Language of document : ECLI:EU:T:2015:4

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 janvier 2015 (*)

« Renvoi après annulation – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban – Règlement (CE) no 881/2002 – Gel des fonds et des ressources économiques d’une personne incluse dans une liste établie par un organe des Nations unies – Inclusion du nom de cette personne dans la liste figurant à l’annexe I du règlement (CE) no 881/2002 – Recours en annulation – Recevabilité – Délai de recours – Dépassement – Erreur excusable – Droits fondamentaux – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Droit au respect de la propriété – Droit au respect de la vie privée et familiale »

Dans l’affaire T‑127/09 RENV,

Abdulbasit Abdulrahim, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté par MM. P. Moser, QC, E. Grieves, barrister, H. Miller et R. Graham, solicitors,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme E. Finnegan et M. G. Étienne, en qualité d’agents,

et

Commission européenne, représentée par MM. E. Paasivirta et G. Valero Jordana, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet initial, d’une part, une demande d’annulation partielle du règlement (CE) no 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) no 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9), tel que modifié par le règlement (CE) no 1330/2008 de la Commission, du 22 décembre 2008, modifiant pour la cent troisième fois le règlement no 881/2002 (JO L 345, p. 60), ou de ce dernier règlement, pour autant qu’il concerne le requérant, et, d’autre part, une demande de réparation du préjudice prétendument causé par ces actes,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood (rapporteur) et E. Bieliūnas, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 février 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et procédure avant renvoi

1        Le 21 octobre 2008, le nom du requérant, M. Abdulbasit Abdulrahim, a été ajouté à la liste établie par le comité des sanctions institué par la résolution 1267 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 15 octobre 1999, sur la situation en Afghanistan (ci-après, respectivement, la « liste du comité des sanctions » et le « comité des sanctions »). Cet ajout a fait l’objet du communiqué de presse SC/9481 du comité des sanctions, publié le 23 octobre 2008.

2        Par le règlement (CE) no 1330/2008 de la Commission, du 22 décembre 2008, modifiant pour la cent troisième fois le règlement (CE) no 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban (JO L 45, p. 60), le nom de M. Abdulrahim a dès lors été ajouté à la liste des personnes et des entités dont les fonds et autres ressources économiques doivent être gelés en vertu du règlement (CE) no 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) no 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9) (ci‑après la « liste litigieuse »).

3        Au point 1 de l’annexe du règlement no 1330/2008, ledit ajout est motivé de la manière suivante :

« […] Renseignements complémentaires : a) […] ; b) a participé à des activités de mobilisation de fonds pour le compte du Groupe libyen de combat pour l’Islam (Libyan Islamic Fighting Group) ; c) a occupé des postes élevés au sein du [Libyan Islamic Fighting Group] au Royaume-Uni ; d) a été associé aux directeurs de l’organisme de secours Sanabel, Ghuma Abd´rabbah, Taher Nasuf et Abdulbaqi Mohammed Khaled, et à d’autres membres du [Libyan Islamic Fighting Group] au Royaume-Uni, notamment Ismail Kamoka, un membre occupant un poste de haut rang au sein du [Libyan Islamic Fighting Group] au Royaume-Uni, qui a été jugé coupable de financement du terrorisme et a été condamné au Royaume-Uni, en juin 2007. »

4        Le considérant 5 du règlement no 1330/2008 indique que, « [é]tant donné que la liste [du comité des sanctions] ne contient pas l’adresse actuelle des personnes physiques concernées, il y a lieu de publier un avis au Journal officiel afin que les personnes concernées puissent prendre contact avec la Commission des Communautés européennes et que celle-ci puisse ensuite informer les personnes physiques concernées des motifs sur lesquels le présent règlement est fondé, leur fournir la possibilité de présenter des observations sur ces motifs et procéder au réexamen du présent règlement en tenant compte des observations présentées et des éventuelles informations supplémentaires disponibles ». L’avis en question a été publié au Journal officiel du 30 décembre 2008 (C 330, p. 106).

5        Par requête dont l’original signé est parvenu au greffe du Tribunal le 15 avril 2009, M. Abdulrahim a introduit, contre le Conseil de l’Union européenne et la Commission des Communautés européennes, un recours ayant en substance pour objet, d’une part, une demande en annulation du règlement no 881/2002, tel que modifié par le règlement no 1330/2008, ou de ce dernier règlement, pour autant que ces actes le concernent, et, d’autre part, une demande en réparation du préjudice prétendument causé par ces actes. Ce recours a été enregistré sous le numéro T‑127/09.

6        Ayant pris connaissance de l’adresse de M. Abdulrahim par la notification de la requête, la Commission a communiqué à celui-ci les motifs de son inscription sur la liste litigieuse par lettre datée du 3 juillet 2009. L’annexe de cette lettre, intitulée « Motifs de l’inscription » (ci-après l’« exposé des motifs »), est libellée comme suit :

« Adbulbasit Abdulrahim [...] a été inscrit [sur la liste du comité des sanctions] le 21 octobre 2008, en application des paragraphes 1 et 2 de la résolution 1822 (2008) [du Conseil de sécurité des Nations unies] comme étant associé au Libyan Islamic Fighting Group (LIFG) pour avoir participé au financement, à l’organisation, à la facilitation, à la préparation ou à l’exécution d’actes ou d’activités par, en association avec, au nom ou pour le compte de cette entité ou pour la soutenir.

Renseignements complémentaires

Le Libyan Islamic Fighting Group (LIFG [...]) est un groupe extrémiste islamiste formé en 1990. Le but initial du [Libyan Islamic Fighting Group] était de remplacer le régime du colonel Kadhafi par un état islamique rigoureux. Dans les années 1990, le [Libyan Islamic Fighting Group] a monté plusieurs opérations à l’intérieur de la Libye, y compris la tentative d’assassiner le colonel Kadhafi en 1996. Suite à l’action du gouvernement libyen, qui a mené à la mort ou à l’arrestation d’un certain nombre de membres du [Libyan Islamic Fighting Group], de nombreux membres du [Libyan Islamic Fighting Group] ont quitté la Libye.

Le 3 novembre 2007, le [Libyan Islamic Fighting Group] a formellement fusionné avec Al-Qaida. La fusion a été annoncée via un site web djihadiste affilié à Al-Qaida (le groupe de médias Al-Saheb). La fusion a été annoncée par deux clips vidéo ; le premier par le commandant en second d’Al-Qaida, Ayman Al-Zawahiri, le second par Abu Laith Al Libi, qui était alors un membre important du [Libyan Islamic Fighting Group], et un important dirigeant moudjahidine et entraîneur pour Al-Qaida en Afghanistan, tué par une frappe de missile US en janvier 2008.

Le [Libyan Islamic Fighting Group] est une partie du mouvement Al-Qaida qui continue à menacer la paix et la sécurité globales. En conséquence, le 6 octobre 2001, les Nations unies ont ajouté le [Libyan Islamic Fighting Group] à leur liste consolidée des entités associées à Al-Qaida. Le [Libyan Islamic Fighting Group] a été proscrit comme organisation terroriste au Royaume-Uni en vertu du Terrorism Act 2000, avec effet au 14 octobre 2005. Par son implication consciente dans une entité qui s’est associée à Al-Qaida et à ses activités terroristes, [M. Abdulrahim] satisfait aux critères de désignation par le [comité des sanctions].

Selon les informations dont dispose le gouvernement du Royaume-Uni, Abdulbasit Abdulrahim est considéré comme un extrémiste islamiste impliqué dans des activités en rapport avec le terrorisme. Il a précédemment occupé des postes de haut rang au sein du Libyan Islamic Fighting Group et reste en contact étroit avec les hauts responsables du [Libyan Islamic Fighting Group] au Royaume-Uni. Il est un proche associé des directeurs de l’agence de secours Sanabel – une organisation caritative libyenne qui a été désignée par les Nations unies comme étant le bailleur de fonds du [Libyan Islamic Fighting Group] [...] Il est également étroitement lié à Ghuma Abd’rabbah, Tahir Nassuf et Abdulbaqi Mohammed Khaled, qui font tous l’objet de désignations en cours des Nations unies [...]

Les proches associés de M. Abdulrahim incluent Ismail Kamoka, un dirigeant du [Libyan Islamic Fighting Group] au Royaume-Uni. Le 11 juin 2007, M. Kamoka a plaidé coupable au Royaume-Uni en réponse à une accusation de ‘conclure un accord ou être impliqué dans un accord en vue de mettre des biens à la disposition d’autrui en violation de la section 17 du Terrorism Act 2000’. Les détails du délit étaient que M. Kamoka, ensemble avec deux individus ‘le ou avant le 3 octobre 2005, avaient conclu un accord ou avaient été impliqués dans un accord à la suite duquel des biens avaient été et devaient être mis à la disposition d’autres personnes, en sachant ou en ayant des motifs raisonnables de suspecter que ces biens seraient ou pourraient être utilisés à des fins de terrorisme’. M. Kamoka a été condamné à une peine de prison de trois ans et neuf mois. 

[…] »

7        L’exposé des motifs ainsi communiqué par la Commission correspond au « résumé des motifs » annexé aux lettres envoyées à M. Abdulrahim par le ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (UK Foreign and Commonwealth Office, ci-après le « FCO ») les 5 novembre 2008 et 23 février 2009. Il correspond également au « résumé des motifs » ayant présidé à l’inscription de M. Abdulrahim sur la liste du comité des sanctions, telle que publiée le 9 mars 2009.

8        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

9        M. Abdulrahim a répondu au courrier de la Commission du 3 juillet 2009 par lettre de ses avocats du 19 août 2009, accompagnée d’une série d’annexes destinées à réfuter les allégations de la Commission.

10      Par ordonnance du Tribunal (septième chambre) du 17 décembre 2009, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

11      Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 26 octobre 2009, M. Abdulrahim a été admis au bénéfice de l’aide judiciaire et M. J. Jones et Mme M. Arani ont été désignés pour le représenter. Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 14 avril 2010, ladite ordonnance du 26 octobre 2009 a été modifiée en ce qu’elle désignait M. Jones et Mme Arani comme avocats pour assister M. Abdulrahim. Aux termes du point 2 du dispositif de cette nouvelle ordonnance, MM. H. Miller et E. Grieves ont été désignés comme avocats chargés de représenter M. Abdulrahim, avec effet au 11 mars 2010.

12      Par décision du 3 mars 2010, le président de la septième chambre du Tribunal a refusé de verser au dossier un « mémoire en défense additionnel » du Conseil, parvenu au greffe du Tribunal le 5 février 2010. Le Conseil a objecté à cette décision par lettre du 16 mars 2010.

13      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle l’affaire a, par conséquent, été attribuée.

14      Le 22 décembre 2010, le comité des sanctions a décidé de radier le nom de M. Abdulrahim de sa liste.

15      Le 6 janvier 2011, les avocats de M. Abdulrahim ont écrit à la Commission pour demander la radiation de son nom de la liste litigieuse.

16      Par le règlement (UE) no 36/2011 de la Commission, du 18 janvier 2011, modifiant pour la cent quarante-troisième fois le règlement no 881/2002 (JO L 14, p. 11), la mention du nom de M. Abdulrahim a été supprimée de la liste litigieuse.

17      Par acte parvenu au greffe du Tribunal le 9 mars 2011, M. Abdulrahim a introduit une demande d’aide judiciaire complémentaire au titre de l’article 94 du règlement de procédure, en vue de poursuivre le recours. Il a été fait partiellement droit à cette demande par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 10 juin 2011.

18      Par lettre parvenue au greffe du Tribunal le 27 juillet 2011, la Commission a communiqué au Tribunal une copie du règlement no 36/2011.

19      Par lettre du greffe du Tribunal du 17 novembre 2011, les parties ont été invitées à se prononcer par écrit sur les conséquences à tirer, en particulier au regard de l’objet du recours, de l’adoption du règlement no 36/2011. Elles ont déféré à cette demande dans les délais impartis.

20      Par ordonnance du 28 février 2012 (ci-après l’« ordonnance de non-lieu »), le Tribunal (deuxième chambre) a décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en annulation, sans qu’il soit dès lors besoin de se prononcer préalablement sur sa recevabilité. Quant à la demande en indemnité, le Tribunal l’a rejetée comme étant, en tout état de cause, manifestement non fondée. Le Tribunal a également, d’une part, réparti la charge des dépens relatifs à la demande en annulation et, d’autre part, condamné M. Abdulrahim à l’intégralité des dépens relatifs à la demande en indemnité.

21      Par requête introduite au greffe de la Cour le 13 mai 2012, M. Abdulrahim a formé un pourvoi contre l’ordonnance de non-lieu.

22      Par arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, ci-après l’« arrêt de renvoi »), la Cour a annulé l’ordonnance de non-lieu, en tant qu’elle avait décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en annulation, et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue de nouveau sur le recours en annulation de M. Abdulrahim, tout en réservant les dépens. La Cour a, en substance, considéré que le Tribunal avait commis une erreur de droit en concluant que M. Abdulrahim avait perdu son intérêt à agir en annulation, à la suite de l’adoption du règlement no 36/2011.

 Procédure et conclusions des parties après renvoi

23      L’affaire a été attribuée à la deuxième chambre du Tribunal. La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à compter de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle l’affaire a, dès lors, été réattribuée.

24      Conformément à l’article 119, paragraphe 1, du règlement de procédure, les parties ont déposé des mémoires en observations écrites.

25      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 13 août 2013, M. Abdulrahim conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement no 1330/2008, pour autant qu’il le concerne ;

–        lui accorder le remboursement des dépens relatifs à la procédure devant le Tribunal, tant avant qu’après renvoi par la Cour, et, en tout état de cause, à la procédure devant la Cour.

26      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 30 septembre 2013, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours en annulation comme irrecevable et de condamner M. Abdulrahim aux dépens de l’instance.

27      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 27 septembre 2013, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours en annulation irrecevable et de condamner M. Abdulrahim aux dépens.

28      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a invité les parties défenderesses à produire, le cas échéant, toutes informations et tous éléments de preuve, confidentiels ou non, dont ces institutions pourraient disposer concernant les faits allégués dans l’exposé des motifs du comité des sanctions et qu’elles estiment pertinents aux fins du contrôle juridictionnel à exercer par le Tribunal dans les conditions et limites fixées par la Cour dans l’arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, ci-après l’« arrêt Kadi II »). Celles-ci ont déféré à cette invitation dans les délais impartis.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 4 février 2014, à l’issue de laquelle la procédure orale a été close et l’affaire prise en délibéré.

 En fait

30      M. Abdulrahim expose qu’il est un citoyen du Royaume-Uni né en Libye et qu’il a été inscrit, d’abord sur la liste du comité des sanctions, puis sur la liste litigieuse, en qualité de personne soupçonnée de soutenir le terrorisme, à la demande du Royaume-Uni. Cette inscription aurait été initialement motivée, dans une lettre du FCO datée du 5 novembre 2008, par la circonstance qu’il était membre du Libyan Islamic Fighting Group (ci-après le « LIFG »), que cette entité était liée à Al‑Qaida et qu’il remplissait dès lors les critères de désignation par le comité des sanctions. Depuis le 4 novembre 2009, toutefois, le FCO aurait activement œuvré pour obtenir la radiation de son nom de la liste du comité des sanctions.

31      M. Abdulrahim fait, par ailleurs, valoir qu’il n’a jamais fait l’objet d’aucune poursuite au Royaume-Uni ou ailleurs, en rapport avec sa prétendue implication dans le réseau Al-Qaida ou dans le terrorisme. Il n’aurait dès lors jamais été mis en mesure de prouver son innocence.

 En droit

 Sur la portée du présent recours après renvoi par la Cour

32      Comme le relève à juste titre le Conseil, la décision du Tribunal sur la demande en indemnité et sur les dépens exposés au titre de cette demande, contenue dans l’ordonnance de non-lieu, n’a pas été frappée de pourvoi et elle a, par conséquent, acquis force de chose jugée. Partant, il ne reste plus à statuer que sur la demande en annulation.

 Sur la recevabilité du recours

33      En l’espèce, il est constant que le délai de recours de deux mois prévu par l’article 230, cinquième alinéa, CE, tel qu’il a été calculé par les parties à compter de la fin du quatorzième jour suivant la publication du règlement no 1330/2008 au Journal officiel, conformément à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, et augmenté du délai forfaitaire de distance de dix jours prévu par l’article 102, paragraphe 2, dudit règlement, expirait le 16 mars 2009.

34      Il est constant également qu’une copie de la requête signée et de ses annexes est parvenue par télécopieur au greffe du Tribunal le 16 mars 2009, que les copies certifiées conformes de cette requête sont parvenues au greffe le 26 mars 2009, de même qu’un exemplaire de celle-ci portant une nouvelle signature, différente de la signature apposée sur la copie reçue par télécopieur, et que l’original signé de la requête n’est parvenu au greffe du Tribunal que le 15 avril 2009, soit après l’expiration du délai de dix jours après l’envoi par télécopieur, prescrit par l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure.

35      Il s’ensuit que le recours a été introduit hors délai au regard desdites dispositions.

36      Le recours apparaît également introduit hors délai si, au lieu de calculer celui-ci à compter de la publication du règlement no 1330/2008 au Journal officiel, le 23 décembre 2008, comme l’ont fait les parties dans leurs écritures, il est calculé à compter de la date de la communication publiée à l’attention des intéressés au Journal officiel, le 30 décembre 2008 (voir point 4 ci-dessus), ainsi que l’a prescrit la Cour dans l’arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil (C‑478/11 P à C‑482/11 P, points 53 à 59).

37      Il ressort, toutefois, des éléments du dossier et des explications de M. Abdulrahim contenues, notamment, dans une lettre adressée au greffe du Tribunal le 8 mai 2009, étayées par des pièces justificatives qui y sont annexées, que les avocats de celui-ci se sont adressés à un service de courrier postal dépendant de l’opérateur postal historique au Royaume-Uni (ci-après le « service de courrier postal ») le 16 mars 2009 vers 17 heures, en vue d’acheminer l’original signé de la requête et ses copies certifiées conformes au greffe du Tribunal à Luxembourg. L’adresse postale du greffe apparaît correctement mentionnée sur l’enveloppe du service de courrier postal utilisée à cette occasion, et le prix du service, soit 37,29 livres sterling (GBP), a été dûment acquitté.

38      Prévenus, le 25 mars 2009, par un appel téléphonique du greffe du Tribunal, que celui-ci n’avait pas encore reçu les documents ainsi confiés au service de courrier postal, les avocats de M. Abdulrahim ont alors envoyé au greffe de nouvelles copies certifiées conformes de la requête, le même jour, par l’intermédiaire du service de courrier international DHL. Par la même occasion, ils ont envoyé au greffe du Tribunal un exemplaire de la requête portant une nouvelle signature originale, différente toutefois de la signature apposée sur l’original. Ces documents sont parvenus au greffe du Tribunal le 26 mars 2009.

39      Il est ultérieurement apparu que, pour une raison demeurée inexpliquée, le service de courrier postal n’avait pas effectué l’acheminement des documents concernés, lesquels ont été retournés aux avocats de M. Abdulrahim, sans autre explication, le 14 avril 2009. Le même jour, ceux-ci se sont alors adressés à nouveau à DHL, qui a acheminé l’original signé de la requête, au greffe du Tribunal, dès le lendemain.

40      Le président de la septième chambre du Tribunal a estimé, dans son ordonnance d’aide judiciaire du 26 octobre 2009, précitée, qu’il ne saurait être exclu que ces éléments et explications établissent l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure, au sens de l’article 45 du statut de la Cour de justice, ou d’une erreur excusable ayant empêché M. Abdulrahim de déposer l’original signé de la requête au greffe du Tribunal dans le délai de dix jours après l’envoi de la copie de cet original par télécopieur, prescrit par l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure.

41      Le Conseil et la Commission maintiennent, néanmoins, que les circonstances invoquées par M. Abdulrahim ne sauraient être considérées comme des circonstances exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, au sens de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour et d’une jurisprudence constante.

42      Premièrement, M. Abdulrahim aurait choisi d’utiliser le service le moins fiable du service de courrier postal, en ce qui concerne les délais de livraison et les possibilités de suivi de l’envoi. Le récépissé joint à la lettre de ses avocats du 8 mai 2009 indiquerait en effet que le service choisi était un service sans suivi. Selon le site Internet du service de courrier postal, en outre, ce service connaîtrait des délais de livraison d’au moins quatre jours, alors que les deux autres services proposés par cette société proposeraient un suivi et bénéficieraient de délais de livraison de un à trois jours.

43      Deuxièmement, M. Abdulrahim n’aurait pas vérifié auprès du greffe du Tribunal si l’original de la requête avait bien été déposé avant l’échéance. Il n’aurait réagi qu’après avoir reçu un appel téléphonique du greffe. Or, à ce moment, soit la veille de l’expiration du délai, il aurait déjà été trop tard pour récupérer l’original de la requête auprès du service de courrier postal et le renvoyer au Tribunal dans les délais.

44      Dans ces circonstances, M. Abdulrahim ne saurait, selon la Commission, se fonder sur le dysfonctionnement ou la défaillance du service postal pour être relevé de la forclusion de son recours.

45      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 45 du statut de la Cour s’applique en cas de difficultés anormales, indépendantes de la volonté de la personne et apparaissant inévitables même si toutes les diligences utiles sont mises en œuvre (arrêts de la Cour du 9 février 1984, Acciaierie e Ferriere Busseni/Commission, 284/82, Rec. p. 557, point 11 ; du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, Rec. p. 3749, point 10, et ordonnance de la Cour du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, Rec. p. I‑9757, points 16 et 17). La Cour a récemment rappelé qu’il appartient à l’intéressé d’établir, d’une part, que des circonstances anormales, imprévisibles et qui lui sont étrangères ont eu pour conséquence l’impossibilité pour lui de respecter le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE et, d’autre part, qu’il ne pouvait se prémunir contre les conséquences desdites circonstances en prenant les mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs (arrêt Gbagbo e.a./Conseil, précité, point 72). En particulier, l’opérateur doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure entamée et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (voir arrêt de la Cour du 22 septembre 2011, Bell & Ross/OHMI, C‑426/10 P, Rec. p. I‑8849, point 48, et la jurisprudence citée).

46      En l’espèce, il ressort des faits et des circonstances relatés aux points 37 à 39 ci-dessus ainsi que des éléments du dossier que les avocats de M. Abdulrahim ont fait preuve de toute la diligence requise et qu’ils se sont, notamment, ponctuellement conformés au point 7 des instructions pratiques aux parties, aux termes duquel l’original signé de la requête doit être expédié « sans retard, immédiatement après l’envoi de la copie [par télécopieur] ». En effet, l’original signé de la requête a été confié au service de courrier postal le 16 mars 2009, soit le jour même de l’envoi de la copie par télécopieur.

47      Le Tribunal estime, par ailleurs, que lesdits avocats pouvaient raisonnablement s’attendre à ce que ledit original signé parvienne au greffe dans un délai inférieur à celui de dix jours dont ils disposaient pour ce faire, à compter du 16 mars 2009. En effet, ils s’étaient adressés pour ce faire à un service réputé fiable, dépendant de l’opérateur postal historique au Royaume-Uni. Le service de courrier postal indique d’ailleurs, sur son site Internet, qu’il assure normalement la remise d’un courrier à destination du Luxembourg, dans le cadre de son service standard, qui est celui auquel ont eu recours les avocats de M. Abdulrahim, dans un délai de quatre à six jours, soit un délai largement inférieur aux dix jours dont ceux-ci disposaient, et leur laissant une confortable marge de sécurité.

48      Certes, comme le relèvent la Commission et le Conseil, le service de courrier postal propose deux autres services de courrier international, sensiblement plus onéreux, qui assurent normalement la remise d’un tel courrier dans un délai variant de deux à trois jours et qui permettent, de surcroît, le suivi de l’envoi (tracking).

49      Il ne saurait, toutefois, être exigé d’un requérant, a fortiori lorsque celui-ci bénéficie, comme en l’espèce, de l’aide judiciaire, qu’il choisisse le plus onéreux des services de courrier international proposés par un opérateur postal, lorsqu’un service moins onéreux proposé par le même opérateur paraît apte, en principe, à assurer l’acheminement de l’original signé de la requête au greffe du Tribunal dans le délai prescrit.

50      Quant à la circonstance que les avocats de M. Abdulrahim ne se sont pas assurés, en prenant contact avec le greffe du Tribunal, de la bonne réception par celui-ci de l’original signé de la requête, elle n’est pas déterminante au regard de la jurisprudence, qui n’exige pas spécifiquement l’accomplissement d’une telle démarche, d’autant plus que les délais sont, en principe, faits pour être épuisés (arrêt de la Cour du 19 avril 1988, Inter-Kom, 71/87, Rec. p. 1979, point 20, et arrêt du Tribunal du 20 juin 2006, Grèce/Commission, T‑251/04, non publié au Recueil, point 53).

51      En tout état de cause, il n’y avait plus rien que les avocats de M. Abdulrahim eussent pu faire pour remédier à la défaillance du service de courrier postal, une fois l’original signé de la requête confié à ce service, puisque, du fait même de cette défaillance, l’original en question avait été « égaré » et ne pouvait donc plus être récupéré par eux, quels que soient leurs diligence et efforts, en vue de sa remise par un autre moyen au greffe du Tribunal.

52      Plus spécifiquement, à la date du 25 mars 2009 tout comme dans les jours qui l’ont immédiatement précédée, s’ils ne voulaient pas se borner à attendre tout en espérant que le service de courrier postal retrouve et achemine en temps utile l’original égaré, les avocats de M. Abdulrahim ne disposaient en réalité que d’un seul « expédient » pour tenter de remédier à la défaillance du service de courrier postal, à savoir envoyer directement au greffe du Tribunal un exemplaire de la requête revêtu d’une nouvelle signature originale, destiné à remplacer l’ancien original égaré. C’est précisément cette démarche qu’ils ont adoptée, ainsi qu’ils l’ont exposé lors de l’audience.

53      Le Tribunal considère que, dans ces circonstances, les avocats de M. Abdulrahim ont fait toute diligence pour tenter de remédier à la perte fortuite de l’original signé de la requête et de respecter ainsi les délais prévus.

54      Les circonstances constitutives, selon la jurisprudence, du cas fortuit sont ainsi réunies en l’espèce, le dépassement du délai de recours étant entièrement et exclusivement imputable à un dysfonctionnement ou à une défaillance, restée inexpliquée, du service postal, laquelle n’était pas normalement prévisible, et à laquelle il a été tenté de remédier avec toute la diligence voulue.

55      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et soutenue par le Conseil doit être rejetée.

 Sur la recevabilité des observations écrites déposées par M. Abdulrahim après renvoi

56      Le Conseil fait observer que les observations de M. Abdulrahim sur la suite de la procédure ont été envoyées au Tribunal par courrier électronique le 26 juillet 2013, alors que, selon lui, l’original signé de ces observations a été déposé après l’expiration du délai de dix jours fixé à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure. La date réputée être celle du dépôt de ces observations serait, par conséquent, celle du 13 août 2013. Le Conseil estime, dès lors, que ces observations sont irrecevables, car déposées après l’expiration du délai de deux mois prévu par l’article 119, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure.

57      À cet égard, le Conseil part de la prémisse que ledit délai de deux mois à compter de la signification faite à l’intéressé de l’arrêt de renvoi, majoré du délai forfaitaire de distance de dix jours, était déjà venu à expiration à la date du 13 août 2013.

58      Or, il ressort des données figurant au dossier de la procédure que ce délai expirait en réalité ce même jour, le 13 août 2013. En effet, la signification à M. Abdulrahim de l’arrêt de renvoi a été opérée par la remise à celui-ci dudit arrêt, par envoi recommandé à la poste dont il a accusé réception le 3 juin 2013. Ainsi, le délai de l’article 119, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure, majoré du délai forfaitaire de distance de dix jours, est venu à expiration le 13 août 2013.

59      Par conséquent, les observations écrites de M. Abdulrahim ont bien été déposées au greffe du Tribunal le dernier jour compris dans ledit délai, et il n’y a pas lieu de les rejeter comme irrecevables.

 Sur le fond du recours en annulation

60      Formellement, M. Abdulrahim invoque quatre moyens au soutien de son recours en annulation. Le premier est tiré d’une violation de son droit d’être entendu. Le deuxième est tiré d’une violation de son droit à un contrôle juridictionnel effectif et/ou de son droit à un procès équitable, tels qu’ils sont protégés par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et proclamés par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le troisième est tiré d’une violation de son droit à la jouissance paisible de ses biens et de sa propriété. Le quatrième est tiré d’une violation de son droit au respect de la vie privée et familiale.

61      Substantiellement, la Cour a également relevé, au point 75 de l’arrêt de renvoi, que M. Abdulrahim n’avait pas uniquement invoqué des moyens tirés de la violation des droits de la défense, mais qu’il « contestait également avoir été lié à Al-Qaida » et qu’il « soutenait que son inscription sur la liste litigieuse était intervenue au simple motif qu’il faisait partie d’une communauté de réfugiés libyens dont certains, selon les autorités du Royaume-Uni, auraient été impliqués dans des activités terroristes ».

62      Or, s’agissant de la procédure juridictionnelle, la  Cour a jugé, dans son arrêt Kadi II (point 119), que, en cas de contestation par la personne concernée de la légalité de la décision d’inscrire ou de maintenir son nom sur la liste litigieuse, le juge de l’Union doit notamment, au titre du contrôle juridictionnel de la légalité des motifs sur lesquels une telle décision est fondée, s’assurer que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés.

63      À cette fin, il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (arrêt Kadi II, point 120 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, point 59). C’est précisément en vue de se conformer, en l’espèce, à ces modalités dont la Cour a assorti le contrôle juridictionnel incombant au juge de l’Union que le Tribunal a adopté la mesure d’organisation de la procédure décrite au point 28 ci-dessus.

64      C’est, en effet, à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt Kadi II, point 121).

65      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’exposé fourni par le comité des sanctions. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêt Kadi II, point 122).

66      Si l’autorité compétente de l’Union est dans l’impossibilité d’accéder à la demande du juge de l’Union, il appartient alors à ce dernier de se fonder sur les seuls éléments qui lui ont été communiqués, à savoir, en l’occurrence, les indications contenues dans l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions, les observations et les éléments à décharge produits par la personne concernée ainsi que la réponse de l’autorité compétente de l’Union à ces observations. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt Kadi II, point 123).

67      Si, par contre, l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne concernée à leur sujet (arrêt Kadi II, point 124), le cas échéant en mettant en œuvre des techniques permettant de concilier, d’une part, les considérations légitimes de sécurité quant à la nature et aux sources de renseignements ayant été pris en considération pour l’adoption de l’acte concerné et, d’autre part, la nécessité de garantir à suffisance au justiciable le respect de ses droits procéduraux, selon la marche à suivre indiquée par la Cour aux points 125 à 129 de son arrêt Kadi II.

68      Eu égard à la nature préventive des mesures restrictives en cause, si, dans le cadre de son contrôle de la légalité de l’acte attaqué, tel que défini aux points 117 à 129 de l’arrêt Kadi II, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés dans l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cet acte, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation dudit acte. Dans l’hypothèse inverse, il procédera à l’annulation de l’acte attaqué (arrêt Kadi II, point 130).

69      Il résulte des éléments d’analyse qui précèdent que le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige, d’une part, de l’autorité compétente de l’Union qu’elle communique à la personne concernée l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions sur lequel est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom de ladite personne sur la liste litigieuse, qu’elle lui permette de faire connaître utilement ses observations à ce sujet et qu’elle examine, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués à la lumière des observations formulées et des éventuels éléments de preuve à décharge produits par cette personne (arrêt Kadi II, point 135).

70      Le respect desdits droits implique, d’autre part, que, en cas de contestation juridictionnelle, le juge de l’Union contrôle, notamment, le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués dans l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions ainsi que, le cas échéant, le caractère établi de la matérialité des faits correspondant au motif concerné à la lumière des éléments qui ont été communiqués (arrêt Kadi II, point 136).

71      En revanche, le fait, pour l’autorité compétente de l’Union, de ne pas rendre accessibles à la personne concernée et, ultérieurement, au juge de l’Union des informations ou des éléments de preuve, en la seule possession du comité des sanctions ou du membre de l’Organisation des Nations unies (ONU) concerné, afférents à l’exposé des motifs qui sous-tend la décision en cause, ne saurait, en tant que tel, fonder un constat de violation de ces mêmes droits. Toutefois, dans une telle situation, le juge de l’Union, qui est appelé à contrôler le bien-fondé factuel des motifs contenus dans l’exposé fourni par le comité des sanctions en tenant compte des observations et des éléments à décharge éventuellement produits par la personne concernée ainsi que de la réponse de l’autorité compétente de l’Union à ces observations, ne disposera pas d’informations supplémentaires ou d’éléments de preuve. Par conséquent, s’il lui est impossible de constater le bien-fondé de ces motifs, ces derniers ne sauraient servir de fondement à la décision d’inscription attaquée (arrêt Kadi II, point 137)

72      En l’espèce, par les motifs contenus dans l’exposé des motifs, tels que communiqués par le comité des sanctions (voir point 6 ci-dessus), il est essentiellement reproché à M. Abdulrahim son « implication consciente dans une entité qui s’est associée à Al-Qaida et à ses activités terroristes », à savoir le LIFG. Plus spécifiquement, il est reproché à M. Abdulrahim, premièrement, d’avoir occupé des postes de haut rang au sein du LIFG, deuxièmement, d’être resté en contact étroit avec les hauts responsables du LIFG au Royaume-Uni, troisièmement, d’être un proche associé des directeurs de l’agence de secours Sanabel, quatrièmement, d’être étroitement lié à MM. Ghuma Abd’rabbah, Tahir Nassuf et Abdulbaqi Mohammed Khaled et, cinquièmement, d’avoir pour proche associé M. Ismail Kamoka. 

73      S’agissant, en premier lieu, du motif d’ordre général ainsi invoqué à l’encontre de M. Abdulrahim, il repose sur la double prémisse commune, explicitement énoncée dans l’exposé des motifs, selon laquelle, d’une part, M. Abdulrahim aurait été « impliqué » dans le LIFG et, d’autre part, celui-ci se serait dans un premier temps associé à Al-Qaida, puis aurait dans un second temps fusionné avec cette organisation, de sorte que tous ses membres et associés satisferaient aux critères de désignation par le comité des sanctions, en tant que personnes liées à Al-Qaida. Le prétendu lien que M. Abdulrahim aurait entretenu avec Al-Qaida est ainsi exclusivement fondé sur ses liens avec le LIFG, d’une part, et sur le ralliement du LIFG à Al-Qaida, avec laquelle il aurait officiellement fusionné en novembre 2007, d’autre part.

74      Or, cette double prémisse n’apparaît pas fermement établie et fondée au regard non seulement des réfutations circonstanciées de M. Abdulrahim, mais aussi des constatations de fait souverainement opérées par les juridictions anglaises compétentes, dans des décisions produites par M. Abdulrahim et versées au dossier.

75      Pour ce qui concerne la substance de ces réfutations, il convient d’avoir plus particulièrement égard à la déclaration écrite (« witness statement ») de M. Abdulrahim datée du 13 mars 2009 (annexe 11 de la requête), à la lettre de ses avocats à la Commission du 19 août 2009, en réponse à l’exposé des motifs (annexe 4 de la réplique au Conseil), et à la lettre de ses avocats à la Commission du 16 avril 2010, rédigée dans le cadre de la procédure de réexamen du cas de M. Abdulrahim (annexe 1 des observations de M. Abdulrahim après renvoi).

76      À cet égard, M. Abdulrahim soutient, en substance, qu’il n’a jamais été associé à Al-Qaida, à Oussama Ben Laden ou au réseau Taliban et qu’il n’a en aucune façon été associé à des activités terroristes. Quant à sa prétendue implication dans Al-Qaida, il expose plus particulièrement qu’il a fui la Libye, car il s’opposait au régime du colonel Kadhafi et que sa vie était menacée, raison pour laquelle il s’est vu octroyer le droit d’asile au Royaume-Uni. Il dit avoir rejoint le LIFG en 1996, car celui-ci s’opposait au colonel Kadhafi et promouvait l’islam, mais il ajoute qu’il a cessé d’y être impliqué de quelque manière que ce soit à partir de la fin de 2000 ou du début de 2001. Quant à la prétendue association du LIFG avec Al-Qaida, il fait valoir que seule une partie du « groupe afghan du LIFG » a rejoint Al-Qaida, en 2007, ce qui aurait été confirmé par Ayman Al-Zawahiri lui-même lors d’une interview, le 17 avril 2008. Il se déclare disposé à faire appeler des témoins qui confirmeraient ses dires, de même qu’à produire un avis d’expert sur l’organisation et les activités du LIFG et sur la situation en Libye, si le Tribunal l’estime nécessaire.

77      À défaut de tout autre élément d’information ou de preuve avancé par les institutions défenderesses pour étayer l’allégation relative à l’adhésion de M. Abdulrahim au LIFG, celle-ci n’apparaît ainsi établie à suffisance de droit que pour la période courant de 1996 à la fin de 2000 ou au début de 2001, soit une période non spécifiquement visée par l’allégation d’association du LIFG avec Al‑Qaida, et moins encore par celle d’une fusion entre ces deux entités, en novembre 2007. Il convient d’observer, à cet égard, que selon ses dires M. Abdulrahim avait cessé d’être membre du LIFG depuis près d’un an lorsque celui-ci fut ajouté à la liste du comité des sanctions, le 6 octobre 2001. Il convient également de relever la distance temporelle qui sépare la période avérée d’adhésion de M. Abdulrahim au LIFG, de 1996 à la fin de 2000 ou au début de 2001, de la date de son inscription sur la liste litigieuse, le 22 décembre 2008 (voir, en ce sens, arrêt Kadi II, point 156).

78      Dans la mesure où elles contiennent certaines appréciations pertinentes sur le LIFG et ses membres, il convient de tenir compte également de certaines décisions des juridictions anglaises compétentes, produites au dossier par M. Abdulrahim, à savoir : l’arrêt du 27 avril 2007, DD and AS v. Secretary of State for the Home Department SC/50/2005 and SC/42/2005, de la Special Immigration Appeal Commission (SIAC), l’arrêt du 14 novembre 2008, AU and Others v. Secretary of State of the Home Department [2008] EWHC 2789 (Admin), de la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division, Administrative Court, et l’arrêt du 30 avril 2009, AV v. Secretary of State for the Home Department [2009] EWHC 902 (Admin), de la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division, Administrative Court (respectivement annexes 3, 4 et 5 de la réplique à la Commission).

79      D’une part, ces décisions confirment, en substance, que, au moins jusqu’en mars 2004, le LIFG n’était pas considéré par les services de sécurité du Royaume-Uni comme représentant une menace pour la sécurité nationale, son principal objectif étant alors le renversement du gouvernement libyen. L’arrêt de la SIAC indique ainsi, notamment, que le LIFG n’a été proscrit comme organisation terroriste aux États-Unis qu’en 2004, et au Royaume-Uni le 14 octobre 2005.

80      D’autre part, il ressort en substance de ces décisions que, selon les juridictions anglaises compétentes, même après 2001 et jusqu’en 2007 et au-delà, ce n’est pas l’ensemble des membres du LIFG qui se sont associés ou ont adhéré à Al-Qaida, mais seulement une partie de ceux-ci. Ces juridictions ont ainsi refusé de déclarer que le fait qu’une personne était liée au LIFG démontrait automatiquement que cette personne avait un lien avec Al-Qaida. L’approche adoptée par ces juridictions a plutôt consisté à dire que certains membres du LIFG pouvaient s’être alignés sur Al-Qaida ou être liés à elle, tandis que d’autres étaient restés exclusivement centrés sur la Libye. Il convient donc, selon elles, d’examiner au cas par cas les liens avec Al-Qaida, sur le fondement des actions particulières de chacun des intéressés.

81      Il convient de relever que deux de ces trois décisions sont antérieures à l’inscription du nom de M. Abdulrahim sur la liste litigieuse.

82      Dans ces conditions, le seul fait avéré de l’adhésion de M. Abdulrahim au LIFG, pendant la période au cours de laquelle il reconnaît en avoir été membre, n’était pas de nature à fonder l’adoption, au niveau de l’Union, de mesures restrictives à son égard, en tant que personne liée à Al-Qaida.

83      S’agissant, en second lieu, des motifs plus spécifiques invoqués à l’encontre de M. Abdulrahim dans l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions et repris dans le résumé des motifs, soit ils sont insuffisamment précis et concrets pour répondre aux exigences inhérentes à l’obligation de motivation et au contrôle juridictionnel effectif, soit, et en tout état de cause, ils ne sont étayés par aucun élément d’information ou de preuve permettant d’en établir le bien-fondé factuel, alors même qu’ils sont contestés point par point, de façon vigoureuse et circonstanciée, par M. Abdulrahim.

84      Ainsi, s’agissant du premier motif spécifique invoqué dans l’exposé des motifs et résumé au point 72 ci-dessus, aucun élément d’information ou de preuve n’a été mis en avant pour étayer l’allégation sur laquelle il se fonde, alors même que M. Abdulrahim a nié avoir « occupé des postes de haut rang au sein du LIFG ».

85      S’agissant du deuxième motif spécifique invoqué dans l’exposé des motifs et résumé au point 72 ci-dessus, l’allégation selon laquelle M. Abdulrahim serait « resté en contact étroit avec les hauts responsables du LIFG au Royaume-Uni » est insuffisamment précise et concrète, étant donné qu’elle ne comporte aucune indication sur l’identité des personnes concernées ni sur la nature de ces « contacts étroits ». En tout état de cause, elle n’apparaît pas étayée à suffisance de droit au regard des explications circonstanciées de M. Abdulrahim telles que résumées au point 76 ci-dessus.

86      S’agissant du troisième motif spécifique invoqué dans l’exposé des motifs et résumé au point 72 ci-dessus, aucun élément d’information ou de preuve n’a été mis en avant pour étayer l’allégation sur laquelle il se fonde, alors même que M. Abdulrahim a nié être un « proche associé des directeurs de l’agence de secours Sanabel ».

87      S’agissant du quatrième motif spécifique invoqué dans l’exposé des motifs et résumé au point 72 ci-dessus, selon lequel M. Abdulrahim aurait été « étroitement lié à MM. Ghuma Abd’rabbah, Tahir Nassuf et Abdulbaqi Mohammed Khaled », M. Abdulrahim a notamment exposé, dans sa déclaration écrite du 13 mars 2009 et dans la lettre de ses avocats à la Commission du 19 août 2009, qu’il connaissait le premier d’un simple point de vue « social », étant originaire de la même région de Libye que lui, qu’il était allé une seule fois au domicile du deuxième et l’avait vu pour la dernière fois en 2003 ou en 2004, et que le troisième, qui était son beau-père, avait également été inscrit à tort sur la liste litigieuse, du fait de son association avec le LIFG. Dans ses écritures, M. Abdulrahim a encore indiqué qu’il connaissait de nombreux membres de la communauté libyenne expatriée au Royaume-Uni, celle-ci étant une petite communauté et la plupart des réfugiés se connaissant et s’entraidant, mais qu’il était impossible de savoir si un membre de cette communauté était impliqué dans le terrorisme ou non. À défaut de toute autre explication circonstanciée concernant ces trois personnes, la nature de leurs liens avec M. Abdulrahim et leur implication personnelle dans une quelconque activité terroriste, ledit quatrième motif spécifique n’apparaît pas étayé à suffisance de droit.

88      S’agissant du cinquième motif spécifique invoqué dans l’exposé des motifs et résumé au point 72 ci-dessus, selon lequel M. Abdulrahim aurait eu « pour proche associé M. Ismail Kamoka », lequel aurait plaidé coupable au Royaume-Uni, en juin 2007, en réponse à une accusation visant sa participation à une entreprise terroriste, M. Abdulrahim a notamment exposé, dans sa déclaration écrite du 13 mars 2009 et dans la lettre de ses avocats à la Commission du 19 août 2009, qu’il avait rencontré M. Kamoka en Arabie Saoudite durant ses études universitaires, que celui-ci était venu se réfugier au Royaume-Uni environ deux ans avant lui-même, qu’ils s’étaient alors revus, pour la dernière fois deux ans ou deux ans et demi auparavant, mais qu’il ignorait tout d’éventuelles condamnations pénales dont il aurait fait l’objet. Au vu de ces explications circonstanciées, il ne saurait être considéré comme établi à suffisance de droit que M. Abdulrahim était un « proche associé » de M. Kamoka. Par suite, une éventuelle condamnation pénale de ce dernier en rapport avec une activité terroriste, à la supposer même établie, ne saurait être retenue à l’encontre de M. Abdulrahim, à défaut de tout autre élément d’explication quant à l’implication personnelle de ce dernier dans une telle activité. Par conséquent, le cinquième motif spécifique n’apparaît pas étayé à suffisance de droit.

89      En l’espèce, aucun élément d’information tiré de l’exposé des motifs ne permet donc d’établir à suffisance de droit que M. Abdulrahim était matériellement lié à Al-Qaida à la date de son inscription sur la liste litigieuse.

90      Les documents annexés à la réponse de la Commission à la mesure d’organisation de la procédure, déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 2014, ne permettent pas davantage de constater le bien-fondé des motifs retenus contre M. Abdulrahim. Au demeurant, ces documents apparaissent comme étant a priori dénués de pertinence dans la mesure où ils sont, pour la plupart, postérieurs tant à l’inscription du nom de M. Abdulrahim sur la liste du comité des sanctions qu’à l’adoption du règlement no 1330/2008 et où ils n’ont dès lors pas pu être pris en considération par le comité des sanctions ni par la Commission, aux fins d’apprécier l’opportunité du gel des fonds de M. Abdulrahim.

91      Plus particulièrement, le témoignage écrit (« witness statement ») du chef du département anti-terroriste du FCO du 18 mai 2011 devant la High Court, dans l’affaire The Queen on the application of Abdulbasit Abdulrahim v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs (annexe 1 à la réponse de la Commission), révèle, pour l’essentiel, que la décision initiale du FCO de proposer l’inscription de M. Abdulrahim sur la liste du comité des sanctions, en juillet 2008, était essentiellement fondée sur le fait que « les fonctionnaires en charge du dossier croyaient qu’il existait un dossier convaincant selon lequel [M. Abdulrahim] était membre du [LIFG] » et, dès lors, « associé à Al-Qaida » (point 21). Aucun élément d’information ou de preuve ne vient toutefois étayer cette croyance, alors que l’exposé des motifs communiqué par le Royaume-Uni au comité des sanctions, à la suite de cette décision, pour justifier cette inscription, correspond en tous points au résumé des motifs du comité des sanctions.

92      L’annexe 2 à la réponse de la Commission consiste en une transcription du discours d’Ayman Al Zawahiri et d’Abu Laith Al Libi du 3 novembre 2007, annonçant la fusion formelle entre le LIFG et Al-Qaida. Ce document apparaît toutefois dénué de pertinence en l’espèce, au regard des considérations déjà exposées lors de l’examen du motif d’ordre général invoqué à l’encontre de M. Abdulrahim (voir points 73 à 82 ci-dessus).

93      L’annexe 3 à la réponse de la Commission consiste en une lettre du 8 décembre 2010, adressée par le représentant permanent du Royaume-Uni au président du comité des sanctions, exposant, notamment, les raisons pour lesquelles cet État membre soutenait la demande de radiation de M. Abdulrahim de la liste du comité des sanctions, mais ne précisant pas les raisons pour lesquelles son inscription sur ladite liste avait été considérée comme justifiée en juillet 2008.

94      L’annexe 4 à la réponse de la Commission est une lettre du FCO du 18 janvier 2014 à la Commission, accompagnant les documents joints en annexes 1, 2 et 3.

95      Les annexes 5 et 6 à la réponse de la Commission sont des articles de presse faisant état de la fusion entre le LIFG et Al-Qaida, en 2007. Ils sont dénués de pertinence en l’espèce, au regard des considérations déjà exposées lors de l’examen du motif d’ordre général invoqué à l’encontre de M. Abdulrahim (voir points 73 à 82 ci-dessus).

96      Enfin, les annexes 7, 8 et 9 à la réponse de la Commission sont des articles ou des études qui consistent, pour l’essentiel, en des généralités relatives soit au LIFG, soit à Al-Qaida, soit au terrorisme islamique au Royaume-Uni, et ne concernent en rien le cas particulier de M. Abdulrahim.

97      Il ressort de l’analyse qui précède et des seuls éléments de dossier dont le Tribunal dispose qu’aucune des allégations formulées à l’encontre de M. Abdulrahim dans l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions n’était de nature à justifier l’adoption, au niveau de l’Union, de mesures restrictives à l’encontre de celui-ci, et ce en raison soit d’une insuffisance de motivation, soit de l’absence d’éléments d’information ou de preuve qui seraient venus étayer le motif concerné face aux dénégations circonstanciées de l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt Kadi II, point 163).

98      Dans ces conditions, le règlement no 1330/2008 ne peut qu’être annulé, pour les motifs de droit énoncés au point précédent (voir, en ce sens, arrêt Kadi II, point 164), sans qu’il soit dès lors besoin de se prononcer sur les autres moyens, griefs et arguments de M. Abdulrahim.

 Sur les dépens

99      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil et la Commission ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens exposés au titre du recours en annulation, en ce compris ceux exposés dans la procédure sur pourvoi devant la Cour, conformément aux conclusions de M. Abdulrahim.

100    Conformément à l’article 97, paragraphe 3, du même règlement, M. Abdulrahim ayant été admis au bénéfice de l’aide judiciaire et le Tribunal ayant condamné les institutions défenderesses aux dépens, ces institutions seront tenues de rembourser à la caisse du Tribunal les sommes avancées au titre de l’aide judicaire.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement (CE) no 1330/2008 de la Commission, du 22 décembre 2008, modifiant pour la cent troisième fois le règlement (CE) no 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban, est annulé, pour autant qu’il concerne M. Abdulbasit Abdulrahim.

2)      Le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par M. Abdulrahim au titre du recours en annulation, ainsi que les sommes avancées par le Tribunal au titre de l’aide judiciaire.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 janvier 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.