Language of document : ECLI:EU:T:2019:29

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

24 janvier 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative BIG SAM SPORTSWEAR COMPANY – Marque verbale antérieure SAM – Motif relatif de refus – Forclusion par tolérance – Éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal – Article 54, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 61, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑785/17,

Ercan Ilhan, demeurant à Istanbul (Turquie), représenté par Me S. Can, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. H. O’Neill et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Time Gate GmbH, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Me R. Kunz-Hallstein, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 13 septembre 2017 (affaire R 974/2016-5), relative à une procédure de nullité entre Time Gate et M. Ilhan,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 novembre 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 21 mars 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 14 mars 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 août 2006, le requérant, M. Ercan Ilhan, a présenté une demande d’enregistrement international désignant l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Tricots (habillement), vêtements en jean, vêtements en cuir, vêtements en imitations du cuir ; survêtements ; chemises, vestes (habillement), vestes en denim, pantalons, jupes, corsages, costumes de bain, vêtements de plage ; sous-vêtements, gants (habillement) ; chaussettes ; chaussures, bottes, chaussons, chaussures pour bébés, chaussures de sport, ferrures de chaussures, semelles de chaussures, talonnettes pour chaussures et bottes, bas, empeignes de chaussures ; coiffures (chapellerie), chapeaux, bérets, casquettes ; couches en matières textiles, vestes de bébés, bavettes non en papier ; cravates, nœuds papillon, châles, écharpes, cols (habillement), manchons, bandanas (mouchoirs de cou), manchettes (habillement) ; ceintures, bretelles, jarretières ».

4        La marque figurative BIG SAM SPORTSWEAR COMPANY a été enregistrée en tant qu’enregistrement international désignant l’Union européenne le 23 mars 2009, sous le numéro 0891276, pour les produits visés au point 3 ci-dessus. Il ressort du dossier que le requérant a déclaré renoncer à invoquer un droit exclusif sur l’élément « sportswear company ».

5        Le 4 décembre 2014, l’intervenante, Time Gate GmbH, a présenté une demande en nullité de la marque figurative BIG SAM SPORTSWEAR COMPANY en vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] pour l’ensemble des produits susmentionnés.

6        La demande en nullité était fondée sur l’enregistrement international désignant l’Union européenne verbal antérieur SAM, enregistré le 24 octobre 1991, sous le numéro 578576, pour les produits suivants relevant de la classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

7        Par décision du 30 mars 2016, la division d’annulation de l’EUIPO a accueilli la demande en nullité dans son intégralité.

8        Le 30 mai 2016, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 13 septembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la chambre de recours a rejeté le recours.

10      Premièrement, la chambre de recours a estimé que l’allégation de forclusion par tolérance en vertu de l’article 54, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 [devenu article 61, paragraphe 1, du règlement 2017/1001] était irrecevable en ce qu’elle avait été avancée pour la première fois devant elle alors que celle-ci aurait dû être avancée, au tout début de la procédure de nullité, devant la division d’annulation (point 22 de la décision attaquée).

11      Ainsi, selon la chambre de recours, les éléments de preuve présentés à l’appui de l’allégation susmentionnée ne devaient pas être acceptés étant donné qu’ils étaient nouveaux, et non simplement complémentaires, et que rien ne justifiait le fait qu’ils avaient été présentés pour la première fois devant la chambre de recours (point 28 de la décision attaquée).

12      En tout état de cause, la chambre de recours a précisé que, à supposer même que l’allégation de forclusion par tolérance soit recevable et que les éléments de preuve nouvellement produits puissent être examinés, ces éléments ne démontraient pas de manière concluante que l’intervenante avait connaissance de l’usage de la marque contestée sur le territoire pertinent (point 29 de la décision attaquée).

13      Deuxièmement, la chambre de recours a conclu que la division d’annulation avait estimé à bon droit qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 à l’égard de l’ensemble des produits en cause, s’agissant en particulier de la partie polonaise, tchèque, roumaine et slovène du public de l’Union européenne et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire d’apprécier le risque de confusion entre la marque contestée et les autres marques antérieures de l’intervenante (points 87 et 88 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        autoriser l’enregistrement de la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante à supporter leurs propres dépens.

15      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens exposés par l’EUIPO.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

17      Le requérant soulève, en substance, deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 54, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 et, le second, d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 54, paragraphe 1, du règlement no 207/2009

18      Selon l’article 158 du règlement no 207/2009 [devenu article 198 du règlement 2017/1001], la demande en nullité des effets d’un enregistrement international désignant l’Union européenne tient lieu de demande en nullité en vertu de l’article 53 du même règlement.

19      L’article 54, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 énonce que le titulaire d’une marque de l’Union européenne qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque de l’Union européenne postérieure dans l’Union en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de cette marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que l’enregistrement de la marque de l’Union européenne postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi.

20      Selon la jurisprudence, quatre conditions doivent être réunies pour faire courir le délai de forclusion par tolérance en cas d’usage d’une marque postérieure identique à la marque antérieure ou similaire au point de prêter à confusion. Premièrement, la marque postérieure doit être enregistrée, deuxièmement, son enregistrement doit avoir été effectué de bonne foi par son titulaire, troisièmement, elle doit être utilisée dans l’État membre où la marque antérieure est protégée et, enfin, quatrièmement, le titulaire de la marque antérieure doit avoir connaissance de l’usage de cette marque après son enregistrement [arrêt du 28 juin 2012, I Marchi Italiani et Basile/OHMI – Osra (B. Antonio Basile 1952), T‑133/09, EU:T:2012:327, point 31 ; voir également, par analogie, arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar, C‑482/09, EU:C:2011:605, points 54 et 56 à 58].

21      De plus, il importe de souligner que c’est à partir du moment où le titulaire de la marque antérieure connaît l’usage de la marque de l’Union européenne postérieure qu’il a la possibilité de ne pas le tolérer et, donc, de s’y opposer ou de demander la nullité de la marque postérieure (arrêt du 28 juin 2012, B. Antonio Basile 1952, T‑133/09, EU:T:2012:327, point 33 ; voir également, par analogie, arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar, C‑482/09, EU:C:2011:605, points 19 et 44 à 50).

22      Le premier moyen peut être interprété en ce sens que le requérant conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les éléments de preuve produits par le requérant devant elle ne permettaient pas de conclure à la forclusion par tolérance.

23      De plus, le requérant produit de nouveaux éléments de preuve dans la requête, figurant aux annexes A.6 et A.8 ainsi qu’aux points 13 et 14 de la requête, qui montreraient, selon lui, que l’intervenante avait connaissance de l’usage de la marque contestée et qu’elle n’a pas agi suffisamment rapidement pour faire cesser cet usage.

24      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

 Sur la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal

25      L’EUIPO et l’intervenante font valoir que les éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal et auxquels la chambre de recours n’avait pas accès lorsque la décision attaquée a été prise doivent être écartés comme irrecevables (éléments de preuve figurant aux annexes A.6 et A.8 et aux points 13 et 14 de la requête).

26      Selon la jurisprudence, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009 (devenu article 72 du règlement 2017/1001), de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, ordonnance du 7 février 2013, Majtczak/Feng Shen Technology et OHMI, C‑266/12 P, non publiée, EU:C:2013:73, point 45, et arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

27      Il découle de ce qui précède que les éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal et figurant aux annexes A.6 et A.8 de la requête ainsi qu’aux points 13 et 14 de celle-ci doivent être écartés comme irrecevables.

28      Le contrôle de légalité se fera donc au regard des seuls éléments qui ont été communiqués lors de la procédure administrative et qui figurent dans le dossier de l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2014, Łaszkiewicz/EUIPO – Capital Safety Group EMEA (PROTEKT), T‑576/12, non publié, EU:T:2014:667, point 25].

 Sur le fond

29      Selon une jurisprudence constante, un moyen dirigé contre les motifs surabondants d’une décision ne saurait entraîner l’annulation de celle‑ci et est donc inopérant [voir arrêt du 3 juillet 2013, Cytochroma Development/OHMI – Teva Pharmaceutical Industries (ALPHAREN), T‑106/12, non publié, EU:T:2013:340, point 57 et jurisprudence citée].

30      À cet égard, force est de constater que le premier moyen ne porte que sur les conclusions que la chambre de recours a énoncées à titre surabondant, concernant le caractère non concluant des éléments de preuves visant à établir la forclusion par tolérance (points 29 à 36 de la décision attaquée).

31      En application de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, il convient donc de rejeter le premier moyen comme inopérant.

32      En tout état de cause, il convient de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que les preuves présentées devant elle et visant à établir l’existence d’une forclusion par tolérance n’étaient pas concluantes.

33      La chambre de recours a, à juste titre, estimé que la date pertinente à prendre en considération pour le calcul de la période de cinq ans requise par l’article 54 du règlement no 207/2009 était le 4 décembre 2014, soit la date d’introduction de la demande en nullité (voir point 5 ci-dessus). À la lumière de la jurisprudence citée aux points 20 et 21 ci-dessus, il appartenait donc au requérant de prouver que l’intervenante avait eu connaissance de l’usage de la marque contestée le 4 décembre 2009 au plus tard. Or, comme l’a estimé à juste titre la chambre de recours, le requérant n’est pas parvenu à prouver cet élément.

34      Ainsi, en premier lieu, la chambre de recours a à juste titre considéré qu’aucun document produit par le requérant devant elle ne permettait de déterminer la date exacte à partir de laquelle le requérant avait commercialisé les produits revêtus de la marque contestée sur un site de vente par Internet détenu par Uncle Sam GmbH, une société appartenant à M. G., l’actuel propriétaire de l’intervenante. En particulier, l’affirmation du requérant selon laquelle la vente de ses produits aurait commencé aux alentours du 5 septembre 2009 n’est étayée par aucun élément de preuve.

35      En second lieu, la chambre de recours a, à juste titre, estimé que la circonstance selon laquelle, en 2006, Uncle Sam avait formé une opposition devant l’EUIPO contre la marque contestée ne permettait pas non plus de mettre en évidence que l’intervenante avait connaissance de l’usage de la marque contestée dans la mesure où l’intervenante et Uncle Sam sont deux sociétés distinctes. Quand bien même le requérant aurait réussi à prouver ces éléments, il aurait dû également prouver que l’intervenante avait connaissance de son usage de la marque contestée. Or, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, une entreprise peut décider de s’opposer à l’enregistrement d’une marque par stratégie commerciale tout en ignorant si la marque est ou sera effectivement utilisée.

36      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen, tiré de la violation de l’article 54, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, doit être écarté comme inopérant et, à titre surabondant, comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a) du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b) du même règlement

37      Le second moyen peut être interprété en ce sens que le requérant conteste plusieurs appréciations faites par la chambre de recours concernant l’analyse du risque de confusion.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

39      Aux termes de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, une marque est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

40      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

41      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

42      Il convient, en tenant compte des griefs soulevés par le requérant à l’encontre de l’appréciation de la chambre de recours relative au public pertinent et à la comparaison des signes en conflit, d’examiner si c’est à tort que la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion.

 Sur le public pertinent et son niveau d’attention

43      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

44      En l’espèce, la chambre de recours a, d’abord, considéré, au point 39 de la décision attaquée, que le public pertinent était composé du grand public. De plus, la chambre de recours a précisé, au point 41 de la décision attaquée, que le droit antérieur examiné était un enregistrement international désignant l’Union européenne et que le territoire pertinent était l’Union.

45      Le requérant fait valoir que le public pertinent fait preuve d’un niveau d’attention accru, alors que, selon la décision attaquée (point 44), le niveau d’attention du public pertinent est qualifié de « moyen » par la chambre de recours.

46      L’intervenante conteste les arguments du requérant.

47      S’agissant, en premier lieu, du public pertinent, il convient de considérer que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que le public pertinent était le grand public de l’Union, ce qui, au demeurant, n’a pas été contesté par les parties.

48      S’agissant, en second lieu, du niveau d’attention du public pertinent, il ressort de la jurisprudence que le niveau d’attention du consommateur lorsqu’il procède à l’achat de produits compris dans la classe 25 n’est pas supérieur à la moyenne [voir arrêt du 19 avril 2013, Hultafors Group/OHMI – Società Italiana Calzature (Snickers), T‑537/11, non publié, EU:T:2013:207, point 23 et jurisprudence citée].

49      Il convient donc de considérer que le niveau d’attention du public pertinent n’est pas supérieur à la moyenne et que, partant, l’argument du requérant doit être rejeté comme non fondé.

 Sur la comparaison des produits

50      Il convient de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que les produits en cause étaient identiques, ce qui, au demeurant, n’a pas été contesté par les parties.

 Sur la comparaison des signes

51      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

–       Sur le degré de similitude phonétique

52      La chambre de recours a conclu, au point 64 de la décision attaquée, que, sur le plan phonétique, les signes étaient similaires à un faible degré.

53      Le requérant fait valoir que, si la prononciation des signes est identique pour l’élément verbal « sam », le public pertinent prononcera la marque contestée « big sam ». Le requérant en conclut que les signes en conflit sont phonétiquement similaires à un très faible degré.

54      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

55      En premier lieu, il y a lieu de relever que, ainsi que le requérant l’affirme, le public pertinent prononcera la marque contestée « big sam ».

56      En effet, les éléments verbaux « sportswear » et « company » qui figurent sur la marque contestée sont peu susceptibles d’être prononcés par le public pertinent dans la mesure où ils occupent une place secondaire par rapport aux autres éléments verbaux, « big » et « sam », et où ils sont purement descriptifs pour une partie des produits en cause, à savoir les vêtements de sport.

57      Ainsi que l’affirme le requérant, les éléments verbaux devant être comparés sont donc « sam », s’agissant de la marque antérieure, et « big sam », s’agissant de la marque contestée. La prise en compte de la renonciation du requérant à invoquer un droit exclusif sur l’élément « sportswear company » (voir point 4 ci-dessus) ne viendrait que conforter une telle conclusion.

58      En second lieu, force est de constater que les deux marques en conflit coïncident par le terme « sam » et qu’elles diffèrent par la présence de l’élément verbal supplémentaire « big » dans la marque contestée.

59      Il y a donc lieu de conclure que le degré de similitude phonétique est faible et que, partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation à cet égard.

–       Sur le degré de similitude visuelle

60      La chambre de recours a estimé, au point 61 de la décision attaquée, que le degré de similitude visuelle entre les marques en conflit était faible.

61      Le requérant fait valoir que la marque contestée est constituée d’un bouledogue anglais tenant un haltère entre les mâchoires, sur un fond de couleur jaune, ainsi que des éléments verbaux « sportswear », « company », « big » et « sam », alors que la marque antérieure n’est constituée que de l’élément verbal « sam ». Selon le requérant, le public pertinent fera donc une distinction claire entre les signes en conflit.

62      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

63      En ce qui concerne la comparaison sur le plan visuel, il convient d’abord de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

64      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que la chambre de recours l’a estimé dans la décision attaquée, le degré de similitude visuelle entre les marques en conflit est faible dans la mesure où la représentation du bouledogue occupe une part importante dans la marque contestée et où, si l’élément verbal « sam » ne sera pas ignoré du public pertinent, cet élément verbal ne sera pas perçu isolément, mais conjointement avec l’élément verbal « big », absent de la marque antérieure.

65      Il y a donc lieu de conclure que le degré de similitude visuelle des marques en conflit est faible.

–       Sur le degré de similitude conceptuelle

66      La chambre de recours a estimé, au point 68 de la décision attaquée, que le degré de similitude conceptuelle était moyen.

67      En revanche, selon le requérant, il n’existe pas de similitude conceptuelle entre la marque contestée et la marque antérieure, car les consommateurs assimileraient la marque contestée à « Sam le chien » alors qu’ils n’auraient aucune référence particulière pour la marque antérieure. Le requérant en déduit que le public pertinent gardera en mémoire l’image du chien s’agissant de la marque contestée, alors que ce ne serait pas le cas s’agissant de la marque antérieure, et qu’il n’y a donc pas de risque de confusion sur le plan conceptuel.

68      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

69      Ainsi qu’il ressort du point 57 ci-dessus, le public pertinent se référera à « sam », s’agissant de la marque antérieure, et à « big sam », s’agissant de la marque contestée.

70      En premier lieu, contrairement à ce que fait valoir le requérant, les marques en conflit seront perçues par le public pertinent comme faisant référence au même prénom Sam. En effet, il est notoire que Sam est un prénom et qu’il sera perçu comme tel par une grande partie du public pertinent. De plus, l’adjonction de l’adjectif qualificatif « big » dans la marque contestée, dont la signification sera comprise par une grande partie du public pertinent, ne fera pas obstacle à ce qu’une partie du public pertinent perçoive « big sam » comme faisant également référence à un être animé qui se prénomme Sam.

71      Pareille constatation n’est pas remise en cause par le fait que, pour le public pertinent de langue tchèque, polonaise, slovène et bulgare, le terme « sam » signifie « solitaire » et qu’une partie de ce public pourrait comprendre le terme « sam » de cette manière plutôt que de l’assimiler au prénom Sam. En effet, lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée]. Or, s’il est possible qu’une partie du public pertinent de l’Union comprendra « sam » comme « solitaire », il n’en demeure pas moins qu’une autre partie du public pertinent de l’Union, notamment le public pertinent qui ne parle pas tchèque, polonais, slovène ou bulgare, assimilera le terme « sam » à un prénom et que, partant, il existe une similitude conceptuelle entre les marques en conflit pour cette partie du public.

72      En second lieu, s’il est vrai, comme le soutient le requérant, que le public pertinent pourrait garder en mémoire l’image du chien s’agissant de la marque contestée, il convient de tenir compte de la circonstance que les consommateurs ne se livrent normalement pas à un examen en détail, ne procèdent généralement pas à une comparaison directe des marques et doivent souvent se fier, dans les conditions d’achat normales, à l’image non parfaite qu’ils ont gardée en mémoire (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26).

73      Ainsi, il y a lieu de considérer que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que le degré de similitude conceptuelle entre les marques en conflit était moyen.

74      Il découle de ce qui précède que, si le degré des similitudes phonétique et visuelle des marques en conflit est faible, le degré de similitude conceptuelle des marques en conflit est, en revanche, moyen.

 Sur le risque de confusion

75      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

76      La chambre de recours a estimé, aux points 70 à 87 de la décision attaquée, qu’il existait un risque de confusion.

77      Le requérant fait valoir, au contraire, qu’il n’existe aucun risque de confusion dans la mesure où le terme « sam » n’aurait pas de signification pour le public pertinent et qu’il n’y aurait aucune similitude visuelle, phonétique et conceptuelle entre les marques en conflit.

78      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

79      Il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, le niveau d’attention du public pertinent n’est pas supérieur à la moyenne, que, ainsi qu’il ressort du point 50 ci-dessus, les produits visés par les marques en conflit sont identiques et que, ainsi qu’il ressort du point 74 ci-dessus, bien que les marques en conflit soient similaires à un faible degré sur les plans phonétique et visuel, elles le sont à un degré moyen sur le plan conceptuel.

80      À cet égard, il est important de rappeler que, dans le secteur de l’habillement, il est fréquent que la même marque présente différentes configurations selon le type de produits qu’elle désigne. Dans ce secteur, il est également habituel que la même entreprise de confection utilise des sous-marques, à savoir des signes dérivant d’une marque principale et partageant avec elle un élément dominant commun, pour distinguer ses différentes lignes de production [voir arrêt du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, EU:T:2004:293, point 51 et jurisprudence citée].

81      En l’espèce, il existe un risque qu’une partie du public pertinent ne puisse pas clairement comprendre que les marques en conflit sont proposées par deux entreprises distinctes et concurrentes. Une partie du public pertinent est en effet susceptible d’identifier, à tort, la marque contestée comme une sous-marque de la marque antérieure et de conclure, à tort, que les deux marques en conflit sont commercialisées par la même entreprise.

82      C’est donc à juste titre, et sans que cette conclusion puisse être remise en cause par la renonciation mentionnée au point 4 ci-dessus, que la chambre de recours a conclu, au point 87 de la décision attaquée, qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

83      Enfin, s’agissant de l’argument du requérant portant sur le fait que la chambre de recours n’aurait pas motivé les raisons pour lesquelles elle s’était écartée de la décision du Landgericht Frankfurt (tribunal régional de Francfort, Allemagne) portant sur un risque de confusion entre les marques SAM et BIG SAM, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, même s’il est souhaitable que l’EUIPO prenne en compte les décisions des autorités nationales portant sur des marques identiques à celles sur lesquelles il doit se prononcer, et réciproquement, l’EUIPO n’est pas tenu de prendre en compte ces décisions, y compris celles se prononçant sur des marques identiques, et, à supposer qu’il les prenne en compte, n’est pas lié par lesdites décisions [arrêt du 15 juillet 2015, Australian Gold/OHMI – Effect Management & Holding (HOT), T‑611/13, EU:T:2015:492, point 65].

84      Il découle de la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus que la chambre de recours n’était pas tenue de faire état de la décision du Landgericht Frankfurt (tribunal régional de Francfort) dans son analyse du risque de confusion.

85      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le second moyen et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Ercan Ilhan est condamné aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 janvier 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.