Language of document : ECLI:EU:T:2019:824

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

28 novembre 2019 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur les contributions ex ante pour 2016 – Recours en annulation – Affectation directe et individuelle – Recevabilité – Formes substantielles – Authentification de la décision – Procédure d’adoption de la décision – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑365/16,

Portigon AG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes D. Bliesener, V. Jungkind et F. Geber, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mes B. Meyring, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par Mme A. Steiblytė et M. K.-P. Wojcik, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la décision du CRU dans sa session exécutive du 15 avril 2016 sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2016/06) et, deuxièmement, de la décision du CRU dans sa session exécutive du 20 mai 2016 sur l’ajustement des contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique, complétant la décision du CRU dans sa session exécutive du 15 avril 2016 sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2016/13), en ce qu’elles concernent la requérante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva, MM. R. Barents, J. Passer (rapporteur) et G. De Baere, juges,

greffier : Mme N. Schall, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 février 2019,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre du second pilier de l’union bancaire, relatif au mécanisme de résolution unique (MRU), érigé par le règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1). L’instauration du MRU a pour but de renforcer l’intégration du cadre de résolution dans les États membres de la zone euro et les États membres qui ne font pas partie de la zone euro et qui choisissent de participer au mécanisme de surveillance unique (MSU) (ci-après les « États membres participants »).

2        Plus spécifiquement, cette affaire concerne le Fonds de résolution unique (FRU) instauré par l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 806/2014. Le FRU est financé par les contributions des établissements perçues au niveau national sous la forme, notamment, de contributions ex ante, en exécution de l’article 67, paragraphe 4, du même règlement. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, point 13 dudit règlement, la notion d’établissement vise un établissement de crédit ou une entreprise d’investissement couverte par la surveillance sur base consolidée conformément à l’article 2, sous c), du même règlement. Les contributions sont transférées au niveau de l’Union européenne conformément à l’accord intergouvernemental concernant le transfert et la mutualisation des contributions au FRU, signé à Bruxelles le 21 mai 2014 (ci-après l’« accord AIG »).

3        L’article 70 du règlement no 806/2014, intitulé « Contributions ex ante », dispose :

« 1. La contribution individuelle de chaque établissement est perçue au moins chaque année et est calculée proportionnellement au montant de son passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, rapporté au passif cumulé (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

2. Chaque année, le CRU, après consultation de la BCE ou de l’autorité compétente nationale et en étroite coopération avec les autorités de résolution nationales, calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible.

Chaque année, le calcul de la contribution de chaque établissement s’appuie sur :

a)       une contribution forfaitaire, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire des États membres participants ; et

b)       une contribution en fonction du profil de risque, fondée sur les critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59/UE, tenant compte du principe de proportionnalité, sans créer de distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres.

Le rapport entre la contribution forfaitaire et la contribution en fonction du profil de risque est défini avec le souci d’une répartition équilibrée des contributions entre les différents types de banques.

En tout état de cause, le cumul des contributions de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, calculées en vertu des points a) et b), ne dépasse pas annuellement 12,5 % du niveau cible.

[...]

6. Les actes délégués précisant la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements, adoptés par la Commission au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59/UE, s’appliquent.

7. Le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, adopte, dans le cadre des actes délégués visés au paragraphe 6, des actes d’exécution pour définir les conditions de la mise en œuvre des paragraphes 1, 2 et 3, notamment en ce qui concerne :

a)      l’application de la méthode de calcul des contributions individuelles ;

b)      les modalités pratiques de l’attribution aux établissements des facteurs de risque prévus dans les actes délégués. »

4        Le règlement no 806/2014 a été complété, en ce qui concerne lesdites contributions ex ante, par le règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au FRU (JO 2015, L 15, p. 1).

5        Par ailleurs, le règlement no 806/2014 et le règlement d’exécution 2015/81 procèdent par renvoi à certaines dispositions contenues dans deux autres actes :

–        d’une part, la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190) ;

–        d’autre part, le règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

6        Le Conseil de résolution unique (CRU) a été institué en tant qu’agence de l’Union (article 42 du règlement no 806/2014). Il comporte notamment une session plénière et une session exécutive (article 43, paragraphe 5, du règlement no 806/2014). Le CRU en session exécutive prend toutes les décisions pour mettre en œuvre le règlement no 806/2014, sauf disposition contraire dudit règlement [article 54, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014].

7        Par décision du 29 avril 2015 (SRB/PS/2015/8), le CRU en session plénière a adopté les règles de procédure du CRU en session exécutive (ci‑après les « RPSE »).

8        L’article 9, paragraphes 1 à 3, des RPSE dispose :

« 1. Les décisions peuvent aussi être prises par procédure écrite, sauf si au moins deux membres de la session exécutive mentionnés à l’article 3, paragraphe 1, participant à la procédure écrite, s’y opposent dans les premières 48 heures suivant l’engagement de cette procédure écrite. Dans ce cas, le sujet sera inscrit à l’ordre du jour de la prochaine session exécutive.

2. La procédure écrite requiert normalement pas moins de cinq jours ouvrables pour examen par chaque membre de la session exécutive. Si une action urgente est requise, le Président peut fixer une période plus courte pour l’adoption d’une décision par consensus. La raison du raccourcissement de la période sera donnée. 

3. Si le consensus n’est pas susceptible d’être atteint par le biais d’une procédure écrite, le Président peut initier une procédure de vote normale conformément à l’article 8. »

 Antécédents du litige

9        La requérante, Portigon AG, anciennement WestLB AG, est un établissement de crédit établi dans un État membre participant.

10      En 2009, il a été institué, au sein de l’autorité de résolution allemande, la Bundesanstalt für Finanzmarktstabilisierung (Office fédéral de stabilisation des marchés financiers, Allemagne, ci-après la « FMSA »), l’Erste Abwicklungsanstalt (première structure de défaisance, ci-après l’« EAA »), un établissement de droit public organiquement et économiquement autonome, à capacité juridique restreinte.

11      Le 20 décembre 2011, la Commission européenne a adopté la décision 2013/245/UE relative à l’aide d’État C 40/2009 et C 43/2008 en faveur de la restructuration de la WestLB AG (JO 2013, L 148, p. 1).

12      Dans le cadre de cette restructuration, une partie des secteurs d’activités et portefeuilles de la requérante (ci-après le « portefeuille de l’EAA ») ont été transférés à l’EAA. Une partie du portefeuille de l’EAA a fait l’objet d’une transmission réelle à l’EAA par voie de scission. Le reste du portefeuille de l’EAA, comprenant un portefeuille d’instruments dérivés de gré à gré, n’a pas fait l’objet d’une transmission réelle à l’EAA, mais uniquement d’un transfert économique (transfert synthétique). À cet égard, des conventions de sous-participation en liquide, de garantie ou de prise en charge des risques ont été conclues avec l’EAA.

 Déclaration de la requérante aux fins du calcul de sa contribution ex ante pour 2016

13      Le 28 janvier 2016, par le biais de l’application ExtraNet de la Deutsche Bundesbank (banque centrale d’Allemagne), la requérante a transmis à la FMSA sa déclaration aux fins de la contribution ex ante pour 2016.

14      Par lettre du même jour, la requérante a expliqué à la FMSA que, dans cette déclaration, le total du bilan selon les champs 2A 1 [total du passif] et 4A 17 [total de l’actif] n’incluait pas la valeur du bilan des actifs ou des passifs détenus par la requérante en qualité de mandataire fiduciaire, qui résultaient du portefeuille d’instruments dérivés de gré à gré, transférés synthétiquement à l’EAA. Dans le champ 4D 17 relatif à l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63, elle avait répondu par la négative, au motif qu’elle n’appartenait à aucun groupe ayant fait l’objet d’une réorganisation à la suite de la réception de fonds gouvernementaux ou comparables, comme un mécanisme de résolution de financement.

15      À la même lettre, « [p]ar souci de clarté, mais aussi pour éviter des estimations inutiles et surestimées », la requérante a joint en annexe (en format papier) une version alternative de sa déclaration, qui « devrait être conforme à l’avis juridique de la FMSA ».

16      Par courriel du 3 mars 2016, la FMSA a informé la requérante qu’elle avait examiné les problèmes soulevés dans sa lettre du 28 janvier 2016 et qu’elle « s’était concertée avec le CRU ». Selon la FMSA, il y avait lieu de déclarer dans les champs 2A 1 et 4A 17 l’ensemble des postes du bilan correspondant aux comptes annuels. S’agissant du champ 4D 17, la FMSA a indiqué que l’indicateur de risque mentionné à l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 était également applicable aux établissements n’appartenant à aucun groupe et, par conséquent, aussi à la requérante.

17      Par lettre du 9 mars 2016, la requérante a informé la FMSA qu’elle maintenait intégralement sa déclaration visée au point 13 ci-dessus.

 Première décision attaquée et avis de perception relatif à cette décision

18      Par décision du 15 avril 2016 sur les contributions ex ante pour 2016 au FRU (SRB/ES/SRF/2016/06) (ci-après la « première décision attaquée »), le CRU, dans sa session exécutive, a décidé, en vertu de l’article 54, paragraphe 1, sous b), et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, du montant de la contribution ex ante de chaque établissement, dont la requérante, pour l’année 2016.

19      L’annexe de cette décision comporte, dans un tableau, les montants des contributions ex ante pour 2016 de tous les établissements, ainsi qu’un certain nombre d’autres rubriques, intitulées notamment « Method (EA) » [méthode (zone euro)] et « Risk adjustment factor in the EA environment » (facteur d’ajustement en fonction du profil de risque dans le contexte de la zone euro).

20      Le même jour, le CRU a fourni aux autorités de résolution nationales (ci-après les « ARN ») une copie du fichier de données concernant les établissements situés sur les territoires respectifs relevant de leur compétence.

21      Par avis de perception du 22 avril 2016, reçu le 29 avril 2016, la FMSA, en sa qualité d’autorité de résolution allemande au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a informé la requérante que le CRU avait adopté sa contribution ex ante pour 2016 au FRU, et lui a indiqué le montant à payer (ci-après le « premier avis de perception »).

 Seconde décision attaquée et avis de perception relatif à cette décision

22      Par décision du 20 mai 2016 sur l’ajustement des contributions ex ante pour 2016 au FRU, complétant la première décision attaquée (SRB/ES/SRF/2016/13) (ci-après la « seconde décision attaquée »), le CRU a majoré la contribution de la requérante.

23      L’annexe de cette décision indique, pour chaque établissement, les montants initiaux des contributions ex ante pour 2016, les montants des contributions ex ante pour 2016 « after IPS impact » [après l’impact de l’indicateur concernant l’appartenance à un système de protection institutionnel] et la différence entre ces montants ainsi que, notamment, la méthode (zone euro) et le facteur d’ajustement en fonction du profil de risque dans le contexte de la zone euro.

24      Le 22 mai 2016, le CRU a fourni aux ARN une copie du fichier de données concernant les établissements situés sur les territoires respectifs relevant de leur compétence.

25      Par lettre du même jour, le CRU a informé les ARN des motifs de l’adoption de cette décision.

26      Par lettre du 23 mai 2016, la FMSA a informé le Bundesverband Öffentlicher Banken Deutschlands e.V. (Association fédérale des banques publiques allemandes, Allemagne) de la nécessité de rectifier le calcul initial des contributions ex ante pour 2016 et des raisons sous-tendant cette nécessité. Ladite association a transmis cette lettre à la requérante.

27      Par avis de perception du 10 juin 2016, reçu le 13 juin 2016, la FMSA a enjoint à la requérante d’acquitter le montant de la majoration visée au point 22 ci-dessus (ci-après le « second avis de perception »).

 Demande de la requérante d’accès aux documents

28      Par lettre du 22 juin 2016, la requérante a sollicité, auprès du CRU, l’accès aux documents suivants :

–        la décision du CRU statuant sur son obligation de contribution ;

–        la décision du CRU relative au calcul des contributions ex ante au FRU pour 2016 à percevoir sur elle ;

–        la décision portant modification du calcul des contributions précitées.

29      Par lettre du 3 août 2016, le CRU a mis à la disposition de la requérante une copie des première et seconde décisions attaquées (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») dont les annexes n’ont été produites que dans la mesure où elles concernaient la requérante, une copie du fichier de données concernant la requérante et des copies des décisions suivantes :

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 14 septembre 2015 sur la définition du pilier « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution » (SRB/ES/SRF/2015/00) ;

–        décision du CRU dans sa session plénière du 30 septembre 2015 sur le formulaire de déclaration pour contributions de 2016 (SRB/PS/SRF/2015/01) ;

–        décision du CRU dans sa session plénière du 23 octobre 2015 sur la modification du formulaire de déclaration pour contributions de 2016 (SRB/PS/SRF/2015/02) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 30 novembre 2015 sur les règles communes pour le calcul des contributions ex ante de 2016 au FRU en ce qui concerne la discrétisation dans l’étape 2 (SRB/ES/SRF/2015/03) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 30 novembre 2015 sur les garanties additionnelles entourant les données fournies pour le calcul des contributions ex ante de 2016 au FRU (SRB/ES/SRF/2015/04) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 30 novembre 2015 sur les règles communes pour le calcul des contributions ex ante de 2016 au FRU en ce qui concerne la date de référence des aides d’État (SRB/ES/SRF/2015/05) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 24 février 2016 sur le traitement des données manquantes après fourniture des ensembles de données finales (SRB/ES/SRF/2016/00/A) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 10 mars 2016 sur le niveau cible du FRU pour 2016 (SRB/ES/SRF/2016/01) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 10 mars 2016 sur la déduction des contributions ex ante de 2015 des contributions ex ante de 2016 (SRB/ES/SRF/2016/03) ;

–        décision du CRU dans sa session exécutive du 6 avril 2016 sur la modification du formulaire de déclaration pour contributions de 2016 (SRB/ES/SRF/2016/04) ;

–        décision adoptée par le CRU dans sa session exécutive du 6 avril 2016 sur la modification du traitement des données manquantes après fourniture des ensembles de données finales (SRB/ES/SRF/2016/05/A).

 Procédure et conclusions des parties

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 juillet 2016, la requérante a introduit le présent recours.

31      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 novembre 2016, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du CRU.

32      Par décision du 10 janvier 2017, le président de la huitième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de la Commission.

33      Par une première mesure d’organisation de la procédure adoptée le 9 octobre 2017 au titre de l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier a invité le CRU à produire la copie intégrale de l’original des décisions attaquées, en ce compris leurs annexes.

34      Par acte du 26 octobre 2017, le CRU a indiqué ne pas pouvoir déférer à la mesure d’organisation de la procédure adoptée le 9 octobre 2017, évoquant notamment le caractère confidentiel des données contenues dans les annexes des décisions attaquées.

35      Par ordonnance de mesures d’instruction du 14 décembre 2017 (ci-après la « première ordonnance »), le Tribunal a ordonné au CRU, sur le fondement, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, ainsi que de l’article 103 du règlement de procédure, la production, en versions non confidentielle et confidentielle, de la copie intégrale de l’original des décisions attaquées, en ce compris leurs annexes respectives.

36      Par acte du 15 janvier 2018, le CRU a répondu à la première ordonnance et a produit, en versions non confidentielle et confidentielle, quatre documents, deux documents pour la première décision attaquée et deux documents pour la seconde décision attaquée, correspondant pour chacune, premièrement, s’agissant du texte de la décision attaquée, à un document de deux pages se présentant sous la forme d’une reconnaissance par scanner, au format PDF, d’un document papier signé et, deuxièmement, à un document se présentant sous la forme d’une génération numérique, au format PDF, de données numériques et constituant l’annexe de la décision en cause.

37      Au vu de la réponse du CRU à la première ordonnance, le Tribunal a adopté, le 12 mars 2018, une deuxième mesure d’organisation de la procédure et a invité le CRU, premièrement, à clarifier le format des annexes au moment de l’adoption des décisions attaquées, deuxièmement, dans le cas où ces annexes auraient été présentées sous format numérique, à s’expliquer et à fournir tous les éléments techniques d’authentification nécessaires pour prouver que la génération PDF de données numériques produite devant le Tribunal correspond à ce qui fut concrètement présenté à la signature et adopté par le CRU, dans sa session exécutive, lors de ses réunions des 15 avril et 20 mai 2016, et, troisièmement, à déposer ses observations sur la question de l’existence juridique des décisions attaquées et la question du respect des formes substantielles.

38      Par acte du 27 mars 2018, le CRU a répondu à la deuxième mesure d’organisation de la procédure. S’agissant de la deuxième demande mentionnée au point 37 ci-dessus, le CRU a indiqué ne pas pouvoir y déférer en raison de la confidentialité de certains documents qu’il devrait produire et a sollicité l’adoption d’une mesure d’instruction.

39      Le 2 mai 2018, le Tribunal a adopté une nouvelle ordonnance de mesures d’instruction, ordonnant au CRU de déférer à la deuxième demande figurant dans la mesure d’organisation de la procédure du 12 mars 2018 (ci-après la « deuxième ordonnance »).

40      Par acte du 18 mai 2018, régularisé le 29 juin 2018, le CRU a déféré à la deuxième ordonnance et a produit, en versions confidentielle et non confidentielle, un document intitulé « Informations techniques sur l’identification », le texte de quatre courriels du CRU datés des 13 avril 2016 à 17 h 41, 15 avril 2016 à 19 h 04 et à 20 h 06, et 19 mai 2016 à 21 h 25, ainsi qu’une clé USB comportant deux fichiers au format XLSX et deux fichiers au format TXT.

41      Par décision du 11 juillet 2018, à la suite de l’examen prévu à l’article 103, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal a retiré du dossier les versions confidentielles des documents produits par le CRU en réponse aux première et deuxième ordonnances, à l’exception de fichiers au format TXT figurant sur les clés USB produites le 18 mai 2018 par le CRU et ne comportant aucune information confidentielle, lesquels fichiers ont été versés au dossier en format papier.

42      Le 11 juillet 2018, par une troisième mesure d’organisation de la procédure adoptée au titre de l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité la requérante et la Commission à déposer leurs observations sur les réponses du CRU aux mesures d’organisation de la procédure et d’instruction visées aux points 33, 35, 37 et 39 ci-dessus.

43      Le 12 juillet 2018, la requérante a soulevé un moyen nouveau.

44      Les 27 et 30 juillet 2018, la Commission et la requérante ont respectivement déposé leurs observations sur les réponses du CRU aux mesures d’organisation de la procédure et d’instruction visées aux points 33, 35, 37 et 39 ci-dessus.

45      Par lettre du 17 août 2018, le CRU a déposé ses observations quant au moyen nouveau soulevé par la requérante.

46      Sur proposition de la huitième chambre du Tribunal, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

47      Le 19 novembre 2018, par une quatrième mesure d’organisation de la procédure adoptée au titre de l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité le CRU à apporter des précisions sur la manière dont il avait été associé à la discussion entre la FMSA et la requérante, relative à la déclaration de cette dernière aux fins du calcul de sa contribution ex ante pour 2016, et a invité les parties à répondre à certaines questions et à préciser davantage, lors de l’audience, leur position s’agissant du respect, par le CRU, de l’obligation de motivation des décisions attaquées.

48      Les 3 et 4 décembre 2018, les parties ont déféré à cette demande.

49      Par ordonnance du 20 décembre 2018, le Tribunal a ordonné au CRU la production, en versions non confidentielle et confidentielle, des copies des courriels échangés entre le CRU et la FMSA portant sur la discussion entre cette dernière et la requérante relative à la déclaration de celle-ci aux fins du calcul de sa contribution ex ante pour 2016, mentionnés dans la réponse du CRU à la lettre du Tribunal du 19 novembre 2018.

50      Le 10 janvier 2019, le CRU a déféré à cette ordonnance.

51      Par décision du 24 janvier 2019, à la suite de l’examen prévu à l’article 103, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal a retiré du dossier les versions confidentielles des copies des courriels produits par le CRU.

52      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner le CRU aux dépens.

53      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, alternativement, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

54      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

55      Selon le CRU, les décisions attaquées ne produisent pas d’effets juridiques à l’égard des tiers et, en tout état de cause, à l’égard de la requérante.

56      En effet, l’approbation des montants des contributions ex ante par le CRU dans sa session exécutive ne créerait aucune obligation pour les établissements, celle-ci ne naissant que si, et lorsque, l’ARN compétente produit un acte juridique en vertu du droit national. Ainsi, les décisions attaquées ne mettraient pas fin à la procédure, celle-ci n’étant finalisée que lorsque les ARN perçoivent les contributions des établissements relevant de leur juridiction respective.

57      De même, le calcul des contributions ex ante par le CRU n’affecterait pas directement la situation juridique des établissements, ceux-ci étant seulement directement affectés lorsque les ARN collectent les contributions.

58      Dès lors, il appartiendrait à la requérante de contester les avis de perception de la FMSA devant les juridictions nationales qui pourraient éventuellement saisir la Cour des questions préjudicielles relatives à la validité ou à l’interprétation des décisions du CRU.

59      Même si l’on comparait le système des contributions ex ante au système des aides d’État, la jurisprudence récente dans cette matière conforterait l’argument du CRU selon lequel le présent recours n’est pas recevable. En effet, la Cour aurait estimé que, lorsqu’une décision concernant une aide d’État est adressée uniquement à un État membre (c’est-à-dire une décision n’étant pas obligatoire à l’égard d’autres personnes) et que celle-ci ne définit pas les conséquences qu’elle engendre à l’égard des tiers (conséquences qui se matérialiseront dans des actes administratifs), une requête en annulation à son égard est irrecevable.

60      La requérante conteste ces arguments.

61      Selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

62      Ainsi, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE limite les recours en annulation formés par une personne physique ou morale à trois catégories d’actes, à savoir, premièrement, les actes dont elle est le destinataire, deuxièmement, les actes dont elle n’est pas le destinataire et qui la concernent directement et individuellement et, troisièmement, les actes réglementaires dont elle n’est pas le destinataire, qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution (voir ordonnance du 10 décembre 2013, von Storch e.a./BCE, T‑492/12, non publiée, EU:T:2013:702, point 29 et jurisprudence citée).

63      S’agissant de la condition prévue à l’article 263, premier alinéa, TFUE, il ressort d’une jurisprudence constante que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet  d’un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir ordonnance du 21 avril 2016, Borde et Carbonium/Commission, C‑279/15 P, non publiée, EU:C:2016:297, point 37 et jurisprudence citée).

64      Par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (voir ordonnance du 9 mars 2016, Port autonome du Centre et de l’Ouest e.a./Commission, T‑438/15, EU:T:2016:142, point 20 et jurisprudence citée).

65      En outre, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’un recours en annulation est introduit par une partie requérante non privilégiée contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, l’exigence selon laquelle les effets juridiques obligatoires de la mesure attaquée doivent être de nature à affecter les intérêts de cette partie, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci, se chevauche avec les conditions posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir ordonnance du 6 mars 2014, Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development/Commission, C‑248/12 P, non publiée, EU:C:2014:137, point 33 et jurisprudence citée).

66      À cet égard, il est de jurisprudence constante, d’une part, qu’une personne physique ou morale autre que le destinataire d’une décision ne saurait prétendre être concernée individuellement par celle-ci que si la décision l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, et du 2 avril 1998, Greenpeace Council e.a./Commission, C‑321/95 P, EU:C:1998:153, points 7 et 28).

67      D’autre part, il est de jurisprudence constante, que la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours requiert que la mesure contestée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission, C‑15/06 P, EU:C:2007:183, point 31 et jurisprudence citée).

68      Or, il ressort de la jurisprudence que même lorsque l’acte contesté, pour produire des effets sur la situation juridique des particuliers, implique nécessairement que des mesures d’exécution soient adoptées, la condition d’affectation directe est néanmoins regardée comme étant remplie si cet acte impose des obligations à son destinataire pour son exécution et si ce destinataire est tenu, de manière automatique, d’adopter des mesures qui modifient la situation juridique du requérant (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2015, Federcoopesca e.a./Commission, T‑312/14, EU:T:2015:472, point 38 et jurisprudence citée).

69      En effet, comme l’a rappelé M. l’avocat général Wathelet dans ses conclusions dans l’affaire Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2013:335, point 68 et jurisprudence citée), l’absence de marge de manœuvre des États membres annihile l’absence apparente de lien direct entre un acte de l’Union et le justiciable. En d’autres termes, pour empêcher l’affectation directe, la marge d’appréciation de l’auteur de l’acte intermédiaire visant à mettre en œuvre l’acte de l’Union ne peut être purement formelle. Elle doit être la source de l’affectation juridique du requérant.

70      En l’espèce, en premier lieu, il ressort de la réglementation applicable et, en particulier, de l’article 54, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, ainsi que de l’article 70, paragraphe 2, du même règlement, que tant l’auteur concret du calcul des contributions individuelles que l’auteur de la décision approuvant ces contributions est le CRU. La circonstance qu’il existe une coopération entre le CRU et les ARN ne modifie pas cette constatation (ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU, T‑494/17, EU:T:2018:804, point 27).

71      En effet, seul le CRU est doté de la compétence de calculer, « après consultation de la BCE ou de l’autorité compétente nationale et en étroite coopération avec les [ARN] », les contributions ex ante des établissements (article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014). Par ailleurs, les ARN ont une obligation découlant du droit de l’Union de percevoir lesdites contributions telles qu’établies par la décision du CRU (article 67, paragraphe 4, du règlement no 806/2014).

72      Les décisions du CRU établissant, en vertu de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, les contributions ex ante revêtent donc un caractère définitif.

73      Par conséquent, les décisions attaquées ne sauraient être qualifiées de mesures de nature purement préparatoire ou de mesures intermédiaires, dès lors qu’elles fixent définitivement la position de l’institution du CRU, au terme de la procédure, sur les contributions.

74      En second lieu, il convient de relever que, quelles que soient les variations terminologiques existant entre les versions linguistiques de l’article 5 du règlement d’exécution 2015/81, les organes auxquels le CRU, auteur de la décision fixant les contributions ex ante, adresse celle-ci sont les ARN et non les établissements. Les ARN sont, de fait et en exécution de la réglementation applicable, les seuls organes à qui l’auteur de la décision en cause est tenu d’envoyer celle-ci et, donc, en dernière analyse, les destinataires de cette décision au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU, T‑494/17, EU:T:2018:804, point 28).

75      Le constat que les ARN ont la qualité de destinataires de la décision du CRU au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE est d’ailleurs corroboré par le fait qu’elles sont, dans le système mis en place par le règlement no 806/2014 et conformément à l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement, chargées de la collecte des contributions individuelles décidées par le CRU auprès des établissements (ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU, T‑494/17, EU:T:2018:804, point 29).

76      Si les établissements ne sont donc pas destinataires des décisions attaquées, ils sont toutefois individuellement et directement concernés par ces décisions, dans la mesure où elles les atteignent en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire et où elles produisent directement des effets sur leur situation juridique et ne laissent aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre.

77      À cet égard, d’une part, les décisions attaquées mentionnent nommément chacun des établissements et fixent ou, dans le cas de la seconde décision attaquée, ajustent sa contribution individuelle. Il s’ensuit que les établissements, dont fait partie la requérante, sont individuellement concernés par les décisions attaquées.

78      D’autre part, s’agissant de l’affectation directe, il convient de relever que les ARN, chargées de la mise en œuvre des décisions attaquées, ne disposent d’aucune marge d’appréciation concernant les montants des contributions individuelles déterminées dans ces décisions. Les ARN ne peuvent, en particulier, pas modifier ces montants et elles sont tenues de les collecter auprès des établissements concernés.

79      Par ailleurs, s’agissant de la référence opérée par le CRU à l’accord AIG pour contester l’affectation directe de la requérante, il convient de relever que cet accord ne concerne pas la collecte par les ARN des contributions ex ante pour 2016 auprès des établissements, mais seulement le transfert de ces contributions au FRU.

80      En effet, comme cela ressort des dispositions du règlement no 806/2014 (voir considérant 20 et article 67, paragraphe 4, dudit règlement) et de l’accord AIG [voir considérant 7, article 1er, sous a), et article 3 de l’accord AIG], la collecte des contributions est opérée en vertu du droit de l’Union (à savoir la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014), tandis que le transfert de ces contributions au FRU est opéré en vertu de l’accord AIG.

81      Ainsi, quand bien même l’obligation juridique des établissements à la libération, sur les comptes indiqués par les ARN, des sommes dues au titre de leurs contributions ex ante, requiert l’adoption d’actes nationaux de la part des ARN, il n’en reste pas moins que ces établissements restent directement concernés par les décisions du CRU ayant fixé le montant de leurs contributions individuelles.

82      Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante est individuellement et directement concernée par les décisions attaquées.

83      Compte tenu des considérations qui précèdent, l’exception soulevée par le CRU tendant à ce que le Tribunal rejette le recours comme irrecevable doit être rejetée.

 Sur le fond

84      À l’appui de son recours, la requérante soulève huit moyens. À titre principal, elle soutient, en substance, que le CRU aurait dû l’exclure de l’obligation d’acquitter une contribution ex ante (premier et deuxième moyens). À titre subsidiaire, elle prétend que, en tout état de cause, le CRU aurait dû, premièrement, exclure des passifs retenus pour la perception de la contribution le portefeuille d’instruments dérivés de gré à gré visé au point 12 ci-dessus (troisième moyen), deuxièmement, prendre en considération une valeur nette et non une valeur brute de ses contrats sur instruments dérivés de gré à gré (quatrième moyen) et, troisièmement, considérer qu’elle n’est pas un établissement en restructuration (cinquième moyen). En outre, elle fait valoir une violation, par le CRU, du droit d’être entendu (sixième moyen), de l’obligation de motivation (septième moyen) et de règles de procédure (moyen nouveau).

85      En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord la question de l’authentification des décisions attaquées, qui a pour but d’assurer la sécurité juridique en figeant le texte adopté par l’auteur de l’acte et constitue une forme substantielle (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, points 75 et 76, et du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, points 40 et 41) dont la violation constitue un moyen d’ordre public, qui doit être relevé d’office par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2013, Hongrie/Commission, T‑240/10, EU:T:2013:645, point 70 et jurisprudence citée).

 Sur l’authentification des décisions attaquées

86      Il convient de rappeler que la Cour a jugé que, l’élément intellectuel et l’élément formel constituant un tout indissociable, la mise en forme écrite de l’acte est l’expression nécessaire de la volonté de l’autorité qui l’adopte (arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 70, et du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 38).

87      La Cour a également jugé que la violation d’une forme substantielle est constituée par le seul défaut d’authentification de l’acte, sans qu’il soit nécessaire d’établir, en outre, que l’acte est affecté d’un autre vice ou que l’absence d’authentification a causé un préjudice à celui qui l’invoque (arrêt du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 42).

88      Le contrôle du respect de la formalité de l’authentification et, ainsi, du caractère certain de l’acte est un préalable à tout autre contrôle tel que celui de la compétence de l’auteur de l’acte, du respect du principe de la collégialité ou encore celui du respect de l’obligation de motiver les actes (arrêt du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 46).

89      Si le juge de l’Union constate, à l’examen de l’acte produit devant lui, que ce dernier n’a pas été régulièrement authentifié, il lui appartient de soulever d’office le moyen tiré de la violation d’une forme substantielle consistant en un défaut d’authentification régulière et d’annuler, en conséquence, l’acte entaché d’un tel vice (arrêt du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 51).

90      Il importe peu, à cet égard, que l’absence d’authentification n’ait causé aucun préjudice à l’une des parties au litige. En effet, l’authentification des actes est une forme substantielle au sens de l’article 263 TFUE, essentielle à la sécurité juridique, dont la violation entraîne l’annulation de l’acte vicié, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un tel préjudice (arrêt du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 52 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T‑54/14, EU:T:2016:455, point 47).

91      En l’espèce, en réponse à la première ordonnance, lui enjoignant de produire la copie intégrale de l’original des décisions attaquées en ce compris leurs annexes uniques, le CRU a produit, le 15 janvier 2018, pour chaque décision, s’agissant de son texte, un document de deux pages se présentant sous la forme d’une reconnaissance par scanner, au format PDF, d’un document papier signé, ce qui permettait alors de penser que ces pages étaient bien des copies d’original, c’est-à-dire des copies du document qui fut formellement présenté à la signature et adopté par le CRU dans sa session exécutive. Le CRU n’a produit aucune copie d’original s’agissant des annexes aux décisions attaquées, mais seulement, pour chaque décision, un document se présentant sous la forme d’une génération numérique au format PDF de données numériques, dépourvu d’éléments permettant de garantir son authenticité.

92      Par une deuxième mesure d’organisation de la procédure, puis par la deuxième ordonnance, le Tribunal a demandé au CRU de clarifier le format des annexes au moment de l’adoption des décisions attaquées et, dans le cas où ces annexes auraient été présentées sous format numérique, de s’expliquer et de fournir tous les éléments techniques d’authentification nécessaires pour prouver que les documents, générés au format PDF, produits devant le Tribunal, correspondaient à ce qui avait été concrètement présenté à la signature et adopté par le CRU, dans sa session exécutive, lors de ses réunions du 15 avril 2016 et du 20 mai 2016. Le Tribunal a également demandé au CRU de déposer ses observations sur la question de l’existence juridique des décisions attaquées ainsi que sur celle du respect des formes substantielles.

93      Dans ses réponses du 27 mars et du 18 mai 2018 à la deuxième mesure d’organisation de la procédure et à la deuxième ordonnance, le CRU a fait valoir, pour la première fois, que les décisions attaquées avaient été adoptées non lors de réunions des membres de la session exécutive du CRU, mais par la voie de la procédure écrite, en format électronique, conformément à l’article 7, paragraphe 5 des RPSE – selon lequel toute communication et documents pertinents pour la session exécutive doivent, en principe, s’effectuer électroniquement, dans le respect des règles de confidentialité, conformément à l’article 15 des RPSE – et à l’article 9 des RPSE.

94      En particulier, s’agissant de la procédure d’adoption de la première décision attaquée, il ressort du dossier que, par courriel du 13 avril 2016 expédié à 17 h 41 par le CRU aux membres de la session exécutive et comportant trois pièces jointes, dont un document au format PDF intitulé « Memorandum2_Final results.pdf », l’approbation formelle des contributions ex ante pour 2016 a été demandée à la session exécutive du CRU, pour le 15 avril 2016 à 12 heures.

95      Par courriel du 15 avril 2016 envoyé à 19 h 04, le CRU a indiqué qu’une erreur avait été commise dans le calcul des contributions, a annoncé l’envoi d’une version amendée d’un document intitulé « Memorandum 2 » et a mentionné que, sauf objection des destinataires, l’approbation déjà donnée serait comprise comme couvrant également les montants corrigés.

96      Par courriel du 15 avril 2016 expédié à 20 h 06, le document annoncé a été envoyé au format XLSX, sous la dénomination « Final results15042016.xlsx ».

97      En ce qui concerne la procédure d’adoption de la seconde décision attaquée, le CRU a précisé que, le 19 mai 2016 à 21 h 25, il avait envoyé un courriel aux membres de la session exécutive pour débuter une procédure écrite, demandant l’approbation de l’ajustement des résultats du calcul des contributions ex ante 2016, et comportant, en annexe, un fichier au format XLSX dénommé « Delta » représentant les résultats des calculs ajustés. L’approbation a été demandée – « en raison de l’urgence du cas » – pour le 20 mai 2016 à 17 heures.

98      Enfin, le CRU a affirmé, lors de l’audience, que les instrumenta des décisions attaquées avaient été signés électroniquement par la présidente du CRU.

99      Force est toutefois de constater que le CRU, loin d’apporter ni même de proposer d’apporter la preuve d’une telle affirmation, consistant, en principe, dans la production des instrumenta numériques et des certificats de signature électronique en garantissant l’authenticité, produit des éléments qui, en réalité, contredisent cette affirmation.

100    En effet, s’agissant du texte des décisions attaquées, le CRU produit des documents PDF comportant en dernière page une apparence de signature manuscrite qui semble avoir été apposée par le « copier-coller » d’un fichier image, et dépourvus de certificats de signature électronique.

101    Quant aux annexes des décisions attaquées, qui comportent les montants respectivement des contributions et de leurs ajustements et qui constituent, ce faisant, un élément essentiel des décisions, elles ne comportent, elles non plus, aucune signature électronique, alors même qu’elles ne sont nullement liées de manière indissociable au texte des décisions attaquées.

102    Pour établir l’authenticité des annexes des décisions attaquées, le CRU a produit, en réponse à la seconde ordonnance, des documents en format TXT visant à établir l’identité des valeurs de hachage (hash value) de ces annexes avec les valeurs de hachage relevées pour les documents de format XLSX joints respectivement au courriel du 15 avril 2016 envoyé à 20 h 06 et au courriel du 19 mai 2016 expédié à 21 h 25.

103    Toutefois, il convient d’observer que, afin de prouver que les annexes des décisions attaquées avaient fait l’objet d’une signature électronique, tel que cela est soutenu par le CRU (voir point 98 ci-dessus), ce dernier aurait dû produire des certificats de signature électronique liés à ces annexes et non des documents TXT contenant une valeur de hachage. La production de tels documents TXT laisse supposer que le CRU n’était pas en possession de certificats de signature électronique et que les annexes des décisions attaquées n’ont donc, à l’inverse de ce qu’il affirme, pas fait l’objet d’une signature électronique.

104    En outre, les documents en format TXT produits par le CRU ne sont nullement liés, de manière objective et indissociable, aux annexes en cause.

105    Enfin, il convient de relever, à titre surabondant, que l’authentification requise n’est de toute manière pas celle des projets transmis pour approbation par courriel du 15 avril 2016 envoyé à 20 h 06 et par courriel du 19 mai 2016 expédié à 21 h 25, mais celle des instrumenta censés avoir été constitués postérieurement à cette approbation. En effet, ce n’est qu’à la suite de l’approbation que l’instrumentum est constitué et authentifié par l’apposition d’une signature.

106    Il résulte des considérations qui précèdent que l’exigence d’authentification des décisions attaquées n’est pas satisfaite.

107    Au-delà de ces constatations concernant le défaut d’authentification des décisions attaquées, lequel commande à lui seul, selon la jurisprudence rappelée aux points 87 à 90 ci-dessus, l’annulation des décisions attaquées, le Tribunal estime approprié d’examiner également, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le moyen nouveau – qui se fonde sur des éléments de fait révélés pendant la procédure et qui a été produit par la requérante conformément à l’article 84, paragraphe 2, du règlement de procédure – et le septième moyen.

 Sur le moyen nouveau, tiré d’une violation des règles procédurales relatives à l’adoption des décisions attaquées

108    Selon la requérante, le CRU a adopté les décisions attaquées en violation des exigences procédurales générales, découlant de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 298 TFUE et des principes généraux du droit, ainsi que des RPSE.

109    Tout d’abord, la requérante fait valoir que, dans la mesure où elle défend un point de vue juridique différent de celui du CRU à propos de son obligation contributive et du montant de sa contribution (voir points 13 à 17 ci-dessus), le CRU aurait dû porter son point de vue à la connaissance des membres de la session exécutive. Toutefois, le CRU n’aurait communiqué à cette dernière que les résultats des calculs des contributions.

110    Ensuite, les décisions attaquées auraient été adoptées dans un délai inférieur à la durée minimale fixée pour la procédure écrite. En effet, la durée de la première procédure d’adoption de la première décision attaquée aurait été inférieure à 48 heures et les membres de la session exécutive n’auraient disposé que de quelques heures lors de la seconde procédure d’adoption de ladite décision. Dans les deux cas, le CRU n’aurait pas justifié de la nécessité de délais aussi brefs. La seconde décision attaquée aurait été également précédée d’une procédure écrite trop brève, à savoir d’une durée de 19 heures environ. Le secrétariat aurait motivé la brièveté du délai par une référence générique à l’urgence, qu’il n’aurait cependant pas explicitée. Le CRU aurait donc violé les dispositions de l’article 9, paragraphes 1 et 2, des RPSE.

111    Enfin, la seconde procédure d’adoption de la première décision attaquée violerait, de surcroît, l’article 9, paragraphe 3, des RPSE. Cette disposition impliquerait l’adoption à l’unanimité, les absentions n’étant pas prises en considération. En tout état de cause, la durée de la seconde procédure d’adoption de la première décision attaquée serait beaucoup trop courte. En effet, compte tenu de la tardiveté de la transmission et du délai de réaction extrêmement court, le secrétariat du CRU ne pourrait pas être certain que tous les membres de la session exécutive avaient eu connaissance de la décision ni de la nécessité de manifester activement un désaccord.

112    Le CRU conteste ces arguments.

113    En premier lieu, il fait valoir que le droit à une bonne administration n’implique pas que les membres de l’organe de décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme doivent examiner personnellement tous les éléments de fait et de droit qui sont liés, d’une quelconque façon, à une décision. Cette approche ne serait pas envisageable en pratique, étant donné que les décisions attaquées portent sur un calcul des contributions ex ante de presque 3 800 établissements. De plus, le droit à une bonne administration comprendrait également une obligation pour l’administration de décider de manière efficace.

114    En l’espèce, les décisions attaquées auraient été préparées de manière détaillée par l’unité responsable au sein du CRU, les membres de la session exécutive du CRU auraient tous été informés de la méthode ainsi que de la procédure de calcul et auraient accompagné la progression de la procédure, qui aurait débuté en septembre 2015, incluant les calculs des contributions dans toutes les étapes préparatoires. Ainsi, à l’étape de la décision formelle sur la contribution, il n’y aurait pas eu, en pratique, de questions pendantes sur lesquelles les membres du CRU auraient dû délibérer ou décider, et encore moins s’agissant de la méthode de calcul en elle-même.

115    Par ailleurs, la requérante n’aurait pas totalement respecté son obligation de fournir des informations. La contribution ex ante de la requérante serait pourtant basée sur des données qu’elle avait elle-même soumises, à savoir celles communiquées à un stade ultérieur et en version papier et, selon ses propres dires, « en conformité avec l’opinion juridique de la FMSA ».

116    En deuxième lieu, le CRU souligne que les membres de la session exécutive ne se sont pas opposés à la décision de recourir à une procédure écrite. Par ailleurs, la validation des résultats du calcul constituerait la conclusion formelle d’un processus de long terme. Lesdits membres auraient été dûment impliqués dans ce processus et n’auraient donc pas eu besoin de 48 heures, et encore moins de cinq jours ouvrables, pour valider les résultats du calcul.

117    En tout état de cause, la nécessité de fournir en urgence les résultats des calculs aux ARN aurait été bien connue des membres de la session exécutive du CRU. Le CRU se serait engagé, dans le contexte de son étroite coopération avec les ARN, à leur fournir ces résultats à la mi-avril 2016. Par ailleurs, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de l’accord AIG, les montants de la contribution ex ante pour 2016, collectés au niveau national, devaient être transférés au FRU avant le 30 juin 2016.

118    Selon le CRU, cette interprétation des RPSE serait d’ailleurs conforme aux nécessités de souplesse et de rapidité dans le fonctionnement de l’administration. En tout état de cause, les prétendues violations de l’article 9, paragraphes 1 et 2, des RPSE, ne sauraient être qualifiées de violation des formes substantielles au sens de l’article 263, paragraphe 2, TFUE. Il s’agirait au contraire de règles procédurales internes dont les tiers ne peuvent se prévaloir. En outre, si une règle de procédure est violée sans pour autant empêcher que les objectifs poursuivis par cette règle soient atteints, aucune violation des formes substantielles n’en résulterait. En l’espèce, il ne serait pas nécessaire de respecter les délais prévus à l’article 9, paragraphes 2 et 3, des RPSE et ces règles ne sauraient être interprétées dans le sens où les membres de la session exécutive du CRU participant à la session exécutive seraient forcés de respecter le délai minimum, même si ce délai n’est pas nécessaire pour prendre une décision.

119    Enfin, s’agissant de la seconde procédure d’adoption de la première décision attaquée, le CRU soutient que la Cour a déjà affirmé que l’acceptation consensuelle d’une décision n’est plus valable s’il existe une opposition manifeste à son adoption. De même, la requérante ne pourrait pas légitimement déduire de la pratique du CRU dans sa session exécutive que le consensus requiert toujours un vote actif. Le fait qu’un consensus devait être atteint dans un laps de temps très bref ne constituerait pas non plus une violation de l’article 9, paragraphes 2 et 3, des RPSE, car même ce bref laps de temps aurait été suffisant dans les circonstances de l’espèce, notamment en raison du fait que les montants ajustés qui ont été diffusés par courriel le 15 avril 2016 à 20 h 06 n’auraient différé que légèrement de ceux déjà approuvés lors de la première procédure d’adoption de la première décision attaquée.

120    En l’espèce, comme cela est indiqué au point 94 ci-dessus, la procédure écrite pour l’adoption de la première décision attaquée a été lancée par un courriel du 13 avril 2016 envoyé à 17 h 41, fixant aux membres de la session exécutive du CRU un délai d’approbation du projet de décision au 15 avril 2016 à 12 heures, donc un délai de moins de deux jours ouvrables, alors que le délai prévu par l’article 9, paragraphe 2, des RPSE est « normalement [de] pas moins de cinq jours ouvrables ». Contrairement aux exigences des RPSE, le courriel du 13 avril 2016 ne fait état d’aucune raison justifiant la réduction du délai. Il ne mentionne pas non plus l’article 9, paragraphe 2, des RPSE.

121    Au demeurant et à titre surabondant, il convient de relever que le CRU ne prouve pas qu’il était urgent de prendre une décision le 15 avril 2016 plutôt que le 20 avril 2016, date qui aurait assuré le respect des règles procédurales. À cet égard, il convient d’observer que le 15 avril 2016 n’est pas une date imposée par la réglementation. Cette réduction du délai d’adoption de la décision constitue une première irrégularité procédurale.

122    En outre, l’article 9, paragraphe 1, des RPSE dispose que les décisions peuvent être adoptées par procédure écrite, sauf objection d’au moins deux membres de la session exécutive exprimées dans les premières 48 heures suivant le lancement de cette procédure écrite.

123    À cet égard, il s’avère que le CRU a également méconnu les RPSE en ce que la durée fixée pour la procédure écrite a été de six heures plus courte que les 48 heures prévues pour l’expression d’une objection au recours à la procédure écrite. Or, rien n’empêchait, à supposer qu’une adoption de la décision le 15 avril 2016 eût été requise, de fixer le délai de réponse à 18 heures ce jour-là. Cela constitue une deuxième irrégularité procédurale.

124    C’est à tort que le CRU tente de justifier ces violations des RPSE par l’absence d’objections formulées par les membres de la session exécutive du CRU. Il suffit d’observer, d’une part, que le CRU a l’obligation d’appliquer la réglementation régissant son processus décisionnel, laquelle organise précisément la réduction des délais pourvu que certaines règles soient respectées et, d’autre part, que l’absence alléguée d’objection ne supprime en rien la violation commise ab initio lorsque le CRU a imposé un délai contraire aux prescriptions des RPSE.

125    Ensuite, alors que le courriel du 13 avril 2016 invitait les membres de la session exécutive du CRU à transmettre leur approbation formelle par courriel adressé sur la boîte fonctionnelle du CRU, ce dernier ne produit aucun courriel d’approbation. Le seul élément évoquant une approbation est l’affirmation par le CRU, dans le courriel du vendredi 15 avril 2016 expédié à 19 h 04, que celle-ci a été donnée. 

126    De surcroît, dans ce courriel du vendredi 15 avril 2016, expédié à 19 h 04, qui n’a pas été adressé à tous les membres de la session exécutive, tout au moins dans un premier temps (A, membre de la session exécutive du CRU, ne fut pas destinataire de ce courriel, qui lui fut expédié 21 minutes plus tard), le CRU faisait état d’une erreur dans le calcul des contributions ex ante et annonçait l’envoi d’une version amendée du « mémorandum 2 » par courriel séparé. Le courriel de 19 h 04 ajoutait, sans fournir de délai pour une éventuelle réaction, que, en l’absence d’objection des membres de la session exécutive du CRU, il serait considéré que leur approbation déjà donnée vaudrait également pour les montants amendés des contributions. Ce faisant, le CRU a initié une procédure d’adoption par défaut d’objection, procédure certes non inconnue des dispositions des RPSE, mais toutefois engagée dans des conditions concrètes irrégulières, compte tenu, en particulier, de l’absence d’indication d’un délai pour l’adoption de la décision. Cela constitue, en sus des deux irrégularités déjà relevées aux points 120 à 123 ci-dessus, une troisième irrégularité procédurale.

127    Ensuite, le même jour, à 20 h 06, le courriel séparé du CRU avec, en pièce jointe, un document XLSX intitulé « Final results15042016.xlsx » était envoyé. À nouveau, ce courriel n’a pas été envoyé à A. Cette dernière circonstance constitue une quatrième irrégularité procédurale.

128    En outre, il découle de la date de la première décision attaquée (le 15 avril 2016), que, alors même qu’aucun délai n’était indiqué dans le courriel du 15 avril 2016 envoyé à 19 h 04, le consensus fut réputé acquis le même jour, donc logiquement à minuit. Certes, le CRU avait exprimé, dans son courriel du 13 avril 2016 (joint au courriel du 15 avril 2016 expédié à 19 h 04), viser une adoption de la décision le 15 avril. À supposer que cette information suffisait pour indiquer que toute objection devait être formulée avant le 15 avril 2016 à minuit, il n’en reste pas moins que, en l’espèce, une procédure d’approbation par consensus a été mise en œuvre un vendredi soir à 19 h 04 pour un achèvement le même soir à minuit. Ces circonstances aggravent les effets de la troisième irrégularité procédurale constatée au point 126 ci-dessus.

129    Il est d’autant moins établi que cette procédure de consensus était régulière que, au‑delà de l’absence d’envoi du courriel de 20 h 06 à A (voir point 127 ci-dessus) laquelle, en soi, vicie la procédure, le CRU ne prouve pas que les autres membres de la session exécutive du CRU ont eu connaissance de l’envoi de ce courriel de 20 h 06 (ni même d’ailleurs de celui du courriel de 19 h 04) ni de son contenu. Le CRU a produit certains éléments de vérification visant à établir que les envois de 19 h 04 et de 20 h 06 étaient parvenus dans les boîtes courriels des destinataires. Toutefois, indépendamment même du fait que cette vérification, opérée par sondage, ne concerne pas tous les membres de la session exécutive du CRU, elle ne prouve nullement que les membres de la session exécutive du CRU eurent concrètement connaissance ne serait-ce que de l’existence de ces envois de courriels avant minuit le soir même.

130    Or, compte tenu de la nature même d’une procédure de consensus, qui consiste à déduire l’approbation d’une absence d’objection, une telle procédure requiert nécessairement et a minima qu’il soit établi, avant l’adoption de la décision, que les personnes participant à la procédure d’approbation par consensus aient pris connaissance de cette procédure et aient pu examiner le projet soumis à leur approbation. En l’espèce, la première décision attaquée a été adoptée, eu égard tant aux mentions figurant dans son texte qu’à la circonstance de l’envoi des fichiers de données relatifs à cette décision le jour même aux ARN (voir point 20 ci-dessus), au plus tard le 15 avril 2016 à minuit. Or, la preuve qu’il était établi, avant minuit, que les membres de la session exécutive du CRU avaient pu prendre connaissance du projet de décision modifié, ni même seulement de l’existence des courriels de 19 h 04 et de 20 h 06, n’est pas rapportée par le CRU.

131    Par ailleurs et à titre incident, il convient de relever que, tandis que l’annexe de la première décision attaquée proposée à l’approbation le 13 avril 2016 était un document numérique au format PDF (voir points 94 et 120 ci-dessus), l’annexe proposée à l’approbation au soir du 15 avril 2016 était un document numérique au format XLSX (voir points 96 et 127 ci-dessus).

132    Ainsi, il convient d’observer que, s’il n’y avait pas eu l’erreur évoquée dans les courriels du 15 avril 2016 au soir (voir point 95 ci-dessus),la première décision attaquée aurait comporté, en tant qu’annexe, un document numérique au format PDF et non un fichier XLSX.

133    Le Tribunal ne peut que constater, au sujet de cette différence, que le CRU, bien que devant veiller à l’unité et à la cohérence formelle des pièces soumises pour approbation puis adoptées, a varié les formats électroniques. Cette imprécision engendre des conséquences qui dépassent le caractère purement procédural, dans la mesure où les éléments transmis par fichier PDF n’offrent aucun détail sur les cellules de calcul d’un fichier XLSX et qu’un tel fichier PDF comporte, tout au moins en l’espèce, des valeurs arrondies, contrairement à un fichier XLSX. Ainsi, s’agissant du seul facteur d’ajustement en fonction du profil de risque figurant dans la première décision attaquée, à savoir celui relatif au contexte européen, il ressort des éléments contenus dans les réponses du CRU que la valeur fournie dans la première décision attaquée, telle que produite en réponse à la première ordonnance, soit dans un fichier PDF, n’est pas la valeur exacte figurant dans le fichier XLSX – laquelle comporte quatorze décimales – mais un arrondi à deux décimales inutilisable pour une vérification du calcul de la contribution.

134    Il ressort des considérations qui précèdent que, au-delà même de l’absence d’authentification constatée au point 106 ci-dessus, qui implique l’annulation des décisions attaquées, la procédure d’adoption de la première décision attaquée a été menée en méconnaissance manifeste d’exigences procédurales relatives à l’approbation de cette décision par les membres de la session exécutive du CRU et au recueil de cette approbation.

135    À cet égard, il convient d’observer que le fait que les personnes physiques ou morales ne peuvent se prévaloir d’une violation de règles qui ne sont pas destinées à assurer la protection des particuliers, mais qui ont pour objet d’organiser le fonctionnement interne des services dans l’intérêt d’une bonne administration (voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, EU:C:1991:186, points 49 et 50) ne signifie pas, pour autant, qu’un particulier ne peut jamais utilement invoquer la violation d’une règle régissant le processus décisionnel aboutissant à l’adoption d’un acte de l’Union. En effet, il convient de distinguer, parmi les dispositions régissant les procédures internes à une institution, celles dont la violation ne peut être invoquée par les personnes physiques et morales, parce qu’elles ne concernent que les modalités de fonctionnement interne de l’institution qui ne sont pas susceptibles d’affecter leur situation juridique, de celles dont la violation peut, au contraire, être invoquée, dès lors qu’elles sont créatrices de droits et facteur de sécurité juridique pour ces personnes (arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié, EU:T:2011:46, point 103).

136    En l’espèce, l’analyse du déroulement de la procédure d’adoption de la première décision attaquée démontre un nombre important de violations de règles relatives à l’organisation d’une procédure écrite électronique d’adoption des décisions. Bien que l’article 9 des RPSE ne le prévoie pas explicitement, il va de soi que toute procédure écrite implique nécessairement l’envoi du projet de décision à tous les membres de l’organe décisionnel concerné par cette procédure. S’agissant, en particulier, d’une procédure d’adoption de décision par consensus, comme en l’espèce (voir points 126 à 130 ci-dessus), la décision ne saurait être adoptée sans qu’il ait été établi, à tout le moins, que l’intégralité des membres avaient pu prendre connaissance, au préalable, du projet de décision. Enfin, cette procédure requiert l’indication d’un délai permettant aux membres dudit organe de prendre position sur le projet.

137    Or, ces règles de procédure visant à assurer le respect des formes substantielles inhérentes à toute procédure écrite électronique et à toute procédure d’adoption par consensus, ont été violées en l’espèce. Ces violations ont un impact direct sur la sécurité juridique, puisqu’elles aboutissent à l’adoption d’une décision dont il n’est pas établi qu’elle a fait l’objet, non seulement, d’une approbation par l’organe compétent, mais même d’une prise de connaissance préalable par l’intégralité de ses membres.

138    Le non-respect de telles règles de procédure nécessaires à l’expression du consentement constitue une violation des formes substantielles que le juge de l’Union peut examiner d’office (arrêts du 24 juin 2015, Espagne/Commission, C‑263/13 P, EU:C:2015:415, point 56, et du 20 septembre 2017, Tilly-Sabco/Commission, C‑183/16 P, EU:C:2017:704, point 116).

139    S’agissant, enfin, de la seconde décision attaquée, il convient de relever qu’elle ne remplace pas la première décision attaquée, laquelle a fixé les montants des contributions, mais procède seulement à un ajustement de ces montants sur un point technique limité. L’annulation de la première décision attaquée entraîne nécessairement celle de la seconde.

140    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments de la requérante, que les décisions attaquées doivent être annulées également pour violation des règles de procédure relatives à leur adoption.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

141    La requérante rappelle que, selon la jurisprudence, l’exigence de motivation devrait être appréciée en fonction de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications.

142    Or, selon la requérante, ni la motivation contenue dans les décisions attaquées ni celle contenue dans les avis de perception ne sauraient être considérées comme étant suffisantes.

143    Premièrement, ces motivations ne permettraient pas de déterminer si le CRU s’est fondé sur sa déclaration électronique (corrigée) ou sur sa déclaration écrite, à concurrence de quelle somme le total du bilan (corrigé des instruments dérivés fiduciaires de gré à gré ou non corrigé) a été intégré dans le calcul de la contribution et si le calcul effectué dans les décisions attaquées est fondé sur une valeur brute ou sur une valeur nette des contrats d’instruments dérivés.

144    Deuxièmement, l’annexe 2 du premier avis de perception  se rapporterait exclusivement à la contribution pour 2015. Si l’annexe 1 du premier avis de perception concernait la contribution pour 2016, elle ne révélerait toutefois que le produit du calcul, à l’exclusion de ses paramètres. Ni les décisions attaquées ni les avis de perception n’exposeraient clairement les étapes des calculs, ni les classifications appliquées à la requérante. Ils ne présenteraient pas véritablement un calcul de la contribution indiquant les valeurs déclarées par la requérante (telles que le total du passif, les fonds propres, les dépôts garantis, les engagements résultant de tous les contrats de dérivés, etc.). Il serait également impossible pour la requérante de savoir dans quelle mesure le CRU a procédé à des évaluations s’écartant des données indiquées dans la déclaration écrite. À cet égard, la requérante rappelle qu’elle a présenté deux formulaires de déclaration, dont un seulement devait être utilisé selon sa conception juridique.

145    Le renvoi par les décisions attaquées à leurs bases légales ne saurait non plus pallier l’absence de motivation. D’une part, les décisions attaquées ne citeraient que l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, sans se référer à la directive 2014/59 ni au règlement délégué 2015/63, malgré leur caractère déterminant pour le calcul de la contribution. D’autre part, un renvoi, même exhaustif, aux bases légales ne serait pas suffisant en l’espèce. Les exigences de motivation seraient d’autant plus rigoureuses que le contexte juridique de la décision adoptée est inconnu et que la mesure arrêtée est contestée entre les parties intéressées.

146    La requérante admet que le calcul des contributions ex ante est complexe. Néanmoins, cette complexité exigerait précisément que les assujettis soient mis en mesure de vérifier si le CRU a procédé à un calcul des contributions juridiquement fondé. Au demeurant, la motivation ouvrirait également au CRU une possibilité d’autocontrôle. De plus, à la différence du domaine du droit des ententes, les paramètres du calcul par le CRU des contributions ex ante seraient prescrits en détail par la réglementation applicable. Par conséquent, le CRU ne devrait pas éprouver d’insurmontables difficultés à expliquer à la requérante les étapes des calculs auxquels il aurait dû procéder pour parvenir aux résultats obtenus.

147    Un éventuel intérêt à la confidentialité d’autres établissements ne ferait pas non plus obstacle à une motivation appropriée des décisions attaquées, car la requérante entendrait uniquement prendre connaissance de ses données personnelles.

148    Par ailleurs, l’accès au dossier accordé, après l’introduction du présent recours, sur l’initiative à la requérante, ne remédierait pas au défaut de motivation.

149    S’agissant de la seconde décision attaquée, elle ne serait pas non plus motivée à suffisance de droit. En effet, la lettre du 22 mai 2016, adressée par le CRU aux ARN, se limiterait à indiquer qu’une adaptation du « pilier IV » a imposé la modification de la première décision attaquée. La note technique (technical note with further background), à laquelle cette lettre se réfère, n’aurait été jointe ni à la seconde décision attaquée ni au second avis de perception.

150    Quant à la lettre du 23 mai 2016, que la FMSA a adressée à l’association fédérale des banques publiques allemandes, elle aurait annoncé que la modification moyenne du montant de la contribution annuelle grevant les établissements agréés en Allemagne s’élèverait à 1,21 %. Or, dans le cas de la requérante, la majoration fixée par la seconde décision attaquée correspondrait à 11,45 % de la contribution pour 2016 fixée jusqu’alors.

151    De plus, la raison invoquée dans le second avis de perception à l’appui de la rectification porterait sur le paramètre relatif au système de protection institutionnel. Cet avis ferait référence aux champs CD 133 et CD 134 de son annexe. Toutefois, aucune valeur ne figurerait dans le champ CD 134. En outre, les modifications ne se limiteraient pas aux deux champs susmentionnés.

152    Le CRU conteste ces arguments.

153    Il fait valoir que la requérante n’est ni destinataire des décisions attaquées ni directement concernée par celles-ci. Ces décisions auraient été destinées à la FMSA et leur exposé des motifs aurait été suffisant pour la FMSA, qui aurait été, à l’instar de toutes les autres ARN, étroitement impliquée dans le calcul des contributions ex ante pour 2016. En tout état de cause, elles seraient suffisamment motivées même à l’égard de la requérante.

154    Premièrement, les décisions attaquées se référeraient au règlement no 806/2014 comme base légale. Or, ce règlement, le règlement délégué 2015/63, le règlement d’exécution 2015/81 ainsi que la directive 2014/59 exposeraient en détail la méthode à appliquer pour le calcul des contributions ex ante. Les décisions attaquées auraient dès lors été adoptées dans un contexte bien connu de la requérante. Deuxièmement, cette dernière aurait été étroitement associée à la procédure. Elle aurait connaissance du raisonnement principal dans la mesure où le calcul se fonde sur, d’une part, la méthode de base expliquée dans les actes mentionnés ci-dessus et, d’autre part, des données détaillées fournies par elle-même. Troisièmement, la requérante aurait reçu des explications extrêmement détaillées sur le calcul et le raisonnement suivi dans les avis de perception. De plus, elle aurait reçu des informations complémentaires, à savoir les valeurs d’entrée, le calcul intermédiaire et le résultat final du calcul, à la suite de sa demande d’accès aux documents.

155    La requérante irait au-delà des exigences requises par l’obligation de motivation lorsqu’elle prétend qu’elle doit être placée dans une position lui permettant de recalculer le montant exact de ses contribution ex ante. Les contributions ex ante des établissements seraient interconnectées et les différentes étapes de la procédure de calcul pour un établissement impliqueraient d’utiliser des données de l’ensemble ou du moins d’un grand nombre d’établissements. Dans ce contexte, l’obligation de motivation devrait être conciliée avec celle de la protection du secret professionnel d’autres établissements. Or, la requérante aurait déjà eu accès à toutes les informations la concernant et n’étant pas liées à d’autres établissements.

156    Dans sa réponse à une question posée par le Tribunal à l’audience, la Commission a ajouté à cet égard que si, d’un point de vue économique, il était certes possible d’évaluer le profil de risque d’un établissement uniquement sur la base de ses propres données, toutefois l’interdépendance des contributions ex ante de tous les établissements était imposée en l’espèce par la réglementation applicable, notamment par les articles 69, paragraphe 1, et 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014.

157    Selon le CRU, une approche ne permettant pas de recalculer totalement le montant des contributions ex ante serait d’ailleurs conforme à la pratique administrative ayant cours dans d’autres domaines du droit de l’Union, en particulier dans celui du droit de la concurrence. De plus, il conviendrait de prendre en compte les possibilités pratiques et techniques de l’obligation de motivation dans le délai imparti pour l’adoption des décisions attaquées.

158    S’agissant de la seconde décision attaquée, la FMSA aurait été informée de la procédure et des motifs sous-tendant l’ajustement, et ce dans une lettre signée par le vice-président du CRU et communiquée à toutes les ARN avec la seconde décision attaquée. La motivation détaillée ainsi que le détail du nouveau calcul auraient été fournis à la requérante dans le second avis de perception.

159    Enfin, l’allégation de l’existence d’une d’erreur dans le calcul (révisé) des contributions ex ante pour 2016 en ce qui concerne la requérante n’étant pas étayée, cette dernière n’a, selon le CRU, aucun intérêt légitime à l’annulation des décisions attaquées pour un éventuel vice de forme.

160    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission, C‑70/16 P, EU:C:2017:1002, point 59 et jurisprudence citée).

161    L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués ainsi que de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 124 et jurisprudence citée).

162    Par ailleurs, la motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (voir arrêt du 15 juillet 2015, Pilkington Group/Commission, T‑462/12, EU:T:2015:508, point 21 et jurisprudence citée).

163    À titre liminaire, il convient de rappeler que si, dans le système instauré par le règlement no 806/2014 et le règlement d’exécution 2015/81, les décisions fixant les contributions ex ante sont notifiées aux ARN, les établissements débiteurs de ces contributions, dont la requérante, sont, contrairement à ce que prétend le CRU, individuellement et directement concernés par lesdites décisions (voir points 61 à 82 ci-dessus).

164    Dès lors, l’intérêt que peuvent avoir ces établissements à recevoir des explications doit également être pris en compte lorsqu’il s’agit d’apprécier l’étendue de l’obligation de motiver les décisions en cause. En outre, il convient de rappeler que la motivation a également pour fonction de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle.

165    En l’espèce, et sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments de la requérante relatifs à l’absence, dans la première décision attaquée, des indications sur la question de savoir laquelle de ses déclarations a été retenue par le CRU aux fins du calcul et pour quels motifs, il convient de relever que le CRU a commis plusieurs violations de l’obligation de motivation.

166    D’une part, s’agissant du texte de la première décision attaquée, il ne comporte que la mention du règlement no 806/2014, en particulier de son article 70, paragraphe 2, l’évocation de consultations et de coopérations avec des organismes [Banque centrale européenne (BCE) et autorités nationales] et le fait que le calcul est opéré de manière à ce que l’ensemble des contributions individuelles ne dépasse pas un certain niveau (à savoir 12,5 % du niveau cible prévu à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014). Il ne comporte aucune information concernant les étapes successives du calcul de la contribution de la requérante ni les chiffres afférents à ces différentes étapes.

167    Certes, la lecture de l’article 70 du règlement no 806/2014, mentionné dans la première décision attaquée, en particulier de son paragraphe 6, permet de comprendre que les contributions ex ante sont calculées par le CRU en application, notamment, « [d]es actes délégués précisant la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements, adoptés par la Commission au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59/UE », c’est-à-dire, en l’occurrence, du règlement délégué 2015/63.

168    De plus, le règlement délégué 2015/63 comporte des règles détaillées que le CRU doit appliquer lorsqu’il calcule les contributions.

169    Cependant, ces éléments ne suffisent pas pour comprendre comment le CRU a appliqué ces règles au cas de la requérante, pour arriver au montant de la contribution la concernant indiquée à l’annexe de la première décision attaquée.

170    Il convient d’ajouter que la première décision attaquée ne mentionne pas les décisions intermédiaires prises par le CRU en vue de la mise en œuvre de la réglementation relative au calcul des contributions, à savoir, à tout le moins, les décisions mentionnées au point 29 ci-dessus.

171    Or, force est de constater, d’une part, que ces décisions intermédiaires déterminent des éléments de la procédure de calcul, ainsi que le calcul même des contributions. D’autre part, ces décisions intermédiaires non seulement mettent en œuvre, mais également, pour certaines d’entre elles, complètent la réglementation applicable. Ces décisions intermédiaires ne faisant l’objet d’aucune publication ni n’étant portées d’une autre manière à la connaissance des établissements, l’argument du CRU selon lequel la motivation de la première décision attaquée était suffisante au motif que le règlement no 806/2014, le règlement délégué 2015/63, le règlement d’exécution 2015/81 ainsi que la directive 2014/59 exposaient en détail la méthode à appliquer pour le calcul des contributions ex ante (voir point 154 ci-dessus) ne saurait en tout état de cause prospérer.

172    Il suffit de citer deux exemples parmi les décisions intermédiaires mentionnées au point 29 ci-dessus, à savoir, premièrement, la décision SRB/ES/SRF/2016/01 (voir point 29, huitième tiret, ci-dessus), dont l’article 1er fixe le niveau cible pour 2016, qui constitue un élément entrant en compte dans le calcul de la contribution ex ante de la requérante (voir article 4 du règlement d’exécution 2015/81 et annexe I, étape 6, du règlement délégué 2015/63), et, deuxièmement, la décision SRB/ES/SRF/2015/00 (voir point 29, premier tiret, ci-dessus) qui a mis en œuvre l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63 relatif à la détermination par le CRU des indicateurs supplémentaires de risque composant le pilier de risque IV, l’un des deux piliers de risque appliqués en l’espèce par le CRU, selon ce qui découle du fichier de données également mentionné au point 29 ci-dessus.

173    Or, si ces décisions intermédiaires ont été communiquées à la requérante par le CRU, elles ne l’ont été que le 3 août 2016, donc après l’introduction du présent recours.

174    À cet égard, il convient de rappeler que le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des éléments d’information dont la requérante dispose au moment de l’introduction d’un recours (voir arrêt du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑406/06, non publié, EU:T:2008:484, point 50 et jurisprudence citée).

175    D’autre part, s’agissant de l’annexe de la première décision attaquée, il convient de relever que, alors même qu’elle comporte un montant pour le facteur d’ajustement en fonction du profil de risque dans le contexte européen, elle ne comporte aucune indication similaire concernant le facteur d’ajustement en fonction du profil de risque pour la part du calcul opéré dans le contexte national. De même, alors qu’elle précise le type de méthode de calcul utilisé dans le contexte européen, elle ne fournit aucune indication quant à la méthode de calcul employée par le CRU en référence au contexte national.

176    Pourtant, ainsi qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement d’exécution 2015/81, la part du calcul des contributions opéré par le CRU en référence au contexte national entre, en 2016, pour 60 % dans le calcul de la contribution des établissements et la part européenne pour 40 % seulement. La motivation contenue dans la première décision attaquée apparaît donc, à cet égard, insuffisante.

177    Il convient d’ajouter que, contrairement à ce que prétend le CRU, l’insuffisance de motivation de la première décision attaquée ne saurait être compensée par la motivation contenue dans le premier avis de perception adopté, en exécution de cette décision, par la FMSA.

178    Il est vrai que, en l’espèce, le premier avis de perception comporte des explications plus détaillées sur le calcul de la contribution de la requérante, et ce tant de sa partie « européenne » que de sa partie « nationale ».

179    Cependant, dans le système instauré par la réglementation applicable, c’est le CRU qui calcule et fixe les contributions ex ante. Les décisions du CRU sur le calcul desdites contributions ne sont adressées qu’aux ARN (article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81) et il incombe aux ARN de les communiquer aux établissements (article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81) et de percevoir les contributions auprès des établissements sur la base desdites décisions (article 67, paragraphe 4, du règlement no 806/2014).

180    Ainsi, quand le CRU agit en vertu de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, il adopte des décisions revêtues d’un caractère définitif et qui concernent, individuellement et directement, les établissements.

181    Par conséquent, il incombe au CRU, auteur de ces décisions, de les motiver. Cette obligation ne saurait être déléguée aux ARN, ni sa violation palliée par celles-ci, sauf à méconnaître la qualité du CRU d’auteur desdites décisions et sa responsabilité à ce titre, et à susciter, compte tenu de la diversité des ARN, un risque d’inégalité de traitement des établissements en ce qui concerne la motivation des décisions du CRU.

182    En tout état de cause, il convient de relever que les données figurant à l’annexe 1 du premier avis de perception, présentées comme des détails du calcul de la contribution ex ante de la requérante, ne sont pas identifiées comme étant celles du CRU. Au contraire, elles sont présentées comme faisant partie intégrante de l’avis de perception, qui est un acte du droit allemand, de sorte qu’il n’est pas possible de distinguer les éléments dont l’auteur est la FMSA de ceux émanant, le cas échéant, du CRU.

183    Par ailleurs, il convient de relever que, alors même que le facteur d’ajustement en fonction du profil de risque doit nécessairement comporter toutes les décimales requises, sauf à rendre le calcul approximatif, le facteur d’ajustement figurant dans l’annexe du premier avis de perception (avec quatre décimales) ne correspond ni à celui (avec deux décimales) de l’annexe de la première décision attaquée telle qu’elle a été communiquée à la requérante par le CRU, le 3 août 2016 (voir point 29 ci-dessus) et soumise au Tribunal à l’annexe A.22 de la requête, ni à celui (avec quinze décimales) de cette même annexe telle qu’elle a été communiquée au Tribunal en réponse à la deuxième ordonnance.

184    De même, d’autres valeurs exigeant la même précision et figurant (avec quatre décimales) dans le premier avis de perception [voir les champs CD 21 (ratio de levier), CD 35 (indicateur composite pilier I), CD 36 (indicateur composite pilier IV), CD 37 (indicateur composite) ou CD 38 (indicateur composite final) de l’annexe 1 de cet avis] ne correspondent pas à celles figurant (avec seulement deux décimales) dans le fichier de données fourni par le CRU à la requérante le 3 août 2016 (voir point 29 ci-dessus) et soumis au Tribunal à l’annexe A.25 de la requête.

185    En outre, s’agissant de ce dernier fichier de données fourni par le CRU à la requérante, il convient de rappeler la jurisprudence déjà citée au point 174, selon laquelle le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des éléments d’information dont la requérante dispose au moment de l’introduction du recours.

186    Or, il découle de ce qui précède que, comme les décisions également mentionnées au point 29 ci-dessus, ledit fichier n’a été communiqué à la requérante par le CRU qu’après l’introduction du présent recours.

187    S’agissant de la seconde décision attaquée, il convient de relever qu’elle viole elle-même l’obligation de motivation, pour les mêmes raisons que celles relevées à l’égard de la première décision attaquée et pour la raison additionnelle qu’elle ne fournit aucun motif relatif à l’ajustement qu’elle opère.

188    Certes, les motifs de cet ajustement ont été exposés dans la lettre du 22 mai 2016, adressée par le CRU aux ARN avec la seconde décision attaquée, et dans la lettre du 23 mai 2016, adressée par la FMSA aux établissements allemands.

189    Toutefois, ces lettres ne contiennent que des explications générales des motifs de l’ajustement effectué par la seconde décision attaquée. Quant à la note technique à laquelle la lettre du 22 mai 2016 renvoie, elle n’a pas été produite par le CRU.

190    Pour ce qui est des motifs contenus dans le second avis de perception et dans le fichier de données fourni à la requérante le 3 août 2016, il est renvoyé aux considérations exprimées aux points 177 à 184 ci-dessus.

191    Par ailleurs, il convient encore de relever que, en ce qui concerne le facteur d’ajustement en fonction du profil de risque dans le contexte de la zone euro (risk adjustment factor in the EA environnement), outre le fait que les documents en cause n’indiquent pas non plus une valeur exacte de ce facteur, mais un arrondi à neuf, voire à deux, décimales, ils indiquent, de surcroît, une valeur différente ([confidentiel] pour le second avis de perception et [confidentiel] pour le fichier de données) de celle indiquée à l’annexe de la seconde décision attaquée ([confidentiel]).

192    Enfin, eu égard à l’argumentation du CRU mentionnée au point 159 ci-dessus, il convient de la rejeter. En effet, s’il ressort de la jurisprudence qu’une partie requérante n’a aucun intérêt légitime à l’annulation pour vice de forme, défaut ou insuffisance de motivation d’une décision dans le cas où l’annulation de la décision ne pourrait que donner lieu à l’intervention d’une nouvelle décision identique, quant au fond, à la décision annulée [voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Schräder/OCVV – Hansson (SEIMORA), T‑425/15, T‑426/15 et T‑428/15, non publié, EU:T:2017:305, point 109 et jurisprudence citée], force est de constater que, en l’espèce, il n’est pas possible d’exclure que l’annulation des décisions attaquées donne lieu à l’adoption de décisions différentes. En effet, en l’absence d’une information complète sur les déterminations et les calculs intermédiaires du CRU et de toutes les données relatives aux autres établissements en dépit de l’interdépendance de la contribution de la requérante avec la contribution de chacun des autres établissements, ni la requérante ni le Tribunal ne sont en mesure de vérifier, en l’espèce, si l’annulation de ces décisions donnerait nécessairement lieu à l’adoption d’une nouvelle décision identique quant au fond.

193    Il résulte de ce qui précède que, au-delà des motifs d’annulation déjà relevés aux points 86 à 107 et 120 à 140 ci-dessus, les décisions attaquées encourent, également l’annulation au titre de la violation de l’obligation de motivation.

194    Dès lors, les décisions attaquées doivent être annulées, sans qu’il soit besoin d’examiner les six premiers moyens invoqués par la requérante.

 Sur les dépens

195    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

196    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision du Conseil de résolution unique (CRU) dans sa session exécutive du 15 avril 2016 sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2016/06) et la décision du CRU dans sa session exécutive du 20 mai 2016 sur l’ajustement des contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique, complétant la décision du CRU dans sa session exécutive du 15 avril 2016 sur les contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2016/13), sont annulées en ce qu’elles concernent Portigon AG.

2)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Portigon.


3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Passer

 

      De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 novembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.