Language of document : ECLI:EU:T:2015:293

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

19 mai 2015 (*)

  « Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale SWATCHBALL – Marques communautaires verbale et figurative et marques internationales verbale et figuratives SWATCH et swatch – Motif relatif de refus ‑ Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 » 

Dans l’affaire T‑71/14,

Swatch AG, établie à Biel (Suisse), représentée par Me P. González-Bueno Catalán de Ocón, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Panavision Europe Ltd,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 11 novembre 2013 (affaire R 470/2012/2), relative à une procédure d’opposition entre Swatch AG et Panavision Europe Ltd,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2014,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2014,

à la suite de l’audience du 10 février 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 décembre 2007, Panavision Europe Ltd a déposé une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SWATCHBALL.

3        Les produits et les services  pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 35, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Publications électroniques et logiciels liés à la création et à la sélection d’effets d’éclairage, d’optique et d’autres effets visuels dans le domaine cinématographique, télévision, vidéos, et d’autres arts visuels et du spectacle ; publications électroniques et logiciels pour la sélection de, ou autrement liés aux, équipements optiques, d’éclairage et photographiques, filtres, porte-filtres, capuchons d’objectif, soufflets, diffuseurs, abat-jour, drapeaux, réflecteurs et autres équipements pour modifier la lumière ou les images, et pièces et accessoires de ces équipements ; à l’exclusion des logiciels de jeux ou programmes de jeux pour ordinateurs ou programmes de jeux informatiques multimédia interactifs ; aucun des produits précités ne se rapportant au chronométrage » ;

–        classe 35 : « Services de vente au détail liés aux produits destinés à la production de films, programmes télévisés, vidéos, et à d’autres arts visuels et du spectacle ; services de vente au détail liés aux produits pour la création et la sélection d’effets d’éclairage, d’optique ou d’autres effets visuels dans le domaine du cinéma, de la télévision, de la vidéo, et des autres arts visuels et du spectacle ; services de vente au détail liés aux équipements optiques, d’éclairage et photographiques, filtres, porte-filtres, capuchons d’objectif, soufflets, diffuseurs, abat-jour, drapeaux, réflecteurs et autres équipements pour modifier la lumière ou les images, et pièces et accessoires de ces équipements ; présentation de n’importe lequel des produits ou services précités sur supports de communication à des fins de vente au détail ; aucun des services précités ne se rapportant au chronométrage, aux logiciels de jeux, aux programmes de jeux informatiques ou aux programmes de jeux informatiques interactifs multimédias » ;

–        classe 41 : « Publications électroniques en ligne liées à la création et à la sélection d’effets d’éclairage, d’optique et d’autres effets visuels dans le domaine du cinéma, de la télévision, de la vidéo et des autres arts visuels ; services d’artistes exécutants ; publications électroniques en ligne pour la sélection de, ou autrement liées aux, équipements optiques, d’éclairage et photographiques, filtres, porte-filtres, capuchons d’objectif, soufflets, diffuseurs, abat-jour, drapeaux, réflecteurs et autres équipements pour modifier la lumière ou les images, et pièces et accessoires de ces équipements ; aucun des services précités ne se rapportant au chronométrage, aux logiciels de jeux, aux programmes de jeux informatiques ou aux programmes de jeux informatiques interactifs multimédias » ;

–        classe 42 : « Services d’assistance concernant des logiciels liés à la création et à la sélection d’effets d’éclairage, d’optique ou d’autres effets visuels dans le domaine du cinéma, de la télévision, de la vidéo et des autres arts visuels et du spectacle ; services d’assistance liés à la création et à la sélection d’effets d’éclairage, d’optique ou d’autres effets visuels dans le domaine du cinéma, de la télévision, de la vidéo, et des autres arts visuels et du spectacle ; services d’assistance aux équipements optiques, d’éclairages et photographiques, filtres, porte-filtres, capuchons d’objectif, soufflets, diffuseurs, abat-jour, drapeaux, réflecteurs et autres équipements pour modifier la lumière ou les images, et pièces et accessoires de ces équipements ; aucun des services précités ne se rapportant au chronométrage, aux logiciels de jeux, aux programmes de jeux informatiques ou aux programmes de jeux informatiques interactifs multimédias. »

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 24/2008, du 16 juin 2008.

5        Le 15 septembre 2008, la requérante, Swatch AG, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque verbale internationale SWATCH, enregistrée le 25 juin 1982 sous le numéro 469 696, désignant notamment des produits relevant de la classe 14 et correspondant à la description suivante : « mouvements d’horlogerie et leurs parties » ;

–        la marque internationale figurative, enregistrée le 31 janvier 1994 sous le numéro 614 932, désignant notamment des produits et des services relevant des classes 1 à 42, l’opposition étant limitée aux produits relevant de la classe 14, reproduite ci-après :

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–        la marque internationale figurative, enregistrée le 9 septembre 1986 sous le numéro 506 123, désignant notamment des produits relevant de la classe 14 et correspondant à la description suivante : « métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué (à l’exception de la coutellerie) ; joaillerie, pierres précieuses; horlogerie et instruments chronométriques », reproduite ci-après :

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–        la marque communautaire figurative, enregistrée le 12 novembre 1998 sous le numéro 226 316, désignant notamment des produits relevant de la classe 14 et correspondant à la description suivante : « métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué (à l’exception de la coutellerie, fourchettes et cuillers) ; joaillerie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques », reproduite ci-après :

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–        la marque communautaire verbale SWATCH, enregistrée le 2 octobre 1998 sous le numéro 226 019, désignant notamment des produits relevant de la classe 14 et correspondant à la description suivante : « métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué (à l’exception de la coutellerie, fourchettes et cuillers) ; joaillerie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement du règlement n° 40/94 (devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009).

8        Le 13 janvier 2012, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.

9        Le 9 mars 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 11 novembre 2013 (ci-après « la décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours de la requérante. Elle a considéré, s’agissant de la violation alléguée de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, qu’aucun risque de confusion n’existait, les produits et les services en cause étant dissemblables. S’agissant de la violation alléguée de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, premièrement, elle a reconnu que les marques antérieures  jouissaient d’une renommée sur les marchés français, allemand et espagnol pour les produits relevant de la classe 14 ; deuxièmement, elle a retenu que les produits et les services en cause étaient si différents que la marque demandée n’était pas susceptible de rappeler les marques antérieures au public pertinent et qu’il était improbable que celui-ci pense à l’un de ses produits lorsqu’il sera en présence de l’autre marque et, troisièmement, que la requérante n’avait pas prouvé que l’usage de la marque demandée pour les produits et les services qu’elle vise pourrait entraîner une dilution des marques antérieures par dispersion de leur identité et de leur emprise sur l’esprit du public ou indûment profiter de la renommée ou du caractère distinctif des marques antérieures.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      Au soutien de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

14      La requérante soutient que la chambre de recours a commis des erreurs dans son analyse sur la base de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, tant en ce qui concerne le constat selon lequel le public pertinent des produits et des services pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé ne fera probablement pas de lien avec les marques antérieures, qu’en ce qui concerne la considération selon laquelle la dernière condition prévue par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 ne serait pas remplie en l’espèce. La requérante souligne, notamment, que, si la chambre de recours reconnaît explicitement la renommée des marques antérieures, elle n’effectue pas une comparaison des signes en conflit, qui sont clairement similaires dès lors que les marques antérieures sont entièrement contenues dans la marque demandée. En outre, si le public des produits et des services visés par la marque demandée est spécialisé, il ne serait pas exclu que ce public connaisse les produits de la requérante. De plus, un lien pourrait être effectué par ledit public avec les marques antérieures, les produits et les services couverts par les marques en cause n’étant pas d’une nature très différente, pouvant être commercialisés dans des grands supermarchés à proximité les uns des autres et les produits liés au montage des films pouvant être utilisés par un public plus large que celui hautement spécialisé considéré comme public pertinent par la chambre de recours. Enfin, les logiciels d’édition cinématographique et les équipements pour le montage d’images incluraient toujours un mécanisme de chronométrage et un consommateur desdits produits pourrait donc penser que ces produits constituent un nouveau marché de niche auquel la requérante étend sa production. Ainsi, la marque demandée serait une marque parasitaire et tirerait indûment profit du caractère distinctif des marques antérieures, dans la mesure où elle bénéficierait de leur caractère attractif et pourrait porter atteinte à leur caractère distinctif, puisque celles-ci ont un caractère exclusif, associé par les consommateurs à une origine unique.

15      L’OHMI conteste les arguments soulevés par la requérante.

16      Tout d’abord, il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 prévoit ce qui suit : « [s]ur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice ».

17      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 que son application est soumise aux conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ; deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée en opposition ; troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte préjudice. Ces conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêt du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA‑FINDERS), T‑67/04, Rec, EU:T:2005:179, point 30].

18      En outre, il y a lieu de rappeler que les risques visés à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, lorsqu’ils se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas (voir ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, EU:C:2009:282, point 25 et jurisprudence citée).

19      S’agissant du lien que le public pourrait établir entre les marques en conflit, il ressort de la jurisprudence que, s’il est vrai que plus les marques en conflit sont similaires, plus il est vraisemblable que la marque postérieure évoquera dans l’esprit du public pertinent la marque antérieure renommée, la simple similitude entre les marques en conflit ne suffit pas à conclure à l’existence d’un lien entre ces marques [arrêt du 25 janvier 2012, Viaguara/OHMI – Pfizer (VIAGUARA), T‑332/10, EU:T:2012:26, point 44].

20      En effet, l’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (arrêt du 12 mars 2009, Antartica/OHMI, C‑320/07 P, EU:C:2009:146, point 45, et ordonnance Japan Tobacco/OHMI, point 18 supra, EU:C:2009:282, point 26 ; voir également, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec, EU:C:2008:655, point 42).

21      Si, à défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque postérieure n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice (arrêt Antartica/OHMI, point 20 supra, EU:C:2009:146, point 44 ; voir également, par analogie, arrêt Intel Corporation, point 20 supra, EU:C:2008:655, point 31), l’existence de ce lien ne saurait toutefois suffire, à elle seule, à conclure à l’existence de l’une des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, lesquelles constituent la condition spécifique de la protection des marques renommées prévue à cette disposition (ordonnance Japan Tobacco/OHMI, point 18 supra, EU:C:2009:282, point 27).

22      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la légalité de la décision attaquée.

23      À titre liminaire, il convient de considérer que les premières deux conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, rappelées au point 17 ci-dessus, sont remplies en l’espèce.

24      En effet, d’une part, la similitude entre les marques en conflit découle de la reprise de la totalité de l’élément verbal des marques antérieures dans la marque demandée et du fait que les marques en conflit commencent par les mêmes six lettres, bien que la marque demandée soit quatre lettres plus longue que l’élément verbal des marques antérieures, du fait de l’ajout de l’élément verbal « ball » à la fin de la marque demandée. Ainsi, les signes en conflit peuvent être considérés, sur le plan visuel, comme moyennement similaires et, sur le plan phonétique, la seule dernière syllabe étant différente, comme faiblement à moyennement similaires. Sur le plan conceptuel, les signes en conflit peuvent être considérés comme étant similaires, dès lors qu’ils contiennent le mot « swatch », qui peut être compris, au moins par le public anglophone, comme ayant la même signification dans chacun de ces signes. Globalement, il peut être conclu à l’existence d’une similitude moyenne entre les signes en conflit.

25      D’autre part, il convient de constater que les marques antérieures jouissent d’une renommée ayant une intensité particulière, ce qui n’est pas contesté entre les parties (point 32 de la décision attaquée).

26      L’examen doit donc se concentrer sur la troisième condition prévue par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. À cet égard, celle-ci implique l’existence d’un risque que l’une des atteintes visées par cette disposition soit portée à la marque antérieure renommée, du fait du lien qu’établirait le public pertinent entre ces marques .

27      Partant, il convient, tout d’abord, d’analyser la possibilité que le public pertinent établisse un tel lien et, ensuite, uniquement si un tel lien devait être retenu comme existant, de vérifier si la requérante a démontré que l’un des risques visés à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 existait en l’espèce.

28      Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 19 à 21 ci-dessus, il convient de souligner que, en l’espèce, bien que la similitude entre les signes en conflit soit incontestable, comme cela résulte du point 24 ci-dessus, elle ne suffit pas à conclure à l’existence d’un lien entre les marques. En effet, l’appréciation de l’existence de ce lien doit prendre en compte tous les éléments pertinents du cas d’espèce et notamment ceux rappelés au point 20 ci-dessus.

29      Parmi ces derniers, il y a lieu de relever que, en l’espèce, les éléments plaidant en faveur de l’existence d’un lien entre les marques en conflit sont la similitude entre ces marques et l’intensité de la renommée des marques antérieures, qui peut être considérée comme élevée.

30      En revanche, comme le souligne à juste titre la chambre de recours, plaident à l’encontre de l’existence d’un tel lien, d’une part, la nature différente des produits et des services concernés par les marques en conflit, lesdits produits et lesdits services ayant des canaux de distribution différents, n’étant ni interchangeables ni concurrents, ayant des finalités très différentes et n’appartenant pas non plus à de segments de marché proches, ce qui entraîne un degré de proximité très réduit entre ces produits et ces services et, d’autre part, l’existence de deux publics pertinents distincts.

31      À cet égard, force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, que, loin d’être à la portée du consommateur moyen, les produits et les services commercialisés par Panavision Europe s’adressent à un public de spécialistes, alors que le public visé par les produits désignés par les marques antérieures est le grand public.

32      Globalement, s’il ne peut, certes, être exclu que le public spécialisé des produits et des services visés par la marque demandée connaisse également les marques antérieures, il peut cependant être conclu que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a retenu que le public pertinent n’établira pas de lien entre les marques en conflit, dès lors qu’ il est hautement improbable que celui-ci trouve les produits visés par chacune de ces marques dans les mêmes magasins et qu’il pense aux uns alors qu’il est en présence des autres.

33      En effet, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, il peut être considéré que, malgré la renommée incontestable des marques antérieures et une certaine similitude entre les marques en conflit, l’absence de similitude entre les produits et les services en cause et la différence entre les publics pertinents, l’un d’eux étant spécialisé, ayant un degré d’attention plus élevé et se concentrant sur des caractéristiques des produits et des services en cause qui n’ont rien en commun avec les produits visés par les marques antérieures, sont telles qu’elles sont susceptibles d’exclure l’existence d’un lien entre les marques en conflit.

34      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, l’élément du chronométrage pouvant faire partie des logiciels et des autres instruments pour le montage des films, le public pertinent serait amené à établir un lien entre les marques en conflit. En effet, cet argument n’est pas opérant dans la mesure où la demande d’enregistrement en litige a expressément exclu les produits et les services se rapportant au chronométrage.

35      Dès lors qu’il ressort de la jurisprudence invoquée au point 21 ci-dessus que, l’existence d’un tel lien étant une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour que la troisième condition prévue par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 soit remplie, à défaut d’un tel lien, il n’est pas nécessaire d’analyser l’existence d’un des trois types de risque visés à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

36      Il découle de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la troisième condition prévue par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’était pas remplie en l’espèce, le lien entre les marques en conflit étant absent.

37      Par conséquent, il convient de rejeter le moyen unique de la requérante, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, et, par suite, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Swatch AG est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mai 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.