Language of document : ECLI:EU:T:2015:602

Affaire T‑676/14

Royaume d’Espagne

contre

Commission européenne

« Recours en annulation – Article 8, paragraphe 3, du règlement (UE) nº 1173/2011 – Mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro – Manipulation des statistiques – Décision de la Commission d’ouvrir une enquête – Acte non susceptible de recours – Acte préparatoire – Irrecevabilité »

Sommaire – Ordonnance du Tribunal (huitième chambre) du 3 septembre 2015

Recours en annulation – Actes susceptibles de recours – Notion – Actes produisant des effets juridiques obligatoires – Actes préparatoires – Exclusion – Décision de la Commission, dans le cadre de la surveillance budgétaire dans la zone euro, d’ouvrir une enquête concernant la manipulation des statistiques par un État membre – Acte ne visant pas à produire des effets de droit – Irrecevabilité

(Art. 261 TFUE et 263 TFUE ; règlement du Parlement européen et du Conseil nº 1173/2011, art. 8, § 1, 3 et 5)

Seuls peuvent être attaqués par une personne physique ou morale, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les actes produisant des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. Lorsqu’il s’agit d’actes dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases d’une procédure interne, seules constituent, en principe, des actes attaquables les mesures fixant définitivement la position de l’institution au terme de la procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale et dont l’illégalité pourrait être utilement soulevée dans le cadre d’un recours dirigé contre celle-ci. Il n’en serait autrement que si des actes ou des décisions pris au cours de la procédure préparatoire constituaient eux-mêmes le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de celle qui doit permettre à l’institution de statuer sur le fond.

Doit, par conséquent, être rejeté comme irrecevable un recours en annulation formé par un État membre contre une décision de la Commission relative à l’ouverture d’une enquête concernant la manipulation des statistiques par cet État, telle que visée par le règlement nº 1173/2011, sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro, dès lors que les mesures par lesquelles la Commission décide d’ouvrir une enquête ne sont que des actes préparatoires et ne produisent donc pas d’effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique au sens de l’article 263 TFUE.

À cet égard, aux termes de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1173/2011, la Commission peut mener toutes les enquêtes nécessaires afin d’établir l’existence de déclarations erronées au sujet des données relatives au déficit et à la dette entrant en ligne de compte pour l’application des articles 121 TFUE ou 126 TFUE ou du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité UE et au traité FUE. Elle peut décider d’engager une enquête lorsqu’elle estime qu’il existe des indices sérieux de l’existence de faits susceptibles de constituer de telles déclarations erronées. Ce n’est donc que contre la décision faisant grief, c’est-à-dire, selon le libellé de l’article 8, paragraphes 1 et 5, du règlement nº 1173/2011, la décision du Conseil de l’Union européenne d’infliger une amende à un État membre, qu’un recours peut être formé par ce dernier, dans le cadre de l’article 263 TFUE, étant précisé que, en application de l’article 261 TFUE, l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement confère en la matière au juge de l’Union des pouvoirs de pleine juridiction lui permettant d’annuler, de réduire ou de majorer l’amende ainsi infligée. Les illégalités éventuelles qui entacheraient les mesures antérieures à l’adoption d’une telle décision par le Conseil, à commencer par celles relatives à l’ouverture d’une enquête par la Commission, ne pourraient donc être invoquées qu’à l’appui du recours susmentionné.

Par ailleurs, des considérations selon lesquelles la décision de la Commission d’ouvrir une enquête relative à la manipulation de statistiques par un État membre aurait été annoncée avec une large publicité, causant ainsi à cet État un préjudice sur les marchés financiers internationaux, ne peuvent que demeurer sans influence sur l’analyse de la nature juridique de la décision attaquée, à savoir que celle-ci ne constitue pas un acte faisant grief au sens de l’article 263 TFUE.

(cf. points 12-19)