Language of document : ECLI:EU:T:2021:774

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

10 novembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale REDELLO – Marque de l’Union européenne figurative antérieure CADELLO 88 – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑532/20,

Phi Group GmbH, établie à Zug (Suisse), représentée par Mes P. Campolini et L. Bidaine, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. L. Rampini, V. Ruzek, et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Gruppo Cadoro GmbH, établie à Eglisau (Suisse),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 22 juin 2020 (affaire R 2677/2019-4), relative à une procédure d’opposition entre Gruppo Cadoro et Phi Group,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 août 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 novembre 2020,

à la suite de l’audience du 25 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 11 juillet 2018, la requérante, Phi Group GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal REDELLO.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32 et 33, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Boissons sans alcool; préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Boissons alcoolisées à l’exception des bières; préparations pour faire des boissons alcoolisées ».

4        Le 17 décembre 2018, l’intervenante, Gruppo Cadoro GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits mentionnés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque de l’Union européenne verbale antérieure CADELLO88, déposée le 25 juin 2015 et enregistrée le 29 octobre 2015 sous le numéro 14299002, pour des « boissons alcoolisées à l’exception des bières » relevant de la classe 33 ;

–        la marque de l’Union européenne figurative antérieure (ci-après la « marque antérieure »), de couleurs noire, argent et gris foncé, déposée le 18 juillet 2017 et enregistrée le 4 décembre 2017 sous le numéro 16990624, pour des « boissons alcoolisées à l’exception des bières » relevant de la classe 33, telle que reproduite ci-après :

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6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

7        Le 18 octobre 2019, la division d’opposition a accueilli l’opposition sur le fondement de la marque antérieure, reproduite au point 5 ci-dessus, pour les « boissons alcoolisées à l’exception des bières » relevant de la classe 33, et rejeté l’opposition pour les autres produits, en l’absence de similitude de ces produits avec les produits désignés par les marques antérieures.

8        Le 26 novembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait accueilli l’opposition pour les « boissons alcoolisées à l’exception des bières » relevant de la classe 33.

9        Par décision du 22 juin 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de l’EUIPO, se fondant sur la marque antérieure, a confirmé la décision de la division d’opposition et a rejeté le recours.

10      Après avoir constaté que les produits « boissons alcoolisées à l’exception des bières », relevant de la classe 33 et désignés par la marque antérieure, étaient identiques aux produits « boissons alcoolisées à l’exception des bières », relevant de la classe 33 et désignés par la marque demandée, la chambre de recours a considéré que ces marques présentaient un degré moyen de similitude visuelle, un degré supérieur à la moyenne de similitude phonétique, et n’avaient aucune signification sur le plan conceptuel, de sorte que la comparaison conceptuelle demeurait neutre. La chambre de recours a estimé en outre que le public pertinent, composé du grand public, faisait preuve d’un niveau d’attention tout au plus moyen, et que la marque antérieure était pourvue d’un caractère distinctif intrinsèque normal. Dans ces conditions, elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’opposition présentée sur le fondement de la marque de l’Union européenne verbale antérieure.

II.    Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée dans son intégralité, ou, à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant l’EUIPO afin que celui‑ci statue en tirant toutes les conséquences de la décision à intervenir du Tribunal ;

–        condamner l’autre partie aux dépens de la procédure devant la chambre de recours ;

–        condamner l’EUIPO et, si nécessaire, la partie intervenante, aux dépens de la présente procédure.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

13      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, qu’elle divise formellement en quatre branches. En substance, les marques en conflit seraient, tout d’abord, différentes sur le plan visuel. En outre, elles ne présenteraient qu’un degré inférieur à la moyenne de similitude sur le plan phonétique. Ensuite, la chambre de recours aurait dû, dans son appréciation globale du risque de confusion, accorder aux comparaisons visuelle et conceptuelle plus d’importance qu’à la comparaison phonétique. Dans ces conditions, il n’existerait pas de risque de confusion au sens de ladite disposition.

14      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

16      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

17      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

18      Il convient également de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

19      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si la chambre de recours a, à juste titre, conclu que l’enregistrement de la marque demandée pouvait être à l’origine d’un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.

20      À titre liminaire, il convient de constater que la requérante ne remet pas en cause les appréciations de la chambre de recours relatives à la définition du public pertinent et à son degré d’attention, telles qu’elles figurent, aux points 13 et 27 de la décision attaquée, selon lesquelles le public pertinent est celui du territoire de l’ensemble des États membres de l’Union, composé du grand public, dont l’attention est d’un niveau qui n’est pas supérieur à la moyenne.

21      La requérante ne conteste pas non plus l’appréciation de la chambre de recours, au point 14 de la décision attaquée, selon laquelle les produits désignés par la marque antérieure sont identiques à ceux désignés par la marque demandée, ceux-ci comme ceux-là correspondant à des « boissons alcoolisées à l’exception des bières » relevant de la classe 33.

22      Au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause de telles appréciations de la chambre de recours, lesquelles ne sont pas non plus contestées par l’EUIPO, s’agissant tant du public pertinent et de son niveau d’attention que de l’identité des produits visés.

23      Dans ces conditions, et compte tenu de ses arguments, tels qu’ils ont été présentés, au point 13 ci-dessus, la requérante doit être regardée comme contestant, d’une part, la comparaison des signes en cause, d’autre part, l’appréciation globale du risque de confusion.

A.      Sur la comparaison des signes

24      Il ressort de la jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [voir arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée, et du 2 décembre 2020, inMusic Brands/EUIPO – Equipson (Marq), T‑687/19, non publié, EU:T:2020:582, point 54]

25      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en conflit considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43, et du 20 septembre 2019, The Logistical Approach/EUIPO – Idea Groupe (Idealogistic Compass Greatest care in getting it there), T‑716/18, EU:T:2019:642, point 32].

26      En l’espèce, la marque demandée est une marque verbale composée du mot « redello ».

27      La marque antérieure est une marque figurative comportant des éléments verbaux. Elle est de couleurs noir, argent et gris foncé, et consiste en un rectangle noir ou gris foncé dans lequel est représenté, au centre, le mot « cadello », écrit dans une police de caractère standard, en lettres majuscules de couleur argent. Un dessin d’un dragon de petite taille de couleur argent apparaît au-dessus du mot. La silhouette d’un masque de couleur noire se dessine au centre de la marque, en arrière-plan du mot « cadello » et du dessin du dragon. En bas du signe, un petit chiffre « 88 » de couleur argent est également représenté.

1.      Sur le caractère distinctif ou dominant des éléments des marques en conflit

28      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêts du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35, et du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 51].

29      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que la marque demandée n’avait aucune signification particulière. Elle a précisé que la terminaison « -ello » n’avait pas de signification spécifique, ni en italien ni dans aucune autre langue de l’Union. En outre, l’association de ce groupe de lettres avec le terme anglais « hello » serait irréaliste.

30      S’agissant de la marque antérieure, la chambre de recours a considéré que le mot « cadello » était l’élément dominant et le plus distinctif de cette marque. Elle a justifié son appréciation en raison de la petite taille du dragon et de la faible perception du masque, si tant est qu’il soit visible, de l’absence de signification de cet élément en rapport avec les produits désignés par la marque antérieure et du fait que, lorsqu’une marque est composée d’éléments figuratifs et textuels, le consommateur concentre généralement son attention sur ces derniers.

31      La chambre de recours a également estimé que le chiffre « 88 » jouait un rôle secondaire, qu’il soit ou non perçu comme l’année de production des produits, en raison de sa petite taille et de sa position secondaire dans la marque antérieure.

32      La requérante fait valoir, en substance, que ces appréciations sont erronées en raison, d’une part, de l’importance visuelle du masque vénitien noir, d’autre part, du faible caractère distinctif de la terminaison « -ello » de l’élément verbal de la marque antérieure.

33      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante et fait valoir que les documents présentés en annexes A.21 et A.23 sont irrecevables dans la mesure où ils auraient été présentés pour la première fois devant le Tribunal.

a)      Sur la recevabilité de certaines preuves. 

34      La requérante présente, en annexes A.21 et A.23, deux documents intitulés respectivement « Analyse des codes RVB des couleurs utilisées dans la marque figurative de l’Union européenne nº 16990624 » et « Document attestant le sens diminutif de la désinence –ELLO en italien ».

35      En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a indiqué qu’elle ne contestait pas le fait que les documents produits en annexes A.21 et A.23 ont été présentés pour la première fois devant le Tribunal. Elle a cependant précisé que ces annexes étaient néanmoins recevables dans la mesure où elles avaient été produites en réponse à des arguments invoqués pour la première fois dans la décision attaquée.

36      En l’espèce, il est constant et il n’est pas contesté que les documents présentés en annexes A.21 et A.23 ont été produits pour la première fois devant le Tribunal. Ils ne peuvent donc être pris en considération.

37      En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. La circonstance que les annexes A.21 et A.23 auraient été produites par la requérante en réponse à des éléments figurant pour la première fois dans la décision attaquée est sans incidence à cet égard dans la mesure où, en tout état de cause, la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO doit s’apprécier en fonction des éléments d’information dont celles-ci disposaient au moment de prendre ces décisions.

38      Les documents dont se prévaut la requérante auraient pu, au demeurant, et contrairement à ce qu’elle prétend, être produits pendant la procédure administrative. Il ressort en effet de la décision attaquée, en particulier des points 7 et 8, que la requérante s’était déjà prévalue, devant la chambre de recours, des arguments à l’appui desquels de tels documents ont été produits, et concernant, d’une part, la perception du masque vénitien et les couleurs noir, argent et gris foncé de la marque antérieure, argument à l’appui duquel l’annexe A.21 a été produite, d’autre part, le caractère faiblement distinctif en italien de l’élément « -ELLO », argument à l’appui duquel l’annexe A.23 a été présentée.

39      Il convient, dans ces conditions, d’écarter les documents précités sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

b)      Sur l’analyse des éléments distinctifs et dominants

1)      Sur la perception de l’élément figuratif composé d’un masque de couleur noire

40      À titre liminaire, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas « purement et simplement » ignoré la représentation d’un masque de couleur noire dans la marque antérieure, puisqu’elle a estimé que ce masque, dans la marque, telle qu’elle avait été enregistrée, était « à peine, voire pas du tout, perceptible ». Elle a donc bien tenu compte d’un tel élément dans la description de la marque.

41      Cela étant précisé, concernant l’importance alléguée par la requérante du dessin d’un masque vénitien de couleur noire au sein de la marque antérieure, il convient, tout d’abord, de rappeler que la comparaison doit s’effectuer entre les signes tels qu’ils ont été enregistrés ou tels qu’ils figurent dans la demande d’enregistrement, de sorte que l’usage réel ou potentiel des marques sous une autre forme ne saurait être pris en compte dans cette comparaison [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2018, Luxottica Group/EUIPO – Chen (BeyBeni), T‑721/16, non publié, EU:T:2018:264, point 66 et jurisprudence citée]. Dès lors, l’argumentation de la requérante selon laquelle « la visibilité du masque vénitien [serait] confirmée par l’utilisation qui est faite de la marque antérieure », notamment lorsque cette marque est utilisée sur des bouteilles, est inopérante.

42      Pour le même motif, la circonstance que le masque serait plus ou moins visible selon qu’il apparaisse sur un écran d’ordinateur ou sur celui d’un smartphone ou selon les réglages techniques utilisés, notamment le niveau de luminosité ou de contraste de l’écran, ou encore que le masque, à supposer cette affirmation avérée, serait « clairement visible sur le registre dans des conditions techniques normales », conditions techniques que la requérante ne définit pas au demeurant, est sans incidence sur l’appréciation du caractère distinctif intrinsèque ou dominant des éléments de la marque antérieure, telle qu’elle a été enregistrée. En tout état de cause, il suffit de constater que le certificat d’enregistrement de la marque antérieure, tel qu’il est reproduit par la requérante en annexe A.20, ne saurait confirmer l’appréciation de cette dernière. Ainsi que la chambre de recours a constaté à juste titre, le masque y est à peine, voire pas du tout, visible et se confond, en raison de sa couleur noire, avec le noir ou le gris foncé du rectangle dans lequel sont insérés les différents éléments figuratifs de la marque antérieure.

43      En tout état de cause, dans l’hypothèse où il serait tenu compte de sa représentation, tel qu’elle figure dans les reproductions de la marque antérieure, reprises au point 11 de la requête, et qui correspondraient, ainsi que la requérante le soutient, à sa représentation sur l’écran d’un ordinateur dont la luminosité serait réglée selon un paramètre standard, voire supérieur à ce standard, le masque ne saurait dominer l’impression d’ensemble produite par cette marque dans l’esprit du public du territoire dans lequel celle-ci est protégée.

44      Le dessin du masque occupe en effet une place secondaire dans l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure dans la mesure où il se situe en arrière-plan de cette marque, et est partiellement recouvert par le dessin d’un dragon de petite taille et le mot « cadello », écrit en lettres majuscules, et alors que la couleur argent des autres éléments de la marque est de nature à produire un effet visuellement plus frappant que la couleur noire, même prononcée, revendiquée pour le masque. En outre, le consommateur moyen aura d’autant plus de difficultés à percevoir le dessin d’un masque noir que celui-ci ne se livre pas à un examen des différents détails de la marque lors de son achat [voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2016, Tayto Group/OHMI – MIP Metro (REAL HAND COOKED), T‑816/14, non publié, EU:T:2016:93, point 75 et jurisprudence citée].

45      Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, rien ne permet de conclure que l’importance du masque pour le public pertinent serait « renforcée par le contraste plus faible entre sa couleur et la couleur [gris foncé] de l’arrière-plan ». Une telle affirmation, à la supposer exacte, n’en diminuerait pas moins le contraste plus accentué, et donc de nature à attirer davantage l’attention, entre la couleur argent des autres éléments de la marque, en particulier du mot « cadello », écrit en lettre majuscules au centre de celle-ci, et la couleur noire revendiquée pour le masque, une telle différence de contraste n’étant pas contestée par la requérante.

46      Le mot « cadello » attirera d’autant plus l’attention du public pertinent que le masque, en raison de la position secondaire qu’il occupe dans la marque antérieure, apparaitra, dans sa représentation la plus visible, comme un ornement, figurant en arrière-plan, d’un tel élément verbal. Il en va également ainsi dans la mesure où, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux produits ou services en cause en citant le nom de la marque qu’en décrivant l’élément figuratif de celle-ci [voir arrêts du 11 décembre 2014, Coca-Cola/OHMI – Mitico (Master), T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 49 et jurisprudence citée, et du 29 janvier 2020, Vinos de Arganza/EUIPO – Nordbrand Nordhausen (ENCANTO), T‑239/19, non publié, EU:T:2020:12, point 30 et jurisprudence citée].

47      La requérante ne saurait pas davantage remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours au motif que, selon l’analyse des couleurs utilisées dans la représentation graphique de la marque antérieure, en fonction de leur code de répartition du rouge, du vert et du bleu, celle-ci serait objectivement composée d’au moins trois couleurs différentes, de sorte que le masque ne serait pas de la même couleur que l’arrière-plan.

48      En effet, dans la mesure où un tel argument repose sur les éléments de preuve contenus dans l’annexe A.21, dont le caractère recevable a été écarté, il ne saurait être regardé, en tout état de cause, comme établi, sans qu’il soit besoin, ainsi qu’il a été précisé au point 39 ci-dessus, d’analyser la force probante de ces éléments de preuve.

49      Il convient également d’écarter l’argument selon lequel la visibilité du masque serait confirmée par la description objective de la marque antérieure, dont le certificat d’enregistrement revendique les trois couleurs noir, argent et gris foncé.

50      D’une part, la chambre de recours n’a pas considéré que l’arrière-plan de la marque antérieure, qu’elle a défini comme étant constitué d’un « rectangle noir ou gris très foncé » n’aurait été que de couleur noire. Dès lors, la requérante ne saurait soutenir que, pour un tel motif, la chambre de recours n’aurait pas tenu compte des couleurs, telles qu’elles avaient été revendiquées.

51      D’autre part, la simple circonstance que les couleurs dont la marque se compose, à savoir le noir, l’argent et le gris foncé, ont été expressément indiquées dans la demande d’enregistrement ne saurait, de toute évidence, et contrairement à ce que fait valoir la requérante, suffire à « confirmer » la visibilité du masque en question, dont la perception par le public pertinent ne dépend pas, en tout état de cause, de sa seule couleur. La visibilité de chaque composant s’apprécie en effet en fonction de l’ensemble des autres composants, en tenant compte de chacune de leur qualité intrinsèque ainsi que de leur position relative dans la configuration de la marque complexe.

52      Les arguments invoqués par la requérante ne permettent ainsi ni de conclure que le masque noir serait l’élément le plus visible ou l’élément dominant de la marque antérieure ni, par suite, d’invalider l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle cet élément était à peine, voire pas du tout perceptible.

53      Compte tenu de tout ce qui précède, et alors que les autres appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées, il convient de conclure que c’est à juste titre que cette autorité a considéré, au point 20 de la décision attaquée, qu’en raison de la petite taille du dragon et de la faible perception du masque, si tant est qu’il soit visible, ainsi que de la place secondaire du chiffre « 88 », et compte tenu également du fait que lorsqu’une marque est composée d’éléments figuratifs et textuels, le consommateur concentre généralement son attention sur ces derniers, l’élément verbal « cadello » était l’élément dominant et le plus distinctif de la marque antérieure, car dépourvu de toute signification en rapport avec les produits concernés.

2)      Sur la perception de la partie finale « -ello » et son caractère distinctif

54      La chambre de recours a estimé, ainsi qu’il a été rappelé au point 29 ci-dessus, que la partie finale « -ello » de la marque demandée n’avait aucune signification dans l’esprit du public pertinent.

55      Pour remettre en cause cette appréciation, la requérante fait valoir que le public pertinent identifie la particule « -ello » comme une particule couramment utilisée en italien, de sorte que cet élément ne serait pas distinctif ou ne serait pourvu, tout au plus, que d’un caractère distinctif « très limité ». Il ne jouerait donc qu’un rôle mineur dans la comparaison des marques en conflit.

56      À cet égard, il convient, tout d’abord, d’observer que la circonstance que la séquence de lettres « ello » puisse être couramment utilisée dans une langue de l’Union, et en l’espèce, qu’elle puisse apparaître « comme une terminaison italienne typique », ne saurait suffire, en tant que telle, pour remettre en cause l’appréciation par la chambre de recours concernant le caractère distinctif intrinsèque des signes en cause.

57      En effet, et contrairement à ce que soutient la requérante, l’appréciation du caractère distinctif d’un élément verbal nécessite de s’interroger sur sa signification, puisque cette notion signifie que cet élément est propre, dans l’esprit du public pertinent, à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

58      À cet égard, la requérante ne saurait utilement soutenir que la chambre de recours aurait commis une erreur de fait pour avoir estimé que la terminaison « ello » n’avait aucune signification alors qu’elle aurait en italien une signification notoire, à savoir une signification de diminutif. L’absence de signification de cette terminaison retenue par la chambre de recours s’entend nécessairement de son inaptitude dans l’esprit du public pertinent à identifier, tant en italien que dans toute autre langue de l’Union, l’origine commerciale des produits visés par les marques en conflit et non pas uniquement à son absence, en tant que tel, de signification dans la langue italienne.

59      En tout état de cause, rien au dossier ne permet de corroborer les affirmations de la requérante selon lesquelles la terminaison « ello » serait dépourvue de tout caractère distinctif ou pourvu d’un caractère distinctif « très limité ». La liste des mots italiens se terminant par la séquence de lettres « ello », que produit la requérante en annexe A.17 à la requête, n’apporte aucun élément concernant la perception par le public pertinent, à savoir le public de l’ensemble des États membres de l’Union, de ladite séquence de lettres par rapport aux produits visés, soit les « boissons alcoolisées à l’exception des bières ». La requérante ne saurait, en outre, se prévaloir, à l’appui de son argument, de l’annexe A.23, qui attesterait de la nature de diminutif du suffixe « ello » en italien, une telle annexe étant, en tout état de cause irrecevable, ainsi qu’il a été constaté au point 36 ci-dessus.

60      Dans ces conditions, aucun argument de la requérante n’est susceptible de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la terminaison « ello » n’a pas de signification.

61      Dans ces conditions, et alors que la requérante ne conteste pas l’appréciation selon laquelle le signe verbal demandé, ainsi que l’a estimé à bon droit la chambre de recours, et l’élément verbal de la marque antérieure n’ont aucune signification dans aucune des langues de l’Union, il convient d’en conclure que leur caractère distinctif doit être considéré comme normal.

62      Compte tenu de tout ce qui précède, il convient d’écarter les arguments de la requérante et d’approuver les appréciations de la chambre de recours concernant les éléments dominants et distinctifs des marques en conflit.

2.      Sur la similitudevisuelle

63      À titre liminaire, il convient de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 8 juillet 2020, Pablosky/EUIPO – docPrice (mediFLEX easystep), T‑20/19, EU:T:2020:309, point 96 et jurisprudence citée].

64      À cet égard, la présence dans chacune des marques en conflit de plusieurs lettres dans le même ordre peut revêtir une certaine importance dans l’appréciation des similitudes visuelles entre ces marques [voir arrêt du 24 octobre 2019, ZPC Flis/EUIPO – Aldi Einkauf (Happy Moreno choco), T‑498/18, EU:T:2019:763, point 93 et jurisprudence citée].

65      S’agissant de la comparaison des signes en cause sur le plan visuel, la chambre de recours a constaté, au point 21 de la décision attaquée, que la marque demandée « REDELLO » et l’élément dominant et le plus distinctif de la marque antérieure « cadello » étaient tous deux constitués de sept lettres, dont cinq étaient identiques et placées dans la même position. Si elle a observé que les signes en cause différaient par leurs deux premières lettres, « r/e » et « c/a » ainsi que par les éléments figuratifs et par le chiffre « 88 » de la marque antérieure, elle a toutefois estimé que ces éléments ne jouaient qu’un rôle secondaire dans l’impression d’ensemble de cette marque. Dans ces conditions, et après avoir indiqué que le consommateur a tendance à accorder une plus grande attention au début des marques, elle a conclu que, nonobstant cette dernière circonstance, les marques présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel.

66      Pour contester cette appréciation, la requérante soutient que l’absence de caractère distinctif de l’élément verbal commun « ello » ainsi que l’importance du masque vénitien dans la marque antérieure, comme la présence du chiffre « 88 », du dessin d’un dragon dans cette marque, ou la différence entre la partie initiale « re » de la marque demandée et la partie initiale « ca » de l’élément verbal de la marque antérieure, excluent toute similitude visuelle entre les signes en cause.

67      Tout d’abord, ainsi qu’il a été conclu aux points 52 et 53 ainsi qu’aux points 60 et 61 ci-dessus, c’est, à juste titre, que la chambre de recours a estimé que le masque de couleur noire contenu dans la marque antérieure était à peine visible et que la terminaison « ello » n’avait aucune signification, de sorte qu’il convenait d’écarter l’argument de la requérante concernant l’absence de caractère distinctif de cette terminaison.

68      Ensuite, force est de constater que la requérante n’apporte aucun élément pour justifier son appréciation selon laquelle les éléments figuratifs de la marque antérieure feraient obstacle à l’existence d’une similitude visuelle entre les signes en cause.

69      À cet égard, ainsi que l’a estimé à juste titre la chambre de recours, compte tenu de la petite taille du dessin du dragon ainsi que du chiffre « 88 », de même qu’en raison de sa position en bas de la marque antérieure, de tels éléments figuratifs ne sauraient jouer qu’un rôle secondaire dans l’impression d’ensemble de la marque antérieure.

70      Enfin, s’il est vrai que le début des marques verbales peut être susceptible de retenir davantage l’attention du consommateur que le reste de la marque [voir arrêt du 20 septembre 2019, The Logistical Approach/EUIPO – Idea Groupe (Idealogistic Compass Greatest care in getting it there), T‑716/18, EU:T:2019:642, point 55 et jurisprudence citée], une telle considération ne saurait valoir dans tous les cas [voir arrêt du 9 décembre 2020, Almea/EUIPO – Sanacorp Pharmahandel (Almea), T‑190/20, non publié, EU:T:2020:597, point 35 et jurisprudence citée]. Or, en l’espèce, et alors que la requérante n’apporte aucun élément pour établir qu’il en serait autrement, la différence entre les deux premières lettres de la marque demandée et les deux premières lettres de l’élément verbal de la marque antérieure n’empêche pas le consommateur de remarquer l’élément commun « dello » et les lettres initiales « r/e » et « c/a » des marques en conflit ne retiennent pas davantage l’attention du public pertinent que les lettres « d/e/l/l/o » qui les suivent.

71      Dans ces conditions, dans la mesure où le signe verbal demandé et l’élément verbal de la marque antérieure, dont il constitue l’élément dominant et le plus distinctif, ont le même nombre de lettres, dont cinq placées dans le même ordre sont identiques, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que les marques en conflit présentaient un degré moyen de similitude visuelle.

3.      Sur la similitude phonétique

72      La chambre de recours a estimé, au point 22 de la décision attaquée, que les éléments figuratifs de la marque antérieure ne jouaient aucun rôle sur le plan phonétique et qu’il était peu probable, en raison de sa petite taille, que l’élément numérique « 88 » soit prononcé. Dans ces conditions, elle a considéré que la marque demandée sera prononcée re/del/lo et la marque antérieure ca/del/lo, selon leurs règles de prononciation respective. Dès lors, compte tenu du rythme et de l’intonation commune dans la prononciation des marques en conflit, et de l’identité de la deuxième et de la dernière syllabe de la marque demandée et de la deuxième et de la dernière syllabe de l’élément verbal de la marque antérieure, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un degré supérieur à la moyenne de similitude phonétique entre lesdites marques.

73      Les arguments de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause une telle appréciation.

74      D’une part, l’argument tiré de l’absence de caractère distinctif de la partie finale « ello » de la marque demandée et de l’élément verbal de la marque antérieure a déjà été écarté comme non fondé, ainsi qu’il ressort des points 59 à 61 ci-dessus. La requérante ne saurait donc se fonder sur un tel argument pour établir l’erreur que la chambre de recours aurait commise dans son appréciation de la similitude phonétique entre les marques en conflit. Au surplus, elle n’établit ni même allègue que le public pertinent prononcerait ces quatre dernières lettres séparément des deux premières lettres de la marque demandée et de l’élément verbal de la marque antérieure.

75      D’autre part, la requérante estime que les signes en cause sont différents sur le plan phonétique en raison de la différence entre les deux premières lettres de la marque demandée et les deux premières lettres de l’élément verbal de la marque antérieure. Elle se borne sur ce point à se prévaloir de la jurisprudence, déjà rappelée au point 70 ci-dessus, selon laquelle la partie initiale des marques verbales peut être susceptible de retenir l’attention du consommateur davantage que les parties suivantes et n’apporte aucun élément concret relatif au cas d’espèce à l’appui de son affirmation. Elle n’explique pas, notamment, pour quelle raison le public pertinent se concentrerait sur les deux seules premières lettres de la marque demandée et de l’élément verbal de la marque antérieure, et négligerait la séquence commune « dello » qui suit et qui, composée de cinq lettres sur les sept que comptent la marque demandée et l’élément verbal de la marque antérieure, en représente la partie la plus importante.

76      Au demeurant, rien ne permet de considérer que le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé négligera systématiquement la seconde partie de l’élément verbal d’un signe au point de n’en mémoriser que la première partie [arrêt du 18 décembre 2008, Torres/OHMI – Bodegas Peñalba López (Torre Albéniz), T‑287/06, EU:T:2008:602, point 56].

77      Dans ces conditions, et nonobstant la différence entre la première syllabe « re » de la marque demandée et la première syllabe « ca » de l’élément verbal de la marque antérieure, la chambre de recours a pu, à bon droit, en raison des cinq dernières lettres communes « d/e/l/lo » qui composent les deuxième et troisième syllabes de chacun de ces signes et sont prononcées selon le même rythme et selon la même intonation, conclure que les marques en conflit présentaient une similitude phonétique d’un degré supérieur à la moyenne.

4.      Sur la similitude conceptuelle

78      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a estimé, au point 23 de la décision attaquée, que les marques en conflit n’avaient aucune signification et que la comparaison conceptuelle entre ces deux marques était neutre.

79      La requérante ne conteste pas explicitement cette appréciation mais soutient plutôt qu’il n’y a aucune similitude conceptuelle entre les marques en conflit.

80      À cet égard, il convient d’emblée d’observer que la requérante n’apporte, dans la requête, aucun élément à l’appui de son affirmation selon laquelle les marques en conflit ne sont pas similaires sur le plan conceptuel.

81      En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a cependant précisé que les marques en conflit n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel au motif, en substance, que la marque antérieure, en raison de ses éléments figuratifs et, en particulier, de la présence d’un masque vénitien noir, évoquerait l’Italie, alors que la marque verbale demandée, en l’absence d’un tel élément figuratif, ne saurait être pourvue du même contenu sémantique.

82      Selon la jurisprudence, les différences conceptuelles peuvent, certes, être de nature à neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques si au moins une des marques en conflit a, pour le public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement [voir arrêt du 23 novembre 2010, Codorniu Napa/OHMI – Bodegas Ontañon (ARTESA NAPA VALLEY), T‑35/08, EU:T:2010:476, point 51 et jurisprudence citée].

83      Toutefois, dans la mesure où le masque noir, ainsi que l’a conclu à juste titre la chambre de recours, est à peine, voire pas du tout visible, et occupe, ainsi qu’il a été indiqué au point 44 ci-dessus, une place secondaire dans l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure dans l’esprit du public pertinent, la signification qui, selon la requérante, y serait attachée, ne saurait être ni suffisamment claire ni suffisamment déterminée pour que le public pertinent fût en mesure de la saisir immédiatement. Si, en outre, le chiffre « 88 » de la marque antérieure était perçu distinctement par le public pertinent, ainsi que la signification du dragon de petite taille, la marque antérieure, considérée dans son ensemble, n’en serait pas moins dépourvue de tout contenu conceptuel intelligible.

84      Dès lors, la prétendue différence conceptuelle, invoquée par la requérante, à la supposer même fondée, n’est pas de nature à neutraliser les similitudes visuelle et phonétique des marques en conflit.

85      Dans ces conditions, il convient de conclure que c’est à juste titre, que la chambre de recours a pu estimer que la comparaison conceptuelle restait neutre.

B.      Sur l’appréciation globale du risque de confusion

86      Selon la jurisprudence, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. L’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 51 et jurisprudence citée).

87      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU: T:2006:397, point 74).

88      En l’espèce, la chambre de recours a estimé, au point 29 de la décision attaquée, que, compte tenu de l’identité des produits concernés, de la similitude visuelle moyenne et de la similitude phonétique supérieure à la moyenne des signes en cause, ainsi que du niveau d’attention tout au plus moyen du public pertinent et du caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

89      Les arguments de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause une telle appréciation globale du risque de confusion entre les marques en conflit.

90      En premier lieu, la requérante soutient que, dans la mesure où les produits que les deux marques désignent sont vendus dans de grands centres commerciaux où le consommateur choisit lui-même le produit dans les rayons, qu’il utiliserait essentiellement comme ingrédients dans des boissons alcoolisées mélangées, le public pertinent se fierait principalement à l’image de la marque antérieure apposée sur le produit et non à la perception phonétique qu’il aurait de cette même marque. Dès lors l’absence de similitude sur les plans visuel et conceptuel entre les marques en conflit l’emporterait sur la faible similitude entre les signes sur le plan phonétique, ce qui exclurait tout risque de confusion entre la marque antérieure et la marque demandée.

91      À cet égard, ainsi qu’il a été constaté aux points 71 et 85 ci-dessus, les marques en conflit présentent un degré moyen de similitude visuelle et aucune comparaison conceptuelle n’est possible entre elles. En outre, il a été conclu, au point 77 ci-dessus, que les marques en conflit présentaient une similitude phonétique d’un degré supérieur à la moyenne. La prémisse sur laquelle se fonde le raisonnement de la requérante et selon laquelle l’absence de similitude sur les plans visuel et conceptuel entre les marques en conflit l’emporterait sur la faible similitude entre les signes sur le plan phonétique est donc erronée, de sorte que le premier argument doit être écarté.

92      En second lieu, si la requérante fait valoir que le public pertinent « ne croira pas que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement » au motif que les lettres « ello » communes à la marque demandée et à l’élément verbal de la marque antérieure constitueraient « une terminaison couramment utilisée », un tel raisonnement doit être écarté ainsi qu’il a été conclu aux points 60 et 61 ci-dessus.

93      Compte tenu de ce qui précède, et alors que la requérante ne conteste pas les appréciations faites par la chambre de recours en ce qui concerne le caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure, il y a lieu de conclure que ladite chambre a correctement constaté, au titre d’une appréciation d’ensemble effectuée aux points 27 à 30 de la décision attaquée, l’existence d’un risque de confusion.

94      L’opposition ayant été accueillie sur le fondement de la marque figurative antérieure nº 16990624, la chambre de recours a pu, pour apprécier le risque de confusion, ne pas examiner l’opposition sur le fondement de l’autre marque antérieure invoquée, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur la question de savoir si, ainsi que le soutient la requérante, la division d’opposition aurait « implicitement mais assurément » considéré que cette autre marque aurait été « encore plus différente » que la marque figurative antérieure.

95      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique de la requérante et, partant, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions visant à demander au Tribunal de rejeter l’opposition de l’intervenante ou de renvoyer l’affaire devant l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Gothe et Kunz/EUIPO – Aldi Einkauf (FAIR ZONE), T‑589/19, non publié, EU:T:2020:397, point 80 et jurisprudence citée].

 Sur les dépens

96      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombée, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

97      S’agissant de la demande, présentée à titre subsidiaire par la requérante, de condamner la partie intervenante aux dépens de la présente procédure, il convient de la rejeter. En effet, le règlement de procédure ne prévoit pas la possibilité de condamner aux dépens de l’instance une partie qui n’est pas intervenue dans un litige devant le Tribunal [arrêt du 11 juillet 2006, Caviar Anzali/OHMI – Novomarket (Asetra), T‑252/04, EU:T:2006:199, point 49].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Phi Group GmbH est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.