Language of document : ECLI:EU:T:2006:211

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

13 juillet 2006 (*)

« Dumping – Importations de para-crésol originaire de Chine – Calcul de la valeur normale construite – Prise en compte des coûts de sous-produits – Obligation d’examen de la Commission et du Conseil »

Dans l’affaire T‑413/03,

Shandong Reipu Biochemicals Co. Ltd, établie à Shandong (Chine), représentée par Mes O. Prost, V. Avgoustidi et E. Berthelot, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop, en qualité d’agent, assisté de Me G. Berrisch, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. Scharf et Mme K. Talabér‑Ricz, en qualité d’agents,

et par

Degussa Knottingley Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par MF. Renard, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 1656/2003 du Conseil, du 11 septembre 2003, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de para-crésol originaire de la République populaire de Chine (JO L 234, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mmes M. E. Martins Ribeiro et K. Jürimäe, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 février 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), dans sa version telle que résultant du règlement (CE) n° 2238/2000 du Conseil, du 9 octobre 2000 (JO L 257, p. 2, ci-après le « règlement de base »), dispose :

« Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur. »

2        L’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, dispose :

« Lorsqu’aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes [...], la valeur normale du produit similaire est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable [...] »

3        L’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, est ainsi libellé :

« Les frais sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré. 

Il est tenu compte d’éléments de preuve soumis concernant la juste répartition des frais, à condition qu’il soit démontré que ce type de répartition a été utilisé de manière constante dans le passé. En l’absence d’une méthode plus appropriée, la préférence est accordée à un système de répartition des frais fondé sur le chiffre d’affaires [...] »

4        L’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, prévoit :

« Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de [...] la République populaire de Chine [...], la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi [...] que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné [...] »

 Faits à l’origine du litige

5        La requérante est une société chinoise productrice et exportatrice de para-crésol.

6        Le para-crésol est un produit chimique organique toxique, disponible en différents degrés de pureté ayant tous les mêmes caractéristiques physiques et chimiques de base et les mêmes utilisations. Il est utilisé dans l’industrie comme produit intermédiaire pour la fabrication d’autres produits. Sa production, à partir de divers produits chimiques, occasionne, en fonction du procédé de fabrication employé, un ou plusieurs sous-produits. Parmi ces sous-produits figurent le sulfite de sodium et un composé phénolé, eux-mêmes utilisés dans l’industrie.

7        À la suite d’une plainte déposée le 13 mai 2002 par la société Degussa Knottingley Ltd (ci-après « DKL »), unique producteur de para-crésol de la Communauté, la Commission a ouvert une procédure antidumping, conformément à l’article 5 du règlement de base, concernant les importations de para-crésol originaire de la République populaire de Chine.

8        L’avis d’ouverture de cette procédure a été publié au Journal officiel des Communautés européennes du 27 juin 2002 (JO C 153, p. 7, ci-après l’« avis d’ouverture »).

9        Par télécopie du 12 juillet 2002, la requérante s’est fait connaître auprès de la Commission, afin d’être incluse dans l’échantillon de producteurs susceptible d’être retenu, en application de l’article 17 du règlement de base.

10      Par télécopie du 16 juillet 2002, la Commission, ayant relevé qu’un questionnaire antidumping complet destiné aux producteurs et aux exportateurs dans la Communauté (ci-après le « questionnaire antidumping ») était en possession de la requérante, a indiqué que ce questionnaire, dûment rempli, devrait lui parvenir pour le 26 août 2002.

11      Par télécopie du 24 juillet 2002, la Commission a informé la requérante que seules les sections A (Informations générales), B (Produit concerné), C (Statistiques opérationnelles), D (Ventes à l’exportation du produit concerné vers la Communauté) et les parties pertinentes (Ventes à l’exportation) des sections G (Ajustements – Comparaison équitable) et H (Données informatisées) du questionnaire antidumping devaient lui parvenir pour le 26 août 2002. La Commission a ajouté que si, après examen, le traitement appliqué aux sociétés opérant dans les conditions d’une économie de marché, demandé par la requérante, lui était octroyé, celle-ci devrait également, dans un délai qui lui serait alors imparti, remplir les sections E, F et les parties pertinentes (Ventes intérieures) des sections G et H dudit questionnaire.

12      Par lettre du 26 août 2002, la requérante a transmis à la Commission sa réponse aux questions des sections A à D du questionnaire antidumping. Elle a indiqué n’avoir pas pu, en raison des vacances d’été, rassembler tous les éléments relatifs à la section G dudit questionnaire et a ajouté qu’elle ferait de son mieux pour fournir ces informations à la Commission aussi rapidement que possible.

13      Par lettre du 30 septembre 2002, la Commission a informé la requérante que le traitement appliqué aux sociétés opérant dans les conditions d’une économie de marché lui était octroyé. La Commission a indiqué avoir reçu les réponses de la requérante aux questions des sections A à D du questionnaire antidumping et a demandé à la requérante de lui transmettre ses réponses aux questions des sections E à H dudit questionnaire pour le 8 novembre 2002. La Commission a exprimé que le respect strict des délais ne s’appliquait pas seulement à la transmission des réponses au questionnaire antidumping, mais aussi à toutes les autres demandes et informations que la requérante voudrait lui transmettre. Elle a informé la requérante que sa réponse au questionnaire formerait la base principale sur laquelle la Commission se fonderait pour établir l’existence d’un éventuel dumping et a indiqué qu’une visite de vérification sur place des informations fournies serait effectuée par des fonctionnaires de la Commission.

14      Par lettre du 1er octobre 2002, la requérante a informé la Commission qu’elle devait apporter certaines corrections aux informations fournies dans sa réponse du 26 août 2002 au questionnaire antidumping et elle a joint à sa lettre divers documents contenant ces corrections.

15      Par télécopie du 2 octobre 2002, la Commission a informé la requérante que les réponses données dans certaines parties des sections A, C et D du questionnaire antidumping étaient incomplètes et a demandé à la requérante de lui transmettre les informations manquantes pour le 16 octobre 2002.

16      Par télécopie du 16 octobre 2002, la requérante a répondu à cette demande.

17      Le 8 novembre 2002, la requérante a fait parvenir à la Commission ses réponses aux questions des sections E, F, G et H du questionnaire antidumping.

18      Par télécopie du 15 novembre 2002, la Commission a confirmé qu’une vérification sur place serait effectuée et a demandé à la requérante que tous les éléments d’information utilisés pour préparer la réponse au questionnaire antidumping, ainsi que tous les membres du personnel de la requérante ayant participé à cette préparation ou étant au courant de la production du produit concerné, de ses ventes ou de la comptabilité, soient disponibles lors de cette vérification. La Commission a ajouté que si la requérante devait découvrir, durant la préparation de cette visite, des erreurs dans ses réponses au questionnaire antidumping, elle devrait fournir à la Commission l’information correcte, en signalant clairement l’erreur et sa cause.

19      Par télécopie du 18 novembre 2002, la requérante a informé la Commission que certaines des réponses données dans certaines parties des sections E, F et G du questionnaire antidumping, transmises à cette dernière le 8 novembre 2002, étaient erronées ou incomplètes et a fourni des informations correctives. Elle a, notamment, indiqué les montants totaux des coûts de fabrication (total manufacturing costs) et des coûts de production (total costs of production) du para-crésol, informations pour lesquelles les cases pertinentes du formulaire antidumping n’avaient pas été remplies dans les réponses transmises le 8 novembre 2002. La requérante a indiqué que ces montants intégraient la déduction des coûts de fabrication et de production des sous-produits et a fourni les montants de ces coûts.

20      Les 25 et 26 novembre 2002, des fonctionnaires de la Commission ont procédé à la visite de vérification sur place.

21      Le 20 mars 2003, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 510/2003 instituant des droits antidumping provisoires sur les importations de para-crésol originaire de la République populaire de Chine (JO L 75, p. 12, ci-après le « règlement provisoire »). Le considérant 25 de ce règlement, relatif à la détermination de la valeur normale applicable aux producteurs-exportateurs ayant coopéré bénéficiant du statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché, indiquait que cette « [...] valeur normale a dû être construite conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base ».

22      Par lettre du 21 mars 2003, la Commission a transmis à la requérante, en application de l’article 14, paragraphe 2, du règlement de base, une copie du règlement provisoire, ainsi que, en application de l’article 20, paragraphe 1, du règlement de base, un document intitulé « Partie II – Explication du dumping » (Part II – Explanation of dumping), comportant des informations sur les détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des droits antidumping provisoires ont été imposés (ci-après le « document d’information intermédiaire »). La Commission a invité la requérante à lui transmettre ses commentaires éventuels sur ces documents pour le 22 avril 2003.

23      Le point 1.1.1, dernier alinéa, du document d’information intermédiaire renvoyait à une annexe I contenant un tableau rectifié des montants totaux des coûts de fabrication (total manufacturing costs) du para-crésol. À l’exception de modifications résultant d’une ventilation différente des coûts d’énergie et de l’imputation de coûts de location, les montants indiqués étaient ceux fournis par la requérante le 8 novembre 2002.

24      Par télécopie du 22 avril 2003, la requérante a transmis à la Commission ses commentaires sur le règlement provisoire et le document d’information intermédiaire. Dans la première partie de ces commentaires, la requérante a évoqué les sous-produits de fabrication du para-crésol, le fait que la Commission n’avait pas porté leurs coûts de production en déduction du coût total de production du para-crésol et la nécessité, selon la requérante, d’opérer une telle déduction. La requérante a demandé à la Commission de tenir compte de ces commentaires et de séparer les coûts de production des sous-produits de ceux du para-crésol.

25      Le 19 mai 2003, une réunion entre la requérante et la Commission s’est tenue au siège de la Commission.

26      Par télécopie du 26 mai 2003, la requérante, faisant suite à cette réunion, a transmis à la Commission des informations additionnelles concernant la déduction des coûts des sous-produits.

27      Par lettre du 11 juillet 2003, la Commission a transmis à la requérante, en application de l’article 20, paragraphes 2 à 4, du règlement de base, un document d’information finale (general disclosure document) sur les faits et considérations essentiels fondant la proposition d’imposer des droits antidumping définitifs (ci-après le « document d’information finale »), comportant une partie, intitulée « Partie II – Explication du dumping » (Part II – Explanation of dumping) , relative aux commentaires reçus des parties à la suite de l’adoption du règlement provisoire. La Commission a invité la requérante à lui transmettre ses commentaires sur le document d’information finale pour le 23 juillet 2003.

28      Au point 3.1, cinquième alinéa, du document d’information finale et au point 1.1 de la partie dudit document relative aux commentaires reçus des parties, la Commission a évoqué la demande de la requérante visant à la déduction des coûts de production des sous-produits. La Commission a indiqué avoir rejeté cette demande au motif qu’elle n’était pas soutenue par des preuves documentées et que les documents obtenus lors de la vérification sur place indiquaient que les coûts directs étaient déjà affectés aux différents produits, ce qui correspondait à la réponse initiale au questionnaire antidumping.

29      Le tableau des montants totaux des coûts de fabrication (total manufacturing costs) du para-crésol, figurant à l’annexe I de la partie du document d’information finale relative aux commentaires reçus des parties, reprenait, dans sa colonne intitulée « TOTAL PC », les mêmes chiffres que ceux retenus par la Commission dans le tableau annexé au document d’information intermédiaire et évoqué au point 23 ci-dessus.

30      Le 22 juillet 2003, une réunion entre la requérante et la Commission s’est tenue au siège de la Commission.

31      Par télécopie du 23 juillet, complétée par une télécopie du 25 juillet 2003, la requérante a transmis à la Commission ses commentaires sur le document d’information finale ainsi que certains documents.

32      Dans la première partie de ses commentaires formulés dans la télécopie du 23 juillet 2003, la requérante est revenue sur l’absence de déduction par la Commission, dans le document d’information finale, des coûts des sous-produits et sur la nécessité de procéder à une telle déduction.

33      Le 18 août 2003, la Commission a adopté et rendu publique sa proposition de règlement du Conseil instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de para-crésol originaire de la République populaire de Chine [COM(2003) 505 final, ci-après la « proposition de règlement définitif »].

34      Par télécopie du 25 août 2003, la Commission a répondu aux commentaires de la requérante, des 23 et 25 juillet 2003, sur le document d’information finale. S’agissant de la question de la déduction des coûts des sous-produits, la Commission a répondu que l’information donnée par la requérante le 18 novembre 2002 l’avait été après la date limite fixée pour la transmission à la Commission des réponses au questionnaire antidumping et un jour seulement avant le départ de l’équipe de la Commission pour la visite de vérification, que cette information était insuffisamment justifiée et de surcroît contredite par des informations remises par la requérante lors de la vérification sur place. Enfin, la Commission a indiqué que la demande de déduction des coûts de production des sous-produits avait été faite après l’information intermédiaire du 21 mars 2003, donc après la visite de vérification, et, partant, que les informations soumises à l’annexe II de la dernière soumission de la requérante, du 25 juillet 2003, ne pouvaient plus être vérifiées et que les revenus des ventes des sous-produits ne pouvaient être portés en déduction des coûts de production du produit concerné.

35      Par télécopie du 29 août 2003, la requérante a répondu à la télécopie de la Commission, du 25 août 2003.

36      Le 11 septembre 2003, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 1656/2003 du Conseil, du 11 septembre 2003, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de para-crésol originaire de la République populaire de Chine (JO L 234, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). Le considérant 12 du règlement attaqué, identique au considérant 12 de la proposition de règlement définitif, est libellé comme suit :

« [La requérante] a fait valoir que le coût de production de deux autres produits devait être déduit du coût de production total, car ces produits sont obtenus selon le même processus de production, mais vendus séparément. [La requérante] n’a pas pu étayer son argument à l’aide d’éléments de preuve fondés. Il ressortait, en effet, des documents obtenus sur place que les coûts directs étaient déjà affectés aux différents produits correspondant à la réponse initiale au questionnaire. La demande a donc dû être rejetée. » 

 Procédure et conclusions des parties

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2003, la requérante a introduit le présent recours.

38      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 avril 2004, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 16 juin 2004, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Par lettre du 24 août 2004, la Commission a informé le Tribunal qu’elle renonçait à déposer un mémoire en intervention, mais qu’elle prendrait part à l’audience.

39      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2004, DKL a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

40      Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal le 8 juillet 2004, la requérante s’est opposée à la demande d’intervention de DKL et a demandé, subsidiairement, le traitement confidentiel à l’égard de DKL de certaines parties de la requête, de la défense et de la réplique. Par acte du même jour, le Conseil a demandé le traitement confidentiel de certains éléments du dossier à l’égard de DKL, en précisant que cette demande était formée en accord avec la requérante et correspondait pour l’essentiel, à la demande de traitement confidentiel déposée par cette dernière.

41      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à compter du 13 septembre 2004, le juge rapporteur a été affecté, en qualité de président, à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

42      Par ordonnance du 11 novembre 2004, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention de DKL. Cette intervention ayant été admise en application de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, relatif aux interventions tardives, le président de la cinquième chambre n’a pas statué sur les demandes de traitement confidentiel, mais a indiqué que ces demandes seraient prises en considération, en tant que de besoin, pour la rédaction du rapport d’audience et de l’arrêt à intervenir.

43      La requérante a demandé au Tribunal d’ordonner, à titre de mesure d’organisation de la procédure, la production par la Commission des calculs fondant l’évaluation par elle du dommage subi par l’industrie communautaire.

44      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

45      Le Conseil, soutenu par la Commission et par DKL, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

46      La requérante fait valoir trois moyens au soutien de son recours en annulation. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de déterminer la valeur normale d’une manière appropriée et raisonnable et de l’obligation de diligence. Le deuxième moyen est tiré de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense. Le troisième moyen est tiré de ce que, en violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, la valeur normale calculée n’est pas celle du produit similaire seulement.

47      Il convient d’examiner, tout d’abord, le premier moyen.

 Arguments des parties

48      La requérante affirme avoir fourni toutes les informations requises à temps et conteste que l’information relative à la déduction du coût de production des sous-produits ait été fournie après la vérification sur place. Elle soutient, subsidiairement, que selon la jurisprudence communautaire et des organes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Commission peut prendre en compte des réponses tardives sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits procéduraux des autres parties et de ne pas prolonger indûment la procédure.

49      Par ailleurs, le Conseil aurait manqué à son devoir de sollicitude ou de diligence. Il ressortirait de la jurisprudence, d’une part, que lorsqu’un fait relatif à la détermination de la valeur normale, communiqué aux autorités au cours de l’enquête, suffit pour faire douter du caractère approprié de la méthodologie adoptée par l’autorité, cette dernière doit examiner de façon approfondie la proposition faite par la partie intéressée et, d’autre part, que si une partie doit se conformer, pour les réponses aux questions, à la forme imposée par la Commission et fournir les explications adéquates dans le cas contraire, il appartient à la Commission de respecter son devoir de sollicitude ou de diligence en interprétant correctement les données fournies par cette partie. La requérante évoque, en particulier, les arrêts du Tribunal du 18 septembre 1995, Nölle/Conseil et Commission (T‑167/94, Rec. p. II‑2589), du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission (T‑178/98, Rec. p. II‑3331), et du 8 juillet 2003, Euroalliages e.a./Commission (T‑132/01, Rec. p. II‑2359).

50      Il résulterait de ce qui précède que la Commission n’aurait pas dû ignorer la règle antidumping selon laquelle les coûts des sous-produits ne devraient pas être pris en compte, mais au contraire déduits. Or, la Commission serait restée totalement hermétique aux nombreux efforts faits par la requérante pour corriger l’erreur commise par cette institution à cet égard.

51      Dans sa réplique, la requérante évoque l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base. Cette disposition imposerait à la Commission un devoir de prudence important, lequel ressortirait de la jurisprudence de la Cour en matière de protection des droits de la défense. La Commission ne s’étant pas, selon la requérante, trouvée face à un exportateur refusant de coopérer, elle ne devait pas appliquer la règle des données disponibles (figurant à l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base), mais elle devait prendre les mesures nécessaires, tout au long de l’enquête, pour examiner de son mieux toutes les preuves soumises et devait modifier le format du questionnaire et la vérification qu’il demande pour l’adapter au produit spécifique faisant l’objet de l’enquête. La requérante se prévaut également de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, tout en faisant valoir que, en tout état de cause, les informations fournies, dans l’espèce, à la Commission ne manquaient pas de qualité.

52      La requérante détaille ces informations, conteste qu’elles aient été erronées ou insuffisantes et soutient que c’est la Commission qui n’a pas su les apprécier correctement. Notamment, elle fait valoir que sa demande du 8 novembre 2002, telle que corrigée le 18 novembre 2002, visait clairement la déduction des coûts des sous-produits. Elle soutient avoir, lors de la visite de vérification, abordé cette question et présenté à la Commission divers documents probants, en particulier des factures de vente des sous-produits. Après le règlement provisoire, elle aurait tenté, mais en vain, d’expliquer à nouveau à la Commission la question des sous-produits et lui aurait transmis des documents supplémentaires.

53      Le Conseil, soutenu par la Commission et DKL, affirme que la requérante n’a pas présenté toutes les informations sur les deux sous-produits de fabrication du para-crésol en temps voulu. La jurisprudence évoquée par la requérante à cet égard aurait seulement abordé la question de savoir si la Commission peut accepter des informations fournies hors délai. Quant aux références à certaines décisions de l’OMC, la requérante n’expliquerait ni les conclusions qu’il conviendrait d’en tirer ni leur pertinence. De telles décisions, qui ne lieraient pas le juge communautaire, conforteraient, en tout état de cause, la position du Conseil.

54      En ce qui concerne la violation alléguée du devoir de diligence, les arrêts invoqués par la requérante n’étaieraient pas sa thèse, parce que la Commission et le Conseil auraient respecté toutes les obligations de procédure découlant de ces arrêts.

55      Ainsi, premièrement, il ne s’agirait pas, dans la présente affaire, de savoir si les institutions n’ont pas tenu compte de la règle antidumping selon laquelle les coûts des sous-produits ne doivent pas être pris en considération, mais de savoir si la requérante avait expliqué de manière appropriée que les coûts de production du para-crésol indiqués dans la réponse du 8 novembre 2002 comprenaient les coûts des sous-produits.

56      Deuxièmement, la Commission aurait tenu compte des informations relatives aux sous-produits fournies par la requérante dans ses courriers des 8 et 18 novembre 2002 ainsi que durant la visite de vérification. Selon le Conseil, la requérante ayant confirmé, lors de cette visite, que les coûts des sous-produits étaient affectés séparément et cela ressortant des documents obtenus sur place, la Commission a conclu que ces coûts ne pouvaient être compris dans les coûts de production du para-crésol. Le résultat aurait pu être différent si la requérante avait expliqué à ce moment-là que les coûts de production des sous-produits n’étaient pas affectés séparément et directement et que le montant de [confidentiel](1) yuans chinois (CNY) était la valeur des ventes (ainsi que la requérante l’aurait affirmé bien après l’information provisoire).

57      Troisièmement, les informations fournies après la visite de vérification n’auraient pas été acceptées parce qu’elles n’auraient pu être vérifiées. Rien dans la jurisprudence invoquée par la requérante ne laisserait entendre que les institutions doivent accepter des informations non vérifiables fournies après l’expiration des délais, et notamment après la visite de vérification.

58      Dans sa duplique, le Conseil précise que les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas accepté la déduction des coûts de sous-produits étaient, premièrement, que la réponse de la requérante au questionnaire antidumping était incomplète, deuxièmement, que durant la visite de vérification, la requérante n’avait à nouveau pas expliqué le problème ni montré les factures et, troisièmement, que les autres informations présentées durant les auditions après la visite de vérification étaient en contradiction avec les informations précédemment présentées et ne pouvaient pas être vérifiées dans les délais réglementaires fixés dans le règlement de base. De ­plus, aucune des langues parlées en Chine ne serait une langue officielle communautaire et il n’incomberait pas à la Commission de traduire du chinois dans une langue communautaire les documents présentés par un exportateur à l’appui d’une demande de réduction de ses coûts de production.

59      La requérante, contrairement à ce qu’elle prétendrait, n’aurait pas coopéré de manière parfaite avec la Commission. Ce serait la qualité des informations fournies et non leur volume qui serait déterminant. Le Conseil ajoute que la Commission a vérifié, dans toute la mesure du possible, l’exactitude des éléments de preuve, et ce avec la diligence requise. Il n’aurait pas été possible, sans une seconde visite de vérification, d’examiner les éléments nouvellement présentés, qui étaient en contradiction avec les informations précédentes.

60      S’agissant de la référence opérée par la requérante aux droits de la défense, le Conseil considère que la Commission n’a en rien violé les droits de la défense. La Commission aurait donné à la requérante de nombreuses occasions de faire connaître son point de vue. C’est plutôt la requérante, qui, en fournissant des informations tardives, contradictoires et incomplètes, aurait mal exercé ses droits.

 Appréciation du Tribunal

61      Il ressort de la jurisprudence que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (arrêt de la Cour du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 240/84, Rec. p. 1809, point 19 ; arrêts du Tribunal du 29 janvier 1998, Sinochem/Conseil, T‑97/95, Rec. p. II‑85, point 51 ; du 17 juillet 1998, Thai Bicycle Industry/Conseil, T‑118/96, Rec. p. II‑2991, point 32 ; du 4 juillet 2002, Arne Mathisen/Conseil, T‑340/99, Rec. p. II‑2905, point 53, et du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, Rec. p. II‑3663, point 48).

62      Il s’ensuit que le contrôle du juge communautaire sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits, ou de l’absence de détournement de pouvoir (arrêts de la Cour NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, point 61 supra, point 19, et du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, Rec. p. I‑5163, point 12 ; arrêts du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Conseil, T‑164/94, Rec. p. II‑2681, point 67 ; Thai Bicycle Industry/Conseil, point 61 supra, point 33 ; Arne Mathisen/Conseil, point 61 supra, point 54, et Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 61 supra, point 49).

63      Pour autant, il convient de rappeler que, lorsque les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale et que, parmi ces garanties, figurent, notamment, l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’administré de faire connaître son point de vue ainsi que de voir motiver la décision de façon suffisante (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et arrêt Nölle/Conseil et Commission, point 49 supra, point 73).

64      Dans ce contexte, si, dans le domaine des mesures de défense commerciale et, en particulier, des mesures antidumping, le juge communautaire ne peut intervenir dans l’appréciation réservée aux autorités communautaires, il lui appartient cependant de s’assurer que les institutions ont tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’elles ont évalué les éléments du dossier avec toute la diligence requise pour que l’on puisse considérer que la valeur normale construite a été déterminée d’une manière raisonnable (arrêt Nölle, point 62 supra, point 13 ; arrêts du Tribunal Ferchimex/Conseil, point 62 supra, point 67 ; du 12 octobre 1999, Acme/Conseil, T‑48/96, Rec. p. II‑3089, point 39, et Fresh Marine/Commission, point 49 supra, points 73 à 82). À cet égard, il résulte clairement du libellé de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base que chacune des méthodes de calcul de la valeur normale construite qui y sont énumérées doit être appliquée de manière à conserver un caractère raisonnable à ce calcul, notion qui figure, d’ailleurs, expressément dans ce paragraphe 3 (arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec. p. I‑2069, point 35, et arrêt Acme/Conseil, précité, point 37).

65      Le Tribunal relève, par ailleurs, que si, dans le cadre du règlement de base, c’est à la Commission qu’il incombe, en tant qu’autorité investigatrice, de déterminer si le produit visé par la procédure antidumping fait l’objet d’un dumping et cause un préjudice lorsqu’il est mis en libre pratique dans la Communauté et s’il n’appartient donc pas à cette institution, dans ce cadre, de se décharger sur une partie de la charge de la preuve qui lui incombe à cet égard (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 décembre 1997, EFMA/Conseil, T‑121/95, Rec. p. II‑2391, point 74, et Acme/Conseil, point 64 supra, point 40), il n’en demeure pas moins que le règlement de base ne confère à la Commission aucun pouvoir d’enquête lui permettant de contraindre les producteurs ou exportateurs visés par une plainte à participer à l’enquête ou à produire des renseignements. Dans ces conditions, le Conseil et la Commission dépendent de la coopération volontaire des parties pour leur fournir les informations nécessaires dans les délais impartis. Dans ce contexte, les réponses de ces parties au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base, ainsi que la vérification postérieure à laquelle la Commission peut procéder sur place, prévue à l’article 16 du même règlement, sont essentielles au déroulement de la procédure antidumping. Le risque que, en cas de défaut de coopération des entreprises visées par l’enquête, les institutions prennent en compte des données autres que celles fournies en réponse au questionnaire est inhérent à la procédure antidumping et vise à encourager la coopération loyale et diligente de ces entreprises (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Acme/Conseil, point 64 supra, points 42 à 44, et du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil, T‑210/95, Rec. p. II‑3291, point 71).

66      En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il convient, pour interpréter les dispositions du règlement de base relatives à l’information des parties intéressées, de tenir compte, notamment, des exigences découlant du respect des droits de la défense. En effet, ces exigences s’imposent non seulement dans le cadre de procédures susceptibles d’aboutir à des sanctions, mais également dans les procédures d’enquête précédant l’adoption de règlements antidumping, qui peuvent affecter les entreprises concernées de manière directe et individuelle et comporter pour elles des conséquences défavorables (arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, Rec. p. I‑3187, point 15).

67      Enfin, il ressort de la jurisprudence que si la fixation de délais pour la transmission aux institutions, par les entreprises concernées par une procédure antidumping, de réponses et d’informations est justifiée aux fins du bon déroulement de cette procédure dans les délais prévus au règlement de base, les institutions jouissent d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de prendre en considération des réponses et informations qui leur ont été transmises tardivement. Dans la mesure où cette prise en considération ne risque pas de porter atteinte aux droits procéduraux des autres parties et n’a pas pour effet de prolonger indûment la procédure, elle ne saurait être considérée comme irrégulière (arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 49 supra, point 81).

68      C’est dans ce cadre qu’il convient d’examiner si, comme le prétend la requérante, le Conseil a violé son obligation d’examen diligent et manqué à son obligation de déterminer la valeur normale d’une manière raisonnable.

69      L’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, définit deux modalités alternatives de calcul de la valeur normale construite d’un produit. Selon la première modalité, pertinente en l’espèce, la valeur normale est calculée sur la base du coût de production majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable.

70      En l’espèce, la question qui se pose est celle de savoir si la Commission et le Conseil étaient fondés, compte tenu des informations dont ils disposaient, à considérer que les coûts de production des sous-produits du para-crésol ne devaient pas être déduits des coûts de production de ce dernier produit parce qu’ils auraient été directement affectés auxdits sous-produits.

 Sur la réponse de la requérante, du 8 novembre 2002, au questionnaire antidumping et sa télécopie du 18 novembre 2002

71      En l’espèce, la requérante a informé la Commission, avant la visite de vérification, que la production du para-crésol occasionnait celle de deux sous-produits, un composé phénolé et du sulfite d’aluminium – en fait, du sulfite de sodium, comme le corrigera la requérante lors de la visite de vérification – et que ces sous-produits avaient des débouchés économiques propres. La requérante a également indiqué à la Commission que les coûts de production de ces deux sous-produits s’élevaient, pour la période d’enquête, à [confidentiel] CNY. Ces informations figuraient dans les sections E à G de la réponse de la requérante du 8 novembre 2002 au questionnaire antidumping et notamment, s’agissant de ce dernier montant, dans les tableaux « ECCOP (F‑4,6)» et « DMCOP (F‑4,7)» annexés aux points 6 et 7 de la section F-4, intitulée « Coût de production », dudit questionnaire, ainsi que dans la télécopie de la requérante du 18 novembre 2002 apportant des corrections à cette réponse en ce qui concerne spécifiquement la prise en compte des coûts des sous-produits.

72      Plus particulièrement, la télécopie du 18 novembre 2002 visait, d’une part, à compléter les vides laissés, lors de la réponse du 8 novembre 2002, dans certaines cases du tableau de coûts figurant au point 1 de la section F‑4 intitulée « Coût de production » du questionnaire antidumping (ci-après le « tableau F‑4.1 ») et, d’autre part, à informer la Commission que les montants désormais fournis dans ce tableau intégraient la déduction des coûts de production des sous-produits. C’est ainsi que, alors que le coût total de production du para-crésol pour la période d’enquête s’élevait, d’après les chiffres fournis dans le tableau F-4.1, dans sa version du 8 novembre 2002, à un montant de [confidentiel] CNY, ce coût total était rabaissé, dans la version de ce tableau transmise à la Commission le 18 novembre 2002, à un montant de [confidentiel] CNY.

73      Il ressort de ce qui précède que, par la télécopie du 18 novembre 2002, la requérante a demandé que le coût de production du para-crésol pour la période d’enquête soit fixé à [confidentiel] CNY et non à [confidentiel] CNY, soit une réduction de [confidentiel] CNY correspondant, selon la requérante, aux coûts de production des sous-produits pour la période d’enquête.

74      Le Tribunal relève, en outre, que tout comme le montant de [confidentiel] CNY, le montant de [confidentiel] CNY figurait déjà dans la réponse du 8 novembre 2002. Ainsi, ce dernier montant figurait dans la case « Période d’enquête/Coût total de production » (IP/Total Production Cost) du tableau de coûts récapitulatif situé à la section F-4, point 2, du questionnaire antidumping transmis à la Commission le 8 novembre 2002 (ci-après le « tableau F‑4.2 ») .

75      Le Tribunal constate, toutefois, que tant le règlement provisoire que le document d’information intermédiaire sont fondés uniquement sur les données présentées dans le tableau F-4.1 dans sa version du 8 novembre 2002 et ne font pas référence, fusse même pour les écarter, à la télécopie du 18 novembre 2002 et aux corrections qu’elle apportait.

76      Le Tribunal estime que cette absence de référence, dans le règlement provisoire et dans le document d’information intermédiaire, à la télécopie du 18 novembre 2002, s’explique par l’interprétation que la Commission a fait de cette télécopie et par la position de cette institution lors de la visite de vérification des 25 et 26 novembre 2002.

 Sur l’interprétation par la Commission de la télécopie du 18 novembre 2002

77      Il ressort des écritures du Conseil devant le Tribunal, ainsi que de ses réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience, que la Commission a estimé, à la lecture de la télécopie du 18 novembre 2002, que la requérante affectait directement les coûts de production de ses sous-produits auxdits sous-produits selon une méthode de comptabilité analytique dite « des rendements ».

78      Cette méthode consiste, selon le Conseil, en une affectation directe des coûts de production, opérée sur la base des rendements, entre les différents produits issus du processus de production. Il résulterait de l’emploi de cette méthode que les coûts de production du produit concerné n’incluent aucun coût de production des sous-produits. Cette méthode se distingue, selon le Conseil, d’une autre méthode, dite « de la valeur marchande », fondée sur la valeur marchande ou le prix de vente des sous-produits. Cette méthode ne comporterait pas d’affectation directe des coûts desdits sous-produits, mais impliquerait une déduction de ces coûts des coûts de production du produit concerné.

79      La raison pour laquelle la Commission a estimé, en première analyse et à la lecture de la télécopie du 18 novembre 2002, que la requérante utilisait la méthode des rendements est que, dans les deux notes en bas de page insérées par la requérante dans cette télécopie et dans lesquelles celle-ci expliquait les motifs des corrections apportées à ses réponses au questionnaire antidumping, la requérante s’exprimait en termes de coûts de production de ses sous-produits et non en termes de valeur marchande ou de prix de vente.

 Sur la visite de vérification et le règlement provisoire

80      Le Tribunal constate que les parties sont en désaccord quant à la teneur de leurs échanges au sujet des sous-produits lors de la visite de vérification. Ainsi, alors que la requérante fait valoir qu’elle a, lors de cette visite, clairement réitéré sa demande de déduction déjà formée par écrit le 18 novembre 2002 et qu’elle a été rassurée sur le fait que la Commission avait compris cette demande, le Conseil soutient, quant à lui, que la requérante a confirmé à la Commission que les coûts de production des sous-produits avaient été affectés directement aux sous-produits, ce qui aurait permis à la Commission de considérer qu’il n’y avait pas lieu de les déduire.

81      S’agissant de la question de savoir comment ce malentendu aurait pu ou dû être dissipé, il convient de rappeler que si la Commission avait nécessairement à l’esprit, lorsqu’elle a abordé la question des sous-produits durant la visite de vérification, sa propre lecture de la télécopie du 18 novembre 2002, fondée sur le libellé des notes en bas de page de cette télécopie, laquelle lecture excluait toute déduction, cette institution ne pouvait, pour autant, ignorer les termes des corrections chiffrées apportées par cette télécopie à la réponse du 8 novembre 2002. Par suite, la Commission devait, ou aurait dû, être consciente de la contradiction entre sa lecture a priori de la télécopie du 18 novembre 2002, évoquée au point 77 ci-dessus, et la demande chiffrée de réduction du montant du coût de production du para-crésol exprimée dans cette télécopie et évoquée au point 73 ci-dessus.

82      Or, force est de constater que la Commission n’a pas cherché à dissiper la contradiction susvisée.

83      Il ressort, en effet, des écritures du Conseil que la Commission aurait posé « une question précise » à la requérante : celle de savoir si la requérante affectait directement les coûts liés en fonction des rendements obtenus lors de la production du para-crésol. La requérante aurait répondu par l’affirmative. Cette réponse aurait « confirmé » la Commission dans sa position selon laquelle il ne fallait pas déduire les coûts des sous-produits. Partant, la Commission aurait estimé inutile d’enquêter plus avant sur les coûts des sous-produits. Les écritures de la requérante font également état du désintérêt de la Commission pour la question des sous-produits dès la réponse de la requérante à la question de la Commission à ce sujet. Les termes du compte rendu de la visite de vérification, établi par la Commission le 3 décembre 2002 et produit par le Conseil en réponse à une question écrite du Tribunal, ainsi que les déclarations à l’audience, corroborent également cette description des échanges intervenus entre les parties au sujet des sous-produits durant la visite de vérification.

84      Il ressort de ce qui précède que la Commission, après la réponse de la requérante à la question posée relative à la prise en compte des sous-produits, n’a pas indiqué à cette dernière les conséquences qu’elle tirait de cette réponse, à savoir la non-déduction des coûts des sous-produits, et ce alors même que ces conséquences étaient en contradiction avec les termes chiffrés de la télécopie du 18 novembre 2002, lesquels visaient la fixation du coût de production du para-crésol à [confidentiel] CNY et non à [confidentiel] CNY, soit une réduction de [confidentiel] CNY correspondant, selon la requérante, aux coûts de production des sous-produits, et contenaient ainsi, en substance, une demande de déduction des coûts des sous-produits.

85      Le Tribunal relève que, en l’absence de tout signalement par la Commission de cette difficulté, la requérante était dans l’incapacité, à ce moment de l’enquête, de savoir que la Commission avait conclu qu’il n’y avait pas lieu de procéder à la déduction des coûts des sous-produits. En effet, seule la Commission pouvait avoir conscience – et donc pouvait faire état – de la contradiction entre les demandes chiffrées figurant dans la télécopie du 18 novembre 2002 et le traitement qu’elle entendait appliquer aux coûts des sous-produits. Le silence de la Commission lors de la visite de vérification autorisait, dans ce contexte, la requérante à penser que sa demande de déduction avait bien été comprise et qu’elle ne soulevait pas, en l’état, de difficultés.

86      Lors de l’audience, le Conseil et la Commission ont toutefois fait valoir que la raison pour laquelle la Commission n’a pas, dans le règlement provisoire, procédé à la déduction des coûts des sous-produits réside dans le fait que la requérante n’a pas, dans sa réponse au questionnaire antidumping, fourni d’éléments suffisants pour justifier une telle déduction. Or, il n’appartiendrait pas aux institutions de se substituer aux parties dans les réponses à apporter au questionnaire antidumping ni de procéder à une « enquête tous azimuts ». Le Conseil et la Commission ont également fait valoir que la Commission était fondée, lors de la visite de vérification et compte tenu du temps court dont elle disposait, à se limiter à enregistrer les réponses de la requérante, sans devoir réagir à ces réponses.

87      Il est exact, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 65 ci-dessus, qu’il n’incombe nullement à la Commission de se substituer aux parties intéressées dans l’obtention des informations qu’il revient à ces dernières de lui fournir dans le cadre de l’enquête antidumping. En particulier, si la Commission est tenue de vérifier, dans la mesure du possible, l’exactitude des renseignements fournis par les parties intéressées et sur lesquels ses conclusions sont fondées (voir article 6, paragraphe 8, du règlement de base), cette obligation suppose que ces parties coopèrent avec la Commission, au sens de l’article 18 du règlement de base. Ainsi, selon cette dernière disposition, lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus au règlement de base ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles. Il en est de même s’il est constaté qu’une partie concernée a fourni un renseignement faux ou trompeur.

88      Pour autant, le Tribunal relève, tout d’abord, qu’il est constant que la requérante ne s’est, à aucun moment de la procédure antidumping, rendue responsable d’un défaut de coopération, au sens de l’article 18 du règlement de base.

89      Le Tribunal considère, ensuite et surtout, que l’argument du Conseil et de la Commission, tiré de ce que la non-déduction par cette dernière institution, dans le règlement provisoire, des coûts des sous-produits, serait due au fait que la requérante n’aurait pas, dans sa réponse au questionnaire antidumping ou lors de la visite de vérification, produit d’éléments suffisants pour justifier une telle déduction, ne rend pas compte de la réalité des faits.

90      En effet, ce n’est pas en raison d’une telle insuffisance prétendue des éléments produits par la requérante que la Commission n’a pas déduit les coûts des sous-produits, mais en raison du fait que la Commission avait compris des informations et réponses fournies par la requérante que celle-ci ne souhaitait pas cette déduction. Comme cela est exposé au point 83 ci-dessus, la Commission s’est estimée, lors de la visite de vérification, « confirmée » dans son appréciation, adoptée a priori à la lecture de la télécopie du 18 novembre 2002, selon laquelle il ne fallait pas déduire les coûts des sous-produits.

91      Si la position défendue par le Conseil et la Commission, fondée sur la prétention que c’est l’insuffisance des informations fournies au soutien de la demande de déduction qui a justifié l’absence de déduction, était exacte, alors la Commission aurait été amenée, lors de la visite de vérification, à signaler d’emblée à la requérante que cette demande de déduction, identifiée comme telle, n’était pas assortie, en l’état, de justifications suffisantes pour pouvoir être utilement prise en considération. De plus et quand bien même la Commission aurait omis d’avertir la requérante de cette insuffisance lors de la visite de vérification, elle aurait au moins été tenue, en exécution de ses obligations d’information détaillée et de motivation, expressément prévues, respectivement, à l’article 20, paragraphe 1, et à l’article 14, paragraphe 2, du règlement de base et rappelées par la jurisprudence citée, respectivement, aux points 66 et 63 ci-dessus, d’indiquer, dans le document d’information intermédiaire et dans le règlement provisoire, que la demande de déduction des coûts des sous-produits était rejetée en l’absence de preuves suffisantes. Or, le Tribunal constate que tant l’information intermédiaire que le règlement provisoire sont totalement silencieux sur la question de la déduction des coûts des sous-produits.

92      Les termes dans lesquels la Commission a interprété la télécopie du 18 novembre 2002 et le fait que cette institution n’a pas signalé à la requérante la contradiction existant entre le traitement qu’elle se préparait à appliquer aux coûts des sous-produits et les montants chiffrés figurant dans cette télécopie ont eu pour conséquence que la Commission ne s’est pas placée en position de procéder, lors de cette visite, à aucune des vérifications qui se seraient pourtant imposées si, la contradiction susvisée ayant été exposée, un débat entre les parties s’était engagé, provoquant la dissipation du malentendu et amenant la Commission à constater que la requérante demandait une déduction des coûts de ses sous-produits.

93      À cet égard, il ne saurait être fait droit aux arguments avancés à l’audience et selon lesquels la Commission, eu égard au temps limité prévu pour la visite de vérification et au volume des informations à vérifier, n’était pas tenue, lors de cette visite, à d’autres obligations que celle de prendre note passivement des réponses de la requérante, en vue d’une analyse ultérieure.

94      En effet, s’il est vrai que la Commission ne saurait être tenue, dans le cadre de l’enquête antidumping et, notamment, lors de la visite de vérification, de se substituer aux parties, lesquelles doivent coopérer loyalement et efficacement avec la Commission en lui fournissant les informations nécessaires et précises, il n’en demeure pas moins que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la Commission ne pouvait, sans manquer à son obligation d’examen diligent, omettre de signaler à la requérante la contradiction qu’elle avait ou aurait dû relever entre, d’une part, les termes chiffrés de la télécopie du 18 novembre 2002 et, d’autre part, le fait qu’elle comprenait de la réponse de la requérante que celle-ci ne demandait pas la déduction des coûts des sous-produits.

95      En outre, pour autant que les arguments susvisés suggéreraient que la Commission avait besoin de procéder ultérieurement à une analyse des réponses de la requérante pour arrêter définitivement sa position quant au traitement à réserver aux coûts des sous-produits, le Tribunal relève que cela est contredit par le fait que la Commission s’est estimée, lors de la visite de vérification, confirmée dans sa position quant au traitement à appliquer auxdits coûts et qu’elle n’a, dès lors, plus estimé nécessaire d’enquêter à ce sujet.

96      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, eu égard aux circonstances particulières du cas d’espèce, la Commission a commis une erreur manifeste dans son appréciation des termes de la télécopie du 18 novembre 2002 et une violation de son obligation, rappelée par la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus, de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes et d’évaluer les éléments du dossier avec toute la diligence requise pour que l’on puisse considérer que la valeur normale construite a été déterminée d’une manière raisonnable.

97      Il convient, dès lors, d’examiner si ces illégalités, intervenues au stade du règlement provisoire, ont eu pour conséquence d’entraîner l’illégalité du règlement attaqué. En effet, le fait que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et a manqué à son obligation d’examen diligent au stade initial de la procédure antidumping n’entraîne pas nécessairement l’illégalité du règlement définitif adopté par le Conseil.

 Sur le règlement attaqué

98      Au considérant 12 du règlement attaqué, le Conseil, reprenant exactement la formulation de la proposition de règlement définitif préparée par la Commission, a traité la question des sous-produits dans les termes suivants :

« [La requérante] a fait valoir que le coût de production de deux autres produits devait être déduit du coût de production total, car ces produits sont obtenus selon le même processus de production, mais vendus séparément. [La requérante] n’a pas pu étayer son argument à l’aide d’éléments de preuve fondés. Il ressortait, en effet, des documents obtenus sur place que les coûts directs étaient déjà affectés aux différents produits correspondant à la réponse initiale au questionnaire. La demande a donc dû être rejetée. » 

99      Le Tribunal constate que la Commission et le Conseil ont maintenu, dans la proposition de règlement définitif et dans le règlement attaqué, le traitement appliqué aux coûts des sous-produits au stade du règlement provisoire.

100    Ainsi, la Commission et le Conseil ont conservé le montant de [confidentiel] CNY, retenu au stade du règlement provisoire comme coût de fabrication du para-crésol, ainsi que le choix de ne pas déduire les coûts des sous-produits, dont l’existence et la commercialisation ne sont pas contestées par le Conseil et par la Commission, ainsi que ces institutions l’ont confirmé en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

101    Il convient, dès lors, d’examiner la question de savoir si le choix de ne pas déduire les coûts des sous-produits a ou non procédé, lorsqu’il fut réitéré au stade de la proposition de règlement définitif et, surtout, au stade du règlement attaqué, d’une violation de l’obligation de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes et d’évaluer les éléments du dossier avec toute la diligence requise pour que l’on puisse considérer que la valeur normale construite a été déterminée d’une manière raisonnable, au sens de la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus.

102    Le Conseil fait valoir, en substance, quatre arguments devant le Tribunal pour justifier le maintien, dans le règlement attaqué, de la solution retenue au stade du règlement provisoire.

103    Le premier argument du Conseil consiste à faire valoir que la réponse de la requérante au questionnaire antidumping était incomplète.

104    Le Tribunal relève, cependant, que cet argument concerne des faits antérieurs au règlement provisoire et, donc, qu’il préexistait audit règlement. Or, qu’il soit vrai ou pas, cet argument n’a pas empêché la Commission d’admettre, implicitement mais nécessairement, au stade dudit règlement provisoire, l’existence et la commercialisation des sous-produits et de réserver à leurs coûts un traitement particulier consistant en leur non-déduction au motif que ces coûts auraient été affectés directement aux sous-produits. Cet argument n’apporte donc aucun éclairage sur les motifs pour lesquels la Commission et le Conseil ont maintenu, dans la proposition de règlement définitif et dans le règlement attaqué, la solution retenue, sur la base d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’obligation de diligence, au stade du règlement provisoire.

105    Le deuxième argument du Conseil consiste à faire valoir que, durant la visite de vérification, la requérante n’avait pas à nouveau expliqué le problème des sous-produits ni montré les factures de ceux-ci.

106    Le Tribunal relève que ce deuxième argument ne peut pas non plus être accepté, car, là encore, il concerne des faits antérieurs au règlement provisoire et donc préexistait lui-même audit règlement. Le fait allégué que la requérante n’aurait pas à nouveau expliqué le problème durant la visite de vérification et montré les factures de vente des sous-produits, à le supposer vrai, ce que la requérante conteste au demeurant formellement, n’a pas empêché la Commission d’admettre, là encore, l’existence et la commercialisation des sous-produits au stade du règlement provisoire et n’explique en rien pourquoi le traitement réservé aux coûts des sous-produits à ce stade a été maintenu dans le règlement attaqué.

107    À titre surabondant, le Tribunal relève que, à supposer même, comme le prétend le Conseil, que la requérante n’ait pas fourni d’éléments supplémentaires au stade de la visite de vérification, c’est uniquement parce que l’attitude de la Commission lors de cette visite lui permettait de penser que sa demande de déduction avait été bien comprise et ne soulevait pas de difficultés en l’état (voir point 85 ci-dessus). Le Tribunal estime, et les parties ne l’ont nullement contesté lors de l’audience, que, si la Commission avait fait état de la contradiction existant entre les termes chiffrés de la télécopie du 18 novembre 2002 et ce qu’elle comprenait des réponses de la requérante, le débat se serait engagé entre les parties et la question des sous-produits aurait été clarifiée.

108    Le Tribunal précise qu’il ne s’agit nullement, par ces considérations, d’exprimer que la Commission aurait dû mener une « enquête tous azimuts ». Il s’agit seulement de tirer les conséquences des obligations, rappelées aux points 63 et 64 ci-dessus, incombant à l’institution titulaire, comme en l’espèce, d’un large pouvoir d’appréciation, d’examiner avec soin et impartialité toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce et d’évaluer les éléments du dossier avec toute la diligence requise pour que l’on puisse considérer que la valeur normale construite a été déterminée d’une manière raisonnable. Il découle de ces obligations que, sous réserve d’un défaut de coopération au sens de l’article 18 du règlement de base, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, les institutions doivent, lorsqu’elles ne peuvent pas raisonnablement s’estimer suffisamment éclairées sur une question pourtant directement pertinente pour la détermination de la valeur normale, le signaler clairement à l’opérateur concerné. Cette obligation fait écho à l’obligation, prévue à l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base, de vérifier, dans la mesure du possible, l’exactitude des renseignements fournis par les parties intéressées et sur lesquels les conclusions des institutions sont fondées.

109    Le troisième argument avancé par le Conseil comporte deux volets. D’une part, les informations fournies par la requérante auraient été en contradiction avec celles précédemment présentées, d’autre part, elles auraient été transmises tardivement ou dans une langue inexploitable.

110    S’agissant de l’allégation de contradiction, le Tribunal estime qu’elle ne saurait prospérer, pour les motifs suivants.

111    D’abord, cette allégation est uniquement avancée par le Conseil dans le but de critiquer les éléments de preuve produits par la requérante. Elle n’est nullement l’occasion pour cette institution de fournir une justification de la solution finalement retenue par elle pour le traitement des sous-produits. Or, une solution fondée, au stade du règlement provisoire, sur une erreur manifeste d’appréciation et un défaut d’examen diligent du dossier ne saurait être maintenue, au stade du règlement définitif, au motif que les éléments que la requérante a fait valoir ultérieurement comportaient des contradictions. Un tel argument ne constitue pas une justification du traitement finalement retenu par le Conseil, pas plus que ne le constituent les deux premiers arguments examinés ci-dessus.

112    Ensuite, surabondamment, la réalité de certaines des contradictions alléguées par le Conseil et dont il fait état dans son mémoire en défense n’est pas avérée.

113    Ainsi, le fait que la requérante indiquerait désormais « que les coûts de production des sous-produits n’ont pas été séparés des coûts de production du para-crésol » et demanderait « que les coûts spécifiques liés à la production des sous-produits soient déduits des coûts de production du para-crésol », ou le fait que la requérante aurait hésité entre la méthode des rendements et celle de la valeur marchande ne constituent pas de réelles contradictions dans les propos successifs de la requérante. La contradiction, pour autant qu’elle existe, oppose, en réalité, les demandes de la requérante et la compréhension qu’en a eue la Commission au stade du règlement provisoire. Elle semble, également, procéder du fait que la Commission et le Conseil s’en tiennent, de manière restrictive, à la typologie des méthodes de prise en compte des coûts des sous-produits évoquée aux points 77 et 78 ci-dessus. Le Tribunal relève, toutefois, que l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base ne prévoit, sous réserve du respect des principes comptables généralement acceptés du pays concerné, aucune restriction particulière quant aux méthodes utilisables pour l’évaluation et le traitement comptable des coûts.

114    S’agissant de l’allégation du Conseil selon laquelle les informations fournies par la requérante auraient été tardives et non vérifiables, que ce soit pour des raisons de délais ou des raisons linguistiques, elle n’est pas non plus de nature à justifier le maintien, au stade du règlement attaqué, d’une solution initiale fondée sur une erreur manifeste d’appréciation et un défaut d’examen diligent du dossier.

115    En outre, le Tribunal considère que cette allégation n’est pas fondée.

116    En effet, s’agissant, premièrement, du caractère tardif, invoqué par la Commission dans sa télécopie du 25 août 2003, de l’information donnée par la requérante le 18 novembre 2002 au sujet des sous-produits, le Tribunal relève que, lors de l’audience, le Conseil a renoncé à s’en prévaloir.

117    Pour autant, il demeure que la position adoptée par la Commission dans sa proposition de règlement définitif et celle adoptée par le Conseil dans le règlement attaqué ont été fondées, notamment, sur ce prétendu caractère tardif.

118    Or, il est constant, d’une part, que la télécopie du 18 novembre 2002, certes postérieure de quelques jours seulement à la date limite pour le dépôt de la réponse au questionnaire antidumping, est toutefois parvenue à la Commission sept jours avant la visite de vérification. D’autre part, cette télécopie répondait à une télécopie de la Commission du 15 novembre 2002 invitant expressément la requérante à signaler toutes les erreurs qui se révéleraient à l’occasion de la préparation de la visite de vérification. Enfin, il est constant que la télécopie du 18 novembre 2002 a été prise en considération en son temps par la Commission. Ce faisant, la Commission n’a d’ailleurs fait qu’user de la faculté, reconnue par la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, de tenir compte d’informations qui lui parviennent après l’expiration des délais impartis. Dans ces conditions, la Commission ne pouvait pas raisonnablement prétendre, comme elle l’a pourtant fait dans sa télécopie du 25 août 2003 et pour fonder son refus de réexaminer la question des sous-produits, que la télécopie du 18 novembre 2002 était tardive.

119    S’agissant, deuxièmement, du caractère tardif, invoqué par la Commission dans sa télécopie du 25 août 2003, de la demande de déduction de la valeur de vente des sous-produits, laquelle demande n’aurait, selon la Commission, été formulée que le 22 avril 2003, soit après le règlement provisoire, le Tribunal considère que, quand bien même la requérante aurait pu s’exprimer de manière plus détaillée dans ses réponses au questionnaire antidumping, la demande de déduction des coûts des sous-produits ressortait néanmoins clairement de la télécopie du 18 novembre 2002, laquelle, ainsi que mentionné au point 73 ci-dessus, comportait une demande visant à ce que le coût de production du para-crésol pour la période d’enquête soit fixé à [confidentiel] CNY et non à [confidentiel] CNY, soit une réduction de [confidentiel] CNY correspondant, selon la requérante, aux coûts de production des sous-produits pour la période d’enquête. Le Tribunal considère donc que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la Commission et le Conseil ne peuvent reprocher à la requérante l’envoi d’éléments d’information supplémentaires après que cette dernière a été informée, seulement au stade du règlement provisoire, du fait que la Commission n’avait pas compris cette demande de déduction. Il s’ensuit que la requérante pouvait produire de tels éléments d’information après ce règlement, venant à l’appui de sa demande de déduction des coûts des sous-produits, en particulier dans sa lettre du 22 avril 2003, à charge pour la Commission de procéder à un réexamen diligent, incluant au besoin des vérifications supplémentaires. Retenir, dans les circonstances particulières de l’espèce, une position contraire reviendrait à priver de sens et d’effet utile la partie de la procédure antidumping postérieure au règlement provisoire.

120    Quant à la considération du Conseil selon laquelle certains documents – essentiellement des documents comptables communiqués par la requérante les 23 et 25 juillet 2003 – auraient été produits seulement en chinois, il convient également de l’écarter, pour les raisons suivantes. Indépendamment même de la question de savoir à qui incombait l’éventuelle traduction desdits documents, cette considération ne saurait écarter le fait que, dans le contexte particulier de la présente affaire, c’était à la Commission qu’il appartenait, en tant qu’autorité investigatrice et au vu des commentaires de la requérante du 22 avril 2003 sur le règlement provisoire, d’engager sans délai un réexamen complet et diligent de la position adoptée dans ce règlement concernant les sous-produits. C’est alors que la Commission aurait pu, à supposer qu’une telle obligation incombât à la requérante, exiger de celle-ci qu’elle accompagnât les documents produits d’une traduction. Or, la Commission n’a pris aucune initiative en vue d’un tel réexamen. C’est la requérante qui a envoyé à la Commission des documents que cette dernière ne réclamait pas. Le Conseil et la Commission ne sauraient, dès lors, faire valoir devant le Tribunal un défaut de traduction pour justifier le refus d’examiner les documents produits par la requérante postérieurement au règlement provisoire, ce motif n’étant d’ailleurs pas celui avancé par la Commission dans sa télécopie du 25 août 2003.

121    Le quatrième argument avancé par le Conseil réside dans le fait que les documents obtenus sur place auraient indiqué que les coûts des sous-produits étaient directement affectés auxdits sous-produits. Les documents remis à la Commission durant la visite de vérification et que cet argument est susceptible de viser sont au nombre de quatre. Il s’agit, premièrement, d’un document intitulé « Table de calcul des coûts de production de Shandong Reipu Bio-chemicals Ltd » (Product cost calculation table of Shandong Reipu Bio-chemicals Ltd), figurant à l’annexe A19 de la requête (ci-après le « document A19 »), deuxièmement, d’un document intitulé « Coût de production – Période d’enquête » (Cost of production IP), figurant à l’annexe A20 de la requête (ci-après le « document A20 »), troisièmement, d’un document intitulé « Registre des produits finis pour le para-crésol » (Ledger of finished products for paracresol), figurant à l’annexe A21 de la requête (ci-après le « document A21 ») et, quatrièmement, d’un document intitulé « Statistiques de coûts des produits concernés durant la période d’enquête » (Cost statistics of products concerned during the investigation period), figurant à l’annexe A22 de la requête (ci-après le « document A22 »). Ces documents sont tous des tableaux de chiffres.

122    S’agissant du document A19, force est de constater que les critiques formulées par la Commission à son égard et dont le Conseil se fait l’écho dans son mémoire en défense n’expliquent en rien pourquoi la Commission a considéré que ce document indiquait que les coûts des sous-produits étaient directement affectés à ces sous-produits. Il est observé à cet égard que, immédiatement à la suite de ces critiques dans son mémoire en défense, le Conseil ajoute que « pour clarifier la question des sous-produits et déterminer comment procéder, les fonctionnaires de la Commission chargés de l’enquête ont demandé à la requérante [...] si elle affectait directement les coûts liés en fonction des rendements ». Ce n’est que « compte tenu de [la] réponse [de la requérante que] la Commission a estimé que tous les coûts indiqués dans [...] la pièce A19 ne portaient que sur le produit concerné et en a conclu qu’il n’y avait aucune raison de déduire quoi que ce soit des montants indiqués comme coûts de production du para-crésol ».

123    Il apparaît donc que ce n’est pas le contenu du document A19 qui a amené la Commission à considérer que les coûts des sous-produits leur étaient directement affectés, mais seulement la compréhension que la Commission a eue de la réponse de la requérante à la question posée à ce sujet.

124    S’agissant des documents A20 et A21, il ressort clairement du mémoire en défense du Conseil qu’ils n’ont été ni demandés ni examinés par la Commission pour les besoins de la réponse à apporter à la question des sous-produits.

125    S’agissant du document A22, le Conseil lui-même relève, dans son mémoire en défense, que la Commission « ne s’est pas rapportée à ce document spécialement préparé lorsqu’elle a conclu que les coûts liés aux sous-produits étaient déjà affectés à ces sous-produits ».

126    Plus généralement et ainsi que cela est exposé au point 83 ci-dessus, la description faite par le Conseil du déroulement de la visite de vérification révèle que la Commission, une fois qu’elle a cru avoir reçu de la requérante la confirmation de l’affectation directe des coûts des sous-produits, s’est désintéressée des quatre documents susvisés.

127    Il ressort de ce qui précède que l’affirmation de la Commission, notamment lors de l’audition du 19 mai 2003, reprise telle quelle dans le considérant 12 du règlement attaqué, selon laquelle les documents produits lors de la visite de vérification auraient indiqué que les coûts des sous-produits ne devaient pas être déduits, est dénuée de fondement.

128    Il résulte, en définitive, de l’examen des quatre arguments susvisés du Conseil que la Commission, puis le Conseil, ont refusé, à tort, de réexaminer sérieusement, après le règlement provisoire, le caractère approprié du traitement des coûts des sous-produits retenu à ce stade, ce qui a perpétué, au stade du règlement attaqué, les effets de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’obligation d’examen diligent commises au stade du règlement provisoire.

129    Le Tribunal précise qu’il ne s’agit nullement d’affirmer que le Conseil aurait dû opérer, dans le présent cas d’espèce, la déduction demandée par la requérante au vu des seules informations données par celle-ci tant avant qu’après le règlement provisoire. Le Tribunal ne saurait préjuger de la solution à laquelle aurait abouti un tel réexamen diligent. Il ne s’agit pas non plus d’affirmer que ces informations étaient d’une qualité parfaite et pouvaient être acceptées sans vérification, mais seulement de juger que, dans les circonstances particulières de l’espèce et à la lumière de ces informations, la Commission et le Conseil auraient dû considérer que la position adoptée au stade du règlement provisoire l’avait été de manière hâtive et qu’il leur était nécessaire, compte tenu de leur obligation d’examen diligent et afin de parvenir à un calcul raisonnable de la valeur normale, de réexaminer soigneusement la question des sous-produits.

130    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, la Commission et le Conseil ont manqué, tant avant qu’après le règlement provisoire, à leurs obligations, rappelées par la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus, de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes et d’évaluer les éléments du dossier avec toute la diligence requise pour que l’on puisse considérer que la valeur normale construite a été déterminée d’une manière raisonnable.

131    Il s’ensuit qu’il convient d’annuler le règlement attaqué, en ce qu’il concerne la requérante, sans qu’il soit besoin pour le Tribunal de se prononcer sur les deuxième et troisième moyens d’annulation ni de faire droit à la demande de la requérante visant à la production par la Commission des calculs fondant l’évaluation par cette institution du dommage subi par l’industrie communautaire.

 Sur les dépens

132    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

133    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. En outre, aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées au deuxième alinéa de cette disposition supportera ses propres dépens. La Commission et DKL, intervenantes au soutien du Conseil, supporteront donc leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement (CE) n° 1656/2003 du Conseil, du 11 septembre 2003, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de para-crésol originaire de la République populaire de Chine, est annulé en ce qu’il concerne la requérante.

2)      Le Conseil est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

3)      La Commission et Degussa Knottingley Ltd supporteront leurs propres dépens.

Vilaras

Martins Ribeiro

Jürimäe

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      M. Vilaras


* Langue de procédure : l'anglais.


1 – Données confidentielles occultées.