Language of document : ECLI:EU:T:2005:290

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 juillet 2005(*)

« Fonctionnaires – Concours interne – Non-admission aux épreuves orales – Violation de l’avis de concours – Irrégularité dans le déroulement des épreuves de nature à fausser les résultats – Principe d’égalité de traitement et de non-discrimination – Principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑371/03,

Vincenzo Le Voci, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes G. van der Wal et E. Oude Elferink, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M. Sims et M. F. Anton, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation des opérations du concours interne Conseil/A/270 ou, à titre subsidiaire, de la décision du jury de concours de ne pas admettre le requérant à participer aux épreuves orales dudit concours,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mars 2005,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Le requérant est fonctionnaire du Conseil depuis 1992. Il est actuellement au grade B 4.

2        Le requérant a participé au concours interne Conseil/A/270, dont l’avis a été publié par le secrétariat général du Conseil (ci-après le « SGC ») le 4 octobre 2002 en anglais et en français, sous le numéro de référence 138/02. Ce concours offrait la possibilité aux fonctionnaires et aux agents du SGC de grade B de passer au grade A, et visait à pourvoir quatre emplois vacants et à constituer une liste de réserve d’administrateurs.

3        Selon le point I de l’avis de concours, intitulé « Nature des fonctions » :

« Les fonctions à exercer se décrivent formellement comme suit :

–        accomplir des tâches de conception, d’étude ou de contrôle sur la base des directives générales en fonction de l’affectation du lauréat au sein des services de l’institution, ou

–        assister le responsable d’un secteur d’activité au sein d’une division. »

4        Ce point de l’avis du concours précise :

« Dans la pratique, compte tenu des activités du [SGC], les fonctions à exercer consistent à accomplir, au sein d’une direction générale, les tâches suivantes :

soit

–        travaux d’assistance et de secrétariat des différents groupes de travail ou comités ainsi que des réunions de Comité des représentants permanents et du Conseil dans un domaine donné (rédaction de notes et avis, conseils et assistance aux membres de Conseil et à la Présidence, en particulier) ;

soit

–        travaux d’encadrement et de gestion dans le domaine de l’administration ou dans les services techniques (personnel, services internes, budget, audit, immeuble, nouvelles technologies). »

5        Le point IV de l’avis de concours décrit le contenu et les modalités des épreuves du concours :

« Remarque générale : pour chacune des épreuves ci-après, toute note inférieure à 60 % de la notation sera éliminatoire.

Les épreuves écrites A.1 et A.2 ainsi que l’épreuve orale B.1 se feront dans la langue principale choisie par le candidat dans l’acte de candidature.

A. Épreuves écrites

[Épreuve écrite A.1] Épreuve de nature pratique consistant à analyser un dossier relatif aux activités de l’Union européenne et [à] en rédiger une synthèse.

Durée : 3 heures.

Notation : de 0 à 40 points.

[Épreuve écrite A.2] Dissertation sur un thème choisi par le candidat entre plusieurs sujets relatifs aux activités de l’Union européenne, qui permettra de déterminer le niveau de ses connaissances, de ses capacités rédactionnelles et de la rigueur de son raisonnement.

Durée : 3 heures.

Notation : de 0 à 40 points.

[Épreuve écrite A.3] Bref exposé écrit en anglais ou en français – selon le choix exprimé par le candidat dans l’acte de candidature – lié aux activités du Conseil de l’Union européenne, permettant d’apprécier son aptitude à rédiger dans une de ces deux langues. Les candidats ayant rédigé les épreuves sous A.1 et A.2 en français ou en anglais devront rédiger la présente épreuve dans l’autre de ces deux langues.

Durée : 2 heures.

Notation : de 0 à 30 points. »

6        Le même point de l’avis de concours précise également que l’épreuve A.1 se fera dans la langue principale choisie par le candidat dans l’acte de candidature.

7        Les épreuves écrites se sont déroulées les 25 et 26 juin 2003. Au début de l’épreuve A.1, un dossier relatif à une procédure de codécision concernant l’adoption d’un programme d’action dans le domaine de la santé publique a été distribué aux candidats. Il comportait trois documents rédigés dans les langues principales choisies par les candidats dans leur acte de candidature : le document 10222/01, du 24 juillet 2001, qui contenait une position commune adoptée par le Conseil ; le document 10222/3/01, du 31 juillet 2001, qui contenait une brève description des motifs du Conseil, et le document 15153/01, du 19 décembre 2001, consistant en une note d’information qui contenait les résultats de la deuxième lecture du Parlement (ci-après la « note sur la deuxième lecture  »).

8        Sur la page de garde de l’épreuve A.1, le libellé, rédigé en anglais, reprenait le texte de l’avis de concours (« Practical test consisting of an analysis and summary of a file relating to the activities of the European Union »).

9        Sur la deuxième page de l’épreuve, les instructions détaillées concernant l’épreuve A.1 ont été communiquées aux candidats, dans les langues qu’ils avaient respectivement choisies dans leurs actes de candidature. Le requérant, étant candidat de langue italienne, a reçu les instructions suivantes :

« 1. Redigere una breve relazione del Segretario generale del Consiglio al COREPER che illustri a grandi linee, in base alla documentazione e ai risultati dei lavori del Gruppo ‘Sanità Pubblica’, i principali punti di disaccordo tra il Consiglio e il Parlamento europeo. [20 punti] 

2. Redigere una nota all’attenzione del Presidente del COREPER in preparazione della prima riunione a tre con il Parlamento europeo, volta ad indicare gli eventuali mezzi e modi per trattare le questioni fondamentali in sospeso. [20 punti] »

10      Les instructions adressées aux candidats de langue française étaient les suivantes :

« 1. Rédiger un bref compte rendu établi par le [SGC] à l’intention du Coreper exposant, sur la base des documents fournis et des résultats des travaux du groupe ‘Santé publique’, les principaux sujets de désaccord entre le Conseil et le Parlement européen. [20 points]  [...]

2. En vue de la première réunion de ‘trilogue’ avec le Parlement européen, rédiger à l’intention du président du Coreper une note exposant différentes manières possibles d’aborder les principales questions en suspens. [20 points]. »

11      Certains des documents fournis aux candidats comportaient des erreurs matérielles. Une erreur affectait toutes les versions linguistiques de la note sur la deuxième lecture. Deux autres erreurs n’étaient présentes que dans la version espagnole du même document.

12      L’erreur présente dans toutes les versions linguistiques de la note sur la deuxième lecture apparaît dans le contexte suivant : la section II du document précise la position de la Commission sur les amendements proposés par le Parlement. Le point 1 de cette section indique les numéros des amendements entièrement acceptés par la Commission (26 amendements). Le point 2 énumère les numéros des amendements acceptés pour la Commission en partie ou dans l’esprit (9 amendements), tandis que le point 3 indique les numéros des amendements qui ne sont pas acceptés pour la Commission (16 amendements plus la dernière partie de l’amendement n° 56). L’erreur matérielle dans le document est constituée par le fait que l’amendement n° 52 est repris deux fois dans cette section : il est indiqué dans la liste des amendements entièrement acceptés par la Commission et ensuite aussi parmi les amendements qui ne sont pas acceptés par la Commission.

13      Le requérant s’est aperçu de cette erreur au cours de l’épreuve A.1 et a décidé de s’adresser aux membres du jury qui étaient présents à l’examen. Selon ces derniers, il était trop tard pour informer les autres candidats ou pour annuler l’examen. Ils ont alors conseillé au requérant de ne pas trop focaliser sur l’amendement n° 52.

14      Quant aux erreurs contenues uniquement dans la version espagnole de la note sur la deuxième lecture, elles apparaissent respectivement à la première et la deuxième page du document en question. En ce qui concerne la première erreur, le titre de la version espagnole de la note sur la deuxième lecture mentionne comme objet les « Résultats de la première lecture du Parlement européen » au lieu des « Résultats de la deuxième lecture du Parlement européen ». Quant à la deuxième erreur, elle figure dans le cinquième alinéa de la section I du document, dont la version espagnole indique erronément que le montant prévu dans la proposition initiale de la Commission était de 380 millions d’euros au lieu de 300 millions d’euros.

15      Lorsque les membres du jury présents à l’épreuve écrite A.1 ont appris que la version espagnole comportait des erreurs, ils ont immédiatement vérifié les autres versions linguistiques du texte et constaté qu’elles ne comportaient pas ces erreurs. Ils ont alors signalé ces erreurs individuellement à chacun des huit candidats qui passaient l’épreuve en espagnol. Ces candidats ont été informés avant 10 h 45, soit une heure et vingt minutes après le début de l’examen, d’une durée totale de trois heures.

16      Par lettre du 28 juillet 2003, le jury a informé le requérant qu’il n’était pas admis à l’épreuve orale, n’ayant obtenu que 20 points sur 40 pour l’épreuve écrite A.1, alors que la note minimale requise pour cette épreuve était de 24 points et que toutes les épreuves du concours étaient éliminatoires.

17      Par lettre du 8 août 2003 adressée au président du jury, le requérant a contesté le résultat auquel était arrivé le jury quant à l’épreuve A.1 et a demandé sa révision. Il a également signalé l’existence de certaines anomalies dans le texte de la note sur la deuxième lecture.

18      Par lettre du 15 septembre 2003, le président du jury a confirmé le résultat de l’épreuve écrite A.1 et a informé le requérant que sa copie à cette épreuve avait été corrigée par le jury en étroite collaboration avec deux assesseurs de langue maternelle italienne ayant voix consultative. Une copie de son épreuve A.1 a été également transmise au requérant, sans les corrections apportées par les membres du jury. En motivant la transmission de la seule copie non corrigée de l’épreuve, le jury s’est fondé sur l’article 6 de l’annexe III du statut, qui prévoit que « les travaux du jury sont secrets » ainsi que sur l’arrêt de la Cour du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati (C‑254/95 P, Rec. p. I‑3423).

19      Par lettre du 29 septembre 2003, le requérant a demandé la transmission des corrections effectuées sur son épreuve écrite A.1, se référant à la décision du Médiateur européen du 4 septembre 2003 relative à la plainte 2097/2002/GG. Il a également rappelé au jury l’existence d’« informations incorrectes relatives à la position du Conseil sur certains amendements du Parlement européen » dans la documentation de l’épreuve A.1.

20      Le 30 octobre 2003 le président du jury a envoyé la lettre suivante au requérant :

« En réponse à votre lettre du 29 septembre 2003, j’ai l’honneur de vous faire savoir, après consultation des conseillers juridiques de l’administration, que la pratique établie par le SGC pour les concours qui étaient déjà en cours le 1/09/2003 est de donner accès aux copies vierges des épreuves et aux fiches d’évaluation synthétique reprenant la note attribuée, dans le cas où le jury aurait établi une telle fiche. Dans la mesure où le jury n’a pas en l’occurrence élaboré une telle fiche, le seul document à transmettre reste la copie vierge de l’épreuve.

Concernant votre dernière remarque, je tiens à souligner que le texte que vous mentionnez était le même pour tous les candidats. La reprise de l’amendement 52 sous deux rubriques différentes reflétant la position de la Commission (et non pas du Conseil comme vous [l’]écrivez) n’était pas de nature à fausser l’appréciation que les candidats étaient appelés à porter sur les divergences entre le [Parlement] et le Conseil. » (requête, annexe 20, p. 154)

21      Les quatre lauréats du concours étaient, par ordre de mérite, italien, danois, belge et espagnol.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 novembre 2003, le requérant a introduit le présent recours.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties à produire certains documents et à répondre par écrit à certaines questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 mars 2005.

25      À la suite d’une demande du Tribunal lors de l’audience, le Conseil a déposé une version non confidentielle des observations et des commentaires des assesseurs linguistiques relatives à l’épreuve A.1 du requérant. Après le dépôt des observations du requérant sur ces documents, la procédure orale a été clôturée le 7 avril 2005.

26      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le présent recours recevable ;

–        déclarer le concours interne Conseil/A/270 nul et non avenu ou, à titre subsidiaire, déclarer nulle la décision du jury du 28 juillet 2003 de ne pas admettre le requérant à l’épreuve orale ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

27      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        déclarer que chaque partie doit supporter ses propres dépens.

 En droit

28      À l’appui de sa demande, le requérant invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une méconnaissance des termes de l’avis de concours. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de bonne administration. Le quatrième moyen est tiré d’une absence de transparence lors de la correction des épreuves.

1.     Sur le premier moyen, tiré d’une violation des termes de l’avis de concours

 Arguments des parties

29      Le requérant fait valoir que le contenu de l’épreuve A.1 du concours interne Conseil/A/270 sort du cadre fixé par l’avis de concours. Selon lui, les instructions figurant dans le dossier distribué au début de l’épreuve A.1 allaient au-delà de ce qui avait été annoncé dans l’avis de concours.

30      À l’appui de cette allégation, le requérant relève que, pour répondre aux instructions incluses dans le dossier distribué lors de l’épreuve A.1, les candidats, au lieu de se contenter de d’analyser et de résumer un dossier relatif à une question relative aux activités de l’Union européenne, devaient aussi fournir leur propre contribution stratégique. Selon le requérant, l’épreuve A1 exigeait, dès lors, une autre approche et des compétences intellectuelles et rédactionnelles différentes de celles pour lesquelles les candidats s’étaient préparés. En d’autres termes, la nécessité de « faire des suggestions de solutions possibles », qui était, selon le requérant, l’essence des instructions accompagnant le dossier distribué lors de l’épreuve, requérait une approche différente de celle consistant à « analyser et résumer un dossier », prévue par l’avis de concours.

31      Le requérant se réfère à l’article 1er, sous e), de l’annexe III du statut, selon lequel « la nature des examens et leur cotation respective » doivent être spécifiées par l’avis de concours.

32      Le requérant fait valoir, en outre, que, selon la jurisprudence de la Cour, le contenu d’une épreuve ne doit pas sortir du cadre indiqué dans l’avis de concours.

33      Le requérant reconnaît que l’autorité investie de pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les aptitudes requises pour occuper un poste spécifique ou pour figurer sur une liste de réserve de fonctionnaires. Toutefois, selon le requérant, ce pouvoir discrétionnaire ne s’étend pas à la question de savoir si une épreuve écrite est ou non limitée à ce qui est fixé dans l’avis de concours et l’AIPN est tenue de suivre scrupuleusement l’avis de concours.

34      En outre, le requérant conteste l’argument du Conseil selon lequel le contenu de l’épreuve écrite correspondait parfaitement à l’objectif du concours, qui était de pourvoir des emplois vacants et de constituer une liste de réserve d’administrateurs de grade A 7.

35      Le requérant souligne à cet égard que la tâche à accomplir par les candidats lors de l’épreuve était de rédiger une note à l’intention du président du Comité des représentants permanents (Coreper) pour lui permettre de diriger une réunion au cours de laquelle la position du Conseil sur un programme d’action communautaire dans le domaine de la santé publique devait être arrêtée. Selon le requérant, les notes de ce type sont généralement rédigées par le chef de division (de grade A 3) ou par un fonctionnaire de grade plus élevé. Le requérant ajoute encore que les administrateurs de grade inférieur ne sont pas supposés traiter les affaires de ce type. Par conséquent, le contenu de l’épreuve écrite A.1 n’avait pas de rapport avec la fonction pour laquelle s’étaient présentés les candidats.

36      Pour ces raisons, le requérant allègue que le niveau de l’épreuve écrite A.1 ne correspondait pas à la nature et au niveau des fonctions qu’un fonctionnaire du grade A 7 est supposé se voir confier.

37      Néanmoins, le requérant affirme qu’il était en mesure de faire face aux difficultés de l’épreuve A.1, eu égard à son expérience professionnelle au sein du Conseil.

38      Le Conseil conteste les arguments du requérant et soutient que le contenu de l’épreuve A.1 ne dépasse pas la description figurant dans l’avis de concours. Il considère que les épreuves correspondaient parfaitement aux objectifs de l’épreuve et du concours.

 Appréciation du Tribunal

39      Par le présent moyen, le requérant fait valoir que le Conseil a violé l’avis du concours A/270, dès lors qu’une des épreuves écrites sortait du cadre fixé par ledit avis et que le contenu de l’épreuve en cause ne correspondait pas à l’objectif du concours.

40      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 1er, paragraphe 1, sous e) de l’annexe III du statut, l’avis de concours doit spécifier, dans le cas de concours sur épreuves, la nature des examens et leur cotation respective.

41      En ce qui concerne l’appréciation d’une éventuelle violation de l’avis de concours, selon une jurisprudence bien établie, le jury du concours dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant au contenu détaillé des épreuves prévues dans le cadre d’un concours. Le Tribunal ne saurait censurer les modalités du déroulement d’une épreuve que dans la mesure nécessaire pour assurer un traitement égal des candidats et l’objectivité de choix entre ceux-ci. Il n’appartient pas davantage au juge communautaire de censurer le contenu détaillé d’une épreuve, sauf si celui-ci sort du cadre indiqué dans l’avis de concours ou n’a pas de commune mesure avec les finalités de l’épreuve ou du concours (arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Sergio e.a./Commission, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, Rec. p. 1399, point 22 ; arrêts du Tribunal du 16 octobre 1990, Gallone/Conseil, T‑132/89, Rec. p. II‑549, point 27 ; du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, Rec. p. II‑407, point 121 ; du 11 juillet 1996, Carrer/Cour de justice, T‑170/95, RecFP p. I‑A‑363 et II‑1071, point 37 ; du 25 mai 2000, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99, RecFP p. I‑A‑101 et II‑433, point 35, et du 14 juillet 2000, Teixeira Neves/Cour de justice, T‑146/99, RecFP p. I‑A‑159 et II‑731, point 37).

42      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner si les deux allégations du requérant, tirées de l’existence d’une discordance entre le contenu de l’épreuve A.1 et la finalité du concours, d’une part, et du non-respect de l’avis de concours par le contenu de l’épreuve, d’autre part, sont fondées.

–       Sur la discordance alléguée entre le contenu de l’épreuve et la finalité du concours

43      Le requérant soutient que le contenu de l’épreuve A.1 ne correspondait pas à la finalité du concours, ce qui constituerait une violation de l’avis de concours. Selon lui, la rédaction d’une note à l’intention du président du Coreper pour lui permettre de diriger une réunion en vue de la définition de la position du Conseil, qui était la tâche des candidats à l’épreuve A.1, est normalement du ressort du chef de division (de grade A 3) et non pas d’un fonctionnaire de grade A 7, dont le recrutement constituait le but du concours Conseil/A/270.

44      Les descriptions de tâches des fonctionnaires présentées par le Conseil au cours de la procédure devant le Tribunal contiennent des indications claires de la nature des fonctions à accomplir par des différents fonctionnaires de grade A 7 travaillant au sein du SGC. Ces fonctions comprennent, notamment, des tâches de conception et d’étude dans divers domaines des politiques communautaires, la préparation des travaux du Coreper et du Conseil relatifs à ces domaines, la fourniture de conseils à la Présidence dans la préparation et le déroulement des réunions, ainsi que la participation aux réunions avec le Parlement dans le cadre de la procédure de codécision.

45      Il convient de relever également que l’avis de concours lui-même contient des indications quant à la nature des tâches à accomplir par les lauréats du concours Conseil/A/270. Selon son point I, les fonctions à exercer par les lauréats consistent en des tâches de conception, d’étude ou de contrôle ou encore d’assistance du responsable d’un secteur d’activité au sein d’une division. Ce point précise également que les lauréats sont supposés accomplir des travaux d’assistance et de secrétariat des différents groupes de travail ou comités ainsi que des réunions du Coreper et du Conseil dans un domaine donné. Cette assistance, selon la lettre de l’avis de concours, englobe la rédaction de notes, d’avis et de conseils aux membres du Conseil et à la Présidence, en particulier.

46      Ces responsabilités spécifiées par les descriptions de tâches fournies par le Conseil et par le texte de l’avis de concours incluent la tâche de rédiger des notes très similaires, voire identiques, à celles qui faisaient l’objet de l’épreuve A.1, à savoir, d’une part, un compte rendu à l’intention du Coreper exposant, sur la base des résultats des travaux du groupe « Santé publique », les principaux sujets de désaccord entre le Conseil et le Parlement et, d’autre part, une note à l’intention du président du Coreper exposant différentes manières possibles d’aborder les questions en suspens.

47      Eu égard à ces considérations, il convient de conclure que des tâches similaires à l’épreuve A.1 peuvent être exigées des lauréats de concours au cours de leur travail au sein du SGC et que, par conséquent, l’épreuve était susceptible d’évaluer la capacité des candidats de traiter les défis que les fonctionnaires de grade A 7 peuvent y rencontrer.

48      Dès lors, il y a lieu de constater que l’allégation du requérant, selon laquelle l’épreuve A.1 ne correspondait pas à la finalité du concours, n’est pas fondée.

–       Sur le prétendu non-respect de l’avis de concours

49      Quant au prétendu non-respect de l’avis de concours, le requérant soutient pour l’essentiel que l’écriture d’une « note exposant différentes manières d’aborder les principales questions en suspens » va au-delà de l’analyse et du résumé d’un dossier. La différence, selon lui, consiste en ce que, pour satisfaire aux instructions de l’épreuve A.1, les candidats devaient aussi apporter leur propre contribution stratégique, ce qui exigeait une autre approche et une autre préparation par rapport à de simples analyse et résumé.

50      Il convient de relever, à titre liminaire, que, si l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer les conditions d’un concours, le jury est lié par le texte de l’avis de concours tel qu’il a été publié (arrêt de la Cour du 18 février 1982, Ruske/Commission, 67/81, Rec. p. 661, point 9, et arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Staelen/Parlement, T‑24/01, RecFP p. I‑A‑79 et II‑423, point 47). Les termes de l’avis de concours constituent aussi bien le cadre de légalité que le cadre d’appréciation pour le jury de concours (arrêts du Tribunal du 16 avril 1997, Fernandes Leite Mateus/Conseil, T‑80/96, RecFP p. I‑A‑87 et II‑259, point 27, et Staelen/Parlement, précité, point 47).

51      Le Tribunal estime que l’appréciation des significations abstraites et générales des termes « analysis » et « summary » n’est pas suffisante et appropriée pour décider si ces termes peuvent couvrir, dans le contexte spécifique de l’épreuve en question, non seulement la rédaction d’un compte rendu établi par le SGC indiquant les principaux sujets de désaccord entre le Conseil et le Parlement mais aussi l’exposé des différentes manières possibles d’aborder les questions en suspens.

52      Dès lors, pour examiner si les instructions de la deuxième partie de l’épreuve A.1 (ci-après les « instructions ») ont effectivement dépassé la description de l’épreuve contenue dans l’avis de concours, il y a lieu de prendre en considération le contexte plus large de la description des épreuves et des autres éléments de l’avis de concours.

53      A cet égard, il convient de relever que l’avis de concours décrit l’épreuve A.1 comme une épreuve pratique ayant trait à un domaine des activités de l’Union européenne et que, selon la description des fonctions à accomplir par les lauréats du concours, ceux-ci sont supposés remplir des tâches de conception, notamment rédiger des notes et avis et donner des conseils aux membres du Conseil et à la Présidence.

54      La seule épreuve écrite permettant d’évaluer la capacité des candidats à accomplir ces fonctions était l’épreuve A.1, étant donné que l’épreuve A.2 était destinée à mesurer le niveau des connaissances générales des candidats et leurs capacités rédactionnelles et que l’épreuve A.3 visait à s’assurer de leurs connaissances linguistiques en anglais ou en français.

55      La description des responsabilités des lauréats du concours, surtout la mention de l’exigence de conseil aux membres du Conseil et à la Présidence, et le fait que l’épreuve A.1 était annoncée comme une épreuve pratique fournissent des précisions suffisamment claires pour l’interprétation des termes « analysis » et « summary ». Ces indications supplémentaires définissent le sens de la description de l’épreuve A.1, comme comprenant l’apport d’une contribution inventive ou stratégique au travail du SGC, notamment par l’élaboration des propositions pour concilier la position du Conseil et celle du Parlement dans le contexte d’une procédure de codécision.

56      Dès lors, il convient de constater que l’allégation du requérant, selon laquelle les instructions à l’épreuve A.1 sont sorties du cadre indiqué par l’avis de concours, n’est pas fondée.

57      Au vu de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté.

2.     Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration, et le quatrième moyen, tiré d’une absence de transparence

58      Le requérant estime que le Conseil a violé le principe d’égalité de traitement à quatre titres. Premièrement, le requérant affirme que ledit principe a été violé en raison des divergences entre les différentes versions linguistiques des instructions. Deuxièmement, le requérant considère que les erreurs dans les documents de travail ont également provoqué un traitement inégal des candidats. Troisièmement, la composition du jury aurait aussi entraîné une violation dudit principe. Quatrièmement, il allègue que ledit principe a été violé lors de l’évaluation des épreuves.

59      Le requérant soulève deux moyens séparés à l’égard de l’existence des erreurs dans les documents de travail. Il considère que ces erreurs ont provoqué une violation du principe d’égalité de traitement (deuxième branche du deuxième moyen) et une violation du principe de bonne administration (troisième moyen). Le Tribunal estime alors opportun d’examiner conjointement la deuxième branche du deuxième moyen et le troisième moyen.

60      Pareillement, le requérant estime que, lors de l’évaluation des épreuves, le jury a méconnu le principe d’égalité de traitement (quatrième branche du deuxième moyen) et qu’il y avait également une absence de transparence (quatrième moyen). Le Tribunal procédera donc à un examen joint de la quatrième branche du deuxième moyen et du quatrième moyen.

 Sur les divergences entre les différentes versions linguistiques des instructions

 Arguments des parties

61      Le requérant fait valoir que les instructions contenues dans le dossier distribué aux candidats lors de l’épreuve étaient mal traduites et ont induit un traitement inégal des candidats.

62      Le requérant relève, notamment, que les significations du mot hollandais « achtergrondnota », du mot italien « nota » et de l’expression anglaise « briefing note » sont différentes. L’expression « briefing note » aurait un sens « proactif » alors que le mot « nota » n’en aurait pas, celui-ci correspondant au mot anglais « note ». Le mot « achtergrondnota », quant à lui, signifie, selon le requérant, littéralement « note relative au contexte » et correspondrait à l’expression anglaise « background note ». En outre, le requérant relève que les instructions italiennes exigent des candidats d’exposer les différentes manières et moyens (« mezzi e modi ») d’aborder les questions en suspens, alors que la version anglaise ne mentionne que les manières (« ways »).

63      Le Conseil, en revanche, affirme que toutes les versions linguistiques des instructions concordent parfaitement.

 Appréciation du Tribunal

64      Ainsi qu’il a été rappelé au point 41 ci-dessus, il résulte d’une jurisprudence constante que le jury dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux modalités et au contenu détaillé des épreuves prévues dans le cadre d’un concours. Le Tribunal ne saurait censurer les modalités du déroulement d’une épreuve que dans la mesure nécessaire à assurer le traitement égal des candidats et l’objectivité du choix opéré entre ceux-ci.

65      Ensuite, il y a lieu de souligner qu’une irrégularité intervenue pendant le déroulement des épreuves d’un concours n’affecte la légalité desdites épreuves que si elle est de nature substantielle et susceptible de fausser les résultats de celles-ci (arrêts du Tribunal du 11 février 1999, Jiménez/OHMI, T‑200/97, RecFP p. I‑A‑19 et II‑73, point 55 ; du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, RecFP p. I‑A‑83 et II‑395, point 47, et du 7 février 2002, Felix/Commission, T‑193/00, RecFP p. I‑A‑23 et II‑101, point 45).

66      En l’espèce, les différences extrêmement subtiles entre les diverses versions linguistiques des instructions mentionnées par le requérant n’étaient pas de nature à donner une signification divergente à l’ensemble des instructions dans une certaine langue par rapport à une autre. La signification des instructions est claire et unitaire, en ce que les candidats étaient invités à synthétiser les éléments pertinents du dossier et à offrir des propositions pour résoudre les questions principales en suspens. Les imprécisions négligeables dans les différentes traductions ne sauraient donc être considérées comme des erreurs substantielles de nature à affecter le résultat du concours.

67      Dès lors, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas apporté la preuve d’une divergence entre les différentes versions linguistiques, qui aurait pu entraîner un traitement inégal des candidats ou pourrait mettre en cause l’objectivité du choix entre eux.

 Sur les erreurs dans les documents de travail

 Arguments des parties

68      Le requérant fait valoir que, d’une part, l’erreur présente dans toutes les versions linguistiques du document de travail, et d’autre part, celles présentes dans la version espagnole dudit document étaient de nature à fausser le résultat du concours.

69      Le requérant relève que la note sur la deuxième lecture du Parlement, lors de l’explication de la position de la Commission quant aux amendements proposés par le Parlement, a repris deux fois l’amendement n° 52, ce qui constitue une contradiction.

70      Selon le requérant, cette erreur a entraîné une violation du principe d’égalité de traitement, puisque certains candidats n’ont pas remarqué la contradiction dans le texte alors que d’autres s’en sont aperçus. Les candidats qui étaient conscients des erreurs devaient trouver une solution.

71      Le requérant rappelle également que, quand il s’est adressé aux membres du jury présents à l’épreuve pour signaler cette erreur, ces derniers lui ont répondu qu’il était déjà trop tard pour informer les autres candidats et lui ont conseillé de ne pas trop focaliser sur l’amendement n° 52. Le requérant affirme que ces instructions explicites de la part des membres du jury l’ont placé dans une position totalement différente de celle des autres candidats.

72      Quant aux erreurs dans la version espagnole, le requérant considère qu’elles étaient de nature à violer le principe d’égalité de traitement. Il relève, également, que l’attention de tous les candidats de langue espagnole a été attirée sur cette erreur immédiatement après sa découverte.

73      Le requérant estime que les erreurs figurant dans la version espagnole du document de travail ont été prises en compte par le jury dans le cadre de l’évaluation de l’épreuve passée par les candidats de langue espagnole. Il fait observer que quatre des dix candidats admis à l’épreuve orale étaient de langue espagnole, et considère ce « pourcentage extraordinairement élevé » de candidats de langue espagnole comme « remarquable ».

74      Le requérant fait également valoir que les erreurs dans la note sur la deuxième lecture ainsi que la réaction des membres du jury aux observations faites par le requérant à propos de ces erreurs lors de l’épreuve A.1 constituent une violation grave et manifeste du principe de bonne administration.

75      Le Conseil conteste les arguments du requérant et estime que les candidats ont été traités de la même manière et que le choix opéré entre eux par le jury était objectif.

 Appréciation du Tribunal

76      Le requérant fait valoir que les erreurs présentes dans la note sur la deuxième lecture du Parlement étaient de nature à fausser le résultat du concours, ce qui constituerait une violation du principe d’égalité de traitement ainsi que de celui de bonne administration.

77      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le principe d’égalité de traitement, principe général du droit communautaire, n’est violé, selon une jurisprudence constante, que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et du 28 juin 1990, Hoche, C‑174/89, Rec. p. I‑2681, point 25 ; dans le même sens, arrêts du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T‑100/92, RecFP p. I‑A‑83 et II‑275, point 50, et du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 309).

78      Par ailleurs, en vertu des principes de bonne administration et d’égalité de traitement, il incombe aux institutions communautaires d’assurer à tous les candidats à un concours un déroulement le plus serein et régulier possible des épreuves. À cette fin, l’administration est tenue de veiller à la bonne organisation du concours et, en particulier, à ce que le matériel distribué aux candidats soit soigneusement préparé (voir, en ce sens, les arrêts du Tribunal du 9 novembre 1999, Papadeas/Comité des régions, T‑102/98, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1091, point 68 ; Torre e.a./Commission, point 65 supra, point 46, et Felix/Commission, point 65 supra, point 45).

79      Il y a toutefois lieu de rappeler qu’une irrégularité intervenue pendant le déroulement des épreuves d’un concours n’affecte la légalité desdites épreuves que si elle est de nature substantielle et susceptible de fausser les résultats de celles-ci. Lorsqu’une telle irrégularité intervient, il incombe à l’institution défenderesse de prouver que celle-ci n’a pas affecté les résultats des épreuves (voir jurisprudence citée au point 65 ci-dessus).

80      Dès lors, il convient d’examiner si, selon ces critères, la double mention de l’amendement n° 52 dans toutes les versions linguistiques, d’une part, et les erreurs figurant dans la version espagnole, d’autre part, constituent une violation du principe d’égalité de traitement et de celui de bonne administration.

–       Sur la double mention de l’amendement n° 52

81      Il y a lieu de relever d’emblée que la simple présence de l’erreur en question, c’est-à-dire la double mention de l’amendement n° 52, n’est pas susceptible d’avoir placé les candidats dans des situations différentes, précisément puisqu’elle figurait dans toutes les versions linguistiques.

82      Quant à l’argument du requérant selon lequel il a été discriminé par rapport aux candidats qui ne se sont pas aperçus de cette erreur, il convient de souligner que le requérant n’a aucunement démontré que les autres candidats n’ont pas remarqué cette imprécision.

83      D’ailleurs, l’importance du paragraphe sur la position de la Commission, où cette erreur figurait, est modeste, étant donné que l’essentiel du travail à effectuer par les candidats devait se focaliser sur l’analyse des divergences entre les positions du Conseil et du Parlement. De surcroît, à l’intérieur de ce paragraphe, le poids de la double mention du chiffre 52 est minime, comme, au total, il y a 50 amendements.

84      En outre, le Tribunal estime que la double mention de l’amendement n° 52 peut être perçue comme une des difficultés de l’épreuve que les candidats devaient surmonter. Le fait que la note sur la deuxième lecture est un document réellement traité par le Conseil souligne que de telles imprécisions peuvent être rencontrées et, dès lors, doivent être traitées par les fonctionnaires du SGC au cours de leur travail. Les candidats pouvaient donc facilement indiquer dans leurs notes à l’intention du président du Coreper que le document de travail contenait cette erreur minime, s’ils considéraient qu’elle méritait d’être mentionnée.

85      À la lumière de ces considérations, il convient de conclure que la double mention de l’amendement n° 52 ne pouvait pas placer les candidats dans des situations différentes et qu’elle ne saurait être considérée comme une erreur substantielle susceptible de fausser le résultat du concours.

86      Compte tenu de cette nature pratiquement négligeable de l’erreur en cause, ne saurait être retenu, non plus, l’argument du requérant selon lequel les instructions des membres du jury de ne pas trop focaliser sur cet amendement l’auraient placé dans une situation différente des autres candidats d’une façon qui pourrait mettre en cause la validité du concours.

–       Sur les erreurs présentes uniquement dans la version espagnole de la documentation

87      À titre liminaire, il convient de rappeler que le requérant, candidat de langue italienne, n’a pas travaillé sur la base de la documentation espagnole, ce qui implique que les erreurs présentes dans cette version linguistique ne pouvaient pas le mettre dans une situation désavantageuse par rapport aux autres candidats. Par conséquent, l’existence d’une discrimination à son égard lors de la rédaction de l’épreuve A.1 est exclue.

88      Quant à l’argument du requérant selon lequel le jury a surévalué les candidats de langue espagnole en raison des erreurs figurant dans cette version linguistique de la documentation, ce qui constituerait une discrimination envers tout autre candidat, le requérant admet lui-même que le seul élément qu’il invoque à l’appui de cette thèse, c’est-à-dire le nombre élevé des candidats de langue espagnole admis à l’épreuve orale, est de nature purement statistique.

89      À cet égard, il y a lieu de relever qu’en l’absence d’éléments concrets, les seules indications statistiques ne sauraient suffire pour établir que le jury de concours a appliqué un critère discriminatoire au cours du déroulement d’un concours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 juillet 1988, Simonella/Commission, 164/87, Rec. p. 3807, point 24).

90      Dès lors, le Tribunal constate que le requérant n’a pas apporté la preuve qu’il a subi une discrimination en raison des erreurs dans la version espagnole de la note sur la deuxième lecture.

91      Quant à l’argument du requérant selon lequel la présence d’erreurs dans la version espagnole constituerait une violation du principe de bonne administration, il convient de réitérer que seules les irrégularités substantielles ou susceptibles de fausser le résultat du concours, à l’égard desquelles l’AIPN n’a pas apporté la preuve d’un remède effectif, peuvent constituer une violation dudit principe.

92      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord si le Conseil a apporté la preuve que les erreurs uniquement présentes dans la version espagnole n’ont pas affecté les résultats du concours.

93      À cet égard, le Conseil souligne qu’une heure et vingt minutes après le début de l’épreuve, ces erreurs ont été découvertes et les membres du jury ont alors signalé leur présence à tous les candidats espagnols. Il restait alors encore une heure et quarante minutes aux candidats pour préparer le compte rendu et la note d’information.

94      Le fait que l’influence de l’erreur ainsi corrigée sur la rédaction de l’épreuve par les candidats de langue espagnole soit négligeable, voire inexistante, ressort également du fait que la note à l’intention des membres du jury sur le déroulement des épreuves écrites ne mentionne aucun grief de la part des candidats de langue espagnole et aucun de ces derniers n’a introduit de recours visant à l’annulation du concours.

95      Dès lors, le Tribunal considère qu’avec l’intervention décrite ci-dessus, le Conseil a effectivement remédié à la présence d’erreurs dans les documents distribués lors de l’épreuve écrite en cause et apporté la preuve que ces dernières n’ont pas affecté les résultats du concours. Dans ces conditions, il n’y a pas davantage lieu d’examiner si ces erreurs étaient substantielles et/ou de nature à affecter, dans une hypothèse de défaut de remède, ces résultats.

96      À la lumière de ce qui précède, il convient de conclure que la présence d’erreurs dans les documents de travail n’ont pas porté atteinte aux principes de bonne administration et d’égalité de traitement.

 Sur la composition du jury

 Arguments des parties

97      Le requérant fait observer qu’aucun des membres du jury ne maîtrisait l’italien et que, par conséquent, le jury s’est entièrement reposé sur les deux assesseurs italiens. Le requérant en conclut que le jury n’a pas été en mesure de garder en dernière instance le contrôle des opérations, comme il aurait dû, selon l’article 3 de l’annexe III du statut. Selon le requérant, ces irrégularités constituent une violation du principe de non-discrimination, car il est probable que les candidats de langue italienne aient été traités différemment des autres candidats.

98      En outre, le requérant soutient que l’un des deux assesseurs italiens, pour lequel le requérant avait travaillé en tant que secrétaire personnel pendant une période de deux ans, lui a indiqué qu’il a reconnu son épreuve grâce à son écriture. Cette indication mettrait en doute l’allégation du Conseil selon laquelle les épreuves ont été corrigées de façon anonyme.

99      Le Conseil conteste les arguments du requérant, en affirmant que les méthodes de correction étaient les mêmes pour tous les candidats et que le jury a conservé le pouvoir d’appréciation final.

 Appréciation du Tribunal

100    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 3, troisième alinéa, de l’annexe III du statut, « [l]e jury peut faire appel, pour certaines épreuves, à un ou plusieurs assesseurs ayant voix consultative ».

101    En outre, selon une jurisprudence constante, le jury peut recourir à l’assistance d’assesseurs dans tous les cas où il estime cette assistance nécessaire. La régularité des opérations est respectée dès lors que les méthodes de correction ne diffèrent pas selon les candidats et que le jury conserve le pouvoir d’appréciation final (arrêts du Tribunal Gallone/Conseil, point 41 supra, point 28 ; du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T‑153/95, RecFP p. I‑A‑233 et II‑663, point 26, et du 27 mars 2003, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑33/00, RecFP p. I‑A‑105 et II‑541, point 58).

102    Par ailleurs, il y a lieu d’observer que les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats ainsi que les décisions par lesquelles le jury constate l’échec d’un candidat à une épreuve constituent l’expression d’un jugement de valeur. Elles s’insèrent dans le large pouvoir d’appréciation dont dispose le jury et ne sauraient être soumises au contrôle du juge communautaire qu’en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury (arrêts du Tribunal Papadeas/Comité des régions, point 78 supra, point 54 ; du 23 mars 2000, Gogos/Commission, T‑95/98, RecFP p. I‑A‑51 et II‑219, point 36, et Felix/Commission, point 65 supra, point 36).

103    En l’espèce, les deux assesseurs italiens ont procédé à la première évaluation des épreuves écrites des candidats de langue italienne sur la base du modèle d’évaluation utilisé par tous les membres du jury et tous les assesseurs linguistiques. Le Conseil a présenté une copie de ce modèle d’évaluation au cours de la procédure devant le Tribunal. Ensuite, ces premières évaluations faites par les assesseurs italiens ont été vérifiées par deux membres du jury. Le Conseil a précisé, que, bien que le jury n’eût pas de membre ayant l’italien comme langue maternelle, plusieurs membres du jury étaient suffisamment compétents en italien pour procéder à une telle vérification.

104    En ce qui concerne l’appréciation finale, les deux membres du jury qui ont vérifié la première évaluation faite par les assesseurs italiens ont présenté l’évaluation de ces derniers à tous les autres membres du jury. Les assesseurs italiens étaient présents lors de la réunion du jury, à titre consultatif. Le jury a alors procédé à une évaluation comparative finale de tous les candidats en même temps.

105    Le Tribunal considère qu’en suivant cette procédure, surtout en utilisant un modèle commun d’évaluation pour toutes les langues, le Conseil a pleinement respecté l’exigence selon laquelle les méthodes de correction à l’égard de tous les candidats soient les mêmes. Aussi, compte tenu du fait que l’appréciation comparative finale de toutes les épreuves avait lieu après l’évaluation achevée par les assesseurs linguistiques, qui avait d’ailleurs déjà été vérifiée par deux autres membres du jury, le requérant ne saurait valablement prétendre que le jury a perdu son pouvoir d’appréciation finale.

106    À la lumière de ces circonstances, il convient de constater que l’allégation du requérant selon laquelle le fait que le jury n’avait pas de membre italien aurait entraîné des irrégularités dans le déroulement du concours Conseil/A/270 est dénuée de tout fondement.

107    Quant à l’allégation du requérant selon laquelle un des assesseurs linguistiques italiens a reconnu son écriture, il importe de relever que le requérant n’a pas prétendu que cette reconnaissance aurait influencé l’appréciation de son épreuve. Cette circonstance ne saurait donc être considérée comme une irrégularité ayant affecté les résultats du concours.

 Sur l’absence de critères non discriminatoires et de transparence lors de l’évaluation des épreuves écrites

 Arguments des parties

108    Le requérant indique, dans sa requête, que l’on peut déduire de la lettre du 30 octobre 2003 du président du jury qu’aucune évaluation n’a été entreprise en ce qui concerne son épreuve. Il réitère cette allégation dans la réplique en considérant que le « Conseil laisse en suspens la question de savoir s’il dispose ou non d’une version corrigée de son épreuve ». Il en tire la conclusion qu’en se comportant de cette manière, le Conseil confirme implicitement qu’il n’existe pas, en fait, de version corrigée de l’épreuve A.1 du requérant.

109    Le requérant relève également que le Conseil confirme dans son mémoire en défense qu’aucune fiche d’évaluation n’a été utilisée dans le cadre du concours Conseil/A/270, ce qui entraîne un manque de transparence. Il en déduit, aussi, que le jury et les assesseurs ont évalué les épreuves des candidats sans noter leurs observations, remarques et cotations, et sans aucune règle ou critère s’appliquant à l’ensemble des candidats.

110    Le requérant fait valoir qu’il ressort de la jurisprudence communautaire que le jury doit être en mesure de comparer l’ensemble des candidats et que le principe d’égalité de traitement doit être respecté scrupuleusement. Le requérant considère que, compte tenu du poids excessif que le jury a donné à l’appréciation et à l’avis des assesseurs, l’absence d’une fiche d’évaluation signifie que le jury n’a pas exercé un contrôle effectif de l’épreuve du requérant. Cette omission affecte également, selon le requérant, l’exercice par le Tribunal de son contrôle juridictionnel de l’épreuve.

111    Par ailleurs, le requérant estime que la politique supposée du Conseil consistant à ne remettre que les versions non corrigées et les fiches d’évaluation aux participants à un concours ne correspond pas à la position défendue par le Conseil dans l’affaire 2097/2002/GG devant le Médiateur européen et entraîne une absence de transparence.

112    Il rappelle que le Médiateur européen a adressé une recommandation écrite au Conseil, dans laquelle il a considéré que le refus du Conseil de permettre au plaignant d’accéder à son épreuve corrigée était un exemple de mauvaise administration. Le requérant fait observer que le Médiateur européen a estimé que la règle prévue par l’article 6 de l’annexe III du statut, selon laquelle « les travaux du jury sont secrets », n’implique pas nécessairement que le candidat soit empêché d’avoir accès à sa copie d’examen corrigée. Il souligne, en particulier, que le Conseil a accepté cette recommandation dans sa totalité.

113    Le requérant fait aussi valoir que le Conseil a noté, à propos de l’acceptation de la recommandation du Médiateur européen dans l’affaire 2097/2002/GG, que, « compte tenu du statut et de l’arrêt rendu récemment par le Tribunal de première instance dans l’affaire T‑72/01, la communication de ces documents ne pouvait être considérée comme violant le principe de secret inhérent aux travaux du jury ».

114    Le Conseil conteste les arguments du requérant et estime que le jury a respecté le principe d’égalité de traitement et qu’il n’y a pas eu de manque de transparence.

 Appréciation du Tribunal

115    Le requérant reproche au Conseil le fait qu’aucune évaluation de son épreuve n’a été faite et que le jury ne disposait d’aucune fiche d’évaluation, ce qui rendait impossible l’application des critères non discriminatoires aux épreuves et a entraîné une absence de transparence. Il soutient que le fait que le Conseil a refusé de lui transmettre une copie notée de son épreuve a également causé un manque de transparence.

116    En réponse aux questions du Tribunal, le Conseil a précisé qu’il n’existe pas une seule version corrigée de l’épreuve du requérant, étant donné que l’un des assesseurs italiens a apposé ses commentaires directement sur la feuille de l’épreuve tandis que l’autre a mis ces observations sur une feuille séparée. À la suite d’une demande du Tribunal, le Conseil a déposé ces documents au greffe du Tribunal.

117    Le Conseil ayant ainsi démontré que l’épreuve du requérant a été corrigée, l’allégation du requérant niant cette correction doit être rejetée comme non fondée.

118    Quant à l’argument du requérant tiré de l’absence de fiche d’évaluation, il y a lieu de relever qu’il n’existe pas, pour un jury de concours, d’obligation d’établir une fiche d’évaluation pour la correction des épreuves écrites. De plus, le Conseil a démontré que le jury avait utilisé un modèle standard pour l’évaluation de toutes les épreuves.

119    Dans ces circonstances, il convient de conclure que le requérant n’a pas prouvé son allégation selon laquelle le jury et les assesseurs ont évalué les épreuves sans aucune règle ou critère s’appliquant à l’ensemble des candidats. Par conséquent, il n’a démontré l’existence d’aucune violation des règles présidant aux travaux du jury.

120    Quant au grief du requérant relatif à la non-communication de la version corrigée de son épreuve, le Tribunal estime que cette allégation doit être examinée sous l’angle des règles relatives à l’accès aux documents, par lesquelles la notion de transparence se traduit dans le droit communautaire.

121    L’article 255, paragraphe 1, CE, aux termes duquel « [t]out citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément aux paragraphes 2 et 3 », et le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), qui a été adopté sur la base de l’article 255, paragraphe 2, CE afin de déterminer les principes généraux qui régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents, constituent des normes de caractère général qui s’appliquent à tous les citoyens de l’Union européenne. Ces textes eux-mêmes prévoient des limites au droit d’accès aux documents des institutions concernées, notamment pour des raisons d’intérêt public (arrêt du Tribunal du 17 septembre 2003, Alexandratos et Panagiotou/Conseil, T‑233/02, RecFP p. I‑A‑201 et II‑989, point 36).

122    Comme toute norme de caractère général, le droit d’accès aux documents du Conseil prévu par les dispositions précitées peut être limité ou exclu - selon le principe suivant lequel la règle spéciale déroge à la règle générale (lex specialis derogat legi generali) - lorsqu’il existe des normes spéciales qui régissent des matières spécifiques.

123    À cet égard, il convient de relever que l’article 6 de l’annexe III du statut, adopté sur la base de l’article 283 CE et qui vise de manière spécifique la procédure de concours, dispose que « [l]es travaux du jury sont secrets ». Ainsi que la Cour a déjà eu l’occasion de l’indiquer, ce secret a été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences ou pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration communautaire elle-même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s’oppose dès lors tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous les éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (arrêt de la Cour du 28 février 1980, Bonu/Conseil, 89/79, Rec. p. 553, point 5 ; Parlement/Innamorati, point 18 supra, point 24, et Martínez Páramo e.a./Commission, point 101 supra, point 44).

124    Il s’ensuit que le requérant ne peut valablement se fonder sur la notion de transparence pour mettre en cause l’applicabilité de l’article 6 de l’annexe III du statut (arrêt du Tribunal du 23 janvier 2003, Angioli/Commission, T‑53/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑73, point 84).

125    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que le Conseil, dans l’affaire 2097/2002/GG, en acceptant la recommandation du Médiateur européen, a transmis une copie notée à la plaignante.

126    Il faut rappeler que le Conseil ne s’est aucunement engagé par l’acceptation de la recommandation du Médiateur européen dans l’affaire 2097/2002/GG à une divulgation future systématique des épreuves notées, la portée de cette décision du Conseil ayant été limitée au cas d’espèce. De même, lorsque le Conseil a déclaré, en réponse à la recommandation du Médiateur européen, que, « compte tenu du statut et de l’arrêt rendu récemment par le Tribunal de première instance dans l’affaire T‑72/01, la communication de ces documents ne pouvait être considérée comme violant le principe de secret inhérent aux travaux du jury », le Conseil a exprimé son avis que cet arrêt (arrêt du Tribunal du 25 juin 2003, Pyres/Commission, T‑72/01, RecFP p. I‑A‑169 et II‑861) permettait au Conseil de transmettre au candidat une copie notée, ce qui n’entraîne nullement que le Conseil ait reconnu une telle obligation à sa charge dans des cas similaires.

127    Au vu de ce qui précède, il convient de constater que le requérant n’a démontré ni une violation du principe d’égalité de traitement lors de l’évaluation des épreuves ni une absence de transparence.

128    Dans ces circonstances, les deuxième, troisième et quatrième moyens du requérant doivent être rejetés.

 Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En l’espèce, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2005.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.