Language of document : ECLI:EU:T:2020:613

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 décembre 2020 (*)

 « Fonction publique – Agents temporaires – Demande de renouvellement de contrat pour une durée indéterminée – Décision de non-renouvellement – Erreur manifeste d’appréciation – Droit d’être entendu – Article 26 du statut – Responsabilité – Préjudice matériel – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑187/18,

VP, représentée par Me L. Levi, avocate,

partie requérante,

contre

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), représenté par Mme M. Brugia, en qualité d’agent, assistée de Mes T. Bontinck et A. Guillerme, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Cedefop du 12 mai 2017 de ne pas renouveler le contrat d’agent temporaire de la requérante pour une durée indéterminée et, en tant que de besoin, de la décision du 1er décembre 2017 portant rejet de sa réclamation du 9 août 2017 contre la décision du 12 mai 2017 et, d’autre part, à la réparation du préjudice matériel et moral que la requérante aurait prétendument subi du fait de ces décisions,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) a été créé par le règlement (CEE) n° 337/75 du Conseil, du 10 février 1975 (JO 1975, L 39, p. 1). La version du règlement no 337/75 qui s’applique à la présente affaire est celle qui résulte du règlement (CE) n° 2051/2004 du Conseil, du 25 octobre 2004, modifiant le règlement n° 337/75 (JO 2004, L 355, p. 1).

2        Aux termes de l’article 7 du règlement no 337/75 :

« 1.      Le directeur est chargé de la gestion du Centre et applique les décisions du conseil de direction et du bureau. Il assure la représentation juridique du Centre.

2.      Il prépare et organise les travaux du conseil de direction et du bureau et il assure le secrétariat de leurs réunions.

3.      Il assure la coordination des activités des groupes de travail.

4.      Il a autorité sur le personnel qu’il engage et qu’il révoque. 

5.      Il rend compte de sa gestion au conseil de direction. »

3        L’article 13 du règlement no 337/75 dispose ce qui suit :

« Le personnel du Centre est soumis aux règlements et réglementations applicables aux fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes.

Le Centre exerce à l’égard de son personnel les pouvoirs qui sont dévolus à l’autorité investie du pouvoir de nomination.

Le conseil de direction du Centre, en accord avec la Commission, arrête les modalités d’application appropriées. »

4        L’article 26 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 11 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), tel que modifié, notamment par le règlement (UE, Euratom) n° 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 287, p. 15), prévoit que :

« Le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir :

a)       Toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement ;

b)       Les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces.

Toute pièce doit être enregistrée, numérotée et classée sans discontinuité ; l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées à l’alinéa a) ci-dessus, si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement […] »

5        Aux termes de l’article 2 du RAA :

« Est considéré comme agent temporaire, au sens du présent régime :

[…]

f)       [l]’agent engagé en vue d’occuper un emploi compris dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à une agence telle que visée à l’article 1er bis, paragraphe 2, du statut, et auquel les autorités budgétaires ont conféré un caractère temporaire, à l’exception des directeurs et directeurs adjoints d’une agence, visés dans l’acte de l’Union portant création de l’agence, et les fonctionnaires détachés dans une agence dans l’intérêt du service. »

6        L’article 8, premier alinéa, du RAA dispose que :

« L’engagement d’un agent temporaire visé à […] l’article 2, [sous] f), peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Le contrat de cet agent engagé pour une durée déterminée ne peut être renouvelé qu’une fois pour une durée déterminée. Tout renouvellement ultérieur de cet engagement devient à durée indéterminée. »

7        Aux termes de l’article 47 du RAA :

« Indépendamment du cas du décès de l’agent temporaire, l’engagement de ce dernier prend fin :

[…]

b)       pour les contrats à durée déterminée :

i)       à la date fixée dans le contrat ;

[…] »

8        La note interne du directeur du Cedefop du 30 octobre 2013, intitulée « Échéancier pour les informations sur le renouvellement des contrats », énonce ce qui suit :

« Notre pratique à ce jour a été d’informer les membres du personnel six mois avant l’expiration de leur contrat du renouvellement ou du non-renouvellement de leur contrat. Ce délai est basé sur les dispositions de l’article 47, point ii), du [RAA], qui prévoit que les agents temporaires qui en sont à leur deuxième contrat doivent donner au Cedefop un préavis pouvant aller jusqu’à six mois.

Compte tenu du temps nécessaire au personnel pour trouver un nouvel emploi en cas de non-renouvellement de leur contrat, il est recommandé, au titre des bonnes pratiques et dans la mesure du possible, d’en informer le personnel neuf mois à l’avance (mais six mois à l’avance au plus tard). Le [département des ressources humaines] ajustera le calendrier de lancement de la procédure de renouvellement en conséquence. »

 Antécédents du litige

 Événements survenus jusqu’à l’adoption de la décision du 12 mai 2017

9        La requérante, VP, a été recrutée par le Cedefop le 16 novembre 2007 en tant qu’agent temporaire pour exercer les fonctions de « conseiller juridique » du Cedefop pour une durée initiale de cinq ans. Son contrat a été renouvelé le 16 novembre 2012 pour cinq ans et expirait ainsi le 15 novembre 2017. Le contrat de la requérante était régi par l’article 2, sous f), du RAA.

10      Le 30 janvier 2017, la directrice adjointe du Cedefop (ci-après la « directrice adjointe »), agissant en sa qualité de supérieure hiérarchique et d’évaluatrice de la requérante, a recommandé à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), le directeur du Cedefop (ci-après le « directeur »), de renouveler le contrat de la requérante venant à échéance, avec effet au 16 novembre 2017. Au soutien de cette recommandation, la directrice adjointe a présenté un rapport d’évaluation très positif du travail et de la performance professionnelle de la requérante.

11      Le 14 février 2017, ayant été informée par la directrice adjointe que le directeur n’avait pas signé la décision de renouvellement de son contrat et qu’il envisageait de supprimer complètement le service juridique du Cedefop, la requérante a sollicité une rencontre avec le directeur et la directrice adjointe. À la suite de cette demande, le directeur a invité la requérante à une rencontre le jour même. En dépit des demandes de la requérante et de la directrice adjointe en ce sens, le directeur n’a autorisé la présence ni de la directrice adjointe ni d’aucun tiers à cette rencontre. Lors de cette rencontre, le directeur a informé la requérante qu’il envisageait une restructuration de l’administration et, plus précisément, la suppression du service juridique interne et que, dans cette perspective, il envisageait de ne pas renouveler son contrat.

12      Par courriel adressé le même jour, à 19 h 25, à la requérante, et dont une copie était adressée à la directrice adjointe, le directeur a décrit le contenu de la rencontre dans les termes suivants :

« Nous avons discuté de l’avenir du service juridique aujourd’hui et je vous ai informé qu’en raison des pressions financières et de difficultés en termes de ressources humaines pesant sur les opérations du Cedefop, j’estime qu’il est dans l’intérêt de l’organisation d’envisager de ne pas renouveler votre contrat.

J’ai été très troublé par vos commentaires selon lesquels vous envisagez d’utiliser votre réseau juridique pour faire pression sur moi, que vous avez l’intention de me poursuivre personnellement pour m’embarrasser ainsi que le Cedefop et pour empêcher le renouvellement de mon contrat.

Malheureusement, il n’y avait personne pour enregistrer notre discussion. Je peux certainement comprendre que vous êtes mécontente et même en colère à cause de ma décision. Cependant, le personnel doit toujours être conscient que son intérêt doit être mis en balance avec l’intérêt général du Cedefop. Les gens disent aussi des choses sous l’impulsion du moment. Cependant, à mon avis, vos commentaires ne peuvent être interprétés autrement que comme des menaces et des intimidations. Je ne voudrais pas commettre l’erreur de mal vous comprendre.

Par conséquent, je vous demande de préciser par écrit, si j’ai bien compris ce que vous m’avez dit […] »

13      Par courriel adressé au directeur le même jour à 19 h 51, la requérante a également résumé le contenu de la rencontre du 14 février 2017 et exprimé son étonnement concernant la décision du directeur de supprimer le service juridique interne, compte tenu du rôle essentiel de ce service au sein du Cedefop. La directrice adjointe et la directrice du service des ressources humaines du Cedefop (ci-après la « directrice du service des ressources humaines »), étaient en copie de ce courriel.

14      Par courriel envoyé le même jour à 20 h 49, en réponse au courriel du directeur de 19 h 25, la requérante a réitéré le contenu de la rencontre décrit dans son courriel précédent de 19 h 51 et a nié avoir menacé le directeur en expliquant, en substance, qu’elle avait « simplement déclaré » qu’elle « utilis[erait] tous les moyens procéduraux et juridiques à [sa] disposition en tant qu’avocate de longue date et experte juridique possédant une multitude de connaissances personnelles et professionnelles, avocats et experts de l’Union européenne ».

15      Par courriel du 15 février 2017, envoyé au directeur à 11 h 18, la directrice du service des ressources humaines, donnant suite au courriel de la requérante envoyé la veille à 19 h 51, a indiqué qu’il était sans précédent que le service des ressources humaines n’ait pas été consulté sur une affaire de personnel comportant des implications juridiques et organisationnelles aussi vastes. Plus précisément, elle a indiqué que « les ressources humaines et le service juridique [étaient] les seuls services compétents à cet égard et, puisque le conseiller juridique [était] directement concerné, la consultation des ressources humaines [était] certainement essentielle ». Par ailleurs, elle a indiqué que les réunions où de telles questions sensibles étaient discutées devraient se tenir en présence de tiers afin de préserver les droits de toutes les parties concernées et qu’il était regrettable que les demandes répétées de la requérante n’aient pas été entendues. Ensuite, elle a relevé que, sa performance étant systématiquement considérée comme élevée, un renouvellement automatique correspondrait à la norme et que, dès lors, il n’y aurait pas de pouvoir discrétionnaire pour le directeur en tant qu’AHCC. Enfin, elle a conclu que l’intérêt du service plaidait sans équivoque en faveur du maintien du service juridique au sein du Cedefop.

16      Par courriel du 15 février 2017 envoyé au directeur à 14 h 43, la directrice adjointe s’est entièrement ralliée à l’analyse de la directrice du service des ressources humaines, en indiquant, d’une part, que le contrat de la requérante pour le poste de conseiller juridique devait être considéré comme automatiquement renouvelable compte tenu de l’excellente qualité des prestations documentées et constantes de la titulaire du poste et, d’autre part, qu’elle était fermement en désaccord avec l’intention du directeur de supprimer le service juridique et de mettre fin au contrat de la requérante, en l’absence d’arguments solides au soutien d’une décision aussi radicale et sensible qui risquerait d’avoir un impact négatif sur le fonctionnement et la réputation du Cedefop.

17      Par courriel du 15 février 2017 envoyé au directeur à 18 h 03, les six chefs de département du Cedefop ont exprimé leur préoccupation concernant le fait que le directeur envisageait la possibilité de supprimer le service juridique interne et ont demandé une rencontre à ce sujet.

18      Par courriel du 15 février 2017, à 20 h 21, le directeur a répondu au courriel de la directrice du service des ressources humaines, en écrivant notamment qu’il ne lui avait jamais été indiqué auparavant que son pouvoir discrétionnaire de renouveler ou pas un contrat à durée déterminée était limité par la performance ou la promotion de la personne concernée. Selon le même courriel, le directeur estimait qu’il avait été approprié de parler personnellement à la personne concernée, ce qu’il avait fait pour lui expliquer sa position, entendre le point de vue de cette personne et mettre en balance les intérêts du Cedefop. De plus, il a précisé ce qui suit :

« [L]a fonction juridique est, en effet, une fonction. Ce n’est pas un individu et je n’ai pas l’intention d’abolir cette fonction. Cependant, je peux vous assurer que j’attache une grande attention à vos observations et au renouvellement ou non du contrat en question. »

19      Dans un courriel envoyé à la requérante le 16 février 2017 à 07 h 47, le directeur a réitéré sa position dans les termes suivants :

« Je vous remercie pour vos courriels du 14 février 2017. J’apprécie que vous ayez saisi l’opportunité de clarifier vos remarques que je prends sérieusement en compte.

Je vous ai parlé personnellement pour expliquer que, en raison de pressions financières et humaines sur les activités du Cedefop, je pense qu’il est dans l’intérêt de l’organisation d’envisager de ne pas renouveler votre contrat.

Les réductions des ressources du Cedefop ont conduit à une charge de travail excessive entre collègues ainsi qu’à des priorités négatives et à l’annulation de projets opérationnels prévus. Malgré la contraction des ressources, les exigences à l’égard du Cedefop ont augmenté. Notre document de programmation 2018-2020 indique clairement qu’il existe un risque croissant que le Cedefop ne soit pas en mesure de remplir les différents mandats et demandes dans les circonstances actuelles. La Commission a indiqué à maintes reprises qu’aucune ressource supplémentaire ne sera fournie au Cedefop.

Afin de garantir que le Cedefop puisse continuer à mener à bien son activité principale de manière efficace et avec une évaluation transversale à venir qui examinera spécifiquement la façon dont le Cedefop peut mettre ses ressources en commun avec d’autres agences, aucun service de soutien, qui représente une proportion considérable des ressources du Cedefop, ne peut se considérer à l’abri des pressions auxquelles le Centre est confronté dans son ensemble.

Je comprends votre déception par rapport à ma réflexion. Cependant, dans le meilleur intérêt de toutes les parties concernées, je voulais vous informer dans les plus brefs délais. Je respecte également les délais établis par l’échéancier pour les informations sur le renouvellement des contrats (Note Cedefop du 30 octobre 2013). »

20      Par courriel du 16 février 2017, à 11 h 56, le directeur a répondu au courriel du 15 février 2017 des chefs de département du Cedefop en indiquant, d’une part, qu’ils avaient été « mal informés » et que le service juridique interne ferait l’objet d’un réexamen, tout comme l’ensemble de l’administration, notamment la direction, et, d’autre part, qu’un projet de note annonçant le réexamen au regard des coûts et des avantages leur serait transmis prochainement pour leur information.

21      Par courriel du 16 février 2017, à 14 h 19, la directrice du service des ressources humaines a répondu au courriel du directeur du 15 février 2017 qui lui avait été adressé en indiquant, tout d’abord, que toute décision de la direction pouvant avoir des conséquences défavorables sur des membres du personnel devait faire l’objet d’une consultation du service des ressources humaines. Ensuite, elle a constaté que, dans le passé, il avait accepté de renouveler chaque contrat et que la décision de ne pas renouveler le contrat de la requérante constituait dès lors un événement inhabituel qui justifiait de demander conseil au service des ressources humaines avant d’en parler au titulaire du poste concerné, notamment dans la mesure où la requérante avait reçu d’excellents rapports tout au long de sa carrière. En outre, elle estimait évident qu’un service juridique interne indépendant, professionnel et expérimenté était indispensable au bon fonctionnement du Cedefop. Enfin, elle a conclu qu’un éventuel transfert du poste de grade « administrateur » (AD) de la requérante aux services opérationnels n’entraînerait aucune économie de coût, car une éventuelle externalisation du service juridique serait très coûteuse.

22      Par lettre du 20 février 2017, la directrice ajointe a transmis au directeur une évaluation circonstanciée, en tant que complément à son courriel du 15 février 2017, indiquant les risques associés à la décision envisagée par le directeur dans les termes suivants :

« J’ai été sincèrement surprise par votre idée soudaine et inattendue – que vous avez mentionnée le 13 février 2017 dans le contexte de mon rappel concernant le renouvellement du contrat de [la requérante] – selon laquelle vous envisagiez de supprimer le service juridique interne du Cedefop. Ceci est d’autant plus surprenant que nous sollicitons tous les deux l’aide et les conseils juridiques de [la requérante] dans presque tous les aspects de l’administration et que nous nous appuyons ainsi quotidiennement sur son expertise. Vous avez reconnu l’année dernière que notre service juridique (essentiellement [la requérante], experte juridique expérimentée) était confrontée à une charge de travail si importante qu’il convenait d’augmenter le nombre de ses effectifs dans la mesure du possible. Je regrette que vous ne m’ayez pas incluse en tant que directrice adjointe et coordinatrice du contrôle interne (CCI) dans de telles considérations, de sorte que cela me met une fois de plus dans la position inconfortable de ne pas être d’accord avec votre position (apparemment) déjà prise qui, selon vous, est fondée sur un besoin de gain d’efficacité. Je considère qu’une telle entreprise est perturbatrice. Je voudrais également souligner d’emblée que cette intention constitue un changement organisationnel substantiel nécessitant des consultations avec le bureau et le conseil de direction […], en particulier parce que les membres du conseil ont fermement appuyé la création d’un service juridique interne dans la foulée des irrégularités commises par des hauts fonctionnaires du Cedefop entre 2001 et 2005 […] »

23      Le 9 mars 2017, la requérante, en sa qualité de conseillère juridique, a émis une note contenant une analyse actualisée de la charge de travail du service juridique du Cedefop.

24      Le 9 mars 2017, les six chefs de département du Cedefop ont adressé une note au directeur exprimant leur préoccupation concernant son intention d’externaliser le service juridique, rédigée comme suit :

« Nous vous écrivons pour exprimer notre vive préoccupation au sujet du fait que vous envisagez actuellement d’externaliser le service juridique. Le renouvellement du contrat de la conseillère juridique du Cedefop semble être suspendu pour cette raison, ce qui constitue une étape inhabituelle compte tenu de la pratique antérieure constante de renouvellement de contrats en tant que procédure standard.

Nous regrettons que vous n’ayez impliqué aucun de nous dans une telle décision qui aurait un impact direct et défavorable sur les travaux du Cedefop, notamment en ce qui concerne la légalité et la régularité des actions et des transactions du Cedefop. Depuis la création du service juridique interne, la conseillère juridique du Cedefop a apporté quotidiennement une aide constante à tous les départements et services sur des questions juridiques, et ses conseils ont toujours été judicieux, rapides et fiables.

En tant qu’utilisateurs de services internes, nous pensons qu’un service juridique interne indépendant est indispensable au travail quotidien du Cedefop. Le maintien du service juridique interne existant dans sa forme actuelle est essentiel pour permettre de résoudre les problèmes juridiques ponctuels (par exemple, marchés publics, contractuels, RH) ainsi que des questions juridiques générales (par exemple, droit d’auteur, accès aux documents, conflits d’intérêts) qui doivent être traitées fréquemment en interne - souvent à bref délai - avec l’expertise juridique requise, les normes de qualité, l’indépendance et la compréhension du contexte et des processus du Cedefop. »

25      Par courriel du 9 mars 2017, à 12 h 29, le chef du département pour la communication du Cedefop a adressé un courriel à la requérante par lequel, faisant suite au courriel du directeur du 16 février 2017, il a demandé des clarifications quant au fait que, selon le directeur, les chefs de département auraient été « mal informés » sur le fait qu’il envisageait la possibilité de supprimer le service juridique interne.

26      Par courriel du 10 mars 2017, à 21 h 59, la requérante a répondu à ce courriel en indiquant qu’elle estimait que le directeur avait donné des informations incomplètes et trompeuses aux chefs de département et que, lors de la rencontre du 14 février 2017, le directeur lui avait indiqué qu’il souhaitait supprimer le service juridique interne et transférer son poste aux départements opérationnels.

27      Par note du 10 mars 2017, la requérante a adressé au directeur une demande de renouvellement de son contrat exposant l’ensemble des raisons pour lesquelles elle estimait que ce renouvellement était justifié. La requérante a fait notamment valoir qu’une fonction indépendante de conseiller juridique existait dans toutes les institutions de l’Union européenne et dans la plupart des autres agences de l’Union, voire dans toutes, même les plus petites, afin de garantir la légalité de leurs actions. Elle a noté que cette fonction de conseiller juridique avait été créée au Cedefop à la suite d’une période de cinq ans marquée par des irrégularités graves et répétées.

28      Par lettre du 14 mars 2017 adressée à la présidente du conseil de direction du Cedefop (avec copie au directeur), l’avocat de la requérante a présenté le contexte factuel et le cadre juridique du présent litige et invité le bureau du conseil de direction à donner instruction au directeur de renouveler le contrat de la requérante.

29      Le 16 mars 2017, la requérante a adressé un courriel à l’ensemble des chefs de département du Cedefop pour apporter des clarifications sur l’organisation du service juridique interne, en indiquant notamment que le conseiller juridique était assisté par un stagiaire, un avocat externe employé à temps partiel et des cabinets d’avocats externes en matière de contentieux.

30      Le 17 mars 2017, une réunion du bureau élargi du conseil de direction du Cedefop s’est tenue, notamment au sujet de la lettre du 14 mars 2017 envoyée par l’avocat de la requérante. Lors de la réunion, la présidente du conseil de direction du Cedefop a informé les autres membres qu’elle avait demandé un avis au service juridique de la Commission européenne sur deux questions, à savoir la nécessité et la manière de répondre à la lettre de l’avocat de la requérante du 14 mars 2017 et la légalité de la procédure de notification de renouvellement de contrat. Deux membres ont exprimé leur étonnement en observant que les priorités négatives et les moyens de surmonter les problèmes financiers avaient été discutés lors de la dernière réunion élargie du bureau et que l’externalisation du service juridique n’avait pas été mentionnée. La présidente a conclu, d’une part, que l’analyse des changements de l’administration proposés par le directeur en ce qui concernait les domaines opérationnels devrait être présentée lors de la prochaine réunion du bureau et, d’autre part, que le directeur devait consulter le conseil de direction avant de prendre une décision sur le service juridique interne, qui constituerait une transformation organisationnelle majeure pour le Cedefop.

31      Par lettre du 31 mars 2017, le directeur a répondu à la lettre de l’avocat de la requérante du 14 mars 2017, qui avait été adressée à la présidente du conseil de direction du Cedefop, dans les termes suivants :

« Il m’a été demandé de répondre en tant que directeur du Cedefop et en tant qu’[AHCC] responsable de toutes les questions relatives au personnel, y compris l’engagement et le licenciement du personnel.

1. Chaque renouvellement de contrat doit être évalué individuellement. Les décisions précédentes ne devraient pas avoir d’incidence sur le cas d’espèce. En tant que directeur du Cedefop il est de mon devoir d’évaluer les opérations de l’Agence et de veiller à leur optimisation. Dans ce contexte, je suis en train d’examiner le possible renouvellement du contrat temporaire de [la requérante] qui prend fin en novembre 2017. Toute autre interprétation de notre discussion du 14 février 2017 est superflue.

2. Dans le but d’optimiser les opérations du Cedefop et leur rapport coût-efficacité, je suis en train d’analyser et d’évaluer le meilleur moyen d’obtenir des conseils juridiques pour le Cedefop afin de dresser un tableau objectif de la situation […] Je prendrai ensuite une décision éclairée et motivée concernant le renouvellement du contrat de [la requérante]. Ce faisant, je tiendrai bien sûr compte de ses conseils. Cependant, comme les questions en cause ne sont pas juridiques, il est opportun et juste d’avoir une vision plus large. C’est sur cette base que je peux prendre une décision impartiale.

3. À ce stade, je ne suis pas en mesure de signer ce renouvellement, car je suis encore en train de considérer toutes les options et implications. Je prendrai une décision en temps voulu […]

4. Je tiens à souligner que les irrégularités et les prétendues infractions pénales commises par les membres du personnel que vous avez mentionnées font référence à une situation du passé et non du présent […] Compte tenu de son rôle de conseillère juridique et en supposant qu’elle connaît les procédures à suivre, le fait que [la requérante] ait demandé à son avocat d’alerter le conseil de direction sur son contrat, même avant que je prenne une décision, ne peut être considéré comme une pratique loyale et conforme à l’éthique.

Je peux vous assurer que, en prenant ma décision, je mettrai l’intérêt du Cedefop et du service au-dessus de toute autre considération. »

32      Par courriel du 31 mars 2017, le directeur a envoyé une copie de cette réponse à la requérante en indiquant qu’elle répondait également aux différents points contenus dans la note du 10 mars 2017 par laquelle la requérante avait demandé le renouvellement de son contrat.

33      Le 31 mars 2017, le directeur a envoyé un courriel à tout le personnel annonçant qu’il avait lancé un réexamen de l’administration du Cedefop et qu’il voulait leur expliquer les raisons de ce réexamen et la manière dont il serait mené. Plus précisément, il a indiqué ce qui suit :

« Le groupe de travail examinera, au moyen d’une analyse coûts-avantages, les possibilités de rationaliser les processus administratifs internes du Cedefop afin de garantir la légalité, la régularité et l’obligation de rendre compte, tout en réduisant au minimum la charge administrative (examen des procédures établies, hiérarchie, division du travail entre équipes ou unités, systèmes informatiques, etc.)

[…]

Comme vous le savez peut-être, le Cedefop fera l’objet, cette année, d’une évaluation externe transversale organisée par la Commission européenne. Outre les performances du Cedefop en termes de pertinence, d’effectivité, d’efficacité, de cohérence et de valeur ajoutée pour l’UE, l’évaluation examinera la coopération opérationnelle et administrative entre le Cedefop, Eurofound, l’ETF et EU-OSHA.

Pour renforcer sa position, le Cedefop doit pouvoir présenter une administration efficace, proportionnée aux besoins d’une agence de taille moyenne, avec un juste équilibre entre les opérations et l’administration. Pour pouvoir répondre aux conclusions et aux propositions de l’évaluation, nous devons être proactifs pour pouvoir montrer que nous avons examiné en profondeur notre mode de travail et que nous sommes convaincus qu’il représente la manière la plus efficace de faire les choses. Le groupe de travail commencera ses travaux la semaine prochaine et devrait les conclure d’ici le 8 septembre 2017.

Je souhaite préciser que l’objectif du réexamen n’est pas de réduire le personnel du Cedefop. L’examen peut conduire à envisager de transférer des personnes de l’administration aux opérations. Cependant, tout changement sera effectué dans le contexte de la planification de carrière et du développement professionnel […] »

34      Le 7 avril 2017, avant de quitter ses fonctions, la directrice du département des ressources humaines a envoyé deux notes au directeur : la première réitérant la nécessité d’un service juridique interne et de sa fonction de conseil auprès des ressources humaines et de l’AHCC et, la seconde, contenant ses réflexions sur le réexamen de l’administration du Cedefop.

35      Par lettre du 12 avril 2017, l’avocat de la requérante a répondu à la lettre du 31 mars 2017 en indiquant que les questions juridiques en jeu n’avaient pas été abordées et en réitérant la demande de renouvellement du contrat de la requérante.

36      Le 12 avril 2017, le directeur a publié un document intitulé « Réexamen du service juridique interne du Cedefop » annonçant la création d’un groupe de travail relatif au service juridique. Selon ce document, l’objectif de ce réexamen était de rechercher des gains d’efficacité et d’étudier la faisabilité de voies alternatives en vue de fournir des services juridiques, tout en maintenant les normes requises en matière de légalité et de régularité. D’après le calendrier prévu, les résultats des analyses seraient disponibles deux semaines avant la réunion du bureau du conseil de direction des 29 et 30 juin 2017. Le groupe a rendu ses conclusions préliminaires sur l’évaluation des risques le 7 juin 2017 et, le 23 juin suivant, il a publié deux documents d’analyse en vue de la rencontre du bureau du conseil de direction des 29 et 30 juin 2017. Les versions finales des documents produits par le groupe de travail relatif au service juridique ont été soumises par le directeur au conseil de direction du Cedefop en vue de la réunion des 5 et 6 octobre 2017.

37      Par courriel du 25 avril 2017, sur demande du directeur, la requérante lui a communiqué la liste des documents enregistrés au service juridique de 2012 à 2016.

38      Par courriel du 28 avril 2017, la requérante a présenté un exposé détaillé des dépenses budgétaires relatives au service juridique. Selon cet exposé, les frais juridiques annuels pour la période allant de 2008 à 2016 s’élevaient en moyenne à 24 941,81 euros. Les frais de traduction pour la période allant de 2012 à 2016 s’élevaient en moyenne à 15 562,06 euros.

39      Le 11 mai 2017, le directeur a remis au conseil de direction un projet de rapport intermédiaire du groupe de travail sur le service juridique.

40      Par lettre du 12 mai 2017, le directeur a répondu à la lettre de l’avocat de la requérante du 12 avril 2017 dans les termes suivants :

« 2. Je note votre interprétation concernant le délai de la décision de renouvellement ; cette question a été abordée dans ma réponse du 31 mars 2017. Le fait que je n’étais pas en mesure de renouveler le contrat de [la requérante] lui a été annoncé au cours de notre réunion le 14 février 2017

[…]

5. Je me réserve en ce qui concerne le sens et la légitimité de votre intervention auprès du conseil de direction. Cependant, à cet égard, il convient de signaler que vous considérez, à tort, et indiquez de manière indue que l’[AHCC] a reproché à votre client d’avoir eu recours à un avocat. Il s’agit d’un droit fondamental pleinement respecté par le Cedefop.

6. En tout état de cause, merci pour vos autres conseils. Assurez-vous que je les ai pris en compte. Enfin, tout en respectant votre rôle dans la défense des intérêts de votre client, je vous serais reconnaissant de me laisser définir les intérêts de mon service sans créer de pressions externes. »

41      Par décision du 12 mai 2017, le directeur a informé la requérante que son contrat ne serait pas renouvelé. Plus précisément, il a indiqué ce qui suit :

« Après un examen attentif des intérêts du service et de vos propres intérêts, j’ai décidé de me conformer à l’annonce que je vous ai faite le 14 février 2017 de ne pas renouveler votre contrat, qui prendra fin le 15 novembre 2017.

Comme vous le savez sûrement, l’article 47, sous b), i), du RAA prévoit la fin de l’engagement d’un agent temporaire, “pour les contrats à durée déterminée […] à la date fixée dans le contrat”. Si ces conditions permettent le renouvellement de contrats d’agents temporaires, il ne s’agit pas d’un droit, mais d’une question relevant du pouvoir discrétionnaire de l’autorité compétente. En outre, selon une jurisprudence constante, les institutions disposent d’un large pouvoir discrétionnaire pour organiser leurs services en fonction des tâches qui leur sont confiées et pour affecter le personnel mis à leur disposition en fonction de ces tâches.

Compte tenu des défis auxquels le Cedefop est confronté, des pressions sur ses ressources et de la nécessité constante d’aligner les ressources humaines sur les besoins opérationnels stratégiques, j’ai décidé d’ajuster la structure interne du Cedefop. Le poste que vous occupez sera transféré aux domaines opérationnels. Les tâches que vous exécutez seront effectuées selon d’autres arrangements internes, avec l’aide d’autres organes de l’Union et d’une expertise juridique externe.

Ma décision a été prise après avoir soigneusement pris en considération de nombreux aspects. Parmi ceux-ci figurent les développements prévus dans le document de programmation 2017-2020 du Cedefop, qui exprime la préoccupation selon laquelle les contraintes budgétaires en termes de ressources financières et humaines doivent être réexaminées, étant donné le risque croissant que le Cedefop ne soit pas en mesure de respecter les divers mandats et demandes dans les circonstances actuelles. J’ai soigneusement examiné la correspondance entre nous et les lettres de votre avocat ainsi que les remarques de vos collègues dans leur mémorandum commun du 9 mars 2017. J’ai également dûment pris en considération votre condition professionnelle et personnelle et les perspectives de votre carrière.

Indépendamment de cela, je crains que la façon dont vous avez traité votre cas, en impliquant le personnel et le conseil de direction et en m’intimidant par le biais d’arguments juridiques, notamment en suggérant que j’étais “obligé” de renouveler votre contrat, ainsi que d’autres considérations d’opportunité ne me laissent aucune place pour le renouvellement de votre contrat.

J’aurais de loin préféré que vous abordiez la question avec moi de manière objective et étayée, comme vous l’étiez et êtes toujours bienvenue à le faire.

C’est précisément dans ce contexte de confiance personnelle que je vous ai invitée à discuter de la question avec moi sans la présence d’une tierce personne. Cependant, votre comportement persistant depuis notre rencontre du 14 février 2017 m’a fait perdre toute confiance en vous, érigeant entre nous un mur rendant toute coopération future impossible, en particulier dans la cadre d’une relation extrêmement sensible comme celle entre le directeur et le conseiller juridique ».

 Événements survenus après l’adoption de la décision du 12 mai 2017 et jusqu’à l’introduction de la réclamation

42      Par note du 15 mai 2017, la directrice adjointe a demandé au directeur de revenir sur la décision du 12 mai 2017 en mettant en avant les risques encourus par le Cedefop ainsi que les performances excellentes et le comportement exemplaire de la requérante.

43      Par note du 16 mai 2017, le comité du personnel du Cedefop, qui n’avait pas été informé de l’existence de la décision du 12 mai 2017, a adressé au directeur une note lui indiquant que la requérante n’avait toujours pas été informée de sa décision concernant le renouvellement de son contrat et lui rappelant que le renouvellement devait être effectué au plus tard six mois avant la date d’expiration du contrat. Le comité a également indiqué qu’il était au courant de sa récente décision de créer un groupe de travail sur le service juridique afin de rechercher des gains d’efficacité et d’explorer d’autres moyens de fournir des services juridiques. Toutefois, compte tenu notamment du fait que les résultats finaux de l’analyse de ce groupe de travail ne seraient disponibles qu’à la mi-juin 2017, près de cinq mois avant la date d’expiration du contrat de la requérante, le comité du personnel a demandé au directeur de confirmer si une décision de non-renouvellement avait déjà été prise et quels étaient les motifs de cette décision ; si les résultats du groupe de travail concerné avaient été pris en compte et ; en cas de non-renouvellement, comment le directeur pouvait assurer la continuité du service juridique tout en respectant les normes de légalité et de régularité requises.

44      Par note du 24 mai 2017, le directeur a répondu au comité du personnel qu’il avait décidé de ne pas renouveler le contrat de la requérante. Plus précisément, il a indiqué ce qui suit :

« Dans le cadre de cette décision, j’ai soigneusement examiné de nombreuses questions, parmi lesquelles les développements prévus dans le document de programmation 2017-2020 du Cedefop, qui exprime la crainte que les contraintes budgétaires en termes de ressources financières et humaines doivent être réexaminées, car il existe un risque croissant que le Cedefop ne sera plus capable de remplir les divers mandats et demandes dans les circonstances actuelles. J’ai également pris en compte les conclusions initiales sur l’évaluation du service juridique. Je suis actuellement en train d’explorer différentes manières de structurer sa fonction juridique pour que le Cedefop assure la légalité, la régularité et l’obligation de rendre compte […] »

45      Le 7 juin 2017, le groupe de travail relatif au service juridique du Cedefop a publié ses conclusions préliminaires sur l’évaluation des risques. Le groupe a conclu ce qui suit :

« L’externalisation de tous les services juridiques à obtenir sur le marché et le manque d’avocat spécialisé en interne entraîneraient plusieurs risques pour le Cedefop qui ont été jugés critiques et qui, en tant que tels, nécessiteraient d’être inclus dans le plan de gestion des risques, qui fait partie intégrante du programme de travail. Ces risques portent, notamment, sur :

a) une incertitude financière accrue et des coûts plus élevés pour le Cedefop […] par rapport à la présence d’un expert juridique dédié en interne qui est responsable des conseils juridiques fournis, ce qui impliquerait inévitablement l’identification de priorités négatives dans d’autres domaines d’activité (risque financier élevé) ;

b) une efficience réduite en termes de délais de réponse plus longs des avocats externes aux requêtes du Cedefop, qui peuvent avoir un impact sur la capacité du Centre à respecter ses délais (statutaires) et, plus généralement, sa capacité à atteindre des résultats (risque pour sa réputation et risque juridique élevés) ;

c) l’efficacité, y compris l’incapacité d’effectuer en interne un contrôle de qualité approprié des services juridiques fournis par des avocats externes, une perte de culture interne et de la sensibilité à la régularité, à la conformité et au cadre antifraude, le manque d’indépendance des services juridiques fournis, ce qui entraîne un risque accru de non-conformité, d’irrégularités et d’erreurs (risques élevés d’irrégularité, risques pour la réputation et risques juridiques).

Enfin, à court terme, notamment au vu de l’absence actuelle du chef des ressources humaines et du chef des ressources/de l’administration, l’externalisation du service juridique interne crée un risque systémique critique pour le Cedefop de ne pas être en mesure d’assurer la continuité de ses travaux jusqu’à ce que le nouvel arrangement soit connu et pleinement mis en œuvre (le temps que cela prendra est également incertain à la lumière de l’expérience récente en matière de recrutement).

Il convient de noter que, pour plusieurs des risques identifiés lors de l’exercice d’analyse des risques, la faisabilité réelle des mesures d’atténuation proposées est discutable et doit être analysée. Cela concerne en particulier l’obtention de services juridiques externes auprès d’un pool de cabinets d’avocats pour compenser l’absence d’un avocat spécialisé en interne. »

46      Par lettre du 15 juin 2017, l’un des chefs de département du Cedefop a retiré son soutien à la note du 9 mars 2017 que les six chefs de département avaient adressée au directeur pour exprimer leur préoccupation concernant l’externalisation du service juridique.

47      Le 15 juin 2017, la requérante a reçu l’évaluation officielle de sa performance professionnelle pour l’année 2016. L’évaluation concluait qu’elle avait « travaillé de manière constante avec un haut degré d’efficacité, de professionnalisme et de précision, et […] qu’elle possédait les connaissances, les aptitudes et les compétences requises pour effectuer son travail à un niveau élevé et donnant pleine satisfaction à toutes les personnes concernées ».

48      En vue de la réunion du bureau du conseil de direction du Cedefop des 29 et 30 juin 2017, le directeur a transmis au bureau deux documents d’analyse, à savoir selon les mots employés par le directeur « le rapport préliminaire du groupe de travail chargé de réexaminer l’administration du Cedefop » et « la note et le rapport intermédiaire du directeur sur la base des informations recueillies auprès du groupe de travail chargé du réexamen du service juridique ».

49      Le deuxième de ces documents d’analyse transmis au bureau comporte deux parties : l’une est intitulée « Note du directeur concernant le réexamen du service juridique » et la seconde « Réexamen du service juridique interne du Cedefop – rapport intermédiaire ». Dans la première partie, qui correspond pour l’essentiel au « Résumé » figurant dans la deuxième partie,  le directeur indiquait ce qui suit :

« […]      2. Au début de l’année 2017, la procédure de recrutement infructueuse du chef de la direction des ressources et des services administratifs et le départ soudain de la directrice des ressources humaines ont déclenché la décision de restructurer les services de soutien administratif, y compris les services juridiques, en vue de transférer des ressources vers les domaines opérationnels.

3.      Un réexamen interne de l’administration a été proposé au bureau lors de sa réunion du 17 mars 2017. Le bureau a accepté et demandé des résultats pour la réunion du conseil de direction en octobre 2017. À l’issue de discussions avec des collègues, il a été convenu de séparer l’examen administratif de l’examen du service juridique et deux groupes de travail distincts ont été créés.

Examen du service juridique

4.      Le but du réexamen est : “de s’efforcer de réaliser des gains d’efficacité et d’explorer la faisabilité d’autres moyens de fournir des services juridiques tout en respectant les normes de légalité et de régularité requises.”

[…]

6.      Les principales conclusions du rapport intermédiaire [note de bas de page dans l’original : « Un projet de rapport intérimaire a été fourni par le directeur le 11 mai 2017 »] sont les suivantes :

–        Les conditions exigeant la mise en place du service juridique dans sa forme actuelle – à savoir les préoccupations concernant la légalité à la suite d’une enquête de l’OLAF et des accusations pesant sur le personnel du Cedefop – n’existent plus.

–        Il est prouvé que le bilan solide du Cedefop en ce qui concerne le respect de la légalité, etc. n’est pas atteint principalement grâce aux nombreux systèmes que le Cedefop a mis en place et aux membres de son personnel qui suivent et mettent en œuvre des lignes directrices et des procédures pour les contrôles ex ante et ex post en matière de finances et de ressources humaines.

–        Il n’y a aucune raison de supposer que l’indépendance des conseils juridiques serait compromise par des changements affectant le service juridique actuel. Bien que la connaissance des règles et procédures soit largement répandue au sein du Cedefop, notamment dans son administration, le service juridique actuel est fortement centralisé. Par exemple, il n’existe pas de mécanisme de sauvegarde en cas d’absence du conseiller juridique.

–        Le coût du service juridique actuel – environ 195 000 euros par an (ressources humaines comprises) – apparaît disproportionné pour une agence de la taille du Cedefop. L’évaluation des risques plaide dans le sens qu’il n’est pas nécessaire que le Cedefop conserve le service juridique dans sa forme actuelle.

–        Il est possible de modifier la structure du service juridique interne du Cedefop pour répondre à ses besoins tout en réduisant son coût.

7.      Le rapport suggère également que tout service juridique modifié du Cedefop devrait :

–        fournir un accès rapide à des conseils juridiques en cas de besoin ;

–        veiller à ce que les conseils juridiques reflètent une compréhension du contexte du Cedefop ;

–        avoir un système de coordination clair ;

–        systématiser les échanges d’expertise avec les institutions et agences de l’UE en matière de conseils juridiques sur les questions qui leur sont toutes communes (procédures, règlements d’application, etc.) ;

–        renforcer l’indépendance en évitant de concentrer les conseils juridiques en un seul point de connaissance ;

–        avoir un système de sauvegarde ;

–        être soutenu par une expertise renforcée en matière d’audit interne.

Mesures visant à renforcer le service juridique du Cedefop

8.      Les discussions avec le [service d’audit interne de la Commission] ont montré qu’il n’existait pas de modèle unique de service juridique dans les agences. Il appartient aux agences de décider quelles structures conviennent le mieux à leurs besoins.

9.      Il n’y a pas de solution unique parmi les agences de l’UE sur la manière d’assurer un service juridique interne. Un aperçu des autres agences de l’UE a révélé une multitude/une gamme variée de services, allant des conseillers juridiques uniques aux juristes (grades inférieurs) [ou] à une combinaison de services juridiques/administratifs. Certaines agences n’ont aucun service juridique interne.

10.      L’objectif est que le Cedefop ait un service juridique interne rentable, allégé, proportionné à sa mission et qui apporte un soutien au personnel en matière de ressources humaines, de finances et de passations de marchés.

11.      Plusieurs mesures sont prévues pour renforcer le service juridique interne du Cedefop, qui permettront de répercuter des économies dans les services opérationnels et de tenir compte des conclusions du rapport intermédiaire sur l’examen du service juridique. Celles-ci incluent :

–        maintenir et renouveler la confiance envers les collègues travaillant dans les domaines des ressources humaines, des finances et des passations de marchés, qui sont très professionnels et limitent considérablement les risques et les irrégularités ;

–        recruter un chef du département des ressources et des services administratifs et un chef des ressources humaines ayant une formation juridique. Les personnes en charge se soutiendront mutuellement et représenteront le Cedefop au sein de l’IALN, le réseau professionnel des conseillers juridiques de l’Union ;

–        continuer à utiliser le cabinet d’avocats grec actuellement sous contrat avec le Cedefop pour des services de contentieux auprès des tribunaux grecs ou de l’administration grecque, y compris la police ; ils pourraient également être utilisés pour des questions peu fréquentes telles que les affaires impliquant le Médiateur européen, les protocoles d’accord, les questions contractuelles ;

–        maintenir des accords avec certains avocats externes dans de rares cas de litiges impliquant des questions de personnel ou des questions liées à l’administration européenne ;

–        explorer les moyens de systématiser les échanges d’expertise avec les institutions et agences de l’UE en matière de conseils juridiques sur des questions qui leur sont communes (procédures, règlements d’application, etc.) ;

–        établir un accord de niveau de service avec une agence de l’UE pour partager les services juridiques et fournir des conseils adaptés aux besoins organisationnels de l’UE, en particulier en ce qui concerne l’application des règlements, la communication avec le personnel et les personnes extérieures sur les problèmes juridiques, les mesures d’éthique et d’intégrité ;

12.      Ces mesures assureraient un service juridique interne solide, offriraient un rapport coût/efficacité satisfaisant et établiraient un système d’appui pour les conseils juridiques. Elles élimineraient également un processus interne établi de recours aux conseils juridiques pour les questions qui pourraient être résolues au niveau procédural/relationnel. Surtout, elles garantiraient que la légalité, la régularité et la conformité restent la pierre angulaire de la culture de gestion du Cedefop.

Prochaines étapes

13.      Le réexamen du service juridique se poursuivra. Des informations financières sont encore en train d’être recueillies et les conclusions seront examinées. Les propositions finales seront présentées au conseil de direction en octobre. »

50      Le 27 juin 2017, l’avocat de la requérante a adressé une lettre à la présidente du conseil de direction du Cedefop pour l’informer des événements survenus depuis la lettre du 14 mars 2017. La lettre indiquait notamment ce qui suit :

« Tous les services appartenant à l’administration du Cedefop ont un effectif significativement plus élevé que le service juridique composé d’une conseillère juridique et d’un assistant […] Il est incompréhensible que le directeur ait décidé de supprimer un service essentiel composé d’un seul expert juridique alors que tous les autres services n’ont pas été examinés, dont la plupart sont certainement très coûteux par rapport au service juridique, également en prenant en compte uniquement les frais de personnel.

Il convient de noter que le directeur a soustrait la direction [du Cedefop] à l’examen effectué par le groupe de travail sur l’administration une fois qu’il était clair qu’il créerait un groupe de travail distinct sur le réexamen du service juridique, ce dernier faisant partie de la direction. Il a en outre décidé à ce stade que les résultats du groupe de travail sur l’administration ne seraient dus qu’en septembre, par opposition à la date d’échéance initiale début mai lorsque la direction, et donc le service juridique, relevait toujours du groupe de travail sur l’administration. Il a également décidé de ne pas attendre les conclusions du groupe de travail sur l’administration pour se prononcer sur le non-renouvellement du contrat de mon client […] »

51      Les 29 et 30 juin 2017, le bureau du conseil de direction du Cedefop s’est réuni. Ses membres ont discuté de l’avenir du service juridique interne. Compte tenu du fait que les travaux du groupe de travail sur le service juridique étaient toujours en cours et eu égard à l’évaluation des risques finalisée le 7 juin 2017, qui avait conclu que la suppression du service juridique interne impliquerait des risques considérables, la présidente du bureau a constaté ce qui suit :

« [L]es membres […] ont conseillé au Cedefop de demander rapidement le soutien d’un expert externe. Une proposition, comprenant l’évaluation de l’expert externe, devrait être prête pour la prochaine rencontre du conseil de direction. Deux postes étaient vacants et, en novembre, il n’y aurait plus de service juridique. Une décision devait être prise rapidement. »

52      Le 14 juillet 2017, le directeur a répondu à la lettre du 27 juin 2017 de l’avocat de la requérante. Cette réponse contenait notamment les propos suivants :

« Je prends note de la persistance de votre client à continuer de s’adresser au conseil de direction malgré ma lettre [de] mars 2017. Par ailleurs, vous vous référez aux discussions internes du bureau élargi sans nommer votre source et avec le seul objectif de discréditer l’[AHCC] aux yeux des membres du bureau élargi. Vous corroborez ainsi l’une des bases de la décision de non-renouvellement en cause […] »

53      Le 9 août 2017, la requérante a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de la décision du 12 mai 2017 auprès de la commission de recours du Cedefop, qui en a accusé réception le 10 août 2017.

 Événements survenus après l’introduction de la réclamation et jusqu’à l’adoption de la décision de rejet de la réclamation

54      Le 28 septembre 2017, le service d’audit interne (ci-après le « SAI ») de la Commission a publié une note intitulée « Mission de consultation confiée au SAI concernant le réexamen par le Cedefop des gains d’efficacité de son service juridique – Résultats définitifs ». Le SAI y explique que, le 13 juillet 2017, le Cedefop a sollicité son avis sur l’évaluation des risques qu’il avait réalisée dans le cadre du réexamen des gains d’efficacité de son service juridique. À cet égard, le SAI conclut comme suit :

« Malgré l’approche méthodologique globale raisonnable […] et le rapport intermédiaire du directeur, nous avons constaté que la mise en œuvre concrète de cette approche et la façon dont l’évaluation des risques a été menée (c’est-à-dire un groupe de travail dysfonctionnel, qui a limité ses sources et échoué à se mettre d’accord sur les résultats, les lacunes dans les sources utilisées et dans le processus de consultation) ont affecté la qualité et la fiabilité des résultats définitifs. En outre, les nombreuses lacunes dans les hypothèses, auxquelles s’ajoutent des données utilisées de faible qualité et incomplètes, rendent l’analyse coûts-avantages incomplète et, par conséquent, insuffisante pour étayer une décision motivée.

Le SAI considère que l’évaluation comparative des risques et l’analyse coûts-avantages sont de qualité et de complétude insuffisantes pour constituer la base raisonnable d’une décision de gestion en ce qui concerne la réorganisation du service juridique du Cedefop.

En l’absence d’un service juridique pleinement opérationnel, du fait de la décision de ne pas renouveler le contrat du conseiller juridique actuel et de la mise en œuvre partielle des mesures d’atténuation, nous attirons votre attention sur la situation à haut risque à laquelle le Cedefop pourrait être exposé à partir de novembre 2017 […] »

55      Le même jour, le 28 septembre 2017, le directeur a adressé une lettre au directeur général du SAI, se déclarant « très déçu » de la publication de la note du SAI ce jour-là, car, « bien que cela soit conforme au calendrier initial », il s’attendait à une publication le 29 septembre suivant, après que le SAI avait reçu les commentaires du Cedefop sur le projet de conclusions de cette note.

56      Le 29 septembre 2017, le directeur général du SAI a répondu à cette lettre du directeur dans les termes suivants :

« [L]’étendue des missions de consultation doit être clairement définie et convenue. Dans le cas présent, ce qui a été convenu est l’examen de deux documents qui nous ont été fournis le 11 septembre 2017. Pour respecter les délais en vue de la réunion de votre conseil de direction des 5-6 octobre, un calendrier serré a été convenu pour notre projet de note et pour la note finale, ainsi que pour la réception de vos commentaires. Le SAI a respecté ses délais et attendu un jour supplémentaire pour recevoir vos commentaires.

Le fait que vous suggérez que [l’un des directeurs du SAI] a convenu de n’envoyer le document final que le 29 septembre 2017 semble résulter d’un malentendu. Lorsque le SAI a été informé par [les services du Cedefop] que la nouvelle version [des documents initialement soumis au SAI] avait déjà été envoyée au conseil de direction, alors que selon le calendrier d’origine, elle aurait dû être envoyée avec la note du SAI, l’équipe du SAI a finalisé la note comme prévu afin de s’assurer que cette note parvienne au conseil de direction avant la réunion [des 5-6 octobre 2017]. »

57      Par ailleurs, le directeur général du SAI a expliqué que le SAI n’avait pas convenu d’analyser les versions ultérieures des documents faisant l’objet de cette consultation. Il a toutefois relevé que l’équipe du SAI avait procédé à un examen limité de la version ultérieure communiquée le 23 septembre 2017 au SAI et au conseil de direction et que cela avait été reflété dans la note finale du SAI sous la rubrique intitulée “Développements après les travaux sur le terrain” (post-fieldwork developments). »

58      Le 29 septembre 2017, le directeur général de la direction générale (DG) de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion de la Commission a communiqué une note à la présidente du conseil de direction du Cedefop, contenant l’analyse du service juridique de la Commission sur les compétences du conseil de direction et du directeur concernant les réorganisations, ainsi que cela avait été demandé lors de la réunion des 29 et 30 juin 2017. Cette analyse indique ce qui suit :

« [L]e rôle du conseil de direction est de définir les grandes orientations stratégiques de l’Agence, notamment par l’adoption des priorités à moyen terme et du programme de travail annuel, et de suivre leur mise en œuvre. Le règlement fondateur prévoit explicitement que le directeur est “responsable de la gestion du Centre” et de “toutes les questions de personnel”, compétences qui ne sont donc pas attribuées au conseil de direction. Il en résulte que le directeur est habilité à décider de la structure organisationnelle du Cedefop. »

59      Le 3 octobre 2017, l’avocat de la requérante a adressé une lettre au directeur, lui demandant de retirer, par écrit et oralement lors de la réunion du conseil de direction du Cedefop des 5 et 6 octobre 2017, l’allégation de « problèmes comportementaux » qui auraient conduit à une « perte de confiance », telle que cette allégation aurait été formulée lors de la réunion des 29 et 30 juin 2017, ainsi que l’allégation figurant dans la documentation distribuée aux membres du conseil de direction selon laquelle la requérante n’aurait pas respecté les règles applicables aux marchés publics. De telles allégations non seulement ne seraient pas fondées, mais porteraient également atteinte à la bonne réputation de la requérante auprès des plus de 90 membres du conseil de direction ainsi qu’auprès de la direction et du personnel du Cedefop.

60      Les 5 et 6 octobre 2017, le conseil de direction du Cedefop a tenu sa réunion annuelle. L’ordre du jour prévoyait notamment une discussion sur l’évaluation du service juridique interne du Cedefop, notamment sur la base du rapport final du groupe de travail relatif au service juridique. À la suite d’une discussion lors de laquelle plusieurs participants ont soulevé des doutes quant à la solution préconisée par le directeur, la présidente a conclu que l’exercice d’évaluation des risques et d’analyse coût-efficacité serait complété et amélioré par les différents éléments de toutes les discussions, antérieures et actuelles, ainsi que par les résultats finaux des travaux du SAI et la lettre du directeur général de la DG de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion de la Commission du 29 septembre 2017. Cet exercice devrait être accompli avec le SAI ou un contractant externe (un auditeur). Le directeur devait présenter les nouveaux résultats au bureau le 5 décembre 2017. Il devait également avoir une interaction avec les membres du bureau avant cette date.

61      Lors de cette même réunion, le conseil de direction du Cedefop a procédé au vote s’agissant du renouvellement du mandat du directeur, qui n’a pas reçu la majorité absolue des votes requise par le règlement fondateur du Cedefop.

62      Le 25 octobre 2017, la requérante a été conviée à une audition devant la commission de recours du Cedefop.

63      Par lettre du 13 novembre 2017, l’avocat de la requérante a annoncé que cette dernière ne participerait pas à ladite audition.

64      Le 13 novembre 2017, la requérante a introduit une « mise à jour » de la réclamation du 9 août 2017, afin de la compléter et de développer certains des arguments à la lumière de faits nouveaux et supplémentaires.

65      Les 16 et 17 novembre 2017, la commission de recours du Cedefop s’est réunie au sujet de la réclamation introduite par la requérante le 9 août 2017. Au cours de cette réunion, elle a reçu et entendu la supérieure hiérarchique de la requérante, à savoir la directrice adjointe, et le directeur, en tant qu’autorité compétente pour l’adoption de la décision du 12 mai 2017.

66      Le 27 novembre 2017, le cabinet de consultants mandaté par le Cedefop a rendu son rapport final sur le réexamen du service juridique interne du Cedefop.

67      Par décision du 1er décembre 2017, la commission de recours a rejeté la réclamation de la requérante, comme non fondée (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

68      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 mars 2018, la requérante a introduit le présent recours.

69      Par lettre du même jour, la requérante a demandé le bénéfice de l’anonymat, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, lequel lui a été accordé.

70      Le 6 septembre 2018, le Cedefop a déposé le mémoire en défense.

71      Le 30 octobre 2018 et le 7 janvier 2019, la réplique et la duplique ont été respectivement déposées au greffe du Tribunal.

72      Les parties n’ont pas demandé la tenue d’une audience de plaidoiries au titre de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure. Le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire et décide, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sur le recours sans phase orale de la procédure.

73      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler  la décision du 12 mai 2017 ;

–        annuler, « en tant que de besoin », la décision de rejet de la réclamation ;

–        ordonner la réparation de son dommage matériel et de son dommage moral, évalué ex æquo et bono à 120 000 euros ;

–        condamner le Cedefop aux dépens.

74      Le Cedefop conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

75      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (arrêt du 13 décembre 2018, CN/Parlement, T‑76/18, non publié, EU:T:2018:939, point 39 ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8).

76      Cependant, lorsque la décision de rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée, notamment lorsqu’elle modifie la décision initiale ou lorsqu’elle contient un réexamen de la situation de la partie requérante en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux qui, s’ils étaient survenus ou avaient été connus de l’autorité compétente avant l’adoption de la décision initiale, auraient été pris en considération, le Tribunal peut être amené à statuer spécifiquement sur les conclusions formellement dirigées contre la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 32 et jurisprudence citée).

77      En l’espèce, outre l’annulation de la décision du 12 mai 2017, la requérante demande au titre de son deuxième chef de conclusions, « en tant que de besoin », l’annulation de la décision de rejet de la réclamation. Or, cette décision n’est pas purement confirmative de la décision du 12 mai 2017, puisque la commission de recours du Cedefop a pris position au regard d’éléments nouveaux.

78      Plus précisément, la commission de recours du Cedefop se réfère à des éléments de fait nouveaux, par exemple lorsqu’elle examine le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation du directeur. Elle tient ainsi compte des faits suivants, tous intervenus postérieurement à l’adoption de la décision du 12 mai 2017 : premièrement, les explications du directeur lors de la réunion des 16 et 17 novembre 2017, deuxièmement, le rapport préliminaire du groupe de travail concernant le service juridique, en date du 7 juin 2017, troisièmement, la note du SAI du 28 septembre 2017 et quatrièmement, la lettre du 15 juin 2017 par laquelle l’un des chefs de département du Cedefop a retiré son soutien à la note du 9 mars 2017 que les six chefs de département avaient adressée au directeur.

79      Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner tant les conclusions en annulation de la décision du 12 mai 2017 que celles tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, points 35 à 37, et du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 71).

80      Enfin, la décision de rejet de la réclamation précise certains aspects de la motivation de la décision du 12 mai 2017. Par conséquent, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, cette motivation devra également être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision du 12 mai 2017, cette motivation étant censée coïncider avec ce dernier acte (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 55 et 56 et jurisprudence citée).

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité du recours

81      Au point 116 du mémoire en défense, le Cedefop conclut à ce que le recours en annulation soit rejeté comme irrecevable et, en tout état de cause, à ce qu’il soit rejeté.

82      Dans la mesure où, dans ses écritures, le Cedefop n’avance aucun argument au soutien de l’irrecevabilité du recours, cette fin de non-recevoir doit être rejetée.

 Sur la recevabilité d’un des griefs du premier moyen tiré de la violation du droit d’être entendu

83      Au point 35 du mémoire en défense, le Cedefop soulève l’irrecevabilité d’un des griefs que la requérante invoque dans le cadre du premier moyen, à savoir le fait qu’elle n’aurait pas été entendue sur la question de la perte de confiance à laquelle le directeur se réfère dans la décision du 12 mai 2017. Selon le Cedefop, ce grief n’a pas été soulevé dans la réclamation et, par conséquent, est irrecevable.

84      À cet égard, il convient de rappeler que la règle de concordance entre la réclamation et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AHCC ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. Ainsi, dans les recours formés par des agents de l’Union, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, points 71 et 73 et jurisprudence citée ; voir, également, arrêt du 16 octobre 2019, ZV/Commission, T‑684/18, non publié, EU:T:2019:748, point 20).

85      Eu égard à cette jurisprudence, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient le Cedefop, le grief en question a été soulevé aux points 5.1 et 5.8 de la réclamation. Il s’ensuit que la fin de non-recevoir tirée de la violation de la règle de concordance entre la réclamation et la requête doit être écartée.

 Sur les conclusions en annulation

86      À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision du 12 mai 2017 et de la décision de rejet de la réclamation (ci-après les « décisions attaquées »), la requérante soulève, en substance, neuf moyens tirés :

–        premièrement, d’une violation du droit d’être entendu ;

–        deuxièmement, d’une violation des droits de la défense et de l’article 26 du statut ;

–        troisièmement, d’une violation du devoir de sollicitude ;

–        quatrièmement, de la violation de l’obligation de motivation ;

–        cinquièmement, de la violation du principe de bonne administration ;

–        sixièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une méconnaissance de l’intérêt du service ;

–        septièmement, d’un détournement de pouvoir ;

–        huitièmement, d’un manque d’impartialité et de la méconnaissance de l’interdiction de tout conflit d’intérêts dans la procédure de réclamation ;

–        neuvièmement, d’une violation de la politique du personnel.

87      Dans un souci d’économie de procédure et dans le respect du principe de bonne administration de la justice, le juge de l’Union peut statuer sur un recours sans devoir nécessairement se prononcer sur l’ensemble des moyens et des arguments formulés par les parties (arrêt du 5 février 2018, Ranocchia/ERCEA, T‑208/16, EU:T:2018:68, point 57). En l’espèce, il convient d’examiner d’abord le sixième, puis le premier et le deuxième moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une méconnaissance de l’intérêt du service

88      En premier lieu, la requérante fait valoir que la décision du 12 mai 2017 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Elle allègue que le directeur a rendu une décision arbitraire, dépourvue de toute justification ou appréciation.  D’une part, les considérations figurant dans la décision du 12 mai 2017 relatives à la réorganisation envisagée n’auraient pas à être appréciées dans le cadre de la décision attaquée, malgré l’accent que l’administration met sur cet aspect dans la décision de rejet de la réclamation. D’autre part, la notion de perte de confiance n’aurait pas été un sujet faisant l’objet d’une appréciation dans la décision du 12 mai 2017, dans la mesure où elle ne constituait ni un motif, ni une justification de cette décision, mais simplement une « remarque », qui ne reposait pas sur une conduite ou un comportement de la requérante, mais sur des « événements » non spécifiés.

89      En second lieu, et du fait de l’absence de toute appréciation, le directeur aurait violé l’article 8 du RAA dans la mesure où il n’aurait à aucun moment agi dans l’intérêt du service, lequel exigeait de renouveler le contrat de la requérante. À cet égard, cette dernière rappelle que, dans le cadre de la réclamation, elle a présenté divers documents en vue de démontrer que le directeur n’avait pas correctement pris en compte l’intérêt du service : les conclusions préliminaires du groupe de travail relatif au service juridique, portant sur l’évaluation des risques et remises le 7 juin 2017 ; l’évaluation du SAI du 28 septembre 2017 concernant le réexamen par le Cedefop des gains d’efficacité de son service et la lettre du 9 mars 2017 signée par six chefs de département du Cedefop.

90      En troisième lieu, dans la réplique, en réponse à l’argument du Cedefop selon lequel l’organisation et le fonctionnement des services sont de la seule compétence du directeur qui est en conséquence habilité à prendre, dans les limites de son pouvoir d’appréciation, des décisions concernant le renouvellement d’un contrat « à la lumière des modification envisagées […] ou à la lumière de la restructuration ultérieure de l’agence », la requérante souligne que ces modifications ou restructurations n’avaient pas encore été mises en place à la date de la décision du 12 mai 2017. Cette constatation ne saurait être infirmée par le document de programmation 2017-2020 du Cedefop (ci-après le « document de programmation »), car ce document ne permettrait pas de corroborer le fait qu’une restructuration ultérieure du service juridique était envisagée. En effet, ce document serait non seulement muet sur le service juridique, mais contiendrait par ailleurs, en annexe, un organigramme qui, en décrivant la fonction de conseil juridique, aurait mis en exergue la pertinence et l’importance du rôle de la requérante.

91      Par ailleurs, selon la requérante, les actions du directeur entre les mois d’avril 2017 et de mai 2018 démontrent que, s’il a défendu son point de vue selon lequel le Cedefop n’avait pas besoin d’un conseiller juridique interne, c’était uniquement pour justifier son projet préconçu de la licencier et il avait en réalité déjà arrêté sa décision de ne pas renouveler son contrat, avant même la constitution du groupe de travail relatif au service juridique.

92      En effet, la requérante souligne que les cadres du Cedefop n’approuvaient pas la suppression du poste de conseiller juridique interne. De surcroît, selon elle, ni la directrice adjointe, ni la directrice du service des ressources humaines, ni le bureau élargi, ni le SAI, ni le conseil de direction du Cedefop n’approuvaient cette suppression. Même les consultants du cabinet mandaté par le Cedefop, pourtant rémunérés et dont l’approbation était escomptée, auraient fait part de leur désaccord.

93      En résumé, la requérante estime qu’aucune base factuelle ne permettait, en tout cas à la date de l’adoption de la décision du 12 mai 2017, d’invoquer une restructuration ultérieure du Cedefop et que les éléments de preuve qu’elle a apportés sont suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration.

94      Le Cedefop fait valoir qu’aucune erreur manifeste d’appréciation n’a été commise et que, par conséquent, le sixième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

95      En premier lieu, le Cedefop s’oppose à la lecture de la décision de rejet de la réclamation faite par la requérante. La commission de recours n’aurait jamais affirmé que la décision du 12 mai 2017 était dépourvue de toute motivation ou appréciation. Bien au contraire, elle aurait indiqué que le directeur avait énoncé les raisons sous-tendant sa décision dans la décision elle-même.  Par ailleurs, le fait que les restructurations n’avaient pas encore été mises en place n’impliquerait pas forcément l’illégalité de la décision du 12 mai 2017. En effet, dans la mesure où le Cedefop bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation aux fins de déterminer l’intérêt du service, il était habilité à prendre des décisions concernant le renouvellement d’un contrat à la lumière des modifications envisagées dans ses unités administratives ou à la lumière de sa restructuration ultérieure.

96      En deuxième lieu, le Cedefop fait valoir que la motivation avancée dans la décision du 12 mai 2017 était plausible et n’était pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Par ailleurs, la commission de recours aurait considéré à juste titre que la réclamation était dirigée contre la décision de non-renouvellement du contrat de la requérante et non contre le réexamen du service juridique.

97      Tout d’abord, dans la décision du 12 mai 2017, pour démontrer les pressions sur les ressources du Cedefop, le directeur s’est référé au document de programmation. Selon ce document, « le manque de personnel de plus en plus aigu devra être réglé par des priorités négatives claires ou au moyen de personnel supplémentaire ». Le document ajoute que « les initiatives suivantes sont prévues pour 2017-2020 : [...] (b) utilisation de contrats-cadres (de la Commission), dans la mesure du possible, afin de réduire les frais administratifs ; [...] (f) utiliser, le cas échéant, le catalogue interinstitutionnel de services partagés ». Le point 119 du document de programmation indique que « des priorités négatives spécifiques (supplémentaires) pour les années à venir doivent, par définition, être identifiées de manière flexible pour répondre à l’environnement politique dynamique ».

98      Le Cedefop déduit de ce qui précède que, contrairement à ce que relève la requérante, il a expressément déclaré que ces priorités négatives supplémentaires pouvaient être identifiées sans forcément exclure ou cibler un poste budgétaire spécifique ou encore un service ou un département particulier. Le Cedefop était donc habilité à prendre une décision pour répondre aux contraintes budgétaires à venir et l’AHCC demeurait compétente pour prendre des décisions relatives aux besoins stratégiques et aux changements affectant la structure interne.

99      En troisième lieu, le Cedefop fait valoir que la décision de non-renouvellement du contrat de la requérante devait être adoptée au plus tard six mois avant la fin de ce contrat. Par conséquent, le directeur devait fonder sa décision sur les éléments dont il disposait à ce moment-là. Le Cedefop estime que le directeur pouvait légitimement considérer que le renouvellement du contrat de la requérante ne serait pas dans l’intérêt du service, notamment sur la base des éléments suivants :

–        les pressions sur les ressources du Cedefop et la nécessité constante d’aligner les ressources humaines sur les besoins opérationnels stratégiques, comme cela est indiqué dans le document de programmation ;

–        les frais d’administration, représentant un montant annuel de 5,5 millions d’euros, auquel il faut ajouter un montant de 195 000 euros pour le service juridique (selon le Cedefop, ce chiffre représente une moyenne au cours de la période 2008/2016 et inclut les salaires du personnel du service juridique, à savoir un poste de conseiller juridique et un poste de secrétaire/assistant), ce qui représente environ 32 % du budget total du Cedefop ;

–        le fait que le législateur de l’Union met régulièrement en évidence les avantages des services partagés entre agences, « qui permettent une application cohérente des normes d’exécution et des procédures administratives relatives aux ressources humaines et aux questions de financement, ainsi que les gains potentiels concernant l’efficacité et le rapport coût-efficacité que le partage des services entre agences peut favoriser, en particulier si l’on tient compte des réductions de budget et de personnel auxquelles les agences sont confrontées » [voir document du Parlement européen P8_TA-PROV(2018)0133, « Décharge 2016 : performance, gestion financière et contrôle des agences de l’UE » ;

–        le fait qu’un examen de l’administration et du service juridique était sur le point de commencer et que les conclusions tirées d’un tel examen auraient très probablement un impact sur la structure interne des services ;

–        le fait que le renouvellement du contrat de la requérante entraînerait la conclusion d’un contrat à durée indéterminée.

100    En quatrième lieu, s’agissant des divers documents présentés par la requérante en vue de démontrer que le directeur n’avait pas correctement pris en compte l’intérêt du service, le Cedefop fait valoir que, comme la commission de recours l’a déclaré à juste titre, l’objectif de l’examen du groupe de travail sur le service juridique n’était pas de déterminer si le contrat de la requérante devait être renouvelé.

101    En cinquième lieu, il ne saurait être légitimement soutenu que tous les acteurs concernés du Cedefop s’opposaient à l’éventualité d’une restructuration du service juridique, dans la mesure où le bureau élargi et le conseil de direction ne se sont pas formellement opposés à cette éventualité. En tout état de cause, les pouvoirs de gestion du Cedefop, ainsi que le pouvoir de décider du renouvellement d’un contrat, demeuraient entre les mains du directeur, ce dernier étant responsable de toutes les questions relatives au personnel, conformément à l’article 7 du règlement no 337/75.

102    Tout d’abord, il convient de constater que, conformément à l’article 7 du règlement no 337/75, le directeur était l’autorité compétente pour le renouvellement du contrat de la requérante.

103    Ensuite, si l’article 8 du RAA prévoit la possibilité de renouveler un contrat d’agent temporaire, il ne s’agit pas d’un droit, mais d’une simple faculté laissée à l’appréciation de l’autorité compétente. En effet, selon une jurisprudence constante, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont dévolues et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition cependant que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service (voir arrêt du 7 mai 2019, WP/EUIPO, T‑407/18, non publié, EU:T:2019:290, point 57 et jurisprudence citée).

104    À cet égard, il convient de rappeler que l’organisation et le fonctionnement du service sont de la seule compétence de l’institution et que c’est l’autorité hiérarchique qui est seule responsable de l’organisation des services. Il incombe à elle seule d’apprécier les besoins du service en affectant, en conséquence, le personnel qui se trouve à sa disposition (voir arrêt du 11 juillet 1997, Cesaratto/Parlement, T‑108/96, EU:T:1997:115, point 48 et jurisprudence citée).

105    En effet, les institutions et les agences de l’Union ont la liberté de structurer leurs unités administratives en tenant compte d’un ensemble de facteurs, tels que la nature et l’ampleur des tâches qui leur sont dévolues et les possibilités budgétaires. Cette liberté implique celle de supprimer des emplois et de modifier l’attribution des tâches, dans l’intérêt d’une plus grande efficacité de l’organisation des travaux ou en vue de répondre à des exigences budgétaires de suppression de postes imposées par les instances politiques de l’Union, de même que le pouvoir de réassigner des tâches précédemment exercées par le titulaire de l’emploi supprimé, sans que cette suppression de l’emploi soit nécessairement soumise à la condition que l’ensemble des tâches imposées soient effectuées par un nombre moins important de personnes qu’avant la réorganisation. D’ailleurs, la suppression d’un emploi n’implique pas obligatoirement la caducité des tâches qu’il comportait (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 103 et jurisprudence citée).

106    De même, l’administration jouit d’un large pouvoir d’appréciation en matière de renouvellement de contrats et, dans ce contexte, le contrôle du juge se limite à la question de savoir si, eu égard aux voies et aux moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, non publié, EU:T:2018:938, points 47 et 95 et jurisprudence citée).

107    À cet égard, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son pouvoir d’appréciation. Établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise sur la base de cette appréciation suppose donc que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme étant justifiée et cohérente (voir arrêt du 13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, non publié, EU:T:2018:938, point 96 et jurisprudence citée).

108    En l’espèce, il ressort du libellé de la décision du 12 mai 2017 que le directeur a invoqué deux raisons pour justifier le non-renouvellement du contrat de la requérante : l’une portant sur les contraintes budgétaires et l’autre sur le comportement de la requérante. Toutefois, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation doit être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision de non-renouvellement du contrat (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 55 et 56 et jurisprudence citée). Or, il apparaît dans la décision de rejet de la réclamation que, selon la commission de recours, la perte de confiance ne figurait pas parmi les éléments pris en compte par le directeur lors de l’examen de l’éventuel renouvellement du contrat. Par ailleurs, il ressort de cette même décision et de la décision du 12 mai 2017 elle-même, que, outre les « contraintes budgétaires », deux autres éléments ont été pris en compte par le directeur dans la décision du 12 mai 2017 : la note du 9 mars 2017 des six chefs de département du Cedefop et l’intérêt de la requérante.

109    C’est à la lumière de ces clarifications apportées par la décision de rejet de la réclamation, notamment à l’égard de ces trois éléments, qu’il y a lieu de vérifier si le directeur a commis des erreurs manifestes d’appréciation en adoptant la décision du 12 mai 2017.

–       Sur les contraintes budgétaires

110    À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, que la décision du 12 mai 2017 se réfère au document de programmation qui, d’après le directeur, « exprime la préoccupation selon laquelle les contraintes budgétaires en termes de ressources financières et humaines doivent être réexaminées, étant donné le risque croissant que le Cedefop ne soit pas en mesure de respecter les divers mandats et demandes dans les circonstances actuelles ».

111    Ensuite, la commission de recours a noté que ce motif avait été invoqué pour établir « l’intérêt du service » et que, « lors de l’audition des 16 et 17 novembre 2017 devant [elle], le directeur [avait] expliqué que, selon le plan de gestion, une réduction de personnel avait eu lieu[,] que, selon les informations qu’il avait recueillies avant l’adoption de la décision, une très faible proportion de l’activité du service juridique était dirigée vers les services opérationnels » et que, « [a]fin d’atteindre les résultats attendus de l’agence, il [était] nécessaire de se concentrer sur l’activité opérationnelle du Cedefop ».

112    Enfin, la commission de recours a relevé que, lors de l’audition, le directeur, « compte tenu de la position qu’il occup[ait], […] disposait d’un éventail plus large d’éléments lui permettant de prendre des décisions en connaissance de cause, au titre de l’article 7, paragraphe 4, règlement no 337/75 ». Il aurait ainsi fourni des explications sur les « éléments qu’il avait à sa disposition au moment où il a dû adopter la décision attaquée ». Toutefois, la décision de rejet de la réclamation n’explique pas en quoi consistaient ces « éléments qu’il avait à sa disposition ».

113    Il s’ensuit que la seule pièce du dossier invoquée par le Cedefop qui permet de juger si le directeur a usé son pouvoir de manière manifestement erronée est le document de programmation.

114    À cet égard, le document de programmation indique, tout d’abord, au point 2.3.5 intitulé « Gestion et ressources », que « le capital humain et sa gestion sont essentiels à l’efficacité d’une organisation fondée sur la connaissance telle que le Cedefop, et plus encore dans le contexte de coupes budgétaires croissantes » (voir point 71 du document de programmation). En outre, le point 77 du document de programmation indique ce qui suit :

« Dans sa quête continue d’accroître l’efficacité et de réduire la charge administrative, le Cedefop examinera ses processus et étudiera les synergies possibles et les gains d’efficacité au sein de l’organisation. Cela sera soutenu par des initiatives visant à améliorer les moyens de production de rapports électroniques et les outils analytiques pour appliquer la gestion basée sur les activités afin d’optimiser l’utilisation des ressources. »

115    Ensuite, au point 2.4.2 intitulé « Programmation des ressources pour 2017‑2020 », ce même document indique ce qui suit :

« L’estimation du projet de budget 2017-2020 respecte les contraintes budgétaires énoncées dans la communication de la Commission sur la programmation des ressources humaines et financières destinées aux organismes décentralisées pour 2014-2020 (COM (2013) 519 final). En novembre 2016, le Cedefop a reçu des informations sur un ajustement salarial rétroactif étonnamment élevé (+ 3,3 %) qui n’est que légèrement compensé par une nouvelle baisse du facteur de pondération (‑ 0,6 %). Ces chiffres ont entraîné un déficit budgétaire important dans le Titre 1 (frais de personnel) que le Cedefop couvrira en 2017 en élargissant la liste des priorités négatives dans tous les Titres. Le prochain document de programmation pour la période 2018-2020 abordera plus avant l’impact du taux d’ajustement des salaires pour l’année 2018 et au-delà de cette date. Cette évolution récente illustre la vulnérabilité de la planification et de la gestion budgétaire du Cedefop à des facteurs externes qui échappent totalement à son contrôle et à l’égard desquels l’expérience n’est pas un guide fiable. L’impact budgétaire de l’ajustement des salaires de l’année 2016, reporté en 2017 et au-delà de cette date (et éventuellement aggravé par des ajustements comparables au cours des prochaines années), rend le plafond des dépenses du Titre 1 insoutenable et a dû être compensé en fixant des priorités négatives supplémentaires tout au long de la période de programmation […] »

116    En outre, au point 2.4.2.2, intitulé « Ressources humaines », ce même document ajoute notamment que, « [p]our assurer la réactivité de l’Agence aux priorités en évolution et aux nouvelles tâches, il devra être remédié au manque de plus en plus aigu de personnel par des priorités négatives claires ou des ressources humaines supplémentaires » (point 95).

117    Par ailleurs, ce même document relève, sous le titre « Gains d’efficacité » de la partie intitulée « Perspectives en matière de ressources 2017-2020 », ce qui suit :

« La réduction supplémentaire de 5 % liée au pool de redéploiement met l’Agence sous une forte pression pour rationaliser davantage. Bien qu’il y ait une marge résiduelle limitée pour de nouveaux gains d’efficacité substantiels dans le cadre des contraintes réglementaires et de conformité existantes, les initiatives suivantes sont prévues pour la période 2017-2020 : [...] b) l’utilisation dans la mesure du possible d’un contrat-cadre (de la Commission), afin de réduire les frais administratifs ; [...] f) l’utilisation, le cas échéant, du catalogue interinstitutionnel de services partagés [...] » (point 118)

118    Enfin, le point 119 du document de programmation indique ce qui suit :

« Pour l’année 2017 et au-delà de cette date, la direction “Ressources et services administratifs” a fixé des priorités négatives pour absorber l’impact budgétaire de l’ajustement salarial étonnamment élevé de 2016. Celles-ci comprennent : des possibilités de développement professionnel réduites pour le personnel, des ressources minimales pour le programme de mesures écologiques, des mesures sociales réduites et des développements ultérieurs limités des [technologies de l’information et de la communication]. Ces contraintes budgétaires ne seront pas viables au-delà de l’année 2017 et ce déficit croissant compromettra à terme la capacité de l’Agence à remplir sa mission et ses objectifs. Des priorités négatives spécifiques (supplémentaires) pour les années à venir doivent, par définition, être identifiées de manière flexible aux fins de répondre à un cadre d’action nouveau plus dynamique »

119    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que les initiatives et les priorités négatives énumérées dans le document de programmation ne se réfèrent pas à la fonction de conseiller juridique interne. En outre, aucune des dispositions du document de programmation n’offre une base solide pour justifier une éventuelle suppression ou externalisation du service juridique du Cedefop, le contrat d’engagement de la requérante étant étroitement lié au devenir de ce service, puisque ce dernier était pour l’essentiel constitué de la requérante, d’une assistante remplissant les fonctions de secrétaire et d’un poste de stagiaire occupé par un avocat grec.

120    Premièrement, il convient de constater que le document de programmation ne fait aucune référence au service juridique du Cedefop. Les seules mentions du « conseiller juridique » du Cedefop apparaissent dans l’annexe VII, intitulée « Evaluations », et dans l’annexe X, qui contient l’organigramme du Cedefop de l’année 2017. Force est de constater qu’aucune de ces annexes ne se rattache à la problématique de la réduction de personnel. Au contraire, le fait que la fonction de « conseiller juridique » figure dans l’organigramme, faisant apparaître le nom de la requérante, pourrait même suggérer que la nature essentielle de ce service devrait être considérée comme étant acquise.

121    Deuxièmement, si le document de programmation cite, au point 118, dans le cadre des initiatives entreprises afin de faire face notamment à l’impact budgétaire de l’ajustement salarial élevé de 2016, le recours à l’utilisation, dans la mesure du possible, de « contrats-cadres de la Commission », cette mesure ne saurait concerner le service juridique. D’une part, de tels contrats-cadres sont conçus pour assurer des projets spécifiques, tels que ceux qui font l’objet de passations de marchés publics, et ne sauraient remplacer les fonctions de conseiller juridique interne. D’autre part, cette mesure visait à « réduire les frais administratifs », alors que le service juridique ne relevait pas de l’administration, mais de la direction, et n’était en conséquence pas couvert par cette proposition. De même, ledit document préconise, au point 118, l’utilisation « du catalogue interinstitutionnel de services partagés », qui, toutefois, ne couvrait pas les services d’un conseiller juridique interne.

122    Troisièmement, si le document de programmation constate, au point 119, la nécessité d’identifier les priorités négatives spécifiques supplémentaires afin de « répondre à un cadre d’action nouveau plus dynamique », cette nécessité se rattache clairement aux domaines d’action du Cedefop et ne saurait relever du domaine du respect des normes et du cadre réglementaire qu’assure un conseiller juridique.

123    Quatrièmement, le Cedefop ne saurait soutenir que le document de programmation ne contient aucune garantie que la fonction de conseiller juridique interne sera épargnée en s’appuyant, notamment, sur la constatation selon laquelle les initiatives décrites au point 119 ne visaient pas un poste budgétaire unique et spécifique. En effet, le Cedefop ne saurait se prévaloir de la nature générale des initiatives décrites dans le document de programmation pour entreprendre une action aussi spécifique que la suppression du service juridique. Au contraire, le point 119 énumère les initiatives de manière exhaustive et, pour les raisons énoncées ci-dessus, n’affecte pas le poste de conseiller juridique interne. Cela ressort également du fait que le point 118 précise que ces initiatives sont prévues tout en reconnaissant la « marge résiduelle limitée pour de nouveaux gains d’efficacité substantiels dans le cadre des contraintes réglementaires et de conformité existantes ».

124    De surcroît, il peut être déduit que les priorités négatives n’avaient pas été conçues pour affecter le service juridique interne du Cedefop du fait que, avant que la question ne soit portée à l’attention du bureau du Cedefop par la lettre de l’avocat de la requérante du 14 mars 2017, la question n’avait jamais été abordée ni au sein du bureau ni au sein du conseil de direction du Cedefop qui avait discuté et approuvé le document de programmation. D’ailleurs, il ressort du dossier que les propos que l’un des membres du conseil de direction a tenus lors de la réunion du bureau élargi du 17 mars 2017 ont été rapportés dans ces termes :

« [L]ors de la dernière réunion du bureau élargi, les priorités négatives et les moyens de résoudre les problèmes financiers ont été discutés. Toutefois, l’externalisation du service juridique n’a pas été mentionnée. Il a [été] demandé au directeur d’expliquer pourquoi sa proposition n’avait pas été discutée auparavant et d’indiquer quelle était la logique de ses actes. » [voir Annexe A.2.36, page 489, traduction libre de l’anglais]

125    En conséquence, il y a lieu de conclure que les priorités négatives identifiées dans le document de programmation n’affectaient aucunement le poste de la requérante et ne sauraient être invoquées pour justifier l’externalisation du service juridique du Cedefop et, a fortiori, le non-renouvellement du contrat de la requérante.

126    Cette conclusion ne saurait être infirmée par les autres arguments que le Cedefop fait valoir dans le mémoire en défense, à supposer que ces arguments puissent être considérés comme des éléments qui auraient été pris en compte par le directeur quand il a adopté la décision du 12 mai 2017.

127    Premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel les frais d’administration représentaient environ un tiers du budget total du Cedefop, il y a lieu de constater que le poste de la requérante était considéré comme ne relevant pas de l’administration et que, au demeurant, un montant de 195 000 euros au titre du service juridique représentait environ 1 % de ce budget, qui s’élevait approximativement à 18 millions d’euros. Partant, ces données financières ne sauraient, en tant qu’éléments dont le directeur disposait au moment de l’adoption de la décision du 12 mai 2017, prouver ou justifier la nécessité d’externaliser, voire de supprimer, le poste de conseiller juridique interne.

128    Deuxièmement, quant à la circonstance que le législateur de l’Union met régulièrement en évidence les avantages des services partagés entre agences, il suffit de noter, d’une part, que le document invoqué par le Cedefop à l’appui de son argument [document du Parlement européen P8_TA-PROV(2018)0133, « Décharge 2016 : performance, gestion financière et contrôle des agences de l’UE »] s’adresse à l’ensemble des agences et, d’autre part, qu’il ne permet pas de soutenir que le recours à des services partagés dans l’administration autorisait les agences à supprimer ou à externaliser leur propre service juridique interne. En effet, ce document renvoie au renforcement de la coopération des agences dans le domaine des achats, des ressources humaines et des finances, qui sont des services administratifs.

129    Troisièmement, quant à l’argument selon lequel un examen de l’administration et du service juridique était sur le point de commencer et les conclusions tirées d’un tel examen auraient très probablement eu un impact sur la structure interne des services et s’agissant de l’argument selon lequel le renouvellement du contrat de la requérante entraînerait la conclusion d’un contrat à durée indéterminée, il est vrai que, ainsi que la requérante le reconnaît, l’administration peut être fondée à adopter des décisions relatives au renouvellement de contrats à la lumière d’évolutions prévisibles.

130    Cependant, en l’espèce, la décision du 12 mai 2017 a été adoptée quelques jours avant la fin du délai de six mois avant l’expiration du contrat de la requérante (conformément à la note interne du directeur du Cedefop du 30 octobre 2013) et, selon cette décision, le poste de conseiller juridique de la requérante serait « transféré aux domaines opérationnels » et ses tâches seraient « effectuées selon d’autres arrangements internes, avec l’aide d’autres organes de l’Union et d’une expertise juridique externe ». Il ressort donc du libellé même de la décision du 12 mai 2017 que, à la date de l’adoption de celle-ci, le directeur la justifiait par la suppression du service juridique interne, alors même que des discussions étaient en cours à ce sujet et que la décision d’une telle suppression n’existait pas.

131    En réalité, ainsi qu’il ressort des antécédents du litige, au moment de l’adoption de la décision du 12 mai 2017, il n’existait aucune évolution prévisible concernant l’avenir du service juridique interne. En effet, entre le 14 février 2017 (date de la rencontre entre le directeur et la requérante) et le 12 mai 2017 (date de l’adoption de la décision du même jour), le directeur n’a pas entrepris d’actions ayant abouti à une prise de position plus certaine. Il doit être rappelé que ce n’est que le 17 mars 2017, lors d’une réunion du bureau élargi du conseil de direction du Cedefop, qu’il a été décidé que le directeur devait consulter le conseil de direction avant de prendre une quelconque décision sur le service juridique interne, qui constituerait une transformation organisationnelle majeure pour le Cedefop. Dans sa lettre du 31 mars 2017 adressée à l’avocat de la requérante, le directeur a affirmé qu’il était « en train d’examiner le possible renouvellement du contrat temporaire de [la requérante] », qu’il était « en train d’analyser et d’évaluer le meilleur moyen d’obtenir des conseils juridiques pour le Cedefop » et qu’il prendrait ensuite « une décision éclairée et motivée concernant le renouvellement du contrat de [la requérante] ». Puis, ce n’est que le 12 avril 2017 que le directeur a annoncé la création d’un groupe de travail relatif au service juridique. Un projet de rapport intermédiaire de ce groupe de travail aurait été remis au conseil de direction le 11 mai 2017, un jour avant l’adoption de la décision du 12 mai 2017. Bien que ce projet de rapport intermédiaire ne soit pas disponible dans le dossier, il ressort clairement de la réunion du bureau du conseil de direction des 29 et 30 juin 2017 que ce dernier a conclu que le groupe de travail n’avait pas abouti à des résultats satisfaisants et que le Cedefop devait faire appel à l’évaluation d’un expert externe.

132    Par conséquent, à la date d’adoption de la décision du 12 mai 2017, les discussions relatives à l’avenir du service juridique interne et donc du poste de la requérante étaient toujours en cours et n’avaient pas encore abouti à une décision.

–       Sur la note du 9 mars 2017 des six chefs de département du Cedefop

133    Il est rappelé que, le 9 mars 2017, les six chefs de département du Cedefop ont adressé une note au directeur pour exprimer leur préoccupation concernant son intention d’externaliser le service juridique (voir point 24 ci-dessus).

134    La commission de recours a relevé que l’un des six chefs avait retiré son soutien à cette note au motif que « les circonstances de la situation lui avaient été présentées de manière imprécise » et que, « par conséquent, sa compréhension de la situation n’étant pas exacte », il ne pouvait plus soutenir la position exprimée dans la lettre commune du 9 mars 2017.

135    Le Cedefop fait valoir que, en tout état de cause, le directeur pouvait légitimement considérer que les arguments contenus dans la lettre commune du 9 mars 2017 ne remettaient pas en cause les autres éléments de contexte dont il disposait].

136    Il y a lieu de constater que, même s’il devait être supposé que la note du 9 mars 2017 n’était pas susceptible de remettre en cause la décision du 12 mai 2017, les éléments examinés ci-dessus relatifs aux contraintes budgétaires ne permettaient pas de justifier cette décision.

–       Sur la prise en compte de l’intérêt de la requérante

137    Même s’il doit être supposé que le directeur était, à tout le moins, conscient de la situation personnelle de la requérante lorsqu’il a adopté la décision du 12 mai 2017 et qu’il a pu décider, nonobstant l’intérêt évident de celle-ci au renouvellement de son contrat, de ne pas le renouveler en raison de l’intérêt du service et, notamment, « des pressions sur [les ressources du Cedefop] et de la nécessité constante d’aligner les ressources humaines sur les besoins opérationnels stratégiques », il convient de rappeler que le Tribunal a conclu ci-dessus que les priorités négatives identifiées dans le document de programmation ne sauraient être invoquées pour justifier la suppression du service juridique interne du Cedefop et, a fortiori, le non-renouvellement du contrat de la requérante. Il y a donc lieu de conclure qu’en l’espèce l’intérêt du service qui devait fonder la décision du 12 mai 2017 n’a pas été établi.

138    Eu égard aux considérations qui précèdent, le directeur a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée. En effet, étant donné les discussions en cours concernant l’avenir du service juridique et en l’absence d’un fondement solide justifiant la suppression du service juridique interne et le non-renouvellement du contrat de la requérante, et eu égard aux nombreux éléments de preuve apportés par la requérante, notamment devant la commission de recours du Cedefop (par exemple, le rapport préliminaire du groupe de travail concernant le service juridique du 7 juin 2017 et la note du SAI du 28 septembre 2017), qui démontrent que le directeur a agi pratiquement tout seul et à l’encontre des positions motivées de nombreux chefs de département et du SAI, les appréciations du directeur dans la décision du 12 mai 2017 étaient, à la date d’adoption de cette dernière, privées de toute plausibilité.

139    Il s’ensuit que le sixième moyen soulevé par la requérante, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, doit être accueilli.

140    Par ailleurs, il convient de rappeler que dans la décision du 12 mai 2017, le directeur a indiqué ce qui suit :

« [J]e crains que la façon dont vous avez traité votre cas, en impliquant le personnel et le conseil de direction et en m’intimidant par le biais d’arguments juridiques, notamment en suggérant que j’étais “obligé” de renouveler votre contrat, ainsi que d’autres considérations d’opportunité ne me laissent aucune place pour le renouvellement de votre contrat.

J’aurais de loin préféré que vous abordiez la question avec moi de manière objective et étayée, comme vous l’étiez et êtes toujours bienvenue à le faire.

C’est précisément dans ce contexte de confiance personnelle que je vous ai invitée à discuter de la question avec moi sans la présence d’une tierce personne. Cependant, votre comportement persistant depuis notre rencontre du 14 février 2017 m’a fait perdre toute confiance en vous, érigeant entre nous un mur rendant toute coopération future impossible, en particulier dans la cadre d’une relation extrêmement sensible comme celle entre le directeur et le conseiller juridique. »

141    La décision de rejet de la réclamation a précisé à cet égard que :

« [L]a décision semble être fondée sur les éléments pertinents tels qu’ils sont énoncés dans la jurisprudence. La référence dans la décision à la “perte de confiance” ne figure pas dans la décision parmi les éléments pris en compte par le directeur lors de son examen du renouvellement éventuel du contrat de la requérante. Le directeur ajoute cette remarque après avoir invoqué les éléments sur lesquels il a fondé sa décision. Et même si l’on pouvait faire valoir que la “perte de confiance” figurait parmi les raisons invoquées par le directeur, […], selon la jurisprudence, l’autorité compétente dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour apprécier l’intérêt du service. Cette appréciation implique la prise en compte de plusieurs éléments à la disposition de l’autorité compétente, et parmi ceux-ci, les aspects relationnels pourraient être une question pertinente à considérer […]

En outre, contrairement à ce que la réclamation indique implicitement, la décision attaquée ne fait pas référence aux performances “déficientes” de [la requérante]. En effet, le directeur fait référence à une prétendue “perte de confiance” envers [la requérante] à la suite des événements liés au non-renouvellement potentiel de son contrat. Cependant, la décision ne lie pas cette “perte de confiance” au contenu des précédents examens et évaluations des performances de la [requérante]. En effet, la “perte de confiance” mentionnée par le directeur dans la décision attaquée n’est intervenue qu’après l’évaluation du plaignant.

À la lumière de ce qui précède, il ne peut être conclu que la décision attaquée était fondée sur des irrégularités dans le comportement [de la requérante] qui n’auraient pas été documentées, contrairement à ce que prétend la réclamation. Ainsi, lors de la réunion tenue les 16 et 17 novembre 2017, la commission de recours a décidé que cette allégation n’était pas fondée. »

142    Il ressort de ce qui précède que, selon l’analyse effectuée par la commission de recours, la référence à la « perte de confiance » ne figure pas parmi les éléments pris en compte par le directeur lors de l’examen de l’éventuel renouvellement du contrat de la requérante.

143    Toutefois, il convient de constater que la décision de rejet de la réclamation effectue également une analyse subsidiaire, faisant valoir que, « même si l’on pouvait faire valoir que la “perte de confiance ” figurait parmi les raisons invoquées par le directeur, […] l’autorité compétente dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour apprécier l’intérêt du service », qui impliquerait la prise en compte des aspects relationnels. Or, un tel raisonnement, bien qu’effectué à titre subsidiaire, ne saurait exclure la possibilité que la perte de confiance ait eu une incidence sur le raisonnement du directeur lors de la prise de la décision du 12 mai 2017. En effet, le libellé de cette décision, dont la motivation est censée coïncider avec celle de la décision de rejet de la réclamation, est très clair à cet égard (« votre comportement persistant depuis notre rencontre du 14 février 2017 m’a fait perdre toute confiance en vous, érigeant entre nous un mur rendant toute coopération future impossible »). Partant, il ne saurait être exclu que cette remarque sur la perte de confiance constitue un motif autonome de la décision du 12 mai 2017, distinct du motif tiré des contraintes budgétaires pesant sur le Cedefop.

144    C’est pourquoi il y a également lieu d’examiner les premier et deuxième moyens soulevés par la requérante, dans la mesure où il ne saurait être exclu que l’un des motifs de la décision de non-renouvellement ait pu être la perte de confiance.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu

145    Le premier moyen soulevé par la requérante se divise en deux branches.

146    Au titre de la première branche, la requérante allègue une violation du droit d’être entendu avant l’adoption de la décision du 12 mai 2017. Ce droit n’ayant pas été respecté, tant la décision du 12 mai 2017 que la décision de rejet de la réclamation devraient être annulées.

147    La requérante soutient notamment qu’elle n’a pas été entendue ni mise en mesure de faire connaître son point de vue sur la question de la prétendue perte de confiance invoquée dans la décision du 12 mai 2017.

148    Au titre de la seconde branche du premier moyen, la requérante allègue une violation de son droit d’être entendue par la commission de recours avant l’adoption de la décision de rejet de la réclamation.

149    S’agissant de la première branche du premier moyen, plus précisément en ce qui concerne la référence dans la décision du 12 mai 2017 à une perte de confiance, le Cedefop fait valoir que, comme cela est indiqué dans la décision de rejet de la réclamation, la perte de confiance ne figure pas dans la décision du 12 mai 2017 comme l’un des éléments pris en compte par le directeur lors de l’examen de l’opportunité du renouvellement du contrat de la requérante, mais comme une simple remarque par rapport à son comportement au cours des dernières semaine.

150    S’agissant de la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une violation du droit d’être entendu par la commission de recours avant la décision de rejet de la réclamation, le Cedefop conteste également les arguments de la requérante.

151    À titre liminaire, ainsi qu’il a été indiqué au point 103 ci-dessus, si l’article 8 du RAA prévoit la possibilité de renouveler un contrat d’agent temporaire, il ne s’agit pas d’un droit, mais d’une simple faculté laissée à l’appréciation de l’autorité compétente (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 85 et jurisprudence citée).

152    Cela étant, le respect du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2015, BP/FRA, T‑658/13 P, EU:T:2015:356, point 51 et jurisprudence citée).

153    Il découle de ce principe que l’intéressé doit être mis en mesure, préalablement à l’édiction de la décision qui l’affecte négativement, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur la base desquels cette décision a été adoptée (voir arrêt du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 80 et jurisprudence citée). Ledit principe a été repris par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui reconnaît « le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise [contre elle] », cette disposition étant, selon le juge de l’Union, d’application générale (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 81 et jurisprudence citée).

154    En outre, une décision telle que celle du non-renouvellement d’un contrat d’engagement ne peut être prise qu’après que l’intéressé a été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet du projet de décision, dans le cadre d’un échange écrit ou oral lancé par l’AHCC et dont la preuve incombe à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2015, BP/FRA, T‑658/13 P, EU:T:2015:356, point 54 et jurisprudence citée).

155    Par ailleurs, il a été jugé que le droit d’être entendu était respecté de façon plus efficace lorsque l’intéressé était en mesure de s’exprimer en pleine connaissance de tous les éléments qui étaient à la disposition de l’AHCC (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2015, BP/FRA, T‑658/13 P, EU:T:2015:356, point 57 et jurisprudence citée).

156    Enfin, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la violation du principe du respect du droit d’être entendu n’entraîne l’annulation d’une décision adoptée au terme d’une procédure que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent (voir arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 76 et jurisprudence citée).

157    C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’apprécier les arguments de la requérante invoquant une violation du droit d’être entendu, notamment sur le motif distinct de la décision du 12 mai 2017 tiré d’une perte de confiance.

158    En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision du 12 mai 2017 a affecté la situation administrative de la requérante et qu’une telle décision ne pouvait être prise qu’après qu’elle avait été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet de la décision envisagée, dans le cadre d’un échange oral ou écrit avec le directeur.

159    Il convient dès lors d’apprécier si la requérante a été mise en mesure de faire utilement connaître son point de vue au directeur, oralement ou par écrit, sur la prétendue perte de confiance qui lui était opposée.

160    En premier lieu, s’agissant des échanges oraux entre la requérante et le directeur, il est constant entre les parties que la première et seule occasion où la requérante a eu l’occasion de faire connaître oralement son point de vue au sujet du non-renouvellement de son contrat est la rencontre du 14 février 2017, lors de laquelle le directeur lui a indiqué qu’il envisageait de ne pas renouveler son contrat. En effet, par courriel adressé le même jour à la requérante, le directeur a décrit le contenu de cette rencontre en précisant que, « en raison des pressions financières et humaines exercées sur les activités du Cedefop », il était dans l’intérêt de l’organisation d’« envisager de ne pas renouveler [son] contrat ». Cette position a été réitérée dans son courriel du 16 février 2017 adressé à la requérante et dans sa lettre du 31 mars 2017 à l’attention de l’avocat de la requérante. Dans cette dernière, le directeur a expliqué que, lorsque la rencontre du 14 février 2017 avait eu lieu, il était « en train d’examiner le possible renouvellement du contrat temporaire de la requérante » et qu’il « n’était pas en mesure de signer le renouvellement, car [il était] encore en train de considérer toutes les options et implications ».

161    Il découle de ce qui précède que, lors de cette rencontre du 14 février 2017, le directeur n’a présenté à la requérante aucun élément relatif à une perte de confiance. Cette rencontre était préliminaire et motivée probablement par le souci de respecter le délai prévu par la note interne du directeur du Cedefop du 30 octobre 2013, intitulée « Échéancier pour les informations sur le renouvellement des contrats ». Le fait que cette rencontre n’a pas été tenue à l’initiative du directeur, comme l’exige la jurisprudence, mais à celle de la requérante, confirme cette appréciation.

162    En second lieu, quant aux échanges écrits entre la requérante et le directeur, il y a lieu de constater que, certes, il ressort du dossier que la requérante s’est exprimée sur l’éventuelle suppression du service juridique interne par écrit à maintes reprises, notamment par son courriel du 14 février 2017 faisant suite à leur rencontre du même jour, ainsi que par le biais des différents échanges écrits au soutien de sa demande de renouvellement qui ont eu lieu entre le 14 février et le 12 mai 2017, date d’adoption de la décision du même jour. Toutefois, tous ces échanges visaient à contester une éventuelle suppression du service juridique interne du Cedefop sur la base de considérations abstraites. Ils ne portaient pas sur une éventuelle perte de confiance du directeur à l’égard de la requérante.

163    En l’absence d’autres écrits du directeur ou d’une autre convocation à une réunion avant l’adoption de la décision du 12 mai 2017, il y a lieu de conclure que, malgré les nombreux écrits de la requérante en faveur du renouvellement de son contrat, elle n’a pas été mise en mesure de s’exprimer en pleine connaissance de tous les éléments qui étaient à la disposition du directeur, en tant qu’AHCC, au sujet de la décision envisagée, dans le cadre d’un échange écrit ou oral lancé par l’AHCC comme l’exige la jurisprudence. La requérante n’avait notamment pas connaissance des éléments qui avaient pu conduire le directeur à invoquer une perte de confiance pour justifier la décision du 12 mai 2017.

164    En troisième lieu, quant aux conséquences à tirer d’une telle violation du droit d’être entendu, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus, elle ne peut entraîner l’annulation de la décision adoptée au terme d’une procédure que si, en l’absence de cette violation, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

165    À cet égard, il ne saurait être exclu que, si la requérante avait été entendue au sens de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux et, notamment, si elle avait eu connaissance de tous les éléments pertinents sous-tendant la décision du 12 mai 2017, elle aurait eu la possibilité d’influencer le processus décisionnel en cause. En effet, elle aurait pu s’exprimer en connaissance de cause sur les éléments qui étaient à la disposition du directeur et qui étayaient le motif de non-renouvellement tiré d’une perte de confiance à son égard. Admettre que, même si la requérante avait été entendue, le résultat aurait été le même en l’espèce et que le contrat de la requérante n’aurait, en tout état de cause, pas été renouvelé reviendrait à priver le droit d’être entendu de sa substance (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, Josefsson/Parlement, T‑566/16, non publié, EU:T:2018:278, point 46).

166    Il résulte des considérations qui précèdent que la première branche du premier moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu doit être accueillie, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la seconde branche de ce premier moyen, selon laquelle la commission de recours du Cedefop aurait violé le droit d’être entendu avant l’adoption de la décision de rejet de la réclamation.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et de l’article 26 du statut

167    La requérante fait valoir que la décision du 12 mai 2017 invoque des éléments de comportement ayant suscité une perte de confiance, alors qu’ils n’ont jamais été portés à sa connaissance et qu’ils ne figurent pas dans son dossier personnel, en violation de ses droits de la défense et de l’article 26 du statut. Elle estime que l’administration n’est pas fondée à statuer, de quelque manière que ce soit, sur la thèse grave de la perte de confiance sans avoir dûment enregistré, au préalable, un quelconque comportement supposément déficient. Soulever la notion de « perte de confiance » sans aucun fait à l’appui peut être qualifié, selon la requérante, d’insultant et de diffamatoire, portant atteinte à son nom, à sa réputation et à sa dignité. Par ailleurs, la requérante met en exergue le rapport d’évaluation en date du 15 juin 2017, qui louait l’excellence de ses performances et de sa conduite.

168    Dans la réplique, la requérante conteste l’affirmation du Cedefop selon laquelle les événements donnant lieu à une perte de confiance étaient fort récents et ne pouvaient dès lors être étayés dans son dossier personnel, en faisant valoir qu’un tel ajout aurait pu s’effectuer dans une période d’un ou deux jours et que rien n’empêchait le directeur de les ajouter au dossier individuel entre février et novembre 2017, dans le respect de la procédure adéquate et du droit d’être entendu.

169    Le Cedefop estime que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

170    Premièrement, la remarque du directeur relative à une perte de confiance ferait référence aux événements très récents liés à l’éventuel non-renouvellement du contrat de la requérante. Par conséquent, ces événements n’auraient pas pu être étayés dans le dossier personnel de la requérante.

171    Deuxièmement, la requérante serait parfaitement consciente de la raison d’être de la remarque du directeur concernant une perte de confiance. En effet, après l’entretien du 14 février 2017, le directeur aurait écrit à la requérante pour lui expliquer qu’il était très troublé par ses commentaires selon lesquels elle envisageait d’utiliser son réseau juridique pour faire pression sur lui et avait l’intention de le poursuivre personnellement pour l’embarrasser lui et le Cedefop et pour empêcher le renouvellement de son contrat. Il serait dès lors tout à fait concevable que le directeur ait perdu confiance envers la requérante.

172    À titre liminaire, le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré même en l’absence de toute réglementation. Il exige que les destinataires de décisions, qui affectent de manière sensible leurs intérêts, soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à leur charge dans ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑308/04, EU:T:2007:347, points 68 et 69).

173    Quant à l’article 26 du statut, applicable par analogie en l’espèce en vertu de l’article 11 du RAA, il prévoit que le dossier individuel doit contenir toutes pièces intéressant la situation administrative du fonctionnaire et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement ainsi que les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces.

174    Selon une jurisprudence constante, l’article 26 du statut a pour but d’assurer le droit de la défense du fonctionnaire ou de l’agent engagé en vertu du RAA, en évitant que des décisions prises par l’AIPN ou l’AHCC et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non mentionnés dans son dossier personnel (voir arrêt du 7 février 2007, Caló/Commission, T‑118/04 et T‑134/04, EU:T:2007:37, point 256 et jurisprudence citée).

175    Il convient d’ajouter que la violation de l’article 26 du statut n’entraîne l’annulation d’un acte que s’il est établi que les pièces en cause ont pu avoir une incidence décisive sur la décision litigieuse. À cet égard, le seul fait que des pièces n’aient pas été versées au dossier individuel n’est pas de nature à justifier l’annulation d’une décision qui fait grief si elles ont été effectivement portées à la connaissance de l’intéressé (arrêt du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, EU:C:1996:434, points 67 et 68).

176    C’est au vu de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le bien-fondé du deuxième moyen.

177    En l’espèce, tout d’abord, il convient de rappeler qu’il ne saurait être exclu que la « perte de toute confiance » constitue un motif distinct et autonome au non-renouvellement du contrat de la requérante (voir points 140 à 143 ci-dessus).

178    Il ne saurait être exclu non plus qu’un tel motif de non-renouvellement ait pu porter préjudice à la requérante, notamment à son nom et à sa réputation, et affecter ainsi sa situation administrative et sa carrière (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2007, Caló/Commission, T‑118/04 et T‑134/04, EU:T:2007:37, point 256 et jurisprudence citée). Dès lors, il y a lieu de vérifier si des éléments de nature comportementale, susceptibles de justifier une perte de confiance, ont effectivement été inclus dans le dossier individuel de la requérante.

179    À cet égard, premièrement, il est constant entre les parties que le dossier de la requérante ne contient aucune pièce ou rapport concernant son comportement. En effet, le Cedefop a expliqué que la remarque du directeur relative à une perte de confiance faisait référence aux événements récents ayant eu lieu après la rencontre du 14 février 2017 et qui ne pouvaient pas être étayés dans le dossier personnel de la requérante.

180    Une telle justification ne saurait être retenue. En effet, ainsi que l’indique la requérante à juste titre, les événements qui ont donné lieu à une perte de confiance auraient pu facilement et rapidement être classés, conformément à la procédure prévue par l’article 26 du statut, dans son dossier individuel avant l’adoption de la décision du 12 mai 2017. Une telle procédure lui aurait permis de formuler ses observations à l’égard desdites pièces. En dépit du large pouvoir d’appréciation dont disposait le directeur lors de l’examen du renouvellement éventuel du contrat, ces pièces auraient pu être opposées à la requérante uniquement si elles lui avaient été communiquées avant leur classement.

181    Deuxièmement, conformément à une jurisprudence constante, le seul fait que des pièces n’aient pas été versées au dossier individuel n’est pas de nature à justifier l’annulation d’une décision qui fait grief si elles ont été effectivement portées à la connaissance de l’intéressé (arrêt du 13 septembre 2005, Recalde Langarica/Commission, T‑283/03, EU:T:2005:315, point 68 et jurisprudence citée).

182    À cet égard, le Cedefop fait valoir, en substance, que la requérante était parfaitement consciente de la raison d’être de la remarque du directeur, car, après l’entretien du 14 février 2017, il lui aurait écrit pour lui expliquer qu’il était très troublé par ses commentaires selon lesquels elle envisageait d’utiliser son réseau juridique pour faire pression sur lui et avait l’intention de le poursuivre personnellement pour l’embarrasser lui et le Cedefop et pour empêcher le renouvellement de son contrat. La requérante aurait toutefois nié avoir menacé le directeur expliquant, en substance, qu’elle avait « simplement déclaré » qu’elle « utilis[erait] tous les moyens procéduraux et juridiques à [sa] disposition en tant qu’avocate de longue date et experte juridique possédant une multitude de connaissances personnelles et professionnelles, avocats et experts de l’Union européenne ». Le directeur l’aurait remerciée pour ces clarifications dans son courriel du 16 février 2017.

183    À la suite de cet échange, le directeur n’a plus présenté d’autres éléments liés au comportement de la requérante sur lesquels elle aurait pu prendre position. En effet, selon les décisions attaquées, la perte de confiance envers la requérante aurait eu lieu à la suite des événements liés au non-renouvellement potentiel de son contrat, notamment du fait que la requérante aurait « impliqué le personnel et le conseil de direction » et aurait « intimidé » le directeur « par le biais d’arguments juridiques ». Le Cedefop ne soutient pas que ces allégations de nature comportementale aient fait l’objet d’une autre communication de la part du directeur et qu’elles aient donc été effectivement portées à la connaissance de la requérante.

184    Eu égard à ce qui précède, il convient d’accueillir le deuxième moyen comme étant fondé. En effet, les événements auxquels se réfère le directeur dans la décision du 12 mai 2017 pour justifier la perte de confiance auraient dû être inclus dans le dossier individuel de la requérante ou au moins être effectivement portés à la connaissance de celle-ci. Or, tel n’a pas été le cas.

185    Il s’ensuit que le deuxième moyen tiré d’une violation des droits de la défense et de l’article 26 du statut doit être accueilli.

 Conclusion

186    Le Tribunal ayant accueilli le sixième moyen, ainsi que les premier et deuxième moyens, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante, les décisions attaquées doivent être annulées.

 Sur les conclusions indemnitaires

187    La requérante estime qu’elle a démontré l’illégalité de la décision du 12 mai 2017 et que, du fait de cette décision illégale, elle a subi un préjudice matériel et moral que le Cedefop doit réparer.

188    S’agissant du préjudice matériel, la requérante soutient qu’il comprend, parmi d’autres éléments, la différence entre son revenu prévu au cours des quatorze années restantes de carrière projetée jusqu’à l’âge du départ en retraite, d’une part, et le revenu qu’elle perçoit actuellement dans le cadre du régime de l’assurance-chômage des institutions de l’Union, d’autre part. Selon la requérante, à partir de l’âge de la retraite, le préjudice matériel inclut la différence entre le niveau des prestations de retraite obtenues et celui des prestations de retraite auxquelles elle aurait pu prétendre si l’acte illicite n’avait pas été adopté.

189    Quant au préjudice moral, la requérante explique qu’il est composé des dommages émotionnels et psychologiques ainsi que du stress auxquels elle a été exposée sans motif depuis la mi-février 2017, ceux-ci ayant, comme le montrerait le certificat médical du 9 février 2018 joint en annexe à la requête, engendré des problèmes médicaux continus et graves. Elle souligne la gravité des violations commises par le Cedefop et son directeur ainsi que l’atteinte qui a été portée à sa réputation. Elle estime que l’annulation de la décision du 12 mai 2017 ne peut pas constituer en elle-même une réparation adéquate et suffisante et demande donc au Tribunal d’établir le préjudice moral ex æquo et bono à 120 000 euros.

190    Le Cedefop estime que la demande tendant à la réparation du préjudice doit être rejetée dans son intégralité, en faisant valoir qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées.

191    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité d’une institution ou d’une agence de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêts du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, EU:C:1987:562 point 30, et du 27 novembre 2003, Bories e.a./Commission, T‑331/00 et T‑115/01, EU:T:2003:317, point 192).

192    Les premier, deuxième et sixième moyens ayant été accueillis, la décision du 12 mai 2017 est illégale. La première condition d’engagement de la responsabilité du Cefefop, à savoir l’illégalité du comportement reproché, est donc remplie.

193    S’agissant des deux autres conditions, la réalité du dommage et le lien de causalité, il convient de distinguer entre le préjudice matériel et le préjudice moral.

 Préjudice matériel

194    La requérante soutient que son préjudice matériel consiste en l’ensemble des revenus qu’elle aurait perçus si son contrat avait été renouvelé, jusqu’à l’âge de la retraite, et même après avoir atteint cet âge, auxquels seraient soustraits les revenus qu’elle percevrait effectivement durant cette période. Elle ne propose pas d’évaluation chiffrée de ce préjudice.

195    Il ressort du dossier que, en l’absence de la décision du 12 mai 2017, il est possible que le contrat de la requérante aurait été renouvelé, qui plus est pour une durée indéterminée en vertu de l’article 8, premier alinéa, du RAA. En effet, à la fin du mois de janvier 2017, la directrice adjointe, qui était alors la supérieure hiérarchique et l’évaluatrice de la requérante, a recommandé au directeur, en tant qu’AHCC, de renouveler le contrat de la requérante venant à échéance le 16 novembre 2017. Pour appuyer sa recommandation, la directrice adjointe a soumis au directeur un rapport d’évaluation de la requérante très positif. Il convient également de constater que la requérante était la conseillère juridique du Cedefop depuis le 16 novembre 2007 et que, par conséquent, lorsque la décision du 12 mai 2017 a été adoptée, elle occupait ce poste depuis presque dix ans. Son contrat avait d’ailleurs été renouvelé une première fois le 16 novembre 2012 et il n’est pas contesté que, sur l’ensemble de sa carrière au Cedefop, la requérante avait accompli ses fonctions de manière plus que satisfaisante, comme cela apparaît notamment dans les avis exprimés par la directrice du service des ressources humaines et la directrice adjointe. Enfin, après l’adoption de la décision du 12 mai 2017, la requérante a reçu en juin 2017 l’évaluation officielle de sa performance professionnelle pour l’année 2016, selon laquelle elle avait « travaillé de manière constante avec un haut degré d’efficacité, de professionnalisme et de précision, et […] elle possédait les connaissances, les aptitudes et les compétences requises pour effectuer son travail à un niveau élevé et donnant pleine satisfaction à toutes les personnes concernées ».

196    Même si l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation en matière de renouvellement d’un contrat d’engagement (arrêt du 10 octobre 2014, EMA/BU, T‑444/13 P, EU:T:2014:865, point 28), les considérations énoncées au point 195 ci-dessus constituent une série d’éléments suffisamment précis et plausibles pour démontrer que la requérante disposait d’une chance concrète et sérieuse de renouvellement de son contrat pour une durée indéterminée (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2010, OHMI/Simões Dos Santos, T‑260/09 P, EU:T:2010:461, point 105).

197    La décision du 12 mai 2017 a mis fin au contrat d’engagement de la requérante, avec effet à la date d’expiration de celui-ci, à savoir le 15 novembre 2017. Elle a donc privé la requérante d’une chance que son contrat soit prolongé, lui causant ainsi un préjudice de nature matérielle.

198    Selon la jurisprudence, pour déterminer le montant de l’indemnité à verser au titre de la perte d’une chance, il convient, après avoir identifié la nature de la chance dont le fonctionnaire ou l’agent a été privé, de déterminer la date à partir de laquelle il aurait pu bénéficier de cette chance, puis de quantifier ladite chance et, enfin, de préciser quelles ont été pour lui les conséquences financières de cette perte de chance (voir arrêt du 24 octobre 2018, Fernández González/Commission, T‑162/17 RENV, non publié, EU:T:2018:711, point 118 et jurisprudence citée).

199    De plus, selon la jurisprudence, lorsque cela est possible, la chance dont un fonctionnaire ou un agent a été privé doit être déterminée objectivement, sous la forme d’un coefficient mathématique résultant d’une analyse précise. Cependant, lorsque ladite chance ne peut pas être quantifiée de cette manière, il est admis que le préjudice subi puisse être évalué ex æquo et bono (voir arrêt du 24 octobre 2018, Fernández González/Commission, T‑162/17 RENV, non publié, EU:T:2018:711, point 119 et jurisprudence citée).

200    En l’espèce, la requérante a perdu une chance que son contrat soit prolongé pour une durée indéterminée, et ce à compter du 15 novembre 2017, date d’expiration de son dernier contrat à durée déterminée. Il n’est pas possible de quantifier cette chance et de préciser les conséquences financières de sa perte. La requérante n’a pas proposé d’évaluation chiffrée de son préjudice matériel et, dans les circonstances de l’espèce, calculer ce préjudice dépendrait de diverses hypothèses, notamment s’agissant de la durée totale de la carrière de la requérante au Cedefop ou encore des promotions qu’elle aurait pu obtenir. Par conséquent, il y a lieu d’évaluer, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, le préjudice subi ex æquo et bono (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 58).

201    Il s’ensuit que, compte tenu des circonstances de l’espèce, et en particulier du fait que la requérante occupait son poste depuis presque dix ans, que ses rapports de notation étaient très positifs et qu’elle a donc perdu une chance sérieuse de voir son contrat renouvelé pour une durée indéterminée, il sera fait une juste réparation de l’entier préjudice matériel subi par la requérante, en condamnant le Cedefop à lui verser la somme forfaitaire de 30 000 euros.

 Préjudice moral

202    S’agissant du préjudice moral, la requérante allègue que la décision du 12 mai 2017, les circonstances entourant l’adoption de cette décision et le comportement du directeur du Cedefop lui ont causé une souffrance psychologique ayant engendré des problèmes médicaux. À l’appui, elle a produit un certificat médical qui confirme que « l’état [de la requérante] a été déclenché et maintenu par l’environnement de travail négatif sur une longue période (depuis début 2017) ».

203    En défense, le Cedefop ne formule aucun argument sur l’existence d’un préjudice matériel ou moral qu’il aurait causé à la requérante. Il se borne à soutenir que l’absence d’illégalité de la décision du 12 mai 2017 doit entraîner le rejet des conclusions indemnitaires.

204    Il convient de constater que la requérante établit à suffisance de droit qu’elle a subi un préjudice moral et que ce dernier lui a été causé par la décision du 12 mai 2017 et les circonstances entourant l’adoption de celle-ci qui sont imputables au Cedefop. En effet, le Tribunal considère que l’incertitude qui a entouré la question du renouvellement du contrat d’engagement de la requérante entre la date à laquelle celle-ci a appris que son contrat ne serait peut-être pas renouvelé (le 14 février 2017) et la décision du 12 mai 2017 a été à l’origine d’un sentiment d’insécurité en ce qui concerne son avenir professionnel, lui causant du stress et de l’angoisse. Cela n’est pas contesté par le Cedefop, qui ne s’est pas non plus prononcé sur le certificat médical produit par la requérante pour étayer sa demande de réparation.

205    De plus, en l’espèce, l’annulation de la décision du 12 mai 2017 ne saurait constituer en elle-même une réparation suffisante. En effet, les conséquences du non-renouvellement du contrat de la requérante, autre que matérielles, notamment celles sur sa santé, sa dignité et sa réputation professionnelle, ne pourront pas être aisément corrigées (voir, en ce sens, arrêts du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex, T‑653/13 P, EU:T:2015:652, points 82 à 85, et du 12 décembre 2013, CH/Parlement, F‑129/12, EU:F:2013:203, points 64 et 65).

206    Partant, il y a lieu de considérer qu’il est fait une juste appréciation des circonstances particulières de l’espèce, en fixant, ex æquo et bono, la réparation du dommage moral subi par la requérante à la somme de 10 000 euros.

 Sur les dépens

207    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

208    En l’espèce, le Cedefop ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) du 12 mai 2017 de ne pas renouveler le contrat d’agent temporaire de VP est annulée.

2)      La décision du 1er décembre 2017 portant rejet de la réclamation de VP est annulée.

3)      Le Cedefop est condamné à verser 30 000 euros en réparation du préjudice matériel causé à VP.

4)      Le Cedefop est condamné à verser 10 000 euros en réparation du préjudice moral causé à VP.

5)      Le recours est rejeté pour le surplus.

6)      Le Cedefop est condamné aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures


Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Événements survenus jusqu’à l’adoption de la décision du 12 mai 2017

Événements survenus après l’adoption de la décision du 12 mai 2017 et jusqu’à l’introduction de la réclamation

Événements survenus après l’introduction de la réclamation et jusqu’à l’adoption de la décision de rejet de la réclamation

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur l’objet du recours

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité du recours

Sur la recevabilité d’un des griefs du premier moyen tiré de la violation du droit d’être entendu

Sur les conclusions en annulation

Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une méconnaissance de l’intérêt du service

– Sur les contraintes budgétaires

– Sur la note du 9 mars 2017 des six chefs de département du Cedefop

– Sur la prise en compte de l’intérêt de la requérante

Sur le premier moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et de l’article 26 du statut

Conclusion

Sur les conclusions indemnitaires

Préjudice matériel

Préjudice moral

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.