant pas dans le cadre défini par les moyens et les conclusions des requérantes et doivent être rejetés comme irrecevables.

251    En tout état de cause, il convient de relever que la Commission a adopté une information finale additionnelle le 8 février 2021, communiquée aux parties intéressées, afin de mettre en évidence le fait que, à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union, le marché de l’Union ne comprenait plus que 27 États membres et que les requérantes ont présenté leurs observations sur cette information finale additionnelle le 16 février 2021. En outre, toute la section 5 du règlement attaqué, à savoir les considérants 255 à 288 dudit règlement, contient une analyse des données concernant le préjudice sur une base prenant en considération l’Union à 27 États membres.

f)      Sur le lien de causalité

252    Airoldi présente une série d’arguments à l’encontre de l’analyse du lien de causalité figurant dans le règlement attaqué. Premièrement, elle fait valoir que le lien de causalité établi par la Commission se fonde sur l’augmentation du volume et de la part de marché des importations en provenance de Chine en relation avec la part de marché de l’industrie de l’Union. Toutefois, au moment de l’adoption du règlement attaqué, le volume et la part de marché des importations en provenance de Chine auraient été réduits et la part de marché de l’industrie de l’Union aurait augmenté, ce qui soulèverait des doutes quant au maintien du lien de causalité, surtout que les importations en provenance de pays tiers autres que la Chine seraient équivalentes à celles en provenance de Chine. Deuxièmement, la Commission n’aurait pas pris en compte l’influence des importations en provenance du Royaume-Uni, ni les exportations de l’industrie de l’Union vers le Royaume-Uni, ce qui aurait dû donner lieu à une nouvelle analyse des différentes données.

253    La Commission rétorque que ces critiques sont irrecevables, car les requérantes n’ont pas soulevé de tels arguments.

254    En l’espèce, il ressort de l’exposé des branches du présent moyen que les requérantes n’ont pas remis en cause l’analyse du lien de causalité par la Commission. Si l’expression « défaut de lien de causalité » est utilisée dans l’intitulé du troisième moyen soulevé par les requérantes, celles-ci ne présentent aucun argument visant à invalider l’analyse du lien de causalité exposée dans les sections 6 et 7 du règlement attaqué et dans la section 5 du règlement provisoire. Si elles mentionnent des données fournies par le tableau no 6 bis, repris au considérant 304 de la section 7 du règlement attaqué, intitulée « Lien de causalité sur une base EU-27 » (voir point 218 ci-dessus), c’est pour remettre en cause l’exposé des facteurs et indices économiques qui influent sur la situation de l’industrie de l’Union dans le cadre de l’analyse du préjudice.

255    Or, l’analyse concernant le préjudice et celle concernant le lien de causalité sont différentes. En effet, une fois que le préjudice important, ou la menace de préjudice important est établi, l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base impose à la Commission, d’une part, d’examiner si le préjudice qu’elle entend retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping et, d’autre part, d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs, de sorte que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas imputé auxdites importations [arrêts du 28 février 2008, AGST Draht- und Biegetechnik, C‑398/05, EU:C:2008:126, point 35 ; du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 23, et du 6 septembre 2013, Godrej Industries et VVF/Conseil, T‑6/12, EU:T:2013:408, point 76 (non publié)].

256    Il s’ensuit que, puisque les requérantes n’ont pas présenté d’arguments visant à invalider l’analyse du lien de causalité par la Commission, les arguments d’Airoldi en ce sens constituent en substance un moyen nouveau ne s’inscrivant pas dans le cadre du litige tel que défini par les conclusions et les moyens des requérantes et doivent être rejetés comme irrecevables, conformément à la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus.

4.      Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés d’une violation du droit international, des droits fondamentaux des requérantes et de la CEDH

257    Les quatrième et cinquième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, sont en substance fondés sur deux branches, la première tirée de l’illégalité du règlement attaqué au regard du droit international et la seconde tirée de l’illégalité du règlement attaqué au regard des droits fondamentaux et de la CEDH.

a)      Sur la violation du droit international

258    Dans le cadre de la première branche, les requérantes soutiennent qu’il convient d’appliquer et de respecter la réglementation internationale en matière de commerce international, notamment les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le règlement de base ne saurait conduire à des solutions contraires à ces règles, notamment celles concernant la détermination de la valeur normale et la définition de la notion de « similarité ». Il serait évident que, en la présente espèce, la Commission se serait écartée des principes du droit international.

259    En l’espèce, comme le fait valoir la Commission, les requérantes ne présentent pas dans leurs écritures d’autres indications sur les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fondent leurs arguments autres que ceux présentés au point 258 ci-dessus. En particulier, elles n’indiquent pas quelles sont les dispositions du droit international qui seraient violées et ne précisent pas non plus comment la Commission les aurait méconnues.

260    Partant, en application de la jurisprudence rappelée au point 29 ci-dessus, la première branche des quatrième et cinquième moyens doit être rejetée comme irrecevable.

b)      Sur la violation des droits fondamentaux et de la CEDH

261    Dans le cadre de leur seconde branche, les requérantes soulèvent deux griefs. En premier lieu, elles font valoir que la liberté d’initiative économique et le droit de propriété constituent des points de référence traditionnellement utilisés par les juridictions européennes et nationales pour garantir l’application des instruments de réglementation du marché. Il serait évident que ces instruments doivent également être utilisés pour appliquer les mesures de défense commerciale. Si la liberté d’activité économique peut être restreinte sur la base du principe du bon fonctionnement du marché, les mesures prises doivent être proportionnées, raisonnables et motivées, lorsqu’il s’agit de mesures radicales pouvant détruire des pans de l’économie intérieure.

262    Force est de constater que, mis à part l’énoncé de l’importance de la liberté d’initiative économique et du principe de proportionnalité, les requérantes ne présentent pas d’argumentation contenant les éléments essentiels de fait et de droit qui permettraient au Tribunal de statuer sur ce grief, ni ne précisent en quoi consisterait une prétendue insuffisance de motivation.

263    Il s’ensuit que le premier grief de la seconde branche est irrecevable, conformément aux règles et à la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus.

264    En second lieu, les requérantes font valoir que le fait d’infliger, à défaut d’une procédure juste menée sur un pied d’égalité, des droits définitifs et de percevoir des droits provisoires ayant pour effet de les mettre hors-jeu, constitue une violation de la CEDH. L’application de ces droits ferait obstacle à la poursuite de leurs activités, entraînant un préjudice irréversible et comparable à celui d’une sanction pénale, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

265    Force est de constater que, mis à part l’énoncé de principes d’ordre général, les requérantes ne présentent pas d’argumentation contenant les éléments essentiels de fait et de droit qui permettraient au Tribunal de statuer sur ce grief et n’expliquent pas en quoi consisteraient les violations alléguées.

266    Il s’ensuit que, comme le fait valoir la Commission, le second grief de la seconde branche est irrecevable, conformément aux règles et à la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus.

267    En tout état de cause, il convient de rappeler, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, que l’institution de droits antidumping ne constitue pas une sanction d’un comportement antérieur, mais une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant de pratiques de dumping (arrêt du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 91).

268    Dès lors, il convient de rejeter la seconde branche des quatrième et cinquième moyens et, avec elle, ces moyens dans leur ensemble.

269    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

270    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

271    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, en vertu duquel les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens, le Parlement supportera ses propres dépens.

272    Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 supportera ses propres dépens. Airoldi étant intervenu au soutien des requérantes, qui ont succombé, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Guangdong Haomei New Materials Co. Ltd et Guangdong King Metal Light Alloy Technology Co. Ltd supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Parlement européen et Airoldi Metalli SpA supporteront leurs propres dépens.

Papasavvas

da Silva Passos

Gervasoni

Reine

 

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 juin 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.