Language of document : ECLI:EU:T:2007:340

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 novembre 2007 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative Castell del Remei ODA – Marque internationale verbale antérieure RODA et marques nationales verbales antérieures RODA, RODA I, RODA II et BODEGAS RODA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑101/06,

Castell del Remei, SL, établie à Castell del Remei (Espagne), représentée par Mes F. de Visscher, E. Cornu, D. Moreau, J. Grau Mora, A. Angulo Lafora, M. Ferrándiz Avendaño, M. Baylos Morales et A. Velázquez Ibáñez, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme J. García Murillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Bodegas Roda, SA, établie à La Rioja (Espagne), représentée par Mes M. López Camba, B. García Peces et J. Grimau Muñoz, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 17 janvier 2006 (affaire R 263/2005‑1), relative à une procédure d’opposition entre Bodegas Roda, SA et Castell del Remei, SL,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme I. Wiszniewska-Białecka, faisant fonction de président, MM. V. Vadapalas et E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mars 2006,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 7 août 2006,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 25 juillet 2006,

à la suite de l’audience du 24 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er août 2001, Castell del Remei, SL a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 30 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent aux descriptions suivantes :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudres pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glaces à rafraîchir » ;

–        classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières). »

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 38/2002, du 13 mai 2002.

5        Le 13 août 2002, la société Bodegas Roda a formé une opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée pour les produits compris dans la classe 33, à savoir les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) ». Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.

6        L’opposition était fondée sur le nom commercial espagnol BODEGAS RODA SA, servant à désigner un commerce consacré à l’élaboration et à l’élevage de vins, et sur les marques verbales suivantes :

–        RODA, faisant l’objet de l’enregistrement international n° 703 486, demandé le 5 août 1998, avec effet au Danemark, en Allemagne, en France, en Italie, en Autriche, en Finlande, en Suède, au Royaume-Uni et dans les pays du Benelux, de l’enregistrement espagnol n° 1 757 553, du 5 janvier 1994, et de l’enregistrement grec n° 137 050, du 18 avril 2000 ;

–        BODEGAS RODA, faisant l’objet de l’enregistrement espagnol n° 1 536 563, du 5 novembre 1991 ;

–        RODA I, faisant l’objet de l’enregistrement espagnol n° 2 006 616, du 5 juillet 1996 ;

–        RODA II, faisant l’objet de l’enregistrement espagnol n° 2 006 615, du 5 juillet 1996.

7        Toutes ces marques étaient enregistrées pour les produits correspondant à la description suivante : « vins et spiritueux », relevant de la classe 33.

8        Par décision du 10 janvier 2005, la division d’opposition de l’OHMI a fait droit à l’opposition pour tous les produits contre lesquels elle était dirigée, considérant, en substance, que l’identité des produits en cause et les similitudes phonétique et visuelle des marques en conflit feraient naître un risque de confusion, du moins en Grèce, en Autriche, en Allemagne ou en Italie. Pour des raisons d’économie de procédure, la division d’opposition n’a pas analysé la preuve de l’usage demandée pour deux des marques antérieures, étant donné que la marque internationale antérieure et le droit antérieur grec n’étaient pas subordonnés à cette analyse en vertu des dispositions du règlement n° 40/94.

9        Le 8 mars 2005, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, dirigé contre la décision de la division d’opposition.

10      Ce recours a été rejeté par décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 17 janvier 2006 (ci-après la « décision attaquée »). La chambre de recours a fondé son analyse sur une comparaison de la marque dont l’enregistrement est demandé avec la seule marque internationale antérieure RODA. Elle a confirmé les conclusions de la division d’opposition quant au caractère dominant du mot « oda » dans la marque dont l’enregistrement est demandé et quant à l’existence de similitudes visuelle et phonétique entre l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé et la marque antérieure. Elle a considéré que ces similitudes ne pouvaient être neutralisées par la différence d’une seule lettre existant entre cet élément dominant et la marque antérieure, sauf dans les cas où cette différence impliquerait une différence conceptuelle. Or, selon la chambre de recours, cette différence n’existe pas dans l’ensemble des langues parlées sur le territoire pertinent. Considérant en outre l’identité des produits en cause, elle a admis l’existence d’un risque de confusion et a rejeté les arguments de la requérante, tirés notamment du faible caractère distinctif du mot « roda », de la coexistence de marques semblables à la marque antérieure et des appellations d’origine différentes qui seraient apposées sur les produits désignés par les signes en conflit.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI et la partie intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

14      À titre liminaire, la requérante fait valoir que le risque de confusion doit s’apprécier du point de vue du consommateur moyen des produits en cause, à savoir, s’agissant non d’un produit de consommation courante mais d’un produit acheté après une certaine réflexion, un consommateur normalement avisé, diligent et perspicace, ayant un certain degré de connaissance du marché des vins, et ce d’autant plus que les vins commercialisés sous les marques en conflit ne seraient pas bon marché, comme il serait démontré par l’annexe 5 de la requête.

15      S’agissant, en premier lieu, de la comparaison des signes, la requérante fait observer que, sur le plan phonétique, les termes « Castell del Remei » de la marque dont l’enregistrement est demandé et la lettre « r », initiale de la marque antérieure, produisent un son nettement différencié. Cette différence de perception phonétique suffirait pour écarter tout risque de confusion.

16      La conclusion serait identique si le mot « oda » était considéré comme l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé. En effet, la lettre « r », prononcée dans toutes les langues des pays dans lesquels la marque antérieure RODA est protégée, aurait un son vibrant ou guttural qui ne passerait pas inaperçu. La prononciation des premières syllabes, sur lesquelles tombe l’accent tonique, serait ainsi parfaitement différenciée. La chambre de recours aurait d’ailleurs considéré que les marques INCEL et LINZEL pouvaient coexister du fait de leurs différences phonétique et visuelle résultant de la lettre initiale figurant au début de la seconde marque (décision de la première chambre de recours du 16 octobre 2002, affaire R 793/2001-2). La même approche devrait être retenue en l’espèce, considérant que le public pertinent, comme dans l’affaire R 793/2001-2, n’est pas composé de consommateurs moyens mais de consommateurs ayant une certaine connaissance du marché des produits en cause. Plusieurs arrêts du Tribunal [arrêts du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335 ; du 22 octobre 2003, Éditions Albert René/OHMI – Trucco (Starix), T‑311/01, Rec. p. II‑4625 ; du 12 octobre 2004, Aventis CropScience/OHMI – BASF (CARPO), T‑35/03, non publié au Recueil, et du 20 avril 2005, Faber Chimica/OHMI – Nabersa (Faber), T‑211/03, Rec. p. II‑1297] confirmeraient également l’importance de la différenciation phonétique qui peut être induite par la lettre d’attaque ou l’importance à accorder à l’initiale d’un élément verbal.

17      Sur le plan visuel, les marques en conflit seraient nettement différentes. La représentation d’un château et les termes « Castell del Remei », dans la marque dont l’enregistrement est demandé, et la lettre « r », dans la marque antérieure, suffiraient à différencier visuellement les signes en conflit. Ceux-ci devraient d’ailleurs être examinés en fonction de l’impression d’ensemble qu’ils produisent sur les consommateurs et ces éléments ne passeraient pas inaperçus aux yeux d’un consommateur informé, avisé et perspicace, d’autant plus que, pour les vins, les étiquettes porteraient également d’autres mentions telles que le nom du fabricant, de l’embouteilleur ou de la dénomination d’origine. L’arrêt Starix, point 16 supra, confirmerait d’ailleurs que des marques peuvent être différentes sur le plan visuel au motif qu’elles comportent des éléments particuliers et des représentations graphiques distinctes.

18      Sur le plan conceptuel, il existerait une différence entre les mots « oda » et « roda » à tout le moins dans les langues espagnole, italienne et allemande. Le fait que cette différence conceptuelle n’existe pas dans certaines langues parlées sur le territoire pertinent n’impliquerait pas qu’il existe un risque de confusion, du fait de l’interdépendance entre les facteurs à prendre en compte et considérant que cette différenciation conceptuelle existe dans plusieurs pays dans lesquels les signes en conflit seraient protégés.

19      S’agissant, en second lieu, du risque de confusion, il ne serait pas établi. Premièrement, bien que l’OHMI et le Tribunal ne soient pas tenus de suivre les décisions nationales, les enregistrements effectués dans les États membres constitueraient, selon la jurisprudence, des éléments pouvant être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire. Or, la chambre de recours n’aurait pas fait référence à l’arrêt rendu par le Tribunal Superior de Justicia de La Rioja (Cour supérieure de justice de La Rioja, Espagne) qui aurait notamment constaté l’absence de risque de confusion sur les plans phonétique et visuel entre les mots « roda » et « oda », qui constituent, selon la chambre de recours, le cœur même des marques en conflit. Le fait que cet arrêt espagnol fasse l’objet d’un pourvoi ne serait pas pertinent, celui-ci n’ayant quasiment aucune chance d’aboutir.

20      Deuxièmement, les marques Castell del Remei ODA et RODA coexisteraient depuis plusieurs années, comme le prouveraient les pièces jointes à l’annexe 5 de la requête. S’il existait réellement un risque de confusion, l’intervenante aurait agi devant les juridictions compétentes. Or, elle n’aurait ni signalé devant l’OHMI que des confusions se seraient produites ni entrepris d’action en cessation à l’encontre de la requérante.

21      Troisièmement, l’Oficina Española de Patentes y Marcas (office espagnol des brevets et des marques) aurait accepté d’enregistrer la marque figurative Castell del Remei ODA en dépit de l’opposition formée par l’intervenante, notamment sur le fondement de ses marques RODA, au motif que les différences visuelles et phonétiques étaient suffisantes pour permettre la coexistence des marques sur le marché, comme le démontreraient les pièces jointes à l’annexe 10 de la requête. Le même office aurait également enregistré la marque verbale ODA SANTA de la requérante, du fait des différences phonétiques avec les marques de l’intervenante, comme le démontreraient les pièces jointes à l’annexe 11 de la requête.

22      Enfin, la marque RODA aurait un faible caractère distinctif dans le secteur des vins, du fait que d’autres marques comprenant le mot « roda » seraient enregistrées et utilisées en Espagne pour des produits de la classe 33, comme le démontreraient les pièces jointes aux annexes 12 et 13 de la requête.

23      L’OHMI fait observer, en premier lieu, que l’identité des produits en cause n’est pas contestée.

24      En deuxième lieu, s’agissant de la comparaison des signes, l’OHMI souligne à titre liminaire que celle-ci doit être centrée sur la perception de la marque internationale antérieure RODA par le consommateur moyen des pays dans lesquels cette marque est protégée, à savoir le Danemark, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Autriche, la Finlande, la Suède, le Royaume-Uni et les pays du Benelux.

25      Sur le plan visuel, l’OHMI fait valoir que la marque antérieure est un signe purement verbal, constitué par le mot « roda », tandis que la marque dont l’enregistrement est demandé se compose d’un ensemble graphique et verbal complexe, comprenant un élément graphique représentant un château, avec, au-dessus, la légende « Castell del Remei », et, en dessous, mais en caractères plus remarquables, le mot « oda ». Toutefois, la différence de nature des signes en conflit ne saurait exclure l’existence d’une similitude visuelle entre ceux-ci. En effet, le mot « oda » serait l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé et c’est à lui que le public accorderait une importance majeure dans l’image imparfaite qu’il garderait en mémoire.

26      La légende « Castell del Remei » serait de moindre importance, car son graphisme serait moins marquant et sa taille proportionnellement plus réduite. Quant à la représentation du château, le dessin ne serait ni particulièrement original ni de taille excessive et occuperait une place secondaire dans l’ensemble du signe en cause. En outre, dans le secteur du vin, les représentations de châteaux ou d’anciennes demeures sur des étiquettes ne seraient pas inhabituelles. Le caractère distinctif d’un dessin de château pour ce genre de produits serait donc limité, d’autant plus s’il est comparé à l’élément le plus saillant du signe en cause, le mot « oda », qui n’aurait aucun rapport avec les produits désignés. La légende « Castell del Remei » et l’élément figuratif seraient ainsi perçus comme des éléments purement secondaires ou décoratifs.

27      Au vu de ces éléments et de la jurisprudence, les signes en conflit seraient ainsi respectivement dominés par les mots « roda » et « oda », partageant une séquence identique de lettres. La différence résultant de la lettre « r » située au début du mot constituant la marque antérieure serait insuffisante pour considérer que les mots en cause n’ont pas un degré de similitude visuelle très élevé. Les signes en conflit seraient donc similaires sur le plan visuel.

28      Sur le plan phonétique, bien que la marque dont l’enregistrement est demandé puisse se lire « Castell del Remei Oda », il ne saurait être exclu que le consommateur prononce uniquement le mot « oda ». De plus, cet élément dominant et la marque antérieure seraient tous deux prononcés en deux temps, partageraient la même séquence vocalique, auraient une seconde syllabe identique et verraient la prononciation de leur première syllabe largement influencée par la présence de la lettre « o », l’effet sonore de la lettre « r » étant, du fait de cette lettre, moins audible. Partant, les signes en conflit seraient phonétiquement très similaires.

29      Sur le plan conceptuel, le mot « oda » et le mot « roda » ne posséderaient en France, dans les pays du Benelux, au Danemark, en Finlande, en Suède et au Royaume-Uni aucun contenu sémantique et ils y seraient considérés comme fantaisistes, ce que la requérante ne contesterait pas. Partant, les différences conceptuelles existant dans certains pays n’auraient aucun impact sur l’appréciation du risque de confusion dans les pays dans lesquels les signes en conflit sont perçus comme des mots dépourvus de contenu conceptuel.

30      Les signes en conflit présenteraient donc un degré élevé de similitude visuelle et phonétique et ne pourraient pas faire l’objet d’une comparaison conceptuelle dans plusieurs territoires pertinents.

31      En troisième lieu, après avoir énoncé les principes jurisprudentiels qui gouverneraient l’appréciation du risque de confusion, l’OHMI souligne que, lorsque les marques sont des ensembles graphiques et verbaux complexes, l’élément verbal est généralement prédominant dans l’image que le consommateur garde en mémoire, surtout lorsque celui-ci a un caractère distinctif élevé, comme le mot « oda » en l’espèce. Par ailleurs, le public auquel s’adressent les produits désignés par la demande d’enregistrement comprendrait non seulement les acheteurs de vin, mais également les acheteurs de tout autre type de boissons alcooliques ou de liqueurs, boissons appartenant à une gamme variée de qualités et de prix. On ne pourrait donc pas considérer que le consommateur moyen fera preuve d’une attention particulière lors de l’achat de ce type de produits.

32      En l’espèce, premièrement, l’élément « oda » occuperait une position distinctive et autonome par rapport aux autres éléments de la marque dont l’enregistrement est demandé, parmi lesquels se trouve l’expression « Castell del Remei », raison sociale de la requérante. Selon la jurisprudence, un risque de confusion pourrait exister, en cas d’identité des produits, lorsque le signe dont l’enregistrement est demandé est constitué par la juxtaposition de la dénomination de l’entreprise du tiers et de la marque antérieure, dotée d’un pouvoir distinctif normal et qui, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome. Partant, la chambre de recours aurait correctement apprécié l’existence d’un risque de confusion. L’existence d’un risque de confusion dans un seul des territoires pertinents constituerait d’ailleurs un motif suffisant pour rejeter la demande d’enregistrement en cause.

33      Deuxièmement, à propos des décisions espagnoles mentionnées par la requérante, l’OHMI fait observer que le territoire pertinent à prendre en considération n’englobe pas le public espagnol.

34      Troisièmement, l’usage étendu du mot « roda » sur les territoires pertinents ne serait pas établi, de sorte que, n’ayant aucun contenu conceptuel, il serait perçu par le consommateur comme ayant intrinsèquement un pouvoir distinctif normal.

35      Quatrièmement, l’argument relatif à la prétendue passivité de l’intervenante à l’égard de l’usage de la marque dont l’enregistrement est demandé serait mentionné pour la première fois devant le Tribunal. En outre, cet élément ne pourrait être invoqué que dans le cadre d’une procédure d’annulation.

36      Cinquièmement, la coexistence sur le marché des signes en conflit et l’absence de confusion réelle entre eux seraient des éléments nouveaux dont la chambre de recours n’aurait pas eu connaissance. Impliquant une modification de l’objet du litige, en violation de l’article 135 du règlement de procédure du Tribunal, ces éléments ne pourraient pas être examinés. Cela étant, même si cette coexistence pouvait amoindrir le risque de confusion, elle ne saurait être prise en considération que si, au cours de la procédure administrative, la requérante avait démontré qu’elle reposait sur l’absence d’un risque de confusion dans le territoire en cause. En tout état de cause, le risque de confusion étant une notion de droit, le fait de ne pas établir l’existence de cas réels de confusion ne signifierait pas que le risque de confusion visé par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 n’existe pas en l’espèce.

37      Sixièmement, la pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI et les arrêts du Tribunal auxquels la requérante renvoie ne seraient pas concluants pour le cas d’espèce, les signes en conflit et les circonstances de l’espèce étant différents.

38      L’intervenante relève, à titre liminaire, que les éléments figurant aux annexes 3 à 7 et 10 à 13 de la requête sont présentés pour la première fois devant le Tribunal et doivent donc être écartés. Elle rappelle ensuite la jurisprudence du Tribunal relative à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et fait observer qu’il convient d’apprécier le risque de confusion au regard de la seule marque internationale antérieure RODA.

39      S’agissant de la comparaison des produits, l’identité des produits visés par les marques en conflit ne serait pas contestée. Le fait que les vins vendus sous les signes en conflit ne soient pas bon marché ne serait pas pertinent, l’examen devant porter sur les produits visés par la demande d’enregistrement, qui ne seraient pas limités à un type de vin particulier. En outre, ces allégations reposeraient sur des éléments (annexes 3 à 7 de la requête) produits pour la première fois devant le Tribunal.

40      S’agissant de la comparaison des signes, qui devrait, selon la jurisprudence, être effectuée en fonction de l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit, l’intervenante souligne que, sur le plan visuel, l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé est l’élément « oda ». L’expression « Castell del Remei » et le dessin de château seraient perçus par le consommateur comme étant plutôt le nom de l’entreprise qu’une marque. Les éléments à comparer en l’espèce seraient donc « oda » et « roda » et ils seraient pratiquement identiques d’un point de vue visuel. Le fait que les étiquettes de vin puissent comporter d’autres éléments que la marque ne serait pas pertinent : les vins ne seraient pas les seuls produits en cause et la comparaison ne devrait être effectuée qu’au vu des signes tels qu’ils ont été demandés à l’enregistrement ou tels qu’ils ont été enregistrés.

41      Sur le plan phonétique, l’expression « Castell del Remei » devrait se voir accorder une importance limitée, dans la mesure où elle est identique au nom commercial de la requérante et sera identifiée comme telle par le consommateur, voire même omise par lui lorsqu’il se référera à la marque dont l’enregistrement est demandé. De plus, la lettre « r » de la marque antérieure n’aurait pas une importance suffisante pour éviter la grande similitude phonétique entre les signes en conflit. Ni la décision de la première chambre de recours dans l’affaire R 793/2001-2 (voir point 16 ci-dessus) ni la jurisprudence invoquée par la requérante ne seraient pertinentes à cet égard. La marque dont l’enregistrement est demandé ne viserait d’ailleurs pas que les vins et il faudrait donc également rejeter l’argument de la requérante tiré du prix élevé des vins désignés par les signes en conflit.

42      Sur le plan conceptuel, l’absence de différence sur un seul territoire pertinent suffirait à soutenir la position de l’intervenante.

43      Quant aux précédents espagnols, ils ne seraient pas concluants, car, notamment, l’Espagne ne serait pas le territoire pertinent en l’espèce. Les éléments relatifs à ces précédents, figurant aux annexes 10 et 11 de la requête, seraient en outre présentés pour la première fois devant le Tribunal.

44      L’argumentation tirée du fait que l’intervenante n’aurait engagé aucune action pour violation du droit de marque serait pour sa part étrangère à l’application du règlement n° 40/94. Elle serait de plus fondée sur un document (annexe 5 de la requête) présenté pour la première fois devant le Tribunal. Les arguments qui démontreraient le caractère faiblement distinctif de la marque antérieure seraient également fondés sur des preuves présentées pour la première fois devant le Tribunal (annexes 12 et 13 de la requête). Ils concerneraient de surcroît des précédents espagnols, non pertinents pour le cas d’espèce, et il ne serait pas démontré que l’intervenante n’est pas liée aux titulaires de ces marques par un accord. La requérante n’aurait pas non plus établi que la marque RODA est dépourvue de caractère distinctif.

45      L’intervenante conclut que les signes en conflit présentent plus de similitudes que de différences, tant sur le plan phonétique que sur les plans visuel et conceptuel. Les produits en cause étant en outre identiques, le risque de confusion serait établi.

 Appréciation du Tribunal

46      À titre liminaire, il convient de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 63 du règlement n° 40/94. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur valeur probante [voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, non encore publié au Recueil, point 54, et du Tribunal du 23 mai 2007, Henkel/OHMI – SERCA (COR), T‑342/05, non publié au Recueil, point 31].

47      En l’espèce, il ressort du dossier que, comme le fait justement valoir l’intervenante, les documents produits par la requérante en annexes 3 à 7 de la requête, visant à illustrer les activités de la requérante et de l’intervenante, en annexes 10 et 11 de la requête, visant à démontrer la pertinence de précédents espagnols qui lui seraient favorables, et en annexes 12 et 13 de la requête, visant à démontrer la coexistence des marques antérieures RODA avec des marques similaires enregistrées ou utilisées, n’ont, à l’exception de la première page de l’annexe 4, pas été produits au cours de la procédure devant l’OHMI et sont donc, aux termes de la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus, irrecevables. Par conséquent, c’est sans tenir compte de ces annexes que le bien-fondé du recours sera analysé ci-après.

48      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii) et iii), du règlement n° 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre ou ayant fait l’objet d’un enregistrement international, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire. Dès lors, l’enregistrement d’une marque doit être refusé même si le risque de confusion n’existe que dans un pays dans lequel la marque antérieure est protégée.

49      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 32, et du 15 février 2007, Bodegas Franco-Españolas/OHMI – Companhia Geral da Agricultura das Vinhas do Alto Douro (ROYAL), T‑501/04, non publié au Recueil, point 31].

50      En l’espèce, la protection de la marque internationale antérieure RODA, seule prise en considération par la chambre de recours aux fins de l’analyse du risque de confusion, s’étend au Danemark, à l’Allemagne, à la France, à l’Italie, à l’Autriche, à la Finlande, à la Suède, au Royaume-Uni et aux pays du Benelux. C’est donc la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause dans l’ensemble de ces États qu’il convient de considérer.

51      En ce qui concerne le degré d’attention de ce consommateur lors de l’achat des produits concernés, il y a lieu de rappeler que, aux fins de l’appréciation globale des marques en conflit, le consommateur moyen est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a cependant lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et arrêt COR, point 46 supra, point 34] et le fait que le consommateur n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire [arrêts du Tribunal du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY), T‑99/01, Rec. p. II‑43, point 32, et COR, point 46 supra, point 34].

52      En l’espèce, les produits en cause sont des produits de consommation courante, pour lesquels le public pertinent est le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Le fait que, comme l’allègue la requérante, les vins commercialisés par elle et l’intervenante seraient, le cas échéant, des vins de qualité vendus à des prix relativement élevés n’est à cet égard pas pertinent, dès lors que l’enregistrement a été demandé non seulement pour des vins qui seraient de qualité, mais, de manière générale, pour l’ensemble des boissons alcooliques à l’exception des bières.

53      À la lumière des considérations qui précèdent et eu égard à l’identité, admise par les parties, des produits désignés par les marques en cause, il y a lieu de procéder à la comparaison des signes en conflit.

54      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30, et COR, point 46 supra, point 37].

55      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux‑ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et arrêt COR, point 46 supra, point 38). Les similitudes visuelle et phonétique des signes en conflit peuvent en outre être neutralisées par des différences sur le plan conceptuel. Il faut pour cela qu’au moins une des marques en cause ait une signification claire et déterminée pour le public pertinent de sorte que ce dernier est susceptible de la saisir immédiatement et que l’autre marque n’ait pas une telle signification ou ait une signification entièrement différente [arrêts du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 93, et ROYAL, point 49 supra, point 46].

56      Il est par ailleurs de jurisprudence constante que peuvent être considérées comme étant similaires une marque complexe et une autre marque, identique ou présentant une similitude avec l’un des composants de la marque complexe, lorsque celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. Cependant, cette approche ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer à une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer une telle comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble [arrêts MATRATZEN, point 54 supra, points 33 et 34, et du Tribunal du 16 mai 2007, Merant/OHMI – Focus Magazin Verlag (FOCUS), T‑491/04, non publié au Recueil, point 44].

57      Cela n’exclut toutefois pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. De plus, s’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts MATRATZEN, point 54 supra, points 34 et 35, et du Tribunal du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, non encore publié au Recueil, point 97].

58      En l’espèce, sont en conflit, d’une part, une marque verbale, RODA, et, d’autre part, une marque figurative, constituée du mot « oda » écrit en lettres capitales avec, au-dessus, l’élément verbal « castell del remei », écrit en petites capitales, mais en caractères d’une taille plus de deux fois inférieure à celle des caractères de l’élément « oda », qui apparaît comme une légende au-dessus de la représentation d’un château, lui-même de taille près de deux fois inférieure à celle des caractères de l’élément « oda ». L’élément « oda » est en outre séparé des deux autres éléments par un espace vide d’une taille équivalente à la taille de l’ensemble composé de l’élément verbal « castell del remei » et de la représentation du château.

59      L’élément verbal « oda » de la marque dont l’enregistrement est demandé apparaît donc dominant, compte tenu, d’une part, de sa police de caractère, de sa taille et de son emplacement dans la marque et, d’autre part, du fait que, pour au moins une partie des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé, en particulier les vins, la représentation d’un château n’est pas particulièrement distinctive, l’activité vitivinicole étant traditionnellement associée à l’image d’un château ou d’une bâtisse du même genre. De plus, considérant que l’élément verbal « castell del remei » est le nom social de la requérante et apparaît comme une légende au-dessus de ce dessin de château, il ne peut être exclu que cet élément soit considéré par le consommateur moyen en cause comme une simple description des locaux où s’exerceraient les activités ou une partie des activités de la requérante et que ces éléments, placés à une certaine distance de l’élément « oda », seraient, de ce fait, probablement ignorés par ce consommateur, qui ne percevrait en tant que marque que le seul élément « oda ».

60      Sur le plan visuel, ainsi qu’il a été constaté aux points 58 et 59 ci-dessus, la représentation du château et l’élément verbal « castell del remei » ont un caractère secondaire dans la représentation de la marque dont l’enregistrement est demandé et ils ne sont donc pas susceptibles de dominer l’impression visuelle d’ensemble qui sera produite par celle-ci sur le consommateur concerné. Quant à l’élément « oda », qui est visuellement l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé, et la marque antérieure RODA, ils sont relativement similaires. Ils sont constitués, respectivement, de trois et de quatre lettres, les trois dernières lettres de la marque antérieure, « o », « d » et « a », constituant, dans le même ordre, l’intégralité de l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé. La seule différence entre cet élément dominant et la marque antérieure réside dans la lettre « r », initiale de la marque antérieure. Il s’agit toutefois d’une différence visuelle peu importante, eu égard à l’identité constatée entre la partie la plus importante, en terme de lettres, de la marque antérieure et l’intégralité de l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé.

61      Le fait que les étiquettes de vin puissent comporter d’autres éléments d’informations que les simples signes en conflit, tels que le nom du fabricant, de l’embouteilleur ou la dénomination d’origine, qui permettraient, selon la requérante, de distinguer ces signes encore davantage sur le plan visuel, n’est pas pertinent. D’une part, l’appréciation de la similitude des signes en conflit doit se faire au regard des seules marques telles qu’elles ont été demandées à l’enregistrement ou enregistrées, sans que puisse être pris en compte un élément qui ne fait pas partie de la protection recherchée par la demande d’enregistrement ou de la protection conférée par la marque antérieure (voir, en ce sens, arrêt Faber, point 16 supra, point 37). D’autre part, il est constant que ni la marque dont l’enregistrement est demandé ni la marque antérieure ne sont destinées à désigner uniquement des vins, l’enregistrement de la première ayant été demandé pour l’ensemble des boissons alcooliques, à l’exception des bières, et la seconde ayant été enregistrée pour les vins et les spiritueux. Les autres informations mentionnées par la requérante qui seraient éventuellement apposées sur une étiquette de vin ne seraient donc, en toute hypothèse, pas de nature à différencier visuellement les signes en conflit s’agissant des autres boissons alcooliques concernées en l’espèce, pour lesquelles on ne peut exclure la possibilité que les informations indiquées par la requérante ne figurent pas sur les étiquettes en question.

62      Quant à l’argument de la requérante tiré de l’arrêt Starix, point 16 supra, à supposer même que cet arrêt ait établi que des marques peuvent être différentes sur le plan visuel au motif qu’elles comportent des éléments particuliers et des représentations graphiques distinctes, il ne peut en être déduit que de telles différences doivent nécessairement mener à la conclusion selon laquelle des marques présentant de telles différences doivent en toute hypothèse être considérées comme ne présentant aucune similitude sur le plan visuel. Cet arrêt n’est donc pas concluant pour le cas d’espèce.

63      Au vu de ces éléments, la chambre de recours a justement considéré que les signes en conflit présentaient une certaine similitude visuelle.

64      Sur le plan phonétique, la totalité des lettres constituant l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé figure dans la marque antérieure et les mots « oda » et « roda » ont tous deux une structure bisyllabique, la seconde syllabe de chacun d’eux étant identique et chacune de leurs syllabes comportant les mêmes voyelles « o » et « a ». En outre, bien que la jurisprudence ait pu reconnaître qu’une différenciation phonétique puisse être induite par l’initiale d’un élément verbal, force est de constater que, en l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, la différence de prononciation qui résulte de la présence de la lettre « r » au début de la marque antérieure n’est pas fortement audible, au moins dans la langue anglaise, parlée couramment par les consommateurs d’au moins un des pays composant le territoire pertinent, du fait que la voyelle « o » a la propriété d’absorber en grande partie la prononciation de la lettre « r » qui la précède.

65      S’agissant de l’argument de la requérante tiré de la décision de la première chambre de recours dans l’affaire R 793/2001-2 (voir point 16 ci-dessus), il n’est pas davantage concluant. En effet, la légalité des décisions des chambres de recours concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire doit être appréciée uniquement sur la base du règlement n° 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de celles-ci [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 66, et du 6 mars 2007, Golf USA/OHMI (GOLF USA), T‑230/05, non publié au Recueil, point 58]. De plus, si les motifs de fait ou de droit figurant dans une décision antérieure peuvent constituer des arguments à l’appui d’un moyen tiré de la violation d’une disposition du règlement n° 40/94 [arrêts du Tribunal du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, Rec. p. II‑4881, point 33, et du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié au Recueil, point 58], la requérante n’a pas démontré que la situation de fait et de droit à l’origine de l’affaire R 793/2001-2 est comparable à celle de l’espèce. La décision de la première chambre de recours invoquée par la requérante est donc sans incidence sur le cas d’espèce.

66      Enfin, l’élément verbal « castell del remei » de la marque dont l’enregistrement est demandé produit, certes, une impression phonétique complètement différente de celle produite par le mot « roda ». Cependant, pour les raisons déjà exposées aux points 58 et 59 ci-dessus, cet élément sera considéré comme secondaire ou accessoire par le consommateur moyen et, de ce fait, il ne peut être exclu que, en se référant à la marque dont l’enregistrement est demandé, ce consommateur se limite à mentionner le mot « oda ». L’élément verbal « castell del remei » n’est donc pas suffisant pour écarter l’existence de toute similitude phonétique entre les signes en conflit.

67      Au vu de ces éléments, la chambre de recours a également à bon droit considéré que les signes en conflit présentaient une certaine similitude phonétique.

68      Sur le plan conceptuel, il convient de prendre en compte la compréhension éventuelle que le public pertinent aura des éléments verbaux des signes en conflit, en particulier de l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé, d’une part, et du mot « roda », d’autre part. Ainsi que cela a été constaté précédemment, le public pertinent en l’espèce comprend les consommateurs finaux de boissons alcooliques, à l’exception des bières, au Danemark, en Allemagne, en France, en Italie, en Autriche, en Finlande, en Suède, au Royaume-Uni et dans les pays du Benelux, pays dans lesquels la marque antérieure est protégée.

69      À ce titre, il suffit de relever que les différences conceptuelles qui pourraient exister entre l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé et la marque antérieure, en raison de la possible signification que le mot « oda » pourrait avoir en langues italienne et allemande, ne sont pas déterminantes, dès lors que ces différences n’existent pas dans les autres pays dans lesquels la marque antérieure est protégée. En effet, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il suffit que l’absence de différences conceptuelles entre les signes en conflit soit établie sur un seul des territoires sur lesquels la marque antérieure est protégée pour que, au moins sur ce territoire, les similitudes visuelle et phonétique entre ces même signes ne soient pas neutralisées.

70      De plus, même à supposer que l’élément verbal « castell del remei » et la représentation du château qui l’accompagne aient un contenu conceptuel dans l’ensemble des pays dans lesquels la marque antérieure est protégée, cela ne serait pas suffisant pour conclure que la marque dont l’enregistrement est demandé possède, dans l’impression d’ensemble qu’elle produit, un contenu conceptuel suffisamment prononcé pour être perçu par le consommateur concerné, du fait du caractère très peu distinctif de ces éléments et de leur caractère secondaire dans la marque dont l’enregistrement est demandé, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 58 et 59 ci-dessus.

71      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré qu’il n’existait aucune différence conceptuelle entre les marques en conflit pouvant neutraliser leurs similitudes visuelle et phonétique.

72      Quant à l’existence d’un risque de confusion, il a été constaté ci-dessus que les produits en cause sont identiques, qu’ils sont destinés à la consommation courante, que leur consommateur moyen est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, que le mot « oda » est fortement dominant dans l’impression d’ensemble du signe dont l’enregistrement est demandé et que les signes en conflit présentent des similitudes visuelle et phonétique qui ne sont pas neutralisées par des différences conceptuelles sur l’ensemble des territoires pertinents. Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’un risque de confusion.

73      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments contraires développés par la requérante.

74      Premièrement, l’arrêt du Tribunal Superior de Justicia de La Rioja ayant constaté l’absence de risque de confusion sur les plans phonétique et visuel entre les mots « roda » et « oda » n’est pas pertinent en l’espèce, étant donné notamment que le territoire et le public pertinents dans la présente affaire sont différents de ceux en cause dans l’arrêt invoqué par la requérante. Pour les mêmes raisons, doivent également être écartées comme non pertinentes les décisions de l’Oficina Española de Patentes y Marcas invoquées par la requérante au soutien de son recours.

75      Deuxièmement, si, contrairement à ce que soutient l’OHMI, l’argument de la requérante relatif à la prétendue coexistence des marques Castell del Remei ODA et RODA depuis plusieurs années sur le marché n’est pas invoqué pour la première fois devant le Tribunal, puisqu’il est mentionné dans la décision attaquée que la requérante prétend : « [qu’il] existe une coexistence paisible à l’échelle internationale et [qu’]il ne s’est produit aucune situation ni aucun incident impliquant un risque de confusion », il ne peut néanmoins prospérer.

76      Certes, selon la jurisprudence, il n’est pas exclu que, dans certains cas, la coexistence de marques antérieures sur le marché puisse éventuellement amoindrir le risque de confusion constaté par les instances de l’OHMI entre deux marques en conflit. Cependant, une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’OHMI, le demandeur de la marque communautaire a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence de risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre la marque antérieure dont il se prévaut et la marque antérieure de l’intervenante qui fonde l’opposition et sous réserve que les marques antérieures en cause et les marques en conflit soient identiques [arrêts du Tribunal du 11 mai 2005, Grupo Sada/OHMI – Sadia (GRUPO SADA), T‑31/03, Rec. p. II‑1667, point 86, et ODA, point 65 supra, point 67].

77      En l’espèce, le Tribunal constate, d’une part, que, au cours de la procédure administrative, la requérante n’a apporté aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle la marque dont elle demande l’enregistrement coexistait sur le marché en cause avec la marque antérieure. Or, une simple affirmation non étayée est insuffisante pour démontrer que le risque de confusion entre les marques en conflit est amoindri et, a fortiori, écarté (voir, en ce sens, arrêt GRUPO SADA, point 76 supra, point 87). D’autre part, les éléments produits par la requérante et visant à prouver ladite coexistence ont été présentés pour la première fois dans le cadre de la procédure devant le Tribunal et doivent, à ce titre, être écartés comme étant irrecevables (voir points 46 et 47 ci-dessus). Partant, cet argument ne peut être retenu.

78      Troisièmement, même à supposer que l’argument tiré de la prétendue passivité de l’intervenante à l’égard de l’utilisation par la requérante de la marque dont elle demande l’enregistrement puisse être rattaché à l’argumentation relative à la coexistence des marques en conflit et qu’il soit, de ce fait, recevable, il n’en est pas pour autant concluant. En effet, la seule absence de réaction du titulaire d’une marque antérieure à l’utilisation par un tiers d’une marque identique ou similaire, laquelle fait ensuite l’objet d’une demande d’enregistrement en tant que marque communautaire par ce tiers, ne permet pas, en tant que telle, dans le cadre d’une procédure d’opposition, de conclure à l’absence de risque de confusion entre ces marques au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

79      Quatrièmement, s’agissant du caractère prétendument peu distinctif de la marque RODA, il est vrai que, selon la jurisprudence, le caractère distinctif de la marque antérieure, que celui-ci dérive des qualités intrinsèques de cette marque ou de sa renommée, doit être pris en compte pour apprécier si la similitude entre les produits ou les services désignés par les deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, points 18 et 24, et arrêt COR, point 46 supra, point 57).

80      Cependant, au soutien de l’allégation selon laquelle la marque RODA aurait un faible caractère distinctif du fait de sa coexistence avec d’autres marques comprenant le mot « roda », qui seraient enregistrées et utilisées en Espagne pour des produits de la classe 33, la requérante a produit des documents (annexes 12 et 13 de la requête) qui sont présentés pour la première fois devant le Tribunal. Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 46 et 47 ci-dessus, de tels documents sont irrecevables.

81      Quant aux documents présentés au soutien de cette même allégation dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, il suffit de constater qu’aucun des enregistrements établis par ces documents n’était relatif à des produits relevant de la classe 33. La chambre de recours a donc justement considéré qu’ils ne prouvaient pas le caractère faiblement distinctif de la marque antérieure pour les produits en cause.

82      Au vu de ce qui précède, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il existait en l’espèce un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Partant, le moyen unique soulevé par la requérante doit être rejeté, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Wiszniewska-Białecka

Vadapalas

Moavero Milanesi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 novembre 2007.

Le greffier

 

       Le président faisant fonction

E. Coulon

 

       I. Wiszniewska-Białecka


* Langue de procédure : l’espagnol.