Language of document : ECLI:EU:T:2023:763

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

29 novembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un scooter – Cause de nullité absolue – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001) »

Dans l’affaire T‑19/22,

Piaggio & C. SpA, établie à Pontedera (Italie), représentée par Mes F. Jacobacci et B. La Tella, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno, MM. D. Gája et J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Zhejiang Zhongneng Industry Group Co. Ltd, établie à Taizhou (Chine), représentée par Mes M. Spolidoro, M. Gurrado, L. Mendola et M. Balestriero, avocats,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl (rapporteure) et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 24 mai 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Piaggio & C. SpA, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 octobre 2021 (affaire R 359/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Le 25 mars 2013, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après, correspondant à la forme d’un scooter « Vespa », dont la représentation est fournie en cinq vues orthogonales et une vue en perspective :

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4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 12 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour la classe 12, aux « scooters » et, pour la classe 28, aux « modèles réduits de scooters ».

5        Le 4 avril 2013, l’examinatrice a émis une notification de refus provisoire d’enregistrement de la marque demandée au motif qu’elle était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

6        Le 2 août 2013, la requérante a déposé des observations en réponse au refus provisoire de l’examinatrice d’enregistrer la marque demandée, en invoquant le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001).

7        Le 9 octobre 2013, la demande de marque a été publiée par l’EUIPO et, le 16 janvier 2014, la marque en cause a été enregistrée, avec la mention expresse de ce qu’elle disposait d’un « [c]aractère distinctif acquis [par l’usage] ».

8        Le 29 avril 2014, l’intervenante, Zhejiang Zhongneng Industry Group Co. Ltd, a introduit une demande en nullité de la marque en cause pour les produits visés au point 4 ci-dessus. Cette demande était fondée, d’une part, sur les causes de nullité relative visées à l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 2, sous d), du règlement 2017/1001] sur la base du modèle communautaire antérieur no 17 836 55-0 002 enregistré le 19 novembre 2010 pour les « motocycles [et les] cyclomoteurs » relevant de la classe 12.11 au sens de la classification de Locarno et, d’autre part, sur les causes de nullité absolue visées à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et sous e), ii) et iii), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et sous e), ii) et iii), du règlement 2017/1001], ainsi qu’à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

9        Par décision du 21 décembre 2020, la division d’annulation a rejeté intégralement la demande en nullité de l’intervenante.

10      Le 17 février 2021, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation, prise dans son intégralité, au titre des articles 66 à 68 du règlement 2017/1001.

11      Par la décision attaquée, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a fait droit à ce recours, annulé la décision de la division d’annulation et prononcé la nullité de la marque contestée, pour l’ensemble des produits visés au point 4 ci-dessus, sur le fondement de la cause de nullité visée à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement, sans examiner l’existence des autres causes de nullité, absolue et relative, invoquées par l’intervenante. Ayant observé que, en l’espèce, le territoire pertinent était l’Union européenne dans son ensemble et que le public pertinent était, en substance, le grand public dont le niveau d’attention serait élevé pour l’achat des « scooters » relevant de la classe 12, tandis qu’il serait moyen pour l’achat des « modèles réduits de scooters » relevant de la classe 28, elle a, d’une part, infirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle la marque contestée avait un caractère distinctif intrinsèque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, et, d’autre part, constaté que les preuves et les arguments de la requérante ne permettaient pas de démontrer que cette marque avait acquis, dans l’ensemble du territoire de l’Union, un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en avait été fait, au sens de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement.

II.    Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler ladite décision et renvoyer l’affaire devant la chambre de recours afin que celle-ci énonce dans quels pays la marque contestée aurait acquis ou non un caractère distinctif ;

–        en tout état de cause, ordonner que les dépens relatifs à la procédure devant ladite chambre soient mis à la charge de l’EUIPO ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la nullité de la marque contestée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur le droit applicable ratione temporis

15      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 25 mars 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

16      En outre, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

B.      Sur la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal

17      La requérante a précisé, dans la requête, que les annexes 25 à 29 de celle-ci ne constituent pas des nouveaux éléments de preuve, mais des documents purement confirmatifs des données qu’elle avait déjà présentées au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO, qu’il a été nécessaire de compléter ou de corroborer du fait d’objections concrètes avancées par la chambre de recours dans la décision attaquée. Or, il ressortirait de l’arrêt du 28 mars 2012, Rehbein/OHMI – Dias Martinho (OUTBURST) (T‑214/08, EU:T:2012:161), que les éléments de preuve qui visent à renforcer ou à clarifier le contenu des éléments de preuve initiaux, tels que ceux en l’espèce, sont recevables. De même, selon l’arrêt du 11 avril 2019, Adapta Color/EUIPO – Coatings Foreign IP (ADAPTA POWDER COATINGS) (T‑223/17, non publié, EU:T:2019:245), les documents relatifs à des circonstances de fait auxquelles la décision dont la légalité est contestée fait référence seraient recevables aux fins de réfuter les arguments soulevés pour la première fois par la chambre de recours.

18      L’EUIPO fait valoir que les annexes 12 à 14 et 24 à 29 de la requête sont irrecevables, dans la mesure où elles ont été produites pour la première fois devant le Tribunal. Toutefois, lors de l’audience, l’EUIPO a indiqué ne plus contester la recevabilité de l’annexe 24 de la requête, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

19      L’intervenante conteste seulement la recevabilité des annexes 25 à 29 de la requête pour le même motif invoqué par l’EUIPO.

20      En premier lieu, il y a lieu de constater que les annexes 12 à 14 de la requête correspondent à un jugement du Tribunale di Torino (Tribunal de Turin, Italie) du 6 avril 2017 auquel est annexé un rapport d’expertise technique du 7 janvier 2016 (annexe 12), à un arrêt de la Corte d’appello di Torino (cour d’appel de Turin, Italie) du 16 avril 2019 (annexe 13) ainsi qu’à un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 7 février 2013 (annexe 14). Ainsi que cela ressort notamment des points 13, 19, 39 et 48 de la requête, lesdites annexes ont été invoquées par la requérante à titre illustratif afin de contester la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

21      À cet égard, il y a lieu de constater que, d’une part, le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 7 février 2013 (annexe 14 de la requête) figure dans le dossier administratif de l’EUIPO et n’a donc pas été produit pour la première fois devant le Tribunal, de sorte qu’il est recevable.

22      D’autre part, si le jugement du Tribunale di Torino (Tribunal de Turin, Italie) du 6 avril 2017 auquel est annexé un rapport d’expertise technique du 7 janvier 2016 (annexe 12 de la requête) et l’arrêt de la Corte d’appello di Torino (cour d’appel de Turin, Italie) du 16 avril 2019 (annexe 13 de la requête), ont certes été produits pour la première fois devant le Tribunal, ils ne constituent toutefois pas des preuves proprement dites, mais concernent la jurisprudence nationale, à laquelle une partie a le droit de se référer [voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2021, Moviescreens Rental/EUIPO – the airscreen company (AIRSCREEN), T‑250/20, non publié, EU:T:2021:602, point 20 et jurisprudence citée]. En effet, ni les parties ni le Tribunal lui-même ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la jurisprudence nationale [arrêt du 13 juin 2019, MPM-Quality/EUIPO – Elton Hodinářská (MANUFACTURE PRIM 1949), T‑75/18, non publié, EU:T:2019:413, point 20]. Une telle possibilité de se référer à des jugements nationaux n’est pas visée par la jurisprudence selon laquelle le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au regard des éléments présentés par les parties devant celles-ci, dès lors qu’il ne s’agit pas de reprocher auxdites chambres de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait dans un jugement précis, mais d’invoquer des jugements à l’appui d’un moyen tiré de la violation par ces chambres d’une disposition du règlement no 207/2009, comme c’est le cas en l’espèce [voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2021, Bende/EUIPO – Julius-K9 (K-9), T‑878/19, non publié, EU:T:2021:146, point 56 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que les annexes 12 et 13 de la requête doivent également être déclarées recevables.

23      En second lieu, il y a lieu de constater que les documents contenus dans les annexes 25 à 29 de la requête, à savoir un tableau récapitulatif des sources officielles des données relatives aux ventes et liens connexes datant de décembre 2021 (annexe 25), des déclarations confirmant les données relatives aux ventes fournies par des organismes officiels en Espagne, au Portugal, en France et en Allemagne datant de décembre 2021 (annexe 26), une déclaration de l’association des constructeurs européens de motocycles (ACEM) datée du 20 décembre 2021 confirmant les données relatives aux ventes en Bulgarie, en Estonie, en Irlande, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne, en Roumanie, en Slovaquie et au Luxembourg (annexe 27), des factures concernant les ventes de « Vespa » à Chypre datées de 2009 à 2013 (annexe 28) et des factures concernant les ventes de « Vespa » à Malte datées de 2010 à 2013 (annexe 29), ont tous été produits pour la première fois devant le Tribunal.

24      Or, il y a lieu de rappeler qu’un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009. Il découle de cette disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’EUIPO ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée [voir arrêt du 19 juin 2018, Erwin Müller/EUIPO – Novus Tablet Technology Finland (NOVUS), T‑89/17, non publié, EU:T:2018:353, point 15 et jurisprudence citée].

25      Il y a dès lors lieu d’écarter les documents contenus dans les annexes 25 à 29 de la requête, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

26      Les arguments avancés par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

27      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les documents en cause ne font que compléter et corroborer les éléments présentés devant la chambre de recours, il convient de rappeler que cela est sans incidence sur la circonstance que ladite chambre ne disposait pas des éléments d’information figurant dans lesdits documents [voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Staatliche Porzellan-Manufaktur Meissen/EUIPO, C‑471/16 P, non publié, EU:C:2017:602, point 27, et du 9 mars 2018, Recordati Orphan Drugs/EUIPO – Laboratorios Normon (NORMOSANG), T‑103/17, non publié, EU:T:2018:126, point 30].

28      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il ressort de l’arrêt du 28 mars 2012, OUTBURST (T‑214/08, EU:T:2012:161, point 51), que les éléments de preuve visant à renforcer ou à clarifier le contenu des éléments de preuve initiaux sont recevables, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que cet arrêt portait sur la question de l’admissibilité, au regard des dispositions de la règle 22, paragraphe 2, du règlement no 2868/95, des éléments de preuve produits pour la première fois devant la chambre de recours et ne concernait dès lors nullement la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal, de sorte que ledit arrêt n’est pas pertinent en l’espèce.

29      Troisièmement, la requérante s’appuie sur l’arrêt du 11 avril 2019, ADAPTA POWDER COATINGS (T‑223/17, non publié, EU:T:2019:245, points 16 et 17), pour faire valoir que les documents en cause sont recevables, car ils visent à réfuter un argument soulevé pour la première fois par la chambre de recours. À la suite d’une question du Tribunal lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle visait à réfuter les faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits en cause sur lesquels s’est appuyée la chambre de recours, au point 61 de la décision attaquée, dans le cadre de l’examen du caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée. Toutefois, force est de constater que lesdits documents ne concernent manifestement pas le caractère distinctif intrinsèque de ladite marque et ne visent nullement à réfuter le fait notoire invoqué par ladite chambre au point 61 de la décision attaquée. L’argument de la requérante doit donc être écarté.

C.      Sur le bien-fondé des moyens

30      À l’appui de son premier chef de conclusions formulé à titre principal, la requérante invoque en substance deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement.

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

31      La requérante soutient en substance que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que la marque contestée ne divergeait pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur et qu’elle était dès lors dépourvue de caractère distinctif intrinsèque.

32      En particulier, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir dûment pris en compte les arguments et les éléments de preuve qu’elle lui avait soumis. En outre, elle fait valoir que, même à supposer que les éléments représentatifs de la marque contestée, à savoir, le tablier en forme de flèche, la forme en « Ω inversé » entre la selle et le repose-pieds ainsi que la forme en « X » entre le carénage postérieur et le dessous de la selle, pris individuellement, n’étaient pas « suffisamment caractéristiques pour conférer à [cette marque] un degré minimal de caractère distinctif », la manière dont ces différents éléments sont combinés indique que ladite marque, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée, de sorte qu’elle présente un caractère distinctif. Cela serait confirmé par la renommée et le caractère reconnaissable de la forme historique de la « Vespa », par un jugement du Tribunale di Torino (Tribunal de Turin, Italie) du 6 avril 2017 et un arrêt de la Corte d’appello di Torino (cour d’appel de Turin, Italie) du 16 avril 2019 ainsi que par les sondages d’opinion réalisés dans douze État membres de l’Union.

33      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

34      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement.

35      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

36      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

37      Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, points 45 et 46).

38      Plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition [arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31, et du 5 février 2020, Hickies/EUIPO (Forme d’un lacet de chaussure), T‑573/18, EU:T:2020:32, point 29 (non publié)].

39      Il s’ensuit que, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une « variante » de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C‑445/13 P, EU:C:2015:303, point 92 et jurisprudence citée ; arrêt du 29 juin 2018, hoechstmass Balzer/EUIPO (Forme d’un boîtier de mètre ruban), T‑691/17, non publié, EU:T:2018:394, point 29].

40      Enfin, il y a lieu de rappeler que la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante de ces formes [voir arrêt du 26 novembre 2015, Établissement Amra/OHMI (KJ Kangoo Jumps XR), T‑390/14, non publié, EU:T:2015:897, point 25 et jurisprudence citée].

41      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le présent moyen.

42      En premier lieu, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré en substance, aux points 43 à 45 de la décision attaquée, que le territoire pertinent était celui de l’Union dans son ensemble et que les produits en cause, à savoir les « scooters » et les « modèles réduits de scooters », étaient destinés au grand public dont le niveau d’attention serait élevé pour l’achat des « scooters » relevant de la classe 12, tandis qu’il serait moyen pour l’achat des « modèles réduits de scooters » relevant de la classe 28. Ces considérations ne sont d’ailleurs pas remises en cause par la requérante.

43      Par ailleurs, comme l’a précisé la chambre de recours, le niveau d’attention élevé du public pertinent pour l’achat des « scooters » relevant de la classe 12 ne saurait avoir une influence déterminante sur les critères juridiques utilisés pour l’appréciation d’un caractère distinctif d’un signe. En effet, le seuil de distinctivité nécessaire à l’enregistrement d’une marque ne saurait dépendre du niveau d’attention du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2019, Bayer Intellectual Property/EUIPO (Représentation d’un cœur), T‑123/18, EU:T:2019:95, point 17 et jurisprudence citée].

44      En second lieu, la chambre de recours a considéré en substance, aux points 53 à 63 de la décision attaquée, que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. En particulier, elle a estimé, en s’appuyant sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits en cause, qu’aucune des caractéristiques de la forme représentée par ladite marque divergeait de manière significative des formes habituelles d’un scooter et que, partant, cette marque ne serait perçue que comme une variante de la forme caractéristique d’un scooter. En outre, elle a considéré, en se référant aux exemples de scooters cités par l’examinatrice et rappelés par l’intervenante, que le tablier en forme de flèche, la forme en « Ω inversé » entre la selle et le repose-pieds ainsi que la forme en « X » entre le carénage postérieur et le dessous de la selle, mis en avant par la requérante, n’étaient pas suffisamment caractéristiques pour conférer à la marque contestée un degré minimal de caractère distinctif et qu’ils seraient seulement perçus comme une forme originale d’ornementation.

45      En l’espèce, premièrement, il y a lieu de constater que la marque contestée, qui constitue une marque tridimensionnelle représentant la forme d’un scooter, correspond à la forme des produits en cause. Ainsi, compte tenu de la jurisprudence exposée aux points 37 à 39 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a examiné si ladite marque divergeait significativement de la norme ou des habitudes du secteur des scooters ainsi que de leurs modèles réduits.

46      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, lorsque la chambre de recours conclut à l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée, elle peut fonder son analyse sur des faits notoires, à savoir des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits de consommation générale, lesquels faits sont susceptibles d’être connus de toute personne et sont notamment connus des consommateurs de ces produits. Dans un tel cas, ladite chambre n’est pas obligée de présenter des exemples d’une telle expérience pratique [voir arrêt du 29 juin 2015, Grupo Bimbo/OHMI (Forme d’une tortilla mexicaine), T‑618/14, non publié, EU:T:2015:440, point 30 et jurisprudence citée].

47      La chambre de recours pouvait ainsi, en l’espèce, fonder son raisonnement notamment sur l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits de consommation générale, les produits visés par la marque contestée appartenant à cette catégorie. En effet, les produits en cause, qui s’adressent au grand public (voir point 42 ci-dessus), sont susceptibles d’être achetés par toute personne. De plus, si les « scooters » compris dans la classe 12 constituent certes des biens durables relativement coûteux, il a été jugé que des produits d’un prix plus élevé, dont les achats n’intervenaient pas à intervalles réguliers et fréquents, mais constituaient des occasions plutôt rares et spéciales, pouvaient être considérés comme des produits de consommation générale [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 19 septembre 2012, Fraas/OHMI (Motif à carreaux gris foncé, gris clair, bleu clair, bleu foncé, ocre et beige), T‑231/11, non publié, EU:T:2012:445, point 28, et du 14 décembre 2011, Vuitton Malletier/OHMI – Friis Group International (Représentation d’un dispositif de verrouillage), T‑237/10, non publié, EU:T:2011:741, point 49].

48      Troisièmement, dans la mesure où la requérante se prévaut du caractère distinctif de la marque contestée en dépit de l’analyse de la chambre de recours fondée notamment sur l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits en cause, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que ladite marque est dotée d’un caractère distinctif, étant donné qu’elle est beaucoup mieux à même de le faire, au vu de sa connaissance approfondie du marché [voir arrêt du 16 janvier 2014, Steiff/OHMI (Étiquette avec bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche), T‑434/12, non publié, EU:T:2014:6, point 22 et jurisprudence citée].

49      À cet égard, la requérante soutient essentiellement que les caractéristiques représentatives de la marque contestée, à savoir le tablier en forme de flèche, la forme en « Ω inversé » entre la selle et le repose-pieds et la forme en « X » entre le carénage postérieur et le dessous de la selle, ainsi que la manière dont ces différentes caractéristiques sont combinées, permettent de distinguer ladite marque des autres formes de scooter présentes sur le marché.

50      Or, force est de constater que la marque contestée ne s’écarte pas significativement des formes de base des produits concernés. En effet, ainsi que l’avait relevé l’examinatrice dans sa communication du 4 avril 2013, ladite marque reproduit les caractéristiques typiques de la forme d’un scooter, telles que les roues classiques de petit diamètre ainsi que le moteur en retrait sous la selle et caché par des capets latéraux.

51      En outre, les caractéristiques auxquelles la requérante se réfère pour considérer la marque contestée comme ayant la capacité intrinsèque de distinguer les produits en cause de ceux de ses concurrents, apparaissent de manière très similaire, notamment, dans les deux exemples de scooters présents sur le marché sur lesquels la chambre de recours s’est appuyée au point 54 de la décision attaquée, de sorte que ces caractéristiques ne sauraient être considérées comme étant inhabituelles sur le marché. Cela est également corroboré par les différents modèles de scooters mentionnés par l’intervenante dans sa demande en nullité et son mémoire exposant les motifs du recours, lesquels présentent des caractéristiques similaires. La requérante n’a d’ailleurs avancé aucun argument aux fins de réfuter la pertinence des exemples de scooters sur lesquels ladite chambre s’est notamment appuyée aux fins de corroborer sa conclusion selon laquelle ladite marque ne divergeait pas de manière significative des formes habituelles d’un scooter.

52      Par ailleurs, à supposer que ces caractéristiques soient identifiées par le public pertinent, il n’en demeure pas moins que celles-ci constituent des formes simples et purement ornementales, de sorte qu’elles ne sont pas suffisamment caractéristiques ou marquantes pour conférer à la marque contestée un degré minimal de caractère distinctif, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2022, Hrebenyuk/EUIPO (Forme d’un col montant), T‑252/21, non publié, EU:T:2022:157, point 27 et jurisprudence citée]. Elles seront ainsi perçues comme de simples variations habituelles de la forme standard que revêtent les scooters, mais non comme une indication de l’origine commerciale des produits.

53      Enfin, la manière dont les éléments de la marque contestée sont combinés n’est pas non plus susceptible de conférer à celle-ci un caractère distinctif, dès lors qu’ils n’ont pas d’incidence particulière sur l’apparence globale du produit en cause. La requérante ne démontre d’ailleurs pas concrètement que cela serait le cas.

54      Il s’ensuit que la chambre de recours était fondée à considérer que la forme représentée par la marque contestée ne divergeait pas, de manière significative, des habitudes du secteur et qu’elle ne constituait qu’une variante de la forme caractéristique d’un scooter.

55      Les autres arguments avancés par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

56      Premièrement, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas dûment pris en compte ses arguments et les éléments de preuve qu’elle avait produits. Or, il ressort des points 56 et 62 de la décision attaquée que ladite chambre a bien tenu compte de ces arguments et éléments de preuve, mais qu’elle a considéré en substance que, d’une part, ceux-ci portaient principalement sur la question de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage et, d’autre part, que les caractéristiques prétendument distinctives de la marque contestée n’étaient pas suffisamment caractéristiques pour conférer à ladite marque un degré minimal de caractère distinctif. Il convient dès lors de rejeter l’argument de la requérante comme non fondé.

57      Deuxièmement, s’agissant de la prétendue renommée de la « Vespa » invoquée par la requérante, il y a lieu de rappeler que ce critère n’est pas pertinent aux fins de déterminer si la marque contestée disposait d’un caractère distinctif intrinsèque en ce qu’elle divergeait de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur [voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2021, Eos Products/EUIPO (Forme d’un récipient sphérique), T‑489/20, non publié, EU:T:2021:547, point 69], de sorte que cet argument de la requérante ne saurait prospérer.

58      Troisièmement, s’agissant des décisions nationales qui auraient reconnu le caractère distinctif intrinsèque d’une marque italienne représentant une forme identique à celle de la marque contestée, il convient de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union. Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Certes, quand bien même les décisions des autorités nationales ne sont pas contraignantes aux fins de l’application du droit des marques de l’Union européenne, elles peuvent être prises en considération (voir arrêt du 8 septembre 2021, Forme d’un récipient sphérique, T‑489/20, non publié, EU:T:2021:547, point 91 et jurisprudence citée).

59      Toutefois, en l’espèce, dès lors que la chambre de recours a conclu à bon droit que la marque contestée se heurtait au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, les décisions nationales évoquées par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

60      Quatrièmement, s’agissant des sondages d’opinion réalisés dans douze États membres qui établiraient que les personnes interrogées reconnaissent immédiatement l’origine commerciale de la forme représentée par la marque contestée par rapport à d’autres formes de scooters, il suffit de relever qu’une telle perception de ladite marque ne saurait, éventuellement, être prise en considération qu’aux fins de l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque, et non pour apprécier le caractère distinctif intrinsèque de celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2010, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI (Forme d’une clochette avec ruban rouge), T‑346/08, non publié, EU:T:2010:548, point 39 et jurisprudence citée].

61      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 comme non fondé.

2.      Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009

62      Dans le cadre du présent moyen, la requérante soulève en substance deux griefs tirés de ce que la chambre de recours a, d’une part, renversé la répartition de la charge de la preuve à son détriment et, d’autre part, considéré à tort que les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour démontrer l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de la marque contestée dans tout le territoire de l’Union.

a)      Sur le premier grief, tiré d’un renversement de la charge de la preuve

63      La requérante fait valoir que la marque contestée ayant été enregistrée, celle-ci jouit d’une présomption de validité, de sorte qu’il incombait à l’intervenante d’apporter des éléments de preuve susceptibles de remettre en cause la validité de cet enregistrement, ce que cette dernière n’aurait pas fait. En effet, l’intervenante se serait uniquement contentée de présenter des « griefs génériques » quant à la fiabilité des preuves du caractère distinctif acquis par l’usage de ladite marque qui avaient été fournies au lieu de présenter des éléments de preuve concrets. La requérante en déduit que, en considérant qu’elle n’avait pas présenté des éléments de preuves suffisants pour démontrer ladite acquisition, la chambre de recours a renversé la charge de la preuve en la faisant peser sur elle.

64      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

65      À cet égard, il convient de préciser que, dans le cadre d’une procédure de nullité, la chambre de recours ne saurait être contrainte d’effectuer une nouvelle fois l’examen d’office des faits pertinents mené au moment de l’enregistrement par les instances compétentes de l’EUIPO. Il ressort, en effet, des dispositions des articles 52 et 55 du règlement no 207/2009 que la marque de l’Union européenne est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle à la suite d’une procédure de nullité. Elle bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement [voir arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 22 et jurisprudence citée].

66      Cette présomption de validité limite l’obligation de l’EUIPO, figurant à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer les motifs absolus de refus à l’examen de la demande d’une marque de l’Union européenne mené par les instances de l’EUIPO lors de la procédure d’enregistrement de ladite marque. Or, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2019, All Star/EUIPO – Carrefour Hypermarchés (Forme d’une semelle de chaussure), T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 45 et jurisprudence citée].

67      Toutefois, si cette présomption de validité de l’enregistrement limite l’obligation de l’EUIPO d’examiner les faits pertinents, elle ne saurait, pour autant, l’empêcher, notamment au vu des éléments invoqués par la partie qui conteste la validité de la marque contestée, de se fonder sur ces arguments ainsi que sur les éventuels éléments de preuve joints par cette partie à la demande en nullité [voir arrêt du 18 novembre 2015, Research Engineering & Manufacturing/OHMI – Nedschroef Holding (TRILOBULAR), T‑558/14, non publié, EU:T:2015:858, point 41 et jurisprudence citée].

68      En l’espèce, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’intervenante avait contesté la validité de la marque en cause et, notamment, le caractère suffisant des preuves de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage présentées par la requérante, en avançant des éléments concrets au soutien de la demande en nullité. En effet, ainsi que cela est indiqué au point 67 de la décision attaquée, l’intervenante avait essentiellement relevé que les documents présentés par la requérante renvoyaient de manière générique à la « Vespa » mythique et légendaire, mais pas spécifiquement au scooter dont la forme est représentée par la marque contestée, et ne contenaient « même pas une facture de vente, document le plus typique et efficace pour démontrer l’usage visé à l’article 7, paragraphe 3, du [règlement no 207/2009] ».

69      Il s’ensuit qu’il incombait à la chambre de recours, ainsi qu’elle l’a fait, d’examiner les arguments avancés par l’intervenante et donc de déterminer si, comme le prétendait cette dernière, les preuves présentées par la requérante n’étaient pas suffisantes pour démontrer que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage.

70      Partant, en agissant ainsi, la chambre de recours n’a nullement renversé la charge de la preuve. De plus, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de la décision attaquée que ladite chambre lui ait imposé une quelconque « obligation supplémentaire ». Enfin, pour autant que la requérante soutient qu’il appartenait à l’intervenante de démontrer l’absence de caractère distinctif acquis par l’usage, cet argument ne saurait davantage prospérer, dès lors qu’il ressort de l’économie de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) que c’est au titulaire de la marque dont la nullité est demandée qu’il appartient de produire les preuves appropriées et suffisantes pour démontrer que celle-ci a acquis un caractère distinctif (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2019, Forme d’une semelle de chaussure, T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, points 156 et 157 et jurisprudence citée).

71      Il convient dès lors de rejeter le présent grief comme non fondé.

b)      Sur le second grief, tiré de ce que la chambre de recours a conclu à tort à l’insuffisance des preuves du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée

72      La requérante soutient que, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours, les éléments de preuve étaient suffisants pour démontrer que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble de l’Union.

73      Premièrement, la requérante relève que les sondages d’opinion permettaient de prouver la reconnaissance de la forme de la « Vespa » dans douze États membres représentant 83,43 % de la population européenne ce qui constitue un échantillon plus que significatif du public pertinent. De plus, une analyse globale des éléments de preuve permettrait de démontrer l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de la marque contestée sur tout le territoire de l’Union. Deuxièmement, la requérante estime que les preuves qu’elle a fournies concernent directement la marque contestée étant donné que celle-ci représente la forme de la « Vespa », dont les caractéristiques essentielles n’ont jamais été modifiées et sont reprises dans tous les modèles de scooters « Vespa ». Troisièmement, elle soutient que, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours, les données qu’elle a présentées sont objectives et ont été fournies par des entités tierces indépendantes spécifiquement identifiées.

74      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante et rappelle que le caractère distinctif acquis par l’usage doit être établi sur l’ensemble du territoire de l’Union et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité de ce territoire. Or, les éléments de preuve, même appréciés globalement, ne fourniraient pas de données suffisantes pour l’ensemble dudit territoire. En effet, les sondages d’opinion ne couvriraient que douze État membres et la requérante n’aurait pas fourni de documentation adéquate concernant la partie restante du territoire de l’Union. En particulier, les données relatives au volume des ventes, aux chiffres d’affaires et aux parts de marché figurant dans les tableaux élaborés par la requérante elle-même ne seraient pas accompagnées de documents émanant de tiers qui pourraient corroborer et confirmer leur véracité et leur fiabilité. De plus, contrairement à ce que prétend la requérante, les informations figurant dans les éléments de preuve ainsi que les explications fournies, n’identifieraient pas clairement et sans ambiguïté la source des informations.

75      L’intervenante conteste également les arguments de la requérante et relève que les sondages d’opinion ne concernent que onze États membres, alors que la jurisprudence exigerait que la preuve soit apportée pour chaque État membre pris individuellement. En outre, les études de marché seraient dénuées de valeur probante compte tenu du fait qu’elles auraient été réalisées pour le compte de la requérante, qu’elles seraient postérieures au dépôt de la marque contestée et qu’elles ne démontreraient pas de manière objective le prétendu caractère distinctif acquis par l’usage de ladite marque. Par ailleurs, les données relatives aux ventes et aux investissements publicitaires seraient des tableaux réalisés par la requérante elle-même et ne contiendraient aucune indication quant aux sources des données, de sorte qu’elles seraient dépourvues de toute valeur probante. En tout état de cause, ces données ne seraient pas pertinentes étant donné qu’elles ne porteraient pas sur la vente du scooter « Vespa LX » dont la forme est représentée par la marque contestée, mais concerneraient de manière générale les scooters « Vespa ». Il en irait de même pour les éléments de preuve relatifs à la présence de « clubs Vespa » qui ne concerneraient pas cette marque, mais les scooters « Vespa historiques ».

76      En l’espèce, la requérante a présenté un certain nombre d’éléments de preuve au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO. Il s’agit, notamment, des documents suivants :

–        un extrait du site Internet du Musée d’art moderne de New York (MoMA) datée du 18 juillet 2013 montrant le modèle de scooter « Vespa GS 150 » ;

–        des extraits de journaux en ligne italiens datés de 2013 rapportant que la « Vespa » constitue l’un des douze objets ayant marqué le design mondial ;

–        des brochures sur les scooters « Vespa GTS + GTS Super », « Vespa LX + S », « Vespa PX », « Gamma Vespa », « Gamma 2012 » de 2012 et de 2013 ;

–        un tableau Excel comportant des données sur le volume des ventes et la part de marché de la « Vespa » de 2007 à 2012 dans l’Union, en Italie, en Allemagne, en France, en Espagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique, en Grèce, en Autriche, en Croatie, au Portugal, au Danemark, en Finlande, en Suède, en République Tchèque, en Slovénie, en Hongrie, en Pologne, en Roumanie, en Estonie, en Lituanie, en Lettonie, en Slovaquie, en Irlande, en Bulgarie et au Luxembourg ;

–        un tableau présentant les sources des données figurant dans le tableau sur le volume des ventes et la part de marché de la « Vespa » ;

–        un tableau Excel présentant le volume des ventes et le chiffre d’affaires réalisés par la « Vespa » de 2003 à 2012 dans tous les États membres ;

–        une présentation intitulée « Distribuzione Vespa EMEA & AMERICAS Piaggio Group, Milano, Maggio 2013 » (Distribution Vespa EMEA & AMERICAS Piaggio Group, Milan, mai 2013) ;

–        un tableau Excel récapitulant les investissements publicitaires réalisés de 2003 à 2012 ;

–        une publication intitulée « Il mito di Vespa » (le mythe de la Vespa) de 2001 ;

–        les statuts du « Vespa World Club », des extraits du site Internet « www.vespaworldclub.com », une liste des « clubs Vespa » dans plusieurs États membres et des évènements organisés en 2012 dans le cadre de « clubs Vespa » ;

–        une publication intitulée « Il libro della Comunicazione » (le livre de la communication) de 1995 et des illustrations tirées de ladite publication ;

–        un catalogue intitulé « Eurovespa 2000 » ;

–        des photographies relatives à la « Vespa » au cinéma ;

–        un tableau sur le détail des visites journalières en 2013 qui auraient eu lieu au musée Piaggio et des extraits qui seraient tirés du livre des visiteurs dudit musée d’octobre 2012 ;

–        une publication intitulée « Vespa. Un’avventura italiana nel mondo » (Vespa. Une aventure italienne dans le monde) datant de 2005 ;

–        des tableaux contenant des données sur la population de l’Union et des différents États membres ;

–        des sondages d’opinion intitulés « Riconoscibilità forma scooter » (reconnaissance de la forme du scooter) réalisés par un institut de recherche statistique et d’analyse de l’opinion publique entre juin et septembre 2014 en Italie, en Autriche, en Belgique, en République tchèque, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Pologne, au Portugal, en Espagne, en Suède et au Royaume-Uni ;

–        un sondage d’opinion intitulé « Riconoscibilità di quattro forme di scooter » (reconnaissance de quatre formes de scooter) réalisé par le même institut de recherche statistique et d’analyse de l’opinion publique en septembre 2014 ;

–        un courrier de l’association nationale des cycles, cyclomoteurs et leurs accessoires (ANCMA) du 29 janvier 2015, contenant des données sur les ventes de scooters en Italie pour les années 2007 à 2013 ;

–        une note informative délivrée par l’institut de recherche statistique et d’analyse de l’opinion publique en question le 19 juin 2015 dans laquelle sont décrites les modalités des sondages visés aux annexes 10 à 22 du mémoire du 10 novembre 2014 ;

–        un rapport d’audit portant sur la vérification des revenus provenant de la vente de scooters « Vespa » et des investissements publicitaires réalisés en lien avec la marque Vespa du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2013.

77      À cet égard, il y a lieu de rappeler tout d’abord que, selon l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, lorsqu’une marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement, notamment, à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, lequel prévoit que sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif intrinsèque, elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée. Selon l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement, le paragraphe 1, sous b), de ce même article n’est pas applicable si la marque a acquis, pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

78      Ainsi, l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 vise les marques dont l’enregistrement était contraire, notamment, à l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement et qui, en l’absence d’une telle disposition, auraient dû être annulées, en application de l’article 52, paragraphe 1, de ce règlement. L’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 a, précisément, comme objectif de maintenir l’enregistrement des marques qui, en raison de l’usage qui en a été fait, ont, entre-temps, c’est-à-dire après leur enregistrement, acquis un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elles ont été enregistrées, malgré la circonstance que cet enregistrement, au moment où il est intervenu, était contraire à l’article 7 du même règlement [voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Louis Vuitton Malletier/OHMI – Nanu-Nana (Représentation d’un motif à damier gris), T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 82 et jurisprudence citée].

79      Selon la jurisprudence, pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, l’autorité compétente doit procéder à un examen concret et apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée (voir arrêt du 19 juin 2014, Oberbank e.a., C‑217/13 et C‑218/13, EU:C:2014:2012, point 40 et jurisprudence citée).

80      À cet égard, il convient de prendre en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque, les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que les sondages d’opinion (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 63 et jurisprudence citée).

81      Si, sur la base de tels éléments, les milieux intéressés ou, à tout le moins, une fraction significative de ceux-ci, identifient grâce à la marque le produit comme provenant d’une entreprise déterminée, il convient d’en conclure que la condition exigée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 est remplie (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 52).

82      Enfin, en ce qui concerne l’étendue géographique de la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, la marque de l’Union européenne a un caractère unitaire et produit les mêmes effets dans l’ensemble de l’Union. Il résulte du caractère unitaire de la marque de l’Union européenne que, pour être admis à l’enregistrement, un signe doit posséder un caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, dans l’ensemble de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 68).

83      Ainsi, un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union européenne, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, que si la preuve était rapportée qu’il a acquis, par l’usage qui en a été fait, un caractère distinctif dans la partie de l’Union dans laquelle il n’avait pas ab initio un tel caractère, au sens du paragraphe 1, sous b), dudit article. Il s’ensuit que, s’agissant d’une marque dépourvue de caractère distinctif ab initio dans l’ensemble des États membres, une telle marque ne peut être enregistrée en vertu de cette disposition que s’il est démontré qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 75 et 76 et jurisprudence citée).

84      À cet égard, la Cour a précisé qu’il serait excessif d’exiger que la preuve d’une telle acquisition soit apportée pour chaque État membre pris individuellement (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2012, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI, C‑98/11 P, EU:C:2012:307, point 62).

85      En effet, aucune disposition du règlement no 207/2009 n’impose d’établir par des preuves distinctes l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans chaque État membre pris individuellement. Il ne saurait, dès lors, être exclu que des éléments de preuve de l’acquisition, par un signe déterminé, d’un caractère distinctif par l’usage présentent une pertinence en ce qui concerne plusieurs États membres, voire l’ensemble de l’Union (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 80).

86      Notamment, il est possible que, pour certains produits ou services, les opérateurs économiques aient regroupé plusieurs États membres au sein du même réseau de distribution et aient traité ces États membres, en particulier du point de vue de leurs stratégies marketing, comme s’ils constituaient un seul et même marché national. Dans cette hypothèse, les éléments de preuve de l’usage d’un signe sur un tel marché transfrontalier sont susceptibles de présenter une pertinence pour tous les États membres concernés (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 81).

87      Il en va de même lorsque, en raison de la proximité géographique, culturelle ou linguistique entre deux États membres, le public pertinent du premier possède une connaissance suffisante des produits ou des services présents sur le marché national du second (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 82).

88      S’il n’est donc pas nécessaire, aux fins de l’enregistrement, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, d’une marque dépourvue ab initio de caractère distinctif dans l’ensemble des États membres de l’Union, que la preuve soit apportée, pour chaque État membre pris individuellement, de l’acquisition par cette marque d’un caractère distinctif par l’usage, les preuves apportées doivent néanmoins permettre de démontrer une telle acquisition dans l’ensemble des États membres de l’Union. En effet, dans le cas d’une marque qui ne possède pas un caractère distinctif intrinsèque dans l’ensemble de l’Union, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité dudit territoire, de sorte que, bien qu’une telle preuve puisse être rapportée de façon globale pour tous les États membres concernés ou bien de façon séparée pour différents États membres ou groupes d’États membres, il n’est en revanche pas suffisant que celui à qui en incombe la charge se borne à produire des éléments de preuve d’une telle acquisition qui ne couvriraient pas une partie de l’Union, même consistant en un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 83 et 87).

89      C’est au vu de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante.

90      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, il doit être démontré que le caractère distinctif de la marque a été acquis par un usage antérieur à la date du dépôt de la demande d’enregistrement [arrêt du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, EU:T:2005:463, point 66]. Cette interprétation n’exclut pas la possibilité, pour l’autorité compétente, de prendre en considération des éléments qui, bien que postérieurs à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait avant cette même date (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 71, et du 19 juin 2014, Oberbank e.a., C‑217/13 et C‑218/13, EU:C:2014:2012, points 54 à 61).

91      En outre, l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 dispose, notamment, que, lorsque la marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits pour lesquels elle est enregistrée.

92      Il s’ensuit que, comme l’a relevé en substance la chambre de recours au point 66 de la décision attaquée, la requérante devait prouver soit que la marque contestée avait, antérieurement à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, le 25 mars 2013, acquis un caractère distinctif en raison de l’usage qui en a été fait, soit qu’elle avait acquis un tel caractère en raison de l’usage qui en a été fait, entre la date de son enregistrement, le 16 janvier 2014, et celle de la demande en nullité, le 29 avril 2014 et ce dans l’Union, telle que composée au moment du dépôt de la demande d’enregistrement [voir arrêt du 15 décembre 2016, Mondelez UK Holdings & Services/EUIPO – Société des produits Nestlé (Forme d’une tablette de chocolat), T‑112/13, non publié, EU:T:2016:735, point 117 et jurisprudence citée].

93      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif intrinsèque dans l’ensemble de l’Union, ainsi que cela a été constaté dans le cadre de l’examen du premier moyen. Par conséquent, la requérante devait démontrer que ladite marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble des États membres, comme l’a relevé en substance la chambre de recours au point 81 de la décision attaquée.

94      En premier lieu, la chambre de recours a considéré en substance, aux points 67 à 88 de la décision attaquée, que les éléments de preuve présentés par la requérante ne permettaient pas de démontrer que la marque contestée avait acquis, dans l’ensemble du territoire de l’Union, un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en avait été fait.

95      Premièrement, la chambre de recours a constaté qu’une grande partie des éléments de preuve ne renvoyaient pas à la forme représentée par la marque contestée, mais de manière générale aux différents modèles de scooters vendus par la requérante sous la marque Vespa, dont la plupart présentaient des différences non négligeables avec ladite forme, indépendamment de la coïncidence possible de certaines caractéristiques.

96      À cet égard, il convient de rappeler que si l’acquisition du caractère distinctif peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée, la condition essentielle est toujours que, en conséquence de cet usage, le signe dont l’enregistrement est demandé en tant que marque puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels il porte comme provenant d’une entreprise déterminée. Il s’ensuit que, afin d’obtenir l’enregistrement d’une marque ayant acquis un caractère distinctif après l’usage qui en est fait au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, que ce soit en tant que partie d’une autre marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci, le demandeur à l’enregistrement doit apporter la preuve que les milieux intéressés perçoivent le produit ou le service désigné par cette seule marque, par opposition à toute autre marque pouvant également être présente, comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêts du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 30 ; du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, points 27 et 28, et du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé, C‑215/14, EU:C:2015:604, points 64 à 67).

97      Il convient donc d’apprécier, en l’espèce, si les éléments de preuve produits par la requérante permettaient d’établir que les milieux intéressés percevaient effectivement les « scooters » et les « modèles réduits de scooters » désignés par la seule marque contestée, comme provenant d’une entreprise déterminée, en l’occurrence elle-même.

98      Par ailleurs, il a été jugé que des éléments de preuve qui ne concernaient pas spécifiquement une marque n’étaient pas de nature à montrer qu’elle avait acquis un caractère distinctif par l’usage [voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2016, Coca-Cola/OHMI (Forme d’une bouteille à contours sans cannelures), T‑411/14, EU:T:2016:94, points 86 et 88].

99      En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que la forme représentée par la marque contestée correspond à la représentation tridimensionnelle du scooter « Vespa LX » commercialisé par la requérante.

100    Si une grande partie des éléments de preuve produits par la requérante ne se rapportent certes pas directement à cette représentation, mais plutôt à la « Vespa » de manière générale ou à d’autres modèles de « Vespa », il n’en demeure pas moins que la requérante a produit certains éléments de preuve qui concernent spécifiquement la marque contestée, tels que les brochures et les sondages d’opinion.

101    De plus, il y a lieu de constater que l’apparence d’ensemble des scooters figurant dans les éléments de preuve produits par la requérante, en ce compris le scooter « Vespa LX », demeure essentiellement la même.

102    Comme l’a relevé la requérante, cela est notamment conforté par la circonstance que les trois caractéristiques de la forme représentée par la marque contestée qui ont été mentionnées par la requérante, à savoir le tablier en forme de flèche, la forme en « Ω inversé » entre la selle et le repose-pieds ainsi que la forme en « X » entre le carénage postérieur et le dessous de la selle, apparaissent dans tous les autres scooters « Vespa » figurant dans les éléments de preuve de la requérante, ainsi que dans tous les scooters « Vespa » commercialisés entre 1945 et 2008 qui ont été présentés par la requérante dans sa réplique à la communication de l’examinatrice du 3 avril 2014.

103    Ce constat est également corroboré par l’arrêt du 6 avril 2017 du Tribunal de Turin (annexe 12 de la requête), dans lequel il a été reconnu que les trois caractéristiques susmentionnées ainsi que la forme en goutte de la coque étaient récurrentes dans tous les modèles de « Vespa » de 1945 à aujourd’hui et, en tout état de cause, certainement dans le scooter « Vespa LX » dont la forme est représentée par la marque contestée.

104    Enfin, les variations entre les différents modèles de scooters « Vespa » sont peu nombreuses.

105    Il s’ensuit que, compte tenu de l’existence d’éléments de preuve qui concernent spécifiquement la marque contestée, les éléments de preuve faisant référence à la « Vespa » de manière générale ou à d’autres modèles de « Vespa » concernent, d’une certaine manière, la forme représentée par la marque contestée et ne sauraient être écartés dans le cadre de l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée. En effet, il n’est pas exclu que ces éléments de preuve, pris dans leur ensemble, soient de nature à démontrer que le public pertinent perçoit tous les scooters « Vespa », en ce compris le scooter « Vespa LX » dont la forme est représentée par la marque demandée, comme provenant d’une même entreprise déterminée, compte tenu de leur apparence d’ensemble qui est demeurée essentiellement la même depuis 1945. La chambre de recours a dès lors commis une erreur d’appréciation en considérant en substance, aux points 72 et 73 de la décision attaquée, que ces éléments de preuve n’étaient pas pertinents.

106    Deuxièmement, la chambre de recours a relevé que les données relatives au volume des ventes, aux chiffres d’affaires, aux parts de marché et aux investissements publicitaires n’étaient pas fiables et qu’aucun élément de preuve ne permettait de les corroborer.

107    À cet égard, il ressort du tableau comportant les données relatives au volume des ventes et à la part de marché de la « Vespa » dans 26 États membres que les modèles de « Vespa » présentent le volume des ventes le plus élevé et qu’ils détiennent également une des parts de marché les plus importantes dans tous les États membres entre 2007 et 2012. En outre, s’agissant des données relatives à Chypre et à Malte qui ne figurent pas dans le tableau susmentionné, il ressort du tableau présentant le volume des ventes et le chiffre d’affaires relatifs auxdits modèles dans tous les États membres, que le volume des ventes et les chiffres d’affaires pour ces deux États membres ne sont pas particulièrement importants, mais qu’ils ont augmenté entre 2009 et 2012.

108    Si, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, ces données consistent en de simples tableaux Excel préparés par la requérante elle-même de sorte que leur valeur probante est limitée, il n’en demeure pas moins que la requérante a produit des éléments de preuve qui sont de nature à confirmer certaines données relatives au volume des ventes et à la part de marché détenue par la « Vespa ». Il s’agit, en particulier, du courrier de l’ANCMA du 29 janvier 2015, lequel confirme, à tout le moins, les données relatives au volume des ventes et aux parts de marché de la « Vespa » en Italie entre 2007 et 2012. De même, le rapport d’audit indique que la requérante a obtenu des recettes importantes entre 2005 et 2013 en Italie, grâce à la vente de « Vespa ».

109    La chambre de recours a dès lors commis une erreur d’appréciation en considérant en substance, aux points 70 et 84 de la décision attaquée, qu’aucun élément de preuve n’était de nature à corroborer les données relatives au volume des ventes, aux chiffres d’affaires et aux parts de marché de la « Vespa ».

110    Par ailleurs, il ressort du tableau relatif aux investissements publicitaires de la requérante que cette dernière a consacré des montants très élevés pour la promotion de la « Vespa », à tout le moins, en Italie, en Allemagne, en Espagne, en France et en Belgique entre 2003 et 2012.

111    Si ces données figurent également dans un tableau Excel préparé par la requérante elle-même de sorte que leur valeur probante est limitée, il convient toutefois de constater que des éléments de preuve étaient de nature à corroborer l’importance des investissements publicitaires réalisés par la requérante.

112    Tout d’abord, le rapport d’audit confirme que la requérante a réalisé des investissements publicitaires importants entre 2005 et 2013 en Italie. Ensuite, la requérante a présenté des brochures en anglais et en italien sur plusieurs modèles de « Vespa », un livre consacré au « mythe de la Vespa » et une publication intitulée « Vespa. Un’avventura italiana nel mondo », lesquels étaient susceptibles de démontrer que la « Vespa » avait fait l’objet d’une publicité pas seulement en Italie, mais également sur un plan international. Enfin, le catalogue « Eurovespa 2000 » et la présence de « clubs Vespa » dans 20 États membres étaient également susceptibles de démontrer que la requérante avait réalisé certains efforts afin de promouvoir la « Vespa » au sein de l’Union.

113    La chambre de recours a dès lors commis une erreur d’appréciation en considérant, au point 71 de la décision attaquée, qu’aucun élément de preuve n’était susceptible de corroborer les données relatives aux investissements publicitaires réalisés par la requérante à l’égard de la « Vespa ».

114    Troisièmement, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve ne couvraient pas l’ensemble du territoire de l’Union. En particulier, les sondages d’opinion n’auraient été réalisés que dans douze États membres et ne couvriraient donc qu’une partie dudit territoire. En outre, les données relatives au volume des ventes, aux chiffres d’affaires et aux parts de marché ne seraient corroborées par aucun élément objectif, de sorte que la requérante n’aurait pas produit d’éléments de preuve pertinents relatifs aux États membres non visés par les sondages d’opinion. Ladite chambre a dès lors considéré que, même en admettant que les sondages d’opinion et les autres preuves produites par la requérante soient pertinents, les résultats desdits sondages dans douze États membres ne pouvaient ni être extrapolés à l’ensemble des États membres, ni être complétés et corroborés, dans les États membres non visés par lesdits sondages, par les autres éléments de preuve produits par la requérante.

115    Si les sondages d’opinion ne concernent certes que douze États membres, alors que l’Union en comptait 27 à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, il importe néanmoins de souligner que, bien qu’il faille établir que la marque contestée a acquis un caractère distinctif dans l’ensemble des États membres de l’Union, il n’est nullement exigé que les mêmes types d’éléments de preuve soient apportés pour chaque État membre [voir arrêt du 28 octobre 2009, BCS/OHMI – Deere (Combinaison des couleurs verte et jaune), T‑137/08, EU:T:2009:417, point 39 et jurisprudence citée]. En effet, l’absence de sondage d’opinion n’exclut pas qu’il soit démontré qu’un signe a acquis un caractère distinctif par l’usage, cette démonstration pouvant être apportée par d’autres éléments (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 2009, Combinaison des couleurs verte et jaune, T‑137/08, EU:T:2009:417, point 41, et du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 63).

116    De plus, comme il a été rappelé au point 88 ci-dessus, les éléments de preuve du caractère distinctif acquis par l’usage peuvent concerner de façon globale tous les États membres ou un groupe d’États membres. Certains éléments de preuve peuvent, par conséquent, présenter une pertinence en ce qui concerne plusieurs États membres voire l’ensemble de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 80 et 87). Ainsi qu’il a été rappelé au point 85 ci-dessus, aucune disposition du règlement no 207/2009 n’impose d’établir par des preuves distinctes l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans chaque État membre pris individuellement et qu’il serait excessif d’exiger que la preuve d’une telle acquisition soit apportée pour chaque État membre séparément.

117    Or, force est de constater que certains éléments de preuve autres que les données relatives au volume des ventes, aux chiffres d’affaires et aux parts de marché, étaient susceptibles d’être pertinents aux fins de l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée dans les États membres non visés par les sondages d’opinion.

118    Il s’agit, en particulier, de la présence de la « Vespa » au Museum of Modern Art de New York, des nombreux extraits de journaux en ligne mettant tous en lumière que la « Vespa » fait partie des douze objets qui ont marqué le design mondial au cours des cent dernières années selon des experts internationaux du design, des photographies figurant dans la publication intitulée « Il mito di Vespa » qui montrent l’utilisation des scooters « Vespa » dans des films mondialement connus tels que « Vacances romaines » ou encore de la présence de clubs « Vespa » dans de nombreux États membres, lesquels étaient susceptibles de démontrer le caractère iconique de la « Vespa » et donc la reconnaissance globale de celui-ci, y compris dans l’ensemble de l’Union.

119    La chambre de recours a dès lors commis une erreur d’appréciation en omettant de tenir compte des éléments de preuve en cause, lesquels étaient pourtant susceptibles de démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée dans l’ensemble de l’Union.

120    Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la chambre de recours a méconnu l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, de sorte qu’il y a lieu d’accueillir le second grief du second moyen.

121    Il convient donc d’annuler la décision attaquée.

IV.    Sur les dépens

122    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

123    En l’espèce, la requérante a conclu à la condamnation de l’EUIPO et de l’intervenante aux dépens exposés devant le Tribunal.

124    L’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la requérante au titre de la présente procédure, conformément aux conclusions de cette dernière.

125    Par ailleurs, la requérante a également conclu à la condamnation de l’EUIPO aux dépens exposés devant la chambre de recours.

126    À cet égard, il appartiendra à la chambre de recours de statuer, au vu du présent arrêt, sur les frais afférents à cette procédure [voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2012, Consorzio vino Chianti Classico/OHMI – FFR (F.F.R.), T‑143/11, non publié, EU:T:2012:645, point 74 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 octobre 2021 (affaire R 359/2021-5) est annulée.

2)      L’EUIPO et Zhejiang Zhongneng Industry Group Co. Ltd supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par Piaggio & C. SpA.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.