Language of document : ECLI:EU:T:2018:919

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 décembre 2018 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du périndopril, médicament destiné au traitement des maladies cardiovasculaires, dans ses versions princeps et génériques – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Principe d’impartialité – Consultation du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes – Accord de règlement amiable de litiges en matière de brevets et d’achat exclusif – Concurrence potentielle – Restriction de concurrence par objet – Conciliation entre droit de la concurrence et droit des brevets – Conditions d’exemption de l’article 101, paragraphe 3, TFUE – Amendes »

Dans l’affaire T‑679/14,

Teva UK Ltd, établie à West Yorkshire (Royaume-Uni),

Teva Pharmaceuticals Europe BV, établie à Utrecht (Pays-Bas),

Teva Pharmaceutical Industries Ltd, établie à Jérusalem (Israël),

représentées par Mes D. Tayar et A. Richard, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

European Generic medicines Association AISBL (EGA), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par M. S.-P. Brankin, solicitor, et Me E. Wijckmans, avocat,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes F. Castilla Contreras, T. Vecchi et M. B. Mongin, puis par Mme Castilla Contreras, MM. Mongin et C. Vollrath, en qualité d’agents, assistés de M. G. Peretz, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2014) 4955 final de la Commission, du 9 juillet 2014, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 – Périndopril (Servier)], en tant qu’elle concerne les requérantes et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée par ladite décision,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise et R. da Silva Passos, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 juin 2017,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Sur le périndopril et ses brevets

1        Le groupe Servier, formé de Servier SAS et de plusieurs filiales (ci-après, prises individuellement ou ensemble, « Servier »), a mis au point le périndopril, médicament indiqué en médecine cardiovasculaire, principalement destiné à lutter contre l’hypertension et l’insuffisance cardiaque, par le biais d’un mécanisme d’inhibition de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

2        L’ingrédient pharmaceutique actif (ci-après l’« IPA ») du périndopril, c’est-à-dire la substance chimique biologiquement active qui produit les effets thérapeutiques visés, se présente sous la forme d’un sel. Le sel utilisé initialement était l’erbumine (ou tert-butylamine), qui présente une forme cristalline en raison du procédé employé par Servier pour sa synthèse.

1.      Brevet relatif à la molécule

3        Le brevet relatif à la molécule du périndopril (brevet EP0049658, ci-après le « brevet 658 ») a été déposé devant l’Office européen des brevets (OEB) le 29 septembre 1981. Le brevet 658 devait arriver à expiration le 29 septembre 2001, mais sa protection a été étendue dans plusieurs États membres de l’Union européenne, dont le Royaume-Uni, jusqu’au 22 juin 2003, ainsi que le permettait le règlement (CEE) no 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1).

2.      Brevets secondaires

4        En 1988, Servier a, en outre, déposé devant l’OEB plusieurs brevets relatifs aux procédés de fabrication de la molécule du périndopril qui expiraient le 16 septembre 2008 : les brevets EP0308339, EP0308340, EP0308341 et EP0309324 (ci-après, respectivement, le « brevet 339 », le « brevet 340 », le « brevet 341 » et le « brevet 324 »).

5        De nouveaux brevets relatifs à l’erbumine et à ses procédés de fabrication ont été déposés devant l’OEB par Servier entre 2001 et 2005, dont le brevet EP1294689 (dit « brevet beta », ci-après le « brevet 689 »), le brevet EP1296948 (dit « brevet gamma », ci-après le « brevet 948 ») et le brevet EP1296947 (dit « brevet alpha », ci-après le « brevet 947 »). Le brevet 947, relatif à la forme cristalline alpha de l’erbumine et à son procédé de préparation, a été demandé le 6 juillet 2001 et délivré par l’OEB le 4 février 2004.

3.      Périndopril de deuxième génération

6        À partir de 2002, Servier a commencé à développer un périndopril de deuxième génération, fabriqué à partir d’un autre sel que l’erbumine, l’arginine. Ce périndopril arginine devait présenter des améliorations en termes de durée de conservation, passant de deux à trois ans, de stabilité, permettant un seul type de conditionnement pour toutes les zones climatiques, et de stockage, ne nécessitant aucune condition particulière.

7        Servier a introduit une demande de brevet européen pour le périndopril arginine (brevet EP1354873B, ci-après « brevet 873 ») le 17 février 2003. Le brevet 873 lui a été délivré le 17 juillet 2004, avec une date d’expiration fixée au 17 février 2023. L’introduction du périndopril arginine sur les marchés de l’Union a débuté en 2006. Servier a lancé le périndopril arginine sur le marché du Royaume-Uni en avril 2008, alors qu’un périndopril générique était déjà sur ce marché depuis plusieurs mois.

B.      Sur les requérantes

8        Teva Pharmaceutical Industries Ltd est une multinationale pharmaceutique développant, produisant et commercialisant des médicaments génériques pour toutes les grandes catégories de traitements médicaux. Elle produit également des IPA destinés à sa propre production pharmaceutique ainsi qu’à d’autres fabricants. Teva UK Ltd est une filiale à 100 % de Teva Pharmaceuticals Europe BV, qui est elle-même une filiale à 100 % de Teva Pharmaceutical Industries (ci-après, prises ensemble ou individuellement, « Teva » ou les « requérantes »). Teva compte parmi les plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux opérant dans le secteur des médicaments génériques.

9        Le 26 janvier 2006, Teva a fusionné avec Ivax Europe (ci-après « Ivax »), une multinationale pharmaceutique fabriquant des médicaments génériques, qui est ainsi devenue une filiale à 100 % de Teva.

C.      Sur les activités de Teva relatives au périndopril

10      Avant leur fusion, Teva et Ivax développaient chacune leur propre projet relatif au périndopril.

11      Teva a ainsi tenté, sans succès, entre 1999 et 2005, de s’approvisionner en IPA du périndopril auprès de plusieurs fournisseurs.

12      En 2003, à la suite de l’échec de ses négociations avec Servier relatives à la conclusion d’un accord de commercialisation et de fourniture du périndopril générique de Servier, Ivax s’est lancée dans le développement de son propre périndopril. Elle a ainsi conclu, le 24 septembre 2003, un contrat de fourniture d’IPA du périndopril avec Hetero Drugs Ltd et, le 21 décembre 2005, un accord de fabrication et de fourniture avec Alembic Pharmaceuticals Ltd pour la fabrication du produit final de périndopril à partir de cet IPA.

13      Ivax a également entamé en 2003 des discussions avec Krka Tovarna Zdravil d.d. (ci-après « Krka »), qui, à l’époque, développait son propre périndopril. Les négociations se sont intensifiées en mai 2006, après la fusion entre Ivax et Teva, mais n’ont finalement pas abouti, Teva ayant annoncé à Krka le 18 mai 2006 sa décision de ne pas poursuivre leur coopération sur le périndopril au Royaume-Uni.

D.      Sur les litiges relatifs au périndopril

1.      Litiges devant l’OEB

14      Dix sociétés de génériques, dont Norton Healthcare Ltd, filiale d’Ivax, ont formé opposition contre le brevet 947 devant l’OEB en 2004, en vue d’obtenir sa révocation, en invoquant des motifs tirés de l’absence de nouveauté et d’activité inventive et du caractère insuffisant de l’exposé de l’invention.

15      Le 27 juillet 2006, la division d’opposition de l’OEB a confirmé la validité du brevet 947, à la suite de légères modifications des revendications initiales de Servier. Sept sociétés ont formé un recours contre cette décision. Par décision du 6 mai 2009, la chambre de recours technique de l’OEB a annulé la décision de la division d’opposition de l’OEB du 27 juillet 2006 et révoqué le brevet 947. La requête en révision déposée par Servier à l’encontre de cette décision a été rejetée le 19 mars 2010.

16      Teva a introduit une procédure d’opposition contre le brevet 873 le 13 avril 2005. La division d’opposition a rejeté cette opposition, au motif notamment que Teva n’avait pas établi l’insuffisance d’activité inventive de ce brevet. Teva a introduit un recours contre cette décision le 22 décembre 2008, avant de se désister le 8 mai 2012.

2.      Litiges devant les juridictions nationales

17      La validité du brevet 947 a, en outre, été contestée par des sociétés de génériques devant les juridictions de certains États membres, notamment au Royaume-Uni.

a)      Litige opposant Servier à Ivax

18      Le 9 août 2005, Ivax a demandé la révocation du brevet 947, tel que validé au Royaume-Uni (ci-après le « brevet 947 UK »), devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume-Uni]. Servier et Ivax ont cependant décidé, en octobre 2005, de suspendre la procédure jusqu’à l’intervention de la décision finale dans la procédure d’opposition devant l’OEB. En contrepartie, Servier s’est engagé, envers Ivax, ses preneurs de licence et ses clients, pour la période de suspension et au Royaume-Uni, à ne pas entamer de poursuites, à ne pas solliciter de restitution de profits ou de compensation financière autre qu’une redevance raisonnable pour tout acte de violation du brevet 947 UK et à ne pas chercher à obtenir de redressement par voie d’injonction, ni de remise des produits. Servier s’est aussi engagé à poursuivre la procédure devant l’OEB avec diligence et à ne pas chercher à obtenir d’injonction provisoire dans le cadre d’une action en contrefaçon après la clôture de la procédure devant l’OEB.

b)      Litige opposant Servier à Apotex

19      Le 1er août 2006, Servier a saisi la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], d’une action en contrefaçon à l’encontre d’Apotex Inc., en invoquant la violation du brevet 947 UK, cette dernière ayant lancé une version générique du périndopril au Royaume-Uni le 28 juillet 2006. Apotex a formé une demande reconventionnelle en annulation du brevet 947 UK. Une injonction provisoire interdisant à Apotex d’importer, d’offrir à la vente ou de vendre du périndopril a été prononcée le 8 août 2006. Le 6 juillet 2007, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], a jugé que le brevet 947 UK était invalide, en raison de l’absence de nouveauté et d’activité inventive par rapport à un autre brevet détenu par Servier. L’injonction a, par conséquent, été immédiatement levée et Apotex a pu reprendre les ventes de sa version générique du périndopril sur le marché du Royaume-Uni. Le 9 mai 2008, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni] a rejeté le recours introduit par Servier contre l’arrêt de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)]. Le 9 octobre 2008, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], a accordé des dommages et intérêts à Apotex pour un montant de 17,5 millions de livres sterling (GBP), en raison de la perte de chiffre d’affaires subie pendant la mise en œuvre de l’injonction.

E.      Sur l’Accord

20      Servier a conclu une série d’accords de règlements amiables avec plusieurs sociétés de génériques avec lesquelles il avait des litiges relatifs aux brevets.

21      Le 13 juin 2006, Servier a conclu avec Teva un accord de règlement amiable et d’achat exclusif (ci-après l’« Accord »). Le périndopril visé par l’Accord était le périndopril erbumine (article 1.12 de l’Accord).

22      En vertu des clauses relatives au règlement amiable, Teva s’est engagée à détruire tout périndopril dont elle était propriétaire ou qui était sous son contrôle et qui était destiné à être vendu au Royaume-Uni (article 2.2 de l’Accord). Teva devait en outre s’abstenir, au Royaume-Uni, de fabriquer, de faire fabriquer, de détenir, d’importer, de fournir, de proposer de fournir ou de disposer de périndopril générique soit fabriqué conformément au procédé qu’elle avait mis au point et que Servier considérait comme violant le brevet 947 UK et les brevets 339, 340 et 341, tels que validés par le Royaume-Uni (ci-après, respectivement, le « brevet 339 UK », le « brevet 340 UK » et le « brevet 341 UK »), soit enfreignant ces brevets jusqu’à la résiliation ou l’expiration de l’Accord ou l’expiration desdits brevets (article 2.3 de l’Accord) (ci-après la « clause de non-commercialisation »). Par ailleurs, Teva s’est engagée à ne pas contester les brevets susmentionnés au Royaume-Uni pendant la durée de l’Accord, étant précisé qu’elle n’avait pas l’interdiction de poursuivre une procédure d’opposition contre les brevets litigieux devant l’OEB (article 2.4 de l’Accord) (ci-après la « clause de non-contestation »).

23       En contrepartie des engagements de Teva, Servier s’engageait à renoncer à toute revendication à l’égard de Teva concernant une éventuelle violation des brevets litigieux au Royaume-Uni antérieure à l’entrée en vigueur de l’Accord (article 2.1 de l’Accord).

24      En vertu des clauses relatives à l’obligation d’achat exclusif, Teva s’est engagée à s’approvisionner exclusivement auprès de Servier pour tous ses besoins en périndopril générique destiné à la distribution au Royaume-Uni pendant la durée de l’Accord (articles 1.14 et 3.1 de l’Accord, ci-après la « clause d’achat exclusif »). En cas de non-approvisionnement par Servier, Teva ne disposait d’aucun droit de recours ou de résiliation (ci-après la « clause de non-résiliation »), mais du droit au paiement d’une indemnité forfaitaire de 500 000 GBP par mois (articles 1.8 et 3.8.3 de l’Accord).

25      En vertu des stipulations générales de l’Accord, ce dernier était conclu pour une durée de trois ans et était renouvelable pour une durée supplémentaire de deux ans (articles 8.1 et 8.2 de l’Accord). Par ailleurs, Servier devait verser à Teva, à la signature de l’Accord, sur présentation d’une « facture appropriée », une somme de 5 millions de GBP, en tant que « contribution aux dépenses encourues par Teva dans sa préparation à la conclusion [de l’A]ccord, y compris et sans restriction les dépenses liées à la résiliation de ses contrats de fourniture existants pour le Royaume-Uni » (article 10 de l’Accord).

26      Le 23 février 2007, Servier et Teva ont conclu un avenant à l’Accord (ci-après l’« avenant à l’Accord »), confirmant la mise en œuvre effective de l’obligation d’achat exclusif, en arrêtant une date à laquelle Teva pourrait commencer à distribuer le périndopril générique fourni par Servier. Cette date devait soit être fixée unilatéralement par Servier, soit correspondre à la date de révocation ou d’expiration du brevet 947, soit être celle à laquelle Apotex commencerait à distribuer du périndopril générique au Royaume-Uni à la suite de la résolution du litige l’opposant à Servier.

F.      Sur les faits postérieurs à la conclusion de l’Accord

27      Servier n’a pas effectué la première livraison de périndopril attendue par Teva le 28 juillet 2006 et a également refusé d’honorer toutes les commandes ultérieures de Teva jusqu’en février 2007, date à laquelle les livraisons ont débuté, mais sont restées en consignation jusqu’en juillet 2007. En conséquence de ce non-respect de l’Accord, Servier a versé à Teva une indemnité forfaitaire de 5,5 millions de GBP.

28      À la suite de l’invalidation du brevet 947 UK par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)] (voir point 19 ci-dessus), Servier a autorisé Teva, en application des stipulations de l’avenant à l’Accord, à commercialiser le périndopril générique qu’il lui avait livré. Teva est ainsi entrée sur le marché du Royaume-Uni, avec plusieurs autres sociétés de génériques, le 12 juillet 2007.

G.      Sur l’enquête sectorielle

29      Le 15 janvier 2008, la Commission des Communautés européennes a décidé d’ouvrir une enquête sur le secteur pharmaceutique sur le fondement de l’article 17 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), dans le but d’identifier, d’une part, les causes du recul de l’innovation dans ledit secteur, mesurée par le nombre de nouveaux médicaments entrant sur le marché, et, d’autre part, les raisons de l’entrée tardive sur le marché de certains médicaments génériques.

30      La Commission a publié un rapport préliminaire sur les résultats de son enquête le 28 novembre 2008, en vue d’une consultation publique. Le 8 juillet 2009, elle a adopté une communication ayant pour objet la synthèse de son rapport d’enquête sur le secteur pharmaceutique. La Commission a notamment indiqué, dans cette communication, qu’il convenait de continuer à surveiller les règlements amiables des litiges en matière de brevets conclus entre les sociétés de princeps et les sociétés de génériques, afin de mieux comprendre l’usage qui était fait de ces accords et d’identifier les accords retardant l’entrée des médicaments génériques sur le marché au détriment des consommateurs de l’Union et pouvant être constitutifs d’infractions aux règles de concurrence. La Commission a, ensuite, rendu six rapports annuels relatifs à la surveillance des accords de règlements amiables liés aux brevets.

H.      Sur la procédure administrative et la décision attaquée

31      Le 24 novembre 2008, la Commission a procédé à des inspections inopinées, notamment dans les locaux de Teva. La Commission a adressé des demandes de renseignements à plusieurs sociétés, dont Teva, en janvier 2009.

32      Le 2 juillet 2009, la Commission a adopté une décision d’ouverture de la procédure contre Servier et certaines sociétés de génériques concernées. Elle l’a formellement ouverte contre Teva le 27 juillet 2009.

33      En août 2009, puis de décembre 2009 à mai 2012, la Commission a adressé de nouvelles demandes de renseignements à Teva. De 2009 à 2012, Teva a été invitée à participer à plusieurs réunions-bilans.

34      Le 27 juillet 2012, la Commission a adopté une communication des griefs, adressée à plusieurs sociétés, dont Teva, qui y a répondu le 16 novembre 2012.

35      À la suite de l’audition des sociétés concernées s’étant tenue du 15 au 18 avril 2013, de nouvelles réunions-bilans ont été organisées et de nouvelles demandes de renseignements ont été envoyées.

36      Le 18 décembre 2013, la Commission a donné accès aux éléments de preuve recueillis ou divulgués plus largement après la communication des griefs et a envoyé un exposé des faits, auquel Teva a répondu le 17 janvier 2014.

37      Le conseiller-auditeur a présenté son rapport final le 7 juillet 2014.

38      Le 9 juillet 2014, la Commission a adopté la décision C(2014) 4955 final, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 – Périndopril (Servier)] (ci-après la « décision attaquée »).

39      En vertu de l’article 3 de la décision attaquée, les requérantes ont enfreint l’article 101 TFUE en participant, du 13 juin 2006 au 6 juillet 2007, à un accord, couvrant le Royaume-Uni, de règlement amiable de litiges en matière de brevets contre paiement inversé et d’achat exclusif.

40      La Commission a infligé aux requérantes, conjointement et solidairement, une amende d’un montant de 15 569 395 euros [article 7, paragraphe 3, sous a), de la décision attaquée].

II.    Procédure et conclusions des parties

41      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 septembre 2014, les requérantes ont introduit le présent recours.

42      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 janvier 2015, l’European Generic medicines Association AISBL (EGA) a demandé à intervenir au soutien des conclusions des requérantes dans la présente affaire.

43      La Commission a demandé le traitement confidentiel, à l’égard de l’EGA, de certains éléments contenus dans la requête, dans le mémoire en défense et dans la duplique.

44      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 17 juin 2015, l’EGA a été admise à intervenir au soutien des conclusions des requérantes. En l’absence de contestation des demandes de traitement confidentiel par l’EGA, le Tribunal n’a pas statué sur leur bien-fondé.

45      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a) et d), du règlement de procédure du Tribunal, la Commission a été invitée à répondre à une question et à produire des documents relatifs à la consultation du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes ainsi qu’à produire l’avenant à l’Accord. Elle a répondu à cette question et communiqué les documents requis dans le délai imparti, en demandant le traitement confidentiel d’une mention de l’avenant à l’Accord.

46      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience.

47      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 22 juin 2017.

48      Lors de l’audience, la Commission a, en réponse à une question posée par le Tribunal, renoncé à demander le traitement confidentiel de l’ensemble des éléments divulgués dans la version publique finale de la décision attaquée, ce qui a été acté au procès-verbal d’audience.

49      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 3 et 7 de la décision attaquée, dans la mesure où ils les concernent ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

50      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes et l’intervenante aux dépens.

51      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 3 de la décision attaquée, dans la mesure où il concerne les requérantes ;

–        condamner la Commission aux dépens.

III. En droit

A.      Sur le moyen tiré d’erreurs procédurales

1.      Sur la violation du principe de bonne administration et de la présomption d’innocence

a)      Arguments des parties

52      Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir manqué de soin et d’impartialité dans la conduite de l’enquête comme dans la sélection et l’évaluation des preuves contenues dans le dossier, ainsi qu’en attesteraient leurs arguments exposés au soutien de leurs moyens contestant l’analyse de la concurrence potentielle et de la restriction de concurrence par la Commission ainsi que les nombreuses déclarations du membre compétent de la Commission lors de la finalisation de l’enquête sur le secteur pharmaceutique. La Commission aurait, partant, également méconnu leur droit à la présomption d’innocence.

53      La Commission estime que ce grief des requérantes est insuffisamment étayé. Elle précise que les déclarations visées ne prenaient pas position sur l’issue de l’enquête concernant les requérantes et que le membre de la Commission en cause n’était plus membre de la Commission lors de l’adoption de la décision attaquée.

b)      Appréciation du Tribunal

54      Il convient de rappeler que, parmi les garanties conférées par le droit de l’Union dans les procédures administratives, figure, notamment, le principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98 et T‑212/98 à T‑214/98, EU:T:2003:245, point 404, et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 170). Cette exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée).

55      Quant au principe de la présomption d’innocence, inscrit désormais à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux et s’appliquant notamment aux procédures relatives à des violations des règles de la concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir au prononcé d’amendes ou d’astreintes (arrêts du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, points 149 et 150 ; du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, EU:C:1999:362, points 175 et 176, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, point 216), il implique que toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Cette présomption s’oppose ainsi à tout constat formel et même à toute allusion ayant pour objet la responsabilité d’une personne accusée d’une infraction donnée dans une décision mettant fin à l’action, sans que cette personne ait pu bénéficier de toutes les garanties normalement accordées pour l’exercice des droits de la défense dans le cadre d’une procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation (arrêts du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349, point 106, et du 27 mars 2014, Saint-Gobain Glass France e.a./Commission, T‑56/09 et T‑73/09, EU:T:2014:160, point 99). Cette présomption implique également que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la conviction que l’infraction a été commise (voir arrêt du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, EU:T:2011:560, point 129 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, les requérantes font valoir, en substance, deux arguments au soutien de leur allégation de méconnaissance du principe de bonne administration et de la présomption d’innocence.

57      En premier lieu, les requérantes renvoient à leurs arguments exposés dans le cadre des moyens contestant l’analyse par la Commission de la concurrence potentielle et de la restriction par objet, dont il ressortirait de manière évidente un manque de soin et d’impartialité dans la conduite de l’enquête ainsi que dans la sélection et l’évaluation des preuves de l’infraction.

58      Or, d’une part, en opérant ce renvoi, les requérantes procèdent par voie de simples affirmations, lesquelles ne sont pas de nature à démontrer que la Commission aurait effectivement préjugé l’issue de la procédure administrative ou enquêté avec parti pris (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, point 272). D’autre part et en tout état de cause, l’argumentation des requérantes se confond avec les allégations d’erreurs de droit et d’appréciation prétendument commises par la Commission lors de son analyse de la qualité de concurrent potentiel de Teva et du caractère restrictif de concurrence de l’Accord (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T‑3/89, EU:T:1991:58, point 39), examinées ci-après dans le cadre des moyens correspondants.

59      En second lieu, tout en évoquant de « nombreuses déclarations » de la Commission, les requérantes ne font état que d’une seule déclaration d’un membre de la Commission et renvoient à un article de presse reprenant certains propos de ce membre de la Commission lors de la conférence de presse relative à la présentation des conclusions du rapport d’enquête sur le secteur pharmaceutique (voir point 30 ci-dessus).

60      Il ressort certes de l’article de presse mentionné au point 59 ci-dessus, et la Commission ne le conteste pas, que le membre de la Commission chargé de la concurrence, Mme Kroes, a indiqué que, « [g]lobalement, en effet, il [pouvait] être conclu qu’il y a[vait] quelque chose de pourri dans le royaume ». Cependant, compte tenu de la formulation de cette phrase et du contexte dans lequel ces propos ont été tenus, à savoir la présentation au public du rapport d’enquête sectorielle susmentionné, l’expression en cause visait les pratiques d’ententes et d’abus de position dominante dans le secteur pharmaceutique et non l’Accord en tant que tel. De même, si l’article évoque également l’ouverture d’une procédure à l’encontre de Servier et de plusieurs sociétés de génériques et la réponse de Mme Kroes à une question posée par un journaliste relative aux motifs de l’ouverture de cette procédure selon laquelle les services de la Commission « espér[aient] sortir une affaire vraiment dommageable », il y a lieu de relever que cette déclaration révèle simplement que la Commission estimait disposer d’éléments suffisants pour ouvrir une procédure et ne saurait, à elle seule, laisser entendre que ce membre de la Commission considérait se trouver en présence d’une infraction aux règles de la concurrence, et ce d’autant que, selon le même article de presse, la Commission avait rappelé, par la voix de son membre, que l’imposition d’amendes était subordonnée à la collecte de preuves suffisantes de l’existence de l’infraction.

61      Il convient, dès lors, de considérer que le membre de la Commission en cause s’est limité, lors de cette conférence de presse, à renseigner le public sur une enquête en cours, sans d’ailleurs citer le nom des requérantes, avec toute la discrétion et toute la réserve que commande le respect de la présomption d’innocence et de son devoir d’impartialité.

62      Il s’ensuit que la première branche du présent moyen, reprochant à la Commission d’avoir méconnu le principe de bonne administration et la présomption d’innocence, doit être écartée.

2.      Sur le défaut de consultation effective du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes

a)      Arguments des parties

63      Les requérantes font valoir que la Commission a méconnu la formalité substantielle de consultation du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes (ci-après le « comité consultatif »), prescrite par l’article 14 du règlement no 1/2003. En effet, en raison probablement du délai excessivement court ayant séparé la convocation à la réunion du comité consultatif et la tenue de ladite réunion, seuls les représentants des autorités de la concurrence de trois États membres qui n’étaient pas principalement concernés par l’enquête auraient participé à cette réunion, laquelle n’aurait donné lieu, au surplus, qu’à un bref avis du comité consultatif.

64      La Commission indique que le comité consultatif s’est réuni à deux reprises, les 30 juin et 7 juillet 2014, et que les convocations à ces réunions ont été envoyées les 12 et 30 juin 2014, les parties pertinentes de l’avant-projet de décision ayant été transmises aux États membres les 12 et 20 juin 2014. Elle soutient que, les États membres n’ayant pas émis d’objections quant à la date de fixation de ces réunions, elle a respecté les dispositions de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003. Elle rappelle, en outre, que cette disposition permet au comité consultatif d’émettre un avis même lorsque des membres sont absents. La Commission estime, enfin, que rien ne permet de supposer que les membres du comité consultatif n’ont pas pu émettre un avis, en soulignant qu’elle avait informé les États membres que, compte tenu de la faible participation à la première réunion, la seconde réunion porterait également sur les questions de fond traitées dans l’avant-projet de décision.

b)      Appréciation du Tribunal

65      L’article 14 du règlement no 1/2003, qui relève du chapitre IV, relatif à la coopération entre, d’une part, la Commission et, d’autre part, les autorités de concurrence et les juridictions des États membres, prévoit, en son paragraphe 1, que « [l]a Commission consulte un comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes avant de prendre une décision en application des articles 7, 8, 9, 10 et 23, de l’article 24, paragraphe 2, et de l’article 29, paragraphe 1 », du même règlement. L’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 dispose que, « [p]our l’examen des cas individuels, le comité consultatif est composé de représentants des autorités de concurrence des États membres ». L’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 précise que le comité consultatif émet un avis écrit sur l’avant-projet de décision de la Commission et l’article 14, paragraphe 5, du même règlement que « [l]a Commission tient le plus grand compte de l’avis du comité consultatif », en « inform[ant] ce dernier de la façon dont elle a tenu compte de son avis ». De plus, « [s]ur demande d’un ou de plusieurs membres, les positions exprimées dans l’avis sont motivées » (article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003). Le paragraphe 58 de la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence (JO 2004, C 101, p. 43, ci-après la « communication relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence ») dispose, en outre, que « [l]e comité consultatif est l’enceinte où les experts des diverses autorités de concurrence examinent certaines affaires ainsi que des questions générales relevant du droit de la concurrence [de l’Union] ».

66      Sur le plan procédural, l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 prévoit que la consultation du comité consultatif « peut avoir lieu au cours d’une réunion convoquée et présidée par la Commission, qui se tient au plus tôt quatorze jours après l’envoi de la convocation, accompagnée d’un exposé de l’affaire, d’une indication des pièces les plus importantes et d’un avant-projet de décision ». Néanmoins, « [l]orsque la Commission envoie l’avis de convocation d’une réunion dans un délai inférieur à ceux qui sont indiqués plus haut, cette réunion peut avoir lieu à la date proposée si aucun État membre ne soulève d’objection ». Le paragraphe 66 de la communication relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence précise de même que « [l]e règlement du Conseil prévoit la possibilité que les États membres donnent leur accord pour fixer un délai plus court entre l’envoi de la convocation et la réunion ». L’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 prévoit, en outre, que le comité consultatif « peut émettre un avis même si des membres sont absents et ne sont pas représentés ». L’article 14, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 dispose, enfin, que « [l]a consultation peut également avoir lieu en suivant une procédure écrite », mais que « la Commission organise une réunion si un État membre en fait la demande ». Selon cette disposition, « [e]n cas de recours à la procédure écrite, la Commission fixe un délai d’au moins quatorze jours aux États membres pour formuler leurs observations et les transmettre à tous les autres États membres ».

67      Le document intitulé « Dispositions relatives aux méthodes de travail du comité consultatif » du 19 décembre 2008 (ci-après les « dispositions relatives aux méthodes de travail du comité consultatif »), produit par la Commission le 6 novembre 2015 à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure (voir point 45 ci-dessus), précise les différentes étapes préalables à la consultation du comité consultatif et, en particulier, celles permettant aux autorités nationales de concurrence de prendre connaissance du dossier au fur et à mesure de l’instruction de l’affaire.

68      Il importe de rappeler, à cet égard, que, aux termes des dispositions de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, « [l]a Commission transmet aux autorités de concurrence des États membres une copie des pièces les plus importantes qu’elle a recueillies en vue de l’application des articles 7, 8, 9 et 10 et de l’article 29, paragraphe 1 », dudit règlement et, « [s]i l’autorité de concurrence d’un État membre en fait la demande, la Commission lui fournit une copie des autres documents existants qui sont nécessaires à l’appréciation de l’affaire ». L’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 prévoit, en outre, que « [l]’ouverture par la Commission d’une procédure en vue de l’adoption d’une décision en application du chapitre III dessaisit les autorités de concurrence des États membres de leur compétence pour appliquer les articles [101 et 102 TFUE] » et que, « [s]i une autorité de concurrence d’un État membre traite déjà une affaire, la Commission n’intente la procédure qu’après avoir consulté cette autorité nationale de concurrence ». En application de ces dispositions, la Commission transmet aux autorités nationales de concurrence, immédiatement après leur notification à l’entreprise concernée ou leur réception, la décision initiale d’ouverture de la procédure, la communication des griefs adressée à ladite entreprise, la réponse de cette dernière à ce document et les autres pièces les plus importantes de l’affaire (voir points 6 et 7 des dispositions relatives aux méthodes de travail du comité consultatif).

69      Selon la jurisprudence relative aux dispositions correspondantes du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204), auquel le règlement no 1/2003 a succédé, la consultation du comité consultatif constitue une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de la décision finale de la Commission s’il est établi que le non-respect des règles de consultation a empêché le comité consultatif de rendre son avis en pleine connaissance de cause. Le contenu et la nature substantielle ou non des obligations découlant des dispositions régissant la consultation du comité consultatif doivent ainsi s’apprécier, dans chaque cas d’espèce, en fonction de cette finalité qui est de permettre au comité d’exercer ses fonctions consultatives en toute connaissance de cause(voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T‑69/89, EU:T:1991:39, points 21 et 23, et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 742).

70      En l’espèce, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas procédé à une consultation effective du comité consultatif en raison du bref délai de convocation aux réunions et de transmission de l’avant-projet de décision à ses membres, du caractère trop bref de la motivation de l’avis du comité consultatif et du faible nombre de membres présents à ses réunions. Il convient d’examiner ces divers arguments au regard des pièces du dossier, et notamment des précisions factuelles fournies par la Commission le 6 novembre 2015, en réponse à la mesure d’organisation de la procédure susmentionnée.

71      S’agissant du délai de convocation aux réunions et de transmission de l’avant-projet de décision, il ressort du dossier que la Commission a envoyé celui-ci aux autorités nationales de concurrence des États membres en trois étapes : les chapitres 1 à 4 leur ont été envoyés le 12 juin 2014 avec la convocation à la première réunion du comité consultatif du 30 juin 2014, les chapitres 5 à 9 leur ont été envoyés le 20 juin 2014 avec un résumé de l’avant-projet de décision et le chapitre 10, relatif aux amendes (à l’exception du montant exact de ces dernières), leur a été envoyé le 3 juillet 2014, avec un rappel de la convocation envoyée le 30 juin 2014 à la seconde réunion du comité consultatif du 7 juillet 2004, qui devait porter sur l’ensemble de l’avant-projet de décision. Il ressort en effet du dossier que, en l’espèce, la Commission a expressément indiqué, dans la convocation à la seconde réunion, envoyée le 30 juin 2014, ainsi que dans un courrier électronique du 3 juillet 2014, que l’ordre du jour de la réunion du 7 juillet 2014 concernait la discussion de l’affaire dans sa totalité.

72      Il est vrai qu’un tel envoi échelonné des documents, effectué dans certains cas en méconnaissance du délai de quatorze jours, a révélé une forme de précipitation, probablement liée au fait que la Commission avait, dès l’envoi de la convocation à la réunion du 30 juin 2014, annoncé aux autorités nationales de concurrence qu’elle avait l’intention d’adopter sa décision le 9 juillet 2014, et qu’il n’a pas placé les membres du comité consultatif dans les meilleures conditions pour prendre position. Toutefois, il convient de constater qu’aucune autorité nationale de concurrence n’a émis d’objection sur les dates de ces réunions, alors pourtant que, en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de telles objections auraient empêché la tenue des réunions en cause. En outre, il ressort du dossier que la Commission a transmis aux autorités nationales de concurrence, le 6 juillet 2009, la décision initiale d’ouverture de la procédure, le 31 juillet 2012, la communication des griefs adressée aux entreprises concernées, le 23 juillet 2013, les réponses des entreprises à la communication des griefs, le 19 décembre 2013, un exposé des faits, le 13 février 2014, les réponses des entreprises à ce dernier et, le 20 mai 2015, un exposé des faits relatif à l’imputation de la responsabilité des infractions ainsi que les réponses de certaines entreprises concernées à celui-ci. De plus, le 25 juin 2014, la Commission leur a adressé l’avant-projet de procès-verbal d’audition établi par le conseiller-auditeur.

73      Par conséquent, même s’il peut être estimé regrettable, en particulier, que les chapitres 5 à 9 de l’avant-projet de décision, compte tenu de leur longueur (près de 600 pages) et de leur complexité, n’aient été envoyés par la Commission aux autorités nationales de concurrence des États membres que dix jours avant la tenue de la première réunion du comité consultatif, il convient de considérer, compte tenu de l’ensemble des éléments rappelés aux points 71 et 72 ci-dessus, que les membres du comité consultatif étaient suffisamment informés de la substance du dossier et de la teneur de l’avant-projet de décision et que, par suite, le comité consultatif a pu rendre son avis en pleine connaissance de cause.

74      Il convient, en outre, de préciser que ni les dispositions de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 ni celles du paragraphe 66 de la communication relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence n’imposent à la Commission d’obtenir un accord préalable explicite des autorités de concurrence des États membres afin de déroger au délai de quatorze jours prévu entre l’envoi de la convocation aux membres du comité consultatif et la réunion de ce dernier. En effet, il ressort des termes mêmes de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 que, si la Commission envoie l’avis de convocation d’une réunion dans un délai inférieur à quatorze jours, il appartient aux États membres de manifester une éventuelle opposition à cet égard, faute de quoi la réunion a lieu à la date fixée par la Commission.

75      S’agissant de l’avis rendu par le comité consultatif, il importe de rappeler que l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 prévoit la motivation des positions exprimées dans cet avis uniquement sur demande d’au moins l’un des membres dudit comité (voir point 65 ci-dessus). Or, aucune demande en ce sens n’a été formulée en l’espèce.

76      Il s’ensuit que les dispositions régissant le contenu des avis du comité consultatif n’ont pas été méconnues. Il s’ensuit également que la circonstance que l’avis soit bref et peu détaillé ne saurait signifier que le comité consultatif n’avait pas à sa disposition tous les éléments lui permettant de statuer en connaissance de cause et ne signifie pas davantage que ledit comité ne s’est pas prononcé en pleine connaissance de cause, et ce même s’il s’est prononcé sommairement.

77      S’agissant de la présence d’un nombre limité de représentants d’États membres aux réunions du comité consultatif, il ressort du dossier que, lors de la réunion du 30 juin 2014, seules cinq autorités nationales de concurrence étaient représentées (Espagne, Italie, Autriche, Finlande, Suède) et que, lors de la réunion du 7 juillet 2014, seules deux autorités nationales de concurrence l’étaient (Allemagne, Finlande). Il en résulte effectivement qu’un nombre limité de représentants d’États membres ont pris part à l’avis rendu par le comité consultatif en l’espèce, dès lors que, aux termes des points 20 et 21 des dispositions relatives aux méthodes de travail du comité consultatif, seules les observations et commentaires formulés par les membres présents à la réunion seront pris en compte dans l’avis rendu par le comité consultatif.

78      Il ne saurait toutefois être déduit du faible nombre de représentants des États aux réunions que la Commission a méconnu en l’espèce la formalité substantielle de consultation du comité consultatif.

79      En effet, tout d’abord, il convient de constater que, même si cela peut sembler inhabituel et peu compatible avec une certaine conception de la bonne administration, aucune disposition ne prévoit une règle de quorum pour l’adoption des avis du comité consultatif. De plus, l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 prévoit expressément que le comité consultatif « peut émettre un avis même si des membres sont absents et ne sont pas représentés ». Ensuite, il importe de rappeler que la Commission est tenue de mettre les autorités de concurrence des États membres en mesure de participer au comité consultatif et qu’elle a, en l’espèce, procédé à toutes les démarches nécessaires à cette fin, dès lors qu’elle leur a envoyé les convocations aux réunions du comité consultatif des 30 juin et 7 juillet 2014 ainsi que tous les documents nécessaires depuis l’ouverture de la procédure (voir points 71 et 72 ci-dessus) et qu’aucune objection n’a été soulevée quant à la date de ces réunions (voir point 72 ci-dessus). Enfin, il convient de souligner que le comité consultatif ne peut constituer une enceinte contribuant à l’application cohérente des règles de concurrence du droit de l’Union, ainsi que le prévoit le considérant 19 du règlement no 1/2003, qu’à la condition que les autorités de concurrence des États membres soient disposées à y coopérer efficacement, la Commission ne disposant d’aucun pouvoir coercitif à cet égard.

80      S’agissant enfin du renvoi effectué par les requérantes, lors de l’audience, aux arguments invoqués dans l’affaire T‑691/14, Servier e.a./Commission, par des parties requérantes distinctes au soutien de leur moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de consultation du comité consultatif, il y a lieu d’écarter les arguments en cause comme irrecevables. En effet, admettre la recevabilité de moyens ou de griefs non exposés de manière expresse dans la requête au motif qu’ils ont été soulevés par un tiers dans une autre affaire, à laquelle il serait renvoyé, permettrait le contournement des exigences impératives du règlement de procédure relatives à la présentation des moyens et des arguments des parties requérantes (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, EU:T:2005:455, points 63 et 64, et du 27 septembre 2012, Dura Vermeer Infra/Commission, T‑352/06, non publié, EU:T:2012:483, points 25 et 26).

81      La seconde branche du présent moyen doit donc être écartée et, partant, le moyen dans son ensemble.

B.      Sur le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation dans l’analyse de la concurrence potentielle sur le marché

1.      Sur l’interprétation erronée de la notion de « concurrence potentielle » et de son rôle dans l’appréciation d’une restriction de concurrence par objet

a)      Arguments des parties

82      Les requérantes font valoir que la Commission aurait tenté d’éluder son obligation d’examiner le contexte économique et juridique de l’Accord, en qualifiant les requérantes de concurrents potentiels de Servier pour en déduire automatiquement que ledit accord constituait une restriction par objet. Selon les requérantes, soutenues par l’intervenante, la Commission aurait au surplus retenu cette qualification en se fondant sur une approche excessivement large et sur des critères généralement écartés par la jurisprudence relative à la notion de « concurrence potentielle », à savoir le simple lancement des sociétés de génériques dans le développement de technologies commercialement viables et la perception d’un opérateur déjà présent sur le marché. L’intervenante ajoute que l’existence d’une pression concurrentielle suppose la preuve d’un effet sur les prix avant le lancement du produit en cause.

83      La Commission rétorque qu’elle a démontré, dans la décision attaquée, que les requérantes avaient une possibilité réelle et concrète d’entrer sur le marché dans un délai suffisamment court. Elle rappelle, à cet égard, s’être fondée sur le fait que les requérantes formaient l’un des plus grands groupes mondiaux du secteur des génériques, sur leurs deux possibilités d’entrer sur le marché indépendamment de Servier, sur des expertises leur assurant l’absence de contrefaçon et sur certains engagements de Servier. La Commission ajoute, en se fondant sur la jurisprudence, que la perception de l’opérateur en place joue un rôle dans l’appréciation de la concurrence potentielle et que l’allégation de l’intervenante relative aux effets sur les prix sème la confusion entre concurrence réelle et concurrence potentielle.

b)      Appréciation du Tribunal

84      Les requérantes contestent, d’une part, l’automaticité prétendument établie par la décision attaquée entre le constat de l’existence d’une concurrence potentielle et celui d’une restriction par objet et, d’autre part, les critères retenus pour les qualifier de concurrents potentiels.

85      S’agissant, en premier lieu, des rapports entre concurrence potentielle et restriction par objet, il y a lieu de constater qu’il ne ressort nullement de la décision attaquée que la Commission a déduit le caractère restrictif par objet de l’Accord de la seule qualification des requérantes de concurrents potentiels. Au contraire, après avoir vérifié si les requérantes étaient des concurrents potentiels de Servier (considérants 1527 à 1540 de la décision attaquée), elle a examiné le contenu de l’Accord, en analysant la teneur de ses clauses comme les objectifs qu’elles poursuivaient (considérants 1541 à 1608 de la décision attaquée). La Commission n’a conclu à l’existence d’une restriction par objet qu’à l’issue de cette analyse (considérants 1622 à 1627 de la décision attaquée). Ainsi, la Commission n’a pas éludé en l’espèce son obligation, aux fins d’apprécier si un accord peut être considéré comme une restriction de concurrence par objet, d’examiner notamment la teneur de ses stipulations ainsi que ses objectifs (voir point 182 ci-après).

86      La Commission n’a pas davantage éludé son obligation de procéder à l’examen du contexte économique et juridique de l’accord en cause, également requis aux fins de déterminer s’il est constitutif d’une restriction par objet (voir également point 182 ci-après). En effet, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’examen des conditions de la concurrence sur un marché, et notamment de la concurrence potentielle, suppose la prise en compte de ce contexte, dès lors que, pour déterminer si une concurrence potentielle existe sur un marché, il y a lieu de vérifier si, compte tenu de la structure du marché et du contexte économique et juridique régissant son fonctionnement, il existe des possibilités réelles et concrètes qu’un nouveau concurrent puisse entrer sur le marché en cause et concurrencer les entreprises établies (arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, point 68 ; voir également point 87 ci-après). La Commission a ainsi, dans le cadre de son analyse de la qualité de concurrent potentiel des sociétés de génériques en cause, pris en compte, contrairement à ce que prétendent les requérantes, les conséquences tant des brevets de Servier que de la non-obtention par les requérantes d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) (voir points 109, 111 et 114 ci-après).

87      S’agissant, en second lieu, des critères d’appréciation de la concurrence potentielle, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante également citée par les requérantes, une entreprise constitue un concurrent potentiel s’il existe des possibilités réelles et concrètes que celle-ci intègre le marché en cause et concurrence les entreprises qui y sont établies. Une telle démonstration ne doit pas reposer sur une simple hypothèse, mais doit être étayée par des éléments de fait ou une analyse des structures du marché pertinent. Ainsi, une entreprise ne saurait être qualifiée de concurrent potentiel si son entrée sur le marché ne correspond pas à une stratégie économique viable (arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 86 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, points 166 et 167 et jurisprudence citée). Il en découle nécessairement que, si l’intention d’une entreprise d’intégrer un marché est éventuellement pertinente aux fins de vérifier si elle peut être considérée comme un concurrent potentiel sur ledit marché, l’élément essentiel sur lequel doit reposer une telle qualification est cependant constitué par sa capacité à intégrer ledit marché (arrêts du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, point 168 ; du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 87, et de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 318 à 321).

88      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas, en l’espèce, appliqué des critères d’appréciation de la concurrence potentielle ne correspondant pas à celui des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché, tel que consacré par la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus.

89      La Commission a certes affirmé, au considérant 1125 de la décision attaquée, que la concurrence potentielle des sociétés de génériques commençait lorsque celles qui veulent lancer un produit générique à l’expiration de l’exclusivité accordée au brevet de molécule se lancent dans le développement de technologies commercialement viables pour la production d’IPA et du produit fini.

90      Toutefois, par cette affirmation, la Commission, d’une part, conformément aux critères d’appréciation des possibilités réelles et concrètes d’entrer, a pris en compte la volonté ou l’intention d’entrer sur le marché en cause. D’autre part, elle s’est surtout fondée, de manière également conforme à ces critères d’appréciation, sur la capacité d’entrer des sociétés de génériques. En effet, l’annonce, au considérant 1125 de la décision attaquée, de la prise en compte du lancement dans le développement de technologies commercialement viables est suivie, d’abord, dans le même considérant, d’une explicitation de ce lancement par l’énumération de facteurs (mise en place de « stratégies d’entrée », investissement de « ressources significatives » dans le « développement du produit » et dans le « dépassement des barrières réglementaires et brevetaires ») relevant de l’appréciation de la capacité d’entrer et, ensuite, dans les parties de la décision attaquée consacrées à la détermination de la qualité de concurrent potentiel de chaque société de génériques en cause, de l’analyse de ces facteurs de capacité dans le cas d’espèce.

91      Contrairement à ce que prétend l’intervenante, il est indifférent que ce lancement dans le développement de technologies commercialement viables ne soit finalement pas couronné de succès. En effet, la seule prise en compte d’un lancement fructueux, et ayant ainsi permis une entrée sur le marché, à la date d’appréciation de la concurrence potentielle, reviendrait à nier la différence entre concurrence potentielle, supposant une absence d’entrée sur le marché, et concurrence réelle, impliquant que cette entrée ait eu lieu (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 159). Il est ainsi également indifférent que ledit lancement ne conduise pas en tant que tel à une baisse des prix, dès lors qu’une telle baisse n’est pas inhérente à l’exercice d’une concurrence potentielle, mais résulterait de l’entrée d’un concurrent sur le marché et ainsi de l’exercice d’une concurrence réelle.

92      Il ne saurait non plus être reproché à la Commission d’avoir pris en compte la perception subjective par Servier de la qualité de concurrent potentiel des requérantes, en méconnaissance du critère objectif de la concurrence potentielle que constituent les possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché en cause.

93      Il ressort en effet de la décision attaquée que la Commission a utilisé le critère de la perception de l’opérateur en place comme un critère parmi d’autres aux fins de déterminer la qualité de concurrent potentiel des sociétés de génériques. En particulier, elle a considéré, lors de sa présentation des critères d’appréciation de la concurrence potentielle, que, pour répondre à la question de savoir si les sociétés de génériques exerçaient une pression concurrentielle sur Servier, la perception de l’opérateur en place, Servier, et celle des autres sociétés de génériques concurrentes seraient « aussi » prises en compte (considérant 1163 de la décision attaquée). Elle a par la suite, lors de son appréciation de la qualité de concurrent potentiel des sociétés de génériques, et notamment des requérantes, pris en compte cette perception de Servier ensemble avec d’autres éléments attestant de leur capacité et de leur intention d’entrer, et ce d’ailleurs de manière très marginale par rapport à ces éléments (voir points 109 à 114 ci-après).

94      Or, l’usage du critère de la perception de l’opérateur en place comme un critère d’appréciation parmi d’autres de la concurrence potentielle est conforme à la jurisprudence applicable en l’espèce, en vertu de laquelle ce critère est pertinent, mais non suffisant, pour apprécier l’existence d’une concurrence potentielle. En effet, comme le soulignent pertinemment les requérantes, compte tenu de sa nature subjective et ainsi variable selon les opérateurs en cause, leur connaissance du marché comme leurs rapports avec leurs hypothétiques concurrents, la perception de ces opérateurs, même expérimentés, ne peut à elle seule permettre de considérer qu’un autre opérateur donné est l’un de leurs concurrents potentiels. En revanche, cette perception est susceptible de conforter la capacité d’un opérateur à entrer sur un marché et, ce faisant, de contribuer à sa qualification de concurrent potentiel [voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, points 103 et 104, et du 8 septembre 2016, Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission, T‑460/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:453, point 88].

95      Ainsi, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal a clairement pris en compte le critère de la perception de l’opérateur en place dans l’arrêt du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission (T‑112/07, EU:T:2011:342), aux fins d’établir l’existence d’une concurrence potentielle. Il ressort en particulier des points 90, 226 et 319 de cet arrêt, rappelés au considérant 1160 de la décision attaquée, que non seulement les accords en cause conclus entre des producteurs européens et japonais constituaient des indices sérieux de ce que ces derniers étaient perçus par les premiers comme des concurrents potentiels crédibles, mais également qu’ils révélaient l’existence de possibilités pour les producteurs japonais de pénétrer le marché européen (voir également, en ce sens, arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T‑519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 231). Certes, le Tribunal a également procédé à une analyse objective de la concurrence potentielle, en examinant notamment la capacité des producteurs japonais à entrer sur le marché européen (arrêt du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T‑112/07, EU:T:2011:342, points 157, 160 et 319 à 332), ainsi que l’a d’ailleurs relevé la Commission au considérant 1160 de la décision attaquée. Toutefois, cette analyse objective ne fait que démontrer que le critère subjectif de la perception de l’opérateur en place constitue uniquement un critère parmi d’autres pour apprécier l’existence d’une concurrence potentielle.

96      Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a ni méconnu les rapports entre restriction par objet et concurrence potentielle ni retenu des critères d’appréciation erronés de cette concurrence potentielle.

2.      Sur l’appréciation erronée de la qualité de concurrent potentiel de Teva

a)      Arguments des parties

1)      Sur l’absence de prise en compte du risque d’exclusion du marché causé par les brevets de Servier

97      Selon les requérantes, l’absence de prise en compte du risque de leur exclusion du marché serait, premièrement, en contradiction avec une décision antérieure de la Commission ainsi qu’avec certaines autres considérations de la décision attaquée. En effet, dans la décision du 13 octobre 2011 (affaire COMP/M.6258 – Teva/Cephalon) (ci-après la « décision Teva/Cephalon »), la Commission aurait déduit de l’existence de litiges en matière de brevets l’absence de forte pression concurrentielle des autres sociétés de génériques, alors qu’elle aurait considéré dans la décision attaquée, malgré l’existence de ces mêmes litiges pouvant conduire à l’exclusion des requérantes du marché, que ces dernières étaient des concurrents potentiels de Servier capables d’exercer une forte pression concurrentielle sur le périndopril de Servier. De même, la Commission aurait, de manière contradictoire, reconnu le pouvoir d’exclusion des brevets de Servier dans la partie de la décision attaquée consacrée à l’abus de position dominante de Servier et écarté le risque d’exclusion des requérantes du marché en conséquence de ces brevets lors de l’examen de leur qualité de concurrent potentiel. L’intervenante ajoute, en se fondant sur la jurisprudence, que les brevets forment des barrières juridiques à l’entrée, empêchant de considérer, sous peine de méconnaître la présomption de validité des brevets, que la simple possibilité de contester ces brevets atteste de l’existence d’une concurrence potentielle. Enfin, les requérantes soulignent la nature totalement « exogène » des risques associés à un litige en matière de brevets, impliquant que ces risques ne peuvent être assimilés à des barrières qui ont été considérées comme surmontables par la jurisprudence.

98      Selon les requérantes, l’analyse par la Commission de leur risque d’exclusion du marché serait, deuxièmement, incomplète et erronée et méconnaîtrait, partant, le principe de bonne administration.

99      Les requérantes soutiennent en particulier que la Commission a erronément déduit de plusieurs documents (présentation interne des requérantes de mai 2006, avis d’experts reçus par les requérantes en novembre 2005 et février 2006) qu’elles auraient pu lancer leur propre produit (voir point 12 ci-dessus) sur le marché, en dépit du risque majeur d’injonction provisoire et de la réelle responsabilité pour contrefaçon du brevet 339 UK, auxquels elles s’exposaient et qui seraient attestés par plusieurs documents figurant au dossier (correspondance entre les requérantes et Servier, témoignage du conseil en propriété intellectuelle des requérantes, échanges de courriers électroniques internes aux requérantes), mais qui n’auraient pas été pris en compte. Elles ajoutent que la jurisprudence relative aux injonctions provisoires citée par la Commission serait à la fois postérieure aux faits de l’espèce et restée isolée.

100    Les requérantes estiment qu’il en est de même en ce qui concerne leur entrée sur le marché avec le produit de Krka (voir point 13 ci-dessus). Elles soulignent, à cet égard, que la Commission a omis de prendre en compte l’absence de conclusion d’un arrangement définitif entre Krka et les requérantes et qu’elle a elle-même fait état, dans d’autres passages de la décision attaquée, des risques allégués d’injonction contre le produit de Krka fondés sur le brevet 340 UK, sans les remettre en cause. Les requérantes estiment en outre que l’affirmation de la Commission selon laquelle le retrait des requérantes de leurs discussions avec Krka s’explique par l’importante somme d’argent promise par Servier serait contredite par de nombreux éléments du dossier, dont deux documents cités par la Commission elle-même.

101    Enfin, la Commission aurait négligé le fait que les engagements de Servier relatifs au brevet 947 UK (voir point 18 ci-dessus) excluaient expressément de leur champ d’application les brevets de procédé (brevets 339 UK et 340 UK) et augmentaient donc la probabilité que les juridictions du Royaume-Uni prononcent une injonction à l’égard des requérantes sur la base de ces brevets.

102    La Commission, premièrement, estime que la comparaison du cas d’espèce avec celui en cause dans la décision Teva/Cephalon est viciée, dans la mesure où, dans cette décision, elle ne s’est pas prononcée sur la possibilité réelle et concrète d’entrer sur le marché en cause. Elle ajoute que, même à considérer qu’elle se soit prononcée sur cette possibilité, la décision Teva/Cephalon serait compatible avec la décision attaquée, en ce que l’existence de barrières à l’entrée, en raison de la possibilité d’un contentieux en matière de brevets, ne signifie pas qu’il n’existe aucune entreprise ayant une chance réaliste de les surmonter pour entrer sur le marché en cause. La Commission estime qu’il en est de même en ce qui concerne la barrière constituée par la position dominante de Servier et en déduit l’absence de contradiction dans la décision attaquée. Elle ajoute que les allégations de l’intervenante méconnaissent les règles du droit de l’Union en matière pharmaceutique selon lesquelles la commercialisation n’est pas subordonnée à la preuve de l’absence de contrefaçon d’un brevet, brevet contre lequel les actions litigieuses sont au surplus majoritairement remportées par les sociétés de génériques. La Commission rejette enfin la pertinence du caractère exogène ou non de l’obstacle à surmonter aux fins de l’appréciation de la concurrence potentielle et fait observer au surplus que les obstacles en cause dans la jurisprudence citée par les requérantes étaient également en partie exogènes.

103    La Commission, deuxièmement, réfute toute erreur ou insuffisance dans l’analyse du risque d’exclusion des requérantes. Elle précise qu’elle ne conteste pas l’existence d’un risque que Servier invoque ses brevets de procédé pour empêcher l’entrée des requérantes sur le marché. Elle estime toutefois que ce risque a été grandement surestimé par les requérantes.

104    La Commission présente une analyse détaillée de chacun des documents invoqués par les requérantes pour exclure l’existence d’un risque, présenté comme quasi certain par celles-ci, d’injonction provisoire à l’encontre de leur produit. Elle souligne avoir pris en considération l’ensemble de ces documents, ainsi que d’autres, dans la décision attaquée. Elle écarte également le risque d’injonction provisoire en l’espèce, en se fondant sur les conditions prévues par la jurisprudence pour l’octroi de ce type d’injonction au Royaume-Uni. La Commission ajoute qu’une simple probabilité d’injonction provisoire n’est pas susceptible d’exclure la possibilité réelle et concrète de Teva d’entrer sur le marché et que, même si une injonction provisoire avait été émise, la perspective demeurait qu’une procédure contentieuse complète pût être menée à son terme dans un délai suffisamment court pour que Teva exerçât une pression concurrentielle. Elle relève enfin que, si la procédure d’injonction était clairement favorable à Servier, ce dernier aurait engagé une telle procédure au lieu de conclure un accord avec Teva.

105    Quant au produit de Krka, la Commission rappelle l’absence d’incompatibilité entre une injonction provisoire sur la base du brevet 340 UK et l’existence d’une possibilité réelle et concrète d’entrer sur le marché. Elle se fonde par ailleurs sur plusieurs documents émanant des requérantes elles-mêmes pour minimiser le risque d’injonction provisoire allégué. Elle souligne enfin que le retrait des requérantes de leurs discussions avec Krka s’explique par l’importante somme d’argent promise par Servier davantage que par le risque d’injonction susmentionné.

106    Quant aux engagements de Servier, la Commission affirme avoir clairement indiqué, dans la décision attaquée, que, même si elles étaient les seules à bénéficier de ces engagements, les requérantes étaient toujours confrontées à une menace éventuelle liée aux brevets de procédé de Servier. Elle ajoute que les requérantes n’expliquent pas pourquoi les engagements de Servier augmentaient la probabilité que les juridictions du Royaume-Uni statuent en faveur de Servier si ce dernier demandait une injonction provisoire sur la base de ses brevets de procédé.

2)      Sur l’absence de prise en compte du retard pris par la procédure d’autorisation ainsi que des problèmes de stabilité et de conditionnement du produit générique de Teva

107    Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas dûment tenu compte du fait qu’elles étaient incapables d’entrer sur le marché au moment de la signature de l’Accord, au motif qu’elles ne disposaient pas d’une AMM délivrée par les autorités du Royaume-Uni. L’approbation réglementaire aurait été reportée à plusieurs reprises et ces reports, comme l’incertitude les entourant, auraient représenté un problème majeur pour les requérantes, dès lors qu’ils les auraient empêchées d’être la première société de génériques à entrer sur le marché à la suite de l’invalidation probable du brevet 947 par l’OEB. Les requérantes soulignent également, en se fondant sur plusieurs documents, que ces retards réglementaires ont constitué un élément essentiel de leur décision de conclure l’Accord, d’autant plus qu’elles prévoyaient que leur propre produit serait moins attractif sur le plan concurrentiel en raison de problèmes de stabilité et de conditionnement. Elles reprochent d’ailleurs à la Commission de n’avoir tenu aucun compte des handicaps commerciaux de leur produit.

108    La Commission admet, ainsi qu’elle l’a indiqué dans la décision attaquée, que les requérantes rencontraient des difficultés imprévues pour l’obtention de l’approbation de leur médicament par les autorités du Royaume-Uni. Elle estime néanmoins que la gravité de ces difficultés n’était pas telle que les requérantes n’avaient pas de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché et écarte, à cet égard, la pertinence des documents invoqués par les requérantes. La Commission souligne en particulier que, même si Teva n’avait pas réussi à être la première société de génériques sur le marché en raison de retards dans l’octroi de l’AMM, une entrée avec son propre produit serait encore viable et rentable. Elle ajoute par ailleurs que l’argument des requérantes relatif à l’impact des problèmes de stabilité et de conditionnement de leur médicament sur leur entrée sur le marché n’est pas étayé.

b)      Appréciation du Tribunal

109    Il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que Teva était un concurrent potentiel clé de Servier, qui avait l’intention et la capacité d’entrer sur le marché dans un court laps de temps (considérants 1528 et 1540), et ce même si elle n’avait pas encore reçu d’AMM et n’avait pas lancé de version générique du périndopril sur le marché du Royaume-Uni, en se fondant sur les cinq considérations suivantes.

110    Premièrement, la Commission a relevé que Teva disposait, au moment de la signature de l’Accord, d’un stock de périndopril générique fabriqué et fourni par Alembic Pharmaceuticals à partir de l’IPA d’Hetero Drugs. Elle a estimé que ce produit était viable, malgré sa durée de conservation prétendument inférieure à celle d’autres versions du périndopril, mais qui correspondait à celle du périndopril erbumine de Servier, et en dépit de la taille de son emballage et de ses problèmes de stabilité, problèmes dont il n’aurait pas été établi qu’ils auraient affecté la viabilité du périndopril de Teva (considérants 1529 et 1530 de la décision attaquée).

111    Deuxièmement, la Commission a souligné avoir reconnu les difficultés de nature réglementaire auxquelles Teva faisait face à l’époque. Elle a estimé néanmoins, en se fondant sur l’arrêt du 3 avril 2003, BaByliss/Commission (T‑114/02, EU:T:2003:100, point 102), que des retards dans l’obtention de l’AMM ne signifiaient pas qu’une entrée sur le marché n’aurait pas lieu, et ce d’autant plus que les retards envisagés demeuraient dans les limites du court laps de temps, tel qu’il ressort de la jurisprudence et des lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale (JO 2011, C 11, p. 1). La Commission a ajouté que Teva avait pris en compte la possibilité de ne pas être la première société de génériques à entrer sur le marché et n’avait pas abandonné son projet de commercialisation pour cette raison. Elle a précisé, à cet égard, qu’il n’y avait aucune certitude quant au fait que Teva n’entrerait pas la première sur le marché et que, quand bien même elle ne serait pas la première, elle pourrait faire partie de la première vague d’entrants grâce à ses ressources et son expérience significatives au Royaume-Uni (considérant 1531, renvoyant aux considérants 674 et 675, et considérant 1538 de la décision attaquée).

112    Troisièmement, la Commission a constaté que Teva avait atteint un stade avancé dans les négociations avec Krka en vue de la fourniture éventuelle du produit final à des fins de distribution au Royaume-Uni. Elle a souligné l’existence d’une possibilité, et non d’une certitude, de contrefaçon du brevet 340 UK par le produit de Krka (considérant 1532 de la décision attaquée).

113    Quatrièmement, la Commission a estimé que, au vu des documents contemporains des faits, l’entrée de Teva sur le marché avec son propre produit aurait été « plutôt profitable » et ainsi économiquement viable (considérant 1533 de la décision attaquée).

114    Cinquièmement, selon la Commission, Teva semblait confiante dans le fait, d’une part, que son produit n’enfreignait pas les brevets de procédé, malgré les menaces de Servier de la poursuivre pour contrefaçon du brevet 339 UK, et, d’autre part, que le brevet 947 était invalide, Ivax ayant été le premier contestataire de ce brevet au Royaume-Uni et Teva ayant introduit une procédure d’opposition contre ledit brevet devant l’OEB. La Commission souligne par ailleurs que Teva était la seule société de génériques destinataire de la décision attaquée que Servier se serait engagé à ne pas poursuivre en contrefaçon. Elle relève enfin que Teva aurait pu obtenir une AMM et ainsi entrer sur le marché avant l’annulation du brevet 947 (considérants 1534 à 1539, renvoyant aux considérants 677 à 681 de la décision attaquée).

115    Il importe de rappeler, à titre liminaire, que les requérantes ne contestent pas qu’elles disposaient d’un stock de périndopril viable (voir point 110 ci-dessus) ainsi que de ressources et d’une expérience significatives au Royaume-Uni (voir point 111 ci-dessus), et que leurs propres documents établissaient que leur entrée sur le marché avec leur propre produit aurait été « plutôt profitable » (voir point 113 ci-dessus).

116    Or, de tels éléments, en ce qu’ils attestent de démarches visant à la production de périndopril, d’une assise locale importante et de perspectives de rentabilité de la commercialisation du périndopril de Teva, permettent d’établir que cette dernière avait non seulement l’intention de prendre le risque d’entrer sur le marché du Royaume-Uni, mais également la capacité d’y entrer.

117    Il convient, dès lors, de déterminer si les allégations des requérantes relatives aux obstacles liés aux brevets de Servier ainsi qu’aux risques de contrefaçon et d’injonction provisoire auxquels elles auraient été exposées, à leurs difficultés d’obtention de l’AMM et aux défauts de leur produit sont susceptibles de remettre en cause leur capacité et leur intention d’entrer sur le marché, telles que déduites des éléments susmentionnés, et ainsi leurs possibilités réelles et concrètes de concurrencer Servier (voir, en ce sens, arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, points 386 et 588).

1)      Sur les obstacles liés aux brevets de Servier et les risques de contrefaçon et d’injonction provisoire

118    Les requérantes, soutenues par l’intervenante, font valoir en substance, premièrement, que les brevets de Servier constitueraient, eu égard à leur présomption de validité, à une décision précédente de la Commission, aux considérations de la décision attaquée relatives à l’abus de position dominante de Servier et à leur nature « exogène », des obstacles insurmontables à leur entrée sur le marché et, deuxièmement, que la Commission aurait en l’espèce analysé de manière incorrecte et incomplète leur risque d’exclusion du marché du fait de ces brevets.

i)      Sur la nature d’obstacles insurmontables des brevets

119    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les parties avaient tort de prétendre, en se fondant notamment sur l’arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362), que l’entrée sur le marché était impossible, au motif que l’existence d’un brevet excluait toute possibilité de concurrence, et d’en conclure que les brevets de Servier créaient un « blocage unilatéral » au sens des lignes directrices relatives à l’application de l’article [101 TFUE] aux accords de transfert de technologie (JO 2004, C 101, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie »), lesquelles ne seraient au surplus pas applicables en l’espèce (considérants 1167 et 1168 ainsi que note en bas de page no 1638 de la décision attaquée).

120    La Commission a ajouté que, en tout état de cause, les sociétés de génériques avaient la possibilité, premièrement, de contester la validité des brevets de Servier. Elle a rappelé, à cet égard, l’arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75, point 92), en vertu duquel il est de l’intérêt public d’éliminer, notamment par des actions contestant la validité des brevets, tout obstacle à l’activité économique qui pourrait découler d’un brevet délivré à tort, ainsi que l’arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 108), qui aurait affirmé que la concurrence potentielle pouvait exister même avant l’expiration du brevet de molécule (considérants 1132, 1165 et 1169 ainsi que note en bas de page no 1640 de la décision attaquée). La Commission a ajouté que le fait que Servier avait ou allait invoquer une contrefaçon de ses brevets était sans importance afin de déterminer si ces brevets étaient en mesure de bloquer l’entrée des médicaments génériques, en soulignant l’absence de présomption de contrefaçon et l’absence de décision de justice ayant constaté pendant la période pertinente une telle contrefaçon (considérants 1169 à 1171 de la décision attaquée). Elle a précisé qu’elle se fonderait, en ce qui concerne la possibilité perçue d’invalidité ou de contrefaçon des brevets de Servier, sur les évaluations réalisées par les parties elles-mêmes ainsi que par des tiers, telles qu’exposées dans des documents antérieurs à ou contemporains de la conclusion des accords litigieux (considérant 1172 de la décision attaquée).

121    La Commission a estimé que les sociétés de génériques avaient également la possibilité, deuxièmement, d’avoir recours à des voies alternatives pour accéder aux marchés où les litiges se déroulaient (considérant 1175 de la décision attaquée). D’une part, les sociétés de génériques demeuraient libres de lancer le périndopril à risque, c’est-à-dire avec le risque que la société de princeps engage une action en contrefaçon. La Commission a souligné, à cet égard, que, compte tenu de la pratique du dépôt de brevets de procédés à la suite de l’expiration du brevet de molécule, la quasi-totalité des ventes après cette expiration étaient à risque et que l’entrée à risque d’Apotex en 2006 s’était soldée par un jugement d’invalidité du brevet 947 UK et l’octroi de dommages et intérêts par Servier (considérants 1176 et 1177 de la décision attaquée). D’autre part, les sociétés de génériques auraient pu adapter leurs procédés soit directement, soit en changeant de fournisseur d’IPA, pour éviter les allégations de contrefaçon. Bien que, le cas échéant, sources de retards réglementaires, ces changements représentaient, selon la Commission, une voie alternative viable pour accéder au marché (considérant 1178 de la décision attaquée).

122    La Commission a conclu, au considérant 1179 de la décision attaquée, comme suit :

« [… L]es règlements amiables ont été conclus dans un contexte où le brevet de molécule avait expiré, et où toutes les parties génériques étaient impliquées, directement ou indirectement, dans des actions en justice ou litiges concernant un ou plusieurs des brevets restants de Servier, que ce soit sous la forme d’une défense contre des actions en contrefaçon, ou par des actions ou des demandes reconventionnelles visant à invalider lesdits brevets. Les sociétés de génériques pouvaient également choisir d’autres mesures brevetaires comme pistes potentielles d’accès au marché. La Commission examinera en détail si les sociétés de génériques cherchant à surmonter les obstacles en matière de brevet et à lancer leur périndopril générique étaient une source de pression concurrentielle vis-à-vis de Servier en dépit de ses brevets. Il convient de rappeler, à cet égard, que tous les accords visés par la présente décision ont été conclus à un moment où il y avait une incertitude quant au fait de savoir si l’un quelconque des brevets avait été violé et en particulier si le brevet 947 pouvait être invalidé. La simple existence, et l’invocation, des brevets de Servier n’ont donc pas empêché toute possibilité de concurrence potentielle ou réelle. »

123    Contrairement à ce que prétendent les requérantes, ces considérations de la Commission ne sont pas entachées d’erreurs.

124    En effet, si le droit exclusif que constitue le brevet a normalement pour conséquence de tenir les concurrents à l’écart, ces derniers étant tenus de respecter ce droit exclusif en vertu de la réglementation publique (arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362), cet effet d’exclusion de la concurrence concerne les concurrents réels commercialisant des produits contrefaisants. Le brevet confère à son titulaire le droit exclusif d’utiliser une invention en vue de la fabrication et de la première mise en circulation de produits industriels ainsi que le droit de s’opposer à toute contrefaçon (arrêts du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper, 15/74, EU:C:1974:114, point 9 ; du 14 juillet 1981, Merck, 187/80, EU:C:1981:180, point 9, et du 16 juillet 2015, Huawei Technologies, C‑170/13, EU:C:2015:477, point 46), mais ne s’oppose pas, par lui-même, à ce que des opérateurs entament les démarches requises pour être en mesure d’entrer sur le marché en cause à l’expiration du brevet et, ainsi, exercent une pression concurrentielle sur le titulaire du brevet caractéristique de l’existence d’une concurrence potentielle avant cette expiration. Il ne s’oppose pas davantage à ce que des opérateurs procèdent aux opérations nécessitées par la fabrication et la commercialisation d’un produit non contrefaisant, leur permettant d’être considérés comme des concurrents réels du titulaire du brevet à compter de leur entrée sur le marché et, le cas échéant, comme des concurrents potentiels jusqu’à cette entrée (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 164).

125    Statuant sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266), la Cour a d’ailleurs elle-même reconnu, dans son arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 108), qu’une concurrence potentielle pouvait exister sur un marché même avant l’expiration d’un brevet. Plus précisément, la Cour a jugé, au point 108 de cet arrêt, qui, contrairement à ce qu’a soutenu l’intervenante lors de l’audience, ne se limite pas à un obiter dictum et qui a été repris par la Commission aux considérants 1165 et 1169 de la décision attaquée, que des certificats complémentaires de protection qui visent à prolonger les effets d’un brevet entraînaient un effet d’exclusion important après l’expiration des brevets, mais qu’ils étaient « également susceptibles d’altérer la structure du marché en portant atteinte à la concurrence potentielle même avant cette expiration », ce constat relatif à l’exercice d’une concurrence potentielle avant l’expiration des brevets étant indépendant du fait que les certificats complémentaires de protection en cause avaient été obtenus de manière frauduleuse et irrégulière.

126    Il en est d’autant plus ainsi dans le secteur pharmaceutique, dans lequel la législation relative à l’octroi des AMM qui sont requises pour qu’un médicament puisse être commercialisé sur le marché permet aux autorités compétentes d’accorder une AMM à un produit générique alors même que le produit de référence est protégé par un brevet. En effet, il ressort de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée, que les demandes d’AMM pour des produits génériques peuvent suivre une procédure abrégée s’appuyant sur les résultats des tests et des essais communiqués dans la demande d’AMM du produit de princeps et que les données relatives à ces résultats peuvent être utilisées et permettent, partant, l’octroi d’une AMM avant l’expiration du brevet sur le produit de princeps (article 10 de la directive 2001/83 ; voir également considérants 74 et 75 de la décision attaquée). Ainsi, la législation relative à la commercialisation des produits pharmaceutiques prévoit elle-même qu’une société de génériques peut entrer sur le marché grâce à une AMM légalement octroyée ou, à tout le moins, entamer la procédure d’obtention de l’AMM, au cours de la période de protection du brevet de la société de princeps.

127    Bien plus, le système de protection des brevets est conçu de telle sorte que, si les brevets sont présumés valides à compter de leur enregistrement (arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362), cette présomption de validité n’implique pas ipso facto le caractère contrefaisant de tous les produits introduits sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, points 121 et 122). Comme le souligne à juste titre la Commission dans la décision attaquée (considérants 1169 à 1171 de ladite décision), il n’existe pas de présomption de contrefaçon, une telle contrefaçon devant être constatée par un juge. En effet, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75, point 52), si un opérateur privé titulaire d’un brevet pouvait substituer sa propre appréciation de l’existence d’une infraction à son droit de brevet à celle de l’autorité compétente, il pourrait utiliser cette appréciation aux fins d’étendre le champ de protection de son brevet (voir également considérant 1171 et note en bas de page no 1642 de la décision attaquée).

128    Contrairement à ce que fait valoir l’intervenante, cette approche de la Commission ne renverse pas la présomption de validité attachée aux brevets. L’intervenante se fonde en effet sur une lecture erronée de la décision attaquée, dès lors que la Commission y a considéré en substance et à juste titre (voir points 124 à 127 ci-dessus), non que le brevet était présumé invalide jusqu’à l’adoption d’une décision juridictionnelle relative à sa validité et à l’existence d’une contrefaçon, mais que, jusqu’à l’adoption d’une telle décision, la présomption de validité du brevet n’empêchait pas une entrée à risque sur le marché (voir considérants 1171 et 1176 de la décision attaquée).

129    Il convient de souligner que la même absence de présomption de contrefaçon s’applique en cas de déclaration de validité du brevet en cause par une autorité compétente. En effet, dès lors qu’un brevet n’empêche pas en tant que tel l’entrée effective ou potentielle de concurrents sur le marché, la déclaration de validité dudit brevet, si elle n’est pas combinée à une déclaration de contrefaçon, n’exclut pas davantage une telle concurrence.

130    Il est par conséquent possible pour un opérateur de prendre le risque d’entrer sur le marché y compris avec un produit potentiellement contrefaisant le brevet en vigueur, cette entrée ou ce lancement à risque (voir notamment considérants 75 et 1176 de la décision attaquée) pouvant être couronnés de succès si le titulaire du brevet renonce à introduire une action en contrefaçon ou si cette action en contrefaçon est rejetée dans l’hypothèse où elle aurait été introduite (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, points 128 et 165).

131    Il peut d’ailleurs être relevé à cet égard, contrairement à ce que soutient l’intervenante, que la Commission a, à juste titre, estimé, aux considérants 1132 et 1169 de la décision attaquée, que la contestation des brevets et des décisions relatives à ces brevets constituait une « expression […] de la concurrence » en matière de brevets. En effet, eu égard au risque de contrefaçon auquel est exposée toute société de génériques et à l’incompétence des opérateurs privés pour juger de la réalité de la contrefaçon, précédemment relevés (voir point 127 ci-dessus), l’action contentieuse constitue l’un des moyens à la disposition de la société de génériques pour réduire ce risque et entrer sur le marché, en obtenant soit une déclaration de non-contrefaçon, soit une invalidation du brevet potentiellement contrefait (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 122). Il en résulte également que, tant que des voies contentieuses sont ouvertes à la société de génériques pour contester les brevets concernés et ainsi lui ouvrir un accès au marché, il peut être considéré que lesdits brevets ne constituent pas des obstacles insurmontables à cet accès et, partant, n’empêchent pas une concurrence potentielle de se déployer.

132    Il s’ensuit que la Commission a estimé sans commettre d’erreur que les brevets de Servier ne constituaient pas en l’espèce des obstacles insurmontables à l’entrée des sociétés de génériques sur le marché. En effet, à la date de conclusion des accords litigieux, aucune décision définitive statuant sur le fond d’une action en contrefaçon n’avait constaté le caractère contrefaisant des produits desdites sociétés.

133    Ces considérations ne sont remises en cause ni par la jurisprudence citée par l’intervenante, ni par les lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie (voir point 119 ci-dessus), ni par une décision précédente de la Commission mentionnée par les requérantes, ni par les considérations de la décision attaquée relatives à l’abus de position dominante de Servier, ni enfin par la prétendue nature exogène des obstacles liés aux brevets.

134    Quant à l’arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332), cité par l’intervenante, il doit être relevé tout d’abord qu’il ne concernait pas des brevets, mais portait sur des droits exclusifs empêchant en droit ou en fait la prestation des services en cause. Ensuite, quand bien même les « monopoles territoriaux de fait » mentionnés dans l’arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, point 102), ne sont pas sans rappeler les droits exclusifs que constituent les brevets (voir point 124 ci-dessus), il ressort de cet arrêt que le Tribunal a déduit l’absence de concurrence potentielle, non de la seule existence de ces monopoles, mais du fait que la Commission n’avait pas démontré à suffisance de droit qu’il existait des possibilités réelles et concrètes pour un autre fournisseur de gaz d’intégrer le marché allemand du gaz en dépit desdits monopoles, admettant par là même que de tels monopoles ne suffisaient pas en eux-mêmes pour exclure l’existence d’une concurrence potentielle (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, points 103 à 107).

135    Quant aux lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, elles prévoient certes que les parties à un accord ne sont pas des concurrents potentiels lorsqu’il y a une « situation de blocage », définie comme celle dans laquelle une partie enfreint les droits de propriété intellectuelle de l’autre (paragraphes 28, 29 et 32 de ces lignes directrices). Toutefois, à supposer même que ces lignes directrices soient applicables en l’espèce, elles visent l’hypothèse d’une infraction aux droits de propriété intellectuelle et ainsi d’une contrefaçon des brevets, dont il convient de rappeler qu’elle ne peut être constatée que par un juge (voir point 127 ci-dessus). Il est d’ailleurs remarquable que ces lignes directrices mentionnent, en leur paragraphe 32, les « décisions des tribunaux » comme des « preuves pertinentes » de l’existence d’une situation de blocage. Ainsi, en l’absence de décision de justice définitive constatant une contrefaçon des brevets de Servier par les requérantes, il ne saurait être considéré que ces dernières se trouvaient en l’espèce dans une situation de blocage au sens desdites lignes directrices, empêchant de les considérer comme des concurrents potentiels de Servier.

136    Quant à la décision Teva/Cephalon, elle n’est pas en contradiction avec la décision attaquée. En effet, il convient, tout d’abord, de rappeler que, dans la mesure où les brevets ne constituent pas en principe des obstacles insurmontables à l’entrée d’un concurrent sur le marché, mais peuvent créer de tels obstacles selon l’issue du contentieux et avoir un impact sur les possibilités réelles et concrètes d’y entrer (voir points 132 ci-dessus et 140 à 147 ci-après), il n’est pas exclu que la Commission ait pu, dans certaines de ses décisions, dont notamment la décision Teva/Cephalon, se fonder sur l’existence de brevets pour en inférer l’absence de concurrence potentielle. Il y a lieu, ensuite, de relever que, dans cette décision, la Commission a considéré que les sociétés de génériques ne seraient pas capables d’exercer une « pression concurrentielle significative » – qui se distingue de la simple pression concurrentielle, suffisant à caractériser l’existence d’une concurrence potentielle – sur les parties à la concentration pendant une certaine période, en se fondant sur le fait que plusieurs contentieux en cours avaient provisoirement été tranchés en faveur de la société de princeps et ne pourraient être remis en cause au cours de la période concernée, de sorte que la pression concurrentielle exercée, tout en étant effective, ne saurait être qualifiée de significative au cours de ladite période (paragraphes 93 à 98 de la décision Teva/Cephalon).

137    Quant aux appréciations de la décision attaquée relatives à l’abus de position dominante de Servier, il suffit de constater que, dans les passages de la décision attaquée mentionnés par les requérantes, consacrés à la définition du marché du produit fini et à la détermination de l’existence d’une position dominante sur ce marché, la Commission a considéré en substance que les brevets de Servier étaient des barrières non absolues à l’entrée sur le marché, conformément à son appréciation de la concurrence potentielle sur ce marché.

138    Quant à la nature prétendument totalement exogène des risques associés à un litige en matière de brevets, en ce que les parties à ce litige n’en auraient pas la maîtrise, il y a lieu de considérer que cette absence de maîtrise des obstacles liés aux brevets, si elle peut avoir une influence sur les moyens utilisés pour les surmonter, ne permet pas en tant que telle d’exclure l’existence de possibilités de les surmonter.

139    Il résulte de tout ce qui précède que, dès lors que, à la date de conclusion de l’Accord, aucune injonction provisoire ni a fortiori aucune décision définitive statuant sur le fond d’une action en contrefaçon des brevets de Servier n’avaient été prononcées à l’égard du produit des requérantes ou de celui de Krka, les brevets de Servier ne sauraient être considérés comme ayant été des obstacles insurmontables à l’entrée des requérantes sur le marché.

ii)    Sur les risques de contrefaçon et d’injonction provisoire

140    Il convient de constater, à titre liminaire, que les requérantes contestent l’appréciation incorrecte et incomplète des risques de contrefaçon et d’injonction provisoire fondés sur les brevets de Servier. Les requérantes reconnaissent toutefois qu’aucun risque d’injonction ne portait sur le brevet 947 UK, à tout le moins, à la date de conclusion de l’Accord (voir point 101 ci-dessus), dès lors que Servier s’était engagé à ne pas demander d’injonction sur ce fondement à leur égard jusqu’à l’intervention de la décision finale dans la procédure d’opposition devant l’OEB (voir point 18 ci-dessus). Seuls demeuraient ainsi potentiellement des risques d’injonction provisoire à l’égard du produit des requérantes pour contrefaçon du brevet 339 UK et à l’égard du produit de Krka pour contrefaçon du brevet 340 UK, dont la prise en compte insuffisante est critiquée en l’espèce.

141    Il y a lieu de considérer à cet égard, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, que de tels risques de contrefaçon et d’injonction provisoire, quand bien même ils seraient établis, alors qu’aucune action en ce sens n’avait été introduite à la date de la conclusion de l’Accord, et que la probabilité de leur concrétisation serait importante, ne sauraient en l’espèce exclure l’existence de possibilités réelles et concrètes pour elles de surmonter les obstacles liés aux brevets en cause.

142    En effet, d’une part, une injonction provisoire, outre qu’elle ne constitue pas un obstacle insurmontable à une entrée sur le marché (arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, points 366 et 367), implique, de par sa nature même, la poursuite du contentieux, dès lors qu’elle ne constitue qu’une étape procédurale intermédiaire permettant à titre provisoire de préserver les intérêts du titulaire du brevet jusqu’à l’adoption d’une décision statuant sur le fond de la contrefaçon, pour la rejeter le cas échéant. En outre, une telle décision de rejet, favorable au prétendu auteur de la contrefaçon, est en principe susceptible d’intervenir rapidement après le prononcé de l’injonction, ainsi qu’en atteste en particulier le délai de moins d’un an s’étant écoulé entre l’injonction provisoire prononcée à l’encontre d’Apotex et le jugement de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], statuant sur la demande reconventionnelle en annulation du brevet 947 UK formée à la suite de l’action en contrefaçon de Servier. Cette constatation est d’ailleurs corroborée par les statistiques relatives à la durée moyenne des mesures d’injonction provisoire et à la durée moyenne totale d’une instance de contrefaçon ou de validité des brevets au Royaume-Uni, figurant dans le rapport d’enquête de la Commission sur le secteur pharmaceutique du 8 juillet 2009 (tableaux nos 82 et 86). Ainsi, de deux choses l’une, soit les requérantes obtiendraient rapidement une déclaration de non-contrefaçon et la levée de l’injonction provisoire leur permettant d’entrer sur le marché, de sorte qu’une injonction provisoire pourrait être considérée comme préservant les possibilités réelles et concrètes d’entrer sur un marché, soit le juge rendrait une décision constatant la contrefaçon, décision qui, sans constituer un obstacle insurmontable à leur entrée sur le marché (arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 368), pourrait nuire, mais uniquement à compter du prononcé de cette décision, à leurs possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché.

143    D’autre part, il convient de rappeler que l’action contentieuse, en ce compris la défense dans le cadre d’une action en contrefaçon introduite par la société de princeps qui a donné lieu à une injonction provisoire, constitue une expression de la concurrence en matière de brevets, en ce qu’elle permet à la société de génériques de limiter les risques éventuels de son entrée sur le marché (voir point 131 ci-dessus). Il peut d’ailleurs être souligné, à cet égard, qu’est considérée comme une stratégie contentieuse de lancement à risque, évoquée par les parties elles-mêmes, la stratégie visant à « ouvrir la voie », qui consiste pour la société de génériques à prendre des mesures pour ouvrir un contentieux, soit en engageant une action en déclaration de non-contrefaçon, soit en annonçant à la société de princeps son intention de lancer un médicament et en lui demandant de la poursuivre en contrefaçon rapidement si tel est son souhait.

144    Or, en l’espèce, l’ensemble des documents cités par les requérantes comme ayant été soit erronément interprétés, soit non pris en compte, attestent, ainsi qu’elles le soutiennent au demeurant, tant de la connaissance des risques de contrefaçon et d’injonction que de la prise en compte de ces risques. Il ressort ainsi de ces documents émanant des requérantes elles-mêmes, de leurs conseils en propriété intellectuelle, de leurs représentants ainsi que de Servier, que les requérantes ont été informées dès novembre 2005 de l’existence de risques de contrefaçon, de risques de demandes d’injonction provisoire par Servier, des résultats potentiels de ces procédures d’injonction ainsi que des moyens d’y faire face. Ainsi, notamment, selon un courrier électronique interne des requérantes du 30 mars 2006, produit en annexe à la requête, il était indiqué qu’elles « prévoy[aient] que Servier [allait] tenter d’obtenir une injonction contre [elles] dans un bref avenir, en déclarant qu’[elles] viol[aient] au moins un de ses brevets (très probablement le brevet 339) », qu’elles « av[aient] demandé plusieurs avis externes sur la contrefaçon et [que,] de l’avis général, [leur] procédé […] ne viol[ait] pas les brevets », qu’avait été « donné à [leur représentant] un relevé de l’état antérieur du périndopril et [que ce dernier] étudi[ait] actuellement les attaques possibles sur la validité du brevet 339 ». Il ressort dès lors également de ces documents que les requérantes s’étaient renseignées sur les suites possibles d’un contentieux et sur les moyens d’y assurer leur défense. Il s’en déduit ainsi que le commentaire formulé par les requérantes au cours des négociations de l’Accord selon lequel elles « cro[yaient] clairement que les brevets [n’étaient] pas violés et [étaient] invalides » (repris au considérant 1536 de la décision attaquée) relevait de leur stratégie de défense et non d’une posture adoptée dans le cadre de ces négociations. Il convient de relever par ailleurs que les documents prétendument non pris en compte par la Commission ont tous été repris dans la décision attaquée, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir méconnu le principe de bonne administration en ne prenant pas en compte certains documents pertinents.

145    Il s’ensuit, ainsi que la Commission l’a considéré en substance et à juste titre dans la décision attaquée, que les requérantes disposaient en l’espèce, compte tenu également de leurs ressources et de leur expérience (voir point 115 ci-dessus), de possibilités réelles et concrètes de se défendre dans le cadre d’une action en contrefaçon, et ce d’autant plus qu’aucun des documents en cause n’établit qu’elles envisageaient de renoncer à se défendre.

146    Il en résulte que, en tout état de cause, par la poursuite et l’aboutissement rapide du contentieux qu’ils impliquent ainsi que par les possibilités réelles et concrètes de défense contentieuse qu’ils leur offrent, les risques de contrefaçon et d’injonction provisoire ne permettaient pas, en tant que tels et compte tenu des circonstances de l’espèce, d’exclure la qualité de concurrent potentiel des requérantes.

147    Il ne saurait partant être déduit des arguments des requérantes relatifs aux risques de contrefaçon et d’injonction provisoire qu’elles ne disposaient pas de possibilités réelles et concrètes de concurrencer Servier, et ce sans qu’il soit besoin de se prononcer sur leurs allégations relatives à la pratique d’octroi des injonctions provisoires au Royaume-Uni et aux effets des engagements de Servier portant sur le brevet 947 UK, ni sur celles relatives à leurs négociations avec Krka.

2)      Sur les difficultés d’obtention de l’AMM

148    Il convient de rappeler que la Commission a, dans la décision attaquée, en se fondant sur des documents ou des allégations des requérantes, constaté que l’autorité réglementaire du Royaume-Uni leur avait demandé des données relatives à la bioéquivalence en mars 2006, que l’octroi de l’AMM au Royaume-Uni avait été de ce fait retardé de plusieurs mois, que les requérantes estimaient en mai 2006 que la question du glucuronide représentait le seul obstacle restant à l’octroi de l’AMM et qu’elles espéraient son octroi pour septembre 2006 (considérants 674 à 676 de la décision attaquée). La Commission y a souligné par ailleurs avoir reconnu les difficultés de nature réglementaire auxquelles les requérantes faisaient face à l’époque. Elle a estimé néanmoins, en se fondant sur l’arrêt du 3 avril 2003, BaByliss/Commission (T‑114/02, EU:T:2003:100, point 102), que des retards dans l’obtention de l’AMM ne signifiaient pas qu’une entrée sur le marché n’aurait pas lieu, et ce d’autant plus que les retards envisagés demeuraient dans les limites du court laps de temps, tel qu’il ressort de la jurisprudence et des lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale (considérants 1531 et 1538 de la décision attaquée ; voir également point 111 ci-dessus).

149    Il en ressort que la Commission a reconnu que les requérantes rencontraient des difficultés dans la procédure d’AMM au Royaume-Uni et que ces difficultés causeraient des retards dans l’obtention de l’AMM. Elle a ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, tenu compte du fait que celles-ci ne disposaient pas d’une AMM au moment de la conclusion de l’Accord. La Commission a néanmoins estimé que ces retards ne permettaient pas de considérer qu’elle ne disposait plus de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché du Royaume-Uni à la date de conclusion de l’Accord. En effet, les retards subis dans les procédures d’AMM ne suffisent pas à eux seuls à exclure la qualité de concurrent potentiel des demandeurs d’AMM concernés par de tels retards, dès lors qu’une pression concurrentielle est susceptible de s’exercer dès le dépôt de la demande d’AMM et aussi longtemps que des efforts sont accomplis en vue d’obtenir l’AMM et ne se heurtent pas à des problèmes objectivement insurmontables (voir arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 478 et jurisprudence citée).

150    Or, aucun des arguments avancés et des documents présentés à leur soutien par les requérantes ne permettent de remettre en cause les efforts qu’elles ont accomplis et d’établir le caractère objectivement insurmontable des difficultés rencontrées.

151    Quant aux documents produits par les requérantes pour établir la gravité de l’impact des retards réglementaires, il y a lieu de relever que ces échanges de courriers électroniques entre employés des requérantes datant d’avril et de mai 2006 permettent tout au plus d’établir que celles-ci s’attendaient à subir des retards, dont il convient au surplus de souligner qu’ils se limitent à quelques mois. En revanche, ces échanges ne révèlent aucun problème objectivement insurmontable qu’auraient rencontré les requérantes dans le cadre de la procédure d’AMM. En particulier, la mention, dans l’un des courriers, de la crainte que l’autorité réglementaire du Royaume-Uni ne suive les désirs de Servier, même si elle devait être interprétée comme exprimant la crainte d’un refus d’AMM, ne fait état que d’une perception subjective des requérantes ne pouvant à elle seule caractériser l’existence de problèmes objectivement insurmontables. Il peut être relevé en outre que certains des courriers électroniques en cause mettent en évidence les efforts accomplis en vue de résoudre le problème identifié par l’autorité réglementaire du Royaume-Uni.

152    Quant au document produit par les requérantes pour établir que les retards réglementaires ont constitué un élément essentiel de leur décision de conclure l’Accord, il ressort de la requête que les requérantes visent, par ce document et l’argumentation qui y est afférente, à soutenir que ces retards auraient limité leur intérêt commercial à entrer sur le marché, compte tenu de la présence probable à une date ultérieure de nombreuses sociétés de génériques sur le marché en cause et de la baisse corrélative des prix du périndopril. Or, un tel intérêt pour les sociétés de génériques d’être les premières à entrer sur le marché peut tout au plus avoir un impact sur leur intention d’entrer, mais non, en tant que tel, sur leur capacité à entrer, laquelle doit être examinée au regard du critère de la stratégie économique viable (voir point 87 ci-dessus), c’est-à-dire correspondre à une entrée simplement rentable, et non à la plus rentable parmi les entrées possibles sur le marché, en ce que la société de génériques en cause serait la première à entrer sur le marché et ainsi la seule à y faire concurrence à la société de princeps pendant une certaine période (arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 340). Dans la mesure où il n’a pas conduit à remettre en cause les efforts déployés pour obtenir l’AMM, l’intérêt invoqué en substance par les requérantes d’être les premières à entrer sur le marché n’est, dès lors, pas pertinent pour apprécier les retards allégués et, a fortiori, en déduire que l’octroi de l’AMM se heurtait à des problèmes objectivement insurmontables.

153    Les arguments des requérantes relatifs aux difficultés réglementaires rencontrées ne permettent pas, dès lors, de remettre en cause leurs possibilités réelles et concrètes de concurrencer Servier.

3)      Sur les défauts du produit de Teva

154    Selon les requérantes, leur périndopril aurait été commercialement moins attractif que celui de leurs concurrents, au motif que son instabilité les aurait contraintes à utiliser un emballage plus volumineux.

155    Il convient de considérer, à titre liminaire, que la Commission a estimé, à juste titre, dans la décision attaquée (considérants 1529 et 1530), que le fait pour une entreprise de disposer d’un produit « viable » ou « profitable », c’est-à-dire rentable, suffisait à qualifier cette entreprise de concurrent potentiel ayant des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché en cause. En effet, de telles possibilités doivent être examinées au regard du critère de la stratégie économique viable, lequel renvoie à une entrée sur le marché simplement rentable et non à la plus rentable parmi les entrées possibles sur le marché (voir point 152 ci-dessus).

156    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le fait, à le supposer avéré, que leur produit soit commercialement moins attractif que ceux d’autres sociétés de génériques, le cas échéant déjà présentes sur le marché, et ainsi moins rentable que ces autres produits, ne permet pas en tant que tel de remettre en cause leurs possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché.

157    Il s’ensuit également que la Commission n’avait pas à prendre en compte les éléments invoqués par les requérantes aux fins d’établir le caractère commercialement moins attractif de leur produit, sauf dans l’hypothèse où il en ressortirait que celles-ci auraient renoncé à entrer sur le marché pour ce motif et mis un terme à toutes leurs activités relatives au périndopril au moment de la conclusion de l’Accord.

158    Or, en l’espèce, une telle renonciation ne ressort d’aucune des pièces produites par les requérantes. En effet, la plupart d’entre elles se limitent à mettre en évidence le problème de conditionnement du produit de Teva, voire le caractère commercialement moins attractif de ce produit pour ce motif. En particulier, le compte rendu d’une réunion interne des requérantes en date du 19 mai 2005 mentionne certes la nécessité d’utiliser un conditionnement adapté aux problèmes de stabilité du produit, mais ne fait état d’aucune préoccupation à cet égard, ni a fortiori de mesures à prendre en conséquence.

159    Quant au seul document dont il pourrait être déduit que les requérantes renonçaient, à tout le moins temporairement, à la commercialisation de leur produit, il y a lieu de relever que ce courrier électronique envoyé par les requérantes à leur fournisseur le 15 octobre 2007, soit postérieurement à la conclusion de l’Accord, vise clairement à mettre en œuvre cet accord, prévoyant l’absence d’entrée sur le marché des requérantes avec leur propre produit et l’achat de leur périndopril auprès de Servier, sans révéler à leur fournisseur que les mesures prises résultent de l’Accord. En effet, les requérantes y indiquent qu’elles n’avaient pas lancé leur produit au Royaume-Uni et avaient détruit tout leur stock du fait du risque de litige en matière de brevets et que, depuis la révocation du brevet 947 UK, elles n’envisageaient pas de lancement tant qu’un travail de stabilité sur d’autres formats d’emballage n’aurait pas été achevé. La Commission a, partant, contrairement à ce que font valoir les requérantes, correctement estimé que ce courrier devait être lu avec prudence (considérant 1530 de la décision attaquée).

160    Il en résulte que les défauts allégués du produit des requérantes, dont elles ne contestent nullement qu’elles en avaient produit un stock et qu’il aurait été profitable (voir considérant 1533 de la décision attaquée), ne sauraient remettre en cause leurs possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché du Royaume-Uni.

161    Partant, aucune des allégations des requérantes relatives aux obstacles liés aux brevets de Servier ainsi qu’à leurs difficultés techniques et réglementaires ne permettent de remettre en cause leur capacité et leur intention d’entrer sur le marché, telles qu’établies par la Commission dans la décision attaquée (voir point 116 ci-dessus).

162    Par conséquent, le grief tiré d’une appréciation erronée de leur qualité de concurrent potentiel doit être écarté.

C.      Sur le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation commises dans la qualification de l’Accord de restriction par objet

163    Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a erronément considéré que l’Accord restreignait la concurrence en échange d’une incitation de la part de Servier et que, même à supposer que l’Accord puisse être ainsi interprété, il ne pourrait être qualifié de restriction par objet, compte tenu tant de la jurisprudence relative à la notion de restriction de concurrence par objet que du fait qu’est en cause un règlement amiable de litiges en matière de brevets.

164    Il convient, avant d’examiner si la Commission a valablement considéré que le règlement amiable de litiges en matière de brevets en cause en l’espèce restreignait la concurrence en échange d’une incitation de la part de Servier, de vérifier si de tels règlements amiables peuvent être qualifiés de restriction de concurrence par objet.

1.      Sur l’erreur de droit relative à la définition de la notion de restriction de concurrence par objet

a)      Arguments des parties

1)      Sur la notion de restriction de concurrence par objet

165    Les requérantes estiment, soutenues par l’intervenante, que la décision attaquée est entachée des mêmes erreurs que celles reprochées au Tribunal par l’arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204), en vertu duquel la notion de restriction de concurrence par objet doit être interprétée de manière restrictive. En effet, se fondant sur une interprétation incorrecte de l’arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343), la Commission qualifierait à tort l’Accord de restrictif par objet au sens de l’article 101 TFUE, au seul motif qu’il était susceptible de restreindre la concurrence en supprimant une possibilité pour Teva d’entrer sur le marché, sans examiner si cet accord révélait, par sa nature même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, notamment au regard de son contexte économique et juridique. Or, il résulterait tant de ce contexte, complexe en l’espèce, que des termes et de l’objet de l’Accord que Teva l’aurait conclu pour entrer sur le marché de la manière licite la plus rapide possible, de sorte qu’il produirait des effets potentiels ambivalents et qu’il ne pourrait être comparé à un accord contenant habituellement, en vertu d’une expérience considérable, des restrictions flagrantes ou patentes de concurrence, tel qu’un accord de partage de marché.

166    Les requérantes ajoutent que ne pourrait être considéré comme restrictif par objet un accord qui, comme celui de l’espèce, n’a produit aucun effet anticoncurrentiel et s’est même avéré être proconcurrentiel, alors qu’il a été pleinement mis en œuvre.

167    La Commission affirme avoir suffisamment expliqué dans la décision attaquée pourquoi l’Accord révélait, par sa nature même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence. Elle précise, à cet égard, que les conditions de l’Accord étaient celles d’un accord de partage de marché et conteste que la jurisprudence aurait exclu la qualification de restriction par objet pour les accords aux effets ambivalents.

168    Quant à l’allégation d’absence d’objet anticoncurrentiel d’un accord ne produisant pas d’effets anticoncurrentiels lors de sa mise en œuvre, la Commission se fonde sur la jurisprudence pour soutenir que l’absence d’effets anticoncurrentiels est dénuée de pertinence lorsqu’une restriction par objet est établie.

2)      Sur l’application de la notion de restriction de concurrence par objet aux accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets

169    Les requérantesestiment, soutenues par l’intervenante, que, même si l’Accord était considéré comme un accord par lequel elles auraient accepté de retarder leur entrée sur le marché en échange d’un transfert de valeur, il ne pourrait être qualifié de restriction de concurrence par objet. En effet, l’Accord intervenant dans un domaine, la propriété intellectuelle, régi par des principes fondamentaux consacrés par les juridictions de l’Union (arrêts du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362, et du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T‑111/96, EU:T:1998:183, point 60), tels que la présomption de validité des brevets et la liberté fondamentale des entreprises de faire valoir leurs droits ou d’y renoncer, l’intervention du droit de la concurrence dans la résolution des litiges réels de propriété intellectuelle devrait être exclue en principe ou à tout le moins devrait respecter ces principes, ainsi que l’auraient au demeurant reconnu les juridictions des États-Unis d’Amérique, notamment dans l’arrêt de la Supreme Court of the United States (Cour suprême des États-Unis, États-Unis d’Amérique) du 17 juin 2013, dans l’affaire Federal Trade Commission/Actavis e.a. [570 U. S. 756 (2013)] (ci-après l’« arrêt Actavis »). Les requérantes et l’intervenante relèvent, à cet égard, que l’analyse de la Commission selon laquelle l’arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643), serait particulièrement intéressant pour les faits de l’espèce néglige un élément essentiel, à savoir l’existence de droits réels de propriété intellectuelle détenus par la société de princeps.

170    Les requérantes, soutenues par l’intervenante, se fondant également sur les lignes directrices concernant l’application de l’article 101 [TFUE] à des catégories d’accords de transfert de technologie (JO 2014, C 89, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 sur les accords de transfert de technologie »), précisent que la qualification par la Commission, au surplus sans véritable explication, de tous les règlements amiables de litiges en matière de brevets contenant des restrictions à l’entrée de génériques et impliquant un transfert de valeur de restrictions par objet serait contraire à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle seuls les accords fortement susceptibles de restreindre la concurrence peuvent être qualifiés de restriction par objet, et ne prendrait pas en compte les circonstances propres de chaque affaire pouvant conduire à ce que certains accords produisent des effets proconcurrentiels. Cette qualification de restriction par objet risque en outre, selon les requérantes et l’intervenante, d’aboutir à ce que les sociétés de génériques ne concluent plus d’accords de règlement amiable légitimes et proconcurrentiels en matière de brevets, de même que, à long terme, de décourager les investissements dans les médicaments génériques.

171    L’intervenante ajoute que, même si la Commission aurait tenté d’atténuer le caractère déraisonnable de sa position en qualifiant de restrictifs les seuls règlements amiables comportant un transfert de valeur « significatif », ce caractère significatif n’aurait pas été clairement défini et ne serait au surplus pas pertinent, compte tenu de l’asymétrie des risques entre les sociétés de princeps et les sociétés de génériques, empêchant de considérer qu’un transfert de valeur d’une ampleur comparable aux profits engendrés par l’entrée sur le marché des sociétés de génériques implique une restriction de concurrence.

172    La Commission conteste avoir considéré que tout accord de règlement amiable de litiges en matière de brevets entre concurrents était une infraction au droit de la concurrence et affirme avoir limité la qualification de restriction par objet aux accords comportant une incitation à ne pas entrer sur le marché. Elle explique par ailleurs que les requérantes interprètent erronément la jurisprudence de l’Union, qui n’auraient nullement jugé que l’existence d’une protection par un brevet supplantait l’application habituelle des règles de concurrence, mais qui auraient au contraire affirmé que la liberté contractuelle de conclure notamment des règlements amiables ne signifiait pas que les parties aient le droit de convenir de conditions portant atteinte aux règles de concurrence. De même, l’arrêt Actavis aurait considéré que les accords de règlement amiable en matière de brevets pouvaient parfois enfreindre le droit antitrust, ce qui serait précisément le cas de l’Accord, dont les obligations iraient au-delà de la portée des brevets de Servier. Enfin, la Commission souligne que, contrairement à l’hypothèse non étayée des requérantes, le nombre d’accords de règlement amiable conclus en matière de brevets a augmenté depuis 2009.

b)      Appréciation du Tribunal

173    Par cette première branche du moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a commis des erreurs de droit en qualifiant de restriction de concurrence par objet un accord de règlement amiable de litiges en matière de brevets et qu’elle a méconnu la portée des droits de propriété intellectuelle que constituent les brevets. Par conséquent, il appartient au Tribunal de déterminer si de tels accords de règlement amiable peuvent être constitutifs d’une restriction de concurrence par objet, et dans quelles conditions, tout en examinant si, dans son analyse, la Commission a méconnu la portée des brevets.

174    Il convient de rappeler, à cet égard, que, dans la décision attaquée, la Commission a analysé la façon dont, selon elle, les accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets devraient être appréciés au regard des dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et, en particulier, la possibilité de qualifier de tels accords de restrictions par objet (considérants 1102 à 1155 de la décision attaquée).

175    En substance, tout en reconnaissant, en général, le droit des entreprises de régler à l’amiable un litige, y compris lorsqu’il porte sur des brevets (considérant 1118 de la décision attaquée), la Commission a estimé que les accords de règlement amiable en matière de brevets devaient respecter le droit de la concurrence de l’Union et, plus spécialement, les dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir notamment considérants 1119, 1122 et 1123 de la décision attaquée).

176    La Commission a également tenu compte du contexte particulier dans lequel s’exerçait, dans le secteur pharmaceutique, la concurrence entre les sociétés de princeps et les sociétés de génériques. Elle a en particulier relevé l’importance, dans ce secteur, de la contestation des brevets (considérants 1125 à 1132 de la décision attaquée).

177    Au vu de ces éléments, la Commission a estimé que, en principe, il pouvait être justifié pour les parties de conclure un accord de règlement amiable mettant fin à un litige et même d’inclure dans cet accord des clauses de non-commercialisation et de non-contestation (considérants 1133 et 1136 de la décision attaquée).

178    Toutefois, la Commission a considéré que, en fonction des circonstances particulières de l’affaire, un accord de règlement amiable en matière de brevets par lequel une société de génériques acceptait des restrictions à sa capacité et à ses incitations à rivaliser avec ses concurrents en échange d’un transfert de valeur, sous la forme du versement d’une somme d’argent significative ou d’une autre incitation significative, pouvait constituer une restriction de concurrence par objet contraire à l’article 101 TFUE (considérant 1134 de la décision attaquée). En effet, dans une telle hypothèse, la renonciation de la société de génériques à ses efforts indépendants en vue d’entrer sur le marché résulterait non de l’appréciation par les parties du bien-fondé du brevet, mais du transfert de valeur de la société de princeps vers la société de génériques (considérant 1137 de la décision attaquée) et, partant, d’un paiement d’exclusion constitutif d’un achat de la concurrence (considérant 1140 de la décision attaquée).

179    Par conséquent, la Commission a annoncé que, afin d’apprécier si les accords de règlement amiable en cause constituaient ou non des restrictions de concurrence par objet, elle procéderait à une analyse au cas par cas des faits relatifs à chacun de ces accords. À cette fin, elle a précisé qu’elle s’attacherait plus particulièrement à déterminer, premièrement, si « la société de génériques et la société de princeps étaient des concurrents au moins potentiels », deuxièmement, si « la société de génériques s’[était] engagée dans l’accord [en cause] à limiter, pour la durée de [cet] accord, ses efforts indépendants afin d’entrer sur un ou plusieurs marchés de [l’Union] avec un produit générique » et, troisièmement, si « l’accord [en cause] était lié à un transfert de valeur de la société de princeps qui représentait une incitation significative réduisant sensiblement les incitations de la société de génériques à maintenir ses efforts indépendants pour entrer sur un ou plusieurs marchés de [l’Union] avec un produit générique » (considérant 1154 de la décision attaquée).

180    La Commission a ensuite appliqué les trois critères énumérés au point précédent à chacun des accords de règlement amiable en cause et conclu, pour chacun de ces accords, que ces trois critères étaient satisfaits et que, par conséquent, lesdits accords devaient être qualifiés, notamment, de restrictions de concurrence par objet.

1)      Sur les restrictions de concurrence par objet

181    La notion de restriction de concurrence par objet ne peut être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant, par leur nature même, un degré suffisant de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, p. 359 ; du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 49, 50 et 58 et jurisprudence citée ; du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 31, et du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 20).

182    Selon la jurisprudence de la Cour, il convient, afin d’apprécier si un accord entre entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (voir arrêt du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 33 et jurisprudence citée). Dans le cadre de l’appréciation du contexte juridique et économique, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 117 et jurisprudence citée). Néanmoins, il importe de rappeler que, contrairement à ce que suggèrent les requérantes (voir point 165 ci-dessus), l’examen des conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché en cause, aussi complexe le contexte en cause soit-il, ne saurait conduire le Tribunal à apprécier les effets de la coordination concernée (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 72 à 82), sous peine de faire perdre son effet utile à la distinction prévue par les dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

183    En outre, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un type de coordination entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 118 et jurisprudence citée). Toutefois, la seule circonstance qu’un accord poursuive également des objectifs légitimes ne saurait suffire à faire obstacle à une qualification de restriction de concurrence par objet (arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, point 21 ; voir également, en ce sens, arrêts du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, EU:C:1983:310, point 25, et du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, EU:C:2006:229, point 64).

184    L’article 101, paragraphe 1, TFUE dispose que sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui ont « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. Selon une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38, p. 359), le caractère alternatif de ces conditions, marqué par l’emploi de la conjonction « ou », conduit à la nécessité de considérer en premier lieu l’objet même de l’accord en cause, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Cependant, dans l’hypothèse où l’analyse de la teneur de l’accord en cause ne révélerait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait d’en examiner les effets et, pour le frapper d’interdiction, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint ou faussé de façon sensible (voir arrêts du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 116 et jurisprudence citée, et du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 30 et jurisprudence citée). En revanche, il n’est pas nécessaire d’examiner les effets d’un accord sur la concurrence dès lors que son objet anticoncurrentiel est établi (voir arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 25 et jurisprudence citée).

185    Bien plus, la présence d’un objet anticoncurrentiel n’est pas susceptible d’être réfutée par l’absence, dans le cas concret, d’effets négatifs sur le fonctionnement du marché, sous peine de confondre l’interdiction des collusions ayant un objet anticoncurrentiel et celle des pratiques collusoires ayant un effet anticoncurrentiel. En effet, l’aptitude particulière d’un accord à produire des effets négatifs sur le marché caractérisant l’objet restrictif de concurrence dudit accord ne dépend pas des effets réels et concrets produits par cet accord (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2012, Expedia, C‑226/11, EU:C:2012:795, point 37 ; du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 38 ; du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 55 ; du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 252 et jurisprudence citée, et conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:110, point 45). Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes (voir point 166 ci-dessus), l’absence d’effet anticoncurrentiel produit par l’Accord, voire la production d’effets proconcurrentiels par l’Accord, si tant est qu’elles soient établies, ne sauraient remettre en cause le constat d’un objet anticoncurrentiel de l’Accord. Il peut être ajouté que, en tout état de cause, contrairement à ce que font également valoir les requérantes, l’entrée de Teva sur le marché en juillet 2007 après l’invalidation du brevet 947 UK par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], ne peut être qualifiée d’entrée anticipée ou d’entrée intervenant à la première date à laquelle l’entrée de Teva sur le marché était licite au regard des brevets de Servier (voir point 272 ci-après).

186    En revanche, la Commission et le juge ne peuvent, lors de l’examen de l’objet restrictif d’un accord et, en particulier, dans le cadre de la prise en compte de son contexte économique et juridique, ignorer complètement les effets potentiels de cet accord (conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:272, point 84). Il importe en effet de rappeler que les accords restrictifs de concurrence par objet sont ceux qui révèlent un degré suffisant de nocivité, en ce qu’ils sont tellement susceptibles de produire des effets anticoncurrentiels qu’il peut être considéré comme inutile de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché (voir arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 49 et 51 et jurisprudence citée ; voir, également, point 185 ci-dessus). Il ressort cependant de la jurisprudence que l’établissement de l’existence d’une restriction de concurrence par objet ne saurait, sous couvert notamment de l’examen du contexte économique et juridique de l’accord en cause, conduire à apprécier les effets de cet accord, sous peine de faire perdre son effet utile à la distinction entre objet et effet restrictif de concurrence établie à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir point 182 ci-dessus). Aux fins de vérifier l’aptitude particulière d’un accord à produire des effets restrictifs de concurrence caractérisant les accords ayant un objet anticoncurrentiel, l’analyse des effets potentiels d’un accord doit ainsi être limitée à ceux résultant de données objectivement prévisibles à la date de conclusion dudit accord (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 80 à 82, et conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:272, point 84).

187    En l’espèce, il convient de considérer que, contrairement à ce que font valoir les requérantes (voir point 165 ci-dessus), la Commission a, dans la décision attaquée, correctement saisi la notion de restriction de concurrence par objet ainsi que les critères d’appréciation de cette notion, tels qu’explicités aux points 181 à 183 ci-dessus, de sorte qu’il est indifférent qu’elle n’ait pas utilisé les termes « degré suffisant de nocivité » dans ladite décision. En effet, elle a indiqué, aux considérants 1110 et 1113 de la décision attaquée, que ces restrictions étaient celles qui, « par leur nature même, p[ouvai]ent être nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence », que, « pour apprécier si un accord constitu[ait] une restriction de concurrence par objet, il conv[enai]t de s’attacher inter alia à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vis[ait] à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’ins[érait] » et que, « pour déterminer ce contexte, il [était] aussi approprié de prendre en compte la nature des biens et services affectés, ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et la structure du ou des marchés en question ». Elle a également rappelé à juste titre que, « bien que l’intention des parties ne constitu[ait] pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif de la concurrence par objet d’un accord, rien n’interdisait à la Commission ou aux juridictions de l’Union d’en tenir compte » (considérant 1113 de la décision attaquée).

188    Il ne saurait en particulier être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur de droit en considérant que le seul fait qu’un accord fût susceptible d’avoir un impact négatif sur la concurrence était suffisant pour le qualifier de restriction de concurrence par objet. Il est vrai que, au considérant 1111 de la décision attaquée, la Commission a indiqué, en citant la jurisprudence de la Cour (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 31, et du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, points 35 à 38), que, « [p]our avoir un objet anticoncurrentiel, il suffi[sait]t qu’un accord [fû]t susceptible d’avoir un impact négatif sur la concurrence » et que, « [e]n d’autres termes, l’accord [en cause] d[eva]it simplement être à même dans un cas concret, et en tenant compte du contexte juridique et économique dans lequel il s’inscri[vai]t, d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur ».

189    À cet égard, il convient, d’abord, de rappeler que la Commission a, dans la décision attaquée, correctement exposé la jurisprudence relative à la définition et à l’appréciation des restrictions de concurrence par objet, en particulier aux considérants 1109 et 1110, 1112 à 1117 et 1211 de ladite décision (voir également point 187 ci-dessus), et de constater qu’elle l’a appliquée dans l’analyse de l’Accord (voir, notamment, considérants 1622 à 1628 de la décision attaquée).

190    Il importe, ensuite, de souligner que, au point 31 de l’arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343), repris par le point 38 de l’arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160), la Cour n’a pas entendu affirmer qu’un accord peu nocif et pouvant par conséquent éventuellement avoir un impact négatif sur la concurrence pouvait constituer une restriction de concurrence par objet, mais uniquement, d’une part, que l’identification des effets concrets d’un accord sur la concurrence n’était pas pertinente dans l’analyse de la restriction de concurrence par objet et que, d’autre part, la seule circonstance qu’un accord n’ait pas été mis en œuvre ne saurait empêcher de le qualifier de restriction de concurrence par objet. La lecture du point 31 de l’arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a (C‑8/08, EU:C:2009:343), faite notamment à la lumière de ses points 29 et 30 et du point 46 des conclusions de l’avocat général Kokott dans cette affaire, auquel l’arrêt renvoie expressément, et du point 47 de ces conclusions, permet, en effet, de le replacer dans le contexte de la distinction entre les restrictions de concurrence par effet et celles par objet.

191    Par ailleurs, quant à l’argument des requérantes fondé sur l’arrêt 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 58), selon lequel la notion d’infraction par objet devrait être interprétée restrictivement, contrairement à l’approche retenue par la Commission dans la décision attaquée (voir point 165 ci-dessus), il importe d’abord de rappeler que, dans cet arrêt, la Cour a affirmé que la notion de restriction de concurrence par objet ne pouvait être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire et non à des accords dont il n’est en rien établi qu’ils sont, par leur nature même, nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence. Elle a, en conséquence, censuré pour erreur de droit l’affirmation du Tribunal selon laquelle il n’y avait pas lieu d’interpréter la notion d’infraction par objet de manière restrictive. La Cour n’a, cependant, pas remis en cause la jurisprudence selon laquelle les types d’accords envisagés à l’article 101, paragraphe 1, sous a) à e), TFUE ne forment pas une liste exhaustive de collusions prohibées (arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, point 23 ; voir également, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 58), constat qui ressort de l’emploi du terme « notamment » à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:467, point 46).

192    Il convient ensuite de relever que la Commission a retenu, en l’espèce, une approche conforme à l’arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204), en analysant les accords litigieux au regard des critères rappelés aux points 181 à 183 ci-dessus (voir point 189 ci-dessus), critères qui sont en tant que tels restrictifs, dès lors qu’ils supposent l’identification d’un degré suffisant de nocivité. Contrairement à ce que font valoir les requérantes, l’analyse de la Commission ne devait pas, a priori, être conditionnée par une approche plus restrictive que celle impliquée par les critères de la notion de restriction de concurrence par objet, mais elle supposait l’identification d’une restriction de concurrence présentant un degré suffisant de nocivité ou, à défaut, l’analyse des effets anticoncurrentiels concrets des accords litigieux.

193    De même, contrairement à ce que font valoir les requérantes, les restrictions par objet ne sont pas limitées à celles qui sont considérées selon l’expérience acquise comme flagrantes ou patentes (voir point 165 ci-dessus). Il ressort en effet de la jurisprudence que, même si l’expérience acquise peut incontestablement venir conforter le caractère intrinsèquement préjudiciable à la concurrence de certains types de coopération (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51), le fait que la Commission n’ait pas, dans le passé, estimé qu’un accord d’un type donné était, de par son objet même, restrictif de concurrence n’est pas en soi de nature à l’empêcher de le faire pour l’avenir à la suite d’un examen individuel et circonstancié des mesures litigieuses (voir arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 438 et jurisprudence citée).

194    La jurisprudence n’exige pas non plus qu’un accord doive être suffisamment nocif pour la concurrence à première vue ou sans aucun doute, sans qu’il soit procédé par la Commission ou le juge de l’Union à un examen individuel et concret de son contenu, de sa finalité et de son contexte économique et juridique, pour pouvoir être qualifié de restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 51, et du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 775).

195    Après ce rappel des conditions d’application de la notion de restriction de concurrence par objet et l’examen des griefs des requérantes critiquant l’interprétation de cette notion, il convient de relever que, en l’espèce, l’Accord visait, selon les requérantes, à régler à l’amiable des litiges entre les parties contractantes et a été conclu dans le contexte particulier du droit des brevets, les litiges en cause portant sur les brevets de Servier. Or, dès lors que la détermination de l’existence d’une restriction par objet suppose l’examen de la teneur de l’accord en cause, de ses objectifs et du contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (voir point 182 ci-dessus), il convient en l’espèce d’analyser les clauses de non-contestation des brevets et les clauses de non-commercialisation des produits contrefaisant ces brevets que contiennent les règlements amiables en général, et en particulier l’Accord, au regard de leur objectif de régler à l’amiable les litiges en matière de brevets et de leur contexte spécifique, constitué par les brevets, aux fins de vérifier si la Commission a, à bon droit et selon des critères juridiquement adéquats, qualifié l’Accord de restrictif de concurrence par objet.

2)      Sur les droits de propriété intellectuelle et, en particulier, les brevets

196    L’objet spécifique de l’attribution d’un brevet est d’assurer à son titulaire, afin de récompenser l’effort créatif de l’inventeur, le droit exclusif d’utiliser une invention en vue de la fabrication et de la première mise en circulation de produits industriels, soit directement, soit par l’octroi de licences à des tiers, ainsi que le droit de s’opposer à toute contrefaçon (arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper, 15/74, EU:C:1974:114, point 9). Lorsqu’il est accordé par une autorité publique, un brevet est normalement présumé être valide et sa détention par une entreprise est supposée être légitime. Ainsi que le soulignent les requérantes, la seule possession par une entreprise d’un tel droit exclusif a normalement pour conséquence de tenir les concurrents à l’écart, ces derniers étant tenus de respecter, en vertu de la réglementation publique, ce droit exclusif (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362).

197    L’exercice des droits découlant d’un brevet octroyé conformément à la législation d’un État membre ne porte cependant pas, en lui-même, infraction aux règles de concurrence fixées par le traité (arrêt du 29 février 1968, Parke, Davis and Co., 24/67, EU:C:1968:11, p. 109). Les règles en matière de propriété intellectuelle sont même essentielles pour le maintien d’une concurrence non faussée sur le marché intérieur (arrêt du 16 avril 2013, Espagne et Italie/Conseil, C‑274/11 et C‑295/11, EU:C:2013:240, point 22). En effet, d’une part, en récompensant l’effort créatif de l’inventeur, le droit des brevets contribue à promouvoir un environnement favorable à l’innovation et à l’investissement et, d’autre part, il vise à rendre publiques les modalités de fonctionnement des inventions et à permettre, ainsi, à d’autres avancées de voir le jour. Le paragraphe 7 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, dont les dispositions sont intégralement reprises par le paragraphe 7 des lignes directrices de 2014 sur les accords de transfert de technologie, reconnaît ainsi ce qui suit :

« [Il n’y a pas] de conflit intrinsèque entre les droits de propriété intellectuelle et les règles de concurrence [de l’Union]. En effet, selon ces dispositions, ces deux corpus législatifs ont le même objectif fondamental, qui est de promouvoir le bien-être des consommateurs ainsi qu’une répartition efficace des ressources. L’innovation constitue une composante essentielle et dynamique d’une économie de marché ouverte et concurrentielle. Les droits de propriété intellectuelle favorisent une concurrence dynamique, en encourageant les entreprises à investir dans le développement de produits et de processus nouveaux ou améliorés. C’est aussi ce que fait la concurrence en poussant les entreprises à innover. C’est pourquoi tant les droits de propriété intellectuelle que la concurrence sont nécessaires pour promouvoir l’innovation et assurer qu’elle soit exploitée dans des conditions concurrentielles. »

198    Selon une jurisprudence constante, le droit de propriété, dont font partie les droits de propriété intellectuelle, constitue un principe général du droit de l’Union (arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae, C‑275/06, EU:C:2008:54, point 62 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 126 et jurisprudence citée).

199    Le droit de propriété intellectuelle, et notamment le droit des brevets, n’apparaît toutefois pas comme une prérogative absolue, mais il doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société, il convient de le concilier avec d’autres droits fondamentaux et des restrictions peuvent y être apportées afin de répondre à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union, sans que celles-ci constituent cependant, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit garanti (voir arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 126 et jurisprudence citée). La Cour a, par exemple, considéré, dans des litiges relatifs à l’interprétation du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 2009, L 152, p. 1), qu’il convenait de mettre en balance les intérêts de l’industrie pharmaceutique titulaire de brevets avec ceux de la santé publique (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2015, Actavis Group PTC et Actavis UK, C‑577/13, EU:C:2015:165, point 36 et jurisprudence citée).

200    Il convient également de rappeler que l’article 3, paragraphe 3, TUE précise que l’Union établit un marché intérieur, lequel, conformément au protocole (no 27) sur le marché intérieur et la concurrence (JO 2010, C 83, p. 309), qui, en vertu de l’article 51 TUE, a même valeur que les traités, comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée. Or, les articles 101 et 102 TFUE sont au nombre des règles de concurrence qui, telles celles visées à l’article 3, paragraphe 1, sous b), TFUE, sont nécessaires au fonctionnement dudit marché intérieur. En effet, de telles règles ont précisément pour objectif d’éviter que la concurrence ne soit faussée au détriment de l’intérêt général, des entreprises individuelles et des consommateurs, contribuant ainsi au bien-être dans l’Union (arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, points 20 à 22).

201    Si les traités n’ont jamais expressément prévu de conciliation entre les droits de propriété intellectuelle et le droit de la concurrence, l’article 36 du traité CE (devenu article 30 CE), dont les dispositions ont été reprises à l’article 36 TFUE, a cependant prévu une conciliation des droits de propriété intellectuelle avec le principe de libre circulation des marchandises, en indiquant que les dispositions du traité relatives à l’interdiction des restrictions quantitatives entre les États membres ne faisaient pas obstacle aux restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées, notamment, par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale, tout en précisant que ces restrictions ne devaient constituer ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres. La Cour considère que l’article 36 du traité CE a ainsi entendu établir une distinction entre l’existence d’un droit reconnu par la législation d’un État membre en matière de protection de la propriété artistique et intellectuelle, qui ne peut être affecté par les dispositions du traité, et son exercice, qui pourrait constituer une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 1982, Coditel e.a., 262/81, EU:C:1982:334, point 13).

202    Le législateur de l’Union a par ailleurs eu l’occasion de rappeler la nécessité d’une telle conciliation. Ainsi, la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO 2004, L 157, p. 45), qui a pour objectif de rapprocher les législations nationales afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur (considérant 10 de cette directive) et « vise à assurer le plein respect de la propriété intellectuelle, conformément à l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux » (considérant 32 de ladite directive), précise qu’elle « ne devrait pas avoir d’incidence sur l’application des règles de concurrence, en particulier les articles [101] et [102 TFUE] », et que « les mesures prévues par la présente directive ne devraient pas être utilisées pour restreindre indûment la concurrence d’une manière qui soit contraire au traité » (considérant 12 de la même directive).

203    La Cour a développé une jurisprudence relative aux différents types de droits de propriété intellectuelle visant à concilier les règles de concurrence avec l’exercice de ces droits, sans porter atteinte à leur substance, en utilisant le même raisonnement que celui lui permettant de concilier ces droits et la libre circulation des marchandises. Il s’agit ainsi, pour la Cour, de sanctionner l’usage anormal des droits de propriété intellectuelle et non leur exercice légitime, qu’elle définit à partir de leur objet spécifique, notion utilisée dans la jurisprudence de la Cour comme synonyme de celles de substance mêmede ces droits et de prérogatives essentiellesdu titulaire de ces droits. Selon la Cour, l’exercice de prérogatives qui font partie de l’objet spécifique d’un droit de propriété intellectuelle concerne ainsi l’existence de ce droit (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Gulmann dans l’affaire RTE et ITP/Commission, C‑241/91 P, EU:C:1994:210, points 31 et 32 et jurisprudence citée). Néanmoins, la Cour considère que l’exercice du droit exclusif par son titulaire peut, dans des circonstances exceptionnelles, également donner lieu à un comportement contraire aux règles de concurrence (arrêt du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C‑241/91 P et C‑242/91 P, EU:C:1995:98, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 691).

204    S’agissant des brevets, la Cour a dit pour droit qu’il n’était pas exclu que les dispositions de l’article 101 TFUE puissent trouver application au droit de la propriété intellectuelle si l’utilisation d’un ou plusieurs brevets, concertée entre entreprises, devait aboutir à créer une situation susceptible de tomber sous les notions d’accords entre entreprises, décisions d’association d’entreprises ou pratiques concertées au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 29 février 1968, Parke, Davis and Co., 24/67, EU:C:1968:11, p. 110). Elle a à nouveau considéré, en 1974, que, si les droits reconnus par la législation d’un État membre en matière de propriété industrielle ne sont pas affectés dans leur existence par l’article 101 TFUE, les conditions de leur exercice peuvent cependant relever des interdictions édictées par cet article et que tel peut être le cas chaque fois que l’exercice d’un tel droit apparaît comme étant l’objet, le moyen ou la conséquence d’une entente (arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper, 15/74, EU:C:1974:114, points 39 et 40).

205    Il convient de rappeler que, en l’absence d’harmonisation au niveau de l’Union du droit des brevets applicable dans la présente affaire, l’étendue de la protection conférée par un brevet délivré par un office national des brevets ou par l’OEB ne peut être déterminée qu’au regard de règles qui ne relèvent pas du droit de l’Union, mais du droit national ou de la convention européenne des brevets (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 1999, Farmitalia, C‑392/97, EU:C:1999:416, point 26, et du 24 novembre 2011, Medeva, C‑322/10, EU:C:2011:773, points 22 et 23). Par conséquent, lorsque, dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission, le juge de l’Union est appelé à procéder à l’examen d’un accord de règlement amiable d’un litige relatif à un brevet régi par d’autres règles que celles du droit de l’Union, il ne lui appartient pas de définir la portée dudit brevet ou de se prononcer sur sa validité. Il convient d’ailleurs de relever que, en l’espèce, dans la décision attaquée, si la Commission a évoqué, aux considérants 113 à 123, une stratégie de Servier de constitution d’un « halo de brevets » et de « brevets de papier », elle ne s’est toutefois pas prononcée sur la validité des brevets litigieux au moment de la conclusion des accords.

206    S’il n’appartient ni à la Commission ni au Tribunal de se prononcer sur la validité d’un brevet, l’existence du brevet doit cependant être prise en compte dans l’analyse effectuée dans le cadre des règles de concurrence de l’Union. En effet, la Cour a déjà indiqué que, s’il n’appartient pas à la Commission de définir la portée d’un brevet, il n’en reste pas moins que cette institution ne saurait s’abstenir de toute initiative lorsque la portée du brevet est pertinente pour l’appréciation d’une violation des articles 101 et 102 TFUE, dès lors que, même dans le cas où la portée effective d’un brevet fait l’objet d’un litige devant des juridictions nationales, la Commission doit pouvoir exercer ses compétences conformément aux dispositions du règlement no 1/2003, que les constatations que la Commission peut faire ne préjugent en rien les appréciations que les juridictions nationales porteront sur les différends relatifs aux droits de brevet dont elles sont saisies et que la décision de la Commission est soumise au contrôle du juge de l’Union (arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission, 193/83, EU:C:1986:75, points 26 et 27).

207    Enfin, il importe de souligner que les droits de propriété intellectuelle sont protégés par la charte des droits fondamentaux. Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, à laquelle le traité de Lisbonne a conféré une valeur juridique égale à celle des traités (article 6, paragraphe 1, TUE), « [t]oute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer », « [n]ul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte », et « [l]’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général ». L’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux précise, en outre, que « [l]a propriété intellectuelle est protégée ». Par conséquent, les garanties prévues à l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux s’appliquent également à la propriété intellectuelle. Or, la Cour considère que la reconnaissance des droits de propriété intellectuelle dans la charte des droits fondamentaux implique une exigence de protection élevée de ces derniers et qu’il convient de mettre en balance, d’une part, la préservation du libre jeu de la concurrence au titre duquel le droit primaire et notamment les articles 101 et 102 TFUE prohibent les ententes et abus de position dominante et, d’autre part, la nécessaire garantie des droits de propriété intellectuelle, qui résulte de l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Huawei Technologies, C‑170/13, EU:C:2015:477, points 42 et 58).

3)      Sur les règlements amiables des litiges en matière de brevets

208    À titre liminaire, il y a lieu de préciser que les développements qui suivent ne concernent pas les cas de brevets obtenus par fraude, de litiges « fictifs » ou de désaccords n’ayant pas atteint un stade juridictionnel. En effet, la Commission a admis au considérant 1170 de la décision attaquée que, au moment de la conclusion des accords de règlement amiable, Servier et les sociétés de génériques étaient tous parties ou associés à un litige devant une juridiction nationale ou l’OEB, portant sur la validité de certains brevets de Servier ou sur le caractère contrefaisant du produit développé par la société de génériques.

209    Tout d’abord, il importe de relever, à l’instar des requérantes et de l’intervenante, qu’il est a priori légitime, pour les parties à un litige relatif à un brevet, de conclure un accord de règlement amiable plutôt que de poursuivre un contentieux devant une juridiction. Ainsi que l’a indiqué à juste titre la Commission au considérant 1102 de la décision attaquée, les entreprises sont généralement habilitées à régler à l’amiable les contentieux, y compris en matière de brevets, ces règlements amiables bénéficiant souvent aux deux parties au litige et permettant une allocation des ressources plus efficace que si le contentieux s’était poursuivi jusqu’à un jugement. Une partie requérante n’est, en effet, pas tenue de poursuivre un contentieux qu’elle a librement porté en justice. Il convient d’ajouter que le règlement juridictionnel des litiges, outre le fait qu’il occasionne un coût pour la collectivité, ne peut être considéré comme constituant la voie privilégiée et idéale de résolution des conflits. La multiplication des litiges devant les tribunaux peut être le reflet de dysfonctionnements ou d’insuffisances, qui peuvent trouver d’autres formes de remèdes ou faire l’objet d’actions de prévention adaptées. À supposer que les systèmes nationaux de délivrance des brevets ou celui de l’OEB connaissent de telles difficultés, par exemple en accordant trop libéralement une protection à des procédés dénués de caractère inventif, ces problèmes ne sauraient justifier une obligation ni même un encouragement des entreprises de poursuivre les litiges en matière de brevets jusqu’à une issue juridictionnelle.

210    De même, les paragraphes 204 et 209 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, applicables à tout le moins à des accords portant sur la concession de licences de technologie, reconnaissent la possibilité de conclure des accords de règlement et de non-revendication incluant la concession de licences et indiquent que, dans le cadre d’un tel accord de règlement et de non-revendication, des clauses de non-contestation sont généralement considérées comme ne relevant pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Ainsi que l’a souligné l’intervenante (voir point 170 ci-dessus), le paragraphe 235 des lignes directrices de 2014 sur les accords de transfert de technologie, qui ont remplacé celles de 2004, énonce également que « les accords de règlement dans le cadre des litiges technologiques constituent en principe, comme dans beaucoup d’autres secteurs des litiges commerciaux, un moyen légitime de trouver un compromis mutuellement acceptable en cas de litige juridique de bonne foi ». Ce paragraphe précise, en outre, que « les parties peuvent préférer mettre un terme au différend ou au litige parce qu’il s’avère trop coûteux en ressources ou en temps et/ou parce que son issue est incertaine » et que « le règlement peut également éviter aux tribunaux et/ou aux organismes administratifs compétents d’avoir à statuer sur le litige et peut donc engendrer des avantages augmentant le bien-être ».

211    La Commission fait d’ailleurs elle-même usage d’une procédure administrative en matière d’ententes qui s’apparente, à certains égards, à un règlement amiable. En effet, la procédure de transaction, qui a été instituée par le règlement (CE) no 622/2008 de la Commission, du 30 juin 2008, modifiant le règlement no 773/2004 en ce qui concerne les procédures de transaction engagées dans les affaires d’entente (JO 2008, L 171, p. 3), a pour objectif de simplifier et d’accélérer les procédures administratives ainsi que de réduire le nombre de recours introduits devant le juge de l’Union, en vue de permettre à la Commission de traiter davantage d’affaires avec les mêmes ressources (arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, points 59 et 60).

212    En outre, selon la jurisprudence, le fait de pouvoir faire valoir ses droits par voie juridictionnelle, et le contrôle juridictionnel qu’il implique, est l’expression d’un principe général de droit qui se trouve à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. L’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’intenter une action en justice est susceptible de constituer une infraction au droit de la concurrence (arrêt du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T‑111/96, EU:T:1998:183, point 60). Ainsi que l’a rappelé la Cour, l’exigence de protection élevée des droits de propriété intellectuelle implique que leur titulaire ne peut, en principe, se voir privé de la faculté de recourir aux actions en justice de nature à garantir le respect effectif de ses droits exclusifs (arrêt du 16 juillet 2015, Huawei Technologies, C‑170/13, EU:C:2015:477, point 58). De manière symétrique et ainsi que le soulignent les requérantes, le fait pour une entreprise de décider de renoncer à la voie juridictionnelle en préférant recourir à un règlement extra-juridictionnel du litige n’est que l’expression d’une même liberté de choix des moyens d’assurer la défense de ses droits et ne saurait, en principe, constituer une infraction au droit de la concurrence.

213    Si l’accès au juge constitue un droit fondamental, il ne saurait cependant être considéré qu’il constitue une obligation, quand bien même il contribuerait à aviver la concurrence entre opérateurs économiques. En effet, d’une part, il importe de rappeler que, malgré la diversité des procédures et des systèmes de délivrance des brevets qui prévalait dans les différents États membres de l’Union et devant l’OEB au moment de la survenance des faits de l’espèce, un droit de propriété intellectuelle, accordé par une autorité publique, est normalement présumé être valide et sa détention par une entreprise est supposée être légitime (arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362). D’autre part, s’il est certes de l’intérêt public d’éliminer tout obstacle à l’activité économique qui pourrait découler d’un brevet délivré à tort (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission, 193/83, EU:C:1986:75, point 92 et 93) et s’il est généralement admis que les budgets publics, notamment ceux consacrés à la couverture des dépenses de santé, sont soumis à des contraintes importantes et que la concurrence, en particulier celle que représentent les médicaments génériques développés par les sociétés de génériques, peut contribuer efficacement à la maîtrise de ces budgets, il importe également de rappeler, ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre au considérant 1201 de la décision attaquée, que toute entreprise demeure libre de décider d’introduire ou de ne pas introduire un recours contre les brevets sur les médicaments de princeps détenus par les sociétés de princeps. En outre, une telle décision d’introduire ou non un recours ou de mettre fin à l’amiable à un litige n’empêche pas, en principe, d’autres entreprises de décider de contester lesdits brevets.

214    Il résulte de tout ce qui précède que, aux fins de concilier le droit des brevets et le droit de la concurrence dans le cadre particulier de la conclusion de règlements amiables entre des parties à un litige relatif à un brevet, il convient de trouver un point d’équilibre entre, d’une part, la nécessité de permettre aux entreprises de procéder à des règlements amiables dont le développement est favorable à la collectivité et, d’autre part, la nécessité de prévenir le risque d’un usage détourné des accords de règlement amiable, contraire au droit de la concurrence, conduisant au maintien de brevets dépourvus de toute validité et, en particulier dans le secteur des médicaments, à une charge financière injustifiée pour les budgets publics.

4)      Sur la conciliation entre les accords de règlement amiable en matière de brevets et le droit de la concurrence

215    Il convient de rappeler que le recours au règlement amiable d’un litige en matière de brevets n’exonère pas les parties de l’application du droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke, 65/86, EU:C:1988:448, point 15, et du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 118 ; voir, par analogie, arrêt du 30 janvier 1985, BAT Cigaretten-Fabriken/Commission, 35/83, EU:C:1985:32, point 33 ; voir également paragraphe 204 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, ainsi que paragraphe 237 des lignes directrices de 2014 sur les accords de transfert de technologie).

216    La Cour a ainsi jugé, en particulier, qu’une clause de non-contestation d’un brevet, y compris lorsqu’elle était insérée dans un accord visant à mettre fin à un litige pendant devant une juridiction, pouvait avoir, eu égard au contexte juridique et économique, un caractère restrictif de concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke, 65/86, EU:C:1988:448, points 14 à 16).

217    Il y a lieu dès lors d’identifier les éléments pertinents qui permettent de conclure au caractère restrictif de concurrence par objet d’une clause de non-contestation d’un brevet et, plus largement, d’un accord de règlement amiable en matière de brevets, étant rappelé que la détermination de l’existence d’une restriction par objet suppose l’examen de la teneur de l’accord en cause, des objectifs qu’il vise à atteindre et du contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (voir point 182 ci-dessus).

218    À titre liminaire, il convient de relever qu’un accord de règlement amiable d’un litige en matière de brevets peut n’avoir aucune incidence négative sur la concurrence. Tel est le cas, par exemple, si les parties s’accordent pour estimer que le brevet litigieux n’est pas valide et prévoient, de ce fait, l’entrée immédiate de la société de génériques sur le marché.

219    Les accords en cause en l’espèce, et en particulier l’Accord, ne relèvent pas de cette catégorie, car ils comportent des clauses de non-contestation de brevets et de non-commercialisation de produits, lesquelles ont, par elles-mêmes, un caractère restrictif de concurrence. En effet, la clause de non-contestation porte atteinte à l’intérêt public d’éliminer tout obstacle à l’activité économique qui pourrait découler d’un brevet délivré à tort (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission, 193/83, EU:C:1986:75, point 92) et la clause de non-commercialisation entraîne l’exclusion du marché d’un des concurrents du titulaire du brevet.

220    Cependant, l’insertion de telles clauses peut être légitime, mais seulement dans la mesure où elle se fonde sur la reconnaissance par les parties de la validité du brevet en cause et, accessoirement, du caractère contrefaisant des produits génériques concernés.

221    En effet, d’une part, les clauses de non-commercialisation et de non-contestation sont nécessaires au règlement amiable de certains litiges relatifs aux brevets. Si les parties à un litige étaient mises dans l’impossibilité de faire usage de telles clauses, le règlement amiable du litige perdrait tout intérêt pour les litiges dans lesquels les deux parties s’accordent sur la validité du brevet. Il importe au demeurant de rappeler à cet égard que la Commission a indiqué, au paragraphe 209 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie qu’« [u]ne caractéristique propre [aux accords de règlement] est que les parties conviennent de ne pas contester a posteriori les droits de propriété intellectuelle qu’ils couvrent[, car] le véritable objectif de l’accord est de régler les litiges existants et/ou d’éviter des litiges futurs ». Or, il est tout autant nécessaire, aux fins d’atteindre cet objectif, que les parties conviennent qu’aucun produit contrefaisant ne puisse être commercialisé.

222    D’autre part, l’insertion de clauses de non-commercialisation se borne, pour partie, à conforter les effets juridiques préexistants d’un brevet dont les parties reconnaissent explicitement ou implicitement la validité. En effet, le brevet a normalement pour conséquence, au profit de son titulaire, d’empêcher la commercialisation par des concurrents du produit objet du brevet ou du produit obtenu par le procédé objet du brevet (voir point 196 ci-dessus). Or, en se soumettant à une clause de non-commercialisation, la société de génériques s’engage à ne pas vendre de produits susceptibles d’être contrefaisants à l’égard du brevet en cause. Cette clause, si elle se limite au champ d’application du brevet litigieux, peut alors être regardée comme reproduisant, en substance, les effets de ce brevet, dans la mesure où elle se fonde sur la reconnaissance de la validité de celui-ci. S’agissant des clauses de non-contestation, le brevet ne saurait être interprété comme garantissant une protection contre les actions visant à contester la validité d’un brevet (arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission, 193/83, EU:C:1986:75, point 92). Les effets de ces clauses ne se confondent donc pas avec les effets du brevet. Cependant, lorsqu’une clause de non-contestation est adoptée dans le cadre du règlement amiable d’un véritable litige dans lequel le concurrent a déjà eu l’opportunité de contester la validité du brevet en cause et reconnaît finalement cette validité, une telle clause ne peut être regardée, dans un tel contexte, comme portant atteinte à l’intérêt public d’éliminer tout obstacle à l’activité économique qui pourrait découler d’un brevet délivré à tort (voir point 219 ci-dessus).

223    La Commission a elle-même indiqué, dans la décision attaquée, que les clauses de non-contestation et de non-commercialisation étaient généralement inhérentes à tout règlement amiable. Elle a ainsi considéré qu’il était « peu probable qu’un règlement amiable conclu dans le cadre d’un litige ou d’un contentieux en matière de brevets sur la base de l’appréciation par chaque partie du contentieux auquel elle est confrontée enfreigne le droit de la concurrence, quand bien même l’accord prévoirait l’obligation pour la société de génériques de s’abstenir d’utiliser l’invention couverte par le brevet pendant la durée de protection de celui-ci (par exemple par une clause de non-commercialisation) et/ou de ne pas contester le brevet en cause devant les tribunaux (par exemple par une clause de non-contestation) » (considérant 1136 de la décision attaquée).

224    Ainsi, la seule présence, dans des accords de règlement amiable, de clauses de non-commercialisation et de non-contestation dont la portée se limite à celle du brevet en cause ne permet pas, malgré le fait que ces clauses ont, par elles-mêmes, un caractère restrictif (voir point 219 ci-dessus), de conclure à une restriction de concurrence présentant un degré suffisant de nocivité pour être qualifiée de restriction par objet, lorsque ces accords se fondent sur la reconnaissance par les parties de la validité du brevet et, accessoirement, du caractère contrefaisant des produits génériques concernés.

225    La présence de clauses de non-commercialisation et de non-contestation dont la portée se limite à celle du brevet en cause est, en revanche, problématique lorsqu’il apparaît que la soumission de la société de génériques à ces clauses n’est pas fondée sur la reconnaissance par celle-ci de la validité du brevet. Comme le relève à juste titre la Commission, « même si les limitations contenues dans l’accord [en cause] [à] l’autonomie commerciale de la société de génériques ne vont pas au-delà du champ d’application matériel du brevet, elles constituent une violation de l’article 101 [TFUE] lorsque ces limitations ne peuvent être justifiées et ne résultent pas de l’évaluation par les parties du bien-fondé du droit exclusif lui-même » (considérant 1137 de la décision attaquée).

226    À cet égard, il convient de relever que l’existence d’un « paiement inversé », c’est-à-dire d’un paiement de la société de princeps vers la société de génériques, est doublement suspecte dans le cadre d’un accord de règlement amiable. En effet, en premier lieu, il importe de rappeler que le brevet vise à récompenser l’effort créatif de l’inventeur en lui permettant de tirer un juste profit de son investissement (voir point 196 ci-dessus) et qu’un brevet valide doit donc, en principe, permettre un transfert de valeur vers son titulaire, et non l’inverse. En second lieu, l’existence d’un paiement inversé introduit une suspicion quant au fait que le règlement amiable est fondé sur la reconnaissance par les parties à l’accord [en cause] de la validité du brevet en cause.

227    Cependant, la seule présence d’un paiement inversé ne saurait permettre de conclure à l’existence d’une restriction par objet. En effet, il n’est pas exclu que certains paiements inversés, lorsqu’ils sont inhérents au règlement amiable du litige en cause, soient justifiés (voir points 286 à 289 ci-après). En revanche, dans l’hypothèse où un paiement inversé non justifié intervient dans la conclusion du règlement amiable, la société de génériques doit être alors regardée comme ayant été incitée par ce paiement à se soumettre aux clauses de non-commercialisation et de non-contestation et il y a lieu de conclure à l’existence d’une restriction par objet. Dans cette hypothèse, les restrictions de concurrence qu’introduisent les clauses de non-commercialisation et de non-contestation ne sont plus liées au brevet et au règlement amiable, mais s’expliquent par le versement d’un avantage incitant la société de génériques à renoncer à ses efforts concurrentiels.

228    Il convient de relever que, si ni la Commission ni le juge de l’Union ne sont compétents pour statuer sur la validité du brevet (voir points 205 et 206 ci-dessus), il n’en demeure pas moins que ces institutions peuvent, dans le cadre de leurs compétences respectives et sans statuer sur la validité intrinsèque du brevet, constater l’existence d’un usage anormal de celui-ci, lequel est sans rapport avec son objet spécifique (voir, en ce sens, arrêts du 29 février 1968, Parke, Davis and Co., 24/67, EU:C:1968:11, p. 109 et 110, et du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper, 15/74, EU:C:1974:114, points 7 et 8 ; voir également, par analogie, arrêts du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C‑241/91 P et C‑242/91 P, EU:C:1995:98, point 50, et du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, points 104 à 106).

229    Or, le fait d’inciter un concurrent à accepter des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, au sens décrit au point 227 ci-dessus, ou son corollaire, le fait de se soumettre à de telles clauses en raison d’une incitation, constituent un usage anormal du brevet.

230    Ainsi que l’a indiqué à juste titre la Commission au considérant 1137 de la décision attaquée, « le droit des brevets ne prévoit pas un droit de payer ses concurrents réels ou potentiels afin qu’ils restent en dehors du marché ou qu’ils s’abstiennent de contester un brevet avant d’entrer sur le marché ». De même, toujours selon la Commission, « les titulaires de brevets ne sont pas autorisés à payer des sociétés de génériques pour les maintenir en dehors du marché et réduire les risques dus à la concurrence, que ce soit dans le cadre d’un accord de règlement amiable en matière de brevets ou par un autre moyen » (considérant 1141 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a ajouté, à bon droit, que « payer ou inciter autrement des concurrents potentiels à rester en dehors du marché ne f[ais]ait partie d’aucun droit lié aux brevets et ne correspond[ait] à aucun des moyens prévus par le droit des brevets pour faire respecter les brevets » (considérant 1194 de la décision attaquée).

231    Lorsque l’existence d’une incitation est constatée, les parties ne peuvent plus se prévaloir de leur reconnaissance, dans le cadre du règlement amiable, de la validité du brevet. Le fait que la validité du brevet soit confirmée par une instance juridictionnelle ou administrative est, à cet égard, indifférent.

232    C’est alors l’incitation, et non la reconnaissance par les parties au règlement amiable de la validité du brevet, qui doit être considérée comme étant la véritable cause des restrictions de concurrence qu’introduisent les clauses de non-commercialisation et de non-contestation (voir point 219 ci-dessus), lesquelles, étant dépourvues dans ce cas de toute légitimité, présentent dès lors un degré de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence suffisant pour qu’une qualification de restriction par objet puisse être retenue.

233    En présence d’une incitation, les accords en cause doivent ainsi être regardés comme étant des accords d’exclusion du marché, dans lesquels les restants indemnisent les sortants. Or, de tels accords consistent en réalité en un rachat de concurrence et doivent par conséquent être qualifiés de restrictions de concurrence par objet (conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:467, point 75). De plus, l’exclusion de concurrents du marché est une forme extrême de répartition de marché et de limitation de la production (arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 435) qui présente, dans un contexte tel que celui des accords en cause, un degré de nocivité d’autant plus élevé que les sociétés exclues sont des sociétés de génériques dont l’entrée sur le marché est, en principe, favorable à la concurrence et contribue par ailleurs à l’intérêt général d’assurer des soins de santé à moindre coût. En outre, cette exclusion est confortée, dans les accords en cause, par l’impossibilité pour la société de génériques de contester le brevet litigieux.

234    Il résulte de tout ce qui précède que, dans le contexte des accords de règlement amiable de litiges relatifs à des brevets, la qualification de restriction de concurrence par objet suppose la présence, au sein de l’accord de règlement amiable, à la fois d’un avantage incitatif à l’égard de la société de génériques et d’une limitation corrélative des efforts de celle-ci à faire concurrence à la société de princeps. Lorsque ces deux conditions sont remplies, un constat de restriction de concurrence par objet s’impose eu égard au degré de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence de l’accord ainsi conclu.

235    Ainsi, en présence d’un accord de règlement amiable en matière de brevets comportant des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, dont le caractère intrinsèquement restrictif (voir point 219 ci-dessus) n’a pas été valablement mis en cause, l’existence d’une incitation de la société de génériques à se soumettre à ces clauses permet de fonder le constat d’une restriction par objet, et ce alors même qu’il existerait un véritable litige, que l’accord de règlement amiable inclurait des clauses de non-commercialisation et de non-contestation dont la portée ne dépasserait pas celle du brevet litigieux et que ce brevet pourrait, eu égard, en particulier, aux décisions adoptées par les autorités administratives ou les juridictions compétentes, légitimement être estimé valide par les parties à l’accord en cause au moment de l’adoption de celui-ci.

236    Or, dans la décision attaquée (voir notamment considérants 1154 et 1188 à 1191 et, s’agissant de l’Accord, considérants 1575 à 1608 de ladite décision), la Commission a examiné si chaque accord de règlement amiable comportait un transfert de valeur de la société de princeps vers la société de génériques représentant une incitation « significative », c’est-à-dire de nature à conduire cette dernière société à accepter de se soumettre à des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, pour en déduire, en présence d’une telle incitation, l’existence d’une restriction de concurrence par objet. La Commission a expliqué, dans la décision attaquée, qu’elle effectuerait pour ce faire une analyse visant à déterminer l’objectif précis du transfert de valeur net, la justification dudit transfert au titre de la rémunération des coûts supportés par la société de génériques et l’importance du montant transféré au regard notamment des bénéfices escomptés par la société de génériques en cas d’entrée sur le marché (voir notamment considérants 1575 et 1576), avant de procéder à une telle analyse globale de l’existence d’une incitation significative. L’intervenante ne saurait, partant, reprocher à la Commission (voir point 171 ci-dessus) ni de ne pas avoir défini clairement le critère de l’incitation significative ni de s’être fondée sur les bénéfices escomptés de la société de génériques, qui n’ont été pris en compte que comme un élément parmi d’autres dans l’appréciation dudit critère, et ce d’autant plus que la Commission a elle-même relativisé la prise en compte de ces bénéfices, en affirmant qu’un transfert de valeur inférieur aux profits attendus pourrait tout de même être considéré comme un transfert de valeur incitatif (considérant 1191 de la décision attaquée).

237    La Commission a ainsi, à juste titre, retenu le critère de l’incitation aux fins de distinguer les accords de règlement amiable constituant des restrictions par objet de ceux qui ne constituent pas de telles restrictions, critère qui sera désigné ci-après comme étant celui de l’« incitation » ou de l’« avantage incitatif », et a, contrairement à ce que prétend l’intervenante (voir point 170 ci-dessus), suffisamment expliqué son analyse à cet égard.

238    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes et l’intervenante (voir point 170 ci-dessus), la Commission n’a pas considéré que tout règlement amiable de litiges en matière de brevets contenant des restrictions à l’entrée sur le marché des génériques et un transfert de valeur devait être qualifié de restriction par objet. Elle a d’ailleurs expressément indiqué, aux considérants 1195 et 1200 de la décision attaquée, que la seule présence d’un transfert de valeur de la société de princeps vers la société de génériques ne saurait permettre de conclure à l’existence d’une restriction par objet (voir également considérants 1154 et 1211 de la décision attaquée). Il ne saurait, partant, être reproché à la Commission de décourager, par une large interdiction des règlements amiables, tant la conclusion de tels règlements que les investissements dans les médicaments génériques.

239    Il s’ensuit également que, compte tenu de ce qui précède (voir, en particulier, points 227 à 235 ci-dessus), la Commission a, à juste titre, déduit du constat de l’existence d’une incitation à se soumettre aux clauses de non-commercialisation et de non-contestation contenues dans les accords de règlement amiable en cause que ceux-ci avaient un objet restrictif de concurrence. Ce faisant, et contrairement à ce que font valoir les requérantes (voir point 165 ci-dessus), la Commission ne s’est pas fondée sur le simple fait que de tels accords étaient susceptibles de restreindre la concurrence (voir également points 188 à 190 ci-dessus). Elle s’est au contraire appuyée sur un critère, celui de l’incitation à se soumettre à des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, qui lui a permis de déduire à bon droit que ces accords révélaient, par leur nature même, un degré suffisant de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (voir points 232, 236 et 237 ci-dessus).

240    N’est pas davantage pertinent, au soutien de l’argument des requérantes, le considérant 1144 de la décision attaquée. En effet, en affirmant dans ce considérant, comme le relèvent les requérantes, que la suppression d’une possibilité d’entrer sur le marché constituait une restriction par objet, la Commission a précisément assimilé les accords en cause à des accords d’exclusion d’un concurrent potentiel du marché, qui sont considérés par la jurisprudence comme une restriction par objet (arrêt, du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, points 9, 32 à 34 et 38). Il peut être relevé qu’une telle assimilation figure également dans d’autres considérants de la décision attaquée (considérants 1139, 1140 et 3106).

241    Il convient de considérer en outre que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes et l’intervenante (voir point 169 ci-dessus), la Commission a, à juste titre, qualifié les accords de règlement amiable concernés d’accords d’exclusion du marché, au même titre que les accords en cause dans l’arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643) (voir également point 233 ci-dessus), et n’a pas, ce faisant, négligé le fait que ces accords portaient sur des droits de propriété intellectuelle. En effet, le constat de l’existence d’une incitation dans lesdits accords implique que l’exclusion du marché des sociétés de génériques qu’ils comportent résulte, non des effets des brevets en cause, mais d’un versement financier ou d’un autre avantage commercial, représentant la contrepartie de cette exclusion, au même titre que la contrepartie financière versée aux entreprises ayant accepté de quitter le marché de la viande bovine irlandaise en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt. Il convient encore de souligner que la Commission a, ainsi, et contrairement à ce que font valoir les requérantes et l’intervenante (voir point 169 ci-dessus), pleinement respecté les conditions d’application du droit de la concurrence aux droits de propriété intellectuelle (voir points 203 et 204 ci-dessus) ainsi que la présomption de validité attachée à de tels droits (voir point 213 ci-dessus), dès lors qu’elle a réservé la qualification de restriction par objet aux accords révélant un usage anormal du brevet en ce qu’ils étaient fondés sur une incitation financière et non sur la reconnaissance de la validité du brevet (voir points 229 et 232 ci-dessus).

242    Doit enfin être écarté comme inopérant l’argument tiré par les requérantes et l’intervenante (voir point 169 ci-dessus) de la position retenue par les juridictions des États-Unis d’Amérique, en particulier dans l’arrêt Actavis qu’elles invoquent et qui est d’ailleurs également cité par la Commission dans la décision attaquée (considérant 1199 de ladite décision).

243    Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, des pratiques nationales, à supposer qu’elles soient communes à tous les États membres, ne sauraient s’imposer dans l’application des règles de concurrence du traité (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, EU:C:1984:9, point 40) et que tel est d’autant plus le cas lorsqu’il s’agit de pratiques nationales de pays tiers (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2002, Compagnie générale maritime e.a./Commission, T‑86/95, EU:T:2002:50, point 341 et jurisprudence citée). L’approche retenue par le droit de la concurrence de l’Union en ce qui concerne la distinction entre les restrictions de concurrence par objet et celles par effet diffère en effet du droit antitrust américain, qui distingue les restrictions de concurrence « per se », réservées aux cas dans lesquels les effets anticoncurrentiels sont si évidents qu’ils ne nécessitent qu’une approche rapide et à première vue (quick look approach), sans tenir compte du contexte, et qui sont nécessairement et irrémédiablement interdites, des infractions devant être prouvées selon une règle de raison (rule of reason), c’est-à-dire à la suite d’un examen mettant en balance les effets pro et anticoncurrentiels de l’accord en cause. Or, d’une part, le droit de l’Union ne considère aucune restriction de concurrence comme étant nécessairement et irrémédiablement illégale, une restriction de concurrence par objet pouvant, en principe, relever des exceptions prévues par l’article 101, paragraphe 3, TFUE. D’autre part, ainsi que l’a rappelé la jurisprudence, l’existence d’une règle de raison ne saurait être admise en droit de la concurrence de l’Union (arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 65 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T‑65/98, EU:T:2003:281, point 106). En outre, les différences entre les cadres réglementaires présents aux États-Unis et dans l’Union, relatifs en particulier aux brevets en matière pharmaceutique, rendent plus difficiles encore la transposition par analogie, dans le présent litige, de la portée de l’arrêt Actavis (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 513).

244    Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du présent moyen doit être écartée.

2.      Sur les erreurs d’appréciation relatives à la qualification de l’Accord de restriction de concurrence par objet

245    Les requérantes font valoir que la Commission a erronément considéré que l’Accord restreignait la concurrence en échange d’une incitation significative de la part de Servier. Elles soutiennent, à cet égard, qu’aucune des dispositions de l’Accord ne restreignait la concurrence et que l’incitation constatée par la Commission constituait une contrepartie échangée dans le cadre d’un accord d’approvisionnement réel.

246    Cette argumentation critique ainsi l’appréciation par la Commission des deux conditions requises pour qu’un accord de règlement amiable de litiges en matière de brevets puisse être qualifié de restriction par objet, à savoir l’existence d’un avantage incitatif à l’égard de la société de génériques et une limitation corrélative des efforts de celle-ci à faire concurrence à la société de princeps (voir point 234 ci-dessus). En l’espèce, dans la mesure où la détermination de l’existence d’un avantage incitatif dépend en partie de celle du caractère restrictif de certaines clauses de l’accord en cause, les griefs dirigés contre l’appréciation des clauses de l’Accord seront examinés en premier lieu, avant ceux critiquant l’appréciation du transfert de valeur prévu par ledit accord.

a)      Sur l’appréciation erronée de la clause de non-contestation

1)      Arguments des parties

247    Les requérantes soutiennent que la Commission a considéré à tort que la clause de non-contestation restreignait la concurrence en écartant la menace concurrentielle d’une contestation des brevets de Servier, alors qu’elles ne s’étaient pas engagées à renoncer à leur opposition devant l’OEB, action qu’elles ont au demeurant exercée.

248    La Commission souligne que la clause de non-contestation ne peut être examinée isolément des autres clauses de l’Accord. Elle ajoute que, en tout état de cause, un contentieux devant le juge national peut être le moyen le plus efficace et le plus rapide d’établir qu’un brevet est invalide, ainsi que l’aurait illustré le litige national opposant Servier à Apotex.

2)      Appréciation du Tribunal

249    Aux termes de la clause de non-contestation, Teva s’est engagée à ne pas contester les brevets 947 UK, 339 UK, 340 UK et 341 UK au Royaume-Uni pendant la durée de l’Accord, étant précisé qu’elle n’avait pas interdiction de poursuivre une procédure d’opposition contre les brevets européens équivalents devant l’OEB (article 2.4 de l’Accord).

250    La Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la clause de non-contestation avait deux conséquences principales, la première étant d’empêcher Teva d’établir que le produit qu’elle envisageait de commercialiser était non contrefaisant et la seconde étant d’empêcher la possibilité d’un examen juridique objectif de la validité des brevets de Servier au Royaume-Uni (considérant 1546 de la décision attaquée). Elle a conclu que cette clause avait donné à Servier la certitude absolue que Teva ne représenterait pas une menace concurrentielle par une contestation de ses brevets pendant la durée de l’Accord (considérant 1548 de la décision attaquée).

251    Comme l’a relevé à juste titre la Commission dans ses écritures, les requérantes se bornent à faire valoir que la clause de non-contestation ne visait pas les contestations du brevet 947 devant l’OEB, mais ne contestent pas qu’elle englobait les contestations du brevet 947 UK et surtout des brevets 339 UK, 340 UK et 341 UK devant les juridictions du Royaume-Uni.

252    Dans ces conditions, il est indifférent que la clause de non-contestation ne porte que sur les procédures contentieuses au Royaume-Uni et n’inclut pas celles devant l’OEB, dès lors que le champ d’application territorial de l’Accord est limité au Royaume-Uni, au sein duquel toute contestation de la validité du brevet 947 UK et des brevets de procédé est prohibée. Il convient de rappeler, à cet égard, qu’un accord peut être qualifié de restriction par objet même si son champ d’application territorial se limite à un État membre (voir arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, point 38 et jurisprudence citée).

253    En outre, même si la clause de non-contestation ne serait pas susceptible de produire d’effets sur la procédure de révocation du brevet 947 UK engagée au Royaume-Uni par une filiale de Teva, qui a été suspendue dans l’attente d’une décision définitive dans la procédure d’opposition devant l’OEB non visée par l’Accord, laquelle pourrait, selon les requérantes, conduire à la révocation du brevet 947 UK, il reste que cette clause empêche l’introduction d’autres actions en invalidité de ce brevet pendant toute la durée de l’Accord et que, selon les termes de l’article 2.4 de l’Accord, cette interdiction concerne tant Teva UK que ses filiales et tant les actions directes que toute assistance à un tiers en vue d’invalider les brevets de Servier. Est, dès lors, dépourvue de pertinence en l’espèce la participation active de Teva à la procédure d’opposition devant l’OEB, notamment en formant un recours contre la décision de la division d’opposition de l’OEB ayant confirmé la validité du brevet 947 (voir point 15 ci-dessus), alléguée par les requérantes (voir point 247 ci-dessus).

254    Il s’ensuit que les arguments avancés par les requérantes ne permettent pas de remettre en cause le caractère restrictif de la clause de non-contestation figurant dans l’Accord.

b)      Sur l’appréciation erronée de la clause d’achat exclusif, combinée à la clause de non-résiliation et à l’avenant à l’Accord

1)      Arguments des parties

255    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir considéré que l’association des clauses d’achat exclusif et de non-résiliation conférait à l’Accord un caractère restrictif par objet, alors que ces clauses ne pouvaient produire aucun effet anticoncurrentiel compte tenu du contexte de l’Accord. En effet, même si la combinaison de ces deux clauses équivalait à donner une option de non-approvisionnement à Servier et que cette option était confirmée par l’avenant à l’Accord, cette option ne serait pas anticoncurrentielle, dès lors que les deux clauses combinées ne faisaient que retarder l’approvisionnement de Teva à la première date à laquelle leur entrée sur le marché était licite au regard des brevets de Servier et des décisions de l’OEB les concernant. Les requérantes avancent même une explication proconcurrentielle probable de la conclusion de l’Accord, et ce quelle que soit la décision de l’OEB relative à la validité du brevet 947. En effet, si l’OEB avait révoqué le brevet 947, l’Accord aurait accéléré – ainsi que la Commission l’aurait d’ailleurs reconnu dans le mémoire en défense – et amélioré l’entrée de Teva sur le marché, dès lors qu’elle serait entrée avec le produit de Servier ne posant aucune difficulté tant en termes de respect des brevets qu’en termes d’obtention des AMM. Si, au contraire, ledit brevet avait été confirmé, l’Accord aurait été neutre sur le plan concurrentiel, puisque la date d’entrée sur le marché prévue par l’Accord était celle de l’expiration du brevet 947.

256    Les requérantes ajoutent que les obligations d’achat exclusif sont courantes dans les accords d’approvisionnement conclus dans le secteur pharmaceutique et que la clause de non-résiliation est inhérente au règlement amiable. Ces clauses auraient en outre été imposées par Servier en raison du caractère sérieux de ses actions en contrefaçon contre Teva. Les requérantes contestent, à cet égard, dans la réplique, l’allégation par la Commission du dépassement par l’Accord de la portée des contentieux en matière de brevets les opposant à Servier, en faisant notamment valoir que l’article 3.1 de l’Accord est une clause type de tout accord d’achat exclusif. En outre, les clauses litigieuses de l’Accord seraient identiques à celles d’un accord conclu entre Servier et Generics UK (ci-après l’« accord Servier-Generics »), qui aurait été considéré comme ne posant pas de problème de concurrence.

257    La Commission estime, en se fondant sur la décision de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], du 9 octobre 2008 dans le litige opposant Servier à Apotex (voir point 19 ci-dessus), que l’effet juridique global des clauses d’achat exclusif et de non-résiliation est de permettre à Servier d’exclure Teva du marché, en lui interdisant d’acheter ou de vendre du périndopril autre que celui produit par lui sans pour autant l’obliger à fournir ce périndopril à Teva. Elle souligne, tout en critiquant la déformation de ses écritures par les requérantes, que, si l’OEB avait révoqué le brevet 947, l’Accord aurait permis à Servier d’empêcher Teva d’entrer sur le marché avec son propre médicament ou celui de Krka et, si ce brevet n’avait pas été révoqué, la Commission maintient que Teva avait des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché avec son propre médicament ou celui de Krka avant l’expiration du brevet 947.

258    La Commission ajoute que les arguments des requérantes ignorent le fait qu’elles sont des concurrents de Servier et que la combinaison des deux clauses concernées n’est pas fréquente et constitue une caractéristique essentielle de l’Accord. En outre, l’interdiction imposée à Teva serait indépendante d’actions en contrefaçon intentées par Servier et irait, partant, au-delà de la portée de tout contentieux en matière de brevets limité au brevet 947. Enfin, la Commission souligne les différences évidentes et profondes entre l’Accord et l’accord Servier-Generics, ce dernier accord ayant été conclu entre deux sociétés non concurrentes et ne contenant aucune clause équivalente à celles en cause en l’espèce.

2)      Appréciation du Tribunal

259    L’article 3 de l’Accord stipule ce qui suit :

« 3. Obligation d’achat exclusif

3.1. Pendant la durée du présent Contrat, Teva devra acheter tout le Périndopril dont elle-même et ses Filiales ont besoin pour le fournir ou le mettre à disposition au Royaume-Uni, exclusivement auprès de Servier ou de ses Filiales.

[…]

3.3. Teva ne devra pas vendre activement ou promouvoir le Produit à des clients en dehors du Royaume-Uni et elle devra faire en sorte que ses Filiales en fassent autant.

3.4. Sous réserve de la réception par Servier ou ses Filiales de commandes confirmées de Teva pour les quantités de Produit indiquées ci-dessous, présentées aux Dates de Commande ou avant, Servier ou ses Filiales devront fournir à Teva les quantités suivantes de Produit avant les dates ci-après :

3.4.1. 150 000 (cent cinquante mille) boîtes de 30 comprimés de 2 mg d’ici le 1er août 2006 et pendant les mois suivants 75 000 (soixante-quinze mille) de telles boîtes par mois ;

3.4.2. 240 000 (deux cent quarante mille) boîtes de 30 comprimés de 4 mg d’ici le 1er août 2006 et pendant les mois suivants 120 000 (cent vingt mille) de telles boîtes par mois ;

3.4.3. 80 000 (quatre-vingt mille) boîtes de 30 comprimés de 8 mg d’ici le 1er janvier 2007 (ou toute date que les parties peuvent convenir) et pendant les mois suivants 40 000 (quarante mille) de telles boîtes par mois.

[…]

3.8. Si, dans le cadre d’un mois quelconque, pendant la durée du présent Contrat :

3.8.1. Servier a reçu de Teva des commandes confirmées pour le Produit, pour livraison au Royaume-Uni pendant ce mois, ces commandes confirmées ayant été soumises aux Dates de Commande pertinentes ou avant ; et

3.8.2. Servier et ses Filiales n’ont pas, dans un délai de dix Jours Ouvrables suivant la date de livraison correspondante, livré à Teva le Produit total commandé par celle-ci, conformément aux dispositions des Clauses 3.4 et 3.8.1 pour une livraison pendant ce mois,

3.8.3. Servier devra, conformément à la clause 3.9, payer à Teva les Indemnités Forfaitaires pour ce mois et Teva et ses Filiales n’auront aucun autre droit ou recours (y compris tout droit de résiliation) pour toute défaillance de Servier dans la fourniture du Produit à Teva.

[…] »

260    Il convient également de rappeler que, en vertu de la clause de non-commercialisation prévue par l’article 2.3 de l’Accord, Teva devait s’abstenir au Royaume-Uni de fabriquer, de faire fabriquer, de détenir, d’importer, de fournir, de proposer de fournir ou de disposer de périndopril générique, que ce périndopril soit fabriqué conformément au procédé qu’elle avait mis au point et que Servier considérait comme violant les brevets 947 UK, 339 UK, 340 UK et 341 UK ou qu’il enfreigne ces brevets jusqu’à la résiliation ou l’expiration de l’Accord ou l’expiration desdits brevets.

261    La Commission a estimé, aux considérants 1552 à 1555 de la décision attaquée, que, dans la mesure où la clause de non-commercialisation (article 2.3) et la clause d’achat exclusif (article 3.1) de l’Accord affectaient la capacité de concurrence de Teva ou sa liberté de choisir en toute indépendance ses sources de périndopril destiné au marché du Royaume-Uni, elles seraient analysées comme une seule et même obligation de non-concurrence. Elle a précisé que peu importait le statut des éventuelles sources alternatives de périndopril en termes de brevet (contrefaisant ou non contrefaisant), les seules options ouvertes à Teva par la clause d’achat exclusif étant soit de vendre exclusivement le produit de Servier, soit de recevoir une somme d’argent en compensation du défaut d’approvisionnement (indemnité forfaitaire de 500 000 GBP par mois).

262    Il y a lieu de considérer que les allégations des requérantes dirigées contre cette appréciation de la Commission reposent sur une interprétation erronée de la clause d’achat exclusif et de la clause de non-résiliation de l’Accord.

263    En effet, il ressort de l’Accord une alternative entre un approvisionnement et le paiement d’une indemnité en l’absence d’approvisionnement, dès lors que, aux côtés de l’obligation d’approvisionnement, certes mentionnée en tant que telle à l’article 3.4 de l’Accord, était expressément prévue la possibilité d’un non-approvisionnement, qui n’était ni contestable devant un juge, ni susceptible de donner lieu à une résiliation par Teva, ni même soumise à des conditions, notamment une limitation dans le temps, autres que celle du versement d’une indemnité (articles 3.8.2, 3.8.3 et 8.3 de l’Accord). Il convient de préciser que l’interdiction de contestation et de résiliation en cas de défaut d’approvisionnement prévue par la clause de non-résiliation joue un rôle déterminant dans cette interprétation de la clause d’achat exclusif, dès lors qu’elle substitue à la sanction du non-respect d’une obligation contractuelle par un juge ou par la fin de la relation contractuelle une compensation financière préétablie et, ainsi, crée une alternative entre un approvisionnement et une indemnisation. Est, à cet égard, indifférent le fait que cette indemnisation soit la conséquence du non-respect d’une obligation d’approvisionnement ou d’une possibilité offerte à Servier de ne pas approvisionner Teva.

264    Il en résulte en effet dans tous les cas, ainsi que la Commission l’a considéré à juste titre dans la décision attaquée (considérant 1559 de ladite décision), une option de non-approvisionnement laissée à la totale discrétion de Servier, empêchant Teva d’entrer sur le marché et empêchant également d’assimiler les clauses concernées à celles caractérisant habituellement un accord d’approvisionnement. Le fait allégué par les requérantes (voir point 255 ci-dessus) que le refus d’approvisionnement par Servier interviendrait en cas de décision de l’OEB confirmant la validité du brevet 947 et, ainsi, s’expliquerait par le respect des décisions de l’OEB est, à cet égard, indifférent.

265    En revanche, Teva était soumise à une obligation d’achat exclusif, qualifiée à juste titre d’« absolue » par la Commission (considérant 1588 de la décision attaquée), dans la mesure où Teva ne pouvait s’en défaire pour éventuellement s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs de périndopril, qu’il soit contrefaisant ou non contrefaisant, et entrer sur le marché avec ce périndopril, et ce même en cas de défaut d’approvisionnement de Servier, puisque la résiliation de l’Accord pour ce motif était exclue en vertu de la clause de non-résiliation. Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 1557 de la décision attaquée, la clause de non-résiliation, telle que combinée à la clause d’achat exclusif, obligeait Teva à s’approvisionner en périndopril générique uniquement auprès de Servier et, ce faisant, l’empêchait de s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs, y compris ceux ne contrefaisant pas les brevets de Servier. La clause de non-résiliation ne saurait, partant, contrairement à ce que soutiennent les requérantes (voir point 256 ci-dessus), être considérée comme étant inhérente au règlement amiable prévu par l’Accord, dès lors qu’un tel lien d’inhérence requiert que, à tout le moins, les clauses litigieuses aient un lien avec les brevets de Servier à l’origine du litige opposant Servier à Teva et, ainsi, avec le règlement amiable visant à régler ce litige.

266    Il s’ensuit que les clauses d’achat exclusif et de non-résiliation, non seulement se confondent partiellement avec l’obligation de non-commercialisation prévue par l’article 2.3 de l’Accord, en ce qu’elles interdisent l’acquisition et, partant, la vente de périndopril contrefaisant les brevets litigieux produit par des tiers, mais également étendent cette obligation au-delà des brevets litigieux, en ce qu’elles interdisent l’acquisition et la vente de périndopril produit par des tiers ne contrefaisant pas les brevets litigieux, dont certains avaient d’ailleurs, selon la Commission, atteint un stade avancé de développement du produit à la date de conclusion de l’Accord (considérants 1648 et 1651 de la décision attaquée).

267    Il en résulte que les clauses d’achat exclusif et de non-résiliation de l’Accord sont, en tant que telles, particulièrement susceptibles d’empêcher l’approvisionnement de Teva et ainsi d’exclure son entrée sur le marché avec le produit d’un tiers, comme cette entrée est par ailleurs déjà exclue tant pour les produits des requérantes que pour ceux provenant de tiers par la clause de non-commercialisation prévue par l’article 2.3 de l’Accord, dont les requérantes ne contestent pas le caractère restrictif de concurrence.

268    Cette interprétation de la clause d’achat exclusif et de la clause de non-résiliation n’est par ailleurs pas remise en cause par l’avenant à l’Accord. En effet, outre le fait que cet avenant a été signé le jour de la première livraison en consignation du produit de Servier à Teva, soit le 23 février 2007, afin de prévoir la date d’entrée de Teva sur le marché avec ce produit, et relève ainsi de la mise en œuvre de l’Accord et de l’analyse de ses effets restrictifs concrets, ainsi d’ailleurs que les requérantes l’ont reconnu en substance lors de l’audience, il convient de constater, à la suite de la Commission (considérant 1568 de la décision attaquée), que cet avenant ne fait que confirmer le défaut d’approvisionnement de Teva par Servier aux dates de livraison prévues par l’Accord, soit le 1er août 2006 et le 1er janvier 2007. Il peut être relevé au surplus que les trois dates prévues par l’article II de l’avenant à l’Accord, en particulier celle à laquelle le brevet 947 cessera d’être en vigueur, à la suite de sa révocation ou de son expiration, et celle à laquelle Apotex commencera à distribuer du périndopril générique, à la suite du jugement d’invalidité du brevet 947 UK, correspondent uniquement à des dates d’entrée potentielle sur le marché de Teva avec le produit de Servier et n’impliquent en tant que telles aucune obligation pour Servier d’approvisionner Teva aux fins de son entrée sur le marché à l’une de ces dates.

269    Il ne saurait davantage être déduit de l’avenant à l’Accord et de la clause d’achat exclusif que l’Accord n’était pas susceptible de produire des effets anticoncurrentiels, voire était susceptible de produire des effets proconcurrentiels et serait ainsi un accord aux effets potentiels ambivalents, ne présentant pas un degré de nocivité tel qu’il puisse être qualifié de restriction de concurrence par objet.

270    En effet, il convient de rappeler que les effets potentiels d’un accord, fondés sur des circonstances hypothétiques et ainsi non prévisibles à la date de conclusion de l’accord en cause, telles que, en l’occurrence, la décision de l’OEB relative à la validité du brevet 947 (voir point 255 ci-dessus), ne peuvent être pris en compte dans le cadre de l’analyse de l’objet restrictif de concurrence dudit accord (voir point 186 ci-dessus). Il peut être ajouté que, en tout état de cause, contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne saurait être considéré que les effets potentiels allégués de l’Accord étaient non restrictifs de concurrence, voire proconcurrentiels, et ce même si devait être pris en compte l’approvisionnement de Teva par Servier (voir point 268 ci-dessus).

271    En effet, dans l’hypothèse où le brevet 947 aurait été invalidé par l’OEB, l’Accord aurait empêché Teva d’entrer sur le marché avec son produit ou celui de Krka en vertu de la clause de non-commercialisation, qui serait restée en vigueur – ainsi qu’en atteste la référence à l’« expiration » des brevets par l’article 2.3 de l’Accord Teva, par opposition au terme « révocation » utilisé dans l’article II de l’avenant à l’Accord –, alors que cette invalidation aurait levé l’obstacle à l’entrée sur le marché de produits génériques qui étaient potentiellement contrefaisants de ce brevet. En outre, l’entrée de Teva sur le marché avec le produit générique de Servier permise par l’Accord n’aurait pas créé une situation de concurrence par rapport à Servier et Teva n’aurait au surplus pas été la seule et ainsi la première à entrer sur le marché compte tenu de l’entrée susmentionnée d’autres sociétés de génériques. De même, dans l’hypothèse où la validité du brevet 947 aurait été confirmée par l’OEB, Teva serait restée empêchée de s’approvisionner en périndopril générique, y compris ne contrefaisant pas ce brevet, auprès d’autres entreprises que Servier, et son approvisionnement par Servier n’aurait pas davantage permis une entrée en situation de concurrence avec Servier. Contrairement à ce qu’ont prétendu les requérantes lors de l’audience, la circonstance que la Commission a fixé la fin de l’infraction à la date d’entrée de Teva sur le marché du Royaume-Uni avec le produit de Servier ne saurait être interprétée comme attestant de la reconnaissance par la Commission du fait que Teva était entrée sur le marché en juillet 2007 en situation de concurrence avec Servier. En effet, la Commission a elle-même indiqué dans la décision attaquée (considérants 2125 et 3133 de ladite décision) et a confirmé en substance lors de l’audience que la fixation de la fin de l’infraction au 6 juillet 2007 s’expliquait par un souci de prudence et par la volonté de retenir une date favorable aux parties contractantes.

272    Il peut être ajouté que, même à supposer que l’entrée sur le marché du Royaume-Uni avec le produit de Servier puisse être considérée comme une entrée en concurrence avec Servier, une telle entrée, devant intervenir aux termes de l’avenant à l’Accord aux dates de fin de validité des brevets 947 et 947 UK (voir point 268 ci-dessus), n’aurait été ni une entrée anticipée, ni même une entrée correspondant à la première date d’entrée licite sur le marché en l’absence d’accord. En effet, compte tenu des engagements de Servier à l’égard de Teva datant d’octobre 2005 en vertu desquels Servier s’engageait à ne pas agir en contrefaçon du brevet 947 UK contre la société devenue une filiale de Teva (voir point 18 ci-dessus), ce brevet ne constituait pas un obstacle, ni, a fortiori, un obstacle insurmontable, à l’entrée de Teva (voir point 139 ci-dessus) et cette dernière avait des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché du Royaume-Uni sans attendre la révocation ou l’expiration des brevets 947 et 947 UK (voir points 141 à 147 ci-dessus).

273    Pour les mêmes raisons, sont également dépourvues de pertinence en l’espèce les allégations des requérantes relatives à l’objectif d’entrée anticipée de Teva sur le marché du Royaume-Uni.

274    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a pas erronément apprécié les clauses d’achat exclusif et de non-résiliation de l’Accord en considérant que ces deux clauses, telles que combinées à la clause de non-commercialisation de l’article 2.3 de l’Accord, devaient s’analyser globalement en une « obligation de non-concurrence » (considérant 1552 de la décision attaquée) et, ainsi, en une obligation globale de non-commercialisation à la charge de Teva (ci-après, prises ensemble, les « clauses de non-commercialisation »).

275    Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétendent en substance les requérantes, ces clauses ne correspondent ni à celles figurant habituellement dans un accord d’approvisionnement ni à celles d’un accord usuel d’achat exclusif (voir également points 264 et 265 ci-dessus) et ne sauraient, partant, être analysées au même titre que celles contenues dans un accord accessoire à un règlement amiable, de tels accords correspondant à des accords commerciaux usuels (voir arrêt de ce jour, Servier e.a./Commission, T‑691/14, point 672).

276    Il s’ensuit également que doivent être rejetés les arguments des requérantes fondés sur des accords d’approvisionnement ou d’achat exclusif usuels.

277    En particulier, le fait allégué par les requérantes selon lequel de tels accords relèvent d’une pratique courante dans le secteur pharmaceutique est en l’espèce dépourvu de pertinence, dès lors que la clause d’achat exclusif de l’Accord ne correspond pas aux clauses courantes évoquées par les requérantes. Il convient d’ajouter que, en tout état de cause, des pratiques d’entreprises privées, même tolérées ou approuvées par l’autorité publique d’un État membre, ne sauraient s’imposer dans l’application des règles de concurrence du traité (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, EU:C:1984:9, point 40).

278    Au surplus, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que l’Accord se distingue également des accords d’approvisionnement généralement considérés comme remplissant les conditions d’exemption de l’article 101, paragraphe 3, TFUE en vertu des règlements d’exemption par catégorie, en particulier du règlement (CE) no 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article [101], paragraphe 3, [TFUE] à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (JO 1999, L 336, p. 21), lequel ne s’applique pas aux accords d’exclusivité conclus par des entreprises concurrentes, en vertu de son article 2, paragraphe 4.

279    Quant à l’appréciation par la Commission de l’accord Servier-Generics moins d’un an après l’Accord, il y a lieu de relever que la Commission a constaté au considérant 745 de la décision attaquée, sans être contredite par les requérantes, que la clause d’achat exclusif contenue dans cet autre accord ne prévoyait aucun paiement ou indemnité en cas de défaut d’approvisionnement par Servier. La Commission a par ailleurs affirmé, sans non plus être contredite, que cette clause n’était pas davantage combinée à une clause de non-résiliation et à une clause de non-commercialisation, en l’absence de périndopril concurrent développé par Generics, de sorte que les appréciations relatives à cet accord ne sauraient être transposées à l’Accord.

280    Enfin, n’est pas davantage pertinent en l’espèce l’argument des requérantes selon lequel les clauses d’achat exclusif et de non-résiliation auraient été imposées par Servier, dès lors qu’une telle circonstance, si tant est qu’elle soit établie, ne pourrait être prise en compte qu’au titre de l’analyse de l’Accord au regard de l’article 102 TFUE et est sans incidence sur son analyse au regard de l’article 101 TFUE, lorsque, comme en l’espèce, la conclusion et l’existence d’un accord ne sont pas contestées (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 370, et du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T‑62/02, EU:T:2005:430, point 63).

281    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a, à juste titre, considéré que l’Accord limitait les efforts de Teva en vue de faire concurrence à Servier.

c)      Sur l’erreur manifeste d’appréciation des clauses prévoyant le paiement d’un montant forfaitaire initial et d’une indemnité mensuelle

1)      Arguments des parties

282    Les requérantes soutiennent que la Commission a erronément considéré que les paiements qu’elles avaient reçus constituaient un « transfert de valeur net » ou un « paiement inversé » du titulaire du brevet à un concurrent fabricant de génériques, par nature restrictif de concurrence. En effet, les paiements auraient été effectués en contrepartie d’avantages commerciaux facilement identifiables et sans rapport avec la prétendue entrée différée de Teva sur le marché, ainsi qu’en attesterait leur montant nettement inférieur aux coûts du procès évité ainsi qu’à l’indemnisation qu’aurait dû verser Servier en réparation d’une interdiction illicite d’entrée sur le marché. Les requérantes se réfèrent, à cet égard, au montant de l’indemnité que Servier a été condamné à verser à Apotex à la suite d’une interdiction similaire (voir point 19 ci-dessus).

283    Les requérantes ajoutent que chacun des paiements était raisonnable et justifié. En effet, le montant forfaitaire initial ne pourrait compenser leur entrée différée sur le marché, dès lors qu’une telle entrée différée n’était pas prévue par l’accord initial, et l’indemnité forfaitaire mensuelle refléterait ce qui aurait pu être octroyé par un juge pour non-respect d’une obligation d’approvisionnement.

284    La Commission rétorque qu’il ressort des preuves figurant au dossier que les versements en cause et le report de l’entrée de Teva sur le marché étaient en fait étroitement liés. Quant aux montants des paiements, elle relève qu’il convenait de prendre en compte la somme globale résultant de l’addition du montant forfaitaire initial et des indemnités mensuelles, que le montant de l’indemnité mensuelle correspondait, voire était supérieur, aux prévisions des requérantes relatives à leurs bénéfices résultant de leur entrée sur le marché et que celles-ci avaient, en concluant l’Accord, échappé aux coûts d’entrée sur le marché, à la différence d’Apotex.

2)      Appréciation du Tribunal

285    La Commission a considéré, dans la décision attaquée, que le montant initial de 5 millions de GBP (ci-après le « montant initial ») et l’indemnité forfaitaire de 500 000 GBP par mois pour un montant total de 5,5 millions de GBP, couvrant les onze mois de défaut d’approvisionnement de Servier (ci-après l’« indemnité forfaitaire finale »), représentaient une somme d’argent substantielle, de 10,5 millions de GBP, qui avait servi d’incitation significative pour Teva à s’abstenir d’entrer en concurrence (considérant 1622 de la décision attaquée).

286    Afin de déterminer si un paiement inversé, c’est-à-dire un transfert de valeur de la société de princeps en direction de la société de génériques, constitue ou non une incitation à accepter des clauses de non-contestation et de non-commercialisation, il convient d’examiner, en tenant compte de sa nature et de sa justification, s’il ne couvre que des coûts inhérents au règlement amiable du litige. Dans la décision attaquée, la Commission a ainsi à juste titre examiné si le transfert de valeur correspondait aux coûts spécifiques du règlement amiable supportés par la société de génériques (voir considérants 1592 à 1599 de la décision attaquée).

287    Dans l’hypothèse où le paiement inversé prévu dans un accord de règlement amiable comportant des clauses restrictives de concurrence viserait à compenser les coûts inhérents au règlement amiable supportés par la société de génériques, ce paiement ne pourrait en principe être considéré comme incitatif. En effet, par leur caractère inhérent au règlement amiable, de tels coûts impliquent qu’ils sont, en tant que tels, fondés sur la reconnaissance de la validité des brevets litigieux que ce règlement amiable vise à entériner en mettant fin à la contestation de cette validité et à la potentielle contrefaçon desdits brevets. Il ne saurait ainsi être considéré qu’un tel paiement inversé introduit une suspicion quant au fait que le règlement amiable est fondé sur la reconnaissance par les parties à l’accord de la validité du brevet en cause (voir points 226 et 227 ci-dessus). La constatation de l’existence d’une incitation et d’une restriction de concurrence par objet n’est pas pour autant exclue dans cette hypothèse. Elle suppose toutefois que la Commission établisse que les montants correspondant à ces coûts inhérents au règlement amiable, même établis et précisément chiffrés par les parties à ce règlement, ont un caractère excessif (voir, en ce sens, considérants 1338, 1465, 1600 et 1973 de la décision attaquée). Une telle disproportion romprait en effet le lien d’inhérence entre les coûts concernés et le règlement amiable et, partant, empêcherait de déduire du remboursement de ces coûts que l’accord de règlement en cause est fondé sur la reconnaissance de la validité des brevets litigieux.

288    Il peut être considéré que les coûts inhérents au règlement amiable du litige recouvrent, notamment, les frais contentieux supportés par la société de génériques dans le cadre du litige qui l’oppose à la société de princeps. Ces frais ont, en effet, été exposés aux seules fins des contentieux de validité ou de contrefaçon des brevets en cause, auquel le règlement amiable vise précisément à mettre un terme sur la base d’un accord reconnaissant la validité des brevets. Leur prise en charge est donc en lien direct avec un tel règlement amiable. Par conséquent, lorsque les montants des frais contentieux de la société de génériques sont établis par les parties au règlement amiable, la Commission ne peut constater leur caractère incitatif qu’en démontrant que ceux-ci seraient disproportionnés. À cet égard, doivent être considérés comme disproportionnés des montants qui correspondraient à des frais contentieux dont le caractère objectivement indispensable pour la conduite de la procédure litigieuse, eu égard notamment à la difficulté juridique et factuelle des questions traitées ainsi que de l’intérêt économique que le litige présente pour la société de génériques, ne serait pas établi sur le fondement de documents précis et détaillés.

289     En revanche, certains frais incombant à la société de génériques sont, a priori, trop extérieurs au litige et à son règlement pour pouvoir être considérés comme inhérents au règlement amiable d’un litige en matière de brevets. Il s’agit, par exemple, des coûts de fabrication des produits contrefaisants, correspondant à la valeur du stock desdits produits, ainsi que des frais de recherche et de développement exposés pour mettre au point ces produits. En effet, de tels coûts et frais sont a priori exposés indépendamment de la survenance de litiges et de leur règlement et ne se traduisent pas par des pertes du fait de ce règlement, ainsi qu’en atteste en particulier le fait que les produits en cause sont souvent, en dépit de l’interdiction de leur commercialisation par l’accord de règlement en cause, vendus sur des marchés non couverts par ledit accord et que les recherches correspondantes peuvent être utilisées aux fins de la mise au point d’autres produits. Il en est de même des sommes devant être versées par la société de génériques à des tiers en raison d’engagements contractuels conclus en dehors du litige (par exemple des contrats de fourniture). De tels frais de résiliation de contrats conclus avec des tiers ou d’indemnisation de ces tiers sont en effet généralement imposés par les contrats en cause ou en lien direct avec ces contrats, lesquels ont au surplus été conclus par la société de génériques concernée indépendamment de tout litige avec la société de princeps ou de son règlement. Il appartient alors aux parties à l’accord en cause, si elles souhaitent que le paiement de ces frais ne soit pas qualifié d’incitatif et de constitutif d’un indice de l’existence d’une restriction de concurrence par objet, de démontrer que ceux-ci sont inhérents au litige ou à son règlement, puis d’en justifier le montant. Elles pourraient également, aux mêmes fins, se fonder sur le montant insignifiant du remboursement de ces frais, a priori non inhérents au règlement amiable du litige, et, ainsi, insuffisant pour constituer une incitation significative à accepter les clauses restrictives de concurrence prévues par l’accord de règlement en cause (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 360).

i)      Sur l’indemnité forfaitaire finale

290    Contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission a considéré, à juste titre, que l’indemnité forfaitaire finale représentait un paiement consenti à Teva en échange de son engagement à ne pas faire concurrence à Servier (considérant 1588 de la décision attaquée) et, partant, une incitation à se soumettre à une obligation de non-commercialisation. En effet, la Commission ayant estimé à bon droit que les clauses d’achat exclusif et de non-résiliation équivalaient à imposer une obligation de non-commercialisation excluant Teva du marché (voir point 274 ci-dessus) et les articles 1.8 et 3.8.3 de l’Accord prévoyant le paiement d’une indemnité forfaitaire de 500 000 GBP par mois en cas de défaut de fourniture du produit et ainsi de concrétisation de cette exclusion du marché, l’indemnité forfaitaire constituait clairement la contrepartie de l’absence d’entrée sur le marché de Teva.

291    Est, à cet égard, dépourvu de pertinence l’argument des requérantes selon lequel l’indemnité forfaitaire refléterait ce qui aurait pu être octroyé par un juge pour non-respect d’une obligation d’approvisionnement. En effet, l’existence de l’incitation se déduit dans le présent litige du fait que le paiement est effectué, non en compensation de coûts inhérents au règlement amiable ou en exécution d’un accord d’approvisionnement usuel, mais en contrepartie de l’absence d’entrée sur le marché telle que prévue par les clauses susmentionnées, indépendamment du fait que cette contrepartie équivaut à l’indemnité qu’aurait accordée un juge (voir points 286 et 287 ci-dessus).

ii)    Sur le montant initial

292    Quant au montant initial, prévu par l’article 10.1 de l’Accord, il y a lieu de considérer que les arguments avancés par les requérantes ne permettent pas de remettre en cause le constat par la Commission de l’existence d’une incitation.

293    Il convient de rappeler, à cet égard, que l’article 10.1 de l’Accord stipule ce qui suit :

« Servier devra, sous réserve de la réception d’une facture appropriée de Teva, payer ou faire en sorte qu’une de ses filiales paie à Teva 5 000 000 [de GBP] dans un délai de dix jours ouvrables suivant la réception de la facture de Teva. Cette facture peut être remise lors de la signature du présent [accord] et sera due immédiatement, toujours sous condition que Servier aura 10 jours ouvrables pour effectuer le paiement. Ce paiement sera une contribution aux coûts supportés par Teva pour préparer la conclusion du présent [accord], y compris, mais sans s’y limiter, les coûts de résiliation de ses accords de fourniture existants au Royaume-Uni. »

294    Dans la décision attaquée, la Commission a constaté, à titre liminaire, que Teva n’avait communiqué ex post aucun chiffre précis relatif aux différents coûts qui auraient été compensés par le montant initial, à l’exception des frais de justice estimés à moins de 100 000 euros pour l’action menée par Ivax contre Servier au Royaume-Uni (considérants 1594 et 1597 de la décision attaquée). Elle a néanmoins procédé à une évaluation des autres frais susceptibles, selon elle, de relever de l’article 10.1 de l’Accord, dont ceux correspondant à la valeur du stock de périndopril de Teva devant être détruit et aux coûts de développement du périndopril, pour en déduire qu’ils représentaient au total moins de 40 % du montant initial (considérants 1596 à 1599 de la décision attaquée).

295    Il s’en déduit que la Commission a estimé que, même si certains frais couverts par l’article 10.1 de l’Accord pouvaient être considérés comme inhérents au règlement amiable du litige opposant Servier à Teva, cette dernière n’avait pas chiffré les frais en cause, ni a fortiori établi leur montant, à l’exception des frais contentieux qui avaient été chiffrés, mais de manière approximative et sans établissement de leur montant. En effet, la Commission évoque dans la décision attaquée le fait que Teva a seulement « fait état » (considérant 797 de la décision attaquée) ou « communiqué » (considérant 1597 de la décision attaquée) un montant « de moins de 100 000 euros » au titre de ces frais contentieux.

296    Or, les requérantes n’allèguent aucun argument, ni a fortiori ne produisent aucun élément, tel que la « facture appropriée » mentionnée dans l’article 10.1 de l’Accord, de nature à remettre en cause cette analyse de la Commission.

297    Les requérantes se bornent à faire valoir, premièrement, que le montant total de 10,5 millions de GBP, et ainsi a fortiori le montant initial, qu’il inclut, serait nettement inférieur à celui qu’aurait dû verser Servier au titre des frais contentieux évités et de l’indemnisation d’une interdiction illicite d’entrée sur le marché. Elles se réfèrent, à cet égard, au montant de l’indemnité que Servier a été condamné à verser à Apotex à la suite d’une interdiction similaire, soit 17,5 millions de GBP (voir point 19 ci-dessus).

298    Il y a lieu de relever tout d’abord que, par cette allégation, les requérantes cherchent en substance à établir le caractère justifié du montant initial en comparant ce montant à celui de frais de nature différente et non prévus par l’article 10.1 de l’Accord, dès lors que cette stipulation, tout en étant rédigée de manière non restrictive, se limite aux « coûts supportés par Teva » et n’inclut pas ceux exposés ou évités par Servier. Par leur allégation, les requérantes confondent également le caractère justifié du montant initial au regard du règlement amiable, seul en cause en l’espèce, et le caractère proportionné de ce montant, pour l’appréciation duquel la comparaison proposée pourrait le cas échéant être pertinente. Or, il importe de rappeler qu’il s’agit de deux appréciations distinctes qu’il appartient à la Commission d’effectuer successivement. Ainsi, il incombe à la Commission, lorsqu’elle apprécie le caractère restrictif d’un règlement amiable de litiges en matière de brevets comportant un transfert de valeur, d’examiner, en premier lieu, si les frais couverts par le transfert de valeur sont justifiés au regard du règlement amiable et, en particulier, si le transfert de valeur correspond au montant établi des frais pouvant de par leur nature être considérés comme inhérents au règlement amiable, puis, en second lieu, si elle estime ces frais justifiés, de vérifier que leur montant n’est pas disproportionné compte tenu notamment du type de frais concerné (voir points 286 et 287 ci-dessus).

299    Il convient de considérer ensuite que, même à supposer que la comparaison alléguée puisse être pertinente aux fins de vérifier si le montant initial était justifié au regard du règlement amiable, les requérantes n’établissent pas que leur situation serait comparable à celle d’Apotex. En effet, comme le fait observer à juste titre la Commission, Apotex, à la différence de Teva, est entrée sur le marché avant la décision d’injonction provisoire lui interdisant de commercialiser son périndopril et s’est ainsi vu rembourser ses coûts d’entrée sur le marché, coûts uniquement en partie exposés par Teva et qui n’auraient pu, partant, lui être remboursés. Il peut également être ajouté, comme le relève la Commission, que la décision d’octroi de dommages et intérêts à Apotex est postérieure à la date de conclusion de l’Accord.

300    Les requérantes prétendent, deuxièmement, que le montant initial n’aurait pu compenser leur entrée différée sur le marché, dès lors qu’une telle entrée différée n’était pas prévue initialement par l’Accord. En effet, lorsque le montant initial a été convenu, d’une part, les documents contractuels échangés entre Teva et Servier n’auraient envisagé aucune restriction de la capacité de Teva à entrer sur le marché, la « disposition de non-concurrence » et la clause de non-résiliation n’ayant été intégrées dans les négociations qu’ultérieurement, et, d’autre part, Teva aurait souhaité entrer sur le marché dès le 15 juin 2006.

301    Il convient de considérer, tout d’abord, que ces allégations relatives au déroulement des négociations de l’Accord et, en particulier, aux intentions des parties au cours de ces négociations ne sauraient prévaloir sur l’analyse des clauses de l’Accord, qui prévoit à tout le moins, en son article 2.3, une obligation de non-commercialisation à la charge de Teva et, en son article 2.2, une obligation de destruction de son périndopril l’empêchant d’entrer sur le marché avec son produit. En effet, si, en vertu d’une jurisprudence constante, l’intention des parties peut être prise en compte pour constater l’existence d’une restriction par objet lorsque cette intention révèle une volonté flagrante de restreindre la concurrence, la preuve de l’intention de restreindre la concurrence n’est pas un élément nécessaire pour déterminer si un accord a pour objet une telle restriction (arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 27 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, Peugeot et Peugeot Nederland/Commission, T‑450/05, EU:T:2009:262, point 55 ; voir, également, point 183 ci-dessus). Dès lors, les intentions des parties ne peuvent à elles seules suffire à exclure l’existence d’une restriction par objet, ni en l’espèce celle d’une incitation à se soumettre à des clauses restrictives de concurrence.

302    Il y a lieu de constater, ensuite et en tout état de cause, que la Commission a fait état, dans la décision attaquée (considérants 788 et 1585 de ladite décision) comme dans ses écritures, de plusieurs documents émanant des parties et non contestés par les requérantes, en vertu desquels le montant initial était versé en contrepartie de l’absence d’entrée sur le marché de Teva.

303    Il s’ensuit que la Commission a valablement retenu l’existence dans l’Accord d’une incitation des requérantes à se soumettre aux clauses de non-commercialisation et de non-contestation prévues par l’Accord.

304    Il s’ensuit également que, compte tenu de ce qui précède (voir, en particulier, points 227 à 232 ci-dessus), la Commission a, à juste titre, déduit du constat de cette incitation, dont les deux composantes étaient prévues par l’Accord, que ce dernier avait, dès l’origine, un objet restrictif de concurrence.

305    Cette conclusion n’est pas remise en cause par le prétendu objectif poursuivi par l’Accord.

306    En effet, l’allégation par les requérantes de la poursuite d’objectifs légitimes, dont notamment l’entrée anticipée de Teva sur le marché du Royaume-Uni, n’est susceptible de remettre en cause ni l’existence d’un avantage incitatif ni le caractère restrictif de concurrence des clauses de non-commercialisation et de non-contestation figurant dans l’Accord (voir également points 183 et 273 ci-dessus). Par conséquent, à supposer même que les arguments en cause reposent sur des faits établis, ils ne seraient pas de nature, en toute hypothèse, à invalider la qualification de restriction par objet que la Commission a retenue s’agissant de l’Accord.

307    Il convient également de rappeler que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un type de coordination entre entreprises (voir points 183 et 301 ci-dessus).

308    De plus, en présence de clauses de non-commercialisation et de non-contestation dont le caractère intrinsèquement restrictif n’a pas été valablement mis en cause, l’Accord a pu être regardé à bon droit par la Commission, du fait du constat de l’existence d’une incitation, comme étant un accord d’exclusion du marché, poursuivant de ce fait un objectif anticoncurrentiel. Or, selon une jurisprudence constante, la seule circonstance qu’un accord poursuive également des objectifs légitimes ne saurait suffire à faire obstacle à une qualification de restriction de concurrence par objet (voir point 183 ci-dessus).

309    Il s’ensuit que le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation dans la qualification de l’Accord de restriction de concurrence par objet doit être écarté dans son ensemble.

D.      Sur le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation dans la qualification de l’Accord de restriction par effet

1.      Arguments des parties

310    Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit en considérant que, pour établir l’existence d’une restriction de concurrence par effet, elle devait examiner les effets probables d’un accord a priori (analyse ex ante), au moment de sa conclusion, et ne devait pas évaluer a posteriori si la mise en œuvre de l’accord en cause avait entraîné des effets anticoncurrentiels (analyse ex post).

311    Les requérantes font également valoir que l’appréciation de l’existence en l’espèce d’une restriction par effet serait entachée d’erreurs d’appréciation. Elles reprochent, en particulier, à la Commission de n’avoir présenté qu’une série d’hypothèses non étayées de ce qui aurait pu se produire, et non un scénario contrefactuel probable. Quant à l’appréciation des effets de l’Accord, elles estiment que, en conséquence de l’Accord, elles sont entrées sur le marché du Royaume-Uni en juillet 2007, à la suite de l’invalidation du brevet 947 UK au Royaume-Uni, et qu’elles n’auraient pas pu y entrer plus tôt en l’absence d’accord. Les requérantes ajoutent que, même si la Commission avait à bon droit examiné les conséquences probables de l’Accord au moment de sa conclusion, ces conséquences n’auraient pas été négatives comparées au scénario contrefactuel probable.

312    La Commission estime que les requérantes se fondent sur une lecture déformée de la décision attaquée et précise avoir considéré dans cette décision à juste titre que, en vertu du principe de sécurité juridique, les développements postérieurs à la conclusion de l’Accord ne sauraient influer sur l’analyse de l’effet anticoncurrentiel de l’Accord au moment où il a été conclu.

313    Quant aux erreurs d’appréciation alléguées, la Commission souligne avoir mené une analyse contrefactuelle détaillée dont il résulterait que, sans l’Accord, les requérantes auraient probablement décidé de procéder à un lancement à risque. Elle conteste par ailleurs tant l’analyse ex post que l’analyse ex ante des effets de l’Accord par les requérantes.

2.      Appréciation du Tribunal

314    Il convient de rappeler que, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de cette décision sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif. En outre, dès lors que le dispositif d’une décision de la Commission repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu pour le Tribunal d’annuler cette décision, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse dès lors que cette erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision (voir arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, points 42 et 43 et jurisprudence citée).

315    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 184 ci-dessus, pour apprécier si un accord est prohibé par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, la prise en considération de ses effets concrets est superflue lorsqu’il apparaît qu’il a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur.

316    Par conséquent, lorsque la Commission fonde le constat d’une infraction à la fois sur l’existence d’une restriction par objet et sur celle d’une restriction par effet, une erreur entachant d’illégalité le motif tiré de l’existence d’une restriction par effet n’a, en tout état de cause, pas une influence déterminante quant au dispositif retenu par la Commission dans cette décision, dans la mesure où le motif tiré de l’existence d’une restriction par objet, qui peut fonder à lui seul le constat d’infraction, n’est pas entaché d’illégalité.

317    En l’espèce, il résulte de l’examen du moyen tiré d’erreurs d’appréciation et de droit relatives à la qualification de restriction de concurrence par objet de l’Accord que les requérantes n’ont pas établi que la Commission avait commis une erreur en concluant, dans la décision attaquée, que les accords en cause avaient pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

318    Le présent moyen doit donc être écarté comme inopérant.

E.      Sur le moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de la violation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE et d’une insuffisance de motivation

1.      Arguments des parties

a)      Sur l’appréciation erronée de la condition relative au gain d’efficacité posée par l’article 101, paragraphe 3, TFUE et la motivation insuffisante de cette appréciation

319    Les requérantes contestent l’exigence par la Commission de la démonstration de « gains d’efficacité qualitatifs » de l’Accord autres que leur entrée sur le marché, alors qu’elles avaient établi leurs difficultés pour entrer sur le marché par leurs propres moyens, sans l’Accord, à l’époque. Par ailleurs, la Commission ayant elle-même reconnu l’impact du retrait d’un concurrent sur la structure du marché en cause, elle aurait dû admettre que l’entrée d’une seule entreprise comme Teva améliorait cette structure.

320    Les requérantes reprochent en outre à la Commission d’avoir, en fait, refusé d’examiner leurs arguments et leurs preuves établissant que, de manière générale, les règlements amiables contre paiement inversé facilitaient une entrée anticipée des génériques sur le marché.

321    La Commissionrenvoie à son argumentation précédente contestant que l’Accord représentait pour les requérantes la voie la plus rapide pour entrer sur le marché. Elle ajoute que, même si l’Accord avait facilité l’entrée des requérantes, ces dernières n’auraient pu entrer sur le marché qu’avec le médicament générique de Servier, de sorte que les seuls gains d’efficacité, au demeurant non établis, porteraient sur la distribution du périndopril de Servier.

322    La Commission estime qu’est dépourvue de pertinence la critique par les requérantes d’une prétendue interdiction générale des accords de règlement amiable contre paiement inversé, dès lors que la décision attaquée porte sur l’Accord avec ses caractéristiques particulières.

b)      Sur l’appréciation erronée des autres conditions posées par l’article 101, paragraphe 3, TFUE et la motivation insuffisante de cette appréciation

323    Les requérantes, premièrement, reprochent à la Commission de ne pas avoir examiné leur argument selon lequel l’Accord bénéficiait aux consommateurs en augmentant la concurrence des génériques du périndopril et d’avoir écarté à tort, comme non pertinente, leur argumentation relative aux effets bénéfiques pour les consommateurs et la société des règlements amiables contre paiement inversé.

324    Les requérantes, deuxièmement, prétendent que la Commission ne justifie pas son affirmation péremptoire selon laquelle le transfert de valeur prévu par l’Accord n’était pas indispensable à la réalisation des gains d’efficacité allégués. Par ailleurs, la Commission aurait méconnu les lignes directrices concernant l’application de l’article [101], paragraphe 3, [TFUE] (JO 2004, C 101, p. 97, ci-après les « lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE »), et en particulier le paragraphe 75 de celles-ci, en préjugeant de l’appréciation commerciale des requérantes et aurait écarté à tort comme trop généraux leurs arguments relatifs aux règlements amiables contre paiement inversé.

325    Les requérantes, troisièmement, reprochent à la Commission de ne pas avoir examiné la condition relative à l’absence d’élimination de la concurrence et de ne pas avoir répondu à leurs arguments avancés à cet égard.

326    La Commission renvoie à son argumentation précédente pour écarter l’allégation selon laquelle l’Accord aurait accéléré la concurrence exercée par les génériques du périndopril. Elle estime par ailleurs que sont dépourvues de pertinence les affirmations générales sans rapport avec la présente affaire relatives aux effets bénéfiques des accords de règlement amiable et à la nécessité d’effectuer des paiements inversés dans le cadre de ces accords. Enfin, la Commission estime avoir considéré à juste titre qu’il était inutile d’examiner la condition de l’article 101, paragraphe 3, TFUE relative à l’élimination de la concurrence, compte tenu du caractère cumulatif des conditions posées par cette disposition.

2.      Appréciation du Tribunal

327    L’article 101, paragraphe 3, TFUE prévoit une dérogation aux dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en vertu de laquelle les accords visés au paragraphe 1 qui remplissent les conditions du paragraphe 3 ne sont pas interdits.

328    Les conditions prévues à l’article 101, paragraphe 3, TFUE sont les suivantes : il faut, premièrement, que l’accord concerné contribue à améliorer la production ou la distribution des produits en cause ou à promouvoir le progrès technique ou économique, deuxièmement, qu’une partie équitable du profit qui en résulte soit réservée aux utilisateurs, troisièmement, qu’il n’impose aucune restriction non indispensable aux entreprises participantes et, quatrièmement, qu’il ne leur donne pas la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

329    Ces conditions ont été reprises au paragraphe 34 des lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Elles présentent un caractère cumulatif (arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 505 ; du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, EU:C:1984:9, point 61, et du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T‑17/93, EU:T:1994:89, point 104).

330    Conformément à l’article 2 du règlement no 1/2003, « [i]l incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article [101, paragraphe 3, TFUE] d’apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies ».

331    La Cour, se fondant sur le règlement no 1/2003 et, en particulier, sur son considérant no 5, selon lequel, d’une part, c’est à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence qu’il incombe d’en apporter la preuve et, d’autre part, il appartient à l’entreprise ou à l’association d’entreprises invoquant le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies, a précisé que, même si la charge légale de la preuve incombe selon ces principes soit à la Commission, soit à l’entreprise ou à l’association concernée, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 78 et 79).

332    Ainsi, dans certains cas, les éléments factuels invoqués par une entreprise qui demande à bénéficier de l’exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE peuvent être de nature à obliger la Commission à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (arrêts du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 83, et du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 711).

333    Enfin, il convient également de relever que tout accord restreignant la concurrence, que ce soit par ses effets ou par son objet, peut en principe bénéficier de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE (arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 496 à 498 et 501 à 505 ; du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C‑439/09, EU:C:2011:649, points 49 et 57, et du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T‑17/93, EU:T:1994:89, point 85).

334    En l’espèce, la Commission a concentré son examen sur la première condition d’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Elle a notamment examiné deux types de gains d’efficacité allégués par les requérantes. S’agissant, premièrement, de la facilitation et de l’accélération de l’entrée anticipée de Teva sur le marché, la Commission a estimé que, même en admettant que l’Accord permettait un approvisionnement en périndopril de Teva, cette entrée sur le marché interviendrait au même moment que celle des autres sociétés de génériques, de sorte que les requérantes auraient dû expliquer quels gains qualitatifs objectifs découleraient de la distribution du périndopril de Servier, ce qu’elles n’auraient pas fait. Elle a ajouté que les restrictions impliquées par la clause d’achat exclusif n’étaient pas indispensables pour un accord de distribution (considérants 2091 à 2095 de la décision attaquée). S’agissant, deuxièmement, de la facilitation d’une entrée anticipée par les accords de règlement amiable en matière de brevets contre paiement inversé, la Commission a souligné que l’Accord ne prévoyait pas d’entrée anticipée de Teva. Elle a ajouté que, pour établir le caractère indispensable ainsi que les avantages tirés par les consommateurs des règlements amiables de litiges en matière de brevet contre paiement inversé, les requérantes se seraient bornées à se fonder sur des affirmations et des concepts généraux. Elle en a déduit qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la quatrième condition posée par l’article 101, paragraphe 3, TFUE, relative à l’absence d’élimination de la concurrence (considérants 2112 à 2122 de la décision attaquée).

335    Les requérantes contestent principalement l’analyse par la Commission de la première condition d’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE (voir points 319 et 320 ci-dessus).

336    Il convient de rappeler, à cet égard, que, pour remplir cette première condition, un accord doit contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique. Cette contribution ne s’identifie pas à tous les avantages que les entreprises participant à cet accord en retirent quant à leur activité, mais à des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients qui en résultent pour la concurrence (arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 502 ; voir, également, arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, EU:T:2006:265, point 247 et jurisprudence citée ; voir, enfin, paragraphe 50 des lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE).

337    Il appartient donc à la Commission d’examiner si les arguments de fait et les éléments de preuve qui lui sont présentés démontrent, de manière convaincante, que l’accord en cause doit permettre d’obtenir des avantages objectifs sensibles (voir arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, EU:T:2006:265, point 248 et jurisprudence citée).

338    Cette démarche peut impliquer une analyse prospective, auquel cas il convient de rechercher si, au vu des arguments de fait et des éléments de preuve fournis, il apparaît plus probable soit que l’accord en cause doit permettre d’obtenir des avantages objectifs sensibles, soit que tel n’est pas le cas (voir arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, EU:T:2006:265, point 249 et jurisprudence citée).

339    En l’espèce, les requérantes ont invoqué un premier gain d’efficacité, lié à l’entrée anticipée de Teva sur le marché.

340    Or, il résulte de l’examen du moyen relatif à la restriction par objet que l’Accord empêchait Teva d’entrer sur le marché (voir point 274 ci-dessus). Il en ressort également que, même à supposer que l’Accord puisse être interprété au terme d’une analyse prospective (voir point 338 ci-dessus) comme permettant une entrée de Teva sur le marché du Royaume-Uni, cette entrée ne correspondrait ni à celle d’un nouveau concurrent ni à une entrée anticipée.

341    En effet, d’une part, le périndopril générique distribué par Teva en vertu de l’Accord était celui de Servier (voir également point 271 ci-dessus), que cette dernière aurait d’ailleurs pu commercialiser en concurrence avec les autres sociétés de génériques indépendamment de Teva. Il ressort effectivement de la décision attaquée (considérant 2085 de ladite décision), ce que les requérantes ne contestent pas, que Servier avait conclu un accord de distribution de son périndopril générique au Royaume-Uni avec une autre société de génériques. La Commission a ainsi considéré, à juste titre, que seuls des gains d’efficacité qualitatifs liés à la distribution plus étendue ou plus efficace du périndopril par Teva auraient pu permettre une exemption (considérant 2094 de la décision attaquée), gains qualitatifs dont les requérantes ne contestent pas qu’elles ne les ont pas établis (considérants 2085 et 2094 de la décision attaquée). D’autre part, Servier n’aurait pas et n’a effectivement pas fourni son périndopril à Teva avant la fin de validité de ses brevets, empêchant de considérer que l’Accord aurait permis à Teva d’entrer de manière anticipée pendant la période de protection des brevets (voir également point 272 ci-dessus). Il est, à cet égard, indifférent que, comme le font valoir les requérantes, l’Accord aurait permis leur entrée avec le périndopril de Servier avant celle avec leur propre produit. En effet, il convient de rappeler que seuls les avantages objectifs peuvent être pris en compte, les gains d’efficacité n’étant pas appréciés du point de vue subjectif des parties [voir arrêt du 8 septembre 2016, Generics (UK)/Commission, T‑469/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:454, point 354 et jurisprudence citée ; voir, également, paragraphe 49 des lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE et point 337 ci-dessus].

342    Quant au second gain d’efficacité allégué, tiré des avantages généraux en termes de contestation des brevets et d’entrée anticipée des sociétés de génériques qui résulteraient des accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets contre paiement inversé, il y a lieu de considérer, contrairement à ce que prétendent les requérantes (voir point 320 ci-dessus), que la Commission a bien procédé à l’examen des arguments avancés par les requérantes au soutien de leur allégation, si ce n’est qu’elle s’est, à bon droit, bornée à faire état de considérations brèves et générales (considérant 2119 de la décision attaquée). En effet, aux fins le cas échéant d’exempter l’Accord, il appartenait à la Commission d’examiner les clauses spécifiques de l’Accord et non celles qui figurent en général dans les accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets contre paiement inversé.

343    Il s’ensuit que la Commission a considéré, à juste titre, que la première condition prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE n’était pas remplie par l’Accord.

344    Il en résulte également que, compte tenu du caractère cumulatif des quatre conditions d’exemption (voir point 329 ci-dessus), la Commission a pu valablement décider que l’Accord ne pouvait bénéficier d’une exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes (voir points 323 et 325 ci-dessus), il ne saurait, partant, être reproché à la Commission de ne pas avoir examiné si l’Accord remplissait la deuxième ou la quatrième condition prévue par l’article 101, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 505, et ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C‑137/95 P, EU:C:1996:130, point 34), et ce d’autant plus qu’elle avait estimé à titre surabondant que la troisième condition d’exemption n’était pas satisfaite (considérants 2095 et 2121 de la décision attaquée).

345    Il convient de considérer, à cet égard et également à titre surabondant, que la Commission n’a pas méconnu les lignes directrices relatives à l’article 101, paragraphe 3, TFUE (paragraphe 75 desdites lignes) lors de l’examen de la troisième condition d’exemption relative au caractère indispensable de la restriction. En effet, s’agissant du premier gain d’efficacité allégué, elle a déduit l’absence de caractère indispensable de certaines conditions figurant dans l’Accord de la seule teneur des clauses concernées, sans préjuger de l’appréciation commerciale portée par Teva sur ces clauses. Par ailleurs, s’agissant du second gain d’efficacité allégué, la Commission a écarté, à juste titre, comme dépourvus de pertinence, en ce qu’ils ne concernaient pas spécifiquement l’Accord, les arguments des requérantes visant à établir que les règlements amiables en matière de brevets contre paiement inversé sont indispensables de manière générale (voir point 342 ci-dessus).

346    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE et d’une insuffisance de motivation de l’examen des conditions d’exemption de cette disposition doit être écarté.

F.      Sur les moyens relatifs à l’amende

1.      Moyens venant au soutien de la demande d’annulation de l’article 7 de la décision attaquée infligeant une amende aux requérantes

a)      Arguments des parties

347    Les requérantes soutiennent que la Commission a méconnu les principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité, de protection de la confiance légitime ainsi que de légalité des délits et des peines en leur infligeant une amende, alors qu’elles ne pouvaient raisonnablement prévoir, au moment où l’infraction alléguée a été commise, que leur comportement violait les règles de concurrence. En effet, selon les requérantes, dans sa pratique décisionnelle, la Commission s’abstient en général d’infliger des amendes ou inflige des amendes symboliques, lorsqu’elle examine des questions nouvelles. De plus, au moment de la conclusion de l’Accord, il n’aurait existé dans l’Union aucun précédent, à l’exception des orientations favorables aux accords tels que celui en cause, figurant dans les lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie (paragraphes 29 et 209 desdites lignes) et la grande majorité des juridictions aux États-Unis auraient considéré que les règlements amiables en matière de brevets contenant des restrictions qui relevaient du champ d’application du brevet ne violaient pas les règles de concurrence. En outre, plusieurs années après l’Accord et à la suite de l’élaboration de plusieurs rapports évaluant la situation de la concurrence dans le secteur pharmaceutique, la Commission se serait à plusieurs reprises montrée extrêmement prudente quant aux éventuels problèmes de concurrence soulevés par les règlements amiables contre paiement inversé.

348    La Commission rétorque que l’application de l’article 101 TFUE à l’Accord était certainement prévisible. En effet, les accords entre concurrents, tels que, en l’espèce, l’Accord, ne sont pas exemptés de l’application du droit de la concurrence parce qu’ils concernent des droits de propriété intellectuelle, et ce d’autant plus que les restrictions prévues par l’Accord ne relevaient pas du champ des brevets en cause. La Commission ajoute que sont dépourvues de pertinence les lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, l’Accord ne comportant aucun transfert de technologie, ainsi que les décisions des juridictions inférieures des États-Unis d’Amérique appliquant des règles de concurrence différentes de celles appliquées par la Commission. Enfin, les requérantes devraient, à l’instar de la Commission dans ses rapports relatifs au secteur pharmaceutique, faire preuve de prudence et être nuancées dans leurs allégations relatives aux accords de règlement amiable en matière de brevets, notamment en ne présumant pas que tous ces accords sont identiques.

b)      Appréciation du Tribunal

349    À titre liminaire, il convient de souligner que la répression efficace des infractions en matière de droit de la concurrence ne peut aller jusqu’à méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, tel que consacré à l’article 49 de la charte des droits fondamentaux (voir, par analogie, s’agissant de sanctions pénales et de l’obligation des États membres de lutter contre les activités illicites portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., C‑42/17, EU:C:2017:936, point 61).

350    Il importe ensuite de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le principe de légalité des délits et des peines exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 40 et jurisprudence citée).

351    Le principe de légalité des délits et des peines ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit raisonnablement prévisible au moment où l’infraction a été commise, au vu notamment de l’interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 41 et jurisprudence citée).

352    La portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de l’affaire, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 42 et jurisprudence citée).

353    Il convient d’ajouter que le recours aux conseils de professionnels apparaît d’autant plus évident lorsqu’il s’agit, comme c’était le cas en l’espèce, de préparer et de rédiger un accord censé prévenir ou régler à l’amiable un litige.

354    Dans ce contexte, même si, à l’époque des infractions constatées dans la décision attaquée, les juridictions de l’Union n’avaient pas encore eu l’occasion de se prononcer spécifiquement sur un accord de règlement amiable du type de celui conclu par Servier et Teva, cette dernière aurait dû s’attendre, au besoin après avoir recouru à des conseils éclairés, à ce que son comportement pût être déclaré incompatible avec les règles de concurrence du droit de l’Union, eu égard, notamment, à la portée large des notions d’« accord » et de « pratique concertée » résultant de la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 43).

355    Teva pouvait en particulier supposer que le fait d’accepter de se soumettre à des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, par elles-mêmes restrictives de concurrence, sur la base d’une incitation et non de sa reconnaissance de la validité des brevets en cause, faisait perdre toute légitimité à l’insertion de telles clauses dans un accord de règlement amiable en matière de brevets et constituait un usage anormal du brevet, sans rapport avec son objet spécifique (voir point 228 ci-dessus). Teva pouvait donc raisonnablement prévoir qu’elle adoptait un comportement relevant de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 46, et du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 764).

356    Au surplus, il y a lieu de relever que, bien avant la date de la conclusion de l’Accord, la jurisprudence s’était prononcée sur la possibilité de faire application du droit de la concurrence dans des domaines caractérisés par la présence de droits de propriété intellectuelle (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, points 314 et 315).

357    À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que la Cour a considéré, dès 1974, que, si les droits reconnus par la législation d’un État membre en matière de propriété industrielle n’étaient pas affectés dans leur existence par l’article 101 TFUE, les conditions de leur exercice pouvaient cependant relever des interdictions édictées par cet article et que tel pouvait être le cas chaque fois que l’exercice d’un tel droit apparaissait comme étant l’objet, le moyen ou la conséquence d’une entente (arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper, 15/74, EU:C:1974:114, points 39 et 40).

358    Ensuite, depuis l’arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448), il est clair que les règlements amiables des litiges relatifs à des brevets peuvent être qualifiés d’accords au sens de l’article 101 TFUE.

359    Par ailleurs, il y a lieu de souligner que, par l’Accord, Teva et Servier ont, en réalité, décidé de conclure un accord d’exclusion du marché (voir point 241 ci-dessus). Or, s’il est vrai que ce n’est que dans un arrêt prononcé postérieurement à l’adoption de l’Accord que la Cour a jugé que les accords d’exclusion du marché, dans lesquels les restants indemnisent les sortants, constituent une restriction de concurrence par objet, elle a cependant précisé que ce type d’accords se heurtait « de manière patente » à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché (arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, points 8 et 32 à 34). En concluant un tel accord, Teva ne pouvait donc ignorer le caractère anticoncurrentiel de son comportement.

360    Certes, si, du fait que l’Accord avait été conclu sous la forme d’un règlement amiable relatif à des brevets, son caractère infractionnel pouvait ne pas apparaître, de manière claire, à un observateur extérieur tel que la Commission, il n’en allait pas de même pour les parties à l’Accord.

361    La conclusion présentée au point 355 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les autres arguments présentés par les requérantes.

362    En premier lieu, l’argument tiré de l’existence d’une pratique de la Commission selon laquelle celle-ci s’abstiendrait d’infliger des amendes ou se contenterait d’infliger des amendes symboliques lorsqu’elle examine des questions de droit nouvelles ne saurait être retenu, car, en l’espèce, Teva pouvait raisonnablement prévoir que, en agissant ainsi qu’elle l’a fait, c’est-à-dire en acceptant de se faire payer pour rester en dehors du marché, elle adoptait un comportement relevant de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir point 355 ci-dessus). Comme il a été mentionné au point 359 ci-dessus, elle ne pouvait ignorer en l’espèce le caractère anticoncurrentiel de son comportement.

363    Au demeurant, il convient de souligner que, dans l’une des décisions de la Commission que citent les requérantes, il apparaît, contrairement à ce qu’il en est en l’espèce, qu’« il n’était pas suffisamment clair pour [les intéressées] que leur comportement constituerait une infraction ».

364    En tout état de cause, selon la jurisprudence, la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence. Le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions, en l’occurrence des amendes symboliques à des infractions de caractère inédit, ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement no 1/2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence de l’Union. L’application efficace des règles de l’Union en matière de concurrence exige au contraire que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, sous pourvoi, EU:T:2016:449, point 773).

365    En deuxième lieu, s’agissant, premièrement, de l’invocation par les requérantes du paragraphe 29 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, lequel semble lier la qualité de concurrent potentiel d’une partie à un accord à l’absence d’atteinte au droit de propriété intellectuelle de l’autre partie, il suffit de constater que, à supposer que les lignes directrices soient applicables à l’Accord, cette argumentation a déjà été écartée dans le cadre de l’examen du moyen relatif à la concurrence potentielle, pour les motifs exposés au point 135 ci-dessus.

366    En tout état de cause, au regard de l’ensemble de l’analyse consacrée au moyen relatif à la contestation de l’existence d’une concurrence potentielle entre Servier et Teva (voir points 84 à 96 et 109 à 162 ci-dessus) et compte tenu également de la jurisprudence de la Cour qui admet la possibilité d’une clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par la jurisprudence (voir point 351 ci-dessus), Teva pouvait raisonnablement prévoir qu’elle serait considérée par la Commission comme étant un concurrent potentiel de Servier. Il convient d’ajouter que la présence même dans l’Accord d’une clause de non-commercialisation est un élément qui permet également de conclure que Teva se percevait comme étant un concurrent, au moins potentiel, de Servier.

367    S’agissant, deuxièmement, de l’invocation par les requérantes du paragraphe 209 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, toujours à supposer que ces lignes directrices soient applicables à l’Accord, il ressort de ce paragraphe que des clauses de non-contestation sont « généralement » considérées comme ne relevant pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Eu égard à l’emploi de ce terme, cette disposition n’exclut pas que l’insertion de clauses de non-contestation puisse, dans certaines circonstances, être constitutive d’une infraction aux règles de concurrence.

368    De plus, le paragraphe 209 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie prévoit que des clauses de non-contestation peuvent ne pas relever de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où ces clauses, en évitant les contestations futures des droits de propriété intellectuelle couverts par les accords, ont pour « véritable objectif » de régler un litige existant ou d’éviter un litige futur.

369    Or, dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, c’est un paiement inversé, et non la reconnaissance par chacune des parties de la validité du brevet, qui a conduit à l’adoption de l’Accord, cet accord, qui est en réalité un accord d’exclusion du marché poursuivant des objectifs anticoncurrentiels, ne peut être regardé comme ayant pour « véritable objectif […] de régler les litiges existants et/ou d’éviter les litiges futurs ».

370    Les requérantes ne sont donc pas fondées à se prévaloir du paragraphe 209 des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie pour soutenir que l’Accord ne relève pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

371    Au demeurant, il est expressément prévu, au paragraphe 243 des lignes directrices de 2014 sur les accords de transfert de technologie, que les clauses de non-contestation sont susceptibles de méconnaître l’article 101, paragraphe 1, TFUE si le donneur, outre la concession des droits sur technologie, incite le preneur, financièrement ou par un autre moyen, à accepter de ne pas contester la validité des droits sur technologie.

372    L’existence de cette nouvelle disposition, certes postérieure aux faits constitutifs de l’infraction, mais qui s’est bornée à venir préciser les dispositions précédemment contenues dans les lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie, confirme la conclusion figurant au point 370 ci-dessus.

373    En troisième lieu, les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir de la jurisprudence des juridictions des États-Unis d’Amérique.

374    En effet, la circonstance, à la supposer établie, que des accords du type de celui en cause en l’espèce ne soient pas contraires au droit de la concurrence applicable aux États-Unis ne permet pas de conclure que de tels accords seraient conformes au droit de l’Union.

375    À cet égard, il convient de rappeler qu’une violation du droit de la concurrence des États-Unis d’Amérique ne saurait constituer, en tant que telle, un vice susceptible d’entraîner l’illégalité d’une décision adoptée sur le fondement du droit de l’Union (voir point 243 ci-dessus).

376    Compte tenu de cette autonomie des droits, qui n’exclut pas une convergence possible sur certains aspects, les requérantes ne pouvaient déduire du fait que l’Accord correspondait, selon elles, aux orientations de la grande majorité des tribunaux des États-Unis d’Amérique au moment de la passation de cet accord que celui-ci était conforme au droit de l’Union, et ce d’autant plus que Teva pouvait raisonnablement prévoir qu’elle adoptait un comportement relevant de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, notamment, points 354 et 355 ci-dessus).

377    En quatrième lieu, les requérantes ne sont pas fondées à invoquer les rapports de la Commission rendus à la suite de l’enquête sur le secteur pharmaceutique (voir point 30 ci-dessus) aux fins de constater l’existence d’une confiance légitime.

378    Il faut tout d’abord rappeler, à cet égard, que le principe de protection de la confiance légitime constitue le corollaire du principe de la sécurité juridique, qui exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêts du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, EU:C:1996:51, point 20, et du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 90).

379    Ensuite, conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 91 et jurisprudence citée).

380    Or, les éléments invoqués par les requérantes permettraient, tout au plus, de conclure à l’existence de doutes quant à la validité d’accords tels que, en l’espèce, l’Accord, mais certainement pas à l’existence d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes qu’un tel accord serait considéré comme valide par la Commission. De plus, de telles assurances, à supposer même qu’elles aient existé, n’auraient en tout état de cause pas été conformes aux normes applicables, puisque, ainsi qu’il a été constaté au point 304 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a pu conclure que l’Accord était constitutif d’une restriction de concurrence par objet.

381    À supposer même que les requérantes se prévalent des rapports de la Commission rendus à la suite de l’enquête sur le secteur pharmaceutique ou de commentaires faits par la Commission à cet égard, sans pour autant invoquer le principe de protection de la confiance légitime, mais au soutien de leur argumentation plus générale selon laquelle Teva ne pouvait raisonnablement prévoir que son comportement violait les règles de la concurrence, il suffirait, pour écarter un tel argument, de renvoyer, notamment, aux points 354, 355 et 359 ci-dessus.

382    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter les présents moyens.

2.      Moyens venant au soutien de la demande subsidiaire de réduction du montant de l’amende

a)      Sur le défaut de motivation et sur la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

1)      Arguments des parties

383    Les requérantes font valoir que la Commission a méconnu son obligation de motivation et violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, en s’écartant des règles prévues par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes ») pour fixer le montant de base de l’amende, sans indiquer de motifs appropriés pour justifier cet écart. En effet, la Commission aurait simplement fait observer, pour exclure la détermination du montant de base par référence à la proportion des ventes concernées par l’infraction, que les parties n’avaient pas réalisé de ventes dans la zone géographique concernée et que les chiffres de ventes proposés par les requérantes ne se rapportaient pas à la période infractionnelle pertinente et au marché existant à l’époque. La Commission aurait par ailleurs justifié sa décision d’utiliser la valeur prétendument transférée en vertu de l’Accord pour calculer le montant de base de l’amende par le fait que cette valeur fournissait des indications importantes sur les facteurs de calcul du montant de l’amende, tels que la gravité de l’infraction. Or, ainsi qu’il ressortirait de leurs arguments présentés au soutien du moyen relatif à la restriction de concurrence par objet, les requérantes prétendent que le montant de cette valeur ne donnerait aucune indication relative notamment aux circonstances, aux objectifs ou aux résultats de l’Accord et, ainsi, serait sans rapport avec la gravité de l’infraction.

384    De plus, la Commission aurait méconnu les lignes directrices pour le calcul des amendes, en particulier le paragraphe 19, qui prévoit que le montant de base doit être lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction.

385    Par ailleurs, les requérantes contestent avoir obtenu des « gains illicites » par le biais de l’Accord. Elles indiquent, en tout état de cause, que de tels gains devraient être très inférieurs au montant retenu par la Commission du fait de déductions qu’il conviendrait d’appliquer.

386    La Commission explique qu’elle s’est écartée de la méthodologie générale pour la fixation des amendes, en faisant application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Elle précise avoir retenu la valeur transférée comme base pour le calcul du montant de l’amende, en se fondant sur le paragraphe 31 des lignes directrices pour le calcul des amendes, qui prévoit la nécessité de majorer la sanction afin de dépasser le montant des gains illicites réalisés grâce à l’infraction lorsqu’une telle estimation est possible. Or, en l’espèce, selon la Commission, utiliser la valeur transférée non seulement garantissait que les requérantes seraient privées des gains illicites escomptés de la conclusion de l’Accord, mais tenait également compte des ventes qu’auraient réalisées les requérantes si elles étaient entrées sur le marché, reflétant dès lors la « perte de concurrence » résultant de l’Accord.

2)      Appréciation du Tribunal

387    Il convient tout d’abord de relever que le moyen invoqué par les requérantes présente une certaine ambiguïté en ce qu’il renvoie à la fois à une contestation formelle de la décision attaquée, qui serait, selon les requérantes, insuffisamment motivée, et à une contestation du bien-fondé de cette décision. Il y a lieu de prendre en compte ces deux contestations et de les examiner successivement.

i)      Sur la contestation formelle de la décision attaquée

388    Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir suffisamment expliqué, d’une part, les raisons pour lesquelles elle recourait à une méthode de calcul du montant de base de l’amende différente de celle figurant dans les lignes directrices pour le calcul des amendes et, d’autre part, en quoi la méthode retenue était adaptée au contexte dans lequel l’Accord a été conclu.

389    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, EU:C:1990:71, point 15 et jurisprudence citée).

390    À cet égard, il convient de relever que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause. Ainsi, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte et de la nature des motifs invoqués. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte (voir, en ce sens, ordonnance du 14 novembre 2013, J/Parlement, C‑550/12 P, non publiée, EU:C:2013:760, point 19 et jurisprudence citée).

391    En particulier, il importe d’observer que, dans la détermination du montant de l’amende en cas d’infraction aux règles de concurrence, la Commission satisfait à son obligation de motivation lorsqu’elle indique dans sa décision les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, sans que celle-ci soit tenue d’indiquer tous les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 68 et jurisprudence citée).

392    De plus, la Commission n’est pas tenue, dans la motivation de ses décisions, de prendre position sur tous les arguments invoqués par les intéressés pendant la procédure administrative. Il suffit en effet à la Commission d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P, non publié, EU:C:2007:6, point 30).

393    Cependant, lorsque la Commission décide de s’écarter de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes, par lesquelles elle s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation quant à la fixation du montant des amendes, en s’appuyant, comme en l’espèce, sur le paragraphe 37 de ces lignes directrices, les exigences de motivation qui s’imposent à elle s’appliquent avec d’autant plus de vigueur (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 48).

394    En l’espèce, la motivation de la décision attaquée apparaît, notamment, au considérant 3146 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a indiqué ce qui suit :

« Les sociétés de génériques ont accepté de ne pas vendre de périndopril générique dans la zone géographique concernée par chaque accord, et n’ont donc pas réalisé de vente dans la zone géographique concernée. Le paragraphe 37 des lignes directrices [pour le calcul des amendes] devrait donc être appliqué aux sociétés de génériques. Le paragraphe 37 de ces lignes directrices permet à la Commission de s’écarter de la méthodologie normale des lignes directrices [pour le calcul des amendes] en raison des particularités d’un cas donné ou de la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans un cas particulier. »

395    Au considérant 3152 de la décision attaquée, la Commission a précisé ce qui suit :

« Selon le règlement no 1/2003 et les lignes directrices [pour le calcul des amendes], l’amende doit dépendre des facteurs suivants : i) la gravité de l’infraction, ii) sa durée, iii) toute circonstance aggravante ou atténuante et iv) le besoin d’obtenir un effet dissuasif. La Commission, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, considère que, en l’espèce et au vu des particularités de l’affaire, le montant du transfert de valeur reçu par les sociétés de génériques fournit des indications importantes quant à ces facteurs. Les chiffres des ventes pour la période suivant l’infraction proposés par Teva ne se rapportent pas à la période infractionnelle pertinente et au marché qui existait à cette époque et, dès lors, ne peuvent être considérés comme la meilleure approximation. »

396    Enfin, la Commission a conclu son analyse, au considérant 3162 de la décision attaquée, en relevant ce qui suit :

« En appliquant le [paragraphe] 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, pour les besoins du calcul de l’amende, les montants suivants de valeur transférée aux sociétés de génériques dans chaque infraction sont pris en compte et correspondent au montant de base pour chaque société de génériques :

[…]

–        pour Teva : 15 569 395 EUR ;

–        […] »

397    Il est précisé dans la note en bas de page no 4111 de la décision attaquée que le montant du transfert de valeur de 10,5 millions de GBP reçu par Teva a été converti en euros par la Commission au taux de change de 0,67440.

398    Il ressort des extraits susmentionnés de la décision attaquée, premièrement, que la Commission n’a pas appliqué la méthode prévue dans les lignes directrices pour le calcul des amendes, laquelle se fonde sur la valeur des ventes durant la dernière année complète de la participation à l’infraction de l’entreprise, mais une méthode retenant le montant du transfert de valeur dont a bénéficié Teva comme montant de base pour le calcul du montant de l’amende, deuxièmement, qu’elle a procédé ainsi en raison de l’objet même des accords, qui étaient des accords d’exclusion du marché du fait desquels les sociétés de génériques n’étaient pas présentes sur celui-ci au moment de l’infraction, troisièmement, qu’elle a estimé que la méthode choisie lui permettait de prendre en compte, notamment, la gravité de l’infraction et sa durée et, quatrièmement, que cette méthode était, selon elle, plus adaptée que la méthode proposée par Teva, car cette dernière se fondait sur une valeur des ventes postérieure à l’infraction.

399    Par conséquent, la Commission a fourni, dans la décision attaquée, une motivation suffisante permettant aux requérantes de comprendre les raisons pour lesquelles, d’une part, elle avait appliqué une méthode de calcul du montant de base de l’amende différente de la méthode générale figurant dans les lignes directrices pour le calcul des amendes et, d’autre part, cette méthode, censée lui permettre de prendre en compte la gravité et la durée de l’infraction, était adaptée, selon elle, aux circonstances particulières de l’espèce.

400    Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être écarté en tant qu’il vise à contester la légalité formelle de la décision attaquée.

ii)    Sur la contestation du bien-fondé de la décision attaquée

401    En premier lieu, en ce qui concerne le caractère prétendument injustifié du recours aux dispositions du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, il convient de rappeler qu’il est possible pour la Commission, en vue de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d’affaires global de l’entreprise, lequel constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique, que de la part de ce chiffre qui provient des produits faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 62).

402    Ainsi, le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit que, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ». Ces lignes directrices précisent, à leur paragraphe 6, que « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée [de celle-ci] est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction » (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 63).

403    Il s’ensuit que le paragraphe 13 desdites lignes directrices a pour objectif de retenir, en principe, comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à une entreprise, un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 64).

404    Ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 65), le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes énonce cependant que, « [b]ien que [ces lignes] directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ».

405    En l’occurrence, il est constant que, en raison de l’objet même de l’Accord, qui est un accord d’exclusion du marché en cause, Teva n’était pas présente sur celui-ci au moment de l’infraction.

406    Partant, la Commission était dans l’impossibilité de retenir la valeur des ventes réalisées par Teva sur le marché en cause au cours de l’infraction et, en particulier, lors de la dernière année complète de sa participation à l’infraction, c’est-à-dire la période à laquelle renvoie le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

407    Ces circonstances particulières permettaient à la Commission, sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, de s’écarter de la méthodologie exposée dans lesdites lignes directrices (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 67, et du 6 février 2014, AC-Treuhand/Commission, T‑27/10, EU:T:2014:59, points 301 à 305).

408    Le Tribunal a d’ailleurs déjà jugé, dans des circonstances analogues, qu’il ne pouvait être sérieusement contesté que, eu égard à l’absence de ventes sur le marché réalisées par la société de génériques, la Commission devait s’écarter de cette méthodologie (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 421).

409    En deuxième lieu, en ce qui concerne la prétendue absence de prise en compte par la Commission de la gravité de l’infraction, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C‑137/95 P, EU:C:1996:130, point 54 ; arrêts du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, EU:C:1997:375, point 33, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 241).

410    Figurent parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité des infractions le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement de l’entente, le profit qu’elles ont pu tirer de celle-ci, leur taille et la valeur des marchandises concernées, ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union (arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, EU:C:1983:158, point 129, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 242).

411    Or, il convient de relever que la valeur retenue en l’espèce par la Commission aux fins de déterminer le montant de l’amende, à savoir le montant du transfert de valeur dont a bénéficié la société de génériques, équivaut au prix que Servier a accepté de payer pour exclure un concurrent du marché et au prix que la société de génériques a accepté de recevoir pour rester en dehors du marché,ce qui, au regard de la jurisprudence citée au point précédent, donne une indication fiable de la gravité de l’infraction et des circonstances particulières de l’affaire. En effet, cette valeur est le résultat des négociations auxquelles la société de génériques a participé et elle rend compte à la fois du comportement de la société de génériques, du rôle qu’elle a joué dans l’infraction et du profit qu’elle a pu tirer de celle-ci, ainsi que de la valeur des marchandises concernées, telle qu’estimée par les parties à l’Accord.

412    La valeur retenue par la Commission aux fins de fixer un montant de l’amende tenant compte de la gravité de l’infraction est, en tout état de cause, plus adaptée que celle proposée par les requérantes, à savoir la valeur des ventes que Teva a réalisées au cours de la période suivant immédiatement celle de l’infraction.

413    En effet, la Commission a retenu le montant des transferts de valeur, considérés comme étant incitatifs,dont Teva a bénéficié du fait de l’Accord. Ce montant donne une meilleure estimation des profits que Teva a tirés de sa participation à l’infraction que la valeur des ventes que Teva a réalisées au cours d’une période qui n’est pas celle de l’infraction.

414    De plus, le montant des transferts de valeur, considérés comme étant incitatifs,dont Teva a bénéficié du fait de l’Accord, alors même qu’il n’était pas déterminé dans toute son étendue à la date de signature de l’Accord (voir point 498 ci-après), était, pour le moins, déjà fixé par le contrat dans ses modalités de calcul. Ce montant résultait ainsi, y compris pour la partie qui n’était pas encore déterminée au moment de la signature de l’Accord, de la négociation à laquelle Teva avait participé pour aboutir à cet accord. De ce fait, il rend mieux compte du comportement de celle-ci et du rôle qu’elle a joué dans l’infraction que la méthode proposée par les requérantes, laquelle prend en compte une valeur des ventes que Teva a réalisées au cours d’une période qui n’est pas celle de l’infraction.

415    Enfin, la méthode proposée par les requérantes ne reflète pas de manière aussi adéquate que celle de la Commission l’importance économique de l’infraction. En effet, la méthode des requérantes se fonde sur le prix du périndopril vendu par la société de génériques postérieurement à l’infraction alors que l’importance économique de l’infraction dépend, dans une large mesure, du prix, plus élevé, du périndopril vendu par la société de princeps au cours de l’infraction. L’importance économique de l’infraction est donc reflétée de façon plus adéquate dans le montant de l’amende grâce à la méthode retenue par la Commission, puisque les parties ont nécessairement pris en compte le maintien du prix du périndopril aux fins d’évaluer le montant du transfert de valeur qu’il convenait d’octroyer à Teva.

416    À cet égard, il convient de préciser que l’importance économique de l’infraction est l’un des éléments mis en avant au paragraphe 6 des lignes directrices pour le calcul des amendes, lequel peut utilement être pris en compte en l’espèce, alors même que la Commission n’a pas appliqué la méthode prévue par ces lignes directrices, dès lors que cet élément ne figure pas dans la partie desdites lignes directrices consacrée à la description de cette méthode, mais dans leur partie introductive.

417    En troisième lieu, si les requérantes contestent que Teva aurait bénéficié de « gains illicites » en raison de l’infraction, il convient de rappeler que c’est à bon droit que la Commission a pu considérer que celle-ci avait reçu, du fait de l’Accord, des transferts de valeur qui l’avaient incitée à se soumettre aux clauses de non-commercialisation et de non-contestation et que, de ce fait, c’est à bon droit également que la Commission a pu qualifier l’Accord d’infraction à la concurrence (voir points 303 et 304 ci-dessus). Par conséquent, les transferts de valeur en cause constituaient pour Teva des profits qu’elle retirait d’une infraction. Les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que Teva n’aurait pas bénéficié de « gains illicites ».

418    De plus, les requérantes ne peuvent valablement prétendre que le montant de l’amende devrait être très inférieur à celui retenu par la Commission du fait de déductions qu’il conviendrait d’appliquer aux transferts de valeur qu’elles ont reçus.

419    S’agissant des frais correspondant à la valeur du stock de périndopril de Teva devant être détruit, leur montant n’ayant pas été établi par les requérantes, notamment par la production de la « facture appropriée » mentionnée à l’article 10.1 de l’Accord (voir point 296 ci-dessus), ces frais ne sauraient venir en réduction du montant de l’amende calculé, notamment, sur la base du montant initial prévu à cet article. De plus, les requérantes n’ont pas établi que de tels frais auraient été inhérents au règlement amiable du litige en cause (voir point 289 ci-dessus).

420    S’agissant du résultat annuel d’exploitation prévu en cas d’entrée de Teva sur le marché, dans la mesure où les requérantes soutiendraient que la perte correspondant à l’absence de résultat d’exploitation du fait de l’exclusion du marché doit être considérée comme relevant de la catégorie des frais présumés légitimes, car en lien direct avec le règlement amiable du litige (voir points 288 et 289 ci-dessus), il conviendrait d’écarter cet argument.

421    En effet, considérer un transfert de valeur destiné à compenser la société de génériques pour son absence d’entrée sur le marché comme étant légitime équivaudrait, en substance, à admettre que la société de princeps puisse payer une société de génériques concurrente pour qu’elle reste en dehors du marché. Or, il s’agit de la définition même de l’incitation (voir point 230 ci-dessus), laquelle conduit au constat de l’existence d’une restriction de concurrence par objet. Un tel transfert ne saurait donc être regardé comme légitime.

422    Par ailleurs, le manque à gagner pour la société de génériques correspondant aux profits qu’elle aurait pu tirer de son entrée sur le marché ne saurait en tout état de cause être soustrait du montant du transfert de valeur afin d’obtenir un transfert de valeur « net », seul susceptible, selon les requérantes, de rendre compte de l’étendue des « gains illicites » perçus par Teva et donc d’être pris en compte aux fins de déterminer le montant de l’amende.

423    En effet, le but d’une amende n’est pas simplement d’éliminer les bénéfices qu’une entreprise a tirés de son comportement anticoncurrentiel, mais également, ainsi que cela ressort d’ailleurs du paragraphe 4 des lignes directrices pour le calcul des amendes, de dissuader cette entreprise et d’autres entreprises de s’adonner à de tels comportements (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 429). Si la fonction de l’amende était réduite au simple anéantissement du profit ou du bénéfice escompté, il ne serait pas suffisamment tenu compte du caractère infractionnel du comportement en cause au vu de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et du caractère répressif de l’amende par rapport à l’infraction concrète effectivement commise (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, EU:T:2006:268, point 141).

424    En l’espèce, si le montant de l’amende infligée à Teva devait être fixé à un niveau inférieur à celui de l’avantage incitatif dont elle a bénéficié du fait de l’infraction, cette amende n’aurait pas d’effet dissuasif.

425    Certes, l’accord de règlement amiable en cause étant un accord d’exclusion, il entraîne, pour la société de génériques exclue, une perte quant aux gains qui auraient pu résulter de son entrée sur le marché.

426    Cependant, une telle perte, qui résulte directement du comportement infractionnel de la société de génériques, ne saurait être prise en compte aux fins de réduire le montant de l’amende qui vise à sanctionner cette infraction.

427    De plus, au moment où une société de génériques est en position d’entrer sur le marché ou, au contraire, de bénéficier d’un transfert de valeur pour ne pas le faire, les paiements pouvant découler d’un accord passé avec une société de princeps présentent pour elle un caractère certain, alors que les gains pouvant résulter de son entrée sur le marché sont soumis aux aléas d’une telle opération commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 432), ces aléas étant d’autant plus forts lorsqu’il s’agit d’une entrée à risque.

428    Ainsi, si le montant de l’amende infligée à une société de génériques devait être fixé à un niveau inférieur à celui de l’avantage incitatif dont elle bénéficierait du fait d’une infraction, cette société risquerait de considérer qu’il est préférable de conclure un accord avec une société de princeps permettant, même dans l’hypothèse où un tel accord donnerait lieu à une sanction, de conserver une partie de l’avantage incitatif résultant de l’infraction, plutôt que d’entrer à risque sur le marché.

429    Au regard des considérations qui précèdent, l’effet dissuasif de l’amende justifie que son montant ne soit pas inférieur au montant du transfert de valeur incitatif prévu dans l’Accord.

430    Par conséquent, le montant correspondant au résultat d’exploitation annuel prévu pour Teva en cas d’entrée sur le marché (voir point 420 ci-dessus) ne doit pas être déduit, aux fins du calcul du montant de l’amende, du montant du transfert de valeur dont a bénéficié Teva.

431    Compte tenu du constat figurant au point 428 ci-dessus, il y a lieu de conclure que, à supposer même que les requérantes puissent être regardées comme invoquant, dans le cadre du présent moyen, le caractère disproportionné de l’amende qui a été infligée à Teva, un tel argument devrait être écarté.

432    En quatrième lieu, si les requérantes soutiennent que le montant d’amende retenu à l’encontre de Teva méconnaît le paragraphe 19 des lignes directrices pour le calcul des amendes, en ce qu’il n’est pas proportionnel à la valeur des ventes, il convient de relever que les dispositions de ce paragraphe n’ont vocation à s’appliquer que lorsqu’il est fait usage de la méthode générale prévue par ces lignes directrices.

433    De même, si les requérantes soutiennent que la Commission a méconnu les dispositions du paragraphe 31 des lignes directrices pour le calcul des amendes en prenant en compte, au titre du montant de base et non au titre d’une majoration visant à assurer le caractère dissuasif de l’amende, les « gains illicites » perçus par Teva du fait de l’infraction, il convient de relever que les dispositions du paragraphe 31 des lignes directrices pour le calcul des amendes, selon lesquelles « [l]a Commission prendra également en compte la nécessité de majorer la sanction afin de dépasser le montant des gains illicites réalisés grâce à l’infraction », n’ont vocation à s’appliquer que lorsqu’il est fait usage de la méthode générale prévue par ces lignes directrices.

434    Or, ainsi qu’il a été dit au point 407 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a pu, sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, s’écarter de la méthodologie générale exposée dans ces lignes directrices. Ainsi, elle n’a pu méconnaître les dispositions des paragraphes 19 et 31 de ces lignes directrices, qui n’étaient pas applicables en l’espèce.

435    Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être écarté également en tant qu’il vise à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

436    Il résulte de tout ce qui précède que le présent moyen doit être écarté.

b)      Sur la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

1)      Arguments des parties

437    Les requérantes soutiennent que la Commission a violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, premièrement, en leur appliquant une méthode de calcul différente de celle appliquée à Servier et aboutissant à ce que le montant de l’amende qui leur est infligée est 3,6 fois plus élevé que celui de l’amende infligée à la société de princeps pour la même infraction, qui leur aurait au surplus imposé les dispositions litigieuses de l’Accord et qui aurait pris la décision unilatérale de ne pas approvisionner Teva en août 2006, deuxièmement, en leur infligeant une amende d’un montant qui dépasse largement le montant de l’amende qu’elles auraient supportée si elles avaient participé à une entente caractérisée de fixation des prix sur le même marché et pendant la même durée et, troisièmement, en ne leur imposant pas une amende plus modérée que celle imposée aux autres sociétés de génériques, alors même que la gravité, la durée et la portée géographique de l’infraction à laquelle elles ont participé étaient moindres.

438    La Commission écarte toute violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité par rapport à Servier, dans la mesure où les requérantes ne pourraient, en vertu du principe de légalité, invoquer une illégalité – en l’occurrence l’application illégale d’un facteur de correction à Servier – commise à l’égard d’autrui et où elles n’auraient pas établi que Servier les aurait contraintes à conclure l’Accord. Quant à l’allégation de méconnaissance des principes susmentionnés en raison de la comparaison de l’amende infligée avec celle qui aurait été infligée aux participants à une entente caractérisée de fixation des prix, la Commission rappelle la nécessité d’un effet dissuasif et écarte comme non pertinents les chiffres des ventes de périndopril des requérantes en 2007. La Commission rejette par ailleurs toute méconnaissance des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité par rapport aux autres sociétés de génériques, en soulignant que les montants des transferts de valeur prévus par chacun des accords de règlement amiable litigieux différaient pour refléter la gravité, la durée et la portée géographique des différents accords.

2)      Appréciation du Tribunal

439    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, s’agissant de la détermination du montant de l’amende, il ne saurait être opéré, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à une même infraction à l’article 101 TFUE (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 62 et jurisprudence citée).

440    Il y a lieu également de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination ou d’égalité de traitement, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements soient objectivement justifiés (voir, en ce sens, arrêts du 8 octobre 1986, Christ-Clemen e.a./Commission, 91/85, EU:C:1986:373, point 19, et du 8 janvier 2003, Hirsch e.a./BCE, T‑94/01, T‑152/01 et T‑286/01, non publié, EU:T:2003:3, point 51 et jurisprudence citée).

441    Les requérantes soutiennent, en premier lieu, que Servier a bénéficié d’un traitement plus favorable que Teva, en deuxième lieu, que Teva a subi un traitement défavorable par rapport au traitement qu’elle aurait subi si elle avait participé à un accord sur les prix sur le même marché et pour la même durée et, en troisième lieu, que les autres sociétés de génériques ayant passé des accords de règlement amiable avec Servier ont bénéficié d’un traitement plus favorable que celui qui a été appliqué à Teva.

442    Il y a lieu d’examiner successivement chacun de ces griefs.

i)      Sur la comparaison avec le traitement appliqué à Servier

443    Il convient tout d’abord de relever qu’il existe des différences fondamentales entre la méthode exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes que la Commission a appliquée à Servier et celle que la Commission a appliquée aux sociétés de génériques (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 423).

444    Dans le cadre de la méthode prévue dans les lignes directrices pour le calcul des amendes, la prise en compte de la valeur des ventes au paragraphe 13 desdites lignes directrices a pour objectif de retenir comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci. Ensuite, en application des paragraphes 19 et 21 des lignes directrices pour le calcul des amendes, la Commission, selon la gravité de l’infraction, fixe la proportion de cette valeur des ventes à retenir aux fins de la détermination du montant de base. Cette proportion peut en principe aller jusqu’à 30 % et doit être multipliée par un coefficient en fonction de la durée de l’entente, conformément au paragraphe 24 de ces lignes directrices. Puis, en application du paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à une infraction, la Commission inclut dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, ou même à d’autres infractions (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 424).

445    En revanche, la méthode retenue à l’égard notamment des sociétés de génériques ne prévoit pas toutes ces étapes, étant donné que la Commission a utilisé directement comme montant de base, mais aussi comme montant final de l’amende, les transferts de valeur effectués par Servier (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission, T‑471/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:460, point 425).

446    Or, il faut souligner que, compte tenu de l’objet même de l’Accord, qui est un accord d’exclusion du marché conclu entre une société de princeps et une société de génériques, le comportement infractionnel reproché à chacune des parties à l’Accord est fondamentalement différent, contrairement à ce qu’il en est, par exemple, dans un accord de répartition du marché ou de fixation des prix. En effet, la société de princeps qui est parvenue à éviter l’entrée sur le marché de la société de génériques vend ses produits à un prix en principe plus élevé que celui qui aurait pu s’appliquer en l’absence d’accord, alors que la société de génériques n’entre pas sur le marché, mais bénéficie, en échange de sa renonciation à entrer sur celui-ci, d’une compensation.

447    Au vu de ce qui précède, il serait paradoxal d’établir le montant de l’amende de la société de génériques exclue du marché en se fondant sur une valeur, même estimée, de ses ventes, dès lors que l’infraction consiste justement, pour cette société, à ne pas vendre ses produits. L’usage d’une méthode de calcul du montant de l’amende fondée sur une telle valeur ne rendrait donc pas compte, de manière adéquate, de la nature de l’infraction en cause.

448    De plus, en l’absence de vente réalisée par la société de génériques au cours de la période de l’infraction, toute méthode de calcul du montant de l’amende reposant sur la valeur de ses ventes aurait nécessairement un caractère artificiel et hypothétique et ne prendrait pas en compte de manière adéquate et précise la gravité de l’infraction.

449    Le seul élément objectif et certain dont dispose la Commission, puis le juge de l’Union, est le montant du transfert de valeur qui, ainsi qu’il ressort du point 411 ci-dessus, rend compte de manière adéquate de la gravité de l’infraction et des circonstances particulières de l’affaire.

450    C’est donc, en principe, sur la base de ce montant que l’amende de la société de génériques peut, de la manière la plus appropriée, être calculée.

451    Au contraire, s’agissant de la société de princeps, la prise en compte de la valeur de ses ventes, eu égard à la nature même de son comportement infractionnel, rend compte, de manière appropriée, de la gravité de l’infraction et constitue une méthode adéquate de calcul de l’amende.

452    Le raisonnement qui précède est conforté par le fait que les différences de comportement infractionnel entre la société de princeps et la société de génériques ont pour conséquence que les profits que l’une et l’autre tirent de l’infraction sont d’une nature différente. Ainsi, le profit de la société de princeps dépend des bénéfices liés aux ventes de son produit réalisées au cours de la période de l’infraction, alors que le profit de la société de génériques est déconnecté de toute vente.

453    Au regard des considérations développées aux points 446 à 452 ci-dessus, il convient de constater que Teva et Servier ne se trouvaient pas dans une situation comparable, ce qui justifiait de leur appliquer des méthodes différentes de calcul du montant de l’amende.

454    Or, une telle différence de méthode pouvait conduire la Commission, sans méconnaître le principe d’égalité de traitement, à imposer à Teva un montant d’amende supérieur à celui de l’amende qu’elle imposait à Servier pour sa participation à la même infraction.

455    À cet égard, il convient de prendre en compte l’importance du transfert de valeur dont a bénéficié Teva relativement à la portée géographique et temporelle limitée de l’infraction qui la concernait, à savoir une infraction d’une durée d’un an ne couvrant que le territoire du Royaume-Uni (considérants 2125 et 3134 de la décision attaquée). En effet, l’importance du transfert de valeur a conduit la Commission, de manière justifiée (voir point 411 ci-dessus), à imposer à Teva un montant d’amende lui-même important. Au contraire, la portée géographique et temporelle limitée de l’infraction l’a conduit, conformément à la méthode prévue dans les lignes directrices pour le calcul de l’amende (voir point 444 ci-dessus), à imposer à Servier un montant d’amende plus limité.

456    De plus, il y a lieu de rappeler que Servier avait passé plusieurs accords ayant trait au périndopril avec différentes sociétés de génériques et que ces accords s’appliquaient, dans une large mesure, aux mêmes zones géographiques et aux mêmes périodes.

457    Dans un tel contexte, il était justifié, aux fins d’éviter un résultat potentiellement disproportionné, de limiter le montant de l’amende imposé à Servier pour chaque infraction, comme l’a fait la Commission dans la décision attaquée (considérant 3128 de ladite décision).

458    Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la circonstance que le montant de l’amende imposée à Teva soit considérablement supérieur à celui de l’amende imposée à Servier au titre de l’Accord ne permet pas de conclure à une méconnaissance du principe d’égalité de traitement.

459    La conclusion mentionnée au point 458 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les autres arguments invoqués par les requérantes.

460    En premier lieu, les requérantes soutiennent que Teva aurait été contrainte par Servier, sans pouvoir s’y opposer, de signer l’Accord, ce qui justifierait qu’elle soit moins sanctionnée que celui -ci.

461    Cependant, l’existence d’une telle contrainte n’est pas établie. En effet, la présence même d’un avantage incitatif, laquelle a été constatée au point 303 ci-dessus, démontre que Teva a tiré bénéfice de l’Accord, ce qui contredit la thèse selon laquelle elle aurait été contrainte par Servier de passer cet accord. Cette thèse est d’autant moins crédible que le montant du transfert de valeur dont Teva a finalement bénéficié, soit 10,5 millions de GBP, est important, ce qui est un indice de l’influence dont elle disposait dans la négociation.

462    En tout état de cause, à supposer que des pressions irrésistibles aient été effectivement exercées par Servier à l’encontre de Teva au point qu’elle ait été contrainte de signer l’Accord, cette dernière aurait pu les dénoncer aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 369 et 370 ; du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 79, et du 6 avril 1995, Sotralentz/Commission, T‑149/89, EU:T:1995:69, point 53). Teva disposait donc toujours d’une possibilité d’empêcher la réalisation de l’infraction en cause.

463    En second lieu, les requérantes se prévalent de la circonstance que Servier aurait pris la décision unilatérale de ne pas approvisionner Teva, ce qui justifierait que cette dernière soit moins sanctionnée que Servier.

464    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu des clauses d’achat exclusif et de non-résiliation, Servier pouvait choisir de ne pas approvisionner Teva et de verser à la place une indemnité forfaitaire, sans que Teva puisse résilier l’Accord, exiger un approvisionnement de Servier ou s’approvisionner auprès de fournisseurs tiers.

465    Ainsi, il résulte de l’Accord lui-même, tel que conclu par Teva, que Servier était libre d’adopter une décision de ne pas approvisionner Teva (voir point 264 ci-dessus).

466    Teva ayant conclu un accord prévoyant la possibilité pour Servier d’adopter une telle décision, le recours de Servier à ce type de décision relève de la responsabilité partagée de Teva et de Servier et ne permet pas de démontrer que ce dernier aurait eu un rôle prépondérant dans l’infraction et qu’il devrait donc être plus sévèrement sanctionné que Teva.

467    Il résulte de ce qui précède que le présent grief doit être écarté.

ii)    Sur la comparaison avec le traitement qui aurait été appliqué à Teva si elle avait participé à un accord sur les prix

468    Par leur argument, les requérantes invitent le Tribunal, d’une part, à évaluer le montant de l’amende qui aurait été infligée à Teva si elle était entrée sur le marché et avait participé à un accord sur les prix sur le même marché que celui sur lequel l’infraction a été constatée et pendant la même durée et, d’autre part, à déduire de l’écart entre le montant ainsi obtenu et celui de l’amende qui lui a été imposée l’existence d’un traitement défavorable injustifié.

469    Il y a lieu de relever d’emblée que l’entrée sur le marché qui est décrite au point 468 ci-dessus ne s’est pas produite, de sorte que la référence à un accord sur les prix est dépourvue de pertinence.

470    À supposer qu’il y ait lieu, malgré tout, de poursuivre l’analyse, il convient tout d’abord de déterminer si les situations relatives à l’accord sur les prix mentionné au point 468 ci-dessus et celles relatives à l’accord d’exclusion conclu en l’espèce entre Teva et Servier sont comparables.

471    À cet égard, il faut souligner que la comparaison effectuée entre les deux amendes mentionnées au point 468 ci-dessus n’est pas, a priori, dépourvue de tout fondement au regard du principe d’égalité de traitement, car, même si l’une des infractions en cause est hypothétique, les deux accords sur lesquels se fonde le constat de leur existence sont censés intervenir dans des contextes similaires, se rapporter à des produits identiques et être conclus entre les mêmes parties (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑59/02, EU:T:2006:272, point 316).

472    Il convient ensuite de renvoyer aux considérations exposées aux points 443 à 445 ci-dessus, lesquelles s’appliquent aussi pour ce grief, qui se fonde également sur la comparaison entre un montant d’amende calculé sur la base de la méthode générale exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes et un montant d’amende calculé sur la base de la méthode retenue en l’espèce par la Commission à l’égard des sociétés de génériques.

473    Enfin, il y a lieu de souligner que, compte tenu de l’objet même de l’Accord, qui est un accord d’exclusion du marché conclu entre une société de princeps et une société de génériques, le comportement infractionnel reproché à la société de génériques est fondamentalement différent de celui qui est reproché aux parties à un accord de fixation des prix. Ainsi, les parties à un accord de fixation des prix sont présentes sur le marché et vendent leurs produits à un prix en principe plus élevé que celui qui aurait dû s’appliquer en l’absence d’accord alors que, dans le cadre d’un accord d’exclusion, la société de génériques n’entre pas sur le marché, mais bénéficie d’une compensation en échange de sa renonciation à entrer sur celui-ci.

474    Il convient, dès lors, de renvoyer aux considérations exposées aux points 447 à 450 ci-dessus, en rappelant que c’est, en principe, sur la base du montant du transfert de valeur que l’amende de la société de génériques exclue du marché peut, de la manière la plus adéquate, être calculée.

475    Au contraire, s’agissant des parties à un accord sur les prix, la prise en compte de la valeur des ventes d’une des entreprises participant à cet accord, eu égard à la nature même du comportement infractionnel en cause, rend compte de manière adéquate de la gravité de l’infraction commise par elle.

476    Le raisonnement qui précède est conforté par le fait que les différences de comportement infractionnel entre les sociétés participant à un accord sur les prix et une société de génériques exclue du marché ont pour conséquence que les profits que les unes et l’autre tirent de l’infraction sont d’une nature différente. Ainsi, les profits des participants à un accord sur les prix dépendent des bénéfices liés aux ventes de leurs produits réalisées au cours de l’infraction alors que le profit de la société de génériques est déconnecté de toute vente et dépend du transfert de valeur.

477    Au regard des considérations développées aux points 472 à 476 ci-dessus, il peut être conclu qu’il était justifié pour la Commission d’appliquer aux sociétés de génériques participant aux accords litigieux une méthode de calcul du montant de l’amende différente de celle qu’elle applique par ailleurs aux entreprises participant à des accords sur les prix.

478    Or, l’application de méthodes différentes conduit à imposer des amendes de montants différents.

479    Par conséquent, la différence de montant observée par les requérantes ne permet pas de constater que la Commission aurait méconnu le principe d’égalité de traitement.

480    Au surplus, la comparaison entre le montant de l’amende infligée à Teva et celui qu’elle se serait vu infliger pour la participation à un accord sur les prix est rendue d’autant moins pertinente du fait que les requérantes, pour démontrer le caractère disproportionné du montant de l’amende, proposent de le comparer au montant qui serait obtenu sur la base de la valeur des ventes de périndopril réalisées par Teva en 2007 « lors de l’entrée des génériques » sur le marché.

481    Or, un accord sur les prix qui conduirait ses participants à appliquer le prix du périndopril tel qu’il se forme lors de l’entrée des sociétés de génériques sur le marché n’aurait qu’un effet limité, voire inexistant, sur la concurrence et son importance économique ne serait pas comparable à celle de l’Accord, qui, précisément, a permis de maintenir le prix du périndopril au niveau pratiqué par la société de princeps avant l’entrée des sociétés de génériques sur le marché.

482    Ainsi, la différence entre l’importance économique de l’infraction en cause et celle qu’aurait un accord sur les prix conduisant à l’application du prix du périndopril en vigueur lors de l’entrée des produits génériques sur le marché justifie la différence de montant des amendes observée par les requérantes.

483    Il résulte de tout ce qui précède que le fait que le montant de l’amende imposée à Teva soit, selon les calculs des requérantes, trois fois supérieur à celui qui lui aurait été imposé en cas d’accord sur les prix ne permet pas de conclure à une méconnaissance du principe d’égalité de traitement ou au caractère disproportionné de l’amende.

484    Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le présent grief.

iii) Sur la comparaison avec le traitement appliqué aux autres sociétés de génériques ayant passé des accords de règlement amiable avec Servier

485    À titre liminaire, il convient de relever que les juridictions de l’Union ont jugé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne servait pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ne revêtaient qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence éventuelle d’une discrimination (arrêt du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 104), étant donné qu’il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Bavaria/Commission, T‑235/07, EU:T:2011:283, point 290).

486    Cependant, s’il est constant que les accords passés entre Servier et chacune des sociétés de génériques constituaient des infractions distinctes et que, par conséquent, la jurisprudence citée au point 439 ci-dessus ne s’applique pas, ces infractions ont été constatées et sanctionnées formellement par un même acte émanant de la Commission et elles concernent des contrats présentant certaines similitudes du point de vue de leur objet et de leur contexte d’adoption, ces contrats ayant, notamment, été conclus avec la même société de princeps. Par conséquent, la comparaison effectuée entre les amendes imposées à ces différentes sociétés de génériques n’est pas dépourvue de pertinence au regard du principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑59/02, EU:T:2006:272, point 316).

487    Les requérantes estiment que la valeur retenue par la Commission pour établir le montant de l’amende ne lui permettait pas de prendre en compte de manière adéquate la gravité, la portée géographique et la durée de chacune des infractions retenues à l’encontre des sociétés de génériques, ce qui l’aurait conduite à méconnaître le principe d’égalité de traitement.

488    À cet égard, il convient de constater que le montant des transferts de valeur, considérés comme étant incitatifs,dont Teva a bénéficié du fait de l’Accord, alors même qu’il n’était pas déterminé dans toute son étendue à la date de signature de l’Accord (voir point 498 ci-après), était, pour le moins, déjà fixé par l’Accord dans ses modalités de calcul. Ce montant résultait ainsi, y compris pour la partie qui n’était pas encore déterminée au moment de la signature de l’Accord, de la négociation à laquelle Teva a participé pour aboutir à l’Accord.

489    Or, il y a lieu, premièrement, de rappeler que la valeur retenue par la Commission aux fins de déterminer le montant de l’amende donne une indication fiable de la gravité de l’infraction et des circonstances particulières de l’affaire (voir points 409 à 411 ci-dessus).

490    S’agissant, deuxièmement, de l’absence supposée de prise en compte par la Commission de la portée géographique de l’Accord, le règlement no 1/2003 et, en particulier, son article 23, paragraphe 3, n’imposent pas de prendre en considération, en tant que telle, la portée géographique de l’infraction, mais sa gravité.

491    Or, ainsi qu’il vient d’être rappelé, la valeur retenue par la Commission aux fins de déterminer le montant de l’amende imposée à la société de génériques concernée donne une indication fiable de la gravité de l’infraction commise par cette société et des circonstances particulières de l’affaire, et ce sans qu’il soit besoin que la Commission prenne en compte, de manière spécifique, la portée géographique de l’Accord.

492    En tout état de cause, au cours de la négociation dont le montant du transfert de valeur finalement retenu est le résultat, les circonstances que les parties à l’Accord estimaient pertinentes aux fins de déterminer ce montant – y compris, le cas échéant, la portée géographique de l’Accord (ou encore le fait que la clause de non-contestation ne s’appliquait pas à la procédure devant l’OEB) – ont nécessairement été prises en compte par les parties. Ces circonstances ont donc également été prises en considération, même si c’est de manière indirecte, par la Commission, lorsqu’elle a déterminé le montant de l’amende en se fondant sur ce transfert de valeur.

493    S’agissant, troisièmement, de l’absence supposée de prise en compte par la Commission de la durée de l’infraction aux fins de déterminer le montant de l’amende, il convient de relever que la circonstance que la Commission n’apporte aucune correction au montant du transfert de valeur pour tenir compte de la durée de l’infraction ne permet pas de conclure qu’elle n’a pas pris en considération cette durée.

494    En effet, au cours de la négociation qui conduit à la détermination du montant du transfert de valeur accordé à la société de génériques, les parties prennent nécessairement en considération le profit que celle-ci aurait pu retirer, pendant la durée de l’accord en cause, de son entrée sur le marché (considérant 1196 de la décision attaquée) ainsi que le profit que la société de princeps sera en mesure de retirer, pendant la durée de l’accord en cause, de l’exclusion du marché de la société de génériques.

495    En fixant le montant du transfert de valeur, les parties à l’accord en cause prennent donc en compte la période pendant laquelle la société de génériques accepte de renoncer à faire concurrence à la société de princeps, c’est-à-dire la durée prévisible de l’accord en cause.

496    Ainsi, en retenant comme montant de l’amende le montant du transfert de valeur dont bénéficie la société de génériques, la Commission prend en considération la durée prévisible, telle qu’estimée par les parties, de la participation de la société de génériques à l’infraction.

497    Il peut donc être conclu que la Commission a pris en considération de manière indirecte, mais suffisante, la durée de l’infraction en se fondant sur le montant du transfert de valeur dont bénéficiait la société de génériques.

498    Il convient d’ajouter que certaines clauses, telle la clause prévoyant que Servier pouvait choisir de ne pas approvisionner Teva et de lui verser à la place une indemnité forfaitaire mensuelle, permettent même aux parties de proportionner le montant global du transfert de valeur à la durée réelle – et non plus seulement estimée – de certaines restrictions prévues par l’accord en cause.

499    En retenant comme montant de l’amende le montant du transfert de valeur dont bénéficie la société de génériques, la Commission a donc également pris en considération la durée réelle de la participation de la société de génériques à l’infraction.

500    De plus, il convient de souligner que la société de génériques concernée n’était pas présente sur le marché en cause au moment de l’infraction, en raison de l’objet même de l’Accord, qui est un accord d’exclusion du marché.

501    La Commission était donc dans l’impossibilité de retenir un montant de l’amende établi à partir de la valeur des ventes réalisées par la société de génériques sur le marché en cause au cours d’une des années pendant lesquelles l’infraction a eu lieu.

502    Or, c’est le recours à une méthode fondée sur une valeur annuelle des ventes de l’entreprise concernée, ainsi que le prévoient les lignes directrices pour le calcul des amendes, qui impose ensuite, pour que la durée de l’infraction soit dûment prise en compte, de multiplier cette valeur annuelle par le nombre d’années de participation de cette entreprise à l’infraction.

503    Un tel calcul, ou un calcul équivalent appliquant un coefficient proportionnel à la durée réelle de l’infraction, n’a pas de pertinence dans le cadre d’une méthode fondée sur le transfert de valeur dont bénéficie la société de génériques, dès lors que le montant de ce transfert, contrairement à la valeur annuelle des ventes de l’entreprise concernée, prend déjà en compte la durée – réelle ou prévisible – de l’accord en cause et donc de l’infraction.

504    Ainsi, la Commission pouvait, à bon droit, retenir comme montant de l’amende le montant du transfert de valeur dont bénéficiait la société de génériques sans qu’il fût nécessaire, ni même opportun, de prendre en considération, d’une autre manière, la durée de l’infraction.

505    Il résulte de ce qui précède que la valeur retenue par la Commission pour établir le montant des amendes lui permettait de prendre en considération de manière adéquate l’ensemble des circonstances pertinentes propres au contexte de chacun des accords en cause, en particulier la gravité et la durée de chacune des infractions retenues à l’encontre des sociétés de génériques.

506    Les différences de montants entre les transferts de valeur dont ont bénéficié les sociétés de génériques du fait des accords litigieux justifiaient donc que des différences équivalentes existent concernant les montants des amendes qui leur ont été imposées.

507    Par conséquent, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le fait que Teva aurait été sanctionnée dans une plus grande mesure que d’autres sociétés de génériques, alors que la décision attaquée ne constaterait pas que l’infraction qu’elle avait commise aurait été plus grave, notamment du fait de sa portée géographique, ni qu’elle aurait duré plus longtemps que celle de ces autres sociétés, permettrait de conclure à une méconnaissance du principe d’égalité de traitement.

508    Par ailleurs, la circonstance que l’amende infligée à Servier au titre de l’Accord soit inférieure à celle infligée à Teva alors que, pour les accords passés par Servier avec les autres sociétés de génériques concernées, les amendes infligées à Servier seraient d’un montant supérieur à celui des amendes qui ont été infligées à ces sociétés, ne permet pas non plus de conclure que ces sociétés auraient bénéficié indûment d’un traitement plus favorable que Teva. En effet, une telle différence s’explique par l’importance du transfert de valeur dont a bénéficié Teva relativement à la portée géographique et temporelle limitée de l’infraction qui la concernait. L’importance du transfert de valeur entraîne une majoration justifiée du montant de l’amende infligée à la société de génériques, tandis que la portée géographique et temporelle limitée de l’infraction entraîne une limitation tout autant justifiée du montant de l’amende infligée à Servier (voir point 455 ci-dessus).

509    Enfin, il est vrai, comme le soutiennent les requérantes, que la Commission a indiqué, au considérant 3151 de la décision attaquée, qu’elle retenait, aux fins de déterminer le montant de l’amende infligée à chacune des sociétés de génériques concernées, « la valeur transférée à la société de génériques dans chaque infraction », et ce « sans distinguer les infractions sur la base de divers facteurs de gravité tels que la nature, la part de marché ou la portée géographique ».

510    Cependant, ainsi qu’il ressort des considérants 3146 et 3152 de la décision attaquée (voir points 394 et 395 ci-dessus), la Commission a considéré que la méthode qu’elle retenait pour calculer le montant de l’amende infligée aux sociétés de génériques, laquelle était fondée sur le montant du transfert de valeur dont avait bénéficié la société de génériques en cause, lui permettait de prendre adéquatement en considération les circonstances particulières de chaque affaire et, en particulier, la gravité et la durée de chaque infraction.

511    Il convient donc d’écarter le présent grief.

512    Il y a lieu d’ajouter que, si la Commission a semblé, dans ses écritures, demander au Tribunal de majorer l’amende infligée aux requérantes dans l’hypothèse où il devrait « conclure à la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité en raison d’un traitement plus favorable de Teva », elle a précisé, lors de l’audience, ainsi que cela a été acté au procès-verbal de celle-ci, qu’elle n’entendait pas introduire ainsi une demande reconventionnelle de majoration de l’amende infligée à Teva, mais simplement faire valoir qu’il n’y avait pas eu de violation du principe d’égalité de traitement.

513    Il résulte de tout ce qui précède que le présent grief ainsi que l’ensemble des moyens venant au soutien de la demande de réduction du montant de l’amende doivent être écartés. De plus, eu égard à l’ensemble des considérations exposées dans le présent arrêt, il convient de conclure que ce montant de l’amende n’est pas disproportionné et qu’il n’y a donc pas lieu de le réduire.

514    Aucun des moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur demande d’annulation de la décision attaquée n’étant fondé ou opérant et l’examen des arguments avancés au soutien de leur demande de réformation du montant de l’amende n’ayant pas permis de relever d’éléments inappropriés dans le calcul du montant de celle-ci effectué par la Commission, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

515    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

516    Conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, il y a lieu de décider que l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Teva UK Ltd, Teva Pharmaceuticals Europe BV et Teva Pharmaceutical Industries Ltd supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      L’European Generic medicines Association AISBL (EGA) supportera ses propres dépens.

Gervasoni Madise da Silva Passos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2018.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Sur le périndopril et ses brevets

1. Brevet relatif à la molécule

2. Brevets secondaires

3. Périndopril de deuxième génération

B. Sur les requérantes

C. Sur les activités de Teva relatives au périndopril

D. Sur les litiges relatifs au périndopril

1. Litiges devant l’OEB

2. Litiges devant les juridictions nationales

a) Litige opposant Servier à Ivax

b) Litige opposant Servier à Apotex

E. Sur l’Accord

F. Sur les faits postérieurs à la conclusion de l’Accord

G. Sur l’enquête sectorielle

H. Sur la procédure administrative et la décision attaquée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le moyen tiré d’erreurs procédurales

1. Sur la violation du principe de bonne administration et de la présomption d’innocence

a) Arguments des parties

b) Appréciation du Tribunal

2. Sur le défaut de consultation effective du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes

a) Arguments des parties

b) Appréciation du Tribunal

B. Sur le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation dans l’analyse de la concurrence potentielle sur le marché

1. Sur l’interprétation erronée de la notion de « concurrence potentielle » et de son rôle dans l’appréciation d’une restriction de concurrence par objet

a) Arguments des parties

b) Appréciation du Tribunal

2. Sur l’appréciation erronée de la qualité de concurrent potentiel de Teva

a) Arguments des parties

1) Sur l’absence de prise en compte du risque d’exclusion du marché causé par les brevets de Servier

2) Sur l’absence de prise en compte du retard pris par la procédure d’autorisation ainsi que des problèmes de stabilité et de conditionnement du produit générique de Teva

b) Appréciation du Tribunal

1) Sur les obstacles liés aux brevets de Servier et les risques de contrefaçon et d’injonction provisoire

i) Sur la nature d’obstacles insurmontables des brevets

ii) Sur les risques de contrefaçon et d’injonction provisoire

2) Sur les difficultés d’obtention de l’AMM

3) Sur les défauts du produit de Teva

C. Sur le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation commises dans la qualification de l’Accord de restriction par objet

1. Sur l’erreur de droit relative à la définition de la notion de restriction de concurrence par objet

a) Arguments des parties

1) Sur la notion de restriction de concurrence par objet

2) Sur l’application de la notion de restriction de concurrence par objet aux accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets

b) Appréciation du Tribunal

1) Sur les restrictions de concurrence par objet

2) Sur les droits de propriété intellectuelle et, en particulier, les brevets

3) Sur les règlements amiables des litiges en matière de brevets

4) Sur la conciliation entre les accords de règlement amiable en matière de brevets et le droit de la concurrence

2. Sur les erreurs d’appréciation relatives à la qualification de l’Accord de restriction de concurrence par objet

a) Sur l’appréciation erronée de la clause de non-contestation

1) Arguments des parties

2) Appréciation du Tribunal

b) Sur l’appréciation erronée de la clause d’achat exclusif, combinée à la clause de non-résiliation et à l’avenant à l’Accord

1) Arguments des parties

2) Appréciation du Tribunal

c) Sur l’erreur manifeste d’appréciation des clauses prévoyant le paiement d’un montant forfaitaire initial et d’une indemnité mensuelle

1) Arguments des parties

2) Appréciation du Tribunal

i) Sur l’indemnité forfaitaire finale

ii) Sur le montant initial

D. Sur le moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation dans la qualification de l’Accord de restriction par effet

1. Arguments des parties

2. Appréciation du Tribunal

E. Sur le moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de la violation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE et d’une insuffisance de motivation

1. Arguments des parties

a) Sur l’appréciation erronée de la condition relative au gain d’efficacité posée par l’article 101, paragraphe 3, TFUE et la motivation insuffisante de cette appréciation

b) Sur l’appréciation erronée des autres conditions posées par l’article 101, paragraphe 3, TFUE et la motivation insuffisante de cette appréciation

2. Appréciation du Tribunal

F. Sur les moyens relatifs à l’amende

1. Moyens venant au soutien de la demande d’annulation de l’article 7 de la décision attaquée infligeant une amende aux requérantes

a) Arguments des parties

b) Appréciation du Tribunal

2. Moyens venant au soutien de la demande subsidiaire de réduction du montant de l’amende

a) Sur le défaut de motivation et sur la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

1) Arguments des parties

2) Appréciation du Tribunal

i) Sur la contestation formelle de la décision attaquée

ii) Sur la contestation du bien-fondé de la décision attaquée

b) Sur la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

1) Arguments des parties

2) Appréciation du Tribunal

i) Sur la comparaison avec le traitement appliqué à Servier

ii) Sur la comparaison avec le traitement qui aurait été appliqué à Teva si elle avait participé à un accord sur les prix

iii) Sur la comparaison avec le traitement appliqué aux autres sociétés de génériques ayant passé des accords de règlement amiable avec Servier

IV. Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.