Language of document : ECLI:EU:T:2007:107

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

18 avril 2007(*)

« Marchés publics de services – Appel d’offres relatif à des activités d’évaluation de programmes et à d’autres activités dans le domaine de la santé publique – Rejet d’une offre – Conflit d’intérêts »

Dans l’affaire T‑195/05,

Deloitte Business Advisory NV, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes D. Van Heuven, S. Ronse et S. Logie, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme L. Pignataro-Nolin et M. E. Manhaeve, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision de la Commission rejetant l’offre de l’Euphet pour le marché public intitulé « Contrat‑cadre relatif à l’évaluation des domaines d’action politique de la [direction générale ‘Santé et protection des consommateurs’], lot n° 1 (santé publique) – appel d’offres SANCO/2004/01/041 » et, d’autre part, de la décision de la Commission attribuant le marché en cause à un tiers,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 octobre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La passation des marchés publics de services de la Commission est régie par les dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), ainsi que par les dispositions du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »).

2        Selon l’article 89, paragraphe 1, du règlement financier :

« Tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination. »

3        Aux termes de l’article 94 du règlement financier :

« Sont exclus de l’attribution d’un marché, les candidats ou les soumissionnaires qui, à l’occasion de la procédure de passation de ce marché :

a)      se trouvent en situation de conflit d’intérêts […] »

4        Aux termes de l’article 99 du règlement financier :

« Pendant le déroulement d’une procédure de passation de marchés, les contacts entre le pouvoir adjudicateur et les candidats ou les soumissionnaires ne peuvent avoir lieu que dans des conditions qui garantissent la transparence et l’égalité de traitement. Ils ne peuvent conduire ni à la modification des conditions du marché, ni à celle des termes de l’offre initiale. »

5        L’article 138 des modalités d’exécution dispose :

« 1.      Deux modalités d’attribution d’un marché sont possibles :

a)      par adjudication, auquel cas le marché est attribué à l’offre présentant le prix le plus bas parmi les offres régulières et conformes ;

b)      par attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse.

2.      L’offre économiquement la plus avantageuse est celle qui présente le meilleur rapport entre la qualité et le prix, compte tenu des critères justifiés par l’objet du marché tels que le prix proposé, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les caractéristiques environnementales, le coût d’utilisation, la rentabilité, le délai d’exécution ou de livraison, le service après-vente et l’assistance technique […] »

6        Selon l’article 146, paragraphe 3, des modalités d’exécution :

« Les demandes de participation et les offres qui ne contiennent pas tous les éléments essentiels exigés dans les documents d’appels d’offres ou qui ne correspondent pas aux exigences spécifiques qui y sont fixées sont éliminées.

Toutefois, le comité d’évaluation peut inviter le candidat ou le soumissionnaire à compléter ou à expliciter les pièces justificatives présentées relatives aux critères d’exclusion et de sélection, dans le délai qu’il fixe […] »

7        L’article 147, paragraphe 3, des modalités d’exécution énonce :

« Le pouvoir adjudicateur prend […] sa décision comprenant au moins :

a)      ses nom et adresse, ainsi que l’objet et la valeur du marché ou du contrat-cadre ;

b)      le nom des candidats ou soumissionnaires exclus et les motifs de leur rejet ;

c)      le nom des candidats ou soumissionnaires retenus pour examen et la justification de leur choix ;

d)      les motifs du rejet des offres jugées anormalement basses ;

e)      le nom des candidats ou du contractant retenus et la justification de ce choix au regard des critères de sélection ou d’attribution préalablement annoncés, ainsi que, si elle est connue, la part du marché ou du contrat-cadre que le contractant a l’intention de sous-traiter à des tiers ;

f)      en ce qui concerne les procédures négociées, les circonstances visées aux articles 126, 127, 242, 244, 246 et 247 qui les justifient ;

g)      le cas échéant, les raisons pour lesquelles le pouvoir adjudicateur a renoncé à passer un marché. »

8        L’article 148, paragraphe 3, des modalités d’exécution prévoit :

« Après l’ouverture des offres, dans le cas où une offre donnerait lieu à des demandes d’éclaircissement ou s’il s’agit de corriger des erreurs matérielles manifestes dans la rédaction de l’offre, le pouvoir adjudicateur peut prendre l’initiative d’un contact avec le soumissionnaire, ce contact ne pouvant conduire à une modification des termes de l’offre. »

 Antécédents du litige

9        Le 14 décembre 2004, la Commission a publié au Supplément auJournal officiel de l’Union européenne (JO 2004, S 243) un avis de marché pour l’attribution d’un contrat-cadre intitulé « Contrat-cadre relatif à l’évaluation des domaines d’action politique de la [direction générale ‘Santé et protection des consommateurs’], lot n° 1 (santé publique) – appel d’offres SANCO/2004/01/041 » (ci-après le « contrat-cadre »).

10      Il ressort des points 7.1.3 et 7.1.4 du cahier des charges relatif à la procédure d’appel d’offres (ci-après le « cahier des charges ») que le contrat-cadre doit porter, en particulier, sur l’évaluation du programme d’action communautaire dans le domaine de la santé publique établi par la décision n° 1786/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, adoptant un programme d’action communautaire dans le domaine de la santé publique (2003-2008) (JO L 271, p. 1).

11      Le cahier des charges répartit les missions à accomplir en exécution du contrat-cadre en deux missions principales. Une première mission (mission principale n° 1) consiste à réaliser certaines études et à fournir certains services en vue de la conception et de la préparation de programmes et de politiques communautaires, de leur évaluation ex ante, ainsi que de l’« organisation d’activités d’évaluations ». Une seconde mission (mission principale n° 2) consiste à réaliser des évaluations intermédiaires, finales et ex post de programmes, de politiques et d’autres activités. Selon le cahier des charges, le contrat-cadre doit aussi permettre la conclusion de contrats spécifiques en fonction des besoins de la Commission. Il doit être conclu en principe pour une durée de 24 mois pouvant être prorogée, à deux reprises, chaque fois pour une période de 12 mois.

12      Le cahier des charges contient, en outre, plusieurs causes explicites d’exclusion des soumissionnaires.

13      Une cause d’exclusion, figurant au point 9.1.3 du cahier des charges, qui reproduit l’article 94 du règlement financier, est libellée en ces termes :

« Sont exclus de l’attribution d’un marché, les candidats ou les soumissionnaires qui, à l’occasion de la procédure de passation de ce marché :

a)      se trouvent en situation de conflit d’intérêts […] »

14      En vue de la présentation d’une offre pour le marché en cause, la requérante, Deloitte Business Advisory NV, a formé un consortium avec la London School of Hygiene and Tropical Medicine (École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres), la Nederlandse Organisatie voor toegepast-natuurwetenschappelijk onderzoek (Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique appliquée, TNO) et l’Istituto superiore di sanità (Institut supérieur de santé italien) pour l’évaluation de la santé publique européenne (European Public Health Evaluation Task Force, ci-après l’« Euphet »), assisté par d’autres entités telles que le Karolinska Institutet (Centre de recherche et d’éducation médicale suédois). La requérante agit comme représentant légal de ce groupement.

15      Le 10 février 2005, l’Euphet a présenté une offre à la Commission dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. L’offre de l’Euphet comprend un paragraphe, intitulé « Indépendance », qui est rédigé dans les termes suivants :

« L’Euphet comprend et accepte qu’aucune des organisations d’évaluation ou aucun de ses agents ne devrait avoir le moindre conflit d’intérêts, actuel ou potentiel, dans l’exécution de leur tâche en exécution du contrat-cadre. Nous confirmons que tous les participants de l’Euphet sont totalement indépendants de la Commission et que nous ne prévoyons aucun risque actuel à cet égard. Nous nous engageons en outre à effectuer un contrôle préalable détaillé dans le cadre de chaque contrat spécifique afin de garantir que les équipes que nous proposons sont composées de membres qui peuvent travailler dans une indépendance totale et fournir une évaluation objective, extérieure et indépendante. Si, en cours d’exécution des projets, le moindre problème devait surgir qui serait susceptible d’avoir une influence sur ce principe important, nous en informerions la Commission immédiatement et chercherions une solution en concertation avec elle. »

16      Par lettre du 22 avril 2005, la Commission a informé l’Euphet que son offre avait été rejetée, le comité d’évaluation saisi du marché ayant conclu à l’existence de risques de conflits d’intérêts en son sein (ci-après la « décision de rejet »). Dans la décision de rejet, la Commission relève en effet ce qui suit :

« Le comité d’évaluation a examiné les offres concernant les éventuels conflits d’intérêts […]. La notion de [conflit d’intérêts] est définie dans le projet de contrat qui figurait dans la documentation de l’appel d’offres. Cette définition est la suivante :

‘L’attributaire prendra toutes les mesures nécessaires pour prévenir toute situation susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du contrat. Un tel conflit d’intérêts pourrait se présenter notamment en présence d’intérêts économiques, d’affinités politiques ou nationales, de liens familiaux ou affectifs ou encore de tout autre lien pertinent d’intérêts partagés.’

Dans le contexte d’un contrat d’évaluation, un cas de [conflit d’intérêts] pourrait se présenter si le soumissionnaire est, ou a été, impliqué dans la mise en œuvre de l’objet à évaluer. Cette situation pourrait amener l’évaluateur à porter un jugement sur son propre travail et créerait ainsi un grand risque que le conflit d’intérêts affecte son objectivité, qui est un facteur essentiel dans une évaluation. Le cahier des charges souligne également que l’objectivité doit être garantie dans les évaluations.

Voici les informations qui ont pu être réunies à propos de l’implication des principaux partenaires de l’Euphet dans les activités [de la direction générale (DG) « Santé et protection des consommateurs »] :

–        la London School of Hygiene and Tropical Medicine a conclu un grand nombre de contrats de subvention (la liste en compte 14) avec [la DG « Santé et protection des consommateurs »] ;

–        TNO a conclu un grand nombre de contrats de subvention avec [la DG « Santé et protection des consommateurs »] dans le domaine de la santé publique ;

–        l’Istituto superiore di sanità a conclu un contrat de subvention avec [la DG « Santé et protection des consommateurs »] dans le domaine de la santé publique et il est prévu qu’un autre contrat soit signé dans les mois à venir ;

–        le Karolinska Institutet a conclu un grand nombre de contrats de subvention avec [la DG « Santé et protection des consommateurs »] dans le domaine de la santé publique.

Le comité d’évaluation a conclu que l’Euphet ne reconnaît pas le fait qu’un certain nombre de ses partenaires au sein de ce consortium sont impliqués de façon significative dans la mise en œuvre du programme de santé publique. Eu égard au risque important d’un [conflit d’intérêts], une explication détaillée et concrète aurait été nécessaire pour permettre de comprendre suffisamment comment le problème des [conflits d’intérêts] pouvait être résolu et les risques éliminés. Cependant, l’approche proposée n’est pas suffisante et le soumissionnaire n’a fourni aucune garantie satisfaisante que tout [conflit d’intérêts] pourrait être évité. »

17      Dans la décision de rejet, la Commission ajoute néanmoins qu’elle ne signera pas le contrat-cadre avec l’attributaire du marché avant l’expiration d’un délai de deux semaines.

18      Par lettre du 3 mai 2005, l’Euphet a contesté la position de la Commission, en invitant notamment cette dernière à réagir avant le 4 mai 2005 et en précisant que, à défaut, elle saisirait le Tribunal.

19      Par télécopie du 4 mai 2005, la Commission a accusé réception de la lettre de l’Euphet et s’est exprimée dans les termes suivants :

« Dès lors que nous avons besoin de plus de temps pour examiner les questions soulevées dans votre lettre, nous ne procéderons pas à la signature du contrat avant expiration d’un délai supplémentaire de quinze jours courant à partir de la date à laquelle cette lettre a été envoyée. »

20      Par télécopie du 19 mai 2005, la Commission a répondu qu’elle maintenait sa position de rejet de l’offre présentée par l’Euphet.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 mai 2005, la requérante a introduit le présent recours.

22      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé visant à obtenir, d’une part, le sursis à l’exécution de la décision de rejet et de la décision d’attribution du marché à un autre soumissionnaire (ci-après la « décision d’attribution ») et, d’autre part, l’interdiction à la Commission, premièrement, de notifier la décision d’attribution à son attributaire et, deuxièmement, de signer le contrat afférent, sous peine d’une astreinte de 2,5 millions d’euros.

23      Par ordonnance du 26 mai 2005, le président du Tribunal a ordonné à la Commission de ne pas procéder à la signature du contrat-cadre jusqu’au prononcé d’une ordonnance statuant de façon définitive sur la demande de mesures provisoires.

24      Par ordonnance du 20 septembre 2005, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé.

25      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

26      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 11 octobre 2006.

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours fondé ;

–        annuler la décision de rejet ;

–        annuler la décision d’attribution ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la demande de la requérante non fondée et rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

29      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens, tirés, respectivement, de ce que l’Euphet aurait été illégalement exclue de la procédure d’appel d’offres en raison de l’existence d’un risque de conflit d’intérêts et de ce qu’elle aurait été illégalement privée de la possibilité de fournir des informations complémentaires en ce qui concerne le conflit d’intérêts.

 Sur le premier moyen, pris de l’exclusion illégale de l’Euphet de la procédure d’appel d’offres en raison de l’existence d’un risque de conflit d’intérêts

30      L’argumentation de la requérante tend, en substance, à démontrer, premièrement, le défaut de motivation de la décision de rejet quant à l’existence d’un conflit d’intérêts, deuxièmement, l’absence de conflit d’intérêts et, troisièmement, la violation du principe de protection de la confiance légitime ainsi que la violation de l’article 138 des modalités d’exécution.

 Sur la violation de l’obligation de motivation de l’existence du conflit d’intérêts

–       Arguments des parties

31      Dans le cadre de la première branche de son premier moyen, tirée de la violation de l’obligation générale de motivation et de l’article 147, paragraphe 3, des modalités d’exécution, la requérante soutient que la décision de rejet est motivée de manière erronée et insuffisante en ce qui concerne l’existence d’un conflit d’intérêts.

32      La Commission aurait motivé de manière erronée sa décision de rejet, car le comité d’évaluation, dont certains extraits de son rapport sont reproduits dans cette décision, aurait conclu à tort que l’Euphet ne reconnaissait pas le fait qu’un certain nombre de ses partenaires au sein de ce consortium étaient impliqués de façon significative dans la mise en œuvre du programme de santé publique. En effet, l’offre de l’Euphet aurait clairement fait état de l’implication de certains partenaires dans des activités de la DG « Santé et protection des consommateurs » en cours.

33      Elle aurait également motivé de manière insuffisante sa décision de rejet, car elle n’aurait à aucun moment précisé pourquoi la solution proposée par l’Euphet était insuffisante et n’offrait aucune garantie satisfaisante que tout conflit d’intérêts pourrait être évité. De plus, selon la requérante, bien que l’appel d’offres ait exigé un minimum de sept experts, l’offre de l’Euphet comprenait 65 curriculum vitae, dont 45 provenaient de personnes n’ayant rien à voir avec les organisations citées par la Commission, et il aurait donc toujours été possible de remplir les différentes missions sans provoquer de conflit d’intérêts. Les 20 personnes présentant des liens avec les organisations citées par la Commission ne seraient confrontées à un conflit d’intérêts que si elles étaient affectées à des activités du type D de la mission principale n° 2, laquelle comporterait de multiples aspects, ce qui permettrait de les affecter à de nombreux dossiers d’évaluation sans aucun risque de conflit d’intérêts. Les conditions de sélection étant particulièrement sévères, l’Euphet aurait cherché à rassembler un grand nombre d’experts, dont l’expérience dans des activités de la DG « Santé et protection des consommateurs » était probable. Dès lors, la condition nécessaire et suffisante aurait été de proposer un mode de règlement des conflits d’intérêts, condition à laquelle l’Euphet aurait satisfait en l’espèce.

34      À titre subsidiaire, la requérante souligne que le fait pour un ou plusieurs participants à l’Euphet d’avoir perçu des subventions de la Commission ne serait pas de nature à mettre en doute leur objectivité en toutes circonstances et que la Commission invoque, pour la première fois dans son mémoire en défense, cet élément et le fait que divers experts retenus auraient reçu des subventions de la DG « Santé et protection des consommateurs ».

35      Il appartiendrait à la Commission d’apporter des preuves concrètes qu’un soumissionnaire déterminé se trouve dans une situation de conflit d’intérêts et si un tel risque était de nature à justifier l’exclusion d’un soumissionnaire, quod non, la Commission devrait l’indiquer clairement dans l’appel d’offres, de sorte que les soumissionnaires ainsi avertis pourraient tenir compte de ce risque pour la composition de leurs équipes.

36      La Commission conteste, tout d’abord, le reproche selon lequel la décision de rejet est motivée de manière erronée, car elle estime qu’elle a considéré à bon droit que l’Euphet ne reconnaissait pas le fait qu’un certain nombre de ses partenaires étaient impliqués de façon significative dans la mise en œuvre du programme de santé publique dont il était question en l’espèce. En effet, bien que les curriculum vitae de certains partenaires de l’Euphet aient révélé leur participation à la mise en œuvre du programme d’action communautaire dans le domaine de la santé publique, l’Euphet n’aurait pas jugé utile de signaler à la Commission un risque potentiel de conflit d’intérêts, en déclarant ce qui suit :

« Nous confirmons que tous les participants de l’Euphet sont totalement indépendants de la Commission et que nous ne prévoyons aucun risque actuel à cet égard. »

37      En outre, le motif d’exclusion tenant au conflit d’intérêts, énoncé à l’article 94 du règlement financier et reproduit au point 9.1.3 du cahier des charges, aurait été volontairement rédigé en termes généraux par la Commission, car l’appréciation de l’existence d’un conflit d’intérêts nécessiterait un examen concret par le pouvoir adjudicateur en fonction des éléments du dossier.

38      Ensuite, la Commission considère avoir suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles elle estimait qu’il y avait un conflit d’intérêts en ce qui concerne l’Euphet. Elle ajoute que sa lettre du 19 mai 2005 ne constituerait pas une motivation a posteriori, mais une réponse aux arguments invoqués dans la lettre circonstanciée des avocats de l’Euphet en date du 3 mai 2005. Dès lors, cette dernière connaîtrait suffisamment les motifs de la décision de rejet.

39      Enfin, la Commission rejette l’affirmation de la requérante selon laquelle il aurait toujours été possible d’exécuter des tâches d’évaluation déterminées sans risque de conflit d’intérêts, puisque l’offre comportait 65 curriculum vitae, dont 45 provenant de personnes n’ayant aucun lien avec les partenaires de l’Euphet pour lesquels la Commission avait constaté l’existence d’un conflit d’intérêts. En effet, les experts proposés par l’Euphet n’auraient pas tous le même poids spécifique et, dans son offre, l’Euphet classerait ses experts en fonction de leur expérience dans les domaines « Évaluation » et « Santé publique ». Sur cette base, une notation aurait été établie sur une échelle de A à D. Une analyse des qualifications des experts proposés par l’Euphet montrerait que la majorité de ceux qui ont la note la plus élevée, et dont on pourrait supposer qu’ils jouent le rôle le plus important dans l’exécution concrète des tâches d’évaluation, seraient liés aux organisations qui recevaient d’importantes subventions de la Commission pour la réalisation d’actions relatives au programme communautaire en matière de santé publique. Chaque partenaire du consortium ferait également partie du comité des contrats qui veille à l’exécution du marché. En outre, la requérante aurait cherché à créer une équipe homogène et il serait peu crédible que ces organisations ou experts aient été écartés de la réalisation de certaines tâches, indépendamment des conséquences que cela aurait eues sur la qualité du travail à effectuer.

40      Par ailleurs, la Commission conteste l’argument selon lequel elle aurait dû mentionner expressément le « risque de conflit d’intérêts » comme motif d’exclusion spécifique dans le cahier des charges, privant ainsi l’Euphet de la possibilité de prendre ce risque en considération.

41      Premièrement, les motifs d’exclusion seraient énoncés de manière exhaustive aux articles 93 et 94 du règlement financier et l’hypothèse d’un conflit d’intérêts serait mentionnée à l’article 94 et reproduite textuellement dans le cahier des charges.

42      Deuxièmement, l’Euphet aurait été parfaitement informée de la problématique des conflits d’intérêts lors de la rédaction de son offre puisqu’elle a déclaré dans celle-ci : « L’Euphet comprend et accepte qu’aucune des organisations d’évaluation ou aucun de ses agents ne [doive] avoir le moindre conflit d’intérêts, actuel ou potentiel, dans l’exécution de leur tâche en exécution du contrat-cadre. » Consciente du fait qu’un risque de conflit d’intérêts, non seulement actuel, mais aussi potentiel, était incompatible avec l’exécution des tâches d’évaluation relevant du contrat-cadre, l’Euphet aurait néanmoins affirmé dans son offre :

« Nous confirmons que tous les participants de l’Euphet sont totalement indépendants de la Commission et que nous ne prévoyons aucun risque actuel à cet égard. »

43      Troisièmement, la requérante reconnaîtrait, dans sa réplique, l’existence d’un problème de conflit d’intérêts lorsque des organisations participent à l’évaluation d’une politique communautaire dans le cadre de laquelle elles ont reçu des subventions, en indiquant qu’« [i]l est évident qu’un associé ou un expert de cet associé ne peut participer à l’évaluation d’un dossier dans le cadre duquel cet associé lui-même a bénéficié d’une subvention ». La Commission rappelle, à ce propos, que tous les partenaires du consortium en cause, ainsi que plusieurs experts auxquels il était fait appel, recevaient des subventions de la DG « Santé et protection des consommateurs » pour la réalisation de certaines actions en exécution du programme communautaire de santé publique.

–       Appréciation du Tribunal

44      À titre liminaire, il convient de relever que les arguments relatifs à la motivation prétendument erronée et insuffisante de la décision de rejet se réduisent en substance à une argumentation relative à une erreur d’appréciation commise par la Commission ainsi qu’au caractère non fondé de la décision de rejet. Partant, ces questions ne relèvent pas de l’analyse de l’obligation de motivation qui est imposée à la Commission, mais de l’analyse au fond de la décision de rejet et seront donc traitées dans le cadre de l’analyse de la deuxième branche du présent moyen. Les arguments présentés ci-dessus ne seront analysés dans le cadre de la présente branche que dans la mesure où ils peuvent effectivement être compris comme tirés de la violation de l’obligation de motivation.

45      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, à permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité (arrêts de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, points 15 et 16, et du Tribunal du 9 avril 2003, Forum des migrants/Commission, T‑217/01, Rec. p. II‑1563, point 68).

46      En l’espèce, la décision de rejet mentionne expressément que l’exclusion de l’offre de l’Euphet est motivée par l’existence d’un risque de conflit d’intérêts lié, d’une part, aux subventions reçues par les principaux membres de l’Euphet et, d’autre part, à l’insuffisance des garanties offertes par l’Euphet sur ce point.

47      La décision de rejet fait donc apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de la Commission, permettant ainsi, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité.

48      Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante tirée du défaut de motivation de la décision de rejet ne saurait être retenue. Partant, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur l’absence de conflit d’intérêts

–       Arguments des parties

49      Dans le cadre de la deuxième branche de son premier moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir violé l’article 94 du règlement financier et les dispositions de la procédure d’appel d’offres.

50      En premier lieu, l’Euphet ne pourrait être exclue de la procédure d’appel d’offres du seul fait de l’existence d’un risque de conflit d’intérêts. L’article 9.1.3 du cahier des charges disposerait, certes, que le marché ne peut pas être adjugé à des candidats ou à des soumissionnaires susceptibles de se trouver en situation de conflit d’intérêts durant la procédure d’attribution du contrat, mais la notion de conflit d’intérêts ne serait cependant définie ni dans l’appel d’offres ni à l’article 94 du règlement financier.

51      En vertu de l’article II.3.1 du contrat-cadre, un simple conflit d’intérêts et a fortiori un risque de conflit d’intérêts ne seraient pas des motifs d’exclusion en eux-mêmes. Il suffirait que l’intéressé prenne les mesures nécessaires pour éviter tout conflit d’intérêts ou ses conséquences. Par ailleurs, ledit article prévoirait un mécanisme de règlement des conflits d’intérêts susceptibles d’apparaître en cours d’exécution des contrats. La Commission aurait donc prévu le risque de conflits d’intérêts dans le cadre du marché, de sorte que l’existence d’un tel risque ne pourrait pas justifier une exclusion.

52      La requérante ajoute que la proposition de solution de l’Euphet dépassait largement les exigences du projet de contrat-cadre en proposant non seulement une solution a posteriori, c’est-à-dire durant l’exécution de chaque contrat spécifique, mais également un contrôle a priori, à savoir dès le stade de la constitution du dossier de candidature, en fonction de la nature et de l’objet des contrats spécifiques. Une telle approche permettrait de réduire au maximum le risque de survenance d’un conflit d’intérêts dans l’exécution d’une mission concrète. L’indépendance du personnel de l’Euphet aurait été ainsi garantie dans la lettre, accompagnant l’offre, du 10 février 2005, adressée par l’Euphet à la Commission.

53      La requérante prétend que la Commission ne pouvait exiger davantage de l’Euphet, et ce d’autant moins qu’au jour du dépôt de la requête, le contenu précis des contrats spécifiques n’était pas encore connu. La Commission n’aurait donc pas pu exclure l’Euphet sans avoir acquis une connaissance détaillée du contenu des contrats spécifiques à conclure. Si la Commission souhaitait pouvoir exclure un soumissionnaire en raison d’un risque de conflit d’intérêts, elle aurait dû le préciser dans le cahier des charges.

54      Par ailleurs, aucun des documents de l’appel d’offres ne prévoirait de motif explicite d’exclusion du soumissionnaire dont un ou plusieurs membres seraient concernés par des projets de la DG « Santé et protection des consommateurs » en cours et un tel motif d’exclusion ne pourrait être retenu dès lors qu’il ne serait ni énoncé à l’article 94 du règlement financier ni prévu par la jurisprudence.

55      La requérante soutient aussi qu’il faut, comme l’a fait le président du Tribunal dans son ordonnance du 20 septembre 2005, distinguer entre l’hypothèse selon laquelle les soumissionnaires se trouvent « à l’occasion de la procédure de passation [d’un marché en] situation de conflits d’intérêts », ce qui justifierait leur exclusion en vertu de l’article 94 du règlement financier, et l’hypothèse d’un risque de conflit d’intérêts retenu en l’espèce par la Commission pour justifier l’exclusion. Se fondant sur le point 88 de cette ordonnance, la requérante estime qu’il revient au Tribunal de déterminer le degré de certitude nécessaire pour justifier une exclusion de la procédure d’appel d’offres ainsi que la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour constater l’existence d’un risque de conflit d’intérêts. La Commission ne pourrait et ne devrait exclure un soumissionnaire que lorsqu’elle constate un conflit d’intérêts réel.

56      En second lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir effectué de contrôle concret de l’offre de l’Euphet.

57      Elle invoque à cet égard la jurisprudence selon laquelle il serait interdit d’exclure un soumissionnaire de manière abstraite en dehors de tout contrôle concret d’un règlement des conflits d’intérêts (arrêts de la Cour du 3 mars 2005, Fabricom, C‑21/03 et C‑34/03, Rec. p. I‑1559, et du Tribunal du 17 mars 2005, AF Con Management Consultants e.a./Commission, T‑160/03, Rec. p. II‑981, points 75 à 78).

58      La Commission conteste l’argument concernant l’exclusion de l’Euphet de la procédure d’appel d’offres au seul motif qu’il existerait un risque de conflit d’intérêts.

59      Tout d’abord, elle soutient que les dispositions de l’article 94 du règlement financier, reprises dans le point 9.1.3 du cahier des charges, prévoient l’exclusion des soumissionnaires qui, « à l’occasion de la procédure de passation » d’un marché, se trouvent en « situation de conflits d’intérêts ». Ces dispositions viseraient notamment les risques de conflits d’intérêts présents dès le stade de la procédure de passation du marché et pouvant affecter son exécution. L’existence d’un conflit d’intérêts avant même l’attribution du marché constituerait dès lors un motif de rejet de l’offre. Il en irait autrement si un conflit d’intérêts, qui n’existait pas lors de l’attribution du marché, survenait en cours d’exécution du contrat. Dans ce dernier cas, un dispositif contractuel serait prévu pour neutraliser d’éventuels conflits d’intérêts. Un risque réel de conflit d’intérêts présent dès la phase d’attribution constituerait un motif légitime d’exclusion du marché en vertu de l’article 94 du règlement financier. La constatation de l’existence d’un risque grave de survenance d’une situation de conflit d’intérêts « à l’avenir » (au moment de l’exécution du marché) constituerait un conflit d’intérêts « actuel » dans le cadre de l’attribution du marché.

60      Ensuite, si l’appel d’offres n’impose pas aux soumissionnaires l’obligation d’inclure d’emblée dans leur offre une proposition de mesures correctrices des conflits d’intérêts, cette omission s’expliquerait par le fait même que la constatation d’un conflit d’intérêts, avant même l’attribution du marché, entraînerait l’exclusion de l’offre concernée, en vertu de l’article 9.1.3 du cahier des charges et de l’article 94 du règlement financier.

61      Enfin, un risque de conflit d’intérêts, en ce qui concerne l’Euphet, ne requerrait aucune connaissance préalable du contenu exact des contrats spécifiques intervenant à la suite du contrat-cadre. Il suffirait de constater que, compte tenu de l’objet du contrat-cadre lui-même, l’objectivité et l’impartialité de l’Euphet dans l’exécution des tâches à lui confier peuvent être sérieusement mises en doute.

62      S’agissant de l’argument tiré de l’absence de contrôle concret de l’offre de l’Euphet, la Commission répond que le comité d’évaluation aurait, en l’espèce, vérifié concrètement s’il existait un conflit d’intérêts. Il aurait constaté, à cette occasion, que tous les partenaires du consortium, ainsi que plusieurs experts auxquels il était fait appel, recevaient des subventions de la DG « Santé et protection des consommateurs » pour la réalisation de certaines actions en exécution du programme de santé publique. La participation de ces organisations à la réalisation de l’objet de l’évaluation pourrait les amener, dans le cadre d’une évaluation intermédiaire ou ex post, à évaluer leur propre travail, ce qui compromettrait leur objectivité et leur impartialité. En outre, dans le cadre d’une évaluation ex ante, il existerait également un risque de conflit d’intérêts, puisque les organisations qui perçoivent régulièrement des subventions en exécution de certains programmes seraient en mesure d’influer sur l’évolution et l’orientation ultérieures de ces programmes.

63      La Commission écarte l’idée selon laquelle il ne pourrait y avoir de conflit d’intérêts que lors des évaluations intermédiaires et ex post de programmes individuels. En effet, les évaluations ex ante ayant pour but de soutenir et d’orienter la politique future de la Commission en matière de santé publique, les organisations recevant régulièrement des subventions seraient enclines à mettre leurs propres intérêts en avant lors de la définition des grandes lignes d’un programme d’action futur.

–       Appréciation du Tribunal

64      La décision de rejet de l’offre présentée par l’Euphet a été motivée par le risque d’un conflit d’intérêts relevé à l’encontre de la soumissionnaire, par la non‑reconnaissance par celle-ci de l’existence d’un tel risque et par l’absence, dans l’offre, de propositions concrètes permettant de le faire disparaître. Ainsi, il convient tout d’abord de déterminer, d’une part, si la Commission était en droit de se référer à l’existence d’un risque de conflit d’intérêts pour rejeter l’offre présentée par l’Euphet et, d’autre part, si c’est bien l’existence de ce risque qui l’a en fait conduite à adopter la décision de rejet. Il conviendra ensuite d’examiner si la Commission était effectivement fondée à considérer que le risque de conflit d’intérêts invoqué existait réellement dans le cas d’espèce.

65      La base juridique de la décision de rejet se trouve dans l’article 94 du règlement financier, repris au point 9.1.3 du cahier des charges, qui prévoit l’exclusion de la phase d’attribution d’un marché des soumissionnaires qui, « à l’occasion de la procédure de passation », se trouvent en « situation de conflit d’intérêts ». En outre, la décision de rejet propose comme définition du conflit d’intérêts les termes de l’article II.3.1 du contrat-cadre, qui dispose : « L’attributaire prendra toutes les mesures nécessaires pour prévenir toute situation susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du contrat. Un tel conflit d’intérêts pourrait se présenter notamment en présence d’intérêts économiques, d’affinités politiques ou nationales, de liens familiaux ou affectifs ou encore de tout autre lien pertinent d’intérêts partagés. » L’article II.3.1 prévoit également que « [l’]attributaire s’assurera que son personnel, son comité d’administration et ses dirigeants ne se trouvent pas placés dans une situation pouvant créer un conflit d’intérêts ».

66      L’article 94 du règlement financier s’applique, selon ses propres termes, à tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget des Communautés. Il ne fait donc pas de distinction selon que la procédure de passation concernée est relative à un contrat-cadre ou à un autre type de contrat.

67      Toutefois, cette disposition ne permet d’exclure un soumissionnaire d’une procédure de passation que si la situation de conflit d’intérêts qu’elle vise est réelle et non hypothétique. Cela ne signifie pas qu’un risque de conflit d’intérêts soit insuffisant pour exclure une offre. En effet, ce n’est en principe que lors de l’exécution du contrat qu’un conflit d’intérêts pourra trouver à se concrétiser. Avant la conclusion du contrat, un conflit d’intérêts ne peut être que potentiel et l’article 94 du règlement financier implique donc un raisonnement en termes de risque. Ce risque doit être effectivement constaté, à la suite d’une appréciation concrète de l’offre et de la situation du soumissionnaire, pour que celui-ci puisse être exclu de la procédure. La simple éventualité d’un conflit d’intérêts ne saurait suffire à cette fin.

68      Il s’ensuit que, dans la procédure d’attribution d’un contrat-cadre, il doit être tenu compte de ce que des contrats spécifiques, dont la passation donnera lieu à une vérification de l’absence de risque de conflit d’intérêts, devront en principe intervenir avant que ne soit confiée à l’attributaire du contrat-cadre l’exécution de missions particulières. Ainsi, en pareille hypothèse, le risque de la réalisation d’une situation de conflit d’intérêts ne doit être retenu qu’en présence de circonstances déterminantes mettant le soumissionnaire dans l’incapacité d’éviter le risque de partialité dans l’exécution de la plupart des missions relevant du contrat-cadre.

69      En l’espèce, la décision de rejet pouvait donc à bon droit viser une situation de conflit d’intérêts réelle et non hypothétique et c’est bien l’existence de celle-ci qui a conduit la Commission à adopter cette décision.

70      En effet, comme indiqué au point 16 ci-dessus, la décision de rejet relève que les principaux partenaires de l’Euphet sont impliqués dans les activités de la DG « Santé et protection des consommateurs », notamment parce qu’ils sont titulaires d’un grand nombre de contrats de subvention dans ce domaine ainsi que dans celui de la santé publique, alors que l’Euphet ne reconnaît pas l’implication de ses membres dans la mise en œuvre du programme de santé publique.

71      La Commission a également indiqué, sans être contredite sur ce point, que les experts les plus expérimentés proposés par l’Euphet étaient en majorité liés aux organisations ayant reçu d’importantes subventions de la Commission pour la réalisation d’actions relatives au programme communautaire en matière de santé publique.

72      En concluant sur cette base, dans la décision de rejet et dans la lettre confirmative du 19 mai 2005, à l’existence d’un risque de conflit d’intérêts, qualifié de « grand », la Commission a ainsi considéré qu’une situation de conflit d’intérêts existait dans son principe, dès le stade de la procédure de passation du marché, même si celui-ci ne s’était pas encore concrétisé sur le plan de ses conséquences.

73      Il s’ensuit que la Commission a bien examiné l’offre de l’Euphet sur le fondement des dispositions de l’article 94 du règlement financier ainsi que du point 9.1.3 du cahier des charges. Dès lors, l’argumentation de la requérante portant sur la prétendue prise en compte, pour le rejet de son offre, de critères étrangers à ces dispositions ne saurait être retenue.

74      Les arguments contraires de la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette conclusion.

75      L’argument selon lequel l’article II.3.1 du contrat-cadre serait applicable aux seuls conflits d’intérêts survenant au cours de l’exécution du contrat-cadre et non dès le stade de la procédure d’appel d’offres est dépourvu de pertinence, dans la mesure où le conflit d’intérêts existe en l’espèce dès la passation du marché, justifiant ainsi l’exclusion de l’offre en vertu de l’article 94 du règlement financier et du point 9.1.3 du cahier des charges. Pour la même raison, la requérante soutient vainement que la proposition de solution des conflits d’intérêts dépassait les exigences du contrat‑cadre dans la mesure où elle comportait aussi un contrôle a priori, à savoir dès la constitution du dossier de candidature, en fonction de la nature et de l’objet des contrats spécifiques.

76      De même, contrairement à l’affirmation de la requérante, l’objet du contrat‑cadre étant expressément défini, la Commission a pu valablement constater que l’objectivité des principaux partenaires de l’Euphet pouvait être sérieusement mise en doute, dès le dépôt de l’offre, en raison des subventions reçues, dans la mesure où, ainsi que le relève la décision de rejet, cette situation pouvait amener l’évaluateur à porter un jugement sur son propre travail, créant ainsi un conflit d’intérêts.

77      S’agissant, ensuite, de la question de savoir si la Commission était effectivement fondée à constater l’existence d’une situation de conflit d’intérêts en l’espèce concernant l’Euphet et à considérer que celle-ci ne reconnaissait pas un tel risque, il convient de souligner que, ainsi que cela a été exposé au point 70 ci-dessus, la Commission, dans la décision de rejet, relève, sans être contredite sur ce point par la requérante, que le comité d’évaluation a constaté que les principaux membres de l’Euphet avaient conclu plusieurs, voire de nombreux, contrats de subvention avec la DG « Santé et protection des consommateurs », notamment dans le domaine de la santé publique. Compte tenu de l’objet du contrat-cadre, à savoir « l’évaluation des domaines d’action politique de la DG [‘Santé et protection des consommateurs’…] (santé publique) », c’est à juste titre que la Commission a considéré, dès le stade de la procédure d’attribution du marché, qu’il existait un conflit d’intérêts susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du contrat-cadre par l’Euphet. En outre, la Commission rappelle dans la décision de rejet que l’offre de l’Euphet spécifiait : « L’Euphet comprend et accepte qu’aucune des organisations d’évaluation ou aucun de ses agents ne [doive] avoir le moindre conflit d’intérêts, actuel ou potentiel, dans l’exécution de leur tâche en exécution du contrat-cadre. Nous confirmons que tous les participants de l’Euphet sont totalement indépendants de la Commission et que nous ne prévoyons aucun risque actuel à cet égard. » Dès lors, force est de constater que c’est aussi à juste titre que la Commission en a déduit dans la décision de rejet que « l’Euphet ne reconn[aissait] pas le fait qu’un certain nombre de ses partenaires au sein de ce consortium [étaient] impliqués de façon significative dans la mise en œuvre du programme de santé publique » et que, « [e]u égard au risque important d’un [conflit d’intérêts], une explication détaillée et concrète aurait été nécessaire pour permettre de comprendre suffisamment comment le problème des [conflits d’intérêts] pouvait être résolu et les risques éliminés ».

78      Il résulte de ce qui précède que la Commission a pu valablement considérer que l’offre de l’Euphet devait être exclue de l’attribution du marché en application de l’article 94 du règlement financier et de l’article 9.1.3 du cahier des charges.

79      Quant à l’argument de la requérante tiré de ce qu’il est interdit d’exclure un soumissionnaire de manière abstraite en dehors de tout contrôle concret de son offre, notamment de sa proposition de règlement des conflits d’intérêts, il est dénué de fondement.

80      En effet, il découle des constatations qui précèdent que la Commission a procédé, en l’espèce, à un contrôle concret de l’offre présentée par l’Euphet avant de décider de l’exclure du marché. En outre, l’absence alléguée d’examen de la proposition de règlement des conflits d’intérêts est sans incidence, puisque la Commission était tenue de rejeter l’offre de l’Euphet, en raison de la situation de conflit d’intérêts, en vertu de l’article 94 du règlement financier et de l’article 9.1.3 du cahier des charges.

81      Au vu de ce qui précède, l’argumentation de la requérante relative à l’absence de conflit d’intérêts ne saurait être retenue et la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime et de l’article 138 des modalités d’exécution

–       Arguments des parties

82      Dans le cadre de la troisième branche de son premier moyen, la requérante fait valoir que le règlement des conflits d’intérêts proposé par l’Euphet dans son offre avait auparavant été accepté par la Commission, même s’il s’agissait d’autres directions générales. La Commission s’étant écartée de sa politique antérieure, elle aurait enfreint le principe de protection de la confiance légitime.

83      La requérante ajoute que, si la Commission adjugeait le marché à un tiers, après avoir rejeté à tort l’offre de l’Euphet, elle enfreindrait l’article 138 des modalités d’exécution.

84      La Commission rétorque que la requérante n’étaie pas suffisamment son affirmation de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

85      Elle conteste également que l’attribution du marché à un tiers constitue une violation de l’article 138 des modalités d’exécution. Cette disposition distinguerait seulement les deux formes possibles d’attribution d’un marché, à savoir l’adjudication ou l’attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse. L’admission de l’offre de l’Euphet à la phase de sélection et d’attribution ne signifierait pas que le marché lui serait nécessairement attribué.

–       Appréciation du Tribunal

86      Selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux de la Communauté, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 104 et 107).

87      En l’espèce, la requérante se borne à invoquer, sans d’ailleurs étayer ses affirmations à cet égard, la position qui aurait été adoptée par la Commission dans d’autres procédures d’appel d’offres. De telles circonstances, à les supposer établies, ne sont pas constitutives d’assurances précises données par l’institution et, partant, ne sauraient fonder une confiance légitime quant à l’acceptation, par la Commission, du mécanisme proposé par l’Euphet dans le cadre du contrat en cause.

88      S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle l’exclusion illégale de l’Euphet a abouti à l’attribution du marché au soumissionnaire dont l’offre n’était pas économiquement la plus avantageuse, elle est inopérante dans la mesure où, compte tenu de l’existence du conflit d’intérêts relevé à l’encontre de l’Euphet (voir points 77 et 78 ci-dessus), la Commission était tenue de rejeter son offre.

89      L’argumentation de la requérante ne peut donc pas être accueillie. Partant, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée.

90      Au vu des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le second moyen, pris de la privation illégale de l’Euphet de la possibilité de fournir des informations complémentaires en ce qui concerne le conflit d’intérêts

91      Dans le cadre de son second moyen, la requérante invoque, en substance, la violation par la Commission de son obligation de demander des informations complémentaires préalablement au rejet de l’offre, qui découlerait de l’article 146, paragraphe 3, des modalités d’exécution, du principe de protection de la confiance légitime ainsi que du principe d’égalité de traitement.

 Arguments des parties

92      Selon la requérante, la Commission ne pouvait écarter l’offre de l’Euphet sans lui fournir l’occasion de se défendre et le comité d’évaluation aurait au moins dû lui permettre de présenter ses observations sur cette question.

93      Premièrement, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir invité l’Euphet à fournir des renseignements complémentaires sur le problème du conflit d’intérêts, contrairement à l’article 146, paragraphe 3, des modalités d’exécution.

94      Deuxièmement, la requérante invoque la violation du principe de protection de la confiance légitime et affirme, en invoquant à cet égard un échange de courriels entre la Commission et un soumissionnaire, qu’il existe une pratique de la Commission consistant à demander des informations complémentaires aux candidats ou aux soumissionnaires lorsque cela est nécessaire. Cette pratique serait par ailleurs confirmée par la jurisprudence de la Cour en matière de marchés publics, notamment par l’arrêt Fabricom, point 57 supra. En ne demandant pas de renseignements complémentaires, la Commission serait allée à l’encontre d’une pratique établie et confirmée par la jurisprudence et aurait violé le principe de protection de la confiance légitime. Par ailleurs, la Commission aurait, dans d’autres circonstances, donné à un soumissionnaire risquant d’être exclu la possibilité de se défendre. En outre, la requérante ne connaîtrait pas d’autre cas dans lequel un soumissionnaire aurait été exclu sur la base d’un risque de conflit d’intérêts. Si la Commission n’était pas en mesure de démontrer qu’il existe de tels cas, il lui serait impossible de prévoir une telle exclusion sans violer le principe de protection de la confiance légitime.

95      Troisièmement, invoquant à cet égard la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination énoncés par l’article 89, paragraphe 1, et l’article 99 du règlement financier, la requérante soulève la question de savoir si la Commission a, dans le cadre de l’appel d’offres en question, offert à d’autres soumissionnaires la possibilité de fournir des informations complémentaires. La requérante relève une contradiction dans l’argumentation de la Commission, qui, d’une part, affirme, dans son mémoire en défense, que, « après l’ouverture des soumissions, aucune demande de renseignements complémentaires n’a été adressée à aucun soumissionnaire », mais, d’autre part, indique, dans sa duplique déposée le 24 juin 2005 dans le cadre de la procédure en référé introduite devant le président du Tribunal, avoir demandé à certains soumissionnaires de démontrer que leurs offres avaient été expédiées dans le délai imparti, ce que la Commission aurait fait après avoir ouvert les offres ou, du moins, après la date de clôture de leur dépôt. La requérante estime que, si des renseignements ont été demandés à ces soumissionnaires, alors que la possibilité n’a pas été offerte à l’Euphet de se défendre, ni même d’exposer son point de vue sur le risque d’un conflit d’intérêts, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires.

96      La Commission soutient qu’elle n’a l’obligation d’entendre le soumissionnaire que lorsqu’elle envisage d’infliger des sanctions administratives ou financières, telles que l’exclusion des marchés et des subventions à l’avenir, en application de l’article 96 du règlement financier, et non lorsqu’elle l’exclut de l’attribution d’un marché déterminé en vertu de l’article 94 du règlement financier.

97      À cet égard, premièrement, elle fait observer que l’article 146, paragraphe 3, des modalités d’exécution ne lui impose aucune obligation de demander au soumissionnaire des précisions au sujet des pièces justificatives fournies. En tout état de cause, en vertu de l’article 99 du règlement financier et de l’article 148, paragraphe 3, des modalités d’exécution, les contacts entre la Commission et les soumissionnaires ne pourraient pas conduire à une modification des termes de l’offre.

98      Deuxièmement, la Commission conteste l’existence d’une pratique générale consistant à demander systématiquement des renseignements complémentaires à un soumissionnaire avant de l’exclure pour cause de conflit d’intérêts. En outre, l’échange de courriels avec la Commission produit par la requérante à propos d’une autre procédure d’attribution concernerait une demande de renseignements complémentaires relative à certains éléments de l’offre et ne démontrerait en rien que la Commission avait pour pratique constante d’entendre les soumissionnaires avant de rejeter leur offre sur la base de l’un des critères d’exclusion mentionnés dans le règlement financier.

99      À cet égard, l’invocation par la requérante de l’arrêt Fabricom, point 57 supra, serait dénuée de pertinence, car la Cour y aurait censuré une réglementation belge excluant automatiquement les personnes chargées de travaux préparatoires liés à un marché public de la participation à la procédure d’attribution de ce marché, alors qu’en l’espèce l’Euphet n’aurait pas été exclue de la participation à la procédure d’attribution par la Commission. L’Euphet aurait, dans un premier temps, présenté une offre pour laquelle la Commission aurait, dans un second temps, vérifié l’existence d’un conflit d’intérêts sur la base des données figurant dans cette offre et au regard de la nature du marché à attribuer. Le rejet de l’offre serait donc dû à la présence d’un tel conflit d’intérêts. L’argumentation de la requérante, qui consisterait à affirmer que l’Euphet a été victime d’une exclusion automatique dans la mesure où l’appréciation concrète de l’existence d’un conflit d’intérêts ne serait possible qu’après l’attribution du marché, et plus précisément au moment où un contrat spécifique est conclu en exécution du contrat-cadre, serait incompatible avec les dispositions de l’article 94 du règlement financier. En effet, cet article permettrait d’exclure de l’attribution du marché en question les candidats ou soumissionnaires qui, avant même l’attribution du marché, se trouvent déjà en situation de conflit d’intérêts.

100    Troisièmement, la Commission souligne que, après l’ouverture des offres, aucun soumissionnaire ne s’est vu adresser de demande de renseignements concernant un éventuel conflit d’intérêts. Quant à la prétendue contradiction dans son argumentation, elle rétorque qu’elle a bien demandé à certains soumissionnaires de prouver que leurs offres avaient été expédiées dans les délais impartis, en raison du caractère peu lisible du cachet postal apposé sur les enveloppes contenant ces offres. Cependant, cette situation ne serait pas comparable à celle de l’Euphet. Ainsi que le président du Tribunal l’aurait constaté dans son ordonnance du 20 septembre 2005, Deloitte Business Advisory/Commission (T‑195/05 R, Rec. p. II‑3485, point 120), le caractère peu lisible du cachet postal apposé sur les enveloppes contenant les offres ne serait pas assimilable à une insuffisance intrinsèque de l’offre elle-même.

 Appréciation du Tribunal

101    Premièrement, quant à la question de savoir si la Commission aurait dû inviter l’Euphet à fournir des renseignements complémentaires sur le problème du conflit d’intérêts, il convient de rappeler que l’article 146, paragraphe 3, premier alinéa, des modalités d’exécution prévoit que, lorsque les demandes de participation et les offres ne contiennent pas tous les éléments essentiels exigés dans les documents d’appel d’offres ou ne correspondent pas aux exigences spécifiques qui y sont fixées, ces offres sont éliminées. Toutefois, selon l’article 146, paragraphe 3, second alinéa, le comité d’évaluation peut inviter le candidat ou le soumissionnaire à compléter ou à expliciter les pièces justificatives présentées relatives aux critères d’exclusion et de sélection, dans le délai qu’il fixe.

102    Il ressort des termes mêmes de l’article 146, paragraphe 3, second alinéa, des modalités d’exécution que cette disposition confère au comité d’évaluation la faculté de demander aux soumissionnaires des informations complémentaires concernant les pièces justificatives présentées relatives aux critères d’exclusion et de sélection. Il s’ensuit qu’elle ne saurait être interprétée comme imposant au comité d’évaluation une obligation de demander aux soumissionnaires de telles précisions (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 8 mai 1996, Adia Interim/Commission, T‑19/95, Rec. p. II‑321, point 44).

103    Partant, en l’espèce, la Commission a pu valablement conclure au rejet de l’offre de l’Euphet de la procédure d’attribution du marché en raison d’un conflit d’intérêts au sens de l’article 94 du règlement financier et de l’article 9.1.3 du cahier des charges sans avoir été tenue de demander des informations complémentaires en vertu de l’article 146, paragraphe 3, second alinéa, des modalités d’exécution.

104    Deuxièmement, quant à la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante citée au point 86 ci-dessus, nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises qui lui auraient été fournies par l’administration.

105    En l’espèce, la requérante se fonde sur une pratique générale de la Commission, qui serait par ailleurs confirmée par la jurisprudence, consistant à demander systématiquement des renseignements complémentaires à un soumissionnaire avant de l’exclure.

106    Or, les pièces produites par la requérante concernent un seul appel d’offres auquel elle avait elle-même répondu, à savoir l’appel d’offres PO/2004-62/B3 portant « Évaluation ex ante des activités de l’unité Services et production audiovisuels ». De plus, la demande d’informations complémentaires formulée dans cette affaire par le comité d’évaluation portait, d’une part, sur le point de savoir si « la présence de Deloitte sur l’ensemble du continent européen dans 300 villes [confirmait] sa capacité à couvrir les opérations faisant l’objet de ce marché dans tous les [É]tats membres de l’UE » et, d’autre part, sur l’absence de réception d’« attestations de bonne exécution », et non sur un risque de conflit d’intérêts.

107    En outre, la requérante n’avance aucun élément concret dont il résulterait que la Commission aurait fourni à l’Euphet l’assurance précise qu’elle recevrait, de la part du comité d’évaluation, une demande d’informations complémentaires sur la question du risque de conflit d’intérêts et sur le caractère satisfaisant de la réponse apportée par l’Euphet à cette question.

108    Dans ces conditions, la requérante ne saurait se prévaloir d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

109    Cette constatation n’est pas infirmée par l’invocation par la requérante de l’arrêt Fabricom, point 57 supra, qui traite d’une question juridique et d’une situation de fait qui ne sont pas analogues au litige dont le Tribunal a à connaître dans le cadre du présent recours.

110    Troisièmement, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en ce que la Commission aurait demandé des renseignements à d’autres soumissionnaires tandis que l’Euphet n’aurait pas eu la possibilité de se défendre ni même d’exposer son point de vue sur le risque d’un conflit d’intérêts. Le principe de l’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt Fabricom, point 57 supra, point 27). Le soumissionnaire dont l’offre est contenue dans une enveloppe sur laquelle le cachet postal apposé est peu lisible ne se trouve pas dans une situation comparable à celle d’un soumissionnaire dont l’offre est insuffisante, puisque, dans le premier cas, le défaut constaté par la Commission est imputable à des éléments indépendants de la volonté du soumissionnaire, alors que, dans le second cas, le défaut constaté est imputable à une insuffisance intrinsèque de l’offre. Le rejet de l’offre de l’Euphet ne porte donc pas atteinte au principe d’égalité de traitement.

111    La violation par la Commission des principes d’égalité de traitement et de non‑discrimination énoncés par les articles 89 et 99 du règlement financier n’est donc pas établie.

112    Il y a donc lieu de rejeter le second moyen et, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet.

113    S’agissant de la demande d’annulation de la décision d’attribution du marché à un tiers, elle ne peut qu’être rejetée par voie de conséquence du rejet de la demande d’annulation de la précédente décision à laquelle elle est étroitement liée.

114    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

115    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

116    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante, Deloitte Business Advisory NV, est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Legal

Wiszniewska-Białecka

Moavero Milanesi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 avril 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : le néerlandais.