Language of document : ECLI:EU:T:2024:137

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

28 février 2024  (*)

« Recours en annulation et en indemnité – Droit institutionnel – Règlement (UE) 2017/1939 – Nomination des procureurs européens délégués du Parquet européen – Refus de nomination de l’un des candidats désignés par la [confidentiel]1 Données confidentielles occultées. – Délai de recours – Acte confirmatif – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑442/22,

PU, représenté par Mes P. Yatagantzidis et D. Tsarapatsanis, avocats,

partie requérante,

contre

Parquet européen, représenté par MM. L. De Matteis, F.-R. Radu et Mme C. Charalambous, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia (rapporteure), présidente, MM. M. Jaeger et L. Madise, juges,

greffier : M. A. Marghelis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 19 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours, le requérant, PU, demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, en substance, l’annulation, en tant qu’elles le concernent, de la décision no 90/2021 du Parquet européen, du 8 [confidentiel], portant rejet de sa candidature ainsi que de celle d’un autre candidat, A, aux fonctions de procureurs européens délégués dans [confidentiel] (ci-après la « décision attaquée du 8 [confidentiel]»), de la décision no 15/2022 du Parquet européen, du 23 [confidentiel], portant rejet de la réclamation introduite par lui et A contre la décision attaquée du 8 [confidentiel] (ci-après la « décision attaquée du 23 [confidentiel]») et de la décision no 21/2022 du Parquet européen, du 30 [confidentiel], portant nomination de deux procureurs européens délégués de [confidentiel] (ci-après la « décision attaquée du 30 [confidentiel]») (ci-après, prises ensemble, les « trois décisions attaquées ») et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation du préjudice qu’il aurait subi.

 Antécédents du litige

2        Le 12 octobre 2017, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (UE) 2017/1939, mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (JO 2017, L 283, p. 1).

3        En ce qui concerne la nomination des procureurs européens délégués, l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2017/1939 prévoit que le collège du Parquet européen nomme les procureurs européens délégués désignés par les États membres et peut refuser de nommer la personne désignée si celle-ci ne remplit pas les critères visés au paragraphe 2. Aux termes de ce dernier paragraphe, à compter de leur nomination aux fonctions de procureur européen délégué et jusqu’à leur révocation, les procureurs européens délégués doivent être des membres actifs du ministère public ou du corps judiciaire de l’État membre qui les a désignés et ils doivent offrir toutes les garanties d’indépendance, disposer des qualifications requises et posséder une expérience pratique pertinente de leur ordre juridique national.

4        Il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision n° 13/2020 du collège du Parquet européen, du 16 novembre 2020, établissant les règles relatives à la procédure de nomination des procureurs européens délégués que le chef du Parquet européen doit vérifier, sur la base des documents produits par l’État membre concerné, si le procureur européen délégué désigné par l’autorité nationale compétente remplit les conditions d’éligibilité prévues à l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2017/1939. Selon l’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision, si les documents fournis ne sont pas suffisants pour l’examen, le chef du Parquet européen doit demander des informations complémentaires à l’État membre.

5        L’article 3 de la décision n° 13/2020 prévoit que, si les informations produites conformément à l’article 1er de cette décision ne sont pas suffisantes pour conclure à l’éligibilité de la personne désignée, le chef du Parquet européen demande à un groupe de travail constitué de procureurs européens désignés par le collège du Parquet européen d’obtenir des informations additionnelles afin de vérifier si ladite personne remplit les critères d’éligibilité. En vertu du paragraphe 2 de ce même article 3, le groupe de travail demande au candidat de fournir toute information additionnelle et/ou peut l’auditionner, avant d’adresser un avis au chef du Parquet européen. Selon cette même disposition, le groupe de travail consulte le procureur européen de l’État membre qui a désigné le procureur européen délégué.

6        Selon l’article 4 de la décision no 13/2020, le collège prend sa décision sur la proposition du chef du Parquet européen sur la base des documents fournis par l’État membre et/ou le procureur européen délégué qui est désigné par cet État, ainsi que de l’avis du groupe de travail, le cas échéant. La décision du collège est communiquée à l’État membre et au procureur européen délégué désigné par cet État. Lorsque la candidature est rejetée, la décision doit être motivée en indiquant les critères d’éligibilité qui ne sont pas remplis.

7        En l’espèce, par un appel à candidatures publié le 31 mars 2021, [confidentiel] a lancé une procédure de sélection en vue de la désignation de sept procureurs européens délégués pour la [confidentiel]. Parmi ces sept postes, quatre devaient être pourvus par des procureurs affectés à une juridiction de premier degré, deux par des procureurs affectés à une juridiction de second degré et un par un procureur près [confidentiel].

8        Le requérant s’est porté candidat au poste de procureur européen délégué pour la [confidentiel].

9        Le conseil supérieur de la magistrature de [confidentiel] (ci‑après le « conseil supérieur de la magistrature ») a convoqué les candidats possédant les qualifications requises, dont le requérant, à un entretien, qui s’est déroulé le 6 mai 2021.

10      Par décision no 34/2021, du 6 mai 2021, le conseil supérieur de la magistrature a désigné sept procureurs comme candidats aux fonctions de procureurs européens délégués du Parquet européen pour la [confidentiel], dont faisait partie le requérant, lequel a été affecté à une juridiction de second degré.

11      Le 10 mai 2021, les sept procureurs désignés comme candidats par la décision du conseil supérieur de la magistrature ont envoyé, par l’intermédiaire du ministère de la Justice [confidentiel], un résumé de leur curriculum vitae et une lettre de motivation au Parquet européen.

12      Le 17 mai 2021, le collège du Parquet européen a adopté la décision no 47/2021, portant nomination de cinq procureurs européens délégués du Parquet européen pour la [confidentiel], parmi lesquels ne figurait pas le requérant. Par cette décision, le collège du Parquet européen a nommé cinq des sept procureurs désignés comme candidats par la décision du conseil supérieur de la magistrature.

13      Par lettre du 19 mai 2021, le groupe de travail chargé de connaître la situation du requérant conformément à l’article 3 de la décision no 13/2020 tel que rappelé au point 5 ci-dessus (ci‑après le « groupe de travail ») a demandé à celui‑ci de fournir des informations complémentaires au motif que « les informations contenues dans le curriculum vitae et la lettre d’intérêt ne suffis[aient] pas pour permettre au collège […] de parvenir à une conclusion quant à la question de savoir s’il [était] satisfait aux critères de sélection de l’article 17, paragraphe 2, du règlement [2017/1939] ». Le requérant a déféré à cette demande.

14      Par lettre du 4 juin 2021, le groupe de travail a proposé au requérant d’organiser un entretien oral afin d’acquérir une meilleure compréhension de son expérience pratique. Le requérant a accepté cette proposition et l’entretien a eu lieu le 28 juin 2021 par visioconférence.

15      Par avis motivé du 3 août 2021, le groupe de travail a émis l’avis que le requérant ne satisfaisait pas aux critères de sélection de l’article 17 du règlement 2017/1939.

16      Le collège du Parquet européen a adopté la décision attaquée du 8 [confidentiel], laquelle a été notifiée au requérant le [confidentiel].

17      Le 3 décembre 2021, le requérant et A ont introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), devant le collège du Parquet européen, à l’encontre de la décision attaquée du 8 [confidentiel].

18      Le collège du Parquet européen a adopté la décision attaquée du 23 [confidentiel], laquelle a été notifiée au requérant le 2 [confidentiel].

19      Le collège du Parquet européen a adopté la décision attaquée du 30 [confidentiel].

 Conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 juillet 2022, le requérant a introduit le présent recours.

21      Le requérant a présenté des conclusions en annulation sur le fondement, à titre principal, de l’article 270 TFUE et, à titre subsidiaire, de l’article 263 TFUE ainsi que des conclusions en indemnité sur le fondement des articles 268 et 340 TFUE. À l’audience, le requérant s’est désisté de ses conclusions présentées sur le fondement de l’article 270 TFUE.

22      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les trois décisions attaquées ;

–        annuler tout autre acte connexe ou toute omission des organes du Parquet européen ;

–        condamner le Parquet européen à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner le Parquet européen aux dépens.

23      Le Parquet européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la demande en annulation irrecevable ou non fondée ;

–        rejeter la demande en indemnité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

24      Le Parquet européen conteste la recevabilité du recours en annulation en ce qui concerne les trois décisions attaquées.

25      Le requérant soutient que son recours en annulation introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE contre les trois décisions attaquées est recevable.

26      Le requérant soutient que la décision attaquée du 8 [confidentiel] ne contient aucune indication quant à la procédure et aux délais selon et dans lesquels il aurait pu contester cette décision. Il ajoute que la date de notification de la décision attaquée du 23 [confidentiel], à savoir le 2 [confidentiel], constitue la date à partir de laquelle le délai pour former un recours contre cette décision a commencé à courir et qu’il a un intérêt à agir contre les trois décisions attaquées, étant donné que seule leur annulation « en bloc » permettrait le nouvel examen de sa candidature aux fins d’être nommé procureur européen délégué pour la [confidentiel]. L’annulation de la décision attaquée du 23 [confidentiel] entraînerait l’annulation de la décision attaquée du 8 [confidentiel] et de la décision attaquée du 30 [confidentiel].

27      Il ajoute que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 13 juin 2022, Mendes de Almeida/Conseil (T‑334/21, EU:T:2022:375), il a invoqué expressément l’article 263 TFUE et que le droit à une protection juridictionnelle effective devrait conduire à reconnaître la recevabilité de son recours au titre de l’article 263 TFUE.

28      Le requérant soutient enfin que la décision attaquée du 30 [confidentiel] le concerne directement et individuellement, au motif que cette décision n’aurait pas pu être prise si la décision attaquée du 23 [confidentiel] ne l’avait pas été. Les trois décisions attaquées formeraient une unité logique et factuelle. Elles le concerneraient toutes directement et individuellement.

29      À cet égard, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance.

30      En outre, conformément à l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

31      Selon une jurisprudence constante, les délais de recours au titre de l’article 263 TFUE sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge (voir ordonnance du 25 octobre 2007, Estaser El Mareny/Commission, T‑274/06, non publiée, EU:T:2007:323, point 40 et jurisprudence citée).

32      C’est à la lumière de ces dispositions qu’il convient d’examiner, en l’espèce, la recevabilité du recours en ce qui concerne successivement les trois décisions attaquées.

 Décision attaquée du 8 [confidentiel]

33      Dans la mesure où il est constant que la décision attaquée du 8 [confidentiel]a été notifiée au requérant le [confidentiel], celui-ci devait introduire son recours en annulation dans le délai de deux mois et dix jours suivant cette date, conformément aux dispositions visées aux points 29 et 30 ci-dessus.

34      C’est donc de manière tardive qu’il a déposé sa requête le 12 juillet 2022.

35      Le présent recours est donc irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la décision attaquée du 8 [confidentiel].

 Décision attaquée du 23 [confidentiel]

36      Il convient de rappeler qu’il résulte des termes mêmes de l’article 263 TFUE, comme de son objet qui est d’assurer la sécurité juridique, que l’acte qui n’a pas été attaqué dans le délai de recours devient définitif. Ce caractère définitif concerne non seulement l’acte lui-même, mais aussi tout acte ultérieur qui aurait un caractère purement confirmatif (arrêts du 18 octobre 2007, Commission/Parlement et Conseil, C‑299/05, EU:C:2007:608, point 29 ; du 2 octobre 2009, Chypre/Commission, T‑300/05 et T‑316/05, non publié, EU:T:2009:380, point 258, et ordonnance du 28 juin 2018, TL/CEPD, T‑452/17, non publiée, EU:T:2018:418, point 24).

37      Selon une jurisprudence constante, un acte est purement confirmatif d’un acte antérieur s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à l’acte antérieur (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C‑224/12 P, EU:C:2014:213, point 69 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission, C‑351/20 P, EU:C:2022:8, point 49) et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de ce dernier acte (ordonnance du 28 juin 2018, TL/CEPD, T‑452/17, non publiée, EU:T:2018:418, point 25 ; voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 44).

38      Par ailleurs, il y a également lieu d’apprécier le caractère de l’acte attaqué par rapport à la nature de la demande à laquelle cet acte constitue une réponse (voir arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 45 et jurisprudence citée ; ordonnance du 28 juin 2018, TL/CEPD, T‑452/17, non publiée, EU:T:2018:418, point 26).

39      Toutefois, il ne saurait être admis qu’une simple vérification des éléments de fait et de droit ayant justifié l’adoption d’un acte, entreprise par l’auteur de cet acte avant de confirmer une nouvelle fois son contenu, constitue un réexamen au sens de la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus (arrêt du 13 novembre 2014, Espagne/Commission, T‑481/11, EU:T:2014:945, point 33, et ordonnance du 28 juin 2018, TL/CEPD, T‑452/17, non publiée, EU:T:2018:418, point 27).

40      Il découle de cette jurisprudence qu’un acte est regardé comme adopté après réexamen de la situation, ce qui exclut son caractère confirmatif, lorsque cet acte a été adopté soit à la demande de l’intéressé, soit de la propre initiative de son auteur, sur la base de faits nouveaux et substantiels. En revanche, si les éléments de fait et de droit sur lesquels repose le nouvel acte ne sont pas différents de ceux ayant justifié l’adoption de l’acte précédent, ce nouvel acte est purement confirmatif de l’acte précédent (arrêt du 13 novembre 2014, Espagne/Commission, T‑481/11, EU:T:2014:945, points 36 et 37, et ordonnance du 28 juin 2018, TL/CEPD, T‑452/17, non publiée, EU:T:2018:418, point 28).

41      Un élément doit être qualifié de nouveau tant lorsque cet élément n’existait pas au moment de l’adoption de l’acte antérieur que lorsqu’il s’agit d’un élément déjà existant lorsque l’acte antérieur a été adopté, mais qui, pour quelque raison que ce soit, y compris un manque de diligence de l’auteur de ce dernier acte, n’a pas été pris en considération lors de son adoption (arrêts du 13 novembre 2014, Espagne/Commission, T‑481/11, EU:T:2014:945, point 38 ; du 17 novembre 2016, Fedtke/CESE, T‑157/16 P, non publié, EU:T:2016:666, points 19 et 23, et ordonnance du 28 juin 2018, TL/CEPD, T‑452/17, non publiée, EU:T:2018:418, point 29).

42      Pour présenter un caractère substantiel au sens de la jurisprudence susvisée, un élément doit être susceptible de modifier de façon substantielle les conditions qui ont régi l’acte antérieur, tel qu’un élément suscitant des doutes quant au bien-fondé de la solution adoptée par ledit acte (arrêt du 13 novembre 2014, Espagne/Commission, T‑481/11, EU:T:2014:945, point 39, et ordonnance du 28 juin 2018, TL/CEPD, T‑452/17, non publiée, EU:T:2018:418, point 30).

43      Le seul fait qu’une décision n’a pas modifié les termes du dispositif d’une décision précédente ne suffit pas à déclarer le recours irrecevable. En effet, s’il est constant que seul le dispositif d’un acte est susceptible de produire des effets juridiques obligatoires et, par conséquent, de faire grief, il n’en demeure pas moins que le contenu des motifs d’un acte doit être pris en compte pour déterminer ce qui a été arrêté dans le dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal+/Commission, T‑251/00, EU:T:2002:278, point 67).

44      Il s’ensuit qu’une décision ne peut faire l’objet d’un recours en annulation que si, même sans altérer les termes du dispositif d’une décision antérieure, la modification de certains motifs de celle-ci a changé la substance de ce qui a été décidé dans son dispositif, et ce en affectant les intérêts de la partie requérante (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal+/Commission, T‑251/00, EU:T:2002:278, point 68).

45      En l’espèce, il est constant que le délai de recours, tel que prévu par les dispositions visées aux points 29 et 30 ci-dessus, a bien été respecté en ce qui concerne la décision attaquée du 23 [confidentiel], dans la mesure où celle-ci a été notifiée au requérant le 2 [confidentiel] et où le recours a été introduit le 12 juillet 2022. Il convient d’examiner si le Parquet européen a, par la décision attaquée du 23 [confidentiel], pris une nouvelle décision pour ce qui concerne le rejet au fond de la candidature du requérant, qui ne serait pas confirmative de la décision attaquée du 8 [confidentiel].

46      Interrogé à cet égard à l’audience, le requérant a précisé, pour justifier le caractère non confirmatif de la décision attaquée du 23 [confidentiel], que le Parquet européen avait fourni une nouvelle motivation dans cette décision et qu’il avait procédé à une interprétation systématique de l’article 17 du règlement 2017/1939 ainsi qu’à une application de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il indique aussi que l’ordonnance du 8 juillet 2021, Mendes de Almeida/Conseil (T‑75/21, non publiée, EU:T:2021:424), constituait un élément nouveau au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 11 juin 2002, AICS/Parlement (T‑365/00, EU:T:2002:151).

47      Il convient de constater que ces arguments ne sont pas de nature à infirmer le caractère confirmatif de la décision attaquée du 23 [confidentiel] par rapport à la décision attaquée du 8 [confidentiel].

48      En effet, tout d’abord, il ressort des pièces du dossier que le collège du Parquet européen n’a pas pris la décision attaquée du 23 [confidentiel] sur la base d’autres éléments que ceux dont il avait eu connaissance lorsqu’il a pris la décision attaquée du 8 [confidentiel]. La motivation figurant dans la décision attaquée du 23 [confidentiel] répond seulement aux arguments développés par le requérant dans sa réclamation, lesquels ne sauraient être qualifiés d’éléments nouveaux et substantiels. Dans sa réclamation, le requérant n’a d’ailleurs pas communiqué de nouvelles pièces de nature à constituer des éléments nouveaux et substantiels au sens de la jurisprudence rappelée aux points 41 et 42 ci-dessus. En outre, au point 5.15 de la décision attaquée du 23 [confidentiel], s’il est fait mention d’un arrêt rendu postérieurement à la décision attaquée du 8 [confidentiel], celui-ci ne saurait constituer un fait nouveau et, au demeurant, il ne consacre pas une solution différente de la jurisprudence antérieure à ladite décision (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 12 juin 2014, Deltafina/Commission, C‑578/11 P, EU:C:2014:1742, points 74 à 76, et du 20 septembre 2018, Espagne/Commission, C‑114/17 P, EU:C:2018:753, point 39).

49      Ensuite, pour ce qui concerne les points 2 et 3 de la décision attaquée du 23 [confidentiel] qui portent sur la question de l’application des articles 90 à 92 du statut et, plus généralement, la recevabilité de la réclamation, ils sont étrangers à l’appréciation du caractère confirmatif de la décision attaquée du 23 [confidentiel]. Les points 4 à 6 de la décision attaquée du 23 [confidentiel], aux termes desquels le collège a conclu qu’il n’y avait pas lieu de révoquer la décision attaquée du 8 [confidentiel], sont les seuls qu’il convient de prendre en compte en l’espèce aux fins d’établir si la décision attaquée du 23 [confidentiel] pour ce qui concerne le rejet au fond de la candidature du requérant est confirmative de la décision attaquée du 8 [confidentiel].

50      Enfin, s’agissant de l’argument relatif à l’ordonnance du 8 juillet 2021, Mendes de Almeida/Conseil (T‑75/21, non publiée, EU:T:2021:424), qui constitue, selon le requérant, un élément nouveau, il convient de relever que cette ordonnance a été rendue avant la décision attaquée du 8 [confidentiel]. Au demeurant, elle vise implicitement, tout comme le fait de manière plus explicite l’ordonnance du 25 octobre 2022, WO/Parquet européen (T‑603/21, non publiée, EU:T:2022:683), qui a été discutée entre les parties à l’audience, la question de savoir si le contentieux de la nomination des procureurs européens délégués relève des litiges entre l’Union européenne et l’un de ses agents, au sens de l’article 270 TFUE, laquelle est, comme déjà indiqué au point 49 ci-dessus, étrangère à la présente affaire qui porte sur le rejet au fond de la candidature du requérant au poste de procureur européen délégué.

51      Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée du 23 [confidentiel] est, pour ce qui concerne le rejet au fond de ladite candidature, confirmative de la décision attaquée du 8 [confidentiel] et que le recours est donc également irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la décision du 23 [confidentiel].

 Décision attaquée du 30 [confidentiel]

52      S’il est constant que le délai de recours, tel que prévu par les dispositions visées aux points 29 et 30 ci-dessus, a bien été respecté en ce qui concerne la décision attaquée du 30 [confidentiel], il convient toutefois, pour que le recours soit recevable à l’égard d’une telle décision, de vérifier si le requérant est directement et individuellement concerné par celle-ci, dont il n’est pas le destinataire.

53      Il convient de relever que, en l’espèce, la candidature du requérant a été rejetée par la décision attaquée du 8 [confidentiel], confirmée par la décision attaquée du 23 [confidentiel], et que ces deux décisions précèdent la nomination des deux procureurs européens délégués contenue dans la décision attaquée du 30 [confidentiel].

54      À supposer qu’il existe un lien entre la décision attaquée du 30 [confidentiel] et les deux décisions attaquées qui la précèdent et qu’il puisse être dérogé aux droits acquis par les deux procureurs nommés dans la décision attaquée du 30 [confidentiel], la recevabilité du recours contre cette décision est subordonnée à l’annulation de la décision attaquée du 8 [confidentiel], voire de celle du 23 [confidentiel] (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 septembre 2014, Flying Holding e.a./Commission, T‑91/12 et T‑280/12, EU:T:2014:832, point 108 et jurisprudence citée).

55      Ce n’est que si l’une de ces deux décisions était annulée que la décision attaquée du 30 [confidentiel] serait susceptible de produire des effets directs sur la situation juridique du requérant dont la candidature a été rejetée avant le stade précédant la décision de nomination des deux procureurs européens délégués. La demande d’annulation desdites deux décisions ayant été rejetée comme irrecevable (voir points 35 et 51 ci-dessus), la décision attaquée du 30 [confidentiel] n’est pas, en l’espèce, susceptible d’avoir des conséquences juridiques pour le requérant. La décision attaquée du 8 [confidentiel] et la décision attaquée du 23 [confidentiel] font obstacle à ce que le requérant soit directement affecté par la décision attaquée du 30 [confidentiel] (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 septembre 2014, Flying Holding e.a./Commission, T‑91/12 et T‑280/12, EU:T:2014:832, point 109 et jurisprudence citée).

56      Par conséquent, la demande d’annulation de la décision attaquée du 30 [confidentiel] doit également être rejetée comme irrecevable.

57      Par son deuxième chef de conclusions, le requérant demande l’annulation de « tout autre acte connexe ou [toute] omission des organes du Parquet européen ». Or, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38, point 28 et jurisprudence citée, et ordonnance du 9 juin 2016, IREPA/Commission et Cour des comptes, T‑825/14, non publiée, EU:T:2016:345, point 31). En l’espèce, le requérant ne précise pas quels actes sont visés par son deuxième chef de conclusions et ne développe aucune argumentation au soutien de sa demande. Par conséquent, le deuxième chef de conclusions doit être écarté comme étant irrecevable.

 Sur les conclusions indemnitaires

58      Le requérant soutient que les trois conditions nécessaires à l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union sont réunies.

59      Selon lui, la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers est démontrée par la violation du principe d’impartialité et de bonne administration, le non-respect des règles de forme substantielles par le Parquet européen ainsi que la discrimination dont il aurait été victime.

60      S’agissant du préjudice, il invoque une atteinte à sa dignité, des conséquences graves sur sa réputation professionnelle et ses perspectives de carrière ainsi que la publication, en raison de fuites dans les médias, de la décision attaquée du 8 [confidentiel] avec l’intégralité de la motivation figurant dans cette décision.

61      S’agissant du lien de causalité, il considère qu’il existe un lien de causalité direct entre le comportement illégal du Parquet européen et le dommage qu’il aurait subi.

62      Le Parquet européen conteste l’argumentation du requérant.

63      À cet égard, selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16 ; du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106, et du 8 novembre 2011, Idromacchine e.a./Commission, T‑88/09, EU:T:2011:641, point 23).

64      Il convient de rappeler que, s’agissant de la condition relative à l’illégalité du comportement reproché, pour admettre qu’il est satisfait à cette condition, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42 ; du 3 mars 2010, Artegodan/Commission, T‑429/05, EU:T:2010:60, point 52, et du 8 novembre 2011, Idromacchine e.a./Commission, T‑88/09, EU:T:2011:641, point 24). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettant de considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe de l’Union concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ou cet organe ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêt du 8 mars 2023, Sánchez-Gavito León/Conseil et Commission, T‑100/21, non publié, EU:T:2023:109, point 95).

65      Par ailleurs, la Cour a itérativement rappelé que la responsabilité extracontractuelle de l’Union ne saurait être tenue pour engagée sans que soient réunies toutes les conditions auxquelles se trouve ainsi subordonnée l’obligation de réparation définie à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE (voir arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 165 et jurisprudence citée). Le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir arrêt du 21 décembre 2022, Vialto Consulting/Commission, T‑617/17 RENV, non publié, EU:T:2022:851, point 44 et jurisprudence citée).

66      Dans ce cadre, il convient d’ajouter, en ce qui concerne la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, que ledit préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice, alors qu’il n’y a pas d’obligation de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, d’une situation illégale. Il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2023, Klymenko/Conseil, T‑470/21, non publié, EU:T:2023:26, point 110 et jurisprudence citée, et ordonnance du 9 février 2023, Folkertsma/Commission, T‑778/21, non publiée, EU:T:2023:58, point 85 et jurisprudence citée).

67      S’agissant de ladite condition, il convient de relever que, d’une part, en l’espèce, si le requérant a invoqué, dans le cadre de son préjudice, les fuites dans les médias de la décision attaquée du 8 [confidentiel] avec l’intégralité de la motivation figurant dans cette décision, il ne ressort ni du dossier ni des réponses des parties aux questions posées par le Tribunal à l’audience que lesdites fuites seraient imputables au Parquet européen et que ce dernier aurait transmis et publié la décision attaquée du 8 [confidentiel] en violation des règles de communication applicables en la matière. Le requérant n’a, au demeurant, à aucun moment reproché au Parquet européen une illégalité quant à cette transmission et cette publication et n’a pas soutenu, en réponse à une question du Tribunal à l’audience, que le Parquet européen serait à l’origine desdites fuites. Dans ces conditions, le requérant est resté en défaut de démontrer qu’il existerait un lien suffisamment étroit entre le préjudice qu’il invoque et le comportement qu’il reproche au Parquet européen à cet égard.

68      D’autre part, pour ce qui concerne la situation personnelle et professionnelle du requérant, rien dans le dossier ne permet de démontrer que l’atteinte et les conséquences graves invoquées sur cette situation, à supposer qu’elles soient établies, découleraient de la décision attaquée du 8 [confidentiel].

69      Il résulte de ce qui précède que la condition relative au lien de causalité n’est pas remplie. Dès lors, la demande en indemnité doit être rejetée comme non fondée, sans qu’il y ait lieu d’examiner les deux autres conditions relatives à l’illégalité du comportement reproché au Parquet européen et à la réalité du préjudice.

70      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parquet européen, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PU est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Parquet européen.

Porchia

Jaeger

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.