Language of document : ECLI:EU:T:2002:40

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 février 2002 (1)

«Marché public de services - Services de gestion d'une crèche - Principe de non-discrimination - Avis de marché - Cahier des charges - Motivation de la décision de non-attribution - Détournement de pouvoir»

Dans l'affaire T-169/00,

Esedra SPRL, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes G. Vandersanden, É. Gillet et L. Levi, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. X. Lewis et L. Parpala, puis par MM. H. van Lier et Parpala, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de la Commission de ne pas attribuer à la requérante le marché public relatif à l'appel d'offre n° 99/52/IX.D.1, communiquée à la requérante par lettre du 31 mai 2000, et de la décision de la Commission d'attribuer ce marché à un groupement d'entreprises italiennes représenté par Centro Studi Antonio Manieri Srl, communiquée à la requérante par lettre du 9 juin 2000, et, d'autre part, une demande en réparation du préjudice prétendument causé par ces décisions,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas et J. D. Cooke, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 18 septembre 2001,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

    

1.
    La passation des marchés publics de services par la Commission est assujettie aux dispositions contenues à la première section (articles 56 à 64 bis) du titre IV du règlement financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 356, p. 1), modifié en dernier lieu, à l'époque des faits, par le règlement (CE, Euratom, CECA) n° 2673/99 du Conseil, du 13 décembre 1999 (JO L 326, p. 1), qui est entré en vigueur le 1er janvier 2000 (ci-après le «règlement financier»).

2.
    Selon l'article 56 du règlement financier:

«[...] lors de la passation des marchés dont le montant atteint ou dépasse les seuils prévus par les directives du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, chaque institution doit se conformer aux mêmes obligations que celles qui incombent auxentités des États membres en vertu de ces directives. À cette fin, les modalités d'exécution [...] comportent les dispositions appropriées.»

3.
    L'article 139 du règlement financier prévoit que «[l]a Commission établit, en consultation avec l'Assemblée et le Conseil et après avis des autres institutions, les modalités d'exécution du [...] règlement financier».

4.
    Ainsi, la Commission a adopté le règlement (Euratom, CECA, CE) n° 3418/93, du 9 décembre 1993, portant modalités d'exécution de certaines dispositions du règlement financier (JO L 315, p. 1, ci-après les «modalités d'exécution du règlement financier»). Ses articles 97 à 105 et 126 à 129 s'appliquent à la passation de marchés publics de services. En particulier, l'article 126 dispose:

«Les directives du Conseil en matière de marchés publics de travaux, de fournitures et de services sont applicables lors de la passation des marchés par les institutions, dès que le montant des marchés en question égale ou dépasse les seuils fixés par ces directives.»

5.
    En l'espèce, la directive pertinente est la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1997 (JO L 328, p. 1) (ci-après la «directive 92/50»), dont l'article 7, paragraphe 1, sous a), prévoit un seuil d'application de 200 000 euros pour les marchés publics de services ayant pour objet, notamment, des services sociaux et sanitaires.

Faits à l'origine du litige

6.
    En 1994, la Commission a décidé de confier à une société privée la gestion du Centre de la petite enfance Clovis (ci-après le «CPE Clovis»), situé dans ses locaux, boulevard Clovis, à Bruxelles. Le CPE Clovis comprend une crèche et un jardin d'enfants ouverts aux enfants des agents des institutions européennes. À la suite d'un appel d'offres, la Commission a attribué ce marché à deux sociétés italiennes, Aristea et Cooperativa italiana di ristorazione. La gestion du CPE Clovis a ensuite été confiée à la requérante, constituée par les deux sociétés susvisées. Le contrat de gestion était conclu pour une durée initiale de deux ans à compter du 1er août 1995, avec possibilité de reconduction à trois reprises pour une durée d'un an.

7.
    Par lettre du 15 avril 1999, la requérante a informé la Commission de sa décision de ne pas demander la reconduction du contrat pour l'année 1999/2000.

8.
    Le 26 mai 1999, la Commission a, en vertu de la directive 92/50, publié au supplément du Journal officiel un premier avis de marché pour les services de gestion du CPE Clovis (avis de marché n° 99/S 100-68878/FR, publié au JO S 100,p. 35). Ces services relèvent de la catégorie 25 «Services sociaux et sanitaires» de l'annexe I B de la directive 92/50. Trois entreprises, parmi lesquelles figuraient la requérante et Centro Studi Antonio Manieri Srl (ci-après «Manieri»), se sont portées candidates.

9.
    Par lettre du 2 juillet 1999, la Commission a informé la requérante qu'elle avait décidé de ne pas attribuer le marché relatif à la gestion du CPE Clovis dans le cadre de la procédure initiée le 26 mai 1999, parce que «les candidatures reçues ne permettent pas une mise en concurrence suffisante».

10.
    Le 10 juillet 1999, la Commission a publié un nouvel avis de marché pour les services de gestion du CPE Clovis (avis de marché n° 99/S 132-97515/FR, publié au JO S 132). Cet avis était rédigé dans des termes identiques au premier avis et rappelait, notamment, que l'attribution du marché se ferait «à l'offre économiquement la plus avantageuse compte tenu des prix offerts et de la qualité des services proposés (détails au cahier des charges)». Sept entreprises, parmi lesquelles figuraient la requérante et Manieri, se sont portées candidates.

11.
    Les candidatures ont été examinées le 28 octobre 1999 par un groupe d'évaluation composé de quatre fonctionnaires de la Commission (ci-après le «groupe d'évaluation des candidatures»). Les sept entreprises candidates ont été retenues.

12.
    Le 29 octobre 1999, la Commission a adressé le cahier des charges à ces sept entreprises. Les critères d'attribution étaient les suivants:

«7. Critères d'attribution:

L'attribution du marché se fera à l'offre économiquement la plus avantageuse et la mieux disante compte tenu:

-    des prix offerts et

-    de la qualité de l'offre et du service proposé, évaluée, par ordre décroissant en fonction de:

    a)    la valeur du projet pédagogique (40 %)

    b)    les mesures et les moyens mis en oeuvre pour le remplacement dû à l'absentéisme des ressources humaines (30 %)

    c)    la méthodologie et les moyens de contrôle proposés pour le contrôle de: (30 %)

        -    la qualité du service et de la gestion

        -    la préservation de la stabilité du personnel

        -    la mise en oeuvre du projet pédagogique.»

13.
    Le cahier des charges a été complété par le procès-verbal de la visite des lieux et de la réunion d'information obligatoire des 24 et 25 novembre 1999 (ci-après le «cahier des charges»).

14.
    Le 7 février 2000, date limite prévue à cet effet, quatre entreprises, parmi lesquelles la requérante et Manieri, avaient déposé une offre.

15.
    Le 14 février 2000, ces offres ont été ouvertes. Par la suite, la Commission a demandé plusieurs informations complémentaires aux soumissionnaires. La requérante a ainsi reçu et répondu à trois demandes de la part de la Commission, en date des 25, 29 février et 17 mars 2000. Manieri a, quant à elle, reçu cinq demandes de la part de la Commission, en date des 25 (deux demandes) et 29 février et des 3 et 10 mars 2000, auxquelles elle a répondu les 10 et 14 mars 2000.

16.
    Les offres ont été examinées par trois comités d'évaluation.

17.
    En premier lieu, ces offres ont été analysées au regard du critère de la qualité par un comité d'évaluation composé de six représentants de la Commission et d'un représentant de l'association des parents (ci-après le «comité d'évaluation qualitative»). Le comité d'évaluation qualitative a rendu son rapport le 5 avril 2000. Ce rapport classe l'offre de Manieri en première position, devant celle d'Esedra.

18.
    En deuxième lieu, les offres déposées par les quatre soumissionnaires ont été appréciées au regard du critère des prix par des fonctionnaires de la Commission (ci-après le «comité d'évaluation prix») . Le comité d'évaluation prix a réalisé un tableau d'évaluation financière des offres , qui classe l'offre de Manieri en deuxième position, devant celle d'Esedra.

19.
    En troisième lieu, le rapport du comité d'évaluation qualitative et le tableau d'évaluation financière susvisé ont été examinés par un comité composé de six personnes, désignées, cinq d'entre elles, en leur qualité de fonctionnaires de la Commission et, la sixième, en sa qualité de représentant de l'association des parents (ci-après le «comité d'évaluation des offres»). Ce comité a rendu son évaluation finale le 7 avril 2000. Cette évaluation reprend les conclusions du comité d'évaluation qualitative et du comité d'évaluation prix et conclut que l'offre de Manieri est la première offre conforme la moins disante et qualitativement la meilleure.

20.
    À la suite de cet examen, et après l'avis favorable de la Commission Consultative des Achats et Marchés du 30 mai 2000, la Commission a attribué le marché en cause à un groupement d'entreprises italiennes représenté par Manieri, composé de cette dernière et de six autres entreprises.

21.
    Par lettre du 31 mai 2000, la Commission a informé la requérante que le marché en cause ne lui était pas attribué (ci-après la «décision de non-attribution»).

22.
    Par lettre du 2 juin 2000, les conseils de la requérante ont demandé à la Commission de leur communiquer la motivation de cette décision. Ils lui ont également demandé de suspendre toute mesure visant à donner effet à la décision d'attribution du marché en cause à un autre candidat (ci-après la «décision d'attribution») et, dès lors, de ne pas conclure le contrat visé par le cahier des charges.

23.
    Par télécopie du 9 juin 2000, la Commission a fourni des informations quant à la motivation de l'attribution du marché en cause au groupement d'entreprises italiennes représenté par Manieri. De plus, la Commission a refusé de suspendre l'exécution de la décision d'attribution.

24.
    À la suite de l'attribution du marché en cause, le groupement représenté par Manieri a décidé d'en confier l'exécution à une société de droit belge nouvellement constituée et dénommée Sapiens, afin de satisfaire plusieurs obligations posées par l'État membre du lieu de prestation des services dans les domaines du droit du travail, du droit fiscal et du droit social [cotisations sociales et autres droits des travailleurs, liquidations des taxes, disponibilité d'un numéro de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), contrôle de gestion du milieu de la petite enfance en Belgique, etc.]. Une telle procédure avait été suivie lors de l'attribution du marché précédent.

Procédure et conclusions des parties

25.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 2000, la requérante a introduit le présent recours.

26.
    Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a formé une demande en référé visant à obtenir qu'il soit sursis à l'exécution des décisions d'attribution et de non-attribution.

27.
    Par ordonnance du 20 juillet 2000, Esedra/Commission (T-169/00 R, Rec. p. II-2951), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé.

28.
    Dans sa requête et sa réplique, la requérante a demandé au Tribunal d'inviter la Commission à produire plusieurs documents et à l'autoriser à faire valoir ses observations sur ces documents.

29.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, a demandé à la requérante de répondre à une question et à la Commission, d'une part, de produire certains documents et, d'autre part, de répondre à plusieurs questions. Par lettres des 28 et 29 juin 2001, la requérante a présenté sa réponse à la question du Tribunal et, par lettres des 22 juin, 9 et 24juillet 2001, la Commission a produit les documents demandés et présenté ses réponses aux questions du Tribunal.

30.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 18 septembre 2001. Lors de l'audience, la requérante a déclaré que les pièces produites par la Commission lui suffisaient pour bien préparer sa défense et qu'elle considérait donc comme satisfaite sa demande de production de documents.

31.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le présent recours recevable et fondé;

-    annuler la décision de non-attribution;

-    annuler la décision d'attribution;

-    condamner la Commission à lui payer un montant de 1 001 574,09 euros à titre de dommages-intérêts;

-    condamner la Commission aux dépens.

32.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter les conclusions en annulation comme non fondées;

-    rejeter la demande en indemnité comme non fondée;

-    condamner la requérante aux dépens.

33.
    Par lettre du 22 octobre 2001, la requérante a demandé au Tribunal de rouvrir la procédure orale au motif qu'elle venait de prendre connaissance d'un élément nouveau qui justifiait une réouverture des débats. Par lettre du 27 novembre 2001, la Commission a présenté ses observations sur cette demande et a estimé qu'il n'était pas nécessaire ni justifié de rouvrir la procédure orale.

Sur les conclusions en annulation

34.
    La requérante avance cinq moyens à l'appui de son recours en annulation: le premier moyen est tiré de la violation du principe de non- discrimination; le deuxième moyen est tiré de la méconnaissance de l'avis de marché et du cahier des charges en ce qui concerne l'évaluation de la capacité financière et technique de l'attributaire; le troisième moyen est tiré de la méconnaissance du cahier des charges en ce qui concerne l'évaluation des prix et de la qualité des offres dessoumissionnaires; le quatrième moyen est tiré de la violation de l'obligation de motivation et le cinquième moyen est tiré du détournement de pouvoir.

Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination

35.
    La requérante fait valoir que la Commission a violé le principe de non-discrimination, qui est un principe fondateur en matière de marchés publics et qui est directement visé par l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50 aux termes duquel «les pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu'il n'y ait pas de discrimination entre les différents prestataires de services». Ainsi, elle soutient, premièrement, qu'elle n'a pas bénéficié d'un délai identique à celui accordé aux autres candidats pour le dépôt de son offre; deuxièmement, que la Commission a posé des questions aux soumissionnaires qui ont dépassé la demande d'éclaircissement ou visant à corriger des erreurs matérielles manifestes contenues dans la rédaction des offres et, troisièmement, que l'évaluation des offres n'a pas été réalisée de façon impartiale.

1. Sur l'allégation de la requérante selon laquelle elle n'aurait pas bénéficié d'un délai identique à celui accordé aux autres candidats pour le dépôt de son offre

Arguments des parties

36.
    La requérante estime qu'elle n'a pas bénéficié d'un délai identique à celui accordé aux autres candidats pour le dépôt de son offre. Elle rappelle que la date limite de dépôt des offres, fixée initialement au 6 janvier 2000 par le cahier des charges, a été reportée au 7 février 2000. Or, la requérante souligne qu'elle a été la seule candidate à ne pas avoir été informée de ce report, puisque le courrier rédigé en langue italienne qui lui a été adressé par la Commission le 20 décembre 1999 précisait que la date limite de dépôt des offres était reportée au 7 janvier 2000 et non au 7 février 2000. À cet égard, la requérante relève que les autres candidats ont été informés de la date du 7 février 2000 par courrier ou par appel téléphonique. En particulier, la requérante note que Manieri, qui avait reçu un courrier rédigé en langue italienne comportant la même erreur quant à la nouvelle date limite de dépôt des offres, a été informée par téléphone de cette erreur. Selon la requérante, ce n'est que le 7 janvier 2000, lorsque son représentant s'est rendu dans les bureaux de la Commission pour y déposer son offre, qu'il lui a été précisé que, en réalité, la date limite pour le dépôt des offres avait été reportée au 7 février 2000.

37.
    La requérante expose qu'elle s'était ainsi organisée de manière à respecter le délai qui lui était imparti, c'est-à-dire jusqu'au 7 janvier 2000. Dès lors, le fait, pour la requérante, d'avoir pu reprendre son offre le 7 janvier pour la compléter et la déposer le 7 février 2000 n'aurait pas permis de rétablir l'égalité avec les autres candidats, qui ont pu dès le départ répartir le travail sur une durée plus longue. À ce titre, la requérante note qu'elle n'a pu, en fait, retravailler son offre qu'à compter du 24 janvier 2000, date à laquelle une partie de son personnel, qui avaitparticipé à l'élaboration de cette offre, est revenue de congé et où les consultants externes engagés pour sa préparation ont pu se dégager des autres engagements pris après le 7 janvier 2000.

38.
    La Commission conteste l'argumentation de la requérante, parce qu'en tout état de cause la date limite de dépôt des offres était la même pour tous les candidats, à savoir le 7 février 2000, et que la requérante a pu déposer son offre après le 6 janvier 2000. Selon la Commission, l'erreur de date contenue dans le courrier qui a été adressé à la requérante le 20 décembre 1999 n'a pas engendré d'effet discriminatoire à l'égard de celle-ci.

Appréciation du Tribunal

39.
    L'allégation de la requérante, selon laquelle elle n'a pas bénéficié d'un délai identique à celui accordé aux autres candidats pour le dépôt de son offre, manque en fait, parce qu'elle a bénéficié du même report de date que ces derniers.

40.
    En effet, il ressort de l'exposé des faits que la Commission a initialement fixé la date limite de dépôt des offres au 6 janvier 2000. Cette date était indiquée au point 2 du cahier des charges qui avait été envoyé par la Commission le 29 octobre 1999 aux sept candidats retenus dans le cadre du processus de sélection.

41.
    La date limite de dépôt des offres a été reportée le 20 décembre 1999 au 7 février 2000. À la suite d'une erreur de transcription figurant dans la télécopie qui leur a été adressée par la Commission, Esedra et Manieri ont été informées que cette date était reportée au 7 janvier et non au 7 février 2000. Cette erreur a été décelée par Manieri qui a contacté la Commission afin d'obtenir des précisions, et la Commission l'a informée le 22 décembre 1999, par télécopie, que la date limite de dépôt était reportée au 7 février 2000. Esedra, en revanche, a été induite en erreur et s'est présentée à la Commission pour déposer son offre le 7 janvier 2000. Elle a néanmoins pu la reprendre et bénéficier de la prorogation du délai jusqu'au 7 février 2000.

42.
    À cet égard, il convient de préciser que c'est Manieri qui a envoyé le 21 décembre 1999 une télécopie à la Commission pour signaler cette erreur de date, rectifiée le jour suivant par la Commission qui a renvoyé à Manieri sa télécopie assortie d'une mention manuscrite précisant que la date limite de dépôt des offres était reportée au 7 février 2000.

43.
    S'il est regrettable que la Commission n'ait pas jugé utile de vérifier si la télécopie envoyée à Esedra contenait la même erreur que la télécopie envoyée à Manieri, une fois qu'elle a été informée de cette erreur, afin de procéder à sa rectification en prenant contact avec la requérante, il n'en demeure pas moins que, à supposer que la requérante n'ait pu retravailler son offre avant le 24 janvier 2000, les raisons qu'elle invoque à cet égard lui sont imputables et ne sont pas liées au fait que laCommission ait tardé à l'informer du report de la date limite de dépôt. En outre, l'affirmation de la requérante selon laquelle elle n'a pu prévenir à temps les différents consultants externes auxquels elle a eu recours, qui auraient accepté d'autres engagements à compter du 7 janvier et n'auraient pu se libérer qu'à compter du 24 janvier, n'est pas étayée par le moindre élément de preuve.

44.
    En tout état de cause, la requérante n'allègue pas que le fait d'avoir été informée du report de la date limite de dépôt des offres le 7 janvier 2000, et non le 22 décembre 1999 comme Manieri (ou le 20 décembre 1999 comme les autres candidats), aurait eu comme conséquence qu'elle aurait été amenée à présenter une offre insuffisamment élaborée.

45.
    Pour ces raisons, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante relatif à l'existence d'une discrimination à son égard du fait de la prorogation du délai.

2. Sur l'allégation de la requérante selon laquelle la Commission a posé des questions aux soumissionnaires qui ont dépassé la demande d'éclaircissement ou la correction d'erreurs matérielles manifestes contenues dans la rédaction des offres

Arguments des parties

46.
    La requérante fait valoir que la Commission a posé des questions à Manieri qui ont dépassé la demande d'éclaircissement ou la correction d'erreurs matérielles manifestes contenues dans la rédaction de l'offre de cette dernière. Ce faisant, la Commission, selon la requérante, a violé l'article 99, sous h), point 2, des modalités d'exécution du règlement financier, qui précise qu'elle ne peut plus prendre contact avec un soumissionnaire après l'ouverture des offres, à moins que ce contact n'ait pour objectif de demander des éclaircissements ou de corriger des erreurs matérielles manifestes contenues dans la rédaction de l'offre de ce soumissionnaire, et le principe de non-discrimination qui le sous-tend.

47.
    La requérante soutient que Manieri a fait l'objet de plusieurs demandes de la part de la Commission, en date des 25, 29 février et 3 mars 2000, qui lui ont permis de compléter son offre. De même, ces demandes de la Commission auraient entraîné des questions de la part de Manieri, ce qui constituerait une nouvelle violation de l'article 99, sous h), point 2, des modalités d'exécution du règlement financier.

48.
    La Commission conteste l'analyse de la requérante. Selon elle, les questions posées à tous les soumissionnaires en date des 25 et 29 février 2000 étaient déjà traitées dans les offres et les réponses n'ont apporté que des éclaircissements, sans qu'aucun soumissionnaire n'ait pu compléter son offre. Elle précise que Manieri n'a pas complété son offre et que cette dernière a été présentée dans les délais requis. Elle estime, par ailleurs, que les trois demandes d'éclaircissements évoquées par la requérante respectent parfaitement l'article 99, sous h), point 2, des modalités d'exécution du règlement financier et invoque, sur ce point, l'arrêt du Tribunal du 8 mai 1996, Adia Interim/Commission (T-19/95, Rec. p. II-321). La Commissionsouligne également que la seule question posée par Manieri à ses services concernait les modalités pratiques pour parler aux enfants une autre langue communautaire.

Appréciation du Tribunal

49.
    Il convient de rappeler qu'il résulte de l'article 99, sous h), point 2, des modalités d'exécution du règlement financier que tout contact entre l'institution et le soumissionnaire après l'ouverture des offres est interdit sauf, à titre exceptionnel, «au cas où une offre donnerait lieu à des demandes d'éclaircissement ou s'il s'agit de corriger des erreurs matérielles manifestes contenues dans la rédaction de l'offre». Dans ces cas, l'institution peut prendre l'initiative d'un contact avec le soumissionnaire (arrêt Adia Interim/Commission, précité, point 43).

50.
    À cet égard, il ressort des documents produits par la Commission en réponse à plusieurs mesures d'organisation de la procédure que Manieri a reçu cinq demandes d'éclaircissement de la part de la Commission, en date des 25 (deux demandes) et 29 février et des 3 et 10 mars 2000, et qu'elle y a répondu les 10 et 14 mars 2000.

51.
    Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, la Commission a également produit les réponses de Manieri à ses demandes d'éclaircissement, ainsi que les extraits précis de l'offre de Manieri relatifs aux questions 1, 2, 5 et 6 de la première télécopie du 25 février 2000 et aux questions figurant aux premier, troisième et quatrième tirets de la télécopie du 3 mars 2000. En outre, la Commission a indiqué, et ce pour chacune des sept questions précitées, les parties du cahier des charges auxquelles correspondent les extraits de l'offre de Manieri et ses demandes d'éclaircissement.

52.
    Il y a lieu d'examiner, pour chacune des sept questions étudiées ci-après, si les réponses de Manieri aux demandes de la Commission s'analysent comme des éclaircissements sur le contenu de son offre ou si elles dépassent ce cadre pour modifier la teneur de cette offre au regard des exigences posées par le cahier des charges. Les autres questions ne sont pas contestées par la requérante.

53.
    Dans la première question de la première télécopie du 25 février 2000, la Commission demandait à Manieri de lui fournir des «[e]xemples très précis de simulation de plan de formation de personnel (périodicité, type de séquence, type de formation)». Il ressort du dossier que l'offre de Manieri contenait un exposé détaillé de son plan de formation et que, en réponse à la demande de la Commission, Manieri a fourni une simulation de plan de formation assortie d'un tableau intitulé «plan de formation du personnel».

54.
    À la lumière de ces documents, il convient de relever que les données utilisées par Manieri dans sa réponse figuraient déjà dans le plan de formation communiquédans son offre, conformément aux prescriptions du cahier des charges. La réponse de Manieri ne fait ainsi qu'éclairer la Commission sur les données mentionnées dans l'offre, sans modifier le contenu de cette dernière.

55.
    Dans la deuxième question de la première télécopie du 25 février 2000, la Commission demandait à Manieri de lui fournir un «[d]escriptif des contrôles psychologiques et professionnels (périodicité, type de tests)». Il ressort du dossier que l'offre de Manieri contenait une liste de mesures destinées à limiter l'absentéisme du personnel, au nombre desquelles figurait l'organisation de contrôles professionnels et psychologiques réguliers du personnel. En réponse à la demande de la Commission, Manieri a fourni le descriptif exigé.

56.
    À la lumière de ces documents, il convient de relever que des contrôles psychologiques et professionnels n'étaient pas expressément requis par le cahier des charges. L'offre de Manieri a toutefois abordé le problème de l'absentéisme en envisageant la mise en place de tels contrôles, et c'est la raison pour laquelle la Commission a demandé des éclaircissements sur ces mesures. La réponse de Manieri ne fait ainsi qu'éclairer la Commission sur les notions de contrôles professionnels et psychologiques mentionnées dans l'offre, sans modifier le contenu de cette dernière.

57.
    La cinquième question de la première télécopie du 25 février 2000 était la suivante: «Est-ce que le prix d'entrée aux musées et/ou [des] excursions est pris en charge par le contractant avec indication du nombre d'excursions prévues par an, leur périodicité et les tranches d'âges?» Il ressort du dossier que l'offre de Manieri décrivait les visites et excursions envisagées, sans mentionner expressément le fait que leur prix était à la charge du soumissionnaire. En réponse à la demande de la Commission, Manieri a précisé que ce prix serait bien à sa charge. Ce soumissionnaire a également fourni les informations relatives au nombre, à la périodicité et aux tranches d'âges concernées par les excursions.

58.
    À la lumière de ces documents, il convient de relever, en ce qui concerne le prix des visites et excursions, que le fait que l'offre de Manieri n'ait pas expressément mentionné que celui-ci était à sa charge n'a pas d'incidence sur la présente affaire. En effet, le cahier des charges précisait qu'il ne pouvait en être autrement, sans toutefois exiger qu'une telle mention figure dans l'offre. Dès lors, une réponse négative de Manieri à la demande d'éclaircissement de la Commission aurait logiquement entraîné le rejet de son offre, alors qu'une réponse affirmative ne modifie en rien cette dernière. De même, en ce qui concerne, d'une part, la fréquence et la périodicité des excursions et, d'autre part, les tranches d'âges concernées par celles-ci, il y a lieu de noter que la réponse de Manieri ne fait que reprendre les données exposées dans l'offre et préciser l'âge des enfants concernés, sans que cela permette de considérer que cette offre a été modifiée.

59.
    La sixième question de la première télécopie du 25 février 2000 était la suivante: «Stabilité des groupes: - Est ce un part-time en heures de prestations et dans cecas combien d'heures par semaine? - Ou est-ce un part-time en rôle à tenir, mais avec une présence effective temps plein? - Préciser sur la base de l'organigramme général et dans la même structure en numérotant chaque personnel de 1 à 50 puéricultrices (ex. P1, P2, P3, P4 etc.) dans la répartition de chaque salle et dans le rôle de chacune (A, B, C, part-time) et idem pour les instituteurs.» Il ressort du dossier que l'offre de Manieri décrivait les mesures envisagées pour garantir la stabilité des groupes d'élèves et des groupes d'enseignants. En particulier, l'offre précisait que des enseignants à temps partiel exécuteraient des missions spécifiques ou assureraient la présence d'une troisième puéricultrice dans certaines hypothèses. En réponse à la demande de la Commission, Manieri a apporté les éclaircissements exigés en ce qui concerne la question du temps partiel et communiqué l'organigramme souhaité par la Commission.

60.
    À la lumière de ces documents, il convient de relever, en ce qui concerne la question du temps partiel, que la réponse de Manieri ne fait que reprendre le contenu de son offre sans en modifier la teneur. Par ailleurs, il y a lieu de noter, en ce qui concerne l'organigramme souhaité par la Commission, que celui-ci ne sert qu'à illustrer la réponse susvisée, sans pour autant se substituer à l'organigramme complet et détaillé requis par le cahier des charges, lequel figurait bien dans l'offre de Manieri.

61.
    Les première, troisième, et quatrième questions de la télécopie du 3 mars 2000 étaient les suivantes: «- veuillez nous préciser le manuel [Hazard Analysis Critical Control Point ('HACCP')] théorique applicable lors du démarrage du contrat et en préciser la durée d'adaptation [...] - veuillez détailler quels sont les contrôles internes effectués par votre société et quels sont les contrôles externes effectués par Laboraco. - veuillez préciser les types de contrôles, leurs périodicités, leurs nombres.» Il ressort du dossier que l'offre de Manieri contenait, d'une part, une description générale et théorique des mesures à prendre pour l'hygiène et la propreté et envisageait, d'autre part, les questions d'hygiène comme partie intégrante de la mise en place d'un système général de contrôle de qualité. Par ailleurs, dans son offre, Manieri précisait qu'elle s'engageait à assurer la qualité hygiénique de ses prestations en utilisant les services d'une entreprise spécialisée, Laboraco. En réponse à ces demandes de la Commission, Manieri a apporté les éclaircissements exigés et communiqué un organigramme du système de qualité et d'autocontrôle envisagé ainsi qu'une description des personnes en charge de ce système, une liste théorique de contrôles et un manuel HACCP théorique.

62.
    À la lumière de ces documents, il convient de relever que la réponse de Manieri ne fait qu'éclairer la Commission sur le contenu de son offre sans en modifier la teneur. L'offre de Manieri répond en effet aux prescriptions du cahier des charges, selon lesquelles chaque candidat devait joindre à son offre «une note succincte spécifiant son propre état d'avancement en matière d'hygiène, les moyens humains et qualifications mis en oeuvre et, à défaut, les mesures prises actuellement pour assurer la qualité hygiénique de ses prestations», et la réponse de Manieri ne faitque préciser les contrôles internes et externes qui y sont envisagés. De même, le fait de joindre un manuel HACCP théorique en réponse à une demande de la Commission ne peut être considéré comme une modification de l'offre, dès lors que celle-ci contenait une description générale et théorique des mesures à prendre pour l'hygiène et la propreté, dont le manuel HACCP n'est que l'une des modalités.

63.
    En conclusion, il ressort de l'examen du cahier des charges, de l'offre de Manieri, des demandes d'éclaircissement et des réponses de Manieri examinées ci-dessus que la Commission n'a pas violé le principe de non-discrimination consacré par l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50 et l'article 99, sous h), point 2, des modalités d'exécution du règlement financier. En effet, les réponses de Manieri aux demandes de la Commission s'analysent comme des éclaircissements sur le contenu de son offre, dont elles ne modifient en rien la teneur au regard des exigences posées par le cahier des charges.

64.
    En conséquence, il y a lieu de rejeter les griefs de la requérante relatifs à l'existence d'une discrimination à son égard du fait des réponses apportées par Manieri aux demandes d'éclaircissement de la Commission.

3. Sur l'allégation de la requérante selon laquelle l'évaluation des offres des soumissionnaires n'aurait pas été réalisée de façon impartiale

65.
    Selon la requérante, l'évaluation des offres des soumissionnaires n'a pas été réalisée de façon impartiale, puisque l'association des parents et le comité paritaire de gestion du centre de la petite enfance (ci-après le «Cocepe»), deux organismes qui lui sont hostiles pour des motifs illégitimes, y ont participé. La requérante estime également que la Commission a souhaité faire table rase du passé et l'écarter du CPE Clovis, du fait qu'elle en assurait la gestion lorsque de prétendus actes de pédophilie y auraient été commis en 1997.

66.
    En premier lieu, la requérante relève que le vice-président de l'association des parents a participé à la procédure d'évaluation des offres soumises en l'espèce. Or, la présidente de cette association aurait manifesté son mécontentement auprès de la Commission en lui envoyant une copie de la lettre qu'elle aurait adressée à un membre du Cocepe pour se plaindre de la manière dont la requérante aurait géré le CPE Clovis. De même, l'association des parents aurait demandé à la Commission de résilier le contrat alors en cours.

67.
    Le Tribunal estime que la légitimité de la participation d'un représentant de l'association des parents à l'évaluation des offres ne saurait être contestée compte tenu de l'importance de la participation financière des parents aux frais du CPE Clovis et de leur intérêt pour les questions pédagogiques liées au bien-être des enfants.

68.
    De même, l'existence d'une discrimination à l'encontre de la requérante ne peut être déduite du mécontentement manifesté par la présidente de l'association desparents quant à la manière dont Esedra gérait le CPE Clovis. L'examen de la lettre sur laquelle repose cette allégation, qui était adressée à un membre du Cocepe et dont la Commission a reçu une copie pour information, permet de constater qu'elle a été envoyée à titre personnel par un parent d'élèves et non pas au nom de l'association des parents. À aucun moment, la rédactrice de cette lettre n'invoque en effet sa qualité de présidente de l'association des parents. De plus, il apparaît qu'en définitive la rédactrice de cette lettre ne souhaitait nuire ni à l'image ni aux activités de la requérante, comme elle a pu le préciser en réponse à l'action judiciaire intentée contre elle par Esedra.

69.
    Par ailleurs, l'allégation de la requérante selon laquelle l'association des parents aurait demandé à la Commission de résilier le contrat de gestion alors en cours avec la requérante repose uniquement sur un tract du comité local du personnel et ce document ne permet pas d'imputer une telle demande à cette association.

70.
    Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante relatif à la participation d'un représentant de l'association des parents à la procédure de passation du marché en cause.

71.
    En deuxième lieu, la requérante souligne que le Cocepe a suivi la procédure de passation du marché en cause, qui aurait été évoquée lors de sa 221e réunion du 24 mars 2000. À cet égard, la requérante rappelle que le Cocepe est un organe paritaire dans lequel siègent des représentants des comités du personnel. Or, tout comme l'association des parents, le comité local du personnel serait hostile à la requérante comme le démontrerait le fait qu'il se serait opposé à la privatisation des activités du CPE Clovis en 1995.

72.
    Le Tribunal relève qu'il résulte des spécifications annexées au cahier des charges que le Cocepe est un organe paritaire composé de représentants de l'administration et des comités du personnel. Il est constitué de quatre représentants de la Commission, de deux représentants du Conseil, de deux représentants du Comité économique et social et du Comité des régions et de deux représentants du Parlement. Dans le cadre du contrat de gestion du CPE Clovis, le Cocepe assiste la Commission dans sa mission de suivi, de coordination interinstitutionnelle et d'évaluation permanente. Il contribue également à l'observation du fonctionnement du CPE Clovis, examine les requêtes des parents et prononce des avis ayant trait au fonctionnement de ce centre.

73.
    Or, il convient de noter qu'aucun membre du Cocepe n'a participé à l'évaluation des offres dans le cadre de la procédure de passation du marché en cause. En particulier, la Commission précise, sans être contredite par la requérante, que le Cocepe ne peut avoir accès aux offres des soumissionnaires, lesquelles ne peuvent être communiquées qu'aux comités d'évaluation.

74.
    En outre, la requérante n'est pas fondée à alléguer que le fait que le Cocepe ait pu suivre le déroulement de la procédure de passation du marché en cause ou qu'il puisse intervenir dans l'établissement du contrat de gestion enfreint le principe de non-discrimination. En effet, si le Cocepe a suivi la procédure de passation du marché litigieux, ce n'est que par le biais d'un aperçu général sur l'évolution de l'appel d'offres réalisé à l'occasion de sa 221e réunion, lequel n'a pas eu d'incidence sur le processus d'évaluation.

75.
    Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante relatif à la participation du Cocepe à la procédure de passation du marché en cause.

76.
    En troisième lieu, la requérante expose que, à la suite de prétendus actes de pédophilie commis en 1997, des pressions ont été exercées sur la Commission pour l'écarter de la gestion du CPE Clovis et que, en succombant à ces pressions, la Commission a voulu faire table rase du passé.

77.
    Le Tribunal relève que la requérante n'apporte pas le moindre élément de preuve que les prétendus actes de pédophilie commis en 1997 aient pu entraîner une quelconque discrimination à son endroit.

78.
    Ainsi, il faut préciser que c'est la requérante et non la Commission qui a mis fin au contrat de gestion du CPE Clovis, ce qui démontre bien que cette dernière ne l'a pas tenue pour responsable des événements qui seraient intervenus en 1997.

79.
    De même, le fait que le comité local du personnel a critiqué la manière dont la requérante exécutait ce contrat et demandé que la Commission assure de nouveau la gestion du CPE Clovis est sans incidence sur l'appréciation de l'offre de la requérante, puisque ce comité n'a pas participé au processus d'évaluation.

80.
    Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante relatif à la prétendue volonté de la Commission de l'écarter du fait qu'elle assurait la gestion du CPE Clovis lorsque de prétendus actes de pédophilie y auraient été commis en 1997.

81.
    Il découle de tout ce qui précède que c'est à tort que la requérante soutient que la Commission n'aurait pas procédé à l'évaluation des offres de façon impartiale.

82.
    Partant, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance de l'avis de marché et du cahier des charges en ce qui concerne l'évaluation de la capacité financière et technique de l'attributaire

83.
    La requérante soutient que l'attributaire, c'est-à-dire le groupement d'entreprises représenté par Manieri, ne dispose pas de la capacité financière et technique requise par l'avis de marché et le cahier des charges.

1. Sur la capacité financière de l'attributaire

Arguments des parties

84.
    La requérante soutient que la Commission aurait dû éliminer Manieri de la procédure de passation du marché en cause en raison de l'insuffisance de sa capacité financière et de celle des autres entreprises du groupement qu'elle représente. Sur ce point, la Commission aurait méconnu l'avis de marché et le cahier des charges, commis une erreur manifeste d'appréciation et violé l'article 34 de la directive 92/50 ainsi que le principe de non-discrimination.

85.
    La requérante note ainsi que le groupe d'évaluation des candidatures a décidé, le 28 octobre 1999, de retenir la candidature du groupement représenté par Manieri sans disposer du bilan de trois des sept entreprises qui composent ce groupement. Ces documents ne seraient, en effet, parvenus à la Commission à la suite de la demande de celle-ci du 13 octobre 1999 que le 3 novembre 1999. À cet égard, la requérante relève que l'absence de ces bilans ne pouvait pas être couverte par l'engagement solidaire des membres du groupement représenté par Manieri, puisque la Commission ignorait la capacité financière de trois d'entre eux. De même, les bilans communiqués au stade de la sélection des candidatures ne permettaient pas, selon la requérante, d'établir que ce candidat avait la capacité financière requise, dès lors que la valeur du marché, qu'elle évalue à environ 140 000 000 francs belges (BEF) (3 470 509,34 euros) par an, est supérieure au total des chiffres d'affaires des quatre membres du groupement représenté par Manieri dont le bilan a été communiqué à la Commission, qui s'élève en 1998 à environ 60 000 000 BEF (1 487 361,15 euros).

86.
    La requérante critique également la préférence donnée par le groupe d'évaluation des candidatures à l'analyse de la capacité technique sur celle de la capacité financière. Elle estime qu'il appartient à la Commission d'évaluer tant le critère financier que le critère technique, et non de privilégier l'un aux dépens de l'autre. De ce point de vue, la requérante estime que, si la capacité financière du groupement représenté par Manieri n'apparaissait pas clairement dans la candidature de celle-ci, il appartenait à la Commission d'obtenir des précisions sur ce point, conformément à l'article 34 de la directive 92/50. De plus, la requérante soutient que la disparité éventuelle des règles en vigueur dans les différents États membres régissant la présentation des bilans et comptes d'exploitation des sociétés et personnes morales ne saurait, en l'absence d'une harmonisation complète en la matière, justifier l'abandon d'un critère voulu par le législateur communautaire. À cet égard, la requérante ne comprend pas pourquoi des bilans ou comptes d'une personne morale n'intégreraient pas les éléments d'informations demandés, et notamment le chiffre d'affaires général, le chiffre d'affaires spécifique à l'activité dans le marché en cause et les soutiens publics éventuels.

87.
    Par ailleurs, la requérante relève que la lettre de la Deutsche Bank du 3 février 2000 n'apporte aucun élément utile au débat, en raison de son caractère tardif et du fait qu'elle se limite à déclarer, d'une part, que Manieri peut satisfaire à ses engagements financiers, sans mentionner le montant du marché en cause, et, d'autre part, qu'elle dispose d'une bonne réputation dans son secteur d'activités, qui n'est pas celui du marché concerné, puisqu'il porte sur l'instruction secondaire de deuxième grade.

88.
    La Commission conteste l'argumentation de la requérante et soutient que le groupement représenté par Manieri avait la capacité financière requise pour être sélectionné, comme cela est établi par les documents présentés par ce candidat dans le cadre de la procédure de passation du marché en cause, conformément aux dispositions des articles 31 et 34 de la directive 92/50.

Appréciation du Tribunal

89.
    Il convient de rappeler que l'article 31 de la directive 92/50 prévoit ce qui suit:

«1. La justification de la capacité financière et économique du prestataire peut, en règle générale, être constituée par une ou plusieurs des références suivantes:

a)    des déclarations appropriées de banques ou la preuve d'une assurance des risques professionnels;

b)     la présentation des bilans ou d'extraits des bilans, dans les cas où la publication des bilans est prescrite par la législation sur les sociétés du pays où le prestataire de services est établi;

c)     une déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les services auxquels se réfère le marché, réalisés au cours des trois derniers exercices.

2. Les pouvoirs adjudicateurs précisent, dans l'avis de marché ou dans l'invitation à soumissionner celle ou celles des références visées au paragraphe 1 qu'ils ont choisies ainsi que les autres références qui doivent être produites.

3. Si, pour une raison justifiée, le prestataire de services n'est pas en mesure de produire les références demandées par le pouvoir adjudicateur, il est autorisé à prouver sa capacité économique et financière par tout autre document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur.»

90.
    Par ailleurs, l'article 34 de la directive 92/50 dispose que, «[d]ans les limites des articles 29 à 32, les pouvoirs adjudicateurs peuvent inviter les prestataires de services à compléter les certificats et documents présentés ou à les expliciter».

91.
    Ainsi, conformément à l'article 31, paragraphe 2, de la directive 92/50, l'avis de marché constitue la disposition pertinente pour apprécier si la Commission a pu, sans commettre une erreur grave et manifeste, retenir la candidature du groupement d'entreprises représenté par Manieri.

92.
    Le paragraphe 13 de l'avis de marché, relatif aux renseignements sur la situation propre du prestataire de services et aux formalités nécessaires pour l'évaluation de la capacité économique et technique minimale requise de ce prestataire, indique que les candidats doivent présenter obligatoirement, avec leur demande de participation et en mentionnant la référence 99/52/IX.D.1, les documents suivants:

«[...]

3)    une copie des bilans et comptes d'exploitation des trois dernières années ou si, pour une raison justifiée, le candidat n'est pas en mesure de les fournir, tout autre document prouvant sa capacité financière;

4)    une déclaration indiquant le chiffre d'affaires annuel global réalisé pendant les trois derniers exercices;

5)     une déclaration indiquant le chiffre d'affaires annuel spécifique dans le domaine du présent appel d'offres, réalisé pendant les trois derniers exercices;

[...]»

93.
    En outre, l'avis de marché précise, au paragraphe 9, que, si l'offre est présentée au nom d'un groupement de prestataires de services, tous les membres de ce groupement doivent être «conjointement et solidairement» responsables de l'exécution du marché et, au paragaphe 12, qu'une garantie de bonne exécution du contrat d'un montant de 400 000 euros sera demandée à l'attributaire avant l'entrée en vigueur du contrat.

94.
    Enfin, l'avis de marché reconnaît une certaine marge d'appréciation à la Commission, puisqu'il précise au paragraphe 15, point 2, que celle-ci peut écarter d'office une candidature qui ne contiendrait pas tous les renseignements demandés au paragraphe 13. L'avis de marché n'oblige donc pas à écarter une candidature incomplète.

95.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation important quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d'une décision de passer un marché sur appel d'offres et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à vérifier l'absence d'erreur grave et manifeste (arrêt de la Cour du 23 novembre 1978, Agence européenne d'intérims/Commission, 56/77,Rec. p. 2215, point 20, arrêts du Tribunal Adia Interim/Commission, précité, point 49, et du 6 juillet 2000, AICS/Parlement, T-139/99, Rec. p. II-2849, point 39).

96.
    En l'espèce, l'évaluation de la capacité financière de Manieri et des autres membres du groupement représenté par cette entreprise a été réalisée à deux niveaux: lors de la sélection des candidatures, puis, à un stade ultérieur, avant l'attribution du marché en cause.

97.
    En ce qui concerne la première étape, il ressort du dossier que, lorsque la sélection des candidatures a été réalisée, la candidature de Manieri comportait, d'une part, une copie des bilans et comptes d'exploitation des trois dernières années de quatre des sept entreprises qui composent le groupement qu'elle représente ainsi qu'une «déclaration substitutive» pour les trois autres membres de celui-ci (conformément au paragraphe 13, point 3, de l'avis de marché) et, d'autre part, une déclaration indiquant le chiffre d'affaires annuel global réalisé pendant les trois derniers exercices par chacune de ces sept entreprises (conformément au paragraphe 13, point 4, de l'avis de marché) ainsi que le chiffre d'affaires annuel spécifique dans le domaine de l'appel d'offres en cause qu'elles avaient réalisé pendant les trois derniers exercices (conformément au paragraphe 13, point 5, de l'avis de marché).

98.
    Par conséquent, il ne saurait être fait grief à la Commission de ne pas avoir écarté la candidature de Manieri du seul fait que cette dernière n'avait pas justifié l'absence d'une copie des bilans et comptes d'exploitation de trois des sept membres du groupement qu'elle représente, compte tenu de la marge d'appréciation qui est reconnue à l'institution par l'avis de marché.

99.
    En effet, il y a lieu de noter que la Commission disposait d'autres éléments lui permettant d'établir la capacité financière du groupement représenté par Manieri en l'absence de ces bilans et comptes d'exploitation.

100.
    Ainsi, la lettre de la banque Rolo Banca 1473 du 17 juin 1999, qui était jointe à la candidature de Manieri, précisait que cette entreprise disposait de moyens financiers adéquats. Or, un tel document pouvait être considéré comme une «déclaration appropriée d'une banque» au sens de l'article 31, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/50, susceptible, en soi, de justifier la capacité financière d'un candidat, et être pris en considération par la Commission au titre de son pouvoir d'appréciation.

101.
    La proposition faite par Manieri le 23 octobre 1999 de donner dès ce moment-là la garantie bancaire de 400 000 euros mentionnée au paragraphe 12 de l'avis de marché pouvait également permettre à la Commission d'estimer suffisante la capacité financière de ce candidat.

102.
    Il en est de même de la déclaration, jointe à la lettre de Manieri du 23 octobre 1999, par laquelle les sept membres du groupement représenté par cette entreprisese sont engagés «conjointement et solidairement» à exécuter le marché, conformément au paragraphe 9 de l'avis de marché.

103.
    En l'espèce, ces éléments paraissent d'autant plus pertinents que la capacité financière des candidats à un marché public de services doit être appréciée par rapport à leur aptitude à payer leur personnel et leurs créanciers en cas d'attribution du marché en cause, plutôt que par rapport à la valeur dudit marché. Le projet de contrat-cadre annexé au cahier des charges précise ainsi que la Commission s'engage à payer les sommes dues dans un délai de 60 jours, ce qui limite l'essentiel du risque lié à la capacité financière du candidat aux dépenses encourues durant les deux mois pendant lesquels il est susceptible de faire crédit à l'institution et non, par exemple, à la valeur annuelle du marché estimée à 4 000 000 euros par la Commission. Dans ces circonstances, une attestation bancaire, une offre de garantie ou un engagement «conjoint et solidaire» sont particulièrement appropriés pour apprécier la capacité financière d'un candidat.

104.
    En outre, la priorité donnée à la capacité technique sur la capacité financière lors de la sélection des candidats ne signifie pas que toute analyse de la capacité financière ait été abandonnée. En effet, les conclusions du groupe d'évaluation des candidatures, selon lesquelles la capacité financière des candidats ne ressort pas clairement des chiffres d'affaires communiqués du fait des différentes aides et subventions qui leur sont accordées, soulignent expressément qu'une vérification approfondie de la couverture financière du soumissionnaire proposé devra être effectuée avant l'attribution du marché.

105.
    À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à la demande précitée du groupe d'évaluation des candidatures, la Commission a contrôlé la capacité financière du groupement représenté par Manieri une fois que celle-ci a été proposée comme attributaire.

106.
    Ainsi, les bilans et comptes d'exploitation des trois membres du groupement représenté par Manieri, qui n'avaient pas été joints à la candidature de celle-ci et dont la Commission avait, le 13 octobre 1999, demandé la communication ou, tout du moins, la justification de l'absence de ces documents, conformément à l'article 34 de la directive 92/50, sont parvenus à l'institution le 3 novembre 1999, complétant ainsi cette candidature.

107.
    Par la suite, Manieri a également communiqué à la Commission une lettre de la Deutsche Bank du 3 février 2000, qui déclare que Manieri, à elle seule, «dispose des moyens financiers, peut maintenir ses engagements et jouit d'une bonne réputation». Cette seconde lettre, qui vient s'ajouter à la lettre de la banque Rolo Banca 1473 du 17 juin 1999, constitue un élément supplémentaire permettant d'attester la capacité financière de ce candidat.

108.
    Il découle de ce qui précède que la Commission n'a pas méconnu l'avis de marché ou le cahier des charges, ni commis une erreur manifeste d'appréciation, ni violé l'article 34 de la directive 92/50 ou le principe de non-discrimination lors de l'examen de la capacité financière de Manieri et des autres membres du groupement représenté par cette entreprise.

109.
    Partant, il y a lieu de rejeter les griefs de la requérante relatifs à l'insuffisance de la capacité financière de l'attributaire.

2. Sur la capacité technique de l'attributaire

Arguments des parties

110.
    La requérante soutient que la Commission aurait dû éliminer Manieri de la procédure de passation du marché en cause en raison de l'insuffisance de sa capacité technique. Sur ce point, la Commission aurait méconnu l'avis de marché et commis une erreur manifeste d'appréciation.

111.
    En ce qui concerne la capacité technique de l'attributaire du marché en cause, la requérante relève que l'objet social de Manieri est étranger à la gestion des crèches, puisqu'il porte sur l'instruction secondaire de deuxième grade. Elle fait observer également que, de toutes les sociétés du groupement représenté par Manieri, seule la société Garden Bimbo, dont le personnel ne s'élève qu'à onze personnes, a des activités liées à la petite enfance et un objet social défini en relation avec la nature du marché concerné. Or, la requérante précise que cet objet social n'est pas révélateur de la capacité technique utile pour exécuter le marché en cause, puisqu'il concerne aussi des sections d'enfants qui sont dans leur première année.

112.
    Par ailleurs, la requérante relève que l'exécution du marché en cause a été confiée à une société de droit belge dénommée Sapiens par le groupement représenté par Manieri. Or, Sapiens ne disposerait pas de la capacité requise pour exécuter ce contrat, parce que ses seuls actionnaires seraient une personne physique et Manieri, les autres membres du groupement, et notamment Garden Bimbo, n'ayant aucune part de son capital. De même, la requérante estime que le personnel recruté par Sapiens est insuffisamment qualifié et ne présente pas l'ancienneté requise, ce dont témoignent les échos négatifs qui lui sont parvenus au sujet de l'exécution du marché en cause.

113.
    La Commission confirme que l'attributaire remplit les critères techniques exigés par l'avis de marché et le cahier des charges et qu'il dispose d'une capacité technique suffisante.

Appréciation du Tribunal

114.
    À titre liminaire, il convient de rappeler que, en ce qui concerne la question examinée, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation important et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à vérifier l'absence d'erreur grave et manifeste (voir point 95 ci-dessus).

115.
    À cet égard, il convient de noter que le paragraphe 13 de l'avis de marché énumère les renseignements qui sont nécessaires pour l'évaluation de la capacité technique minimale des candidats dans les termes suivants:

«[...]

6)    une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du candidat et l'importance du personnel d'encadrement pendant les trois dernières années;

7)     un relevé des principaux marchés, dans le domaine du présent appel d'offres, effectués au cours des trois dernières années et indiquant les montants, les dates ainsi que les noms et coordonnées des destinataires de ces marchés;

8)     une description exhaustive des différentes mesures prises par le candidat pour le contrôle de la qualité des services;

9)     l'indication de la part [de] marché que le candidat a éventuellement l'intention de sous-traiter, et les modalités de contrôle de qualité et d'encadrement de la sous-traitance envisagée.»

116.
    Tout comme pour les informations relatives à la capacité financière, une offre incomplète au regard des informations relatives à la capacité technique peut être écartée d'office par la Commission, selon le paragraphe 15, point 2, de l'avis de marché.

117.
    S'agissant de l'argument de la requérante concernant l'objet social des entreprises membres du groupement représenté par Manieri, il y a lieu de relever que l'objet social ne figure pas parmi les critères susceptibles d'être pris en compte pour apprécier la capacité technique d'un candidat, qui sont énumérés dans l'avis de marché. De plus, un tel critère risquerait d'entraîner des résultats artificiels, dans la mesure où l'objet social d'une entreprise peut être très largement défini et où il peut être modifié.

118.
    Par ailleurs, cet argument manque en fait en ce qui concerne Manieri. Il résulte, en effet, de l'examen de l'objet social de cette entreprise qu'il porte non seulement sur l'instruction secondaire de deuxième grade mais également, et notamment, sur l'école maternelle et le jardin d'enfants, ce qui inclut donc des activités liées à la petite enfance.

119.
    Quant aux critiques de la requérante à l'égard de Sapiens, il y a lieu de noter, d'une part, que la constitution de cette société en juin 2000 est postérieure à la sélection des candidats et à l'attribution du marché en cause, et qu'ainsi ces critiques ne sont pas pertinentes pour l'évaluation de la capacité technique du groupement représenté par Manieri, et, d'autre part, que la Commission affirme, sans être contredite sur ce point, que la plupart du personnel employé par Sapiens l'était précédemment par la requérante.

120.
    De plus, le besoin de constituer une société de droit belge, telle que Sapiens, permet de satisfaire, comme le relève la Commission dans sa note à l'attention de la commission consultative des achats et marchés du 10 mai 2000, plusieurs obligations posées par l'État membre du lieu de prestation des services dans les domaines du droit du travail, du droit fiscal et du droit social (cotisations sociales et autres droits des travailleurs, liquidations des taxes, disponibilité d'un numéro de TVA, contrôle de gestion du milieu de la petite enfance en Belgique, etc.).

121.
    Par ailleurs, lorsque la sélection des candidatures à été réalisée, la candidature du groupement d'entreprises représenté par Manieri comportait une déclaration indiquant les effectifs moyens et l'importance du personnel d'encadrement pendant les trois dernières années, conformément au paragraphe 13, point 6, de l'avis de marché.

122.
    Néanmoins, s'agissant des données relatives à l'effectif, il ressort des conclusions du groupe d'évaluation des candidatures que ces données n'étaient pas fiables et décisives compte tenu du fait que ce n'étaient pas les candidats qui auraient exécuté directement le marché, mais une société de droit belge qu'ils auraient dû constituer, et que la plupart du personnel aurait dû être recrutée sur place.

123.
    Dès lors, la capacité technique des candidats a été appréciée sur la base des autres critères prévus par l'avis de marché, à savoir le relevé des principaux marchés effectués dans le domaine du présent appel d'offres au cours des trois dernières années (paragraphe 13, point 7, de l'avis de marché), les mesures prises pour assurer le contrôle de la qualité (paragraphe 13, point 8, de l'avis de marché) et la part du marché éventuellement sous-traitée ainsi que les modalités de contrôle de la qualité de la sous-traitance (paragraphe 13, point 9, de l'avis de marché).

124.
    Or, en l'espèce, le groupe d'évaluation des candidatures a considéré que la candidature de Manieri, comme celle d'ailleurs des six autres candidats, était satisfaisante. En particulier, il ressort des conclusions du groupe d'évaluation des candidatures que Manieri, comme les six autres candidats, a bien satisfait aux conditions posées au paragraphe 13, points 7 à 9, de l'avis de marché en communiquant toutes les informations demandées.

125.
    En conséquence, c'est à tort que la requérante soutient que la Commission a méconnu l'avis de marché et commis une erreur manifeste d'appréciation lors de l'examen de la capacité technique de Manieri ou des autres membres dugroupement représenté par cette entreprise. Dès lors, il y a lieu de rejeter les griefs de la requérante relatifs à l'insuffisance de la capacité technique de l'attributaire.

126.
    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance du cahier des charges en ce qui concerne l'évaluation des prix et de la qualité des offres des soumissionnaires

127.
    La requérante prétend qu'il n'est pas possible que l'offre de Manieri soit meilleure que la sienne au regard des critères des prix et de la qualité prévus par le cahier des charges.

128.
    À cet égard, il convient de rappeler que les critères d'attribution du marché en cause prévus par le cahier des charges sont les suivants:

«7. Critères d'attribution:

L'attribution du marché se fera à l'offre économiquement la plus avantageuse et la mieux disante compte tenu:

-    des prix offerts et

-    de la qualité de l'offre et du service proposé, évaluée, par ordre décroissant en fonction de:

    a)    la valeur du projet pédagogique (40 %)

    b)    les mesures et les moyens mis en oeuvre pour le remplacement dû à l'absentéisme des ressources humaines (30 %)

    c)    la méthodologie et les moyens de contrôle proposés pour le contrôle de: (30 %)

    -    la qualité du service et de la gestion

    -    la préservation de la stabilité du personnel

    -    la mise en oeuvre du projet pédagogique.»

1. Sur l'évaluation des prix proposés par les soumissionnaires

129.
    Les faits suivants ne sont pas contestés par les parties.

130.
    L'évaluation des prix proposés par les soumissionnaires a pour point de départ les données communiquées conformément aux indications du «bordereau desoumission 2 de 3» (ci-après le «bordereau»), qui figurait en annexe au cahier des charges. Ce bordereau imposait la présentation d'un prix «global, forfaitaire et mensuel comprenant toutes sujétions d'exécution pour la gestion complète, administrative et pédagogique du CPE Clovis» sur la base d'une distinction entre la crèche et le jardin d'enfants. Le bordereau faisait une distinction entre cinq catégories de prix:

-    le prix «par enfant inscrit à la crèche du CPE Clovis» (en euros/mois);

-    le prix «par place réservée pendant quatre mois maximum sans occupation par l'enfant à la crèche du CPE Clovis» (en euros/mois);

-    le prix «par enfant inscrit au jardin d'enfants du CPE Clovis» (en euros/mois);

-    le prix «par place réservée pendant quatre mois maximum sans occupation par l'enfant au jardin d'enfants du CPE Clovis» (en euros/mois);

-    le prix par «supplément au-delà d'un quart d'heure entamé en dehors de l'horaire normal d'ouverture du CPE [Clovis]» (en euros/quart d'heure).

131.
    L'évaluation des prix des offres a été effectuée par la Commission, à partir des données communiquées conformément aux indications du bordereau (c'est-à-dire le prix relatif à chacune des cinq catégories mentionnées ci-dessus), en considération de trois hypothèses d'occupation du CPE Clovis:

-    hypothèse A: nombre moyen d'enfants réellement présents en 1999;

-    hypothèse B: nombre d'enfants en régime prévu d'occupation moyenne des salles;

-    hypothèse C: nombre d'enfants en régime d'occupation maximale des salles.

132.
    Selon la requérante, en considérant trois hypothèses d'occupation du CPE Clovis et non les seules données requises par le bordereau, la Commission s'est écartée du cahier des charges et a, de ce fait, commis une illégalité. Ainsi, la requérante a fait remarquer lors de l'audience qu'une évaluation conforme aux prescriptions du cahier des charges, c'est-à-dire sur la base d'une addition du prix proposé pour chacune des cinq catégories mentionnées dans le bordereau, aurait amené la Commission à constater que son offre était moins chère que celle de Manieri.

133.
    À titre subsidiaire, la requérante note que, à supposer que la Commission ait pu s'écarter des bordereaux de soumission, encore eût-il fallu qu'elle s'en explique. Or, la justification apportée, à savoir que «la comparaison directe des différentséléments de prix prévus dans le bordereau de soumission n'était pas possible», n'autorise pas la méconnaissance du cahier des charges.

134.
    La Commission estime, au contraire, que l'évaluation des prix s'est faite dans le strict respect des critères préalablement établis dans le cahier des charges.

135.
    À titre liminaire, le Tribunal rappelle que, en ce qui concerne la question examinée, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation important et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à vérifier l'absence d'erreur grave et manifeste (voir point 95 ci-dessus).

136.
    Ainsi qu'il est exposé ci-dessus, la méthode d'évaluation des prix des offres a pris pour point de départ le prix proposé par chaque soumissionnaire pour chacune des cinq catégories mentionnées dans le bordereau. Les prix proposés par Esedra et Manieri étaient les suivants:

-    Esedra: 1 090 euros par enfant inscrit à la crèche; 430 euros par place réservée à la crèche; 965 euros par enfant inscrit au jardin d'enfants; 300 euros par place réservée au jardin d'enfants et 5 euros par quart d'heure supplémentaire;

-    Manieri: 1 050 euros par enfant inscrit à la crèche; 880,64 euros par place réservée à la crèche; 940 euros par enfant inscrit au jardin d'enfants; 788,37 euros par place réservée au jardin d'enfants et 6 euros par quart d'heure supplémentaire.

137.
    Il importe de préciser que les prix proposés pour chacune des catégories mentionnées ci-dessus sont des prix unitaires (pour chaque enfant inscrit à la crèche ou au jardin d'enfants, pour chaque place réservée à la crèche ou au jardin d'enfants ou pour chaque quart d'heure).

138.
    Chacun de ces prix a ensuite été multiplié par le nombre correspondant d'enfants inscrits à la crèche ou au jardin d'enfants, de places réservées à la crèche ou au jardin d'enfants ou de quarts d'heure envisagés par la Commission pour chacune de ses trois hypothèses d'occupation du CPE Clovis. Ces données étaient les suivantes:

-    hypothèse A (nombre moyen d'enfants réellement présents en 1999): 211,08 enfants inscrits à la crèche; 2 places réservées à la crèche; 60,33 enfants inscrits au jardin d'enfants; 2 places réservées au jardin d'enfants et 12,5 quarts d'heure supplémentaires;

-    hypothèse B (nombre d'enfants en régime prévu d'occupation moyenne des salles): 253 enfants inscrits à la crèche; 2 places réservées à la crèche; 55enfants inscrits au jardin d'enfants; 2 places réservées au jardin d'enfants et 12,5 quarts d'heure supplémentaires;

-    hypothèse C (nombre d'enfants en régime d'occupation maximale des salles): 270 enfants inscrits à la crèche; 0 place réservée à la crèche; 108 enfants inscrits au jardin d'enfants; 0 place réservée au jardin d'enfants et 12,5 quarts d'heure supplémentaires.

139.
    En ce qui concerne l'hypothèse A (nombre moyen d'enfants réellement présents en 1999), les résultats de l'évaluation étaient les suivants:

-    Esedra: pour chaque catégorie, le prix mensuel était de 230 080,83 euros, soit 1 090 euros x 211,08 (enfants inscrits à la crèche); 860 euros, soit 430 euros x 2 (places réservées à la crèche); 58 221,67 euros, soit 965 euros x 60,33 (enfants inscrits au jardin d'enfants); 600 euros, soit 300 euros x 2 (places réservées au jardin d'enfants), et 62,50 euros, soit 5 euros x 12,5 (quarts d'heure supplémentaires); le total moyen mensuel était donc de 289 825 euros;

-    Manieri: pour chaque catégorie, le prix mensuel était de 221 637,50 euros, soit 1 050 euros x 211,08 (enfants inscrits à la crèche); 1 761,28 euros, soit 880,64 x 2 (places réservées à la crèche); 56 713,33 euros, soit 940 euros x 60,33 (enfants inscrits au jardin d'enfants); 1 576,74 euros, soit 788,37 euros x 2 (places réservées au jardin d'enfants), et 75 euros, soit 6 euros x 12,5 quarts d'heure supplémentaires); le total moyen mensuel était donc de 281 763,85 euros.

140.
    En ce qui concerne l'hypothèse B (nombre d'enfants en régime prévu d'occupation moyenne des salles), les résultats de l'évaluation étaient les suivants:

-    Esedra: pour chaque catégorie, le prix mensuel était de 275 770 euros, soit 1 090 euros x 253 (enfants inscrits à la crèche); 860 euros, soit 430 euros x 2 (places réservées à la crèche); 53 075 euros, soit 965 euros x 55 (enfants inscrits au jardin d'enfants); 600 euros, soit 300 euros x 2 (places réservées au jardin d'enfants), et 62,50 euros, soit 5 euros x 12,5 (quarts d'heure supplémentaires); le total moyen mensuel était donc de 330 367,50 euros;

-    Manieri: pour chaque catégorie, le prix mensuel était de 265 650 euros, soit 1 050 euros x 253 (enfants inscrits à la crèche); 1 761,28 euros, soit 880,64 euros x 2 (places réservées à la crèche); 51 700 euros, soit 940 euros x 55 (enfants inscrits au jardin d'enfants); 1 576,74 euros, soit 788,37 euros x 2 (places réservées au jardin d'enfants), et 75 euros, soit 6 euros x 12,5 (quarts d'heure supplémentaires); le total moyen mensuel était donc de 320 763,02 euros.

141.
    En ce qui concerne l'hypothèse C (nombre d'enfants en régime d'occupation maximale des salles), les résultats de l'évaluation étaient les suivants (pour mémoire, cette hypothèse n'envisage pas de place réservée à la crèche ou au jardin d'enfants):

-    Esedra: pour chaque catégorie, le prix mensuel était de 294 300 euros, soit 1 090 euros x 270 (enfants inscrits à la crèche); 104 220 euros, soit 965 euros x 108 (enfants inscrits au jardin d'enfants), et 62,50 euros, soit 5 euros x 12,5 (quarts d'heure supplémentaires); le total moyen mensuel était donc de 398 582,50 euros;

-    Manieri: pour chaque catégorie, le prix mensuel était de 283 500 euros, soit 1 050 euros x 270 (enfants inscrits à la crèche); 101 520 euros, soit 940 euros x 108 (enfants inscrits au jardin d'enfants), et 75 euros, soit 6 euros x 12,5 (quarts d'heure supplémentaires); le total moyen mensuel était donc de 385 095 euros.

142.
    Les résultats de l'évaluation du prix des offres effectuée par la Commission, sur la base de la méthode précitée, permettent de constater que, dans chacune des trois hypothèses examinées, l'offre de Manieri est plus intéressante que celle d'Esedra.

143.
    Il ne saurait être contesté que les prix unitaires par enfant soient multipliés par le nombre total d'unités (enfants inscrits à la crèche ou au jardin d'enfants, places réservées à la crèche ou au jardin d'enfants, ou quarts d'heure supplémentaires) afin de pouvoir évaluer les prix des différentes offres.

144.
    La position de la requérante, à cet égard, est dépourvue de toute logique. En effet, le fait de prendre en considération les seuls prix unitaires par enfant ne permet pas de déterminer le prix total mensuel qui doit être payé par la Commission au prestataire pour la gestion du CPE Clovis, puisque ce prix total doit nécessairement prendre en compte le nombre d'enfants inscrits à la crèche et au jardin d'enfants, de places réservées à la crèche et au jardin d'enfants, et de quarts d'heure supplémentaires. Ce n'est qu'en multipliant chaque prix unitaire par enfant par le nombre total envisagé d'enfants, de places réservées et de quarts d'heure que le montant des offres peut être déterminé et que ces offres peuvent être comparées.

145.
    Par ailleurs, il convient de relever que les trois hypothèses d'occupation envisagées par la Commission reposent sur des données raisonnables, à savoir l'occupation réelle moyenne du CPE Clovis au cours d'une année de référence, l'année 1999, l'occupation moyenne envisagée et l'occupation maximale possible, et que ces données étaient, pour la plupart, connues de la requérante. Ainsi, en ce qui concerne l'hypothèse B, le cahier des charges précise le nombre moyen d'enfants inscrits à la crèche (253 enfants). Le cahier des charges précise également, en ce qui concerne l'hypothèse C, le nombre maximal d'enfants susceptibles d'être inscrits à la crèche (270) et au jardin d'enfants (108). Or, les données relatives auxnombres d'enfants inscrits à la crèche et au jardin d'enfants sont les plus importantes pour l'évaluation des prix des offres en considération des trois hypothèses envisagées par la Commission, compte tenu de leur montant respectif (253 ou 270 enfants inscrits à la crèche, 55 ou 108 enfants inscrits au jardin d'enfants) comparé à celui des données relatives aux trois autres catégories (2 ou 0 places réservées à la crèche ou au jardin d'enfants, 12,5 quarts d'heure supplémentaires). Enfin, la requérante ne peut prétendre ignorer les données relatives à l'hypothèse A, dès lors qu'elle assurait elle-même les prestations en cause lors de l'année 1999 choisie comme référence pour déterminer l'occupation historique.

146.
    Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des offres de Manieri et d'Esedra au regard du critère des prix. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter l'argumentation de la requérante relative à l'évaluation des prix des offres.

2. Sur l'évaluation de la qualité des offres

a) Sur l'évaluation de la qualité des offres en général

Arguments des parties

147.
    La requérante estime que, en décidant que l'offre de Manieri était meilleure que la sienne au regard du critère de la qualité, la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation.

148.
    La requérante souligne ainsi qu'elle a obtenu la certification de qualité ISO 9001:94 et est, de ce fait, soumise à des contrôles internes et externes réguliers et exigeants. De même, la requérante rappelle que son offre comportait différentes initiatives destinées à améliorer la qualité de ses prestations, telles des actions spéciales pour les enfants handicapés ou la définition d'un plan quinquennal pour chacun de ses services.

149.
    La requérante s'interroge sur la compétence des membres du comité d'évaluation qualitative et note qu'ils ne se sont pas déplacés sur les lieux où les soumissionnaires exercent leurs activités, à la différence de ce qui s'était passé lors de la précédente procédure de passation de marché, ce qui leur aurait permis de constater qu'aucune des sociétés du groupement représenté par Manieri - à l'exception partielle de Garden Bimbo dont les activités concernent les enfants âgés de douze mois et plus alors que le marché en cause concerne également des enfants qui ont moins d'un an - n'assure des services de la nature de ceux visés par l'appel d'offres, comme le démontre le statut de ces sociétés.

150.
    La Commission conteste cette analyse et rappelle que l'évaluation qualitative des offres s'est effectuée sur la base des critères qualitatifs préalablement annoncés dans le cahier des charges et en application d'une méthodologie définie le 9 février2000, soit entre la date de dépôt des offres (7 février 2000) et la date de leur ouverture (14 février 2000). À cet égard, la Commission rappelle qu'il ressort de la synthèse réalisée lors de l'évaluation finale des offres qu'il existe une différence de qualité significative entre le premier classé Manieri et le deuxième Esedra.

151.
    De même, la Commission précise qu'il ressort du rapport du comité d'évaluation qualitative et de ses annexes qu'Esedra a obtenu moins de points que Manieri en ce qui concerne deux des trois critères qualitatifs.

Appréciation du Tribunal

152.
    À titre liminaire, il convient de rappeler que, en ce qui concerne la question examinée, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation important et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à vérifier l'absence d'erreur grave et manifeste (voir point 95 ci-dessus).

153.
    Il y a lieu de rappeler selon quels critères qualitatifs la Commission devait apprécier les offres des soumissionnaires avant d'examiner quels ont été les résultats de cette appréciation.

154.
    En l'espèce, le cahier des charges précise que l'attribution du marché se fera à l'offre économiquement la plus avantageuse et la mieux disante compte tenu notamment «de la qualité de l'offre et du service proposé, évaluée, par ordre décroissant, en fonction de:

a)    la valeur du projet pédagogique (40 %)

b)    les mesures et les moyens mis en oeuvre pour le remplacement dû à l'absentéisme des ressources humaines (30 %)

c)    la méthodologie et les moyens de contrôle proposés pour le contrôle de: (30 %)

    -    la qualité du service et de la gestion

    -    la préservation de la stabilité du personnel

    -    la mise en oeuvre du projet pédagogique».

155.
    À cet égard, il ressort du tableau final réalisé par le comité d'évaluation qualitative les éléments suivants:

-    l'offre de Manieri a obtenu 27,6 points en ce qui concerne la valeur du projet pédagogique, 21,6 points en ce qui concerne les mesures et les moyens mis en oeuvre pour le remplacement dû à l'absentéisme desressources humaines et 21 points en ce qui concerne la méthodologie et les moyens de contrôle, soit au total 70,2 points qui correspondent à l'indice 100, c'est-à-dire à la meilleure offre sur le plan qualitatif;

-    l'offre d'Esedra a obtenu 21,1 points en ce qui concerne la valeur du projet pédagogique, 13,2 points en ce qui concerne les mesures et les moyens mis en oeuvre pour le remplacement dû à l'absentéisme des ressources humaines, 22,2 points en ce qui concerne la méthodologie et les moyens de contrôle, soit au total 56,5 points qui correspondent à l'indice 80,4, c'est-à-dire, en l'espèce, à la deuxième offre sur le plan qualitatif.

156.
    Il convient de constater que la requérante n'avance pas le moindre élément de preuve ou indice qui serait de nature à établir l'existence d'une erreur manifeste et grave d'appréciation de la part de la Commission lors de l'évaluation de la qualité des offres en général.

157.
    Ainsi, il y a lieu de relever que ni le fait que la requérante ait obtenu la certification de qualité ISO 9001:94 et soit soumise à des contrôles réguliers et exigeants ni les différentes initiatives que son offre comportait en vue d'améliorer la qualité de ses prestations ne constituent des éléments qui seraient révélateurs d'une supériorité de la qualité de son offre par rapport à celle de Manieri.

158.
    Quant à l'argument de la requérante selon lequel les membres du groupement représenté par Manieri n'assurent pas ou pratiquement pas les services concernés par le marché en cause, il convient de rappeler, en dehors du fait que cet argument n'est pas opérant en l'espèce (voir points 117 et 118 ci-dessus), que la qualité des offres est à évaluer sur la base des offres elles-mêmes et non pas à partir de l'expérience acquise par les soumissionnaires avec le pouvoir adjudicateur lors de précédents contrats ou sur la base des critères de sélection, comme la capacité technique des candidats, qui ont déjà été vérifiés lors de la phase de sélection des candidatures et qui ne peuvent être à nouveau pris en compte aux fins de la comparaison des offres (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 septembre 1988, Beentjes, 31/87, Rec. p. 4635, point 15).

159.
    Quant aux interrogations de la requérante sur la compétence des membres du comité d'évaluation qualitative et l'absence de visites sur les lieux où les soumissionnaires exercent leurs activités, il y a lieu de relever que la requérante ne présente pas d'arguments susceptibles de remettre en cause la compétence de ces personnes, qui disposent, de par leurs fonctions au sein de la Commission, d'une expérience suffisante pour évaluer des offres sur le plan qualitatif, et que de telles visites n'étaient pas requises dans le cadre de la procédure de passation du marché en cause.

160.
    Il y a donc lieu de rejeter l'argumentation de la requérante relative à l'évaluation qualitative de son offre et de celle de l'attributaire, en général.

b) Sur l'évaluation qualitative de certains paramètres des offres

161.
    La requérante estime également que l'évaluation qualitative de certains paramètres de son offre et de celle de l'attributaire est révélatrice d'une erreur manifeste d'appréciation.

162.
    Il convient de rappeler que, en ce qui concerne la question examinée, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation important et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à vérifier l'absence d'erreur grave et manifeste (voir point 95 ci-dessus).

163.
    Or, le Tribunal constate que la requérante n'avance pas le moindre élément de preuve ou indice qui serait de nature à établir l'existence d'une telle erreur d'appréciation de la Commission lors de l'évaluation de certains paramètres des offres. Les arguments de la requérante sur chacun de ces paramètres sont examinés ci-après.

i) Sur les paramètres A.2 «niveau du plan de formation continue des pédagogues» et B.1 «niveau de formation du personnel de remplacement»

164.
    La requérante relève qu'elle s'est vu attribuer une note faible (2 points) assortie du commentaire «information et non formation, confusion de rôle entre psychopédagogue et formateur», alors que Manieri a reçu une note excellente (10 points). Elle soutient que l'affirmation «confusion» est erronée, puisque l'un des premiers rôles d'un psychopédagogue est celui de former les adultes qui travaillent avec les enfants et non d'être au contact des enfants, ce qui est le rôle de l'enseignant. De même, l'appréciation «information et non formation» serait inexacte, dans la mesure où le système d'«assurance qualité» d'Esedra prévoirait la mise en place et le respect de différentes procédures d'identification et d'organisation de formations. En outre, la qualité de la formation dispensée par la requérante aurait été saluée par une étude réalisée par deux étudiants de l'université catholique de Louvain et le compte rendu réalisé par l'institut d'enseignement De Mot-Couvreur des stages effectués par des puéricultrices en formation.

165.
    Selon la requérante, de telles remarques sont également valables en ce qui concerne le paramètre B.1 «niveau de formation du personnel de remplacement», pour lequel elle a reçu 1 point contre 4 pour Manieri.

166.
    Le Tribunal relève, comme le fait la Commission, que cette institution dispose de suffisamment de connaissances pour apprécier la valeur du plan de formation et du rôle d'une équipe psychopédagogique, au regard de l'expérience acquise dans la gestion et la supervision contractuelle d'un ensemble de trois crèches de plus de 600 enfants.

167.
    À cet égard, il convient de noter que, si l'équipe pédagogique peut, outre son rôle de conseil dans le domaine pédagogique et d'encadrement des éducateurs, également jouer un rôle de formateur, il n'en demeure pas moins, d'une part, que cette équipe a inévitablement besoin d'un complément et d'une expertise externe (consultants, organisateurs spécialisés, etc.) dans les divers domaines de la petite enfance et, d'autre part, que la formation, qu'elle soit dispensée en interne ou en externe, doit faire l'objet d'une systématisation dans le cadre d'un plan de formation en corrélation avec les principes inscrits dans le projet pédagogique.

168.
    Or, la Commission ne saurait faire des comparaisons entre les offres dans ce domaine que si les soumissionnaires lui soumettent des plans de formation les plus concrets possibles. De ce point de vue, les audits effectués dans le cadre du système d'«assurance qualité» d'Esedra, les évaluations des étudiants de l'université catholique de Louvain ou le résultat des formations effectuées au CPE Clovis pendant la gestion de la requérante ne constituent pas des éléments susceptibles d'être révélateurs d'une supériorité de la qualité de son offre par rapport à celle de Manieri.

169.
    Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante relatif à l'évaluation des paramètres A.2 et B.1.

ii) Sur le paramètre A.4 «qualité et quantité de matériel didactique (jouets, matériels, ...) pour les enfants»

170.
    La requérante expose qu'elle s'est vu attribuer la même note (4 points) que l'attributaire. Or, la requérante souligne que son matériel, dont un inventaire complet avait été fourni avec l'offre, a été racheté par Sapiens. Elle se demande, dès lors, quel matériel a été décrit par Manieri dans son offre, si ce soumissionnaire a ensuite dû acheter auprès d'elle le matériel requis par le cahier des charges.

171.
    Le Tribunal relève, comme le fait la Commission, que, dès lors que Manieri a fourni un inventaire du matériel didactique, conformément aux prescriptions du cahier des charges, il est sans importance que Sapiens ait racheté une partie du matériel de la requérante ou acquis du matériel auprès d'un autre fournisseur.

172.
    Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante relatif à l'évaluation du paramètre A.4.

iii) Sur le paramètre A.7 «possibilité d'expression du rythme propre à chaque enfant [...]»

173.
    La requérante s'interroge sur l'existence du projet pédagogique de Manieri pour les enfants âgés de deux ans ou moins, dès lors que la seule société de ce groupement qui avait de l'expérience en ce domaine (Garden Bimbo) n'accepte les enfants qu'à partir de douze mois.

174.
    Le Tribunal relève que, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus aux points 114 à 126, la Commission a valablement pu décider que Manieri disposait de la capacité technique nécessaire pour que sa candidature soit sélectionnée et que cette question ne devait plus être prise en considération dans le cadre de l'attribution du marché en cause.

175.
    Par ailleurs, il ressort du dossier que la Commission a estimé que le projet et les actions pédagogiques proposés par Manieri étaient adaptés aux différentes tranches d'âge concernées par le marché en cause.

176.
    Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante relatif à l'évaluation du paramètre A.7.

iv) Sur les paramètres C.1.1 «niveau de qualité des outils de contrôle et des actions proposées» et C.1.2 «valeur du personnel de direction/management»

177.
    La requérante rappelle qu'elle dispose de la certification de qualité ISO 9001:94 et qu'à ce titre elle fait l'objet de contrôles externes semestriels. En outre, la requérante a fourni un organigramme complet dépassant les prescriptions du cahier des charges et incluant, notamment, une fonction «assurance qualité» coordonnée par deux personnes à temps plein. Or, cette fonction ne serait pas prévue au sein de Sapiens et, de ce fait, cette société n'aurait pas repris la personne responsable de la fonction «assurance qualité» d'Esedra au 31 juillet 2000. À cet égard, la requérante considère qu'une égalité de points (8 points pour le paramètre C.1.1 et 3 points pour le paramètre C.1.2) entre son offre et celle de Manieri est manifestement erronée. De même, la requérante relève qu'à sa connaissance la qualification et l'ancienneté du personnel employé par Sapiens ne correspondent pas à ce qui est requis par le cahier des charges, puisque seulement 10 des 20 contrats de travail arrivant à échéance le 31 juillet 2000 ont été renouvelés par Sapiens.

178.
    Le Tribunal relève que les remarques de la requérante relatives à Sapiens ne sont pas pertinentes, dès lors que cette société a été constituée après l'évaluation des offres par la Commission. De même, le fait que la requérante dispose de la certification de qualité ISO 9001:94 et qu'elle fasse, à ce titre, l'objet de contrôles externes semestriels ne démontre pas que la Commission a commis une erreur grave et manifeste d'appréciation en lui attribuant des notes identiques à celles de Manieri.

179.
    En outre, il convient de rappeler que l'analyse de la Commission repose sur la présentation de plans de formation concrets et non sur le résultat de contrôles réalisés par le passé.

180.
    Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante relatif à l'évaluation des paramètres C.1.1 et C.1.2.

181.
    Il découle de tout ce qui précède qu'il n'est pas établi que la Commission ait commis une erreur grave et manifeste d'appréciation en considérant que l'offre de Manieri était qualitativement supérieure à celle d'Esedra.

182.
    En conséquence, le troisième moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

183.
    La requérante soutient que la Commission a violé l'obligation de motivation qui découle de l'article 253 CE, du principe de transparence érigé en principe général de droit par l'article 255 CE, ainsi que de l'article 12 de la directive 92/50 tel qu'interprété par l'arrêt Adia Interim/Commission, précité, puisque le contenu de la lettre de la Commission du 9 juin 2000, en réponse à sa demande d'informations sur les raisons pour lesquelles le marché en cause ne lui a pas été attribué, ne permet pas d'apprécier la légalité des décisions contestées.

184.
    À cet égard, la requérante estime que la motivation est insuffisante, puisqu'elle se limite à communiquer les notes qui lui ont été attribuées et celles qui ont été attribuées à Manieri, pour chacun des critères d'attribution visés par le cahier des charges, sans préciser la méthode d'évaluation retenue et l'application pratique de cette méthode à leurs offres respectives. En particulier, la requérante souligne qu'elle ne comprend pas comment les différents éléments servant à la fixation des prix requis par le cahier des charges ont pu être évalués globalement par la Commission.

185.
    De même, la requérante soutient qu'aucun élément relatif à l'offre de Manieri ne lui a été communiqué, sous réserve du respect des intérêts commerciaux légitimes de l'adjudicataire, pour lui permettre de contrôler la légalité des décisions contestées. Elle ignore également l'identité des sociétés italiennes qui forment le groupement représenté par Manieri et les liens qui unissent ces sociétés entre elles ainsi que ceux qui les unissent à Sapiens, qui est présentée comme la société constituée par Manieri pour exécuter le marché en cause.

186.
    La Commission précise que, dans un souci de transparence, elle a communiqué à la requérante, dans sa lettre du 9 juin 2000, les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom de l'adjudicataire, conformément aux prescriptions de l'article 12, paragraphe 1, de la directive 92/50. La Commission relève également que la requérante, qui avait reçu la réponse susvisée en temps utile, le 9 juin, par télécopie, n'a pas formulé de demande de renseignements complémentaires. En particulier, la Commission note que la requérante n'a pas demandé à obtenir la «méthode d'évaluation retenue» ni «d'élément relatif à l'offre de l'attributaire», qui sont mentionnés dans la requête.

Appréciation du Tribunal

187.
    Il y a lieu de déterminer, tout d'abord, quelle est l'obligation de motivation qui incombe à la Commission à l'égard du soumissionnaire qui n'a pas été retenu dans le cadre de la procédure de passation du marché en cause.

188.
    L'article 12, paragraphe 1, de la directive 92/50 dispose:

«Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai de quinze jours à compter de la réception d'une demande écrite, à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom de l'adjudicataire.

Toutefois, les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider que certains renseignements concernant l'adjudication des marchés, mentionnés au premier alinéa, ne sont pas communiqués lorsque leur divulgation ferait obstacle à l'application des lois, ou serait contraire à l'intérêt public ou porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d'entreprises publiques ou privées, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre prestataires de services.»

189.
    En application de cette disposition, la Commission est tenue de communiquer à un soumissionnaire dont l'offre n'a pas été retenue, et ce dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande, les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom de l'adjudicataire, à l'exception des données qui seraient confidentielles.

190.
    Cette façon de procéder rencontre la finalité de l'obligation de motivation consacrée à l'article 253 CE, selon laquelle il convient de faire apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'auteur de l'acte, afin, d'une part, de permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d'autre part, de permettre au juge d'exercer son contrôle (arrêts du Tribunal du 14 juillet 1995, Koyo Seiko/Conseil, T-166/94, Rec. p. II-2129, point 103, et Adia Interim/Commission, précité, point 32).

191.
    En l'espèce, la lettre de la Commission du 9 juin 2000 contenait les informations suivantes:

«1. Sept firmes ont été invitées à présenter une offre, suite à la phase de sélection de candidatures prévue dans l'avis de marché.

2. Parmi ces sept firmes, quatre ont fait parvenir une offre, deux se sont désistées par écrit et une n'a pas répondu.

3. L'attributaire du marché est un groupement de firmes italiennes représenté par le Centro Studi Antonio Manieri SRL (Via Faleria, 21 à I-00183 Roma).

4. L'offre d'Esedra se compare ainsi avec l'offre de l'attributaire du marché, pour les deux critères d'attribution (prix et qualité) énoncés au point 7 du cahier des charges:

ESEDRA
ATTRIBUTAIRE
Indice prix (1)
102,9
100
Indice qualité (2)
80,4
100

(1)    Par rapport à l'offre conforme la moins disante sur la base du régime prévu d'occupation (indice minimum: 100)

(2)    Par rapport à l'offre ayant obtenu la meilleure qualification (indice maximum: 100)

L'offre d'Esedra est donc 2,9 % plus chère que celle de l'attributaire proposé (qui est la moins disante de toutes les offres conformes).

Par ailleurs, le comité d'évaluation des offres a estimé que la qualité de l'offre d'Esedra est inférieure (indice 80,4) à celle de l'attributaire (qui a présenté la meilleure offre, avec un indice 100).

5. Les cotations obtenues par ESEDRA et par l'attributaire pour chacun des trois sous-critères qualitatifs sont les suivants:

SOUS-CRITÈRES PONDÉRATION ESEDRA ATTRIBUTAIRE
Projet pédadogique
40 %
21,1/40
27,6/40
Mesures remplacement personnel
30 %
13,2/30
21,6/30
Méthode/moyens contrôle
30 %
22,2/30
21/30
TOTAL QUALITÉ
100 %
56,5/100
70,2/100
Total relatif/

meilleur offre

-
80,4/100
100/100

6. On peut conclure des points précédents que l'attributaire a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, [c'est-à-dire] l'offre conforme la moins disante et ayant obtenu la meilleure cotation dans le critère qualité.

[...]»

192.
    Force est de constater que, dans la lettre du 9 juin 2000, la Commission a fourni une motivation suffisamment détaillée des raisons pour lesquelles elle a rejeté l'offre de la requérante, en précisant le nom de l'attributaire, l'adjudicataire, et les avantages relatifs de l'offre retenue par rapport à celle de la requérante au regard des critères d'attribution posés par le cahier des charges. Cette motivation a également permis à la requérante de faire valoir ses droits et au Tribunal d'exercer son contrôle.

193.
    Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation.

Sur le cinquième moyen, tiré du détournement de pouvoir

Arguments des parties

194.
    La requérante soutient que la Commission a commis un détournement de pouvoir en ne lui attribuant pas le marché en cause au motif que des prétendus actes de pédophilie auraient été commis dans les locaux du CPE Clovis et que l'association des parents et les instances représentatives du personnel seraient hostiles à son égard.

195.
    En outre, la requérante estime que la décision de la Commission de clore le premier appel d'offres lancé par l'avis de marché du 26 mai 1999 est constitutive d'un détournement de pouvoir, dès lors que la Commission disposait d'un nombre de candidatures utile - trois candidatures - pour développer une concurrence effective en matière de marchés publics. La requérante évoque sur ce point l'arrêt de la Cour du 16 septembre 1999, Fracasso et Leitschutz (C-27/98, Rec. p. I-5697), et précise que, si la demande de participation de Manieri au premier appel d'offres était irrégulière, cela constituerait un indice du détournement de pouvoir, au même titre que l'ensemble des autres irrégularités dénoncées dans son recours.

196.
    La Commission conteste ces allégations. Elle affirme que la seule raison pour laquelle elle a annulé le premier appel d'offres était d'élargir la concurrence conformément à l'article 27, paragraphe 2, de la directive 92/50 et précise que cette opération a réussi dès lors que sept candidats - et non plus trois - ont répondu au second appel d'offres.

197.
    La Commission relève également que la requérante n'apporte pas le moindre élément de preuve que le premier appel d'offres a été clos pour une raison autre que celle mentionnée ci-dessus. La Commission fait valoir que les allégations de la requérante sont infirmées par le fait que Manieri avait également présenté sa candidature dans le cadre du premier appel d'offres et que c'est la requérante qui n'a pas voulu que son contrat soit prolongé.

Appréciation du Tribunal

198.
    La notion de détournement de pouvoir a une portée précise en droit communautaire et vise la situation dans laquelle une autorité administrative use de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Il est, à cet égard, de jurisprudence constante qu'une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles invoquées (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 25 février 1997, Kernkraftwerke Lippe-Ems/Commission, T-149/94 et T-181/94, Rec. p. II-161, points 53 et 149, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 22 avril 1999, Kernkraftwerke Lippe-Ems/Commission, C-161/97 P, Rec. p. I-2057).

199.
    Or, dans le cas d'espèce, les éléments avancés par la requérante ne permettent pas d'établir que la Commission a poursuivi un but autre que celui d'attribuer le marché à l'offre économiquement la plus avantageuse et la mieux disante compte tenu des critères d'attribution prévus dans l'avis de marché et le cahier des charges.

200.
    Ainsi, la requérante ne fournit pas d'indices objectifs, pertinents et concordants, au sens de la jurisprudence précitée, susceptibles d'établir que la Commission a usé de ses pouvoirs pour l'écarter du marché en cause en raison des accusations selon lesquelles des actes de pédophilie auraient été commis au CPE Clovis pendant qu'elle en assurait la gestion et de la prétendue hostilité de l'association des parents et des instances représentatives du personnel à son égard.

201.
    De même, il ne saurait être déduit du fait que seulement trois candidats - dont Esedra et Manieri - se soient manifestés en réponse au premier appel d'offres que la Commission a détourné les pouvoirs qui lui ont été conférés par le règlement financier et la directive 92/50 en décidant de clore cet appel d'offres afin de ne pas attribuer le marché en cause à la requérante.

202.
    À cet égard, l'arrêt Fracasso et Leitschutz, précité, ne permet pas de soutenir la thèse de la requérante. Dans cette affaire, une juridiction nationale interrogeait la Cour afin de savoir si la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), telle que modifiée par la directive 97/52, doit être interprétée en ce sens que le pouvoir adjudicateur est tenu d'attribuer le marché au seul candidat jugé apte à y participer. La Cour répond par la négative à cette question et relève notamment que, en vue de satisfaire à l'objectif du développement d'une concurrence effective dans le domaine des marchés publics, l'article 22, paragraphe 2, de la directive 93/37, dont le contenu est semblable à celui de l'article 27, paragraphe 2, de la directive 92/50, dispose que, lorsque le pouvoir adjudicateur passe un marché par procédure restreinte, le nombre de candidats admis à soumissionner doit, en toute hypothèse, être suffisant pour assurer une concurrence réelle (arrêt Fracasso et Leitschutz, précité, point 27).

203.
    La Commission pouvait donc valablement décider de clore le premier appel d'offres lancé par l'avis de marché du 26 mai 1999 au motif qu'elle ne disposait pas d'un nombre de candidatures suffisant pour assurer une concurrence effective.

204.
    Dès lors, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être rejeté.

205.
    En conséquence, il découle de ce qui précède que l'ensemble des conclusions en annulation doivent être rejetées.

Sur la demande en indemnité

206.
    La requérante demande le versement de 1 001 574,09 euros à titre de dommages-intérêts du fait de l'illégalité du comportement de la Commission lors de la procédure de passation du marché en cause.

207.
    Selon une jurisprudence constante, l'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (voir arrêt de la Cour du 17 mai 1990, Sonito e.a/Commission, C-87/89, Rec. p. I-1981, point 16, et arrêt du Tribunal du 29 octobre 1998, TEAM/Commission, T-13/96, Rec. p. II-4073, point 68).

208.
    De l'examen des conclusions en annulation, il ressort que la Commission n'a commis, au cours de la procédure de passation du marché en cause, aucune irrégularité susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de la requérante.

209.
    En conséquence, la condition relative à l'existence d'un comportement illégal de la part d'une institution faisant défaut, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité de la requérante, sans qu'il soit besoin d'examiner si les autres conditions pour l'engagement de la responsabilité de la Communauté sont remplies.

Sur la demande de réouverture de la procédure orale

210.
    Dans sa lettre du 22 octobre 2001, la requérante fait valoir que, dans le cadre d'un autre contentieux l'opposant à la Commission pour le paiement du prix relatif à une journée de grève tenue le 22 juin 2000 par le personnel d'Esedra, la Commission a soutenu dans des conclusions additionnelles déposées le 9 août 2001 auprès du greffe du tribunal de première instance de Bruxelles, afin de réfuter l'analyse selon laquelle la grève constitue un cas de force majeure et de démontrer l'absence de caractère imprévisible de cette grève, que «[...] le 2 juillet 1999, le problème du transfert conventionnel d'entreprise était posé et que la participation [d'Esedra] à la procédure d'appel d'offres ne changeait rien à une certitude qui [était] que le contrat allait se terminer le 31 juillet 2000 et que le marché allait, plus que vraisemblablement, être attribué à un autre soumissionnaire». Selon larequérante, une telle déclaration marque bien l'intention de la Commission de ne pas attribuer le marché à la requérante, et ce dès juillet 1999, c'est-à-dire dès l'ouverture de la procédure d'appel d'offres. En conséquence, elle considère qu'elle n'a pas été traitée de façon égalitaire et objective et que la procédure d'appel d'offres en cause a été viciée et demande à ce que la procédure orale soit rouverte.

211.
    Dans sa lettre du 27 novembre 2001, la Commission observe que la phrase mise en exergue par la requérante a été, ce faisant, placée hors contexte, et que replacée dans le cadre de la procédure nationale et de son objet, elle ne saurait avoir valeur d'aveu pour ce qui concerne les points de droit faisant l'objet de la procédure devant le Tribunal. En tout état de cause, et indépendamment des termes peut-être elliptiques utilisés par l'avocat de la Commission, l'affirmation litigieuse ne constitue pas, au regard des amples développements déjà consacrés à cette affaire et des arguments avancés par la Commission à l'appui de la régularité de la procédure, un indice suffisamment objectif, pertinent et concordant pour justifier la réouverture de la procédure orale.

212.
    Pour apprécier la portée de la phrase litigieuse, il y a lieu de relever qu'elle a été rédigée dans le cadre d'une procédure nationale, dont l'objet n'était pas d'apprécier l'impartialité de la procédure de passation du marché en cause, mais de savoir si l'inexécution des obligations contractuelles d'Esedra pouvait être justifiée par une grève survenue au sein du CPE Clovis. De même, il convient de noter que cette grève a eu lieu le 22 juin 2000, c'est-à-dire après l'attribution du marché en cause à Manieri, et que les faits auxquels se rapportent la phrase litigieuse ont eu lieu en juillet 1999, c'est-à-dire plus de deux ans avant le dépôt des conclusions additionnelles. Enfin, force est de constater qu'il ressort de l'analyse qui vient d'être faite que la procédure de passation du marché en cause s'est déroulée sans la moindre irrégularité, discrimination ou détournement de pouvoir. En de telles circonstances, l'affirmation litigieuse ne constitue pas un indice objectif et pertinent de nature à remettre en question la procédure de passation du marché en cause, qui justifierait la réouverture de la procédure orale.

213.
    En conséquence, le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de rouvrir la procédure orale.

Sur les dépens

214.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1.
    Le recours est rejeté.

2.
    La partie requérante supportera ses propres dépens et les dépens exposés par la Commission, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Lindh

García-Valdecasas
Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. D. Cooke

Table des matières

     Cadre juridique

II - 2

     Faits à l'origine du litige

II - 3

     Procédure et conclusions des parties

II - 6

     Sur les conclusions en annulation

II - 7

         Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination

II - 7

             1. Sur l'allégation de la requérante selon laquelle elle n'aurait pas bénéficié d'un délai identique à celui accordé aux autres candidats pour le dépôt de son offre

II - 8

                 Arguments des parties

II - 8

                 Appréciation du Tribunal

II - 8

             2. Sur l'allégation de la requérante selon laquelle la Commission a posé des questions aux soumissionnaires qui ont dépassé la demande d'éclaircissement ou la correction d'erreurs matérielles manifestes contenues dans la rédaction des offres

II - 10

                 Arguments des parties

II - 10

                 Appréciation du Tribunal

II - 10

             3. Sur l'allégation de la requérante selon laquelle l'évaluation des offres des soumissionnaires n'aurait pas été réalisée de façon impartiale

II - 14

         Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance de l'avis de marché et du cahier des charges en ce qui concerne l'évaluation de la capacité financière et technique de l'attributaire

II - 16

             1. Sur la capacité financière de l'attributaire

II - 16

                 Arguments des parties

II - 16

                 Appréciation du Tribunal

II - 18

             2. Sur la capacité technique de l'attributaire

II - 21

                 Arguments des parties

II - 21

                 Appréciation du Tribunal

II - 22

         Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance du cahier des charges en ce qui concerne l'évaluation des prix et de la qualité des offres des soumissionnaires

II - 24

             1. Sur l'évaluation des prix proposés par les soumissionnaires

II - 25

             2. Sur l'évaluation de la qualité des offres

II - 29

                 a) Sur l'évaluation de la qualité des offres en général

II - 29

                     Arguments des parties

II - 29

                     Appréciation du Tribunal

II - 30

                 b) Sur l'évaluation qualitative de certains paramètres des offres

II - 32

                     i)    Sur les paramètres A.2 «niveau du plan de formation continue des pédagogues» et B.1 «niveau de formation du personnel de remplacement»

II - 32

                     ii)    Sur le paramètre A.4 «qualité et quantité de matériel didactique (jouets, matériels, ...) pour les enfants»

II - 34

                     iii)    Sur le paramètre A.7 «possibilité d'expression du rythme propre à chaque enfant [...]»

II - 34

                     iv)    Sur les paramètres C.1.1 «niveau de qualité des outils de contrôle et des actions proposées» et C.1.2 «valeur du personnel de direction/management»

II - 34

         Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation

II - 35

             Arguments des parties

II - 35

             Appréciation du Tribunal

II - 36

         Sur le cinquième moyen, tiré du détournement de pouvoir

II - 38

             Arguments des parties

II - 38

             Appréciation du Tribunal

II - 39

     Sur la demande en indemnité

II - 40

     Sur la demande de réouverture de la procédure orale

II - 41


1: Langue de procédure: le français.