Language of document : ECLI:EU:T:2016:263

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

3 mai 2016 (*)

 « Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Exception d’illégalité – Article 46, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 267/2012 – Article 215 TFUE – Article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413/PESC, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35/PESC – Article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 – Droits fondamentaux – Articles 2 TUE, 21 TUE et 23 TUE – Articles 17 et 52 de la charte des droits fondamentaux – Erreur d’appréciation – Égalité de traitement – Non-discrimination – Principe de bonne administration – Obligation de motivation – Détournement de pouvoir – Confiance légitime – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑68/14,

Post Bank Iran, établie à Téhéran (Iran), représentée par Me D. Luff, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. I. Rodios et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre et Mme D. Gauci, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation, en vertu des articles 263 TFUE et 275 TFUE, de la décision 2013/661/PESC du Conseil, du 15 novembre 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 306, p. 18), ainsi que du règlement d’exécution (UE) n° 1154/2013 du Conseil, du 15 novembre 2013, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 306, p. 3), pour autant que ceux-ci concernent la requérante, et, d’autre part, une demande de déclaration d’inapplicabilité à l’égard de la requérante, en vertu de l’article 277 TFUE, de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012 (JO L 19, p. 22), ainsi que de l’article 23, paragraphe 2, sous d), et de l’article 46, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci-après la « prolifération nucléaire »).

 Mesures restrictives visant la requérante

2        La requérante, Post Bank Iran est une société de droit iranien exerçant des activités de banque postale.

3        Le 9 juin 2010, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1929 (2010) (ci-après la « résolution 1929 »), destinée à élargir la portée des mesures restrictives instituées par les précédentes résolutions 1737 (2006), du 27 décembre 2006 (ci-après la « résolution 1737 »), 1747 (2007), du 24 mars 2007, et 1803 (2008), du 3 mars 2008, et à instaurer des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de la République islamique d’Iran.

4        Le 17 juin 2010, le Conseil européen a adopté une déclaration sur la République islamique d’Iran dans laquelle il a souligné qu’il était de plus en plus préoccupé par le programme nucléaire iranien et s’est félicité de l’adoption de la résolution 1929. Rappelant sa déclaration du 11 décembre 2009, le Conseil européen a notamment invité le Conseil de l’Union européenne à adopter des mesures restrictives mettant en œuvre celles prévues dans la résolution 1929. Conformément à la déclaration du Conseil européen, les mesures restrictives devaient notamment être appliquées à l’égard de personnes et d’entités autres que celles désignées par le Conseil de sécurité ou par le comité des sanctions créé en vertu du paragraphe 18 de la résolution 1737, mais en utilisant les mêmes critères que ceux appliqués par ces derniers.

5        Par la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe II de ladite décision.

6        Par voie de conséquence, son nom a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe V du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 (JO L 195, p. 25). Cette dernière inscription a pris effet le 27 juillet 2010. Elle a eu pour effet le gel des fonds et des ressources économiques (ci-après le « gel des fonds ») de la requérante.

7        L’inscription du nom de la requérante sur les listes précitées était fondée sur les motifs suivants :

« [La requérante], qui opérait autrefois sur le marché intérieur iranien, se charge aujourd’hui des échanges internationaux de l’Iran. Elle agit pour le compte de la Bank Sepah (désignée dans la résolution 1747 du CSNU) en effectuant les transactions de celle-ci tout en masquant le lien entre la Bank Sepah et lesdites transactions afin de déjouer les sanctions. En 2009, [la requérante] a facilité certaines opérations effectuées pour le compte de la Bank Sepah entre les industries iraniennes de la défense et des bénéficiaires étrangers. Elle a facilité des opérations commerciales avec des sociétés écran de la Tranchon Commercial Bank de la [République populaire démocratique de Corée ou] RPDC, connue pour faciliter les opérations commerciales liées à la prolifération entre l’Iran et la RPDC. »

8        Par lettre du 29 juillet 2010, le Conseil a informé la requérante que son nom avait été inscrit sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe V du règlement n° 423/2007. Une copie de ces derniers actes était jointe en annexe à la lettre.

9        Par lettre du 12 septembre 2010, la requérante a demandé au Conseil de revoir cette inscription, à la lumière d’informations qu’elle lui communiquait.

10      Après révision de la situation de la requérante, le Conseil a maintenu le nom de cette dernière inscrit sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010 (JO L 281, p. 81), pour les motifs suivants :

« [La requérante] est une banque nationale iranienne qui est devenue une banque facilitant le commerce international de l’Iran. Elle agit pour le compte de la Bank Sepah (désignée dans la résolution 1747 du CSNU), effectue les transactions de la Bank Sepah et masque les liens de celle-ci avec lesdites transactions afin de déjouer les sanctions. En 2009, [la requérante] a facilité certaines opérations effectuées pour le compte de la Bank Sepah entre les industries iraniennes de la défense et des bénéficiaires étrangers. Elle a facilité des opérations commerciales avec des sociétés écran de la Tranchon Commercial Bank de la [République populaire démocratique de Corée ou] RPDC, connue pour faciliter les opérations commerciales liées à la prolifération entre l’Iran et la RPDC. »

11      Lors de l’adoption du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe VIII dudit règlement, avec effet au 27 octobre 2010.

12      Par lettre du 28 octobre 2010, reçue par la requérante le 29 octobre 2010, le Conseil a informé cette dernière que, après révision de sa situation à la lumière des observations contenues dans la lettre du 12 septembre 2010, elle devait rester soumise à des mesures restrictives.

13      Par lettre du 28 décembre 2010, la requérante a réfuté les faits retenus contre elle par le Conseil. Aux fins de l’exercice de ses droits de la défense, elle a demandé à avoir accès au dossier.

14      Par lettre du 22 février 2011, le Conseil a fourni à la requérante les extraits la concernant issus des propositions d’inscription transmises par les États membres, tels qu’ils figuraient dans les notes de transmission du Conseil désignées sous les références 13413/10 EXT 5, 13414/10 EXT 5 et 6723/11.

15      Par lettre du 29 juillet 2011, la requérante a, de nouveau, contesté la réalité des faits qui lui étaient imputés par le Conseil.

16      Après réexamen de la situation de la requérante, le Conseil a maintenu l’inscription du nom de cette dernière sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, avec effet, respectivement, au 1er décembre 2011, jour de l’adoption de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), et au 2 décembre 2011, jour de la publication au Journal officiel de l’Union européenne du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11).

17      Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante qu’elle devait rester soumise à des mesures restrictives.

18      Par lettre du 13 janvier 2012, la requérante a de nouveau demandé à avoir accès au dossier.

19      La décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22), est entrée en vigueur le jour de son adoption. Son article 1er, point 7, a modifié, à compter de cette dernière date, l’article 20 de la décision 2010/413.

20      Par lettre du 21 février 2012, le Conseil a transmis à la requérante des documents se rapportant à la « décision […] du 1er décembre 2011 de maintenir en vigueur les mesures restrictives à [son] encontre ».

21      Lors de l’adoption du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), le nom de la requérante a été inscrit, pour les mêmes motifs que ceux déjà mentionnés au point 10 ci-dessus, sur la liste figurant à l’annexe IX dudit règlement, avec effet au 24 mars 2012.

22      La décision 2012/635/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58), est entrée en vigueur le 16 octobre 2012. Son article 1er, point 8, a modifié, à compter de cette dernière date, l’article 20 de la décision 2010/413.

23      Le règlement (UE) n° 1263/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 34), est entré en vigueur le 23 décembre 2012. Son article 1er, point 11, a modifié, à compter de cette dernière date, le paragraphe 2, sous c) et d), et le paragraphe 4 de l’article 23 du règlement n° 267/2012.

24      La décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 356, p. 71), est entrée en vigueur le 22 décembre 2012. Son article 1er, point 2, a modifié, à compter de cette dernière date, l’article 20 de la décision 2010/413.

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 janvier 2011, la requérante a introduit un recours visant notamment, en substance, à l’annulation de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et de l’annexe IX du règlement n° 267/2012, pour autant que celles-ci la concernaient. Ce recours a été enregistré sous la référence T‑13/11.

26      Par arrêt du 6 septembre 2013, Post Bank Iran/Conseil (T‑13/11, EU:T:2013:402), le Tribunal a notamment annulé les actes mentionnés au point 25 ci-dessus. Aucun pourvoi n’ayant été formé contre cet arrêt, celui-ci est devenu définitif et a acquis force de chose jugée.

27      Par lettre du 10 octobre 2013, le Conseil a informé la requérante que, « dans la mesure où elle [étai]t une entreprise détenue majoritairement par le gouvernement iranien et engagée dans des activités commerciales, [elle] rempli[ssai]t la condition de désignation, visée à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement 267/2012, qui se [référait] aux personnes et aux entités fournissant un soutien, notamment financier, au gouvernement iranien », et qu’elle devait donc rester soumise à des mesures restrictives sur la base d’un nouvel exposé des motifs, rédigé comme suit :

« Entreprise qui est détenue majoritairement par le gouvernement iranien et qui lui fournit un soutien financier ».

28      Par lettre du 31 octobre 2013, la requérante a, par l’intermédiaire de son avocat, contesté avoir fourni un quelconque appui, notamment financier, au gouvernement iranien. Selon elle, le Conseil aurait avancé le nouvel exposé des motifs à seule fin de contourner les effets, défavorables pour lui, résultant de l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402), et alors qu’il n’était pas en mesure d’établir l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre ses activités et la prolifération nucléaire. En outre, la requérante a fait valoir que le nouvel exposé des motifs serait obscur et insuffisant, dans la mesure où il ne spécifierait pas de quelle manière elle aurait soutenu le gouvernement iranien dans le cadre de ses activités commerciales et elle s’est interrogée sur le fait de savoir si elle était sanctionnée au seul motif qu’elle appartenait au gouvernement iranien. Enfin, la requérante a demandé au Conseil de lui transmettre les documents en sa possession et qui justifieraient, selon lui, qu’elle reste soumise à des mesures restrictives, malgré l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402).

29      Par la décision 2013/661/PESC, du 15 novembre 2013, modifiant la décision 2010/413, le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, avec effet au 16 novembre 2013, sur la base du nouvel exposé des motifs indiqué au point 27 ci-dessus.

30      Par voie de conséquence, par le règlement d’exécution (UE) n° 1154/2013 du Conseil, du 15 novembre 2013, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 306, p. 3), le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe IX de ce dernier règlement, avec effet au 16 novembre 2013, sur la base du nouvel exposé des motifs indiqué au point 27 ci-dessus.

31      Par lettre du 18 novembre 2013, le Conseil a communiqué à l’avocat de la requérante sa décision, après examen des observations de la requérante, de continuer d’imposer à cette dernière des mesures restrictives au motif qu’elle fournissait un appui financier au gouvernement iranien. Il a fait valoir, en particulier, que, dans la mesure où la requérante était majoritairement détenue par le gouvernement iranien et était engagée dans des activités commerciales, ledit gouvernement bénéficierait des profits qu’elle tirait desdites activités. Par ailleurs, il a transmis à l’avocat de la requérante les documents confidentiels, qui justifiaient, selon lui, que la requérante reste soumise à des mesures restrictives, à savoir, d’une part, les documents du Groupe des conseillers pour les relations extérieures (RELEX), du 19 septembre 2013, portant la référence MD 126/13 et, du 30 septembre 2013, portant les références MD 140/13 à 144/13, et, d’autre part, la note du secrétariat général du Conseil au Comité des représentants permanents (Coreper), du 8 octobre 2013, portant la référence 14553/13.

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2014, la requérante a introduit le présent recours.

33      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 mai 2014, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil.

34      Le 6 juin 2014, la requérante et le Conseil ont déposé leurs observations sur la demande d’intervention de la Commission.

35      Le 27 mai 2014, le Conseil a déposé un mémoire en défense.

36      Par ordonnance du 21 juillet 2014, le président de la première chambre du Tribunal a admis la demande d’intervention de la Commission.

37      Le 7 août 2014, la Commission a déposé son mémoire en intervention. Ni le Conseil ni la requérante n’ont déposé d’observations sur celui-ci.

38      Le 25 août 2014, la requérante a déposé une réplique.

39      Le 9 octobre 2014, le Conseil a déposé une duplique.

40      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64, paragraphe 3, sous b), c) et d), de son règlement de procédure du 2 mai 1991, a invité les parties à se prononcer par écrit sur certains aspects du litige, à fournir certaines informations ou certains renseignements et à produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

41      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 juillet 2015. À l’audience, le Tribunal a invité la requérante, par une nouvelle mesure d’organisation de la procédure, adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, à produire un document. La requérante a déféré à cette demande dans le délai imparti.

42      Le 10 septembre 2015, le Conseil a fait valoir ses observations sur le document ainsi produit par la requérante.

43      La phase orale de la procédure a été clôturée le 18 septembre 2015.

44      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2013/661 ainsi que le règlement d’exécution n° 1154/2013, pour autant que ceux-ci la concernent (ci-après les « actes attaqués ») ;

–        déclarer inapplicables, à son égard, l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, ainsi que l’article 23, paragraphe 2, sous d), et l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

45      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le présent recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’interprétation des conclusions de la requérante visant à ce que certaines dispositions lui soient déclarées inapplicables

46      Bien que, dans la requête introductive d’instance, la requérante n’ait pas précisé le fondement des conclusions visant à ce que certaines dispositions lui soient déclarées inapplicables, celles-ci ne peuvent reposer, en raison des termes dans lesquels elles ont été formulées, que sur l’article 277 TFUE, en vertu duquel « toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution […] de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, pour invoquer devant [le juge de l’Union] l’inapplicabilité de cet acte » (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra, EU:T:2013:402, point 37). Il ressort des écritures du Conseil, soutenu par la Commission, que celui-ci a compris ainsi les conclusions de la requérante. Il y a donc lieu de considérer que, par les présentes conclusions, la requérante entend se prévaloir d’exceptions d’illégalité à l’encontre de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, ainsi que de l’article 23, paragraphe 2, sous d), et de l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, qui viennent à l’appui des conclusions en annulation.

 Sur la recevabilité

47      Conformément à la jurisprudence, le juge de l’Union peut, à tout moment, examiner d’office les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent, selon la jurisprudence, les conditions de recevabilité du recours (arrêt du 16 décembre 1960, Humblet/État belge, 6/60‑IMM, Rec, EU:C:1960:48, p. 1147), parmi lesquelles figurent le respect du délai de recours (ordonnance du 8 juillet 2009, Thoss/Cour des comptes, T‑545/08, EU:T:2009:260, point 40).

48      Les délais de recours au titre de l’article 263 TFUE sont d’ordre public, l’application stricte des règles de procédure répondant à l’exigence de sécurité juridique ainsi qu’à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice. Il ne peut être dérogé à ces délais que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure (arrêt du 22 septembre 2011, Bell & Ross/OHMI, C‑426/10 P, Rec, EU:C:2011:612, point 43).

49      Selon la jurisprudence, le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre des actes prévoyant des mesures restrictives individuelles en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE court, pour chacune des personnes et des entités visées, à compter de la date de la communication qui doit lui être faite (arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, Rec, EU:C:2013:258, point 59).

50      En réponse aux mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal (point 40 ci-dessus), le Conseil s’est expressément prévalu, à l’appui de son argumentation selon laquelle le présent recours aurait été introduit tardivement et serait, partant, irrecevable, de ce que la communication des actes attaqués à la requérante serait régulièrement intervenue par le biais de la lettre du 18 novembre 2013, adressée à l’avocat de la requérante et qui aurait été reçue, le même jour, par ce dernier.

51      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 263, sixième alinéa, TFUE se réfère à la « notification [de l’acte] au requérant », et non à la notification de l’acte au représentant de celui-ci. Il s’ensuit que, lorsqu’un acte doit faire l’objet d’une notification pour que le délai de recours commence à courir, celle-ci doit en principe être adressée au destinataire de cet acte, et non aux avocats qui le représentent. En effet, selon la jurisprudence, la notification au représentant d’un requérant ne vaut notification au destinataire que lorsqu’une telle forme de notification est prévue expressément par la réglementation applicable ou par un accord entre les parties (ordonnance Thoss/Cour des comptes, point 47 supra, EU:T:2009:260, points 41 et 42 ; arrêts du 11 juillet 2013, BVGD/Commission, T‑104/07 et T‑339/08, EU:T:2013:366, point 146, et du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, Rec, EU:T:2014:926, point 74).

52      En l’espèce, la réglementation applicable, à savoir l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, ne fait aucune référence explicite à la possibilité de notifier les mesures restrictives prises à l’égard d’une personne ou d’une entité au représentant de cette dernière, mais dispose expressément que, lorsque l’adresse de la personne ou de l’entité concernée est connue, la décision de lui appliquer des mesures restrictives doit lui être communiquée directement (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec, EU:C:2011:735, points 47 à 52).

53      Or, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l’annexe de la décision 2013/661, de l’annexe du règlement d’exécution n° 1154/2013 ainsi que de la lettre du 10 octobre 2013 (point 27 ci-dessus), que l’adresse de la requérante était, en l’espèce, connue du Conseil.

54      Par ailleurs, il ne peut être constaté qu’un accord serait intervenu entre le Conseil et la requérante pour que les actes attaqués lui soient notifiés à l’adresse de son avocat et, partant, par l’intermédiaire de ce dernier. Certes, il ressort du dossier que, à la suite de la lettre du Conseil du 10 octobre 2013, adressée directement à la requérante, avec copie à l’avocat de cette dernière, c’est ledit avocat qui a répondu, par la lettre du 31 octobre 2013 portant mention, en bas de page, de sa propre adresse, et que c’est en se référant à cette dernière lettre que le Conseil a ensuite adressé la lettre du 18 novembre 2013 directement à l’avocat de la requérante. Si cet échange de lettres atteste que la requérante s’est adressée au Conseil par l’intermédiaire de son avocat, il n’en ressort toutefois pas qu’elle aurait autorisé le Conseil, par dérogation à ce qui est prévu par la réglementation applicable (voir point 52 ci-dessus), à communiquer avec elle de manière également indirecte, par l’intermédiaire de son avocat. Il ressort, au contraire, de la dernière phrase de la lettre du 31 octobre 2013, que l’avocat de la requérante a informé le Conseil que « [sa] cliente [requerrait] formellement […] de se voir communiquer tous les documents en possession du Conseil qui [avaient] conduit [ce dernier] à envisager sa […] décision [de la maintenir soumise à des mesures restrictives] ».

55      Il s’ensuit que la communication effective des actes attaqués à l’avocat de la requérante n’équivalait pas, en l’espèce, à une communication et, donc, à une notification de ces actes à la requérante elle-même.

56      Il ressort de la jurisprudence que, dans la mesure où le délai de recours est à compter de la notification, celui-ci ne peut commencer à courir, à l’égard de la personne ou de l’entité visée par l’acte prévoyant des mesures restrictives et dont l’adresse est connue du Conseil, tant que l’acte en cause ne lui a pas été valablement communiqué à ladite adresse (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, Rec, EU:T:2013:397, points 57 et 59, et Mayaleh/Conseil, point 51 supra, EU:T:2014:926, point 66).

57      En l’espèce, au vu de la conclusion tirée au point 55 ci-dessus, la communication effective des actes attaqués à l’avocat de la requérante n’a pas pu faire commencer à courir le délai de recours à l’égard de cette dernière, de sorte que le présent recours ne peut être considéré comme tardif.

58      En conséquence, le présent recours est recevable et doit être examiné sur le fond.

 Sur le fond

59      À l’appui de son recours, la requérante soulève, sur le fondement de l’article 277 TFUE, deux exceptions d’illégalité de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, ainsi que de l’article 23, paragraphe 2, sous d), et de l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, sur le fondement desquels les actes attaqués ont été adoptés. La première exception d’illégalité, dirigée contre l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, est tirée d’une violation de l’article 215 TFUE. La seconde exception d’illégalité, dirigée contre l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, et l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, est prise d’une violation des valeurs et des droits fondamentaux protégés par les articles 2 TUE, 21 TUE et 23 TUE ainsi que par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Par ailleurs, la requérante invoque six moyens à l’appui de ses conclusions en annulation des actes attaqués. Le premier moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits ainsi que d’une violation de l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012. Le deuxième moyen est pris d’une violation des principes d’égalité et de non-discrimination ainsi que de bonne administration. Le troisième moyen est fondé sur le caractère inapproprié de la motivation des actes attaqués. Le quatrième moyen est tiré, en substance, d’un détournement de pouvoir. Le cinquième moyen repose sur une violation du principe du respect de la confiance légitime. Le sixième moyen est pris d’une violation du principe de proportionnalité.

 Sur la première exception d’illégalité, dirigée contre l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, tirée d’une violation de l’article 215 TFUE

60      La requérante excipe de l’illégalité de l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, sur le fondement duquel le règlement d’exécution n° 1154/2013 a été adopté, au motif que celui-ci violait l’article 215 TFUE. En effet, l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 aurait prévu que le Conseil adopte, de sa propre initiative, des mesures restrictives la concernant sans se conformer à la procédure prévue par l’article 215 TFUE, aux termes duquel il n’aurait dû statuer que sur proposition conjointe du haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission. Le règlement d’exécution n° 1154/2013, pour autant qu’il la concerne, serait ainsi dépourvu de base légale.

61      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet de la première exception d’illégalité, au motif que celle-ci repose sur une interprétation erronée de l’article 215 et de l’article 291, paragraphe 2, TFUE.

62      Pour autant que le Conseil, soutenu par la Commission, renvoie ainsi à l’article 291, paragraphe 2, TFUE, la requérante soutient, en substance, qu’un tel renvoi est tardif, puisqu’il ne figurait pas dans le règlement d’exécution n° 1154/2013. En tout état de cause, l’article 291, paragraphe 2, TFUE ne prévoirait pas que le Conseil puisse être exonéré, dans l’exercice de ses pouvoirs d’exécution, des exigences claires et dépourvues d’ambiguïté imposées par l’article 215 TFUE, telles que rappelées au point 60 ci-dessus.

63      Par la première exception d’illégalité, la requérante pose, en substance, la question de savoir si l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 est compatible avec l’article 215 TFUE.

64      À cet égard, il convient d’observer que ni l’article 215 TFUE ni aucune autre disposition du droit primaire ne s’opposent à ce qu’un règlement adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE confère des compétences d’exécution à la Commission ou au Conseil dans les conditions définies à l’article 291, paragraphe 2, TFUE, lorsque des conditions uniformes d’exécution de certaines mesures restrictives prévues par ce règlement sont nécessaires. Partant, en l’absence de toute indication limitant la possibilité de conférer des compétences d’exécution, l’application des dispositions de l’article 291, paragraphe 2, TFUE ne peut être écartée en matière de mesures restrictives fondées sur l’article 215 TFUE (arrêt du 16 juillet 2014, National Iranian Oil Company/Conseil, T‑578/12, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 54).

65      En outre, la procédure prévue par l’article 215, paragraphe 1, TFUE, dans laquelle le Conseil statue sur proposition conjointe du haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission, peut se révéler inadaptée aux fins de l’adoption de simples mesures d’exécution. En revanche, l’article 291, paragraphe 2, TFUE permet de prévoir une procédure d’exécution plus efficace, adaptée au type de mesure à exécuter et à la capacité d’action de chaque institution. Ainsi les considérations ayant conduit les auteurs du traité FUE à autoriser, à l’article 291, paragraphe 2, TFUE, l’attribution de compétences d’exécution valent tant en ce qui concerne la mise en œuvre des actes fondés sur l’article 215 TFUE qu’en ce qui concerne la mise en œuvre d’autres actes juridiquement contraignants (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 55).

66      Par conséquent, le Conseil était en droit de prévoir des compétences d’exécution, conformément aux dispositions de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, pour l’adoption des mesures individuelles de gel des fonds mettant en œuvre l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 56).

67      Toutefois, il reste à vérifier si le Conseil a respecté les conditions posées à l’article 291, paragraphe 2, TFUE lorsqu’il s’est réservé les compétences d’exécution en question.

68      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les règlements, tels que le règlement n° 267/2012, prévoyant des mesures restrictives sur la base de l’article 215 TFUE, visent à mettre en œuvre dans le champ d’application du traité FUE des décisions adoptées au titre de l’article 29 TUE, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Par conséquent, le règlement n° 267/2012 s’inscrit dans la poursuite des objectifs et la mise en œuvre des actions de l’Union dans le domaine de la PESC (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 60).

69      En particulier, en raison de leur finalité, de leur nature et de leur objet, des mesures restrictives adoptées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, qui ont pour objectif d’exercer une pression sur la République islamique d’Iran afin de faire cesser la prolifération nucléaire, se rattachent plus étroitement à la mise en œuvre de la PESC qu’à l’exercice des compétences conférées à l’Union par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, points 66 et 67).

70      Or, dans le cadre du traité UE, il ressort de la combinaison de l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de l’article 26, deuxième alinéa, TUE, de l’article 29 TUE et de l’article 31, paragraphe 1, TUE que le Conseil a, en règle générale, vocation à exercer le pouvoir décisionnel dans le domaine de la PESC, en statuant à l’unanimité (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2012, Parlement/Conseil, C‑130/10, Rec, EU:C:2012:472, point 47).

71      Notamment, c’est le Conseil, agissant seul, qui décide de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité dans l’annexe II de la décision 2010/413. Or, c’est cette inscription qui est mise en œuvre, dans le champ d’application du traité FUE, par l’adoption d’une mesure de gel des fonds au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012.

72      Dans ces circonstances, compte tenu de la particularité des mesures adoptées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, de la nécessité d’assurer la cohérence entre la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et celle figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, ainsi que du fait que la Commission n’a pas accès aux données des services de renseignement des États membres qui peuvent s’avérer nécessaires pour la mise en œuvre desdites mesures, le Conseil a pu à bon droit, au regard de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, se réserver, à l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, l’exécution de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement, relatif au gel des fonds (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, points 68 à 73).

73      S’agissant de la question de savoir si l’existence de cette compétence d’exécution a été suffisamment motivée, il convient d’observer que, comme le relève à bon droit la requérante, le Conseil n’a pas expressément déclaré, dans le règlement n° 267/2012, qu’il se réservait la compétence d’exécution pour les raisons résumées au point 72 ci-dessus. Toutefois, il n’en demeure pas moins que la justification de cette compétence d’exécution réservée au Conseil, à l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, ressort d’une lecture combinée des considérants et des dispositions dudit règlement, dans le contexte de l’articulation des dispositions pertinentes du traité UE et du traité FUE en matière de gel des fonds (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 77), de sorte que la requérante n’est pas fondée à prétendre que le renvoi à ladite compétence serait intervenu tardivement.

74      En effet, premièrement, le Conseil s’est explicitement référé, au considérant 28 du règlement n° 267/2012, à l’exercice de sa compétence en matière de « désignation des personnes soumises aux mesures de gel [des fonds] » ainsi qu’à sa propre intervention dans le cadre de la procédure de révision des décisions d’inscription en fonction des observations ou des nouveaux éléments de preuve reçus de la part des personnes concernées (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 78).

75      Deuxièmement, les dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, lues conjointement avec le considérant 14 de ce même règlement, permettent de comprendre que la mise en œuvre des mesures de gel des fonds à l’égard de personnes ou d’entités relève davantage du domaine d’action du Conseil dans le cadre de la PESC, plutôt que des mesures de nature économique adoptées normalement dans le domaine du traité FUE (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, points 79 et 80).

76      Troisièmement, le parallélisme entre les mesures restrictives adoptées en vertu de la décision 2010/413 et celles adoptées en vertu du règlement n° 267/2012 est explicité par les considérants 11 et suivants de ce dernier, dont il ressort que ledit règlement met en œuvre les modifications de la décision 2010/413 introduites par la décision 2012/35 (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 81).

77      Dans ces conditions, les raisons spécifiques ayant motivé l’attribution de compétences d’exécution au Conseil à l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 ressortaient de manière suffisamment compréhensible des dispositions pertinentes et du contexte de ce règlement (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 82).

78      Partant, la requérante n’est pas fondée à soutenir, en substance, que ce n’est qu’à la lecture du mémoire en défense qu’elle a pu comprendre, pour la première fois, que le Conseil avait entendu exercer, en l’espèce, les compétences d’exécution que l’article 291, paragraphe 2, TFUE lui accordait.

79      En outre, il y a lieu de conclure que les exigences posées à l’article 291, paragraphe 2, TFUE, pour que des compétences d’exécution puissent être accordées au Conseil, ont été remplies en ce qui concerne l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, ce qui implique qu’aucune violation de l’article 215 TFUE ne peut être reprochée au Conseil.

80      Pour l’ensemble de ces motifs, la première exception d’illégalité, fondée sur une violation de l’article 215 TFUE, doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la seconde exception d’illégalité, dirigée contre l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, et contre l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, prise d’une violation des valeurs et des droits fondamentaux protégés par les articles 2 TUE, 21 TUE et 23 TUE ainsi que par la charte des droits fondamentaux

81      La requérante excipe de l’illégalité de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, sur le fondement desquels les actes attaqués ont été adoptés, au motif que ceux-ci violaient les valeurs et les droits fondamentaux protégés par les articles 2 TUE, 21 TUE et 23 TUE ainsi que par la charte des droits fondamentaux. En effet, dans l’hypothèse où, contrairement à ce qu’elle soutient, ces dispositions seraient interprétées en ce sens qu’elles n’imposeraient pas au Conseil d’établir l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre ses activités et la prolifération nucléaire, celles-ci lui donneraient le pouvoir de porter atteinte au droit de propriété et au droit de commercer des personnes sur le fondement d’un critère extrêmement large et vague, à savoir celui d’un « appui fourni au gouvernement iranien ». Le Conseil disposerait ainsi d’un pouvoir arbitraire à l’égard de toute personne qui, selon lui, fournit un appui au gouvernement iranien. Les actes attaqués, dans la mesure où ils se fondent sur les dispositions concernées, seraient donc dépourvus de base légale.

82      Le Conseil, soutenu par la Commission, objecte que les arguments de la requérante sont erronés et conclut au rejet de la seconde exception d’illégalité.

83      Par la seconde exception d’illégalité, la requérante pose, en substance, des questions relatives à l’interprétation et à la légalité du critère de l’appui, notamment financier, fourni au gouvernement iranien, énoncé à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 (ci-après le « critère litigieux »). En particulier, elle pose la question de savoir si et dans quelle mesure ce critère est compatible avec les valeurs consacrées à l’article 2 TUE, auxquelles les décisions adoptées dans le domaine de la PESC doivent être conformes en vertu des articles 21 TUE et 23 TUE, ainsi qu’avec les droits fondamentaux, en particulier le droit de propriété, dont le respect est imposé par les articles 17 et 52 de la charte des droits fondamentaux, dans la mesure où, selon elle, il confère au Conseil un pouvoir arbitraire d’imposer des mesures restrictives à des personnes et à des entités sans avoir à établir que les activités qu’elles exercent ont un lien, direct ou indirect, avec la prolifération nucléaire.

84      Dans la mesure où la requérante demande, en l’espèce, au Tribunal de contrôler la légalité du critère litigieux au regard de certaines valeurs consacrées par le traité UE ou de certains droits protégés par la charte des droits fondamentaux, il y a lieu de rappeler que les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu des traités, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est d’ailleurs expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, Rec, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée, et Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, Rec, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

85      Ainsi, si le Conseil dispose d’une large marge d’appréciation pour définir les critères généraux permettant d’appliquer des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, Rec, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée), de sorte que le juge de l’Union n’effectue qu’un contrôle restreint de l’appréciation des considérations d’opportunité qui président à une telle définition (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, Rec, EU:T:2009:266, points 44 et 45, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec, EU:T:2009:401, points 35 et 36), il n’en reste pas moins que, une fois les critères généraux retenus par le Conseil, ce même juge effectue un contrôle complet de la conformité desdits critères au droit de l’Union.

86      Cela étant observé, en premier lieu, il convient d’examiner l’argumentation de la requérante selon laquelle le critère litigieux vise soit un appui direct à la prolifération nucléaire, soit un appui au gouvernement dans la mise en œuvre de cette dernière.

87      Cette argumentation repose sur une confusion entre le critère litigieux, seul pertinent en l’espèce, et le critère relatif à la fourniture d’« un appui [à la prolifération nucléaire] », énoncé à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, à l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et à l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012, que le Conseil a prétendu avoir notamment appliqué dans les actes annulés par l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402, points 80, 85 et 96).

88      À cet égard, il importe de rappeler que le critère litigieux et le critère relatif à la fourniture d’« un appui [à la prolifération nucléaire] » sont deux critères alternatifs distincts pour l’adoption de mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité. Le critère relatif à la fourniture d’« un appui [à la prolifération nucléaire] » implique que soit établie l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre les activités de la personne ou de l’entité concernée et la prolifération nucléaire (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 139). Quant au critère litigieux, qui étend le champ d’application des mesures restrictives afin de renforcer les pressions exercées sur la République islamique d’Iran, celui-ci a, parce qu’il avait été rédigé en des termes trop généraux pour répondre aux exigences du droit primaire de l’Union, notamment aux droits fondamentaux garantis par la charte des droits fondamentaux, dû faire l’objet d’une interprétation conforme aux termes de laquelle il ne vise que l’activité de la personne ou de l’entité concernée qui, indépendamment même de tout lien, direct ou indirect, établi avec la prolifération nucléaire, est susceptible, par son importance quantitative ou qualitative, de favoriser ladite prolifération, en fournissant au gouvernement iranien un appui, sous forme de ressources ou de facilités d’ordre matériel, financier ou logistique, lui permettant de poursuivre cette dernière (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, points 118 à 120, 140 et 141). L’existence d’un lien entre la fourniture d’un tel appui au gouvernement iranien et la poursuite des activités de prolifération nucléaire est ainsi présumée par la réglementation applicable, qui vise à priver le gouvernement iranien de ses ressources et de ses facilités d’ordre matériel, financier ou logistique, en vue de le contraindre à cesser la prolifération nucléaire, faute de ressources financières suffisantes (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 140).

89      Partant, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondée, l’argumentation de la requérante selon laquelle le critère litigieux vise soit un appui direct à la prolifération nucléaire, soit un appui au gouvernement dans la mise en œuvre de cette dernière.

90      En deuxième lieu, il convient d’examiner l’argumentation de la requérante selon laquelle, en substance, le critère litigieux porterait atteinte à certaines valeurs et droits fondamentaux protégés par le droit de l’Union dans la mesure où il serait extrêmement large et vague quant aux personnes et aux entités qu’il vise et sans rapport avec les objectifs poursuivis par la réglementation en cause et, partant, qu’il conférerait au Conseil un pouvoir arbitraire.

91      À cet égard, il convient d’observer que, par sa formulation très large, le critère litigieux confère certes un pouvoir d’appréciation important au Conseil. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, ce pouvoir n’est pas arbitraire, ni incompatible avec les valeurs et les droits protégés par le droit de l’Union, et ce pour les raisons suivantes.

92      Premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, si le critère litigieux n’impose pas au Conseil d’établir un lien, direct ou indirect, entre les activités de la personne ou de l’entité soumise à des mesures restrictives et la prolifération nucléaire (voir point 88 ci-dessus), celui-ci reste néanmoins en rapport avec l’objectif, poursuivi par la décision 2010/413 et par le règlement n° 267/2012, de lutter contre la prolifération nucléaire, dans la mesure où il repose sur la présomption que le gouvernement iranien s’appuie sur les ressources et les facilités d’ordre matériel, financier ou logistique dont il bénéficie pour poursuivre ladite prolifération (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, points 120 et 140).

93      Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, le critère litigieux ne vise pas toute forme d’appui, aussi minime ou symbolique soit-elle, fournie au gouvernement iranien, mais seulement celles qui, par leur importance quantitative ou qualitative, sont susceptibles de permettre audit gouvernement de poursuivre la prolifération nucléaire. Interprété, sous le contrôle du juge de l’Union, en ce qui concerne l’objectif consistant à faire pression sur le gouvernement iranien pour le contraindre à mettre fin à la prolifération nucléaire, le critère litigieux définit ainsi de manière objective une catégorie circonscrite de personnes et d’entités susceptibles de faire l’objet de mesures de gel des fonds, à savoir celles qui fournissent au gouvernement iranien un appui qui, par son importance quantitative ou qualitative, est susceptible de permettre à ce dernier de poursuivre la prolifération nucléaire (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 119).

94      Troisièmement, le pouvoir d’appréciation conféré au Conseil par le critère litigieux est contrebalancé par une obligation de motivation et des droits procéduraux renforcés, garantis par la jurisprudence (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 122 ; voir également, par analogie, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438, point 14, et du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, EU:C:2013:518, point 114).

95      Comme cela a déjà été exposé aux points 91 à 94 ci-dessus, le critère litigieux limite le pouvoir d’appréciation du Conseil, en instaurant des critères objectifs, et garantit le degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 123 ; voir également, par analogie, arrêt du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, EU:C:2008:295, point 58), notamment par le principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit de l’Union et exige que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsque, comme en l’espèce, elles peuvent avoir des conséquences défavorables pour les personnes et les entités qu’elles visent (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, points 112, 113, 116 et 117).

96      Par conséquent, ledit critère ne peut être considéré comme étant arbitraire.

97      En troisième lieu, il convient d’examiner l’argumentation de la requérante selon laquelle, en substance, l’application du critère litigieux dans les actes attaqués a porté une atteinte non nécessaire et disproportionnée à ses droits et à sa liberté, notamment, à son droit de propriété et à sa liberté de commercer.

98      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la mesure où l’adoption de mesures de gel des fonds sur la base du critère litigieux est prévue par les dispositions pertinentes de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012, l’atteinte au droit de propriété ou à la liberté de commercer résultant de l’application de ce critère est conforme à la disposition de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, énonçant que toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par ladite charte doit être prévue par la loi (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 64 supra, EU:T:2014:678, point 124).

99      En outre, selon la jurisprudence, en vertu du principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, la légalité de l’interdiction d’une activité économique est subordonnée à la condition que les mesures d’interdiction soient appropriées et nécessaires à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 56 supra, EU:T:2013:397, point 179 et jurisprudence citée).

100    En l’espèce, eu égard à l’importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil a pu estimer, sans dépasser les limites de son pouvoir d’appréciation, que les atteintes au droit de propriété ou à la liberté de commercer de la requérante qui résulteraient de l’application à son égard du critère litigieux étaient appropriées et nécessaires aux fins d’exercer une pression sur le gouvernement iranien pour le contraindre à mettre fin à la prolifération nucléaire (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, Rec, EU:C:2012:137, point 61).

101    Par conséquent, il y a lieu de conclure que l’application du critère litigieux dans les actes attaqués n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété ou à la liberté de commercer de la requérante et que son argumentation, à cet égard, doit être rejetée comme étant non fondée.

102    Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, la seconde exception d’illégalité fondée sur une violation des valeurs et des droits fondamentaux protégés par le droit de l’Union doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits ainsi que d’une violation de l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012

103    La requérante soutient, nécessairement à titre subsidiaire quant à la seconde exception d’illégalité, que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits et violé l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, ainsi que l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, en adoptant les actes attaqués. D’une part, la requérante soutient que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits, dans les actes attaqués, en ce que, ainsi qu’il ressort des lettres des 10 octobre et 18 novembre 2013, il a présumé l’appui financier qu’elle aurait fourni au gouvernement iranien de ce qu’elle était une entreprise détenue majoritairement par le gouvernement iranien, alors que, comme cela a été indiqué dans la lettre du 31 octobre 2013, cette seule qualité ne l’amenait pas à fournir quelque appui que ce soit au gouvernement iranien. Sa mission serait uniquement une mission de service public consistant à fournir des services à ses clients et à la population iranienne et les profits éventuels qu’elle réalise pourraient être réinvestis afin d’étendre et d’améliorer ces services au bénéfice de ses clients. Elle aurait développé le nombre de ses agences bancaires en milieu rural. Selon la jurisprudence, il appartiendrait au Conseil de fournir les preuves des faits et des circonstances sur lesquels il se fonde pour imposer des mesures restrictives, afin que le juge de l’Union exerce son contrôle. Le Conseil aurait, notamment, dû établir qu’elle tirait des profits de ses activités et que ces derniers étaient reversés au budget de l’État ou du gouvernement iranien, ce qu’il n’aurait pas fait en l’espèce. D’autre part, la requérante soutient que le Conseil a violé l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, ainsi que l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, en adoptant les actes attaqués, en ce qu’il n’a pas établi l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre ses activités et la prolifération nucléaire. Ces dispositions, interprétées à la lumière de la jurisprudence, auraient imposé au Conseil de rapporter la preuve de l’existence d’un tel lien, ce qu’il n’aurait pas fait en l’espèce.

104    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du premier moyen.

105    En premier lieu, il convient d’examiner le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits qui aurait été commise par le Conseil, dans les actes attaqués, en ce que, ainsi qu’il ressortirait des lettres des 10 octobre et 18 novembre 2013, il aurait déduit l’appui financier fourni par la requérante au gouvernement iranien de sa qualité d’entreprise détenue majoritairement par le gouvernement iranien.

106    Ainsi qu’il a été rappelé au point 84 ci-dessus, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle complet de la légalité des décisions adoptant des mesures restrictives au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Au rang de ces droits fondamentaux figure, notamment, le droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 84 supra, EU:C:2013:775, point 59 et jurisprudence citée).

107    Le contrôle de la légalité des décisions adoptant des mesures restrictives n’est pas limité, comme semble le considérer la requérante, au seul contrôle de l’erreur manifeste.

108    L’effectivité du contrôle juridictionnel, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 84 supra, EU:C:2013:775, point 64 et jurisprudence citée).

109    Dans ce contexte, c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 84 supra, EU:C:2013:775, point 66 et jurisprudence citée).

110    Il convient cependant de rappeler que, aux fins d’apprécier le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre d’une personne visée par des mesures restrictives, telles des mesures de gel de fonds, le juge de l’Union peut se fonder sur l’ensemble des éléments qui lui ont été communiqués, tant à charge qu’à décharge, par les parties, le cas échéant au cours de la procédure judiciaire (voir, en ce sens, arrêts Commission e.a./Kadi, point 94 supra, EU:C:2013:518, points 123 et 137, et Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 84 supra, EU:C:2013:775, point 68). Le fait qu’un élément ait été communiqué en tant qu’élément à décharge par la personne visée par les mesures restrictives n’empêche pas que cet élément lui soit éventuellement opposé pour constater le bien-fondé des motifs sous-tendant les mesures restrictives prises à son égard (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Commission e.a./Kadi, point 94 supra, EU:C:2013:518, points 123 et 137 ; arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 84 supra, EU:C:2013:775, point 68 ; du 29 avril 2015, National Iranian Gas Company/Conseil, T‑9/13, sous pourvoi, EU:T:2015:236, points 163 et 164, et Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, Rec, sous pourvoi, EU:T:2015:235, points 182, 183 et 185).

111    C’est à la lumière de la jurisprudence citée aux points 106 à 110 ci-dessus qu’il y a lieu de vérifier si le Conseil a pu considérer à bon droit, lors de l’adoption des actes attaqués, que la requérante pouvait être visée par des mesures restrictives en application du critère litigieux.

112    En l’espèce, conformément à ce que le Conseil avait annoncé dans la lettre du 10 octobre 2013, les actes attaqués sont fondés sur un nouvel exposé des motifs, rédigé comme suit :

« Entreprise qui est détenue majoritairement par le gouvernement iranien et qui lui fournit un soutien financier ».

113    En outre, par la lettre du 18 novembre 2013, qui, ainsi qu’il ressort de la version non confidentielle du courriel produit par la requérante en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal (point 41 ci-dessus), a été communiquée à cette dernière par son avocat le 20 novembre 2013, le Conseil lui a transmis les précisions suivantes :

« En particulier, puisque [la requérante] est majoritairement détenue par le gouvernement iranien et est engagée dans des activités commerciales, le gouvernement iranien pourrait bénéficier des profits réalisés par [la requérante]. »

114    Enfin, en annexe à la lettre du 18 novembre 2013, et à la suite d’une demande formulée par la requérante dans la lettre du 31 octobre 2013, le Conseil a communiqué à cette dernière les documents du RELEX, du 19 septembre 2013, portant la référence MD 126/13 et, du 30 septembre 2013, portant les références MD 140/13 à 144/13 et correspondant à la saisie de pages issues du site de la requérante et qui étaient librement accessibles sur l’internet. Ces documents attestent que le gouvernement iranien, par l’intermédiaire du ministère de l’Économie et des finances iranien, détient une part majoritaire du capital de la requérante, même si les chiffres présentés dans ceux-ci varient entre 75 et 59 %.

115    L’ensemble de ces motifs et de ces éléments, qui ont été communiqués à la requérante en temps utile avant l’introduction du présent recours, le 29 janvier 2014, doivent être pris en considération, conformément à la jurisprudence citée au point 110 ci-dessus, aux fins d’apprécier si le Conseil a commis, en l’espèce, une erreur d’appréciation des faits en lui imposant des mesures restrictives sur le fondement du critère litigieux.

116    Il ressort des développements aux points 88, 92 et 93 ci-dessus que le Conseil peut légalement imposer des mesures restrictives à toute personne ou entité exerçant des activités qui, même si elles n’ont pas en tant que telles de lien, direct ou indirect, avec la prolifération nucléaire, sont cependant susceptibles de la favoriser, en fournissant au gouvernement iranien des ressources ou des facilités d’ordre matériel, financier ou logistique lui permettant, par leur importance quantitative ou qualitative, de poursuivre la prolifération nucléaire.

117    En l’espèce, la requérante ne conteste pas être majoritairement détenue par le gouvernement iranien. En réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal (point 40 ci-dessus), elle a d’ailleurs précisé que, au 16 novembre 2013, date à laquelle les actes attaqués avaient été publiés, cette participation était de 51 %. La requérante ne conteste pas davantage avoir réalisé des profits quantitativement importants dans l’exercice de ses activités commerciales. En réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal (point 40 ci-dessus), elle a ainsi indiqué avoir tiré de ses activités commerciales un profit d’un montant de 75 397 millions de rials iraniens (IRR) (soit près de 6 millions d’euros, au taux de change officiel publié sur le site de la Banque centrale iranienne sur l’internet, tel qu’en vigueur à la fin de l’année financière 2009) au titre de l’exercice financier allant du 20 mars 2008 au 20 mars 2009, d’un montant de 124 025 millions d’IRR (soit près de 9 millions d’euros, au taux de change officiel en vigueur à la fin de l’année financière 2010) au titre de l’exercice financier allant du 20 mars 2009 au 20 mars 2010, d’un montant de 204 123 millions d’IRR (soit près de 14 millions d’euros, au taux de change officiel en vigueur à la fin de l’année financière 2011) au titre de l’exercice allant du 20 mars 2010 au 20 mars 2011, d’un montant de 63 139 millions d’IRR (soit près de 4 millions d’euros, au taux de change officiel en vigueur à la fin de l’année financière 2012) au titre de l’exercice allant du 20 mars 2011 au 20 mars 2012 et d’un montant de 69 739 millions d’IRR (soit près de 4,5 millions d’euros, au taux de change officiel en vigueur à la fin de l’année financière 2013) au titre de l’exercice allant du 20 mars 2012 au 20 mars 2013.

118    En l’absence de contestation par la requérante, le Conseil n’était pas tenu d’apporter, conformément à la jurisprudence citée au point 109 ci-dessus, d’autres éléments de preuve que ceux relatifs au transfert des profits réalisés par la requérante au budget de l’État ou du gouvernement iranien ainsi que du caractère, qualitativement ou quantitativement important de l’appui financier ainsi apporté pour étayer, à cet égard, le bien-fondé des actes attaqués.

119    La requérante fait grief au Conseil d’avoir présumé qu’elle aurait reversé les profits réalisés dans l’exercice de ses activités commerciales au budget de l’État ou du gouvernement iranien. Le Conseil rétorque que la distribution des dividendes à l’actionnaire serait une conséquence résultant du droit des sociétés applicable à la requérante, sans plus de précision.

120    Il ressort cependant de l’article 29 des statuts de la requérante, versés par cette dernière au dossier de la présente affaire, que les membres du conseil d’administration de la requérante « sont choisis parmi les actionnaires par l’assemblée générale ordinaire » et que « tous peuvent être destitués ». Selon l’article 27 des statuts, au sein de l’assemblée générale des actionnaires, « les décisions sont prises à la majorité des voies, plus une » et « la majorité relative est requise pour sélectionner les administrateurs ». Ainsi, le gouvernement iranien, qui dispose toujours d’une majorité relative au sein de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires de la requérante exerce, en principe, un contrôle sur la nomination des membres du conseil d’administration de la requérante et, partant, sur les décisions prises par le conseil d’administration de cette dernière ainsi que sur les décisions prises au sein de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires de la requérante. Or, ainsi qu’il ressort respectivement des articles 39 et 20 des statuts, le conseil d’administration a compétence pour « proposer de distribuer les profits aux actionnaires » et l’assemblée générale ordinaire a compétence pour « approuver le montant des dividendes ». Par ce biais, comme le relève à juste titre le Conseil, soutenu par la Commission, le gouvernement iranien est en mesure d’obtenir qu’une part substantielle des profits réalisés par la requérante, dans le cadre de ses activités commerciales, lui soit transférée sous forme de distribution de dividendes.

121    La requérante ne conteste pas que les articles susmentionnés de ses statuts permettent au gouvernement iranien d’obtenir la distribution des profits réalisés, sous forme de dividendes, mais se contente d’observer que ces stipulations « n’imposent » pas une telle distribution et que le Conseil n’a pas démontré qu’une telle distribution était, en l’espèce, intervenue.

122    En l’espèce, il est exact que les statuts de la requérante n’imposent aucune obligation de distribution des dividendes. Il reste donc à apprécier si, en l’espèce, il existe des preuves ou des indices de ce qu’une telle distribution est effectivement intervenue et si celle-ci était de nature à fournir au gouvernement iranien un appui financier qualitativement ou quantitativement important.

123    En réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal (point 40 ci-dessus), la requérante a indiqué que les bénéfices réalisés auraient été, notamment, affectés à une augmentation de capital intervenue au cours de l’exercice financier 2014 (année financière 1393 dans le calendrier persan) et qu’ils n’auraient jamais été distribués sous forme de dividendes, pour diverses raisons comptables et juridiques. En outre, la requérante a fait valoir que « les articles 7, 8 et 10 de la loi iranienne sur l’usure (prêts sans intérêts) dispos[ai]ent que les bénéfices de la banque p[o]uv[ai]ent être utilisés autrement que par la redistribution ».

124    Premièrement, s’agissant des dispositions de la loi iranienne sur l’usure citées par la requérante, celles-ci figurent dans le chapitre de cette loi consacré aux « facilités bancaires ». Les financements envisagés dans celles-ci correspondent, en principe, à l’exercice même, par les banques, de leurs activités bancaires et non, comme le soutient la requérante, à des modalités d’affectation des profits qu’elles réalisent. En tout état de cause, la requérante ne prétend pas que ces modalités d’affectation seraient impératives de sorte qu’elles ne préjugent pas de la possibilité pour le gouvernement iranien, en tant qu’actionnaire majoritaire de la requérante, d’obtenir que les profits réalisés par celle-ci dans le cadre de ses activités commerciales lui soient transférés sous forme de distribution de dividendes.

125    Deuxièmement, s’agissant de la distribution des dividendes réalisés par la requérante et comme l’a souligné le Conseil lors de l’audience, il ressort des pièces transmises par la requérante en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal (point 40 ci-dessus) que, soit en application des statuts, soit en application d’une obligation légale incombant à la requérante, une part des profits réalisés par la requérante a été distribuée au gouvernement iranien, laquelle correspond au versement différé, en mars 2009, d’un montant de 4 036 millions d’IRR (soit près de 319 000 euros, au taux de change officiel en vigueur à la fin de l’année financière 2009) au titre de l’exercice financier 2007-2008, au versement immédiat d’un montant de 33 819 millions d’IRR (soit près de 2,7 millions d’euros, au taux de change officiel en vigueur à la fin de l’année financière 2009) au titre de l’exercice financier 2008-2009, et au versement différé, en mars 2011, d’un montant de 49 524 millions d’IRR (soit près de 3,4 millions d’euros, au taux de change officiel en vigueur à la fin de l’année financière 2011) au titre de l’exercice financier 2009-2010. En outre, il ressort de ces documents que des versements différés de dividendes ont été décidés, en mars 2011, pour un montant de 12 402 millions d’IRR (soit près de 844 000 euros, au taux de change officiel en vigueur à la fin de l’année financière 2011) au titre de l’exercice financier 2009-2010, en mars 2012, pour un montant de 12 402 millions d’IRR (soit près de 768 000 euros, au taux de change officiel en vigueur à la fin de l’année financière 2012) au titre de l’exercice financier 2008-2009, en mars 2013, pour un montant de 16 103 millions d’IRR (soit près de 1 million d’euros, au taux de change officiel en vigueur à la fin de l’année financière 2013) au titre des exercices financiers 2010-2011 et 2011-2012.

126    Au vu des montants constatés au point 125 ci-dessus, en particulier ceux rémunérant spécifiquement la part du gouvernement dans le capital de la requérante, qui, contrairement à ce que cette dernière a fait valoir lors de l’audience, sont loin d’être modiques, il y a lieu de conclure que le Conseil a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, constater que la requérante fournissait au gouvernement iranien des ressources financières, quantitativement importantes, lui permettant de poursuivre la prolifération nucléaire. Partant, le Conseil a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, appliquer le critère litigieux à la requérante dans les actes attaqués.

127    Il y a donc lieu de rejeter le grief tiré d’une erreur d’appréciation des faits comme étant non fondé.

128    En second lieu, il reste à examiner le grief pris d’une violation de l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, résultant de ce que, dans les actes attaqués, le Conseil n’aurait pas établi l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre les activités de la requérante et la prolifération nucléaire.

129    À cet égard, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort des points 88 et 92 ci-dessus, le critère litigieux n’impose pas au Conseil de démontrer que les activités propres à la personne ou à l’entité concernée ont, en tant que telles, un lien direct ou indirect avec la prolifération nucléaire. Il suffit, pour que ce critère soit applicable, que lesdites activités soient susceptibles de favoriser la prolifération nucléaire, en fournissant au gouvernement iranien des ressources ou des facilités d’ordre matériel, financier ou logistique lui permettant, par leur importance quantitative ou qualitative, de poursuivre ladite prolifération.

130    En conséquence, il convient de rejeter, comme étant non fondé, le grief pris d’une violation de l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, ainsi que de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012.

131    Partant, le premier moyen doit être intégralement rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, pris d’une violation des principes d’égalité et de non-discrimination ainsi que de bonne administration

132    La requérante soutient que, en adoptant les actes attaqués au seul motif qu’elle était une entreprise détenue majoritairement par le gouvernement iranien et qu’elle était engagée dans des activités commerciales, le Conseil a violé le principe d’égalité et de non-discrimination, tel que notamment consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, en ce qu’il l’a traitée de manière différente d’autres entreprises détenues majoritairement par le gouvernement iranien qui n’ont pas été soumises à des mesures restrictives. Dans la lettre du 18 novembre 2013, le Conseil aurait lui-même reconnu avoir choisi arbitrairement les entreprises soumises à des mesures restrictives au vu de la conception qu’il se faisait de l’impact que ces mesures devraient avoir dans le cadre des objectifs de la politique de l’Union. Dans ces écritures, le Conseil, soutenu par la Commission, n’aurait pas davantage expliqué les raisons pour lesquelles la requérante avait été traitée différemment d’autres sociétés publiques iraniennes. En agissant de la sorte, le Conseil aurait également violé le principe de bonne administration, qui lui imposait d’agir avec diligence et de bonne foi, en adoptant les actes attaqués de manière arbitraire et sans se conformer à la solution arrêtée par le Tribunal dans l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402).

133    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du deuxième moyen comme étant non fondé.

134    En l’espèce, la requérante a été reconnue, dans les actes attaqués, comme une personne apportant un appui financier au gouvernement iranien, en application du critère litigieux, et, ainsi qu’il ressort de l’examen du présent recours, elle n’a pas présenté de moyen de nature à remettre en cause le bien-fondé de ce constat.

135    Dans ces circonstances, même à supposer que le Conseil ait effectivement omis d’adopter des mesures de gel des fonds à l’égard de certaines personnes répondant au critère litigieux et d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents relatifs à ces personnes, cette circonstance ne pourrait être valablement invoquée par la requérante, dès lors que le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que celui de bonne administration doivent se concilier avec le principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 85 supra, EU:T:2009:401, point 59 et jurisprudence citée).

136    Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, fondé sur le caractère inapproprié de la motivation

137    La requérante soutient que, pour autant que les actes attaqués sont motivés par l’impact qu’ils devraient avoir dans le contexte des objectifs généraux de l’Union, ceux-ci sont fondés sur une motivation inappropriée et qui, comme telle, ne devait pas être prise en compte par le Tribunal, conformément à la jurisprudence. Le caractère inapproprié de cette motivation résulterait de ce qu’elle reposerait sur un critère vague et imprécis et de ce que, en substance, elle n’exposerait pas dans quelle mesure les actes attaqués devraient permettre de lutter efficacement contre la prolifération nucléaire.

138    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du troisième moyen comme étant non fondé.

139    Par le présent moyen, la requérante conteste, en substance, le bien-fondé de motifs, tirés de l’impact de mesures restrictives prises à son égard dans le contexte des objectifs généraux de l’Union, qui, selon elle, auraient été retenus par le Conseil dans les actes attaqués.

140    Or, comme l’observe à bon droit le Conseil, il ressort des lettres des 10 octobre et 18 novembre 2013 ainsi que des actes attaqués, eux-mêmes, que ces derniers ont été adoptés au seul motif que la requérante remplissait les conditions énoncées par le critère litigieux pour se voir imposer une mesure de gel des fonds (voir points 112 et 113 ci-dessus).

141    Par ailleurs, contrairement à ce que suppose la requérante, la référence, dans la lettre du 18 novembre 2013, à l’impact des actes attaqués dans le contexte des objectifs généraux de l’Union ne doit pas être comprise comme l’expression de ce que le Conseil aurait entendu appliquer à la requérante un critère supplémentaire, mais comme l’expression de ce que, en l’espèce, l’application du critère litigieux répondait aux objectifs généraux poursuivis par l’Union, lorsqu’elle a institué ce dernier critère.

142    Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

143    La requérante soutient que, en adoptant les actes attaqués, le Conseil a commis un détournement de pouvoir, dans la mesure où il a utilisé son pouvoir d’imposer des mesures restrictives à certaines personnes ou certaines entités de manière arbitraire et sans se conformer à la solution arrêtée par le Tribunal dans l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402), s’écartant ainsi de l’objectif pour lequel ledit pouvoir lui avait été conféré. À la suite de ce dernier arrêt, le Conseil aurait dû soit cesser de la soumettre à des mesures restrictives, soit, avant de maintenir de telles mesures, sur le fondement du critère litigieux, enquêter sur la réalité des accusations portées contre elle, sur ses activités commerciales effectives ainsi que sur le lien éventuel existant entre lesdites activités et la prolifération nucléaire. En fournissant un nouveau motif aux mesures restrictives, le Conseil aurait seulement cherché à contourner les effets résultant de l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402).

144    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du quatrième moyen comme étant non fondé.

145    Comme l’observe à bon droit le Conseil, il ressort des lettres des 10 octobre et 18 novembre 2013 ainsi que des actes attaqués eux-mêmes que ces derniers ont été adoptés au seul motif que la requérante remplissait les conditions énoncées par le critère litigieux pour se voir imposer une mesure de gel des fonds (voir points 112 et 113 ci-dessus). Ce dernier critère se distingue de celui, tiré de l’« aide apportée à une personne, à une entité ou à un organisme à enfreindre les mesures restrictives instituées à son égard ou à s’y soustraire », énoncé à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, à l’article 16, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 961/2010 et à l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012, que le Conseil a effectivement appliqué dans les actes annulés par l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402, point 96).

146    Contrairement à ce que suppose la requérante, en se fondant sur un nouveau critère, légalement adopté, justifiant l’imposition de mesures restrictives à son égard, le Conseil ne s’est donc pas soustrait à l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402), ni même à l’adoption d’une mesure qui aurait été imposée par ledit arrêt.

147    Par ailleurs, comme cela a déjà été observé au point 134 ci-dessus, il ressort de l’examen du présent recours que la requérante n’a pas présenté de moyen de nature à remettre en cause le bien-fondé des constatations, figurant dans les actes attaqués, selon lesquelles elle répond au critère litigieux, dans la mesure où elle fournit un appui financier au gouvernement iranien.

148    Par conséquent, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, pris d’une violation du principe du respect de la confiance légitime

149    La requérante soutient que, en adoptant les actes attaqués, le Conseil a violé le principe du respect de la confiance légitime, dans la mesure où il n’a pas tenu compte de la confiance qu’elle pouvait légitimement avoir, à la suite de l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402), dans le fait qu’elle ne serait plus soumise à des mesures restrictives ou, à tout le moins, pas sans que soit démontrée l’existence d’un lien éventuel entre ses activités commerciales et la prolifération nucléaire. En tout état de cause, au vu de l’accord conclu, le 24 novembre 2013, avec la République islamique d’Iran par la République populaire de Chine, la République française, la République fédérale d’Allemagne, la Fédération de Russie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et les États-Unis d’Amérique, avec le soutien du haut représentant de l’Union aux Affaires étrangères et à la politique de sécurité, sur un plan d’action conjoint qui définit une marche à suivre pour trouver une solution globale à long terme à la prolifération nucléaire et au vu des actes qui mettent en œuvre ledit plan, tels la décision 2014/21/PESC du Conseil, du 20 janvier 2014, modifiant la décision 2010/413 (JO L 15, p. 22), et le règlement 2014/42/UE du Conseil, du 20 janvier 2014, modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 15, p. 18), qui reposent sur le postulat que la République islamique d’Iran a mis un terme à la prolifération nucléaire et que certaines mesures restrictives prises à l’égard de cette dernière peuvent être levées, elle aurait légitimement pu s’attendre à ce que l’imposition de mesures restrictives ne puisse plus être justifiée par un appui financier fourni au gouvernement iranien.

150    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du cinquième moyen comme étant non fondé.

151    En réponse aux arguments du Conseil, soutenu par la Commission, la requérante fait valoir que les engagements clairs pris par la République islamique d’Iran au titre de la première étape du plan d’action conjoint équivalaient à un arrêt immédiat de la prolifération nucléaire et que les considérants 3 et suivants de la décision 2014/21 permettaient de penser que l’Union était elle-même convaincue que le respect de ces engagements équivalait à l’arrêt, par la République islamique d’Iran, de la prolifération nucléaire, comme cela a, ensuite, été confirmé par la déclaration n° 140120/02 du haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, du 20 janvier 2014, sur le plan d’action conjoint avec la République islamique d’Iran. Dès lors, après la mise en œuvre de la première étape du plan d’action conjoint, elle pouvait légitimement penser que de nouvelles mesures restrictives ne pourraient pas lui être imposées au seul motif qu’elle était une entreprise détenue majoritairement par le gouvernement iranien.

152    Au vu des conclusions tirées au point 145 ci-dessus, il y a lieu de constater que, comme le soutient à bon droit le Conseil, la requérante n’est pas fondée à prétendre qu’elle pouvait tirer une quelconque confiance légitime quant à l’application, à son égard, du critère litigieux du fait que les actes antérieurement adoptés par le Conseil avaient été annulés par l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402). En effet, ces derniers actes avaient été adoptés en application d’un critère différent, tiré de l’« aide apportée à une personne, à une entité ou à un organisme à enfreindre les mesures restrictives instituées à son égard ou à s’y soustraire », énoncé à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, à l’article 16, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 961/2010 et à l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012 (arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra, EU:T:2013:402, point 96).

153    En outre, ni l’accord conclu le 24 novembre 2013 ni ses actes de mise en œuvre ne contiennent d’assurances données par l’Union quant au fait qu’aucune nouvelle mesure de gel des fonds ne serait plus adoptée sur le fondement du critère litigieux. En effet, il ne ressort ni de l’accord conclu le 24 novembre 2013, ni de la décision 2014/21 ou du règlement 2014/42 que l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, et l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 auraient été supprimés ou même, seulement, que leur application aurait été suspendue. Les seules mesures restrictives dont la suspension, pour une durée de six mois, a été prévue par ces derniers actes sont des mesures distinctes du gel des fonds prévu à l’article 20 de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012. Ainsi, comme le soutient à bon droit le Conseil, la requérante n’est pas fondée à prétendre qu’elle pouvait tirer une quelconque confiance légitime quant à l’absence d’application, à son égard, du critère litigieux de l’accord conclu le 24 novembre 2013 et de ses actes de mise en œuvre.

154    Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le sixième moyen, pris d’une violation du principe de proportionnalité

155    La requérante soutient que, en adoptant les actes attaqués, le Conseil a violé le principe de proportionnalité visé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, dans la mesure où ces actes étaient manifestement inappropriés au vu de la solution arrêtée par le Tribunal dans l’arrêt Post Bank Iran/Conseil, point 26 supra (EU:T:2013:402), qui lui imposait, s’il voulait continuer de la soumettre à des mesures restrictives, d’établir l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre ses activités commerciales et la prolifération nucléaire. Faute d’avoir prouvé l’existence d’un tel lien, les mesures restrictives que le Conseil lui a imposées seraient disproportionnées, et ce d’autant plus que certaines mesures restrictives imposées à la République islamique d’Iran auraient déjà été levées par le règlement 2014/42.

156    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du sixième moyen.

157    Pour les raisons déjà exposées aux points 99 à 101 ci-dessus, le critère litigieux, sur le fondement duquel les actes attaqués ont été adoptés, ne peut être regardé comme portant atteinte au principe de proportionnalité.

158    Par ailleurs, comme cela a déjà été observé aux points 134 et 147 ci-dessus, il ressort de l’examen du présent recours que la requérante n’a pas présenté de moyen de nature à remettre en cause le bien-fondé des constatations, figurant dans les actes attaqués, selon lesquelles elle répond au critère litigieux, dans la mesure où elle fournit un appui financier au gouvernement iranien.

159    Dans ce contexte, il ne peut être considéré que les actes attaqués, qui appliquent le critère litigieux à la requérante, sont eux-mêmes disproportionnés.

160    Par conséquent, le sixième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

161    Partant, il y a lieu de rejeter intégralement le présent recours.

 Sur les dépens

162    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

163    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Post Bank Iran est condamnée aux dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran

Mesures restrictives visant la requérante

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur l’interprétation des conclusions de la requérante visant à ce que certaines dispositions lui soient déclarées inapplicables

Sur la recevabilité

Sur le fond

Sur la première exception d’illégalité, dirigée contre l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, tirée d’une violation de l’article 215 TFUE

Sur la seconde exception d’illégalité, dirigée contre l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, et contre l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, prise d’une violation des valeurs et des droits fondamentaux protégés par les articles 2 TUE, 21 TUE et 23 TUE ainsi que par la charte des droits fondamentaux

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits ainsi que d’une violation de l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012

Sur le deuxième moyen, pris d’une violation des principes d’égalité et de non-discrimination ainsi que de bonne administration

Sur le troisième moyen, fondé sur le caractère inapproprié de la motivation

Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

Sur le cinquième moyen, pris d’une violation du principe du respect de la confiance légitime

Sur le sixième moyen, pris d’une violation du principe de proportionnalité

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.