Language of document : ECLI:EU:T:2007:63

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

26 février 2007 (*)

« Référé – Demande de sursis à exécution – Directive 91/414/CEE – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑416/06 R,

Sumitomo Chemical Agro Europe SAS, établie à Saint-Didier-au-Mont-d’Or (France), représentée par Mes K. Van Maldegem et C. Mereu, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. L. Parpala et B. Doherty, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant, d’une part, à la suspension de certaines dispositions de la directive 2006/132/CE de la Commission, du 11 décembre 2006, modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil en vue d’y inscrire la substance active procymidone (JO L 349, p. 22), et, d’autre part, à ce que soient adoptées certaines autres mesures provisoires,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        La présente ordonnance en référé s’inscrit dans un cadre juridique complexe, fixé par la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), qui établit le régime communautaire applicable à l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et au retrait de cette autorisation (voir, pour l’exposé des dispositions de la directive 91/414, ordonnance du président du Tribunal du 5 août 2003, Industrias Químicas del Vallés/Commission, T‑158/03 R, Rec. p. II-3041, points 1 à 16).

2        Dans la mesure où il n’est pas nécessaire, aux fins de la présente ordonnance, d’exposer tous les détails de ce cadre juridique, seules seront rappelées les dispositions qui ont un intérêt pour la solution de la présente affaire en référé.

3        Le règlement (CEE) n° 3600/92 de la Commission, du 11 décembre 1992, établissant les modalités de mise en œuvre de la première phase du programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 (JO L 366, p. 10), organise la procédure d’évaluation de plusieurs substances en vue de leur inscription éventuelle à l’annexe I de la directive 91/414. Parmi ces substances figure le procymidone.

4        L’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414 prévoit que l’inscription d’une substance active à l’annexe I peut être subordonnée à des exigences particulières, telles que le mode d’utilisation.

5        L’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414 prévoit :

« Sur demande, l’inscription d’une substance à l’annexe I peut être renouvelée une ou plusieurs fois pour des périodes n’excédant pas dix ans, cette inscription pouvant être révisée à tout moment s’il y a des raisons de penser que les critères visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont plus respectés. En cas de demande, à introduire suffisamment à l’avance et en tout cas au moins deux ans avant l’expiration de la période d’inscription, le renouvellement est accordé pour la durée nécessaire pour procéder à un réexamen et est accordé pour la durée nécessaire pour fournir les informations requises conformément à l’article 6, paragraphe 4. »

 Faits à l’origine du litige, procédure et conclusions des parties

6        Sumitomo Chemical (UK) plc, devenue par la suite Sumitomo Chemical Agro Europe SA, est un producteur et un distributeur dans l’Union européenne de procymidone et de produits phytopharmaceutiques à base de procymidone. La requérante a notifié à la Commission son souhait d’obtenir l’inscription de cette substance active à l’annexe I de la directive 91/414 et a été inscrite à l’annexe I du règlement (CE) n° 933/94 de la Commission, du 27 avril 1994, établissant la liste de substances actives des produits phytopharmaceutiques et désignant les États membres rapporteurs pour l’application du règlement n° 3600/92 (JO L 107, p. 8), tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 2230/95 de la Commission, du 21 septembre 1995 (JO L 225, p. 1), parmi les producteurs auteurs d’une notification.

7        Le 11 décembre 2006, la Commission a adopté la directive 2006/132/CE, modifiant la directive 91/414 en vue d’y inscrire la substance active procymidone (JO L 349, p. 22, ci-après la « directive attaquée »), qui prévoit une inscription du procymidone à l’annexe I de la directive 91/414, limitée aux utilisations comme fongicide sur les cultures de concombres en serre (systèmes hydroponiques fermés) et de prunes destinées à la transformation, et ce pour une durée de 18 mois à compter du jour de son entrée en vigueur.

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2006, la requérante a introduit, sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours en annulation contre la directive attaquée.

9        Par acte séparé, déposé au greffe le 11 janvier 2007, la requérante a introduit la présente demande en référé. Dans cette dernière, la requérante a demandé au président du Tribunal de statuer, sur le fondement de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, avant que la Commission n’ait présenté ses observations.

10      Par acte déposé au greffe le 23 janvier 2007, la Commission a présenté ses observations sur la demande en référé.

11      Par acte du même jour, la requérante a déposé de nouvelles preuves, qui ont été versées au dossier.

12      Les parties ont été entendues en leurs explications orales le 25 janvier 2007. Pendant l’audition, la requérante a déposé des preuves supplémentaires, obtenues après l’introduction de sa demande, qui ont été versées au dossier.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        déclarer que la demande en référé est recevable et fondée ;

–        jusqu’au prononcé de l’arrêt au principal :

–        suspendre le délai expirant le 30 juin 2007 fixé par l’article 3, paragraphe 1, de la directive attaquée ;

–        surseoir à l’application des limitations et restrictions suivantes, figurant à l’annexe de la directive attaquée :

–        l’expiration de l’inscription, fixée au 30 juin 2008 ;

–        les dispositions spécifiques figurant dans la partie A de l’annexe de la directive attaquée, relatives aux cultures concernées ;

–        de l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, de la directive attaquée ;

–        du dernier alinéa de la partie B des dispositions spécifiques figurant dans l’annexe de la directive attaquée ;

–        surseoir à l’exécution de l’article 1er de la directive attaquée et suspendre le délai visé à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414, en ce qui concerne le procymidone, ou ordonner à la Commission de proroger ce délai, de façon à permettre aux États membres de continuer à délivrer des autorisations pour des produits à base de procymidone après le 31 décembre 2006, jusqu’au prononcé de l’arrêt au principal ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce que le président du Tribunal rejette la demande comme irrecevable ou comme non fondée et condamne la requérante aux dépens.

 En droit

15      En vertu des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

16      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 22]. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 17 décembre 1998, Emesa Sugar/Commission, C‑364/98 P(R), Rec. p. I‑8815, points 43 et 47]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

17      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (ordonnances Commission/Atlantic Container Line e.a., point 16 supra, point 23, et Emesa Sugar/Commission, point 16 supra, point 44).

18      En l’espèce, il y a lieu de vérifier tout d’abord si la requérante est parvenue à établir à suffisance de droit qu’il est urgent de faire droit à sa demande en référé.

 Arguments des parties

19      Selon la requérante, l’urgence des mesures provisoires demandées découle du fait que la directive attaquée est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 et qu’elle produit, dès lors, à l’égard de la requérante, des effets négatifs immédiats, graves et irréversibles.

20      En premier lieu, la directive attaquée entraînerait, au plus tard le 30 juin 2007, le retrait des autorisations nationales de commercialisation dans l’Union européenne du procymidone et des produits contenant du procymidone, pour les utilisations autres que la culture des concombres en serre (systèmes hydroponiques fermés) et des prunes destinées à la transformation.

21      En deuxième lieu, la directive attaquée causerait la perte des parts de marché de la requérante sur les marchés italien, français et espagnol des fongicides pour le colza oléagineux, le raisin et les légumes. Ces parts de marché seraient perdues au profit des entreprises concurrentes déjà actives sur lesdits marchés.

22      En troisième lieu, la directive attaquée ferait perdre toute valeur aux marques Sumiselex et Sumilex, dont la requérante serait titulaire.

23      En quatrième lieu, la directive attaquée compromettrait sérieusement les droits de la requérante à la protection des données au titre de l’article 13 de la directive 91/414, dans la mesure où ses produits ne seraient plus disponibles sur le marché.

24      En cinquième lieu, la directive attaquée irait à l’encontre du droit de la requérante à tirer avantage des investissements qu’elle a réalisés en matière de développement des données dans le but exclusif d’obtenir l’inscription inconditionnelle et complète du procymidone à l’annexe I de la directive 91/414.

25      En sixième lieu, la perte des ventes de procymidone et de produits à base de procymidone mettrait en péril l’existence même de la requérante.

26      La requérante détaille ensuite ses arguments concernant les premier, deuxième et sixième préjudices allégués.

27      Ainsi, en ce qui concerne le premier préjudice allégué, à savoir le retrait des autorisations nationales de mise sur le marché, la requérante fait valoir, premièrement, que les États membres ne jouissent d’aucun pouvoir d’appréciation et qu’ils sont tenus de procéder au retrait des autorisations avant le 30 juin 2007. Deuxièmement, certains États membres, notamment la République française, le Royaume d’Espagne, la République italienne et le Royaume de Belgique, auraient déjà entamé la procédure de retrait de leurs autorisations. Troisièmement, la directive 91/414 ne prévoirait pas la possibilité de présenter une demande ultérieure pour l’inscription à son annexe I de cultures autres que celles des concombres et des prunes initialement notifiées mais dont la Commission a demandé le retrait. Quatrièmement, même en supposant qu’une telle inscription subséquente soit juridiquement possible, elle ne pourrait être effectuée dans un délai acceptable.

28      En ce qui concerne le deuxième préjudice allégué, à savoir la perte de parts de marché, la requérante précise qu’elle réalise environ 98 % de son chiffre d’affaires en Europe et que les marchés français, italien et espagnol des fongicides pour le colza oléagineux, pour la vigne et pour les légumes représentent 87 % du total de ses ventes. En particulier, le marché français représenterait 65 % des ventes totales de la requérante, l’Italie 18 % et l’Espagne 4 %. Les prunes destinées à la transformation et les concombres en serre (systèmes hydroponiques fermés) représenteraient moins de 1 % du total des ventes de la requérante.

29      Premièrement, quant aux marchés français, la requérante allègue que, en 2006, sur le marché des fongicides pour le colza oléagineux, elle détenait une part de marché de 31,5 %, alors que BASF détenait une part de marché de 29,2 % et Bayer CropScience une part de marché de 17 %. Sur le marché de la vigne, elle détenait une part de marché de 5 %, alors que Bayer CropScience détenait une part de marché de 25,4 % et Syngenta une part de marché de 17,8 %.

30      Deuxièmement, quant au marché italien de la vigne, la requérante allègue qu’en 2005 elle détenait une part de marché de 18 %, alors que BASF détenait une part de marché de 24 %, Bayer CropScience une part de marché de 17 % et Syngenta une part de marché de 18 %.

31      Troisièmement, quant aux marchés espagnols, la requérante allègue qu’en 2005, sur le marché de la vigne, elle détenait une part de marché de 25 %, alors que Bayer CropScience détenait une part de marché de 6 % et Syngenta une part de marché de 13 %. Sur le marché des légumes, elle détenait une part de marché de 21 %, alors que Bayer CropScience détenait une part de marché de 27 % et Syngenta une part de marché de 17 %.

32      La requérante est d’avis que, s’il n’est pas fait droit à sa demande de mesures provisoires, elle perdra irrémédiablement ses parts de marché dans les marchés concernés en faveur de ses concurrents. Cela serait dû, en premier lieu, aux caractéristiques desdits marchés, telles que le degré élevé de concurrence, la courte durée des contrats de distribution, le manque de fidélité à la marque, l’homogénéité des prix et l’importance de la gamme des produits offerts. Cela serait dû, en deuxième lieu, au fait que, selon la requérante, ces marchés sont dominés par des sociétés agrochimiques multinationales telles que BASF, Bayer CropScience et Syngenta, qui sont en mesure de reprendre immédiatement et irréversiblement les parts de marché de la requérante, au motif qu’elles sont déjà présentes sur ces marchés et que leurs produits sont protégés par des droits de propriété intellectuelle et de protection des données. Cela serait dû, en troisième lieu, à l’impossibilité pour la requérante de remplacer ses produits phytopharmaceutiques à base de procymidone par des produits de substitution.

33      En ce qui concerne le sixième préjudice allégué, à savoir la mise en péril de son existence même, la requérante fait valoir que la vente de produits phytopharmaceutiques à base de procymidone a représenté 16,2 % de son chiffre d’affaires annuel pour l’année 2004 et 19,4 % pour l’année 2005. Elle estime que celle-ci représentera 22,5 % de son chiffre d’affaires pour l’année 2006. Plus de 99 % du chiffre d’affaires de la requérante serait réalisé grâce aux ventes concernant des cultures autres que la prune et le concombre.

34      Selon la requérante, la contribution marginale des ventes de produits à base de procymidone s’élève à 72,8 % de son bénéfice total avant impôt en 2004 et à 84,2 % en 2005. Elle serait estimée à plus de 100 % en 2006.

35      En ce qui concerne l’année 2006, la requérante produit une déclaration de son directeur général, selon laquelle les comptes de la requérante seraient très négativement affectés par la perte du chiffre d’affaires lié à la vente du procymidone et des produits à base de procymidone. Ainsi, selon cette déclaration, si, en 2006, la requérante n’avait pas vendu de produits à base de procymidone, son bilan serait passé d’un résultat positif de 2,07 millions d’euros à un résultat négatif de 26 000 euros.

36      Par conséquent, selon la requérante, la perte de presque toutes les ventes en Europe de produits à base de procymidone, qui résulterait de la directive attaquée, entraînerait une diminution drastique de ses profits. Les conséquences les plus importantes de cette diminution seraient, premièrement, l’impossibilité de continuer à investir dans l’acquisition de nouveaux produits et de nouvelles entreprises, deuxièmement, la nécessité de restructurer la société, ce qui signifierait que 20 emplois sur 31 devraient être supprimés, troisièmement, un effet défavorable sur les contrats signés avec les distributeurs, dû à la réduction de la gamme de produits et à l’impossibilité de respecter les obligations contractuelles courantes, quatrièmement, l’impossibilité de réaliser les profits de l’investissement (à hauteur d’environ 7,23 millions d’euros) lié à la mise à jour, à la présentation et au traitement du dossier sur le procymidone, en comptant sur son inscription à l’annexe I de la directive 91/414.

37      Selon la Commission, la requérante n’a pas prouvé à suffisance de droit que l’octroi des mesures provisoires demandées était nécessaire pour éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne lui soit occasionné.

 Appréciation du juge des référés

38      Il est de jurisprudence constante que le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un dommage grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire [voir ordonnance du président de la Cour du 18 novembre 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, C‑329/99 P(R), Rec. p. I‑8343, point 94, et la jurisprudence citée]. Lorsque le préjudice dépend de la survenance de plusieurs facteurs, il suffit qu’il apparaisse comme prévisible avec un degré de probabilité suffisant [ordonnances de la Cour du 29 juin 1993, Allemagne/Conseil, C‑280/93 R, Rec. p. I‑3667, point 34, et du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnance du président du Tribunal du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03 R, Rec. p. II‑205, point 71].

39      Le requérant demeure cependant tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel dommage grave et irréparable (ordonnances HFB e.a./Commission, point 38 supra, point 67, et Arizona Chemical e.a./Commission, point 38 supra, point 72).

40      En l’espèce, ainsi qu’il résulte des points 20 à 25 ci-dessus, la requérante invoque six préjudices. Force est de constater, à titre préliminaire, que la requérante, tout d’abord, ne soutient pas, s’agissant du premier préjudice, que le retrait des autorisations nationales lui occasionne, en tant que tel, un préjudice grave et irréparable, mais plutôt que l’impossibilité de commercialiser ses produits à base de procymidone causerait la perte de ses parts de marché sur les marchés concernés et mettrait en danger son existence.

41      Par conséquent, il convient d’apprécier les arguments de la requérante portant sur le premier préjudice dans le cadre de l’analyse des deuxième et sixième préjudices.

42      Ensuite, s’agissant du troisième préjudice, la requérante ne fournit aucune preuve susceptible d’établir, d’une part, qu’elle est effectivement la titulaire des deux marques invoquées et, d’autre part, que l’adoption de la directive attaquée compromet leur valeur.

43      Enfin, s’agissant des quatrième et cinquième préjudices, la requérante n’apporte aucun élément de preuve permettant d’établir, d’une part, qu’elle jouit de droits à la protection des données au titre de l’article 13 de la directive 91/414 et que la valeur de ces droits sera compromise par la directive attaquée et, d’autre part, qu’elle perdra le bénéfice des investissements réalisés pour l’établissement d’un dossier sur le procymidone conformément à la directive 91/414, et, à plus forte raison, que de tels préjudices seraient graves et irréparables.

44      Par conséquent, il convient de considérer d’emblée que les troisième, quatrième et cinquième préjudices allégués ne permettent pas d’établir le caractère urgent de la demande en référé.

45      Il s’ensuit qu’il reste à examiner les deux préjudices consistant, respectivement, en la perte des parts de marché de la requérante sur les marchés concernés et en la mise en péril de son existence.

46      Il y a lieu de constater à cet égard que la Commission ne conteste pas que la directive attaquée a pour effet d’empêcher la requérante de commercialiser du procymidone ou des produits à base de procymidone pour des cultures autres que les concombres en serre (systèmes hydroponiques fermés) et les prunes destinées à la transformation.

47      Il y a néanmoins lieu de considérer à cet égard, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, que les préjudices en cause, liés à cette impossibilité de commercialisation à partir du 1er juillet 2007, sont de nature financière.

48      Or, il ressort d’une jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour du 3 juillet 1984, De Compte/Parlement, 141/84 R, Rec. p. 2575, point 4, et ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113 ; ordonnance du président du Tribunal du 11 avril 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T‑392/02 R, Rec. p. II‑1825, point 106].

49      En application de ce principe, le sursis à exécution demandé ne se justifierait que s’il apparaissait que, en l’absence d’une telle mesure, la requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence même ou de modifier de manière irrémédiable ses parts de marché (ordonnances du président du Tribunal du 30 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99 R, Rec. p. II‑1961, point 138, et Solvay Pharmaceuticals/Conseil, point 48 supra, point 107).

50      En l’espèce, la requérante allègue précisément que, d’une part, la directive attaquée causera une modification irrémédiable de ses parts de marché et que, d’autre part, elle mettra en péril son existence même.

 Sur le préjudice lié à la perte de parts de marché

51      Dès lors qu’il est constant entre les parties qu’il sera impossible pour la requérante de vendre du procymidone ou des produits à base de procymidone pour des cultures autres que les concombres en serre (systèmes hydroponiques fermés) et les prunes destinées à la transformation, il convient de vérifier si la requérante a démontré à suffisance de droit qu’il lui était impossible de remplacer le procymidone par une autre substance ayant des caractéristiques semblables, afin de ne pas perdre ses parts de marché sur les marchés français, italien et espagnol des fongicides pour le colza oléagineux, le raisin et les légumes.

52      À cet égard, la requérante a exclu la possibilité, en ce qui la concerne, de remplacer les produits à base de procymidone par d’autres produits pour plusieurs raisons. Premièrement, la requérante ne disposerait d’aucune substance active existante susceptible de remplacer le procymidone sur les mêmes marchés. Deuxièmement, il n’existerait aucun produit générique disponible pour remplacer les fongicides à base de procymidone. Troisièmement, la nécessité d’obtenir les autorisations requises empêcherait la requérante de mettre au point de nouveaux produits de substitution en temps utile pour inverser les changements que la directive attaquée produira sur les marchés.

53      En outre, la requérante ajoute qu’elle est dans l’impossibilité juridique de demander que le procymidone soit inscrit à l’annexe I de la directive 91/414 pour des cultures autres que celles déjà autorisées. De surcroît, même en supposant qu’une telle demande soit possible, la requérante ne pourrait obtenir une révision des conditions d’inscription du procymidone à l’annexe I de la directive 91/414 en temps utile pour inverser les changements provoqués sur les marchés par la directive attaquée.

54      Il y a lieu de constater, tout d’abord, que la requérante allègue, sans être contredite par la Commission, que la procédure prévue par la directive 91/414 pour l’inscription de nouvelles substances actives à l’annexe I de ladite directive dure plusieurs années. Il est donc probable que la requérante ne sera pas en mesure de fabriquer et de commercialiser ces substances dans un délai lui permettant d’éviter les effets que produirait la directive attaquée.

55      Cependant, il y a lieu de relever, en ce qui concerne la possibilité de demander l’extension de l’inscription du procymidone à l’annexe I de la directive 91/414 à d’autres cultures que celles déjà autorisées, que, lors de l’audition, la Commission a déclaré, sans être contredite par la requérante, que, sur le fondement de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414, l’annexe I de la même directive pourrait être ultérieurement modifiée afin d’inclure d’autres cultures que celles pour lesquelles le procymidone a déjà été autorisé, dans l’hypothèse où la requérante fournirait des études sur les résidus démontrant que l’utilisation du procymidone est conforme aux exigences de la directive 91/414.

56      En outre, il convient de constater, d’une part, que la requérante n’a fourni aucun élément permettant de conclure que la seule possibilité pour elle de maintenir ses parts de marché serait soit de vendre des produits à base de procymidone, soit de vendre des produits à base d’une autre substance active de sa production ayant les mêmes caractéristiques que le procymidone et, d’autre part, qu’elle s’est bornée à affirmer qu’il n’existait aucun produit générique disponible pour remplacer les fongicides à base de procymidone.

57      Or, la Commission a allégué, premièrement, que d’autres produits génériques existent, ayant comme base des substances actives présentes dans les produits que la requérante elle-même considère comme concurrents de ses produits à base de procymidone, deuxièmement, que la requérante pourrait avoir recours au commerce parallèle et, enfin, troisièmement, que, contrairement à l’allégation de la requérante, plusieurs produits fabriqués et commercialisés par les concurrents de la requérante ne sont pas couverts pas des droits de propriété intellectuelle ou de protection des données.

58      La requérante n’a pas fourni d’autres éléments permettant de conclure qu’il lui était impossible de remplacer le procymidone et les produits contenant du procymidone grâce aux solutions avancées par la Commission. Dans ces circonstances, force est de constater que la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit que la perte de la possibilité de commercialiser le procymidone pour des cultures autres que celles autorisées par la directive attaquée causerait la perte de ses parts de marché sur les marchés concernés.

59      En tout état de cause, même en supposant que la requérante ne puisse effectivement pas remplacer le procymidone et ses produits à base de procymidone et que cela conduise à une perte de ses parts de marché, il convient de constater, ainsi que le relève à juste titre la Commission, que la requérante n’a pas fourni d’éléments susceptibles de prouver qu’une telle perte lui occasionnerait un préjudice grave et irréparable.

60      S’agissant de l’irréparabilité du préjudice en cause, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à un requérant qui se prévaut d’une perte de ses parts de marché de démontrer que la reconquête d’une fraction appréciable de celles-ci, notamment par des mesures appropriées de publicité, est impossible en raison d’obstacles de nature structurelle ou juridique (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Cambridge Healthcare Supplies, point 48 supra, points 110 et 111).

61      En ce qui concerne l’existence éventuelle d’obstacles de nature structurelle, il y a lieu de relever que les arguments avancés par la requérante pour établir que ses concurrents ont la possibilité de conquérir ses parts de marché tendent à indiquer que non seulement les marchés concernés sont très concurrentiels, mais, surtout, que les acheteurs ont la possibilité de changer très facilement de fournisseur.

62      En particulier, la requérante allègue, premièrement, que ses concurrents sont déjà actifs sur les marchés concernés et que leurs produits sont protégés par des droits de propriété intellectuelle et de protection des données, deuxièmement, que les marchés concernés sont caractérisés par une distribution normalement régie par des contrats de brève durée, un manque de fidélité à la marque, une homogénéité élevée des prix, une importance particulière attachée à la disponibilité d’une large gamme de produits et la présence de concurrents détenant des parts de marché élevées.

63      Il convient de constater, tout d’abord, que, même s’il était établi que les produits des concurrents de la requérante étaient protégés par des droits de propriété intellectuelle ou de protection des données, une telle protection ne serait pas susceptible, en tant que telle, d’empêcher la requérante de commercialiser à nouveau ses produits et de reconquérir ses parts de marché.

64      Ensuite, en ce qui concerne les caractéristiques des marchés concernés, mentionnées au point 62 ci-dessus, il convient de relever que celles-ci impliquent une certaine tendance dans ces marchés à la volatilité des parts de marché. Ainsi, quand bien même lesdites caractéristiques n’excluraient pas que la requérante puisse perdre des parts de marché, il y a lieu de constater qu’elles ne permettent pas de conclure qu’il y a, dans les marchés concernés, des obstacles structurels empêchant la requérante de reconquérir les parts de marché qu’elle perdrait éventuellement en raison de la directive attaquée. Bien au contraire, ces considérations tendent plutôt à démontrer qu’une telle reconquête serait au moins en grande partie possible.

65      Enfin, le simple fait que les concurrents de la requérante détiennent des parts de marché élevées n’est pas non plus, en soi, un obstacle de nature structurelle à la possibilité pour la requérante de reconquérir ses parts de marché, notamment au vu des caractéristiques des marchés concernés, telles qu’avancées par la requérante elle-même et rappelées dans le point précédent.

66      Quant à l’existence d’éventuels obstacles de nature juridique, il suffit de constater que la requérante a invoqué la seule impossibilité de demander une modification de la directive attaquée.

67      Or, il convient de rappeler, à cet égard, ainsi qu’il a été mentionné au point 55 ci-dessus, que la Commission pourrait ultérieurement modifier l’annexe I de la directive 91/414 afin d’y inclure d’autres cultures, dans l’hypothèse où la requérante fournirait des études sur les résidus démontrant que l’utilisation du procymidone est conforme aux exigences de la directive 91/414.

68      Il convient donc de conclure que la requérante n’a pas prouvé à suffisance de droit qu’elle ferait face à des obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêchant de reconquérir ses parts de marché. Par conséquent, la requérante n’a pas démontré qu’elle subirait un préjudice irréparable lié à leur perte éventuelle.

69      S’agissant de la gravité du préjudice en cause, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque le demandeur est une entreprise, la gravité d’un préjudice d’ordre matériel doit être évaluée au regard, notamment, de la taille de cette entreprise (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 23 mai 1990, Comos Tank e.a./Commission, C‑51/90 R et C‑59/90 R, Rec. p. I‑2167, points 26 et 31, et ordonnances du président du Tribunal du 22 décembre 2004, Microsoft/Commission, T‑201/04 R, Rec. p. II‑4463, point 257, et du 20 septembre 2005, Deloitte Business Advisory/Commission, T‑195/05 R, Rec. p. II‑3485, point 156).

70      En outre, il convient de rappeler que l’appréciation de la situation matérielle d’une requérante peut être effectuée en prenant notamment en considération les caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat [ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12, et du 15 avril 1998, Camar/Commission et Conseil, C‑43/98 P(R), Rec. p. I‑1815, point 36 ; ordonnance Solvay Pharmaceuticals/Conseil, point 48 supra, point 108].

71      Or, force est de constater à cet égard qu’en l’espèce la requérante, afin d’établir l’impact financier qu’une perte de ses parts de marché pourrait avoir sur sa propre situation financière, d’une part, ne s’est appuyée que sur une déclaration de l’un de ses directeurs, laquelle n’est corroborée par aucun document comptable et, d’autre part, n’a fourni aucun élément permettant d’apprécier les caractéristiques financières du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat.

72      En l’absence de tels éléments, il est impossible, pour le juge des référés, d’apprécier la gravité du préjudice lié à une perte éventuelle de parts de marché allégué par la requérante.

73      Il convient donc de constater que la requérante n’a pas prouvé à suffisance de droit qu’elle risquerait de subir un préjudice grave et irréparable en raison de la perte alléguée de ses parts de marché.

 Sur la mise en péril de l’existence même de la requérante

74      En ce qui concerne la possibilité pour la directive attaquée de mettre en péril l’existence de la requérante, il convient de relever que, n’ayant pas été en mesure d’établir à suffisance de droit qu’elle subirait un préjudice grave et irréparable en raison d’une perte de ses parts de marché, à plus forte raison la requérante ne démontre pas que la perte de parts de marché serait de nature à mettre en péril son existence même.

75      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la demande en référé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments sur lesquels s’appuie la demande de la requérante.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 26 février 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      B. Vesterdorf


* Langue de procédure : l’anglais.