Language of document : ECLI:EU:C:2022:598

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

22 juillet 2022 (*)

« Référé – Article 278 et 279 TFUE – Pourvoi – Demande de sursis à exécution et d’autres mesures provisoires – Marchés publics – Article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour »

Dans l’affaire C‑478/22 P(R)–R,

ayant pour objet une demande de sursis à exécution et d’autres mesures provisoires au titre des articles 278 et 279 TFUE, introduite le 17 juillet 2022,

Telefónica de España SAU, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes J. Blanco Carol, F. González Díaz, abogados, et M. P. Stuart, barrister,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne,

partie défenderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général,  M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande en référé, Telefónica de España SAU demande à la Cour, en application des articles 278 et 279 TFUE ainsi que de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour :

–        d’ordonner le sursis à exécution de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2022, Telefónica de España/Commission (T‑170/22 R, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2022:460), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande visant, d’une part, à obtenir le sursis à exécution de la décision de la Commission européenne du 21 janvier 2022 relative à l’appel d’offres DIGIT/A 3/PR/2019/010, intitulé « Services télématiques transeuropéens sécurisés entre administrations (TESTA) », informant la requérante que son offre n’avait pas été retenue dans le cadre de la procédure de passation de marché et annonçant la signature imminente d’un contrat avec le soumissionnaire retenu (ci-après la « décision litigieuse ») et, d’autre part, à ce qu’il soit ordonné à la Commission européenne de suspendre la signature de ce contrat ;

–        d’ordonner à la Commission de suspendre l’attribution des contrats dans le cadre de l’appel d’offres DIGIT/A 3/PR/2019/010 jusqu’à ce que le Tribunal statue dans l’affaire T‑170/22 ;

–        d’ordonner à la Commission de suspendre la signature d’un contrat dans le cadre de cet appel d’offres ;

–        d’accorder toute autre mesure provisoire appropriée, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

2        Cette demande a été présentée parallèlement à l’introduction, le 17 juillet 2022, par Telefónica de España, d’un pourvoi, au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée.

3        Conformément à l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en application de l’article 190, paragraphe 1, de celui-ci, le juge des référés peut faire droit à la demande en référé avant même que l’autre partie ait présenté ses observations et cette mesure peut être ultérieurement modifiée ou rapportée, même d’office.

4        Selon la jurisprudence de la Cour, en particulier lorsqu’il est souhaitable dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’éviter que la procédure en référé ne soit vidée de toute sa substance et de tout effet, l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure autorise le juge connaissant d’une demande de mesures provisoires à arrêter de telles mesures, à titre conservatoire, soit jusqu’au prononcé de l’ordonnance mettant fin à l’instance en référé, soit jusqu’à la clôture de la procédure principale, si celle-ci a lieu plus tôt [ordonnance du vice-président de la Cour du 4 octobre 2017, Wall Street Systems UK/BCE, C‑576/17 P(R)–R, non publiée, EU:C:2017:735, point 4, ainsi que ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 7 mars 2019, Trifolio-M e.a./EFSA, C‑163/19 P(R)–R, non publiée, EU:C:2019:187, point 4].

5        Lorsqu’il examine la nécessité de rendre une telle ordonnance, ledit juge doit examiner les circonstances du cas d’espèce [ordonnance du vice-président de la Cour du 4 octobre 2017, Wall Street Systems UK/BCE, C‑576/17 P(R)–R, non publiée, EU:C:2017:735, point 5, ainsi que ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 7 mars 2019, Trifolio-M e.a./EFSA, C‑163/19 P(R)–R, non publiée, EU:C:2019:187, point 5].

6        En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, après avoir reçu notification, datée du 21 janvier 2022, de la décision litigieuse, la requérante a soumis à cette institution des observations dans lesquelles elle identifiait un certain nombre d’erreurs qui auraient été commises dans l’évaluation des offres. Le 1er février 2022, la Commission a informé tous les soumissionnaires qu’elle avait décidé de suspendre la signature du contrat avec le soumissionnaire désigné dans le cadre de cet appel d’offres, dans l’attente d’un examen complémentaire. Le 21 mars 2022, la Commission a informé la requérante qu’elle avait clôturé cet examen complémentaire et que l’ordonnateur avait confirmé sa décision d’attribution initiale.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mars 2022, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, elle a introduit une demande en référé tendant, notamment, à ce qu’il soit ordonné à la Commission de suspendre la signature d’un contrat dans le cadre de l’appel d’offres DIGIT/A 3/PR/2019/010.

8        Par ordonnance du 1er avril 2022, Telefónica de España/Commission (T‑170/22 R, non publiée), adoptée sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le président du Tribunal a ordonné le sursis à exécution de la décision litigieuse. Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rapporté cette ordonnance du 1er avril 2022 et a rejeté la demande en référé introduite par la requérante.

9        Selon la requérante, il conviendrait que la Cour fasse droit à la présente demande en référé afin qu’aucun préjudice grave et, le cas échéant, irréparable ne lui soit occasionné.

10      En effet, si un contrat devait être conclu dans le cadre de l’appel d’offres DIGIT/A 3/PR/2019/010, avant qu’il ne soit statué sur le pourvoi introduit contre l’ordonnance attaquée, la requérante soutient qu’elle ne pourrait plus se voir attribuer un contrat dans ce cadre et qu’elle subirait, de ce fait, des dommages liés, notamment, à un manque à gagner, à une atteinte portée à sa réputation, à l’absence d’opportunités comparables disponibles et à l’altération de la structure du marché concerné résultant de l’attribution d’un tel contrat à un concurrent.

11      Par ailleurs, toujours selon la requérante, dans l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal aurait commis plusieurs erreurs de droit dans l’application du critère de l’urgence.

12      À cet égard, il importe de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que, compte tenu des impératifs découlant de la protection juridictionnelle effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, il y a lieu de considérer que, lorsque le soumissionnaire évincé parvient à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, il ne saurait être exigé de sa part qu’il établisse que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable, sous peine qu’il soit porté une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ordonnance du vice‑président de la Cour du 1er décembre 2021, Inivos et Inivos/Commission, C‑471/21 P(R), EU:C:2021:984, point 65 ainsi que jurisprudence citée].

13      Cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, justifié par le droit à un recours juridictionnel effectif, ne s’applique toutefois que pendant la phase précontractuelle, pour autant que le délai de suspension de dix jours, prévu à l’article 175, paragraphe 3, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), soit respecté [ordonnance du vice‑président de la Cour du 1er décembre 2021, Inivos et Inivos/Commission, C‑471/21 P(R), EU:C:2021:984, point 66 ainsi que jurisprudence citée].

14      Dès lors que, par le pourvoi introduit contre l’ordonnance attaquée, la requérante conteste notamment l’appréciation du président du Tribunal selon laquelle ledit assouplissement des conditions pour apprécier l’existence de l’urgence ne serait pas applicable en l’espèce, il ne saurait, avant que la Cour ne se prononce sur ce pourvoi, être exclu qu’il suffise à la requérante, pour démontrer l’existence d’une urgence de nature à justifier l’adoption de mesures provisoires, d’établir que la signature d’un contrat dans le cadre de l’appel d’offres DIGIT/A 3/PR/2019/010 lui causerait un préjudice grave. De surcroît, la requérante avance que le président du Tribunal a considéré à tort que le dommage dont elle fait état ne présenterait pas un caractère irréparable.

15      Partant, compte tenu du préjudice grave et, le cas échéant, irréparable qui pourrait résulter de la signature d’un contrat dans le cadre de l’appel d’offres DIGIT/A 3/PR/2019/010, la présente procédure en référé risquerait d’être vidée de toute substance et de tout effet si la Commission pouvait signer un tel contrat avant même que la Cour ait apprécié s’il est nécessaire d’accorder des mesures provisoires.

16      En conséquence, il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’ordonner à la Commission, avant même que celle-ci ait présenté ses observations, de s’abstenir de signer un contrat dans le cadre de l’appel d’offres DIGIT/A 3/PR/2019/010 jusqu’à l’adoption de l’ordonnance qui interviendra le plus tôt entre celle mettant fin à la présente procédure en référé et celle se prononçant sur le pourvoi dans l’affaire C‑478/22 P(R).

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      La Commission européenne est tenue de s’abstenir de signer un contrat faisant l’objet de la procédure d’appel d’offres DIGIT/A 3/PR/2019/010, intitulé « Services télématiques transeuropéens sécurisés entre administrations (TESTA) », jusqu’à l’adoption de l’ordonnance qui interviendra le plus tôt entre celle mettant fin à la présente procédure en référé et celle se prononçant sur le pourvoi dans l’affaire C478/22 P(R).

2)      Les dépens sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.