Language of document : ECLI:EU:T:2003:207

Ordonnance du Tribunal

ORDONNANCE DU TRIBUNAL
15 juillet 2003 (1)

Procédure de saisie-arrêt sur rémunération  –  Non-versement au créancier saisissant de retenues sur salaire antérieures à la mainlevée de la saisie-arrêt  –  Irrecevabilité manifeste

Dans l'affaire T-371/02,

Bernard Barbé, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Me A. Lorang, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. H. von Hertzen et Mme L. Knudsen, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du Parlement de ne pas verser au requérant la somme correspondant aux retenues opérées sur la rémunération de l'ex-épouse de celui-ci entre mars et novembre 1998,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES



composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente



Ordonnance




Faits à l’origine du litige

1
Le requérant, M. Barbé, est un fonctionnaire du Parlement à Luxembourg.

2
Par une ordonnance rendue le 8 février 1990 par le juge de paix de Luxembourg, il a été autorisé à pratiquer une saisie-arrêt sur la rémunération de Mme Boez, son ex-épouse, également fonctionnaire du Parlement, entre les mains du Parlement, partie tierce saisie, en vue du paiement d’arriérés de pensions alimentaires ainsi que d’une rente alimentaire mensuelle en faveur de leur fille, Vanessa, qui résidait à l’époque avec lui.

3
Par un jugement du 5 juillet 1990, le tribunal de paix de Luxembourg a validé la saisie-arrêt pratiquée par le requérant pour la somme de 8 000 francs luxembourgeois (LUF) par mois à titre de terme courant de la pension alimentaire à partir du 1er juillet 1990. Il a également ordonné au Parlement d’opérer à compter de cette date les retenues nécessaires sur la rémunération de Mme Boez et de les verser au requérant.

4
Le 15 février 1998, Vanessa a changé de résidence pour vivre avec sa mère, Mme Boez.

5
Par une note du 17 mars 1998, Mme Knudsen, chef du service «Droits individuels» du Parlement, a informé Mme Boez que, conformément à sa demande, les sommes correspondant à l’allocation pour enfant à charge et à l’allocation scolaire en faveur de Vanessa lui seraient versées à compter du 11 mars 1998.

6
Le 18 mars 1998, l’avocat de Mme Boez a informé le Parlement qu’il avait fait rappeler l’affaire devant le tribunal de paix de Luxembourg afin de voir ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée sur la rémunération de Mme Boez. Il a demandé au Parlement que les retenues opérées sur la rémunération de Mme Boez au titre de la rente alimentaire soient versées sur un compte transitoire dans l’attente du jugement du tribunal de paix de Luxembourg.

7
Par une note du 25 mars 1998, M. Stoffel, membre de la division du personnel du Parlement, a donné des instructions en ce sens à la division de la trésorerie et de la comptabilité du Parlement.

8
Par une lettre du 11 novembre 1998, l’avocat du requérant a écrit à M. Cointat, directeur du personnel et des affaires sociales du Parlement, ce qui suit:

«Monsieur Barbé vous informe qu’il accorde mainlevée de cette saisie.»

9
Par une note du 13 novembre 1998, M. Stoffel a donné instruction à la division de la trésorerie et de la comptabilité de rembourser à Mme Boez la somme figurant sur le compte transitoire.

10
Le versement de cette somme à Mme Boez est intervenu le 16 novembre 1998.

11
Le 26 novembre 1998, le tribunal de paix de Luxembourg a rendu un jugement dont le dispositif se lit comme suit:

«[…]

donne acte à Bernard Barbé qu’il accorde mainlevée de la saisie,

annule ladite saisie avec effet au 11 novembre 1998,

pour autant que de besoin en ordonne la mainlevée pure et simple,

dit que la partie tierce saisie pourra se libérer valablement entre les mains de Patricia Boez des retenues légales opérées sur son traitement postérieurement au 11 novembre 1998,

met les frais de la présente instance à charge de Bernard Barbé,

ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant toute voie de recours et sans caution.

[…]»


Procédure précontentieuse

12
Par une note du 10 décembre 2001 «à l’attention de l’autorité investie du pouvoir de nomination» (ci-après l’«AIPN»), enregistrée au Parlement le 13 décembre 2001, le requérant a introduit une réclamation fondée sur l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»). Cette réclamation se lit comme suit:

«En mars 1998, sans préjudice des dates exactes, l’AIPN mettait sous séquestre les sommes dues au titre de pension alimentaire du requérant.

Il y a lieu de constater que l’AIPN a commis un abus de droit en séquestrant les sommes dues sur simple lettre du conseil de la partie adverse.

Il en résulte que:

l’AIPN n’a pas exécuté le jugement du 26.11.1998 mais au contraire a versé les sommes dues à la dame Boez, fonctionnaire auprès du Parlement européen,

le requérant a averti verbalement le service des droits individuels qui a reconnu l’erreur en lui précisant que cette erreur aurait été commise par le fonctionnaire S…, mais celle-ci n’a toujours pas été rectifiée à ce jour.

Par ces motifs,

Le requérant invite l’AIPN à lui verser les sommes dues au titre de pension alimentaire de mars à novembre 1998.

De surplus, invite l’AIPN [à] dire en droit si la demande de séquestre par un avocat est légitime et l’emporte sur un jugement.»

13
Le 6 mai 2002, M. Runge Nielsen, chef de l’unité «Questions juridiques» de la direction générale du personnel du Parlement, a écrit au requérant en ces termes:

«[…]

Compte tenu d’une charge de travail considérable, et votre dossier faisant actuellement l’objet d’un examen approfondi, afin de permettre à l’AIPN de se prononcer, je vous prie de bien vouloir nous accorder un délai supplémentaire de six semaines, à savoir le 24 mai 2002, avant que vous n’introduisiez un éventuel recours.

[…]»

14
Par un courrier électronique du 28 mai 2002 adressé à Mme Nouaille-Degorce, chef de la division du personnel au Parlement, le requérant, soulignant que le délai mentionné dans la lettre de l’AIPN du 6 mai 2002 était arrivé à son terme, a sollicité une réponse rapide de l’AIPN à sa réclamation.

15
Par un courrier électronique du 3 juin 2002, M. Runge Nielsen a indiqué au requérant que son dossier faisait l’objet d’un examen approfondi et l’a assuré qu’il serait dûment informé des suites réservées à sa réclamation.

16
Par une lettre du 13 septembre 2002 adressée au requérant, M. Priestley, secrétaire général du Parlement, a rejeté la réclamation de celui-ci. Dans cette lettre, le Parlement indique, en substance, que la saisie-arrêt visée par les jugements du tribunal de paix de Luxembourg a trait à une relation d’ordre privé, soumise au droit national applicable, et que, dans ces conditions, la demande du requérant ne relève pas de l’application du statut, mais de l’article 288, deuxième alinéa, CE, relatif à la responsabilité extracontractuelle des Communautés, de sorte que la réclamation doit être considérée comme étant irrecevable. Sur le fond, le Parlement soutient que, l’avocat du requérant lui ayant fait savoir, par lettre du 11 novembre 1998, que ce dernier accordait mainlevée de la saisie-arrêt opérée sur la rémunération de son ex-épouse, il n’a commis aucune faute en versant à cette dernière la somme figurant sur le compte transitoire.


Procédure

17
C’est dans ce contexte que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 décembre 2002, le requérant a introduit le présent recours, fondé sur l’article 91, paragraphe 1, du statut. Une version régularisée de la requête est parvenue au Tribunal le 17 janvier 2003. Celle-ci a fait l’objet d’un rectificatif adressé au Tribunal le 7 février 2003.

18
Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 5 mars 2003, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité sur la base de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le requérant a déposé ses observations sur cette exception le 29 avril 2003.


Conclusions des parties

19
Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

déclarer le recours recevable et fondé;

déclarer que c’est à tort que le Parlement ne lui a pas versé les retenues opérées sur le traitement de Mme Boez jusqu’au 11 novembre 1998;

ordonner que lui soient versées les retenues opérées entre mars et novembre 1998;

condamner le Parlement aux frais et aux dépens de l’instance.

20
Dans son exception d’irrecevabilité, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable dans son intégralité sans engager le débat au fond;

statuer comme de droit sur les dépens.

21
Dans ses observations sur cette exception, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

déclarer son recours recevable et rejeter les conclusions du Parlement tendant au rejet de ce recours;

statuer comme de droit sur les dépens.


Sur la recevabilité du recours

22
En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime, en l’espèce, être suffisamment éclairé par les pièces du dossier et considère qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

Arguments des parties

23
Le Parlement soutient que le recours est manifestement irrecevable. Il développe quatre arguments à l’appui de sa thèse.

24
En premier lieu, le Parlement allègue que la demande formulée par le requérant ne relève pas du statut, mais de l’article 288, deuxième alinéa, CE, et que, par conséquent, le requérant n’était, en l’espèce, pas fondé à agir en tant que fonctionnaire et à introduire contre lui une demande, une réclamation et un recours basés sur les articles 90 et 91 du statut. Renvoyant aux points 38, 39 et 60 de l’arrêt du Tribunal du 29 mars 1995, Hogan/Cour de justice (T‑497/93, Rec. p. II‑703), il fait valoir que la saisie-arrêt validée par le tribunal de paix de Luxembourg relève d’une relation d’ordre privé entre le requérant et Mme Boez, et qu’il n’est impliqué dans la présente affaire qu’en tant que tiers saisi en sa qualité d’employeur de Mme Boez. La circonstance selon laquelle le requérant est un fonctionnaire du Parlement ne serait pas de nature à écarter la constatation selon laquelle, dans le contexte de la présente affaire, la relation existant entre le requérant, créancier saisissant, et le Parlement, tiers saisi, est d’ordre extracontractuel. En l’espèce, la situation du requérant à l’égard du Parlement serait identique à celle d’une tierce personne n’ayant pas le statut de fonctionnaire communautaire.

25
En deuxième lieu, le Parlement affirme que, en vertu de l’article 46 du statut de la Cour de justice, les actions contre la Communauté en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu, à savoir, en l’espèce, le 17 novembre 1998, date à laquelle ses services ont donné suite à la lettre de l’avocat du requérant du 11 novembre 1998 autorisant la mainlevée de la saisie-arrêt. Il ajoute que, conformément à l’article susvisé, la prescription est interrompue, notamment, par la demande que la victime peut adresser à l’institution compétente et que, dans ce cas, la requête doit être formée dans le délai prévu à l’article 232 CE. Il découlerait de l’article 232 CE que, si, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l’institution a été invitée à agir, celle-ci n’a pas pris position, le recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois. En l’espèce, la demande du requérant daterait du 10 décembre 2001, de sorte que le délai au cours duquel le Parlement aurait dû prendre position serait venu à expiration le 11 février 2002. Étant donné l’absence de réaction du Parlement à cette date et compte tenu du délai de distance, le requérant aurait été tenu d’introduire son recours avant le 22 avril 2002. Toutefois, le présent recours n’aurait été formé que le 10 décembre 2002, c’est-à-dire plus de sept mois après l’expiration du délai imparti. Par conséquent, le recours serait manifestement irrecevable.

26
En troisième lieu, le Parlement soutient que, même en admettant que la demande présentée par le requérant le 10 décembre 2001 puisse être regardée comme une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, le recours n’en demeure pas moins manifestement irrecevable. Il expose que, ladite demande ayant été formellement enregistrée le 13 décembre 2001, une décision implicite de rejet de l’AIPN est intervenue le 13 avril 2002, conformément à la disposition statutaire susvisée, et que, à la suite de ce rejet, le requérant était tenu, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, d’introduire une réclamation au plus tard le 13 juillet 2002, ce que celui-ci n’a cependant pas fait, ni avant ni après cette date. Il ajoute que la communication au requérant, le 16 septembre 2002, d’une décision explicite de rejet de sa demande n’a eu pour effet ni de faire courir un nouveau délai en faveur du requérant, ni de lui conférer le droit d’introduire un recours devant le Tribunal sans réclamation préalable.

27
Le Parlement fait encore valoir que la lettre du requérant qui lui est parvenue le 13 décembre 2001 ne saurait être interprétée comme une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, étant donné que cette lettre vise une décision ne concernant pas le requérant, mais Mme Boez, à savoir la décision, prise trois ans auparavant, de verser à cette dernière la somme figurant sur le compte transitoire. Il ajoute que, à supposer que la lettre susvisée puisse être qualifiée de réclamation, il y aurait lieu de constater que le recours a été introduit tardivement. En effet, une décision implicite de rejet de la réclamation serait intervenue le 13 avril 2002, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et le requérant aurait été tenu d’introduire un recours pour le 23 juillet 2002, ce qu’il n’aurait cependant fait que cinq mois plus tard.

28
Soulignant que les délais de réclamation et de recours, prévus aux articles 90 et 91 du statut, sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la discrétion des parties ou du juge (arrêt de la Cour du 29 juin 2000, Politi/Fondation européenne pour la formation, C‑154/99 P, Rec. p. I‑5019, point 15), le Parlement considère par conséquent que, quand bien même la demande du requérant serait considérée comme relevant du champ d’application du statut, le recours doit être déclaré comme étant manifestement irrecevable pour non-respect des articles 90 et 91 dudit statut.

29
En quatrième lieu, le Parlement soutient que la demande tendant à ce qu’il lui soit ordonné de verser au requérant les retenues opérées sur la rémunération de Mme Boez de mars à novembre 1998 revient à demander au Tribunal de lui adresser une injonction, alors que le juge communautaire ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, adresser des injonctions à une institution communautaire (arrêts du Tribunal du 14 décembre 1995, Pfloeschner/Commission, T‑285/94, Rec. p. II‑3029, points 22 à 24; du 12 mars 1996, Weir/Commission, T‑361/94, RecFP p. I‑A‑121 et II‑381, point 37, et du 9 juin 1998, Chesi e.a./Conseil, T‑172/95, RecFP p. I‑A‑265 et II‑817, point 33). Le recours serait par conséquent irrecevable dans la mesure où le requérant demande au Tribunal de prononcer une injonction à l’égard du Parlement.

30
Le requérant réfute les arguments développés par le Parlement au soutien de son exception d’irrecevabilité.

31
En premier lieu, il affirme que, si, certes, la question de savoir à qui le Parlement devait verser les retenues sur rémunération litigieuses relève du droit national, le fait que le Parlement soit tenu de se conformer au droit national, en particulier au jugement du tribunal de paix de Luxembourg du 26 novembre 1998, ne signifie cependant pas que son action doive être fondée sur les règles relatives à la responsabilité extracontractuelle de la Communauté. Il souligne qu’il est fonctionnaire du Parlement et qu’il est victime d’une décision de l’administration qui lui fait grief, de sorte que sa situation relève du champ d’application des articles 90 et 91 du statut. Il ajoute que la jurisprudence citée par le Parlement n’énonce pas qu’un fonctionnaire lésé par une décision de son administration doive fonder son action contre celle-ci sur les règles relatives à la responsabilité extracontractuelle de la Communauté. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hogan/Cour de justice, cité au point 24 ci-dessus, aurait d’ailleurs été jugée sur la base des dispositions du statut.

32
En deuxième lieu, le requérant soutient que les dispositions de l’article 288, deuxième alinéa, CE et de l’article 46 du statut de la Cour sont manifestement inapplicables en l’espèce, étant donné que son action n’est pas une action en responsabilité extracontractuelle. Il ajoute que le fait dommageable date de la période ayant pris cours en mars 1998, si bien que le délai de cinq ans prévu à l’article 46 du statut de la Cour n’est, en tout état de cause, pas expiré.

33
En troisième lieu, le requérant, rappelant le déroulement des faits décrits aux points 12 à 15 ci-dessus, soutient que le Parlement ne saurait exciper de l’existence d’un prétendu rejet implicite de sa réclamation, alors qu’une promesse de réponse explicite lui a été faite. Il stigmatise l’attitude déloyale du Parlement, qui, après avoir cherché à le dissuader d’exercer un recours judiciaire en lui promettant une réponse explicite à sa réclamation, excipe, dans le cadre de la présente procédure, du caractère tardif de son recours.

34
En quatrième lieu, le requérant affirme qu’il ne demande pas au Tribunal d’adresser une injonction au Parlement. Il souligne que, depuis l’origine, son action consiste en une réclamation pécuniaire tendant à obtenir du Parlement le versement d’une somme d’argent qui lui revient. Le Tribunal serait pleinement compétent pour connaître d’une telle réclamation et pour condamner le Parlement au paiement de la somme susvisée.

Appréciation du Tribunal

35
Le Tribunal observe que le requérant inscrit l’action dirigée contre le Parlement dans la présente affaire dans le cadre des articles 90 et 91 du statut. La note du requérant du 10 décembre 2001 à l’attention de l’AIPN contient en effet une réclamation introduite «en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut». Quant à son recours, il est «fondé sur l’article 91, premier alinéa, du statut» (page 2 de la requête telle que rectifiée par la lettre du requérant du 7 février 2003; voir également le résumé des moyens et principaux arguments invoqués, adressé par le requérant au Tribunal le 17 janvier 2003).

36
Toutefois, nonobstant les références à l’AIPN figurant tant dans la note du requérant du 10 décembre 2001 que dans la lettre de M. Runge Nielsen du 6 mai 2002 (voir point 13 ci-dessus), il ne saurait être considéré que le Parlement est concerné, dans la présente affaire, en tant qu’AIPN au sens des articles 90 et 91 du statut. En effet, la procédure de saisie-arrêt à laquelle se rattache cette affaire est issue de relations juridiques privées entre le requérant et un autre particulier, à savoir son ex-épouse, Mme Boez. Dans le cadre de cette procédure, qui n’est pas régie par le statut, le Parlement n’est concerné qu’en tant que tiers, c’est-à-dire en tant qu’employeur de la personne débitrice saisie, en l’occurrence Mme Boez (voir, en ce sens, arrêt Hogan/Cour de justice, cité au point 24 ci-dessus, points 38, 39 et 60). La décision du Parlement de ne pas verser au requérant les retenues opérées sur la rémunération de son ex-épouse entre mars et novembre 1998 ne relève pas de l’exercice de ses compétences d’AIPN à l’égard du requérant. La circonstance qu’en l’espèce le requérant, partie créancière saisissante, est un fonctionnaire de l’institution communautaire partie tierce saisie n’est pas de nature à modifier la qualité en laquelle ladite institution est concernée par le présent litige.

37
Il est vrai, comme le soutient le requérant, que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hogan/Cour de justice, cité au point 24 ci-dessus, qui se rattachait également à une procédure de saisie-arrêt, l’action de la partie requérante a été fondée sur les articles 90 et 91 du statut sans que cela ait été mis en cause par l’institution défenderesse et par le Tribunal. Il convient, cependant, de relever que, dans cette affaire, la partie requérante agissait, en qualité de débitrice saisie, contre la décision de l’institution, auprès de laquelle elle se trouvait en situation de détachement, de retenir une partie de sa rémunération à la suite d’une saisie-arrêt. À la différence du cas d’espèce, le litige à l’origine de l’affaire susvisée portait donc sur une composante de la relation statutaire unissant la partie requérante et l’institution défenderesse.

38
Il résulte des considérations qui précèdent que, étant fondé sur l’article 91 du statut, le présent recours repose sur une base légale erronée et est donc irrecevable.

39
Il convient d’ajouter que, même en admettant, conformément à la thèse défendue par le requérant, que les articles 90 et 91 du statut constituent le fondement approprié d’une action, telle que celle de l’espèce, formée dans le cadre d’une procédure de saisie-arrêt par un fonctionnaire en qualité de partie créancière saisissante contre l’institution dont il relève, partie tierce saisie dans ladite procédure en tant qu’employeur de la partie débitrice saisie, le présent recours est manifestement irrecevable pour les motifs suivants.

40
Il ressort de la lecture de la note du requérant du 10 décembre 2001 contenant sa réclamation fondée sur l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir point 12 ci-dessus) que ladite réclamation a été dirigée contre la décision du Parlement de ne pas verser au requérant les retenues opérées entre mars et novembre 1998 sur la rémunération de Mme Boez, partie débitrice saisie, en vertu de la saisie-arrêt validée par le jugement du tribunal de paix de Luxembourg du 5 juillet 1990. Une telle décision doit être considérée comme un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dès lors qu’elle a produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T‑586/93, Rec. p. II‑665, point 28, et du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T‑562/93, RecFP p. I‑A‑247 et II‑737, point 23).

41
Il convient de noter que le jugement du tribunal de paix de Luxembourg prenant acte de l’autorisation du requérant de procéder à la mainlevée de la saisie-arrêt avec effet au 11 novembre 1998 et annulant ladite saisie à compter de cette date a été rendu le 26 novembre 1998 et il a été ordonné qu’il soit exécuté provisoirement, nonobstant toute voie de recours et sans caution (voir point 11 ci-dessus). Dans ces circonstances, il y a tout lieu de considérer que le requérant a demandé de vérifier, dans les jours ou, au plus tard, dans les semaines ayant suivi le jugement susvisé, si la somme correspondant aux retenues opérées sur la rémunération de Mme Boez entre mars et novembre 1998, et bloquée dans l’intervalle sur un compte transitoire par le Parlement, lui avait été versée. Il s’ensuit que, à la fin de 1998 ou, au plus tard, au début de 1999, le requérant a nécessairement eu connaissance du non-versement de ladite somme sur son compte. L’acte lui faisant grief a donc été porté à sa connaissance à cette époque. En n’introduisant sa réclamation que le 10 décembre 2001, soit environ trois ans après la prise de connaissance de cet acte, le requérant a manifestement outrepassé le délai de trois mois imparti par l’article 90, paragraphe 2, du statut.

42
Au vu de tout ce qui précède, et sans qu’il appartienne dans la présente affaire au Tribunal, dès lors que le requérant exclut que son recours puisse être lu comme étant fondé sur l’article 288, deuxième alinéa, CE, de se prononcer sur la recevabilité d’un recours basé sur cette disposition, le recours doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.


Sur les dépens

43
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

44
Le requérant ayant succombé et le Parlement ayant conclu à ce que le Tribunal statue comme de droit sur les dépens, chaque partie supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

ordonne:

1)
Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable.

2)
Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 15 juillet 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1
Langue de procédure: le français.