Language of document : ECLI:EU:T:2005:369

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

25 octobre 2005 (*)

« Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Services effectués pour un autre État – Notion de résidence habituelle – Motivation – Principe d’égalité de traitement »

Dans l’affaire T-298/02,

Anna Herrero Romeu, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes J. García-Gallardo Gil-Fournier, J. Guillem Carrau, D. Domínguez Pérez et A. Sayagués Torres, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent, assisté de Mes J. Rivas-Andrés et J. Gutiérrez Gisbert, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 10 juin 2002 refusant à la requérante le bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que des indemnités qui y sont associées,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience des 16 et 17 février 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 69 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), dans sa rédaction applicable à la présente espèce, dispose que l’indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge auxquelles le fonctionnaire a droit.

2        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut :

« L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire est accordée :

a)       au fonctionnaire :

–        qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation

et

–        qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération ;

[…] »

 Faits à l’origine du recours

3        La requérante, de nationalité espagnole, a exercé son activité professionnelle, entre les mois de janvier 1993 et de novembre 2001, au sein de la délégation, à Bruxelles, du Patronat Català Pro Europa (ci-après le « Patronat »), entité chargée de la gestion des intérêts du gouvernement de la communauté autonome de Catalogne (Comunidad Autónoma de Cataluña) auprès des institutions communautaires à Bruxelles, en vertu d’un contrat signé le 15 janvier 1993, avec le Patronat.

4        Le 16 novembre 2001, la requérante est entrée en fonction à la Commission en qualité de fonctionnaire. La période de cinq années mentionnée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut aux fins du bénéfice de l’indemnité de dépaysement, appelée la « période de référence », était, en l’espèce, comprise entre le 16 mai 1996 et le 15 mai 2001.

5        Le 19 novembre 2001, la requérante a eu un entretien avec les services de la direction générale (DG) « Personnel et administration » en vue de déterminer ses droits et de compléter sa fiche personnelle d’entrée en service. Au cours de cette réunion, elle a été informée oralement que le bénéfice de l’indemnité de dépaysement ne pouvait, à titre provisoire, lui être accordé. La fiche personnelle établie à cette date indiquait également que l’indemnité lui était refusée.

6        Le 18 janvier 2002, la requérante a envoyé une note au chef de l’unité « Gestion des droits individuels » de la DG « Personnel et administration » demandant de lui communiquer les dispositions existantes en matière d’indemnités des nouveaux fonctionnaires ayant travaillé auparavant pour des délégations de représentation des régions à Bruxelles. Cette note n’ayant reçu aucune réponse de la part de la Commission, la requérante a réitéré sa demande par lettre du 14 février 2002.

7        Le 14 février 2002, la requérante a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 19 novembre 2001.

8        Par décision du 10 juin 2002, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation de la requérante. Il ressort de cette décision que l’indemnité de dépaysement et les indemnités qui y sont associées ont été refusées à la requérante en application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, au motif qu’elle avait habité et exercé son activité professionnelle à Bruxelles pendant la période de cinq ans expirant six mois avant son entrée en fonctions. Plus particulièrement, l’AIPN a considéré que son activité professionnelle au service du Patronat ne pouvait être assimilée à des « services effectués pour un autre État » au sens de l’exception prévue audit article 4 et, dès lors, pouvait être prise en considération.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er octobre 2002, la requérante a introduit le présent recours.

10      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties ainsi que le Royaume d’Espagne à produire certains documents et à répondre à des questions écrites. Les parties et le Royaume d’Espagne ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

11      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience des 16 et 17 février 2005.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 10 juin 2002 lui refusant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement et des indemnités qui y sont associées ;

–        condamner la Commission à l’ensemble des dépens, y compris les frais occasionnés par la phase administrative de la procédure.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante au paiement de ses propres dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

14      Bien que les conclusions de la requérante visent à l’annulation de la décision de la Commission du 10 juin 2002 rejetant la réclamation introduite le 14 février 2002, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 19 novembre 2001, le présent recours a pour effet, conformément à une jurisprudence constante, de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêts du Tribunal du 9 juillet 1997, Echauz Brigaldi e.a./Commission, T-156/95, RecFP p. I-A-171 et II-509, point 23, et du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T-300/97, RecFP p. II-1263, point 30). Il en résulte que le présent recours tend également à l’annulation de la décision de la Commission du 19 novembre 2001 refusant à la requérante le bénéfice de l’indemnité de dépaysement et des indemnités qui y sont associées. 

 Sur l’indemnité de dépaysement

15      La requérante invoque, en substance, quatre moyens à l’appui de son recours. Par son premier moyen, elle fait valoir la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. Le deuxième moyen est tiré de l’erreur d’appréciation des faits. Le troisième moyen est pris de la violation de l’obligation de motivation. Enfin, le quatrième moyen est fondé sur la violation du principe d’égalité de traitement. 

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut

–       Arguments des parties

16      La requérante soutient qu’elle a droit à l’indemnité de dépaysement et que la Commission a erronément interprété l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. Son activité professionnelle au sein du Patronat à Bruxelles devrait être considérée comme des « services effectués pour un autre État », en l’occurrence, l’État espagnol et, partant, cette période de travail devrait être « neutralisée » par l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut et ne pas être prise en compte pour la détermination de la période de référence.

17      En premier lieu, la requérante prétend que la jurisprudence de la Cour a établi une notion communautaire d’État qui respecte partiellement le concept d’État, tel qu’il est prévu dans l’ordre juridique interne de chaque État membre. Ainsi, la Cour aurait considéré que les autorités publiques intégrant la notion d’État seraient tant le gouvernement central que les autorités juridictionnelles et législatives, les entités décentralisées et même certains organismes considérés comme des émanations de l’État (arrêts de la Cour du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723, et du 10 mars 1987, Commission/Italie, 199/85, Rec. p. 1039). En outre, la Cour aurait précisé que l’État remplit aussi bien des fonctions traditionnelles de souveraineté ou d’autorité que des fonctions d’interventionnisme économique, qui seraient exercées tant par les autorités publiques que par des organismes de droit public ou de droit privé (arrêts de la Cour du 17 décembre 1980, Commission/Belgique, 149/79, Rec. p. 3881, et du 30 janvier 1985, Commission/France, 290/83, Rec. p. 439).

18      En deuxième lieu, la requérante formule des considérations relatives à la notion d’État dans l’ordre juridique espagnol. Ainsi, elle rappelle que la Constitution espagnole a établi un ordre juridique profondément décentralisé, dénommé « État des Autonomies », qui se caractérise par une répartition des compétences entre l’administration centrale et les communautés autonomes. Au niveau des compétences en matière de droit communautaire, le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle espagnole) aurait considéré que l’Union européenne n’était pas un espace international et que les questions ayant trait à l’ordre juridique communautaire devaient être assimilées à des questions d’ordre interne. En particulier, le Tribunal Constitucional aurait affirmé dans sa décision nº 165/1994, du 26 mai 1994 (annexe B.2 à la défense), que, à la différence des relations internationales dont la compétence exclusive appartiendrait au gouvernement central, « les communautés autonomes seraient directement intéressées à l’activité des Communautés européennes ». Partant, la répartition des compétences obligerait les communautés autonomes à suivre le développement des activités législatives des institutions européennes, puisqu’elles seraient, dans plusieurs cas, les autorités chargées de transposer la législation communautaire subissant au surplus ses effets directs, ce qui justifierait la présence des bureaux de représentation des communautés autonomes auprès de l’Union européenne.

19      En outre, la requérante expose les divers instruments qui ont été créés en vue de faciliter la gestion des affaires européennes par le gouvernement central espagnol et les communautés autonomes, tels que la « Conferencia para los asuntos relativos a las Comunidades Europeas (CARCE) » (conférence pour les affaires relatives aux Communautés européennes), qui aurait été instaurée en 1992 dans le but d’accroître la coopération entre le gouvernement central et les communautés autonomes dans les matières communautaires. En vertu des accords adoptés dans ce cadre, les communautés autonomes participeraient depuis 1998 aux réunions des comités consultatifs présidés par la Commission et, en outre, le personnel des communautés autonomes et de la représentation permanente du Royaume d’Espagne procéderaient à des réunions sectorielles techniques en vue d’assurer le suivi des travaux du Conseil et des initiatives législatives communautaires. De plus, le personnel travaillant pour les délégations des communautés autonomes serait assujetti au même régime d’assurance maladie (accès à la sécurité sociale espagnole moyennant les formulaires E 111 et E 106) et au même régime fiscal (article 19 de la convention conclue en 1970 entre le Royaume d’Espagne et le Royaume de Belgique afin d’éviter la double imposition sur les revenus, ci-après la « convention relative à la double imposition ») que le personnel diplomatique de la représentation permanente du Royaume d’Espagne.

20      En troisième lieu, la requérante fait valoir que, dans le cas de la communauté autonome de Catalogne, le Patronat est l’institution de droit public créée en 1982 par le gouvernement catalan en vue de l’adhésion du Royaume d’Espagne aux Communautés européennes et qui, depuis cette date, suit et participe à l’évolution législative communautaire, en défendant les intérêts et en canalisant les inquiétudes et attentes de ladite communauté autonome. Cette institution ferait donc partie intégrante de l’administration de la communauté autonome de Catalogne et, partant, de l’État espagnol, raison pour laquelle les services que la requérante aurait fournis pour le Patronat auraient le caractère de services effectués pour l’État espagnol.

21      La requérante ajoute que, s’il est clair que la notion d’État doit faire l’objet d’une interprétation autonome, une notion fondée sur les ordres juridiques internes des États membres ne dénaturerait pas l’exception de l’article 4 de l’annexe VII du statut, car la Commission elle-même aurait admis lors de l’entretien d’entrée en service que, dans le cas des États fédéraux, les services fournis par le personnel des entités régionales rentraient dans le champ d’application de l’exception. Par ailleurs, une telle notion autonome ne conduirait pas à affirmer que toute entité municipale fournirait des services pour l’État, car, à la différence de ces entités, les compétences des communautés autonomes n’auraient pas été confiées par l’État, mais seraient des compétences propres, prévues dans la Constitution espagnole. Enfin, la requérante précise qu’elle ne prétend pas assimiler son statut à celui du corps diplomatique, mais à celui du personnel d’une représentation permanente qui ne fait pas partie du corps diplomatique. Or, si l’immunité diplomatique était un élément déterminant, il n’y aurait aucune raison d’appliquer l’exception susvisée à tout le personnel d’une telle représentation comme le ferait la Commission.

22      La Commission considère que, s’il est vrai que les communautés autonomes espagnoles sont titulaires d’une série de compétences propres qui leur ont été transférées directement par l’administration générale de l’État en application de la Constitution espagnole, cela ne signifie pas que les communautés autonomes soient des États ni que le travail accompli au sein du Patronat soit considéré comme des services effectués pour un État, au sens de l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut.

–       Appréciation du Tribunal

23      Selon une jurisprudence constante, la raison d’être de l’indemnité de dépaysement est de compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de l’exercice permanent de fonctions dans un pays avec lequel le fonctionnaire n’a pas établi de liens durables avant son entrée en fonctions (arrêts du Tribunal du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T‑4/92, Rec. p. II‑357, point 39 ; du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission, T‑72/94, RecFP p. I‑A‑285 et II‑865, point 48, et du 28 septembre 1999, J/Commission, T‑28/98, RecFP p. I‑A‑185 et II‑973, point 32). Pour que de tels liens durables puissent s’établir et ainsi faire perdre au fonctionnaire le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, le législateur exige que le fonctionnaire ait eu sa résidence habituelle ou ait exercé son activité professionnelle principale pendant une période de cinq ans dans le pays de son lieu d’affectation (arrêt Diamantaras/Commission, précité, point 48).

24      Il y a également lieu de rappeler qu’une exception est prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut en faveur des personnes ayant effectué des services pour un autre État ou une organisation internationale pendant la période de référence de cinq années expirant six mois avant leur entrée en fonctions. Cette exception trouve sa raison d’être dans le fait que, dans de telles conditions, ces personnes ne peuvent pas être considérées comme ayant établi des liens durables avec le pays d’affectation en raison du caractère temporaire de leur détachement dans ce pays (arrêts de la Cour du 15 janvier 1981, Vutera/Commission, 1322/79, Rec. p. 127, point 8, et du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 246/83, Rec. p. 1253, point 13).

25      La requérante est entrée en fonctions à la Commission le 16 novembre 2001 et, par conséquent, la période de référence à prendre en considération pour l’application de l’article 4 de l’annexe VII du statut est celle comprise entre le 16 mai 1996 et le 15 mai 2001. Il est constant entre les parties que, pendant cette période de référence, la requérante a exercé son activité professionnelle principale au sein de la délégation du Patronat à Bruxelles.

26      La question qui se pose dans la présente espèce est de déterminer si le travail effectué par la requérante pour la délégation du Patronat à Bruxelles doit être considéré, ainsi que le prétend la requérante, comme des services effectués pour un État, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

27      Il est de jurisprudence constante qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition de droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver dans toute la Communauté une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause. En l’absence d’un renvoi exprès, l’application du droit communautaire peut toutefois impliquer, le cas échéant, une référence au droit des États membres lorsque le juge communautaire ne peut déceler dans le droit communautaire ou dans les principes généraux du droit communautaire les éléments lui permettant d’en préciser le contenu et la portée par une interprétation autonome (voir arrêt de la Cour du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. 107, point 11 ; arrêts du Tribunal du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement, T‑43/90, Rec. p. II‑2619, point 36 ; du 28 janvier 1999, D/Conseil, T‑264/97, RecFP p. I‑A‑1 et II‑1, points 26 et 27, confirmé par l’arrêt de la Cour du 31 mai 2001, D et Suède/Conseil, C‑122/99 P et C‑125/99 P, Rec. p. I‑4319).

28      En l’occurrence, le droit communautaire et, notamment, le statut fournissent des indications suffisantes permettant de préciser la portée de l’article 4 de l’annexe VII du statut et, partant, d’établir une interprétation autonome de la notion d’État par rapport aux différents droits nationaux, comme les parties elles-mêmes l’ont admis dans leurs mémoires.

29      En premier lieu, la Cour a jugé qu’il ressort clairement de l’économie générale du traité que la notion d’État membre, au sens des dispositions institutionnelles, ne vise que les seules autorités gouvernementales des États membres et ne saurait être étendue aux gouvernements des régions ou des communautés autonomes, quelle que soit l’étendue des compétences qui leur sont reconnues. Admettre le contraire conduirait à porter atteinte à l’équilibre institutionnel prévu par les traités, qui déterminent notamment les conditions dans lesquelles les États membres, c’est-à-dire les États parties aux traités institutifs et aux traités d’adhésion, participent au fonctionnement des institutions communautaires (ordonnances de la Cour du 21 mars 1997, Région wallonne/Commission, C‑95/97, Rec. p. I‑1787, point 6, et du 1er octobre 1997, Regione Toscana/Commission, C‑180/97, Rec. p. I‑5245, point 6).

30      En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, les dispositions du statut, qui ont pour seule finalité de réglementer les relations juridiques entre les institutions et les fonctionnaires en établissant des droits et des obligations réciproques, comportent une terminologie précise dont l’extension par analogie à des cas non visés de façon explicite est exclue (arrêts de la Cour du 16 mars 1971, Bernardi/Parlement, 48/70, Rec. p. 175, points 11 et 12, et du 20 juin 1985, Klein/Commission, 123/84, Rec. p. 1907, point 23 ; arrêt du Tribunal du 19 juillet 1999, Mammarella/Commission, T‑74/98, RecFP p. I‑A‑151 et II‑797, point 38).

31      Dans l’article 4 de l’annexe VII du statut, le législateur a choisi le terme « État » alors qu’il existait déjà, à l’époque où le statut a été adopté, des États membres à structure fédérale ou régionale, tels que la République fédérale d’Allemagne, et non uniquement des États dotés d’une structure interne de nature centralisée. Dès lors, si le législateur communautaire avait voulu introduire les subdivisions politiques ou les collectivités locales dans ledit article, il l’aurait fait expressément. Il pourrait être considéré que les auteurs du statut n’ont pas eu l’intention d’inclure les subdivisions politiques d’un État, telles que les gouvernements des régions, des communautés autonomes ou d’autres entités locales dans l’expression « services effectués pour un autre État » figurant dans le même article.

32      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la notion d’« État » prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut ne vise que l’État, en tant que personne juridique et sujet unitaire du droit international et ses organes de gouvernement. Une interprétation telle que celle proposée par la requérante pourrait conduire, ainsi que le soutient la Commission, à considérer comme des États toutes les entités publiques dotées d’une personnalité juridique propre auxquelles le gouvernement central aurait transféré des compétences internes, y inclus les municipalités ou toute entité à laquelle une administration aurait délégué des fonctions.

33      Dès lors, il y a lieu d’interpréter l’expression « services effectués pour un autre État », visée à l’article 4 de l’annexe VII du statut, comme ne se référant pas aux services fournis pour les gouvernements des subdivisions politiques des États.

34      Il découle de ce qui précède que les services que la requérante a fournis pour la délégation du Patronat à Bruxelles ne sauraient être considérés comme des services effectués pour un État au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut.

35      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante tiré de l’existence d’une notion autonome d’État en droit communautaire qui engloberait les entités décentralisées. S’il est clair que, conformément à la jurisprudence évoquée par la requérante en matière de constatation de manquement d’État, il y a lieu de considérer que les autorités d’un État auxquelles il incombe d’assurer le respect des règles du droit communautaire sont tant les autorités du pouvoir central, les autorités d’un État fédéré que les autorités territoriales ou décentralisées dudit État dans le cadre de leurs compétences respectives, il convient également de rappeler que le recours par lequel la Cour peut constater qu’un État membre a manqué à l’une des obligations lui incombant ne vise que le gouvernement de ce dernier, quand bien même le manquement résulterait de l’action ou de l’inaction des autorités d’un État fédéré, d’une région ou d’une communauté autonome (ordonnances Région wallonne/Commission, précitée, point 7, et Regione Toscana/Commission, précitée, point 7). Cette jurisprudence ne saurait donc être valablement invoquée au soutien de la thèse de l’interprétation large de la notion d’« État » prônée par la requérante.

36      De même, les arguments avancés par la requérante tirés des compétences propres des communautés autonomes dans l’ordre juridique espagnol ainsi que des termes de la décision du Tribunal Constitucional espagnol doivent être rejetés. Il est vrai que les communautés autonomes ont des compétences propres qui leur ont été attribuées conformément à la Constitution espagnole et que la décision du Tribunal Constitucional du 26 mai 1994, précitée, expose que, en vertu de ces compétences, elles ont un intérêt à suivre et à s’informer de l’activité des institutions communautaires et peuvent avoir des bureaux à Bruxelles pour ce faire. Néanmoins, il faut relever que la décision du Tribunal Constitucional règle un problème de droit interne espagnol sur la base de la Constitution espagnole et que, dans cette perspective, elle rappelle clairement que les traités constitutifs prévoient la participation des seuls États membres à l’activité communautaire et que cela exclut l’existence de relations entre des entités infraétatiques, telles que les communautés autonomes, et les institutions communautaires, susceptibles d’engager d’une façon quelconque la responsabilité de l’État espagnol. D’ailleurs, selon le Tribunal Constitucional, de telles relations ne sont pas possibles, compte tenu de la structure même de l’Union européenne. En tout état de cause, l’interprétation du droit communautaire revient, en dernier lieu, aux juridictions communautaires, en vertu de l’article 220 CE.

37      De surcroît, il convient de remarquer que les délégations des communautés autonomes espagnoles à Bruxelles ont pour mission la gestion des intérêts des administrations qu’elles représentent, intérêts qui ne coïncident pas nécessairement avec les intérêts des autres communautés autonomes et avec ceux du Royaume d’Espagne, en tant qu’État.

38      La requérante ne saurait se prévaloir, non plus, du fait qu’elle était assujettie au même régime d’assurance maladie et au même régime fiscal que le personnel travaillant à la représentation permanente du Royaume d’Espagne à Bruxelles.

39      Il y a lieu de rappeler, d’une part, que la convention relative à la double imposition, adoptée quelques années après le statut, prévoit dans son article 19, paragraphe 1, que « les rémunérations, y compris les pensions, versées par un État contractant ou par l’une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales […] à une personne physique au titre de services rendus à cet État ou à l’une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales, ne sont imposables que dans ledit État ». Cette convention distingue donc entre les services rendus à un État et les services rendus à une subdivision politique d’un État, distinction que ne fait pas l’article 4 de l’annexe VII du statut.

40      D’autre part, s’agissant du régime d’assurance maladie, les formulaires E 106 et E 111 ne font qu’attester le droit d’une personne à bénéficier de soins de santé dans un pays autre que celui où elle est normalement assurée ou a été assurée auparavant. Concernant le formulaire E 106, il y a lieu de noter, de plus, qu’il est délivré non seulement aux diplomates et aux autres membres de la représentation permanente du Royaume d’Espagne auprès de l’Union européenne, mais aussi à de nombreuses autres catégories de personnes travaillant en dehors du territoire espagnol.

41      Enfin, concernant l’argument de la requérante tiré de la participation des représentants des communautés autonomes aux comités consultatifs de la Commission, il y a lieu d’observer que l’exception figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut ne peut être limitée aux seules personnes ayant fait partie du personnel d’un autre État ou d’une organisation internationale, puisqu’elle vise toutes « les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale » (arrêts du Tribunal Diamantaras/Commission, précité, point 52, et du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, RecFP p. I‑A‑107 et II‑489, point 49). Le bénéfice de l’exception prévue audit article 4 exige, néanmoins, que l’intéressé ait eu des liens juridiques directs avec l’État ou l’organisation internationale en cause, ce qui est conforme à l’autonomie dont jouissent les États et les institutions dans l’organisation interne de leurs services, qui les habilite à inviter des personnes tierces n’appartenant pas à leur structure hiérarchique à proposer leurs services afin d’assurer l’exécution de travaux bien précis (arrêts du Tribunal du 22 mars 1995, Lo Giudice/Parlement, T‑43/93, RecFP p. I‑A‑57 et II‑189, point 36, et du 11 septembre 2002, Nevin/Commission, T‑127/00, RecFP p. I‑A‑149 et II‑781, point 51).

42      À cet égard, il suffit de constater que la requérante a explicitement reconnu lors de l’audience qu’elle n’a jamais intégré ni fait partie de la délégation espagnole participant aux réunions des organes du Conseil et de la Commission qui ont eu lieu au cours de la période de référence lui étant applicable. La requérante n’a pas invoqué, non plus, qu’elle aurait éventuellement maintenu un quelconque lien juridique direct avec le gouvernement central de l’État espagnol permettant de considérer qu’elle a effectué des services pour l’État espagnol pendant ladite période.

43      Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la requérante a fourni des services pour un État au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut.

44      Au vu de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’erreur d’appréciation des faits

–       Arguments des parties

45      La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur d’appréciation des faits, car sa résidence habituelle et son centre d’intérêts, pendant la période de référence prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut, se sont toujours trouvés en Espagne et non en Belgique. La résidence à Bruxelles pendant l’exercice de son activité professionnelle au service du Patronat n’aurait été que provisoire et secondaire, de sorte que la requérante aurait droit à l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut. À l’appui de cette prétention, la requérante invoque les éléments suivants qui prouveraient que son centre d’intérêts et sa résidence habituelle auraient toujours été à Barcelone (Espagne) :

–        résidence principale à Barcelone, au domicile de sa famille, et domiciliation à l’administration communale de Barcelone, où elle serait inscrite sur les registres électoraux, exercerait ses droits d’électeur et renouvellerait son document d’identité ;

–        contrat de travail de droit espagnol, signé à Barcelone et régi par la législation espagnole en matière de droit fiscal et social ;

–        paiement des impôts en Espagne, où elle présenterait sa déclaration annuelle en tant que travailleur salarié espagnol assujetti à l’article 19 de la convention relative à la double imposition ;

–        assurance médicale régie par le droit espagnol sur la base du formulaire E 111 puis du formulaire E 106, en tant que personnel détaché à Bruxelles ;

–        compte bancaire ouvert et assurance vie contractée à Barcelone ;

–        emprunt hypothécaire contracté à Barcelone, pour acquérir la propriété d’un appartement dans cette ville.

46      La requérante ajoute que les liens conservés avec l’Espagne seraient plus importants que ceux habituellement conservés avec le pays de résidence de ses parents, étant donné qu’elle a effectué ses études universitaires et postuniversitaires à Barcelone et qu’elle a également exercé une activité professionnelle dans cette ville avant d’être affectée par le Patronat à la délégation de Bruxelles. Par ailleurs, le fait qu’elle recevait une « somme complémentaire pour expatriation », conformément au contrat établi avec le Patronat, ne signifierait nullement qu’elle résidait à Bruxelles, car cette somme avait précisément pour but de dédommager la requérante pour un séjour temporaire et non définitif à Bruxelles et était justifiée par l’absence de liens durables en Belgique.

47      La Commission considère que le grief doit être rejeté comme non fondé, car la requérante a, de manière habituelle, habité et exercé son activité professionnelle principale à Bruxelles, depuis 1993 et pendant toute la période de référence prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut, sans que les éléments invoqués par celle-ci soient de nature à démontrer le contraire.

48      Selon la Commission, les éléments évoqués par la requérante seraient simplement des liens habituels que toute personne maintient avec son pays d’origine, ne permettant pas d’établir que le centre permanent de ses intérêts se soit situé en Espagne. En outre, le paiement d’impôts sur les revenus en Espagne découlerait simplement de l’application de l’article 19 de la convention relative à la double imposition et l’accès aux soins de santé en Belgique sur la base des formulaires E 111 et E 106 prouverait précisément que la requérante résidait en Belgique. De surcroît, la requérante elle-même aurait affirmé dans sa requête que son contrat de travail prévoyait l’octroi d’une prime de dépaysement liée à son statut de personnel détaché à Bruxelles. S’il s’agissait simplement de séjours provisoires et non pas d’une résidence effective, une telle compensation aurait été dépourvue de sens.

–       Appréciation du Tribunal

49      L’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut dispose que l’indemnité de dépaysement est accordée au fonctionnaire qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire dudit État.

50      En vue de déterminer de telles situations, la jurisprudence a affirmé que l’article 4 de l’annexe VII du statut doit être interprété comme retenant pour critère primordial, quant à l’octroi de l’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle du fonctionnaire, antérieurement à son entrée en fonctions. En outre, la notion de dépaysement dépend également de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir son degré d’intégration dans son nouveau milieu, lequel peut être établi, par exemple, par sa résidence habituelle ou par l’exercice antérieur d’une activité professionnelle principale (arrêt De Angelis/Commission, précité, point 13 ; arrêt du Tribunal du 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission, T‑18/91, Rec. p. II‑1655, point 42; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 octobre 1984, Witte/Parlement, 188/83, Rec. p. 3465, point 8).

51      La résidence habituelle est le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. Aux fins de la détermination de la résidence habituelle, il importe de tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et notamment, de la résidence effective de l’intéressé (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C‑452/93 P, Rec. p. I‑4295, point 22 ; arrêts du Tribunal du 10 juillet 1992, Benzler/Commission, T‑63/91, Rec. p. II‑2095, point 17, et du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, T‑90/92, Rec. p. II‑971, point 27).

52      Il y a lieu de rappeler que la période de référence à prendre en considération pour l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII se situe entre le 16 mai 1996 et le 15 mai 2001, la requérante étant entrée en fonctions six mois après cette dernière date, soit le 16 novembre 2001.

53      Or, il ressort clairement des pièces du dossier que la requérante a, de façon habituelle, résidé et exercé son activité professionnelle principale depuis le 15 janvier 1993 et jusqu’au mois de novembre 2001 à Bruxelles.

54      Ainsi, la requérante a affirmé dans sa réclamation comme dans sa note du 18 janvier 2002 qu’elle avait travaillé jusqu’au 15 novembre 2001, pendant une période de huit ans, à la délégation du gouvernement de Catalogne auprès des institutions communautaires à Bruxelles.

55      Le contrat de travail conclu entre la requérante et le Patronat en date du 15 janvier 1993, et qui a régi la fourniture de services de la requérante au Patronat jusqu’à son entrée au service de la Commission, c’est-à-dire pendant presque neuf ans, exposait, en son deuxième considérant, que la requérante était engagée comme membre du personnel administratif fournissant ses services « au bureau à Bruxelles de l’entité ».

56      La septième clause du contrat prévoyait que la requérante percevait une prime supplémentaire, liée au fait que la prestation de services « [avait] lieu en Belgique », et disposait de deux billets d’avion en raison de la prestation de ses services à l’étranger, soit pour le trajet Bruxelles-Barcelone-Bruxelles. La requérante elle-même a admis dans sa requête qu’elle percevait la prime supplémentaire « pour motif d’expatriation, en tant que personnel détaché à la représentation de Bruxelles ». Or, ces suppléments sont octroyés pour compenser les difficultés qu’implique nécessairement le fait de vivre et de travailler dans un pays autre que le sien ainsi que, dans certains pays, le coût plus élevé de la vie.

57      La huitième clause du contrat indiquait que les montants salariaux prévus au contrat étaient revus en fonction, notamment, de « l’augmentation de l’IPC ([i]ndice des [p]rix à la [c]onsommation) approuvée officiellement […] en Belgique ». Enfin, la dixième clause du contrat octroyait cinq jours de congé additionnels en raison de la prestation de services de la requérante en Belgique.

58      Il résulte des éléments qui précèdent que, conformément aux obligations établies dans son contrat avec le Patronat, la requérante a été engagée, dès le début de sa relation professionnelle avec cette entité, pour être détachée à Bruxelles. Par conséquent, force est de constater que, pendant la période de référence, la requérante a habité et exercé son activité professionnelle principale, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, à Bruxelles, où elle avait transféré son centre d’intérêts.

59      Par ailleurs, les éléments invoqués par la requérante en vue de démontrer que son centre d’intérêts se trouvait en Espagne pendant la période de référence ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion énoncée au point précédent.

60      En effet, même en admettant que certains des éléments avancés par la requérante révèleraient la conservation d’une série de liens avec l’Espagne, le fait de disposer d’un certificat de résidence ou de domiciliation communale à Barcelone, d’être inscrite sur les listes électorales de cette ville, d’y exercer des droits politiques et d’y être domiciliée fiscalement ne permettent pas d’établir que le centre permanent de ses intérêts se situait encore en Espagne (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, précité, point 30, et du 27 septembre 2000, Lemaître/Commission, T‑317/99, RecFP p. I‑A‑191et II‑867, point 57).

61      De même, le fait de disposer d’intérêts et de biens patrimoniaux en Espagne, tels que le maintien d’un compte bancaire et d’un contrat d’assurance vie ou la propriété d’un bien immobilier à Barcelone ne sont pas de nature à démontrer, à eux seuls, que le centre permanent des intérêts de la requérante se trouvait dans ce pays (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal, Magdalena Fernández/Commission, précité, point 30, et Liaskou/Conseil, précité, point 63). De surcroît, en ce qui concerne l’acquisition d’un appartement à Barcelone, il y a lieu de noter que la requérante ne conteste pas que cette acquisition a été faite en 1989, soit bien avant qu’elle ne soit détachée à Bruxelles en janvier 1993 et bien avant le début de la période de référence, en mai 1996.

62      Enfin, l’accès aux soins de santé en Belgique moyennant les formulaires E 111 et E 106 ainsi que le versement des rémunérations et le paiement d’impôts en Espagne en application de l’article 19 de la convention relative à la double imposition, loin de démontrer, comme le prétend la requérante, que son centre d’intérêts était situé en Espagne au cours de la période de référence, démontrent précisément qu’elle s’était déplacée pour une longue période en dehors du territoire espagnol et, partant, qu’elle résidait et travaillait, de manière habituelle, dans un autre pays, en l’occurrence, la Belgique. 

63      Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a commis aucune erreur d’appréciation des faits concernant la situation personnelle de la requérante et a correctement conclu qu’elle n’avait pas droit à l’indemnité de dépaysement.

64      Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

65      La requérante fait valoir que la motivation de la décision du 10 juin 2002 est manifestement insuffisante. La Commission n’aurait pas demandé d’informations supplémentaires et se serait retranchée derrière une clause de style qui ne permettrait pas de comprendre les raisons pour lesquelles les faits particuliers invoqués ne justifieraient pas l’octroi de l’indemnité de dépaysement. 

66      La Commission prétend que le moyen doit être rejeté comme non fondé, car la décision du 10 juin 2002 expose clairement les raisons pour lesquelles l’indemnité de dépaysement, et les indemnités qui y sont associées, ont été refusées à la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

67      Il doit être rappelé que l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, RecFP p. I‑A‑23 et II‑77, points 31 et 32 ; du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T‑10/99, RecFP p. I‑A‑47 et II‑203, point 41, et du 31 janvier 2002, Hult/Commission, T‑206/00, RecFP p. I‑A‑19 et II‑81, point 27).

68      En l’espèce, il y a lieu de relever que la décision du 10 juin 2002 de rejet de la réclamation de la requérante expose sans équivoque que cette dernière n’a pas droit au bénéfice de l’indemnité de dépaysement, puisque son activité professionnelle au sein du bureau du Patronat à Bruxelles entre le 15 janvier 1993 et le 15 novembre 2001 ne peut rentrer sous l’empire de l’exception relative aux « services effectués pour un autre État » visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, en indiquant les raisons d’une telle appréciation. De plus, la décision du 10 juin 2002 indique de manière explicite que, eu égard à l’absence de possibilité de « neutralisation » de la période de référence à prendre en considération (du 16 mai 1996 au 15 mai 2001), le service compétent a correctement refusé le bénéfice de l’indemnité à la requérante, car celle-ci a habité et exercé ses activités professionnelles, pendant cette période de référence, à Bruxelles. Les explications fournies par la Commission dans la décision du 10 juin 2002 répondent donc largement aux exigences de motivation requises.

69      De surcroît, la requérante reconnaît, dans sa réclamation et dans sa requête (point 17), qu’elle avait été informée, lors de son entretien avec la DG « Personnel et administration » destiné à établir ses droits d’entrée en service, du fait que le bureau du Patronat à Bruxelles, en tant que délégation du gouvernement de Catalogne auprès des institutions communautaires ne pouvait être considéré comme un service d’État au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut. 

70      Il s’ensuit que la requérante a eu pleinement connaissance des raisons pour lesquelles l’AIPN lui a refusé le bénéfice de l’indemnité de dépaysement.

71      Il en résulte que le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de l’égalité de traitement

–       Arguments des parties

72      La requérante soutient qu’elle fait l’objet d’une discrimination par rapport à d’autres fonctionnaires qui ont travaillé, pendant la période de référence, auprès de délégations de représentation de régions d’autres États membres à Bruxelles, tels que celles des Länder ou des « fédérations des communes du Royaume-Uni », et qui se sont vu reconnaître le bénéfice de l’exception des « services effectués pour un autre État » prévue à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut.

73      La requérante rappelle que l’égalité de traitement est un principe général de droit communautaire applicable dans le domaine de la fonction publique. Ce principe serait violé lorsque deux catégories de personnes se trouvant dans des situations de fait ou de droit qui ne présenteraient pas des différence substantielles feraient l’objet d’un traitement différent ou lorsque des situations distinctes seraient traitées de façon identique (arrêts du Tribunal du 2 avril 1998, Apostolidis/Cour de justice, T‑86/97, RecFP p. I‑A‑167 et II‑521, point 61, et du 1er juin 1999, Rodríguez Pérez e.a./Commission, T‑114/98 et T‑115/98, RecFP p. I‑A‑97 et II‑529, point 75). La requérante cite le cas de M. W., qui aurait travaillé plus de cinq ans auprès de la délégation d’un Land allemand à Bruxelles, en vertu d’un contrat de travailleur public conclu en Allemagne prévoyant le détachement à Bruxelles, et auquel la Commission aurait reconnu l’indemnité de dépaysement.

74      La Commission estime que le moyen doit être rejeté comme non fondé, car elle n’a commis aucune discrimination. S’agissant du cas particulier de M. W., les faits exposés par la requérante seraient inexacts, car, s’il était vrai que le fonctionnaire en question aurait obtenu le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, cet octroi serait fondé sur l’absence de résidence et d’exercice de son activité professionnelle à Bruxelles pendant une partie de la période de référence lui étant applicable et non sur la neutralisation de la période de travail au sein d’un Land allemand. La Commission reste à la disposition du Tribunal pour transmettre, s’il est jugé opportun, les documents pertinents de nature à justifier cette affirmation.

75      La Commission fait valoir que, en tout état de cause, nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt Witte/Parlement, précité, point 15, et arrêt du Tribunal du 22 février 2000, Rose/Commission, T‑22/99, RecFP p. I‑A‑27 et II‑115, point 39).

–       Appréciation du Tribunal

76      Il est de jurisprudence constante que le principe général d’égalité de traitement est un principe fondamental du droit communautaire. Ce principe veut que les situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêts de la Cour du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 7 ; du 8 octobre 1980, Überschär, 810/79, Rec. p. 2747, point 16, et du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, Rec. p. 3005, point 7 ; arrêt du Tribunal du 26 septembre 1990, Beltrante e.a./Conseil, T‑48/89, Rec. p. II‑493, point 34). Ainsi, il y a violation du principe d’égalité lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (arrêts du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T‑100/92, RecFP p. I‑A‑83 et II‑275, point 50, et du 16 avril 1997, Kuchlenz-Winter/Commission, T‑66/95, Rec. p. II‑637, point 55).

77      Il y a lieu de rappeler que, comme le soutient à juste titre la Commission, le principe d’égalité de traitement ne peut être invoqué que dans le cadre du respect de la légalité (arrêt de la Cour du 13 juillet 1972, Besnard e.a./Commission, 55/71 à 76/71, 86/71, 87/71 et 95/71, Rec. p. 543, point 39, et arrêt du Tribunal du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, précité, point 38) et que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt Witte/Parlement, précité, point 15, et arrêt Rose/Commission, précité, point 39).

78      En l’espèce, il a été jugé dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut qu’il y a lieu d’interpréter l’expression de « services effectués pour un autre État » figurant dans cette disposition comme ne se référant pas aux services fournis pour les gouvernements des subdivisions politiques des États. 

79      Dès lors, même dans l’hypothèse où la Commission aurait effectivement reconnu au fonctionnaire en question l’indemnité de dépaysement du fait que la période de travail à la délégation de représentation d’un Land à Bruxelles était couverte par l’exception des « services effectués pour un autre État », une telle irrégularité ne saurait être valablement invoquée par la requérante au soutien d’une allégation de violation au principe d’égalité.

80      En tout état de cause, il y a lieu d’observer que, en réponse à la question écrite du Tribunal sur la politique qu’elle a appliquée en la matière au cours des dix dernières années, la Commission a fermement soutenu qu’elle n’a jamais suivi une pratique administrative consistant à neutraliser les périodes de travail accompli au service des délégations de représentation des États fédérés situées à Bruxelles et à accorder, sur cette base, le bénéfice de l’indemnité de dépaysement aux fonctionnaires ayant travaillé auparavant dans ces délégations au cours de leur période de référence respective. Par ailleurs, la Commission a, à nouveau, réitéré dans sa réponse au Tribunal que le cas de M. W. invoqué par la requérante pour fonder une prétendue violation du principe d’égalité de traitement serait erroné, car l’indemnité de dépaysement lui avait été octroyée du fait qu’il n’avait pas résidé à Bruxelles pendant toute la période de référence qui lui était applicable. Or, la requérante n’a nullement contesté ni réagi, lors de l’audience, aux explications fournies par la Commission à propos de l’inexactitude des faits invoqués concernant la situation de M. W.

81      Dans ces circonstances, et sans qu’il soit nécessaire de demander à la Commission la production du dossier personnel du fonctionnaire en question, il y a lieu de constater qu’aucune violation du principe d’égalité de traitement n’a été établie. 

82      Le moyen tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement ne peut donc être accueilli. 

 Sur les indemnités associées à l’indemnité de dépaysement

83      La requérante demande l’application de la jurisprudence, en vertu de laquelle l’indemnité journalière et l’indemnité d’installation lui sont automatiquement dues en cas de reconnaissance de son droit à l’indemnité de dépaysement (arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Commission/Lozano Palacios, C‑62/97 P, Rec. p. I-3273).

84      Le Tribunal ayant constaté que la requérante n’a pas le droit de percevoir l’indemnité de dépaysement, il y a lieu de rejeter cette demande. 

85      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme non fondé dans son intégralité.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Cooke

Garcia-Valdecasas

Trstenjak


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2005.


Le greffier

 

       Le président



E. Coulon

 

      R. García-Valdecasas


* Langue de procédure : l’espagnol.