Language of document : ECLI:EU:T:2012:93

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

28 février 2012(*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban – Règlement (CE) n° 881/2002 – Retrait de l’intéressé de la liste des personnes et entités concernées – Recours en annulation – Non-lieu à statuer – Recours en indemnité – Lien de causalité – Absence »

Dans l’affaire T‑127/09,

Abdulbasit Abdulrahim, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté initialement par M. J. Jones, barrister, et Mme M. Arani, solicitor, puis par MM. E. Grieves, barrister, et H. Miller, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme E. Finnegan et M. R. Szostak, en qualité d’agents,

et

Commission européenne, représentée par MM. E. Paasivirta et G. Valero Jordana, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation partielle du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1330/2008 de la Commission, du 22 décembre 2008, modifiant pour la cent troisième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 345, p. 60), ou de ce dernier règlement, et, d’autre part, une demande de réparation du préjudice prétendument causé par ces actes,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, F. Dehousse et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Le 21 octobre 2008, le nom du requérant, M. Abdulbasit Abdulrahim, a été ajouté à la liste établie par le comité des sanctions institué par la résolution 1267 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 15 octobre 1999, sur la situation en Afghanistan (ci-après la « liste du comité des sanctions »).

2        Par le règlement (CE) n° 1330/2008 de la Commission, du 22 décembre 2008, modifiant pour la cent troisième fois le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban (JO L 345, p. 60), le nom de M. Abdulrahim a dès lors été ajouté à la liste des personnes et entités dont les fonds et autres ressources économiques doivent être gelés en vertu du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9) (ci‑après la « liste litigieuse »).

3        Par requête dont l’original signé est parvenu au greffe du Tribunal le 15 avril 2009, M. Abdulrahim a introduit, contre le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne, un recours ayant en substance pour objet, d’une part, une demande d’annulation du règlement n° 881/2002, tel que modifié par le règlement n° 1330/2008, ou de ce dernier règlement, pour autant que ces actes le concernent, et, d’autre part, une demande de réparation du préjudice prétendument causé par ces actes. Ce recours a été enregistré sous le n° T‑127/09.

4        Dans sa requête, M. Abdulrahim conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler totalement ou partiellement le règlement n° 881/2002, tel que modifié par le règlement n° 1330/2008, et/ou le règlement n° 1330/2008, pour autant que ces actes le concernent ;

–        condamner les parties défenderesses à lui verser des dommages et intérêts pour perte de revenus, perte de bénéfices et préjudice moral ;

–        condamner les parties défenderesses aux dépens.

5        Dans son mémoire en défense, déposé au greffe le 30 juillet 2009, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en annulation comme irrecevable ;

–        rejeter la demande en indemnité comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondée ;

–        condamner M. Abdulrahim aux dépens.

6        Par acte séparé, déposé au greffe le 30 juillet 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

7        Par ordonnance du Tribunal (septième chambre) du 17 décembre 2009, l’exception a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

8        Dans son mémoire en défense, déposé au greffe le 5 février 2010, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–        constater l’absence de fondement de la demande en annulation et de la demande en indemnité ;

–        condamner M. Abdulrahim aux dépens.

9        Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 26 octobre 2009, M. Abdulrahim a été admis au bénéfice de l’aide judiciaire et M. J. Jones et Mme M. Arani ont été désignés pour le représenter.

10      Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 14 avril 2010, ladite ordonnance du 26 octobre 2009 a été modifiée en ce qu’elle désignait M. Jones et Mme Arani comme avocats pour assister M. Abdulrahim. Aux termes du point 2 du dispositif de cette nouvelle ordonnance, MM. H. Miller et E. Grieves ont été désignés comme avocats chargés de représenter M. Abdulrahim, avec effet au 11 mars 2010.

11      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

12      Le 22 décembre 2010, le comité des sanctions a décidé de radier le nom de M. Abdulrahim de sa liste.

13      Le 6 janvier 2011, les avocats de M. Abdulrahim ont écrit à la Commission pour demander la radiation de son nom de la liste litigieuse.

14      Par le règlement (UE) n° 36/2011 de la Commission, du 18 janvier 2011, modifiant pour la cent quarante-troisième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 36, p. 12), la mention du nom de M. Abdulrahim a été supprimée de la liste litigieuse.

15      Par acte parvenu au greffe le 9 mars 2011, M. Abdulrahim a introduit une demande d’aide judiciaire complémentaire au titre de l’article 94 du règlement de procédure, en vue de poursuivre le présent recours. Il a été fait partiellement droit à cette demande par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 10 juin 2011.

16      Par lettre parvenue au greffe le 27 juillet 2011, la Commission a communiqué au Tribunal une copie du règlement n° 36/2011.

17      Par lettre du greffe du 17 novembre 2011, les parties ont été invitées à se prononcer par écrit sur les conséquences à tirer, en particulier au regard de l’objet du recours, de l’adoption du règlement n° 36/2011.

18      Dans leurs observations écrites, déposées au greffe le 6 décembre 2011, la Commission et le Conseil ont demandé au Tribunal de déclarer que la demande en annulation était devenue sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer à cet égard. Quant à la demande en indemnité et aux dépens, ces parties ont maintenu leurs conclusions antérieures.

19      Dans ses observations écrites, déposées au greffe le 6 décembre 2011, M. Abdulrahim s’est, en revanche, opposé à la demande de non-lieu à statuer sur la demande en annulation. Se fondant, notamment, sur l’arrêt du Tribunal du 3 avril 2008, PKK/Conseil (T‑229/02, non publié au Recueil, points 46 à 51), il fait plus particulièrement valoir que :

–        la suppression de la mention de son nom dans la liste litigieuse n’a pas le même effet en droit que l’annulation des règlements attaqués en l’espèce ; l’adoption du règlement n° 36/2011 et l’abrogation concomitante du règlement n° 1330/2008 ne sauraient donc être considérées comme équivalentes à l’annulation recherchée de ce dernier règlement, laquelle aurait pour effet de faire disparaître cet acte de l’ordre juridique de l’Union, comme s’il n’avait jamais existé ;

–        il convient d’éviter la répétition des illégalités alléguées en l’espèce, que ce soit à l’égard de M. Abdulrahim ou à l’égard d’autres personnes potentiellement concernées, sans que l’on puisse présumer, à défaut de toute indication des motifs ayant présidé à la suppression de la mention du nom de M. Abdulrahim dans la liste litigieuse, que la mesure de gel des fonds attaquée par la voie du présent recours en annulation ne sera pas réintroduite à l’avenir ; il en irait d’autant plus ainsi au vu de l’évolution chaotique de la situation en Libye ;

–        prononcer le non-lieu à statuer demandé reviendrait à accorder une impunité de fait aux institutions, celles-ci étant libres de se soustraire à leur guise à tout contrôle juridictionnel ;

–        il existe au contraire un intérêt public supérieur à ce que le règlement n° 1330/2008 fasse l’objet d’un tel contrôle juridictionnel, dès lors que : i) la Commission a prétendu, à tort, que la présente affaire se distinguait de celle ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351) ; ii) la Commission a omis d’informer le Tribunal de faits hautement pertinents concernant le Libyan Islamic Fighting Group (LIFG) et ses membres ; et iii) M. Abdulrahim a allégué, dans sa réplique, que cet acte avait été adopté sur la base d’informations arrachées sous la torture, en violation des normes impératives du droit international (jus cogens) ;

–        le présent recours porte également sur la question de savoir si l’adoption et la mise en œuvre du règlement n° 1330/2008 ont causé et continuent de causer à M. Abdulrahim un préjudice, notamment sous la forme d’une atteinte portée à sa réputation, en violation de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ; en conséquence, le Tribunal serait tenu d’examiner préalablement le bien-fondé de ce recours ;

–        une décision sur le bien-fondé de la demande en annulation est également nécessaire pour permettre à M. Abdulrahim d’obtenir le remboursement de ses dépens, à moins que la Commission n’accepte de les prendre à sa charge.

 En droit

 Sur la demande en annulation

20      En vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. Sauf décision contraire du Tribunal, la suite de la procédure est orale.

21      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sans ouvrir la phase orale de la procédure.

22      Selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 42, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, non encore publié au Recueil, points 42 et 43).

23      Or, si l’intérêt à agir du requérant disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait procurer aucun bénéfice à celui-ci (arrêts Wunenburger/Commission, précité, point 43, et Ryanair/Commission, précité, point 44).

24      Selon une jurisprudence également constante, le retrait, ou l’abrogation dans certaines circonstances, de l’acte attaqué par l’institution défenderesse fait disparaître l’objet du recours en annulation, dès lors qu’il aboutit, pour la partie requérante, au résultat voulu et lui donne entière satisfaction (voir ordonnances du Tribunal du 28 mars 2006, Mediocurso/Commission, T‑451/04, non publiée au Recueil, point 26, et la jurisprudence citée, et du 6 juillet 2011, SIR/Conseil, T‑142/11, non publiée au Recueil, point 18, et Petroci/Conseil, T‑160/11, non publiée au Recueil, point 15).

25      Dans son ordonnance du 10 juin 2011 relative au complément d’aide judiciaire demandé, le président de la deuxième chambre du Tribunal a déjà exprimé la considération que, le nom de M. Abdulrahim ayant été radié de la liste litigieuse à compter du 18 janvier 2011, son intérêt à la poursuite de la demande d’annulation partielle du règlement n° 1330/2008, à supposer même qu’il ait persisté au-delà de cette date, semblait en tout cas avoir perdu beaucoup de son intensité.

26      Il y a lieu de confirmer sans réserve cette appréciation préliminaire exprimée au titre de l’article 94, paragraphe 3, du règlement de procédure.

27      En l’espèce, en effet, la Commission a, par le règlement n° 36/2011, procédé à la suppression de la mention du nom de M. Abdulrahim dans la liste litigieuse, alors que cette mention résultait du règlement n° 1330/2008. Une telle suppression emporte abrogation dudit règlement, dans la mesure où cet acte concernait M. Abdulrahim.

28      Cette abrogation aboutit, pour M. Abdulrahim, au résultat voulu et lui donne entière satisfaction, étant donné que, à la suite de l’adoption du règlement n° 36/2011, il n’est plus soumis aux mesures restrictives qui lui faisaient grief.

29      Certes, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la partie requérante peut conserver un intérêt à voir annuler un acte abrogé en cours d’instance si l’annulation de cet acte est susceptible, par elle‑même, d’avoir des conséquences juridiques (ordonnances du Tribunal du 14 mars 1997, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, T‑25/96, Rec. p. II‑363, point 16, et du 10 mars 2005, IMS Health/Commission, T‑184/01, Rec. p. II‑817, point 38).

30      En effet, dans le cas où un acte est annulé, l’institution dont émane l’acte est tenue, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures qu’implique l’exécution de l’arrêt. Ces mesures n’ont pas trait à la disparition de l’acte en tant que telle de l’ordre juridique communautaire, puisque celle-ci résulte de l’essence même de l’annulation de l’acte par le juge. Elles concernent plutôt l’anéantissement des illégalités constatées dans l’arrêt d’annulation. C’est ainsi que l’institution concernée peut être amenée à effectuer une remise en état adéquate de la situation du requérant ou à éviter qu’un acte identique ne soit adopté (voir ordonnance Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, précitée, point 17, et la jurisprudence citée).

31      Toutefois, en l’espèce, il ne ressort pas du dossier, et M. Abdulrahim n’a avancé aucun élément convaincant permettant de conclure que, à la suite de l’adoption du règlement n° 36/2011, le présent recours serait susceptible de lui procurer un bénéfice, au sens de la jurisprudence visée au point 22 ci-dessus, en sorte qu’il conserverait un intérêt à agir.

32      En particulier, s’agissant, premièrement, de la circonstance que l’abrogation d’un acte d’une institution de l’Union n’est pas une reconnaissance de son illégalité et produit un effet ex nunc, à la différence d’un arrêt d’annulation en vertu duquel l’acte annulé est éliminé rétroactivement de l’ordre juridique et censé n’avoir jamais existé (point 19, premier tiret, ci-dessus ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T‑481/93 et T‑484/93, Rec. p. II‑2941, point 46), il doit être relevé qu’elle n’est pas en mesure de fonder un intérêt de M. Abdulrahim à obtenir l’annulation du règlement n° 1330/2008.

33      D’une part, en effet, force est de constater que, dans les circonstances de l’espèce, aucun élément n’indique que la disparition ex tunc de cet acte procurerait un quelconque bénéfice à M. Abdulrahim. Dans ce contexte, il convient notamment de relever que rien ne permet d’établir que, en cas d’arrêt d’annulation, la Commission et/ou le Conseil seraient amenés, en application de l’article 266 TFUE, à adopter des mesures, au sens de la jurisprudence citée au point 29 ci‑dessus, visant à l’anéantissement de l’illégalité qui serait constatée.

34      D’autre part, s’agissant de la reconnaissance de l’illégalité alléguée elle-même, celle-ci peut certes constituer l’une des formes de réparation poursuivies dans le cadre d’un recours en indemnité au titre des articles 268 et 340 TFUE. En revanche, elle ne suffit pas à fonder la persistance de l’intérêt à agir au contentieux objectif de l’annulation des actes des institutions mis en œuvre par les articles 263 et 264 TFUE. Dans le cas contraire, une partie requérante conserverait d’ailleurs toujours un intérêt à demander l’annulation d’un acte malgré son retrait ou son abrogation, ce qui serait incompatible avec la jurisprudence visée aux points 24 et 29 ci-dessus.

35      Quant à la référence faite par M. Abdulrahim à l’arrêt PKK/Conseil, précité, il est vrai que, selon la jurisprudence, une partie requérante peut conserver un intérêt à obtenir l’annulation d’une décision imposant des mesures restrictives abrogée et remplacée (voir, en ce sens, outre ledit arrêt PKK/Conseil, arrêts du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 35 ; du 11 juillet 2007, Al-Aqsa/Conseil, T‑327/03, non publié au Recueil, point 39, et du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 48). Force est toutefois de constater que cette jurisprudence a été élaborée dans un contexte particulier et différent de celui du cas d’espèce. En effet, contrairement au règlement n° 1330/2008, les actes en cause dans ces affaires avaient été non seulement abrogés, mais également remplacés par de nouveaux actes, les mesures restrictives visant les entités concernées ayant été maintenues. Les effets initiaux des actes abrogés demeuraient donc, à l’égard des entités concernées, par le biais des actes les remplaçant. Or, en l’espèce, le règlement n° 36/2011 procède purement et simplement à la suppression de la mention du nom de M. Abdulrahim dans la liste litigieuse, abrogeant ainsi le règlement n° 1330/2008, pour autant qu’il le concerne, sans le remplacer. Les effets produits par celui-ci ne perdurent donc pas. Au surplus, ladite jurisprudence est fondée sur la différence existant entre les effets de l’abrogation et ceux de l’annulation d’un acte, cette circonstance n’étant pas pertinente en l’espèce ainsi qu’il ressort du point 32 ci‑dessus.

36      Cette distinction entre des circonstances telles que celles de l’espèce et celles ayant donné lieu aux arrêts cités au point 35 ci-dessus, opérée par le Tribunal dans les ordonnances SIR/Conseil et Petroci Holding/Conseil, précitées, apparaît confortée par l’arrêt de la Cour du 3 décembre 2009, Hassan et Ayadi/Conseil et Commission (C‑399/06 P et C‑403/06 P, Rec. p. I‑11393). D’une part, en effet, au lieu de conclure automatiquement au maintien de l’intérêt des requérants concernés à agir dans les affaires en cause, la Cour s’est posée d’office, au point 57 dudit arrêt, la question de savoir si, eu égard au retrait du règlement litigieux et à son remplacement rétroactif par un autre acte, il y avait encore lieu de statuer dans ces affaires. D’autre part, aux points 59 à 63 du même arrêt, la Cour a relevé un certain nombre de particularités du cas qui lui était soumis, assez semblables quant à leurs effets à celles présentes dans les affaires ayant donné lieu à la jurisprudence visée au point 35 ci-dessus, qui lui ont permis de conclure, aux points 64 et 65 de l’arrêt, que, « dans ces conditions particulières », et à la différence de ce qui avait été jugé dans l’ordonnance de la Cour du 8 mars 1993, Lezzi Pietro/Commission (C‑123/92, Rec. p. I‑809), l’adoption du nouvel acte (et l’abrogation concomitante du règlement litigieux) ne pouvait être considérée comme équivalente à une annulation pure et simple du règlement litigieux. Or, ces particularités n’existent pas dans la présente espèce, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 35 ci-dessus. Plus spécifiquement, en l’espèce, le règlement n° 36/2011 est définitif dans la mesure où il ne peut plus faire l’objet d’un recours en annulation. Partant, il peut être exclu que le règlement n° 1330/2008 entre de nouveau en vigueur pour autant qu’il concerne M. Abdulrahim, contrairement à ce que la Cour a constaté au point 63 de son arrêt Hassan et Ayadi/Conseil et Commission, précité.

37      S’agissant, deuxièmement, du fait qu’une partie requérante peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution de l’Union pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir (point 19, deuxième tiret, ci-dessus ; voir, en ce sens, arrêt Wunenburger/Commission, précité, point 50), il doit être rappelé qu’un tel intérêt à agir, qui découle de l’article 266, premier alinéa, TFUE, ne saurait exister que si l’illégalité alléguée est susceptible de se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours (arrêt Wunenburger/Commission, précité, points 51 et 52). Or, en l’espèce, aucun élément du dossier n’indique que tel puisse être le cas. Au contraire, le règlement n° 36/2011 ayant été adopté au regard de la situation spécifique de M. Abdulrahim ainsi que, apparemment, de l’évolution de la situation en Libye, il n’apparaît pas probable que l’illégalité alléguée puisse se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances ayant donné lieu au présent recours.

38      S’agissant, troisièmement, de l’argument tiré de ce qu’il y aurait un intérêt public supérieur à voir sanctionner la violation alléguée d’une norme impérative du droit international, sans reconnaître à cet égard aucune impunité à la Commission (point 19, troisième et quatrième tirets, ci-dessus), celui-ci ne suffit pas à fonder l’intérêt personnel de M. Abdulrahim à la poursuite du présent recours. Il en va de même des arguments tirés de l’arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité, ainsi que de la prétendue omission de la Commission d’informer le Tribunal de faits concernant le LIFG et ses membres. Même si, comme l’observe M. Abdulrahim, la Commission et le Conseil doivent respecter tant la jurisprudence de la Cour que les normes impératives du droit international et ne sont pas en droit d’adopter des actes fondés sur des éléments obtenus sous la torture, M. Abdulrahim n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions ni dans celui d’autres personnes et il ne peut faire valoir qu’un intérêt et des griefs qui lui sont personnels (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, 85/82, Rec. p. 2105, point 14).

39      S’agissant, quatrièmement, d’éventuelles conséquences dommageables pouvant, le cas échéant, découler de la prétendue illégalité du règlement n° 1330/2008 (point 19, cinquième tiret, ci-dessus), il convient de relever d’emblée que la demande de non-lieu à statuer formulée par les institutions défenderesses concerne uniquement la demande en annulation. Il reste ainsi loisible à M. Abdulrahim de poursuivre la réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi, dans le cadre de sa demande en indemnité fondée sur l’article 268 TFUE et l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE. Cette demande sera d’ailleurs examinée dans la suite de la présente ordonnance.

40      S’agissant enfin, cinquièmement, de l’argument tiré de la prétendue nécessité d’obtenir une décision sur le bien-fondé du présent recours aux fins de la récupération des dépens exposés par M. Abdulrahim, il suffit de renvoyer aux points 69 à 71 ci-après.

41      Il découle de l’ensemble de ce qui précède qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande en annulation, sans qu’il soit dès lors besoin de se prononcer préalablement sur sa recevabilité (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52).

 Sur la demande en indemnité

42      En vertu de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

43      En l’espèce, dans son ordonnance du 10 juin 2011 relative au complément d’aide judiciaire demandé, le président de la deuxième chambre du Tribunal a déjà exprimé la considération que la demande en indemnité apparaissait manifestement irrecevable ou manifestement non fondée, notamment au regard des exigences relatives à la charge de la preuve de la réalité et de l’étendue des préjudices allégués ainsi que de l’existence d’un lien de causalité entre ces préjudices et les illégalités de fond invoquées au soutien de cette demande.

44      Cette appréciation préliminaire, exprimée au titre de l’article 94, paragraphe 3, du règlement de procédure, ne peut qu’être confirmée. La demande en indemnité apparaît, en effet, comme étant manifestement dépourvue de tout fondement en droit, voire manifestement irrecevable, au regard des actes de procédure, des indications figurant au dossier et des explications fournies par les parties dans leurs écritures.

45      À cet égard, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire, sans qu’il soit dès lors nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du Tribunal du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, non encore publié au Recueil, points 92 et 93).

46      Il doit également être souligné que, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 268 TFUE en combinaison avec l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, le requérant est tenu de prouver non seulement l’illégalité du comportement reproché et la réalité du préjudice, mais également l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué. Quant à cette dernière condition, il est de jurisprudence constante que le préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché. Un lien de causalité au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est ainsi admis lorsqu’il existe un lien direct de cause à effet entre la faute commise par l’institution concernée et le préjudice invoqué (arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié au Recueil, point 244, et la jurisprudence citée).

47      En l’espèce, s’agissant de la nature et de l’étendue des divers préjudices allégués, la requête comprend les trois seuls points suivants, sous le titre « demande de réparation » :

« 155.      En ce qui concerne la deuxième condition, selon la jurisprudence, le requérant doit présenter au [Tribunal] des éléments de preuve établissant le fait et l’étendue de la perte qu’il prétend avoir subie. L’inscription du nom du requérant sur la [liste litigieuse] a eu pour effet de geler les fonds et les actifs du requérant. À l’exception des exemptions accordées par le Treasury pour ses dépenses de base, le requérant n’a pas pu accéder à ses fonds ni à ses actifs depuis que le [règlement n° 1330/2008] est entré en vigueur.

156.      L’acte communautaire illégal a empêché le requérant de développer son affaire et il a donc perdu des bénéfices et des opportunités commerciales. Il a également subi des préjudices moraux, lesquels ont pris la forme d’un préjudice à sa réputation et d’une interférence injustifiée avec sa vie privée et familiale. L’acte communautaire illégal l’a également placé dans un état prolongé d’incertitude et d’anxiété en ce qui concerne la reconnaissance de ses droits.

157.      La perte ou le préjudice causé par un acte communautaire illégal motivera une demande de dommages et intérêts pour autant que l’existence de celle-ci ou de celui-ci soit suffisamment certaine. En conséquence, le requérant invoque les préjudices suivants :

(1) perte de revenus ;

(2) perte de bénéfices ;

(3) perte d’opportunités commerciales ;

(4) préjudice moral causé par une infraction à ses droits fondamentaux et par une incertitude et une anxiété prolongées issues de l’acte communautaire illégal. »

48      Aucune des douze annexes à la requête n’est destinée à constituer la preuve de ces préjudices ou à les quantifier.

49      S’agissant de l’existence d’un lien de causalité entre les divers préjudices allégués et les illégalités de fond invoquées au soutien de la demande en indemnité, M. Abdulrahim se borne à faire valoir, au point 158 de la requête, que :

« il y a un lien de causalité évident entre l’acte de listing de son nom dans [la liste litigieuse] et le gel ultérieur de ses fonds et de ses actifs ainsi que la perte et le préjudice qu’il a subis du fait de ces actes. La perte est une conséquence directe de l’acte illégal de listing du requérant dans [la liste litigieuse], effectuée par le règlement n° 1330/2008 ».

50      Or, ainsi qu’il le reconnaît lui-même au point 80 de la requête, au point 31 de la réplique au Conseil ainsi que dans son témoignage écrit du 13 mars 2009 joint en annexe 11 à la requête, les avoirs de M. Abdulrahim au Royaume-Uni avaient été gelés bien avant l’adoption du règlement n° 1330/2008, le 22 décembre 2008. Pour se conformer à la décision du comité des sanctions du 21 octobre 2008 d’ajouter le nom de M. Abdulrahim à sa liste, le gouvernement du Royaume-Uni avait en effet adopté des mesures restrictives à son encontre dès le 21 octobre 2008, au titre de l’Al Qaida and Taliban (United Nations Measure) Order 2006 [ordonnance Al-Qaida et Taliban (mesures des Nations unies) de 2006], ce dont il avait été officiellement informé par deux lettres du Her Majesty’s Treasury (ministère des Finances du Royaume-Uni) respectivement datées du 27 octobre et du 5 novembre 2008. Il est constant que lesdites mesures restrictives sont d’un contenu et d’une portée équivalents à ceux des mesures restrictives prévues par le règlement n° 881/2002.

51      Il ressort, par ailleurs, du dossier que c’est à l’initiative et sur proposition du Royaume-Uni que le nom de M. Abdulrahim a été ajouté à la liste du comité des sanctions, par décision dudit comité du 21 octobre 2008.

52      Il apparaît ainsi de façon manifeste que le préjudice matériel prétendument subi par M. Abdulrahim, résultant de l’indisponibilité de ses fonds, avoirs financiers et autres ressources économiques, et consistant en la privation de leur jouissance, trouve sa cause directe et immédiate non pas dans l’adoption des actes communautaires en cause en l’espèce, mais dans les adoptions successives, le 21 octobre 2008, d’une part, de la décision du comité des sanctions d’ajouter son nom à la liste dudit comité et, d’autre part, de la décision des autorités britanniques d’adopter des mesures restrictives à son encontre (voir, par analogie, arrêt Sison/Conseil, précité, point 246).

53      La même constatation s’impose en ce qui concerne le préjudice matériel prétendument subi par M. Abdulrahim et consistant en la perte de revenus, de bénéfices et d’opportunités commerciales.

54      Pour le surplus, la preuve de l’existence d’un préjudice matériel additionnel, directement et spécifiquement imputable à l’adoption des actes communautaires en cause en l’espèce, n’a pas été rapportée.

55      La circonstance selon laquelle l’adoption du règlement n° 881/2002 serait elle-même antérieure à l’adoption des mesures restrictives britanniques est dénuée de toute pertinence à cet égard, dès lors que ledit règlement ne concernait en rien le cas personnel de M. Abdulrahim avant l’adoption du règlement n° 1330/2008.

56      Il en va de même de l’allégation de M. Abdulrahim selon laquelle le règlement n° 881/2002 constitue le fondement juridique explicite de l’Al Qaida and Taliban (United Nations Measures) Order 2006, qui le met en œuvre au Royaume-Uni, dès lors que le gel des fonds de l’intéressé au Royaume-Uni a été décrété, en application de cette dernière mesure, à une époque où aucun acte de droit communautaire ne le prescrivait.

57      Il en va encore de même de l’allégation selon laquelle le Royaume-Uni serait obligé de supprimer la mesure restrictive nationale de gel des avoirs de M. Abdulrahim, en cas d’annulation du règlement n° 1330/2008, du fait de l’effet direct de cet acte. À l’heure actuelle, en effet, tant la mesure communautaire que la mesure nationale de gel des avoirs de M. Abdulrahim ont été abrogées.

58      Étant un ressortissant britannique, résidant à Londres, M. Abdulrahim n’a pas allégué, par ailleurs, qu’il serait détenteur d’avoirs ni qu’il exercerait une quelconque activité professionnelle dans un autre État membre que le Royaume‑Uni. La circonstance que le règlement n° 1330/2008 a étendu le gel de ses avoirs à l’ensemble de la Communauté, alors que celui-ci était auparavant limité au territoire du Royaume-Uni, n’est dès lors pas susceptible d’avoir contribué à l’augmentation du préjudice matériel allégué.

59      Quant au préjudice moral allégué par M. Abdulrahim, notamment en termes d’atteinte à sa réputation, il convient de reconnaître que sa cause directe et immédiate est à trouver, elle aussi, d’une part, dans la décision du comité des sanctions, qui est une émanation du Conseil de sécurité des Nations unies dont les décisions s’imposent à tous les États membres de l’Organisation des Nations unies, conformément à l’article 25 de la charte de ladite Organisation, d’ajouter son nom à sa liste, sur proposition du gouvernement britannique, et, d’autre part, dans la décision consécutive de ce gouvernement d’adopter aussitôt des mesures restrictives à son encontre, lesquelles ont été immédiatement portées à la connaissance de l’entourage professionnel et privé de l’intéressé. Pour le surplus, la preuve de l’existence d’un préjudice moral additionnel, directement et spécifiquement imputable à l’adoption des actes communautaires en cause en l’espèce, n’a pas été rapportée.

60      Il ne saurait dès lors être raisonnablement soutenu que les divers préjudices allégués découlent de manière suffisamment directe des illégalités de fond invoquées par M. Abdulrahim.

61      Enfin, il convient de souligner que la requête et ses annexes ne contiennent pas la moindre quantification ni justification du préjudice allégué, en des termes généraux et abstraits, aux points 155 à 157 de celle-ci ainsi que dans ses conclusions, sous h), et ce, alors même que, audit point 155 de sa requête, M. Abdulrahim avait opportunément invoqué la jurisprudence selon laquelle un requérant doit présenter au Tribunal des éléments de preuve établissant le fait et l’étendue de la perte qu’il prétend avoir subie, en citant les arrêts du Tribunal du 9 janvier 1996, Koelman/Commission (T‑575/93, Rec. p. II‑1, point 97), du 10 juillet 1997, Guérin automobiles/Commission (T‑38/96, Rec. p. II‑1223, points 42 et 43), et du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission (T‑19/01, Rec. p. II‑3125, point 65).

62      En effet, toute demande en réparation d’un préjudice, qu’il s’agisse d’un préjudice matériel ou d’un préjudice moral, à titre symbolique ou pour l’obtention d’une véritable indemnité, doit préciser la nature du préjudice allégué au regard du comportement reproché à l’institution défenderesse et, même de façon approximative, évaluer l’ensemble de ce préjudice (voir arrêts du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 81, et la jurisprudence citée, et Sison/Conseil, précité, point 250).

63      L’argumentation de M. Abdulrahim développée dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité et dans ses répliques au Conseil et la Commission ne contredit pas cette conclusion mais tend, en réalité, à remédier à l’inexistence, dans la requête, d’une argumentation spécifique consacrée à la demande indemnitaire. Ce n’est donc que dans lesdites observations et répliques que M. Abdulrahim a fourni, pour la première fois, une indication du montant du dommage matériel et moral allégué.

64      Force est toutefois de constater, à l’instar du Conseil, que ces éléments additionnels d’explication, d’évaluation et de preuve du préjudice, à supposer même qu’ils soient recevables, ne permettent toujours pas de justifier les prétentions de M. Abdulrahim.

65      Ainsi, s’agissant des trois commerces prétendument exploités par M. Abdulrahim, les seuls documents produits par celui-ci concernent les recettes et dépenses des restaurants El Shaam et Pizza Lodge pour la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2008. Les comptes relatifs à la période suivante, sur la base desquels les pertes devraient a priori être calculées, n’ont pas été produits. Aucun document probant n’a par ailleurs été produit concernant le commerce London Souvenirs and Gifts.

66      Dans ces conditions, le Tribunal ne peut que conclure que la preuve de la réalité et de l’étendue du préjudice matériel allégué n’a manifestement pas été rapportée, même au stade de la réplique.

67      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande en indemnité, à supposer même qu’elle soit recevable, doit être rejetée comme étant, en tout état de cause, manifestement non fondée.

 Sur les dépens

 Sur les dépens afférents à la demande en annulation

68      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

69      Il convient de constater, à cet égard, que l’introduction du présent recours en annulation trouve son origine dans la décision de la Commission d’inscrire le nom de M. Abdulrahim dans la liste litigieuse, en se fondant sur l’exposé des motifs communiqué par le comité des sanctions.

70      Il convient de rappeler, par ailleurs, que, dans son ordonnance du 10 juin 2011 dans l’affaire T‑127/09 AJ, le président de la deuxième chambre du Tribunal a déjà exprimé les plus grands doutes quant à la persistance de l’intérêt de M. Abdulrahim à la poursuite de la demande en annulation partielle du règlement n° 1330/2008, à la suite de l’adoption du règlement n° 36/2011.

71      Au vu des considérations qui précèdent, de l’exposé des motifs communiqué par le comité des sanctions et à la lumière de l’arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité, et de l’arrêt du Tribunal du 30 septembre 2010, Kadi/Commission (T‑85/09, non encore publié au Recueil), le Tribunal estime juste et équitable, d’une part, de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par M. Abdulrahim, au titre du recours en annulation, jusqu’à la date du 18 janvier 2011 et, d’autre part, de condamner M. Abdulrahim à supporter, outre ses propres dépens, l’intégralité des dépens exposés par le Conseil ainsi que les dépens exposés par la Commission postérieurement à cette date, au titre de ce même recours.

72      Conformément à l’article 97, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, M. Abdulrahim ayant été admis au bénéfice de l’aide judiciaire et le Tribunal ayant condamné la Commission à supporter une partie des dépens exposés par celui-ci, au titre du recours en annulation, cette institution sera tenue de rembourser à la caisse du Tribunal les sommes avancées à ce titre au titre de l’aide judiciaire.

 Sur les dépens afférents à la demande en indemnité

73      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

74      Le requérant ayant succombé dans sa demande en indemnité, il y a lieu de le condamner aux dépens y afférents, conformément aux conclusions du Conseil et de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande en annulation.

2)      La demande en indemnité est rejetée.

3)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par M. Abdulbasit Abdulrahim, au titre de la demande en annulation, jusqu’à la date du 18 janvier 2011, et sera tenue de rembourser à la caisse du Tribunal les sommes avancées à ce titre au titre de l’aide judiciaire.

4)      M. Abdulbasit Abdulrahim est condamné à supporter, outre ses propres dépens, l’intégralité des dépens exposés par le Conseil de l’Union européenne et des dépens exposés par la Commission, postérieurement à la date du 18 janvier 2011, au titre de la demande en annulation, ainsi que l’intégralité des dépens exposés par ces deux institutions au titre de la demande en indemnité.

Fait à Luxembourg, le 28 février 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.