Language of document : ECLI:EU:T:2013:22

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

17 janvier 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative Walzer Traum – Marque nationale verbale antérieure Walzertraum – Absence d’usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 207/2009 – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑355/09,

Reber Holding GmbH & Co. KG, établie à Bad Reichenhall (Allemagne), représentée par Mes O. Spuhler et M. Geitz, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Wedl & Hofmann GmbH, établie à Mils/Hall in Tirol (Autriche), représentée par Me T. Raubal, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 9 juillet 2009 (affaire R 623/2008-4), relative à une procédure d’opposition entre Reber Holding GmbH & Co. KG et Wedl & Hofmann GmbH,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas et K. O’Higgins (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 14 septembre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 11 décembre 2009,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 4 mars 2010,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 12 mai 2010,

à la suite de l’audience du 7 novembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 août 2005, l’intervenante, Wedl & Hofmann GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO L 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la marque figurative suivante :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Café ; café instantané ; café décaféiné ; sucre ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 7/2006, du 13 février 2006.

5        Le 27 février 2006, la requérante, Reber Holding GmbH & Co. KG, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque verbale nationale antérieure Walzertraum désignant des produits de la classe 30 et correspondant à la description suivante : « Produits de boulangerie, confiseries, produits en chocolat et sucreries ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Ayant été invitée à présenter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, la requérante a présenté, le 9 février 2007, les documents suivants :

–        une déclaration écrite du gérant de la société Paul Reber GmbH & Co. KG du 31 janvier 2007 ;

–        deux photographies de présentoirs de la confiserie Paul Reber ;

–        des copies des listes mensuelles des ventes de chocolats pour la période allant de mars 2001 à décembre 2002 ;

–        des extraits du site Internet de la société Paul Reber présentant les différentes sortes de chocolats de ladite société, datés respectivement du 30 mars 2004 et du 23 janvier 2007.

9        Par décision du 18 février 2008, la division d’opposition a fait droit à l’opposition aux motifs que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux et qu’il existait un risque de confusion des marques en cause, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

10      Le 17 avril 2008, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 9 juillet 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté l’opposition dans son intégralité, conformément à l’article 42, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement n° 207/2009 et à la règle 22, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1). Tout d’abord, elle a considéré que les preuves apportées par la requérante pour prouver l’usage de la marque antérieure étaient recevables, conformément à l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009. Toutefois, selon elle, les documents apportés par la requérante n’étaient pas suffisants pour prouver l’usage sérieux de la marque antérieure pour les produits de boulangerie, les confiseries, les produits en chocolat et les sucreries protégés par ladite marque. Elle a relevé qu’aucune preuve n’avait été apportée pour les produits de boulangerie et les sucreries.

12      S’agissant de la durée de l’usage de la marque antérieure, elle a considéré que les listes mensuelles des ventes, produites par la requérante, qui couvraient la période allant de mars 2001 à décembre 2002, relevaient de la période pertinente de cinq ans ayant précédé la publication de la demande de marque communautaire.

13      Quant à l’importance de l’usage de la marque antérieure, il a été rappelé qu’il convenait de tenir compte, notamment du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la période pendant laquelle des actes d’usage avaient été accomplis ainsi que la fréquence de ces actes, d’autre part. Il ressortirait des documents versés auprès de l’OHMI que, si la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage continu pour plusieurs catégories de chocolats fabriqués par la requérante, ces derniers n’étaient cependant commercialisés que pour des quantités restreintes (points 29 à 31 de la décision attaquée).

14      S’agissant de l’étendue géographique de l’usage de la marque antérieure, la chambre de recours a relevé que la requérante n’avait fourni aucune indication concernant la taille et l’importance de la confiserie où elle vendait les chocolats de la marque antérieure. Or, si un faible volume de produits commercialisés ne devait pas être apprécié dans l’absolu, mais en rapport avec les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné, la chambre de recours a considéré que les chocolats étaient commercialisés à un seul endroit, à savoir la confiserie de Bad Reichenhall (Allemagne), et ce en quantités ayant un caractère symbolique (points 32 à 37 de la décision attaquée).

15      Eu égard à la nature des produits, et même compte tenu du fait qu’il s’agissait de produits artisanaux, la chambre de recours a considéré que ces quantités n’étaient pas suffisantes pour garantir sérieusement une part de marché sur le marché allemand des chocolats, de sorte que l’utilisation de la marque antérieure n’avait qu’une portée locale marginale (points 38 et 39 de la décision attaquée). Selon la chambre de recours, une telle constatation ne pouvait être remise en cause par le fait que la requérante possédait un site Internet, puisqu’il n’avait jamais été démontré que des commandes s’effectuaient en ligne. Il aurait dès lors été impossible d’établir un rapport entre ledit site et les chiffres de ventes (point 40 de la décision attaquée).

16      La requérante aurait certes prouvé une certaine continuité de l’usage de la marque antérieure. Cet usage se serait cependant inscrit dans des limites géographiques et quantitatives étroites et locales, de sorte qu’il n’aurait plus pu être qualifié d’usage sérieux au regard de sa nature et de son importance (point 42 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

18      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      La requérante invoque deux moyens au soutien du recours. Le premier moyen est tiré de l’erreur de droit dans l’application combinée par la chambre de recours de l’article 42, paragraphe 2, première phrase, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009. Le second est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le premier moyen, tiré de l’erreur de droit dans l’application combinée par la chambre de recours de l’article 42, paragraphe 2, première phase, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009

21      La requérante soutient que l’interprétation effectuée par l’OHMI de l’usage sérieux tel qu’il ressort de l’article 42, paragraphe 2, première phrase, lu en combinaison avec l’article 42, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, est erronée en ce sens que l’OHMI aurait fait dépendre l’existence d’un usage sérieux de la marque antérieure du volume du chiffre d’affaires et du nombre de points de vente. La requérante considère que les éléments de preuve qu’elle a avancés lors de la procédure devant l’OHMI étaient de nature à démontrer le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure.

22      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante et considèrent que les éléments de preuve apportés par cette dernière n’étaient pas suffisants pour prouver l’usage sérieux de la marque antérieure.

23      Ainsi qu’il découle du considérant 10 du règlement n° 207/2009, le législateur a considéré que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci avait effectivement été utilisée. En écho à ce considérant, l’article 42, paragraphes 2 et 3, du même règlement, prévoit que le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque ayant fait l’objet d’une opposition.

24      En vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure [voir arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié au Recueil, point 27, et la jurisprudence citée].

25      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque communautaire consiste à limiter des conflits entre deux marques, à moins qu’il existe un juste motif économique à l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 mars 2003, Goulbourn/OHMI – Redcats (Silk Cocoon), T‑174/01, Rec. p. II‑789, point 38]. En revanche, les dispositions mentionnées aux points 21 et 24 ci-dessus ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, points 36 à 38, et la jurisprudence citée].

26      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que cette dernière, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (arrêt VITAFRUIT, précité, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Ansul, précité, point 37).

27      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, précité point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, précité, point 43).

28      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du Tribunal VITAFRUIT, précité, point 41, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 35].

29      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt VITAFRUIT, précité, point 42). Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec. p. II‑5233, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 28].

30      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a, à bon droit, estimé que les documents versés au dossier (voir point 8 ci-dessus) par la requérante ne permettaient pas de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure.

31      Tout d’abord, il y a lieu de constater que la demande de marque communautaire ayant été publiée le 13 février 2006, la période de cinq ans visée à l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 s’étendait pour les produits enregistrés au cours des cinq années qui ont précédé la publication de ladite demande, c’est-à-dire du 13 février 2001 au 12 février 2006.

32      Il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les preuves apportées pour démontrer l’usage au cours de la période allant du 13 février 2001 au 12 février 2006, à savoir en l’espèce les copies des listes mensuelles des ventes de chocolats pour la période allant de mars 2001 à décembre 2002, ainsi que les extraits du site Internet de la société Paul Reber du 30 mars 2004, étaient recevables. De même, la déclaration du gérant de la société Paul Reber, bien que datée du 31 janvier 2007, était également recevable, même si, en toute hypothèse, elle n’était pertinente que pour les éléments relatifs à ladite période.

33      Toutefois, comme le soulève l’intervenante, la date de l’extrait du site Internet de la société Paul Reber, à savoir le 23 janvier 2007, se situe en dehors de la période pertinente. De surcroît, il y a lieu de constater que, même à les supposer recevables, les deux photographies non datées de présentoirs de la confiserie apportées par la requérante n’étaient pas de nature à étayer les éléments de preuve présentés au cours de la procédure devant l’OHMI. En effet, ces photographies étaient uniquement propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de la marque antérieure, ce qui n’est pas contesté en l’espèce. Pour le reste, elles ne pouvaient étayer le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure ou soutenir les arguments de la requérante. Il s’ensuit que, contrairement à ce que la chambre de recours a estimé, lesdits documents ne pouvaient être considérés comme des preuves permettant d’apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure. Partant, seuls les copies des listes mensuelles des ventes de chocolats pour la période allant de mars 2001 à décembre 2002, les extraits du site Internet de la société Paul Reber du 30 mars 2004 ainsi que la déclaration du gérant de la société Paul Reber datée du 31 janvier 2007, dans la mesure où elle concerne les éléments relatifs à la période en cause, étaient susceptibles d’être pris en considération pour apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure.

34      À cet égard, il y a lieu de relever que les preuves erronément admises par la chambre de recours avaient pour objet de renforcer les éléments de preuve déjà avancés par la requérante. Or, force est de constater que, en l’absence desdits documents, la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure aurait été encore plus faible. Il en résulte que l’erreur de la chambre de recours à cet égard a été sans conséquence sur la décision attaquée.

35      S’agissant de l’importance de l’usage de la marque antérieure, la chambre de recours a constaté que la requérante vendait chaque année entre 40 et 60 kg de chocolats de la marque antérieure, ce qui représente environ 200 g de chocolats vendus par jour. Elle a considéré qu’une telle quantité était minime au regard du nombre d’habitants sur le territoire allemand. En outre, il a été relevé que les confiseries et les chocolats étaient des biens de consommation courante qui s’adressaient à un large public et que seule la nature des produits devaient être pris en considération pour apprécier l’usage de la marque antérieure et non l’éventuel concept de commercialisation.

36      La requérante fait valoir à cet égard qu’elle réalise un chiffre d’affaires effectif et vend de façon continue 40 à 60 kg de chocolats artisanaux par an. Selon elle, le caractère sérieux de la marque antérieure ne dépend pas uniquement du chiffre d’affaires réalisé, mais du secteur économique en cause, et notamment du fait que ses chocolats, fabriqués de façon artisanale, ne pourraient être qualifiés de produits de consommation courante.

37      En l’espèce, force est de constater qu’il ressort des listes mensuelles relatives au volume des produits vendus sous la marque antérieure, fournies par la requérante comme éléments de preuve de l’usage sérieux de ladite marque, une vente annuelle moyenne de chocolats Walzertraum comprise entre 40 et 60 kg pour la période allant de mars 2001 à décembre 2002. Si, comme le relève l’OHMI, le volume des ventes des chocolats en cause est relativement faible, eu égard au territoire sur lequel la marque est protégée, à savoir l’Allemagne, avec une population d’environ 80 millions d’habitants, il convient de constater que les ventes desdits chocolats sont relativement constantes, celles-ci s’élevant à environ 3,6 kg par mois, entre mars 2001 et décembre 2002.

38      Certes, comme le relève la requérante, il convient de prendre en considération, dans l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de son exploitation commerciale, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque (arrêt Ansul, précité, point 38, et ordonnance de la Cour du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, Rec. p. I‑1159, point 19).

39      L’appréciation des circonstances de l’espèce peut ainsi justifier la prise en compte, notamment, de la nature du produit ou du service en cause, des caractéristiques du marché concerné, de l’étendue et de la fréquence de l’usage de la marque. Ainsi, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant (arrêt Ansul, précité, point 39 ; voir également, en ce sens, ordonnance La Mer Technology, précitée, point 22).

40      Toutefois, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que la partie ayant formé l’opposition apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée (arrêt HIPOVITON, précité, point 37).

41      Il y a lieu de relever que la chambre de recours a pu prendre en compte, pour apprécier l’usage de la marque antérieure, le volume des ventes de chocolats pour la période concernée. Elle ne s’est toutefois pas limitée, conformément à l’arrêt Ansul, précité (point 39), à apprécier les quantités vendues dans l’absolu, mais les a mises en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que la nature et les caractéristiques des produits ainsi que l’étendue géographique de l’usage de la marque antérieure.

42      S’agissant de la nature du produit en cause, à savoir le chocolat, force est de constater que les produits en chocolat sont des biens de consommation courante que le client achète normalement rapidement, sans y prêter grande attention [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 décembre 2010, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI (Forme d’un lapin en chocolat), T‑395/08, non publié au recueil, point 20, et Storck/OHMI (Forme d’une souris en chocolat), T‑13/09, non publié au recueil, point 15]. Une telle affirmation ne saurait être infirmée par le fait que les chocolats de la marque antérieure sont des produits artisanaux ayant un caractère exclusif, dans la mesure où ces produits sont accessibles au plus grand nombre des consommateurs et où, comme l’a reconnu la requérante lors de l’audience, leur prix est relativement bas.

43      Quant à l’étendue géographique de l’usage de la marque antérieure, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que l’importance territoriale est un facteur, parmi d’autres, qui peut être pris en considération, lors de l’appréciation de l’usage d’une marque (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec. p. I‑4237, point 76). Or, il est constant que, ainsi que l’a relevé à bon droit en substance la chambre de recours, le chocolat protégé par la marque antérieure n’est commercialisé qu’au sein du café Reber, à Bad Reichenhall, une ville d’environ 18 000 habitants. Il ressort de la page du site Internet de la société Paul Reber que, à l’intérieur dudit café, les chocolats, dont ceux de la marque antérieure, sont présentés non emballés derrière un présentoir et que ladite marque ne figure pas sur les chocolats eux-mêmes. Si ces éléments de preuve permettent d’attester la vente de ce type de chocolats à des tiers, ils ne donnent que très peu d’éléments sur la taille et l’importance du café, ni sur la prétendue renommée internationale de celui-ci.

44      La requérante prétend, à cet égard, que, si elle commercialise ses chocolats en un seul point de vente, c’est en raison du caractère d’exclusivité et d’excellence des produits artisanaux qu’elle vend. Toutefois, les circonstances extrinsèques au droit conféré par la marque communautaire, tel que le concept de commercialisation, ne font pas l’objet de l’enregistrement [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Neumann/OHMI (Forme d’une tête de microphone), T‑358/04, Rec. p. II‑3329, point 34, et arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, KUKA Roboter/OHMI (Nuance de la couleur orange), T‑97/08, Rec. p. II‑5059, point 51]. Il s’ensuit que la fabrication artisanale des chocolats et le choix de les commercialiser en un seul lieu de vente n’est pas déterminant pour apprécier l’usage sérieux tant que la marque antérieure a été enregistrée pour les produits en chocolat, les confiseries et les produits de boulangerie et que la méthode de commercialisation du chocolat de la marque antérieure peut être modifiée postérieurement à l’enregistrement.

45      La requérante fait également valoir qu’elle fait de la publicité au niveau mondial grâce à sa brochure publicitaire sur Internet et que, en tout état de cause, le fait de commercialiser les chocolats via Internet n’est pas un élément pertinent pour apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure.

46      Il y a lieu de constater qu’il ressort des pages du site Internet produites par la requérante qu’une série de chocolats fabriqués artisanalement, à partir de produits frais, peut être dégustée, sur place, dans le café Reber. Sont décrits les différents chocolats à consommer avec le nom correspondant, leurs photos ainsi que les principaux ingrédients les composant.

47      Il y a lieu de rappeler que la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée dans le territoire pertinent, soit utilisée, publiquement et vers l’extérieur (voir, en ce sens, arrêt VITAFRUIT, précité, point 39). L’inclusion de la marque en cause, en relation avec les produits couverts, dans des publicités adressées aux consommateurs pertinents, constituent une utilisation publique et vers l’extérieur de ladite marque [arrêt du Tribunal du 8 mars 2012, Arrieta D. Gross/OHMI – International Biocentric Foundation e.a. (BIODANZA), T‑298/10, non publié au recueil, point 67]. S’il ressort des pages Internet fournies par la requérante, pour prouver l’usage de la marque antérieure, que celle-ci a créé une brochure publicitaire sur Internet, force est de constater que ledit site promeut les produits que le consommateur peut déguster au café Reber et n’est aucunement ciblé sur le chocolat de la marque antérieure. Cette constatation ne saurait être infirmée par le fait que la publicité via Internet est d’envergure mondiale, tant qu’il est constant que le chocolat en cause ne peut se commander via ledit site et que la publicité concerne le café Reber et son art de la confiserie, et non le chocolat Walzertraum.

48      La chambre de recours a donc considéré, à juste titre, qu’il n’était, dès lors, pas possible d’établir un rapport entre le site Internet et les chiffres de ventes du chocolat en cause. Dans la mesure où le chocolat ne peut se commander par Internet, il y a lieu de conclure que les potentiels visiteurs du site Internet seront ceux qui ont l’intention de se rendre à Bad Reichenhall pour connaître les lieux de consommation dans cette région touristique ou pour commander d’autres types de chocolats qui peuvent se commander par Internet.

49      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que, si la requérante avait prouvé une certaine continuité de l’usage de la marque antérieure, cet usage s’inscrivait néanmoins dans des limites géographiques et quantitatives étroites et locales, de sorte qu’il ne pouvait être qualifié d’usage sérieux au regard de sa nature et de son importance. En effet, la chambre de recours a, conformément à la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, procédé à une appréciation globale en tenant compte du volume des ventes du produit protégé par la marque antérieure, de la nature et des caractéristiques du produit, de l’étendue géographique de l’usage de ladite marque, de la publicité réalisée sur son site Internet, de la continuité de l’usage de la marque antérieure, de façon à réaliser une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte.

50      En ce qui concerne la pratique antérieure de l’OHMI invoquée par la requérante, qui confirmerait que le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure ne dépendrait pas uniquement du chiffre d’affaires, il convient de rappeler que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union européenne. Si, au regard des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que les marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, non encore publié au Recueil, points 73 à 77, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 15 juillet 2011, Ergo Versicherungsgruppe/OHMI – Société de développement et de recherche industrielle (ERGO), T‑220/09, non publié au Recueil, point 45].

51      Or, force est de constater que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure par la chambre de recours s’est effectuée en prenant en compte les circonstances de l’espèce, et notamment l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de la marque antérieure (voir point 27 ci-dessus).

52      Quant à la jurisprudence du Bundespatentgericht citée par la requérante, visant à démontrer la reconnaissance de l’usage sérieux de marques, même lorsque les produits pour lesquels la marque est enregistrée sont commercialisés en faible quantité, il y a lieu de rappeler que le régime des marques communautaires est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Dès lors, l’OHMI, et, le cas échéant, le juge de l’Union, ne sont pas liés par des décisions intervenues au niveau des États membres, qui peuvent toutefois offrir un support d’analyse pour le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47, et du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811, point 33].

53      Or, l’appréciation par le Bundespatentgericht du caractère sérieux de l’usage de marques différentes du cas d’espèce, pour lesquelles la commercialisation des produits était relativement faible, n’est pas susceptible de remettre en cause l’appréciation effectuée par la chambre de recours dans la décision attaquée. En effet, les arrêts invoqués concernent des signes très différents de ceux qui font l’objet du présent litige et les produits relevant desdites marques, contrairement aux produits pour lesquels les marques ont été enregistrées en l’espèce, ne sont pas des biens de consommation courante.

54      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la requérante n’était pas parvenue à prouver l’usage sérieux de la marque antérieure. Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

55      La requérante soutient avoir fait l’objet d’une discrimination par rapport à une multinationale, du fait qu’elle ne disposait que d’un seul point de vente pour la commercialisation de ses chocolats, et notamment pour celui portant la marque antérieure, et qu’elle y réalisait un faible chiffre d’affaires. Selon elle, il est beaucoup plus difficile de prouver l’usage sérieux d’une marque d’une petite et moyenne entreprise (PME), telle que la sienne, que celle d’un grand groupe réalisant un chiffre d’affaires plus important.

56      Il est de jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 17 juillet 1997, National Farmers’ Union e.a., C‑354/95, Rec. p. I‑4559, point 61, et du 16 septembre 2004, Merida, C‑400/02, Rec. p. I‑8471, point 22).

57      En l’espèce, à l’instar de l’OHMI, il y a lieu de considérer que, si l’usage sérieux est apprécié au cas par cas, son appréciation ne consiste pas essentiellement à prendre en considération le chiffre d’affaires réalisé ou le volume des ventes au cours de la période pertinente. En effet, l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 et la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95 ne visent ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes (voir, en ce sens, arrêt VITAFRUIT, précité, points 36 à 38).

58      Or, la chambre de recours a considéré que les preuves apportées par la requérante n’étaient pas suffisantes pour démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure, puisque, après avoir procédé à une appréciation globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, elle a considéré que, en plus du chiffre d’affaires minime réalisé, le chocolat de la marque antérieure ne se commercialisait que dans une seule ville en Allemagne et faisait partie d’un assortiment de chocolats non emballé, que le consommateur choisissait parmi d’autres variétés de chocolats portant chacun un nom différent inscrit sur un écriteau placé au niveau du présentoir.

59      Dès lors, l’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque ne saurait entraîner une différence de traitement entre PME et grands groupes, dans la mesure où une telle appréciation repose sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, précité, point 40).

60      Il s’ensuit qu’il ne peut être conclu à une différence de traitement dans l’appréciation de l’usage sérieux de la marque selon la taille de l’entreprise qui possède ladite marque, dans la mesure où l’usage sérieux est apprécié au regard des mêmes critères objectifs décrits au point précédent, quelle que soit la taille de l’entreprise.

61      Partant, il y a lieu de rejeter le second moyen comme non fondé.

62      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Reber Holding GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand