Language of document : ECLI:EU:F:2008:82

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (assemblée plénière)

24 juin 2008 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Rémunération – Méthode de calcul de l’adaptation annuelle des rémunérations – Exécution d’un arrêt du juge communautaire – Acte confirmatif – Irrecevabilité »

Dans l’affaire F‑116/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 36.2 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, annexé au traité CE,

Maria Concetta Cerafogli et Paolo Poloni, membres du personnel de la Banque centrale européenne, demeurant à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentés par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

parties requérantes,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. F. Malfrère et K. Sugar, en qualité d’agents, assistés de Me H.-G. Kamann, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (assemblée plénière),

composé de MM. P. Mahoney, président, H. Kreppel (rapporteur) et S. Van Raepenbusch, présidents de chambre, Mme I. Boruta, MM. H. Kanninen, H. Tagaras et S. Gervasoni, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 5 décembre 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 9 décembre suivant), les requérants ont introduit le présent recours tendant notamment et en substance, d’une part, à l’annulation de leurs bulletins de salaire du mois de juillet 2001, tels qu’établis par la Banque centrale européenne (BCE) en février 2005 en exécution de l’arrêt du Tribunal de première instance du 20 novembre 2003, Cerafogli et Poloni/BCE, (T‑63/02, Rec. p. II‑4929, ci-après l’« arrêt du 20 novembre 2003 ») ainsi que, d’autre part, à l’octroi de dommages et intérêts.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 233 CE :

« L’institution ou les institutions dont émanent l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire au présent traité, sont tenues de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice [des Communautés européennes].

Cette obligation ne préjuge pas celle qui peut résulter de l’application de l’article 288, deuxième alinéa.

Le présent article s’applique également à la BCE. »

 Faits à l’origine du litige

3        Les requérants ont conclu des contrats de travail avec la BCE dans le courant de l’année 1998. Ces contrats prévoient notamment que les conditions d’emploi du personnel de la BCE adoptées le 9 juin 1998 par le conseil des gouverneurs de la BCE (décision de la BCE, du 9 juin 1998, relative à l’adoption des conditions d’emploi du personnel de la BCE, modifiée le 31 mars 1999, JO L 125, p. 32, et le 5 juillet 2001, JO L 201, p. 25 ; ci-après les « conditions d’emploi ») et leurs modifications en font partie intégrante.

4        Par l’arrêt du 20 novembre 2003, les décisions contenues dans les bulletins de salaire adressés le 13 juillet 2001 aux deux requérants pour le mois de juillet 2001, ont été annulées, en tant que la BCE n’avait pas consulté le comité du personnel avant l’ajustement des salaires pour l’année 2001.

5        Le 16 décembre 2003, la BCE a adressé, à l’ensemble des membres du personnel, un mémorandum par lequel elle a annoncé qu’elle allait, à la suite de l’arrêt du 20 novembre 2003, entreprendre une consultation auprès du comité du personnel quant à la mise en œuvre de l’ajustement général des salaires (« General Salary Adjustment – GSA », ci-après la « méthode de calcul ») pour les années 2001, 2002 et 2003. Il était dit, en particulier, dans ce mémorandum :

« L’administration va maintenant entreprendre une consultation du comité du personnel en ce qui concerne la mise en œuvre de la méthodologie pour les années 2001, 2002 et 2003. Relevons toutefois à cet égard que rien, dans l’arrêt du [20 novembre 2003], ne justifie de suggérer, dans le cadre de la consultation, qu’il conviendrait de modifier les calculs afférents à 1’une de ces années. »

6        Par note du 9 janvier 2004, la BCE a ouvert la procédure de consultation en transmettant au comité du personnel des listes de données fournies par les organisations qui sont les sources principales de recrutement du personnel de la BCE, comme les banques centrales nationales, (ci-après les « organisations de référence ») pour les années 2001, 2002 et 2003.

7        Le comité du personnel a répondu le 25 mars 2004 en soulevant diverses questions concernant les données transmises par la BCE et en demandant l’application rétroactive du résultat du calcul final de l’ajustement des salaires des agents de la BCE pour les années 2001, 2002 et 2003, à partir notamment des éléments de divergence relevés par le comité du personnel entre les données fournies, le 9 janvier 2004, par la BCE et les données de même nature obtenues par le comité du personnel de la part des comités du personnel des organisations de référence. Le comité du personnel a souhaité un ajustement des salaires à la hausse tenant compte de tous ces éléments.

8        Une série de réunions « techniques » et « ad hoc » entre le comité du personnel et les représentants de la BCE s’est ensuite déroulée. En particulier, une réunion technique a eu lieu le 30 mars 2004 au cours laquelle les représentants du comité du personnel (incluant la requérante Mme Cerafogli) ont communiqué des copies de tous les documents que le comité avait reçus des comités du personnel des organisations de référence pour les années précédentes. L’ajustement des salaires pour les années 2001 à 2003 a également été l’objet d’une réunion technique le 11 mai 2004. Un représentant de la BCE, M. Kelly, a donné des chiffres concernant quelques banques centrales nationales et a expliqué qu’il serait nécessaire d’en discuter la répartition sur chacune des années 2001, 2002 et 2003 en précisant que si les chiffres démontraient une différence un ajustement serait probable. À la question des représentants du comité du personnel sur un ajustement rétroactif, le représentant de la BCE a exprimé une préférence pour que l’ajustement prenne effet en 2004. D’autres réunions ad hoc concernant l’ajustement des salaires se sont déroulées le 1er juin 2004, en présence du représentant de la BCE, M. Kelly, et du porte-parole du comité du personnel, M. van de Velde, ainsi que d’un des porte-parole adjoints dudit comité, M. van der Ark, et le 9 juin 2004, en présence de deux représentants de la BCE, MM. van Baak et Kelly et des deux membres du comité du personnel présents à la réunion du 1er juin 2004. Le caractère, la participation et le contenu de celles des 1er et 9 juin 2004 ainsi que d’autres réunions restent, à plusieurs égards, controversés.

9        Par note du 3 juin 2004, le comité du personnel a exprimé le souhait de voir le résultat probable de l’ajustement des salaires, faisant suite à la procédure de consultation pour les années 2001 à 2003, prendre effet en même temps que l’ajustement à effectuer au titre de l’année 2004 (à savoir à partir du 1er juillet 2004, comme prévu par l’article 13 des conditions d’emploi).

10      En ce qui concerne une réunion s’étant déroulée le 14 juin 2004, sa préparation et son déroulement sont également décrits de manière différente par les parties. Les requérants soutiennent que le comité du personnel n’a reçu certaines données statistiques importantes que pendant la réunion alors que, à aucun moment de la procédure de consultation ayant débuté par la note du 9 janvier 2004, les membres du comité du personnel n’auraient eu accès à l’ensemble des documents par lesquels les organisations de référence ont communiqué les pourcentages de l’augmentation des salaires et les chiffres de personnes employées (ci-après les « données sources »). La BCE affirme, en revanche, avoir transmis les données statistiques en question dès le vendredi 11 juin 2004 et avoir montré les données sources au porte-parole du comité du personnel, M. van der Velde, et à un de ses adjoints, M. van der Ark, à une date qu’elle n’a pas été en mesure de préciser. L’affirmation selon laquelle ce serait le comité du personnel qui aurait proposé à la BCE que son porte-parole ainsi qu’un de ses porte-parole adjoints bénéficient d’un tel accès aux données sources est confirmée par un courriel du 1er juin 2004 du porte-parole adjoint, M. van der Ark. En outre, la réalité d’un tel accès est confirmée par une déclaration écrite datée du 13 juin 2005 et signée, entre autres, par les deux représentants du comité du personnel concernés.

11      Le comité du personnel, représenté par son porte parole et un de ses porte-parole adjoints, a adressé au directeur général de la direction générale (DG) « Administration » un courrier, daté du 14 juin 2004, dans lequel il a écrit que :

« Récemment, le comité du personnel a reçu, de la part de la direction des ressources humaines, les chiffres révisés concernant l’exercice d’ajustement général des salaires 2001[/]2003.

Nous avions espéré conclure la consultation sur l’exercice d’ajustement général des salaires 2001[/]2003 à temps pour le calcul de l’ajustement général des salaires pour l’exercice 2004. Alors que nous-mêmes avons communiqué nos résultats le 25 mars, nous n’avons reçu que récemment un tableau des chiffres révisés de la part de la direction des ressources humaines. Nous avons rencontré les membres concernés de la direction des ressources humaines afin de comprendre et de clarifier ces chiffres. Des désaccords subsistent sur un petit nombre de divergences qui ne peuvent pas encore être expliquées, à propos de la Belgique (2001), de la [Deutsche] Bundesbank (2001 et 2002) et de la Commission [des Communautés] européenne[s] (2002). De nouvelles données sont devenues disponibles pour l’Irlande et la [Banque européenne d’investissement] depuis notre lettre du 25 mars 2004. Les renseignements supplémentaires fournis par nos homologues de la Banca d’Italia contiennent des éléments sans rapport avec l’ajustement général des salaires.

Il n’est pas possible de résoudre ces divergences en anticipant sur le calendrier proposé pour la confirmation par le directoire de l’ajustement pour 2004. Cependant, la direction des ressources humaines a déjà confirmé que les données révisées qui lui ont été communiquées font apparaître un effet cumulatif de 0,9 % pour l’exercice 2001[/]2003, qui a déjà été comptabilisé à hauteur de 0,6 % dans le calcul pour l’exercice 2004.

Étant donné que la divergence subsistante, si elle est confirmée, se traduira par une légère augmentation du résultat final, nous suggérons que la différence de 0,3 % (0,9 % – 0,6 %) qui a déjà été approuvée des deux côtés soit ajoutée au résultat de l’exercice d’ajustement général des salaires pour 2004, et que toute divergence subsistante soit compensée en 2005 lorsque les chiffres définitifs auront été confirmés d’un commun accord. »

12      Le 15 juin 2004, soit le lendemain, le directoire de la BCE a approuvé la proposition du président de celle-ci visant à une augmentation de 3,5 % composée de 3,2 % en ce qui concerne l’année 2004 ainsi que d’un ajustement supplémentaire et unique de 0,3 % en ce qui concerne la période de 2001 à 2003 et a décidé de soumettre cette proposition au conseil des gouverneurs pour adoption. Le taux de 3,2 % inclut 0,6 % au titre des données manquantes en 2003, mais devenues disponibles en 2004.

13      Ce même 15 juin 2004, le personnel de la BCE a élu un nouveau comité du personnel.

14      Dans un courrier du 25 juin 2004, adressé au vice-président de la BCE, le nouveau comité du personnel a considéré que la procédure de consultation concernant les années 2001 à 2003 n’avait pas été clôturée par la lettre du 14 juin 2004. Il a, par conséquent, demandé une réponse à la lettre de l’ancien comité du personnel du 25 mars 2004, afin de suivre une procédure de consultation conforme au protocole d’accord du 17 juin 2003 portant sur les relations entre la direction de la BCE et le comité du personnel (« Memorandum of understanding on relations between Executive Board and the Staff Committee of the ECB », ci-après le « protocole d’accord ») définissant plus particulièrement le contexte et les procédures à suivre et incluant une deuxième phase de consultation.

15      Lors de sa réunion du 1er juillet 2004, le conseil des gouverneurs a adopté la proposition du directoire du 15 juin 2004.

16      Par note du 1er juillet 2004, le directeur de la direction des ressources humaines de la DG « Administration » a informé tous les membres du personnel qu’une décision d’augmenter les salaires de 3,5 %, avec effet au 1er juillet 2004, avait été prise par le conseil des gouverneurs.

17      Par son courrier du 7 juillet 2004, le directeur de la direction des ressources humaines de la DG « Administration » a répondu comme suit au nouveau comité du personnel au sujet de l’ajustement des salaires pour les années 2001 à 2003 :

–        il s’est référé aux lettres du 9 janvier 2004 (ouvrant la procédure de consultation) et à celles du comité du personnel des 14 et 25 juin 2004 ;

–        il a souligné que « [l]’information […] fournie […] a[vait] été vérifiée et confirm[ait] l’existence d’un moins-perçu de 0,3 % pendant la période en cause, en raison des données erronées communiquées par certaines organisations de références[ ; e]n conséquence, le conseil des gouverneurs a[vait] accepté d’appliquer un supplément exceptionnel de 0,3 % au pourcentage d’ajustement général des salaires de 2004, ce qui [a] conduit à une augmentation totale de 3,5 % avec effet au 1er juillet 2004 » ;

–        il a confirmé que la procédure de consultation continuerait (« cet échange n’est pas clos ») mais avec effet pour le prochain cycle d’ajustement (« [b]ien qu’il soit acquis que toute divergence subsistante sera compensée lors du prochain exercice d’ajustement des salaires, je vous suggère, dans un souci de diligence, de faire connaître vos commentaires avant l’expiration d’un délai de 20 jours ouvrables à compter de la réception de la présente lettre »).

18      Les bulletins de salaire qui incluaient l’augmentation de 0,3 % pour les années 2001 à 2003 ainsi que celle de 3,2 % pour l’année 2004 ont été adressés aux requérants, à la mi-juillet 2004.

19      Le 4 août 2004, le comité du personnel a répondu au courrier de la BCE du 7 juillet 2004. Se basant en partie sur des données autres que celles communiquées par l’ancien comité du personnel, le nouveau comité du personnel a affirmé ne pas pouvoir comprendre comment le chiffre de 0,3 % avait été obtenu. Les divergences ainsi constatées par le nouveau comité du personnel seraient, selon lui, vraisemblablement attribuables à « une interprétation erronée des données par [l’ancien comité du personnel] et l’administration ».

20      En réponse à la note du comité du personnel du 4 août 2004, le directeur de la direction des ressources humaines de la DG « Administration » a fourni, par note du 23 septembre 2004, des informations et précisions sur les trois éléments qui, selon le courrier du comité du personnel du 14 juin 2004, restaient à clarifier en ce qui concernait les ajustements de salaires pour les années 2001 à 2003, relativement aux données de la Banque nationale de Belgique, de la Deutsche Bundesbank et de la Commission. Il a considéré la procédure de consultation comme achevée.

21      Par note du 6 octobre 2004, adressée au directeur de la direction des ressources humaines de la DG « Administration », le comité du personnel lui a notamment demandé de retirer sa note du 23 septembre 2004 et de faire parvenir une nouvelle lettre qui répondrait aux questions soulevées dans ses lettres des 25 mars, 25 juin et 4 août 2004, lesquelles n’auraient pas reçu de réponses suffisantes. Sinon, la consultation sur l’exercice d’ajustement général des salaires 2001 à 2003 serait considérée par le comité du personnel comme n’ayant pas été menée.

22      La BCE a répondu le 23 février 2005 à la note du comité du personnel du 6 octobre 2004. Par note du 28 février 2005, le comité du personnel a réagi au courrier de la BCE du 23 février 2005. C’est principalement par ces deux courriers et les propositions respectives qu’ils contenaient que la BCE et le comité du personnel ont tenté de mettre un terme à leur différend au moyen d’un règlement amiable. Le principe à la base du règlement amiable projeté était de compenser l’absence de prise en compte des divergences mises en avant par le comité du personnel, pour le calcul de l’ajustement des salaires des années 2001 à 2003, par l’octroi de jours de congés supplémentaires. N’étant pas parvenue à un accord avec le comité du personnel, la BCE a réitéré, dans sa note du 7 mars 2005, l’opinion selon laquelle la consultation était terminée.

23      En février 2005, la BCE a établi, à l’attention des requérants, de nouveaux bulletins de salaire remplaçant leurs bulletins du mois de juillet 2001 (ci-après les « décisions attaquées »). Les décisions attaquées sont, hormis la mention relative à la date de paiement effectif, identiques aux bulletins qu’elles remplacent.

24      Le 15 avril 2005, les requérants ont chacun introduit une demande de réexamen (« administrative review ») des décisions attaquées. Ces demandes ont été rejetées par décisions du 17 mai 2005, sauf en ce qui concerne les dates de paiement mentionnées sur les nouveaux bulletins de juillet 2001. Les requérants ont alors formé des réclamations internes (« grievance procedure »), en date des 12 et 15 juillet 2005.

25      Le 12 août 2005, la BCE, sous la signature de son président, a écrit à chacun des requérants qu’une réponse formelle leur serait communiquée à la fin du mois de septembre 2005 et qu’ils étaient priés de bien vouloir attendre cette réponse avant de prendre des mesures quelconques.

26      Le 26 septembre 2005, la BCE a rejeté les réclamations des requérants. Ces décisions ont été notifiées aux requérants respectivement les 30 septembre et 4 octobre 2005.

 Procédure et conclusions des parties

27      Le présent recours a été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑431/05.

28      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro F‑116/05.

29      Après avoir consulté les parties, le Tribunal a décidé de renvoyer l’affaire devant l’assemblée plénière.

30      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ainsi que la lettre de la BCE en date du 15 février 2005 ;

–        pour autant que de besoin, annuler les décisions de rejet des demandes de réexamen (décisions du 17 mai 2005) et des réclamations (décisions du 26 septembre 2005) ;

–        condamner la BCE à l’allocation de dommages et intérêts pour réparer leur préjudice, celui-ci consistant en l’octroi de 5 000 euros par requérant en raison d’une perte de pouvoir d’achat depuis le 1er juillet 2001, en des arriérés de rémunération correspondant à une augmentation de leur salaire et de l’ensemble de leurs droits dérivés de 0,3 % depuis le 1er juillet 2001 et de 0,6 % depuis le 1er juillet 2003, et à l’application d’un intérêt sur le montant des arriérés de leurs salaires à dater de leur échéance respective jusqu’au jour du paiement effectif ; ce taux d’intérêt devant être calculé sur la base du taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points ;

–        condamner la BCE à l’ensemble des dépens.

31      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la requête comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme dénuée de fondement ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

32      Une tentative de règlement amiable à l’initiative du Tribunal a échoué.

 En droit

 Conclusions en annulation

 Arguments des parties

33      Les requérants invoquent deux moyens, à savoir, d’une part, la violation de l’article 233 CE dans la mesure où les décisions attaquées porteraient atteinte à l’autorité de la chose jugée s’attachant à l’arrêt du 20 novembre 2003 et, d’autre part, la violation des articles 45 et 46 des conditions d’emploi, du protocole d’accord, du principe de bonne administration, de l’obligation de bonne foi et du principe de non-discrimination.

34      Concernant la recevabilité, la BCE estime que le premier moyen des requérants est irrecevable pour cause de prescription, en application de l’article 36.2 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la BCE, lu en liaison avec l’article 42 des conditions d’emploi et l’article 8.2.1 des règles applicables au personnel de la BCE. Ce moyen constituerait également une tentative de contourner l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

35      En effet, si les requérants considéraient que la manière dont la BCE a appliqué le résultat de l’ajustement des salaires pour la période de 2001 à 2003 (une augmentation cumulée de 0,3 %) et, plus encore, que la manière dont elle aurait appliqué le résultat de l’ajustement des salaires pour l’année 2004 (une augmentation supplémentaire de 0,6 %), violait l’article 233 CE, ils auraient dû invoquer ce moyen dans l’affaire Andres e.a./BCE, (F‑15/05, anciennement T‑131/05), puisqu’il concernerait leurs bulletins de salaire de juillet 2004 (c’est-à-dire la deuxième des trois étapes définies par la BCE pour exécuter l’arrêt du 20 novembre 2003). Ils auraient cependant expressément refusé de le faire. Le moyen serait donc prescrit.

36      Les requérants rétorquent que la consultation a été ouverte non pas pour la seule année 2001 mais pour la période 2001/2003, que cette consultation a conduit à la détermination d’une augmentation – globale – de salaire pour l’ensemble de cette période (et non à pas une augmentation fractionnée par année (2001, 2002 et 2003), et que ce serait, en effet, cette augmentation globale – 0,3 % – qui devrait être retenue pour l’examen de leur premier moyen.

37      Par ailleurs, les requérants rappellent que le bénéfice d’une augmentation de salaire pour une année donnée aurait des conséquences pour les années suivantes et donc un impact sur les augmentations appliquées auxdites années.

38      S’agissant du deuxième moyen soulevé par les requérants, la BCE estime qu’il a déjà été présenté dans l’affaire Andres e.a./BCE, précitée, en conservant le même objet et la même cause. Ce moyen ne serait donc pas recevable. Les requérants contestent cette analyse.

 Appréciation du Tribunal

39      Même si le présent recours est également dirigé de manière formelle contre les décisions rejetant les demandes de réexamen et contre les décisions prises le 26 septembre 2005 rejetant les réclamations internes des requérants présentées les 12 et 15 juillet 2005, il doit être considéré, en vertu d’une jurisprudence constante applicable mutatis mutandis à la BCE, comme dirigé contre les décisions par lesquelles la BCE a fixé la rémunération des requérants, à savoir les décisions reflétées dans les bulletins de salaire du mois de juillet 2001 remplacés en février 2005 (voir, notamment, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8).

40      Les conditions de recevabilité d’un recours étant d’ordre public, le Tribunal peut les examiner d’office. Son contrôle n’est pas limité aux fins de non-recevoir soulevées par les parties (arrêt du Tribunal de première instance du 6 décembre 1990, B./Commission, T‑130/89, Rec. p. II‑761, publication sommaire, point 13). Ainsi, il lui appartient de vérifier d’office la recevabilité des conclusions en annulation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 25 mai 2000, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99, RecFP p. I‑A‑101 et II‑433, point 19).

41      Il ressort d’une jurisprudence constante qu’une réclamation administrative et le recours judiciaire qui en découle doivent tous deux être dirigés contre un « acte faisant grief » au requérant au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, l’acte faisant grief étant celui qui affecte directement et immédiatement la situation juridique de l’intéressé (arrêt de la Cour du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec. p. 389, point 6 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T‑14/91, Rec. p. II‑235, point 35, et arrêt du Tribunal de première instance du 9 juin 1998, Biedermann e.a./Cour des comptes, T‑173/95, RecFP p. I‑A‑273 et II‑831, point 39).

42      En vertu d’une jurisprudence constante, la qualité d’acte faisant grief ne saurait être reconnue à l’égard d’un acte purement confirmatif comme c’est le cas pour un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur faisant grief (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission, 23/80, Rec. p. 3709, point 18 ; arrêts du Tribunal de première instance du 3 mars 1994, Cortes Jimenez e.a./Commission, T‑82/92, RecFP p. I‑A‑69 et II‑237, point 14, et du 8 juillet 1998, Aquilino/Conseil, T‑130/96, RecFP p. I‑A‑351 et II‑1017, point 34).

43      Il convient, par analogie, d’appliquer cette jurisprudence aux recours fondés sur l’article 36.2 des statuts du Système européen de banques centrales et de la BCE et l’article 42 des conditions d’emploi (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 18 mai 2006, Corvoisier e.a./BCE, F‑13/05, non encore publiée au Recueil, point 25).

44      C’est donc à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, les décisions attaquées sont des actes purement confirmatifs.

45      En l’espèce, il y a lieu de constater, en premier lieu, que, en exécution de l’arrêt du 20 novembre 2003, la BCE, après réexamen, au cours du premier semestre 2004, des données pertinentes pour l’ajustement des salaires de l’année 2001 dans le cadre de la procédure de consultation du comité du personnel, a adressé à tous ses agents de nouveaux bulletins de salaire pour le mois de juillet 2004, incluant l’ajustement des salaires pour 2001, ainsi que l’ajustement des salaires pour les années 2002 et 2003, avec un résultat positif global de 0,3 %. Dans l’arrêt rendu ce jour dans l’affaire Andres e.a./BCE, précitée, le Tribunal a jugé que la décision d’augmentation des salaires adoptée le 1er juillet 2004 constituait la mesure d’exécution adéquate et équitable de l’arrêt du 20 novembre 2003.

46      En deuxième lieu, le réexamen susmentionné, auquel a abouti la décision du conseil des gouverneurs du 1er juillet 2004, a concerné tous les membres du personnel de la BCE, incluant nécessairement les deux requérants. Par ailleurs, ce sont ces derniers qui avaient été à l’origine de l’affaire ayant conduit à l’arrêt du 20 novembre 2003 et, par conséquent, à l’origine de la réouverture de la procédure de consultation du comité du personnel par la BCE pour la période de 2001 à 2003.

47      En troisième lieu, les décisions attaquées ne contiennent aucun changement, ni concernant la procédure de consultation suivie ni concernant le résultat du réexamen susmentionné, et donc aucun élément nouveau par rapport à la décision du 1er juillet 2004, reflétée dans les bulletins de salaire du mois de juillet 2004, même si les bulletins de salaire de février 2005 couvrent, sur le plan formel, des périodes différentes par rapport aux bulletins de salaire du mois de juillet 2004.

48      Il s’ensuit que les décisions attaquées ne sont pas les mesures par lesquelles la BCE s’est effectivement conformée à la chose jugée par le Tribunal de première instance dans son arrêt du 20 novembre 2003, mais constituent de simples mesures de rectification formelle des bulletins de salaire de juillet 2001 des requérants, et qu’elles n’ont qu’un caractère confirmatif de la décision du 1er juillet 2004, reflétée, pour les requérants, dans leur bulletin de salaire de juillet 2004. Ces décisions ne contiennent aucun élément nouveau et ne peuvent, par conséquent, être considérées comme des actes faisant grief aux requérants.

49      Dès lors, les conclusions en annulation doivent être rejetées comme irrecevables sans qu’il y ait lieu de statuer ni sur les autres questions de recevabilité soulevées par la BCE ni sur le fond de l’affaire.

 Conclusions en dommages et intérêts

 Arguments des parties

50      La BCE souligne que cette demande est irrecevable pour cause de litispendance et d’absence chez les requérants de qualité à agir à cet égard. Cette demande aurait en effet le même objet et la même cause que la demande de dommages et intérêts qui est formulée dans l’affaire Andres e.a./BCE, précitée. Par ailleurs, le montant des dommages et intérêts dont les requérants solliciteraient l’allocation dans le cadre du présent recours serait même inférieure à celui qui serait demandé dans l’affaire Andres e.a./BCE, précitée.

51      Les requérants rétorquent qu’ils auraient écrit, dans leur requête, que le montant des dommages et intérêts demandés « pourrait être revu au regard de l’arrêt à rendre dans l’affaire T‑131/05 [devenue F‑15/05], en particulier en ce qui concerne l’octroi de dommages et intérêts qui seraient accordés par le Tribunal en raison de préjudices résultant de la perte d[e] pouvoir d’achat ».

 Appréciation du Tribunal

52      Selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées soit comme irrecevables, soit comme non fondées (arrêts du Tribunal de première instance du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, RecFP p. I‑A‑97 et II‑289, point 159, et du 30 septembre 2003, Martínez Valls/Parlement, T‑214/02, RecFP p. I‑A‑229 et II‑1117, point 43).

53      En l’espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation. En effet, la motivation de la demande de dommages et intérêts se limite à se référer aux « illégalités exposées » dans la présentation des conclusions en annulation, lesquelles auraient conduit à l’apparition d’un préjudice pour les requérants.

54      Les conclusions en indemnité étant irrecevables, il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité comme irrecevable.

 Sur les dépens

55      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

56      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Les requérants ayant succombé en leur recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (assemblée plénière)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Mahoney

Kreppel

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen      Tagaras

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 juin 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.