Language of document : ECLI:EU:T:2006:223

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

25 juillet 2006 (*)

« FEOGA – Apurement des comptes – Cultures arables – Contrôle des superficies fondé sur un système d’ortho-imagerie aérienne (SIG) – Différence entre la superficie déclarée et la superficie résultant du système SIG – Contrôle administratif et contrôle sur place – Préjudice pour le FEOGA »

Dans l’affaire T‑221/04,

Royaume de Belgique, représenté initialement par M. A. Goldman et Mme E. Dominkovits, puis par M. M. Wimmer, en qualité d’agents, assistés de Mes H. Gilliams, P. de Bandt et L. Goossens, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Nolin et L. Visaggio, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en annulation partielle de la décision 2004/136/CE de la Commission, du 4 février 2004, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » (JO L 40, p. 31), en ce qu’elle prévoit une correction forfaitaire de 2 % des dépenses déclarées par la Belgique en matière de cultures arables,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 janvier 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Le règlement (CEE) nº 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié par le règlement (CE) nº 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1) (ci-après, tel que modifié, le « règlement n° 729/70 »), puis le règlement (CE) nº 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), en ce qui concerne les dépenses effectuées postérieurement au 1er janvier 2000, constituent la réglementation de base en la matière.

2        En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 729/70 ainsi que de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement nº 1258/1999, la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, les interventions destinées à la régularisation de ces marchés, entreprises selon les règles communautaires.

3        L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 et l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1258/1999 prévoient que les États membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, pour prévenir et poursuivre les irrégularités ainsi que pour récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

4        En vertu de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement nº 729/70 et de l’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 1258/1999, la Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire, lorsqu’elle constate que ces dernières n’ont pas été effectuées conformément auxdites règles.

5        Le 23 décembre 1997, la Commission a adopté le document n° VI/5330/97, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci‑après les « orientations »). En vertu de ce document, lorsque les informations à la disposition de la Commission ne permettent pas d’évaluer les pertes subies par la Communauté, à partir d’une extrapolation de ces pertes, par des moyens statistiques ou par référence à d’autres données vérifiables, une correction forfaitaire peut être envisagée. Le taux de correction forfaitaire appliqué, qui varie entre 2 et 25 %, voire plus, dépend de l’importance des manquements constatés dans la mise en œuvre des contrôles.

6        Le règlement (CEE) nº 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires (JO L 355, p. 1), prévoit que chaque État membre crée un tel système intégré qui s’applique au régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables et qui porte sur l’ensemble des demandes d’aides présentées, notamment en ce qui concerne les contrôles administratifs, les contrôles sur place et, le cas échéant, les vérifications par télédétection aérienne ou spatiale.

7        L’article 4 du règlement n° 3508/92 prévoit que le système alphanumérique d’identification des parcelles agricoles constituant un des éléments du système intégré de gestion et de contrôle peut être fondé, notamment, sur des photographies aériennes.

8        L’article 8 du règlement n° 3508/92 prévoit que les États membres procèdent à un contrôle administratif des demandes d’aides et les complètent par un contrôle sur place portant sur un échantillon d’exploitations agricoles.

9        Le règlement (CEE) nº 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires (JO L 391, p. 36), tel que modifié par le règlement (CE) nº 1648/95 de la Commission, du 6 juillet 1995 (JO L 156, p. 27) (ci-après, tel que modifié, le « règlement n° 3887/92 »), énonce dans son septième considérant que le respect des dispositions en matière d’aides communautaires doit être contrôlé de façon efficace.

10      À cet effet, l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 3887/92 prévoit que les contrôles administratifs et les contrôles sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l’octroi des aides et des primes.

11      Selon le paragraphe 4 dudit article, les demandes faisant l’objet de contrôles sur place sont déterminées par l’autorité compétente notamment sur la base d’une analyse des risques. Cette analyse tient compte des montants d’aides, du nombre de parcelles ou de la surface pour lesquels l’aide est demandée, de l’évolution en comparaison avec l’année précédente, des constatations faites lors de contrôles pendant les années précédentes et d’autres paramètres à définir par les États membres.

12      L’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 3887/92 prévoit la diminution, en cas d’écart entre la superficie déclarée dans une demande d’aides « surfaces » et celle effectivement déterminée lors du contrôle, du montant de l’aide en fonction de l’excédent constaté.

 Antécédents du litige

13      Les autorités belges ont adopté, dès 1996, un système d’identification des parcelles agricoles (portion continue de terrain sur laquelle une seule culture est faite par un seul exploitant) établi sur la base de photos aériennes issues du système d’information géographique (SIG), tel qu’il est prévu à l’article 4 du règlement n° 3508/92. Les parcelles sont identifiées sur ces photos aériennes par un marquage manuel effectué par les exploitants agricoles eux-mêmes, puis par un encodage graphique de ce marquage dans le SIG par l’administration.

14      Conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 729/70 et à l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, les services de la Commission chargés de l’apurement des comptes du FEOGA ont procédé à des vérifications en Belgique, du 15 au 17 mai 2001, concernant le secteur des cultures arables, en vue de l’apurement pour les exercices budgétaires 1999, 2000 et 2001. Ces services ont conclu à l’existence d’anomalies en ce qui concernait les contrôles effectués par les autorités belges.

15      À la suite d’échanges de courriers, de la réunion bilatérale entre l’État membre concerné et la Commission prévue à l’article 8, paragraphe 1, second alinéa, du règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), et d’une tentative de conciliation conformément à la décision 94/442/CE de la Commission, du 1er juillet 1994, relative à la création d’une procédure de conciliation dans le cadre de l’apurement des comptes du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » (JO L 182, p. 45), la Commission a adopté un rapport de synthèse le 30 septembre 2003 (ci‑après le « rapport de synthèse »).

16      Il ressort du rapport de synthèse que la Commission a considéré que le Royaume de Belgique n’avait respecté ni l’article 8 du règlement n° 3508/92 ni les articles 6 et 9 du règlement n° 3887/92, d’une part, en raison de l’absence de diminution de la superficie d’une parcelle déclarée dans une demande d’aides (ci-après la « superficie déclarée ») et/ou de l’absence de contrôles sur place lorsque le contrôle administratif indiquait que la superficie déclarée était supérieure à la superficie de cette parcelle encodée dans le SIG (ci-après la « superficie SIG ») et, d’autre part, en raison du retard pris dans l’encodage des parcelles dans le SIG, empêchant ainsi certains dossiers d’être pris en compte dans l’analyse des risques. La Commission en a conclu que le Royaume de Belgique n’avait pas procédé à des contrôles secondaires de manière adéquate ou conforme à la norme réglementaire applicable.

17      Le 4 février 2004, la Commission a adopté la décision 2004/136/CE écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » (JO L 40, p. 31, ci-après la « décision attaquée »).

18      Conformément à l’article 1er de la décision attaquée et à son annexe, les dépenses du ou des organismes payeurs agréés par le Royaume de Belgique déclarées au titre du FEOGA, section « Garantie », ont fait l’objet d’une réduction forfaitaire de 2 % pour déficiences dans les contrôles secondaires, réduction s’élevant à 9 322 809 euros, pour les exercices financiers 2000-2002.

 Procédure

19      Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 avril 2004, le Royaume de Belgique a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision attaquée. Ce recours a été enregistré sous le numéro C‑176/04.

20      Par ordonnance du 8 juin 2004, la Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal, en application de l’article 51 du statut de la Cour de justice tel qu’il résulte de la décision 2004/407/CE, Euratom, du Conseil, du 26 avril 2004, portant modification des articles 51 et 54 du protocole sur le statut de la Cour de justice (JO L 132, p. 5), en particulier de son article 2. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑221/04.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 janvier 2006.

22      Le Royaume de Belgique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle exclut du financement communautaire à l’égard de la requérante une dépense de 9 322 809 euros concernant les cultures arables ;

–        à titre subsidiaire, sur la base de son pouvoir de pleine juridiction, réduire le montant de la dépense exclue à 1 079 814 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume de Belgique aux dépens.

 En droit

A –  Sur la recevabilité

24      Par son deuxième chef de conclusions, le gouvernement belge en appelle au pouvoir de pleine juridiction que les juridictions communautaires posséderaient en matière de FEOGA, en se fondant sur son argumentation exposée dans le cadre de ses moyens visant à l’annulation de la décision attaquée.

25      Bien que ce chef de conclusions soit présenté à titre subsidiaire, il convient de fixer, dès à présent, l’étendue du contrôle du Tribunal.

26      Le Tribunal peut, à tout moment, examiner, même d’office, les fins de non‑recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent, selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité d’un recours fixées à l’article 230, quatrième alinéa, CE (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 8 juillet 1999, Area Cova e.a./Conseil et Commission, T‑12/96, Rec. p. II-2301, point 21, et arrêt du Tribunal du 13 mars 2003, Martí Peix/Commission, T-125/01, Rec. p. II-865, point 40), et, notamment, la question de la compétence de la juridiction saisie.

27      En matière de FEOGA, aucune disposition n’est venue confier aux juridictions communautaires un pouvoir de pleine juridiction, conformément à l’article 229 CE (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l’arrêt de la Cour du 9 novembre 2000, Royaume-Uni/Commission, C‑148/99, Rec. p. I‑9453, I‑9455, point 29).

28      En conséquence, le chef de conclusions tendant à la réduction du montant de la dépense exclue est irrecevable dans la mesure où il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours en annulation, de substituer une autre décision à la décision litigieuse ou de procéder à la réformation de cette décision (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 26 septembre 2002, Sgaravatti Mediterranea/Commission, T‑199/99, Rec. p. II-3731, point 141).

B –  Sur le fond

29      À titre liminaire, il convient de rappeler que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt de la Cour du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, point 32, et la jurisprudence citée).

30      Il y a lieu également de rappeler qu’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt Grèce/Commission, point 29 supra, point 33, et la jurisprudence citée). Toutefois, la Commission est tenue non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par celles-ci, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (voir arrêt Grèce/Commission, point 29 supra, point 34, et la jurisprudence citée).

31      L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt Grèce/Commission, point 29 supra, point 35, et la jurisprudence citée).

32      Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt Grèce/Commission, point 29 supra, point 36, et la jurisprudence citée).

33      Cette définition jurisprudentielle de la charge de la preuve n’est pas affectée par la condition posée par les orientations selon laquelle une correction financière forfaitaire suppose l’existence d’« une carence significative dans l’application de règles communautaires explicites ». D’une part, cette condition doit être lue à la lumière de celle fournie au paragraphe précédent des orientations selon laquelle les corrections forfaitaires doivent être envisagées lorsque la Commission constate qu’une mesure de contrôle explicitement requise par un règlement « ou implicitement nécessaire pour respecter une règle explicite » n’a pas été effectuée de manière appropriée. D’autre part, exiger de la Commission non seulement qu’elle présente un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve, mais également qu’elle démontre l’existence d’une carence significative dans l’application de règles communautaires explicites serait contraire à la jurisprudence constante de la Cour relative à la charge de la preuve, jurisprudence maintenue après l’adoption des orientations (voir, s’agissant d’une application simultanée de cette jurisprudence et des orientations, arrêts de la Cour du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, C‑157/00, Rec. p. I‑153, points 28, 29, 35 et 36, et du 24 février 2005, Pays-Bas/Commission, C‑318/02, non publié au Recueil, points 34 et 35).

34      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation invoquée par le gouvernement belge à l’encontre des motifs sur lesquels la Commission a fondé la décision attaquée.

35      Le gouvernement belge invoque trois moyens. Le premier est tiré de l’absence de violation, par le Royaume de Belgique, de l’article 8 du règlement n° 3508/92 et des articles 6 et 9 du règlement n° 3887/92. Le deuxième, présenté à titre subsidiaire, est tiré du non-respect par la Commission des conditions posées dans les orientations relatives, d’une part, à une carence significative dans l’application des règles communautaires et, d’autre part, à un risque réel de perte pour le FEOGA. Le troisième, présenté à titre plus subsidiaire, est tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination de la correction financière.

36      Le Tribunal constate que le premier moyen ainsi que la première branche du deuxième moyen reposent tous deux sur l’existence d’une violation des règles communautaires et doivent donc être traités ensemble. De même, la seconde branche du deuxième moyen et le troisième moyen reposent tous deux sur l’évaluation d’un risque de préjudice pour le FEOGA et doivent donc être traités ensemble.

1.     Sur le premier moyen, tiré de l’absence de violation de l’article 8 du règlement n° 3508/92 et des articles 6 et 9 du règlement n° 3887/92 et sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’absence de carence significative dans l’application des règles communautaires

37      Selon le point B.7.1.1 du rapport de synthèse, en substance, les autorités belges, d’une part, n’auraient pas assuré avec la rigueur nécessaire le suivi des anomalies décelées par l’intermédiaire du SIG lors du contrôle administratif et, d’autre part, auraient procédé avec retard à l’encodage graphique dans le SIG.

a)     Sur le suivi des anomalies

 Arguments des parties

38      En premier lieu, le gouvernement belge fait valoir que le SIG visait uniquement à effectuer des vérifications croisées ayant pour but d’identifier les parcelles agricoles, de détecter les chevauchements entre parcelles et de prévenir les doubles déclarations, conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92.

39      En deuxième lieu, le gouvernement belge prétend que les obligations déterminées par la Commission en cas d’écart entre la superficie déclarée et la superficie SIG – lui imposant de procéder soit à des contrôles sur place, soit à une réduction de la superficie, voire de procéder, comme la Commission l’avance au stade du présent recours, à d’autres contrôles administratifs – n’étaient imposées ni par l’article 8 du règlement n° 3508/92 ni par les articles 6 et 9 du règlement n° 3887/92. La Commission tenterait ainsi d’imposer des obligations qui n’auraient été instituées que par le règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission, du 11 décembre 2001, portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement n° 3508/92 (JO L 327, p. 11) et par le règlement (CE) n° 118/2004 de la Commission, du 23 janvier 2004, modifiant le règlement n° 2419/2001 (JO L 17, p. 7), tous deux postérieurs au litige.

40      En troisième lieu, le SIG ne saurait être utilisé pour contester la surface déclarée par un exploitant. Premièrement, son imprécision, illustrée à l’audience, due au marquage manuel et à l’ancienneté éventuelle des photos le constituant, empêcherait de l’utiliser à cette fin. Deuxièmement, conformément à l’article 6, paragraphe 7, du règlement n° 3887/92, il appartient aux États membres eux‑mêmes de définir le moyen approprié pour déterminer la superficie, tâche confiée exclusivement, en Belgique, aux géomètres assermentés ou aux agents de contrôle du ministère. Troisièmement, conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92, la superficie faisant l’objet d’une demande d’aide ne pourrait être réduite qu’après un contrôle physique sur place (arrêt de la Cour du 28 novembre 2002, Agrargenossenschaft Pretzsch, C‑417/00, Rec. p. I‑11053, point 48).

41      En quatrième lieu, les autorités nationales ne seraient pas obligées, ni surtout en mesure de contrôler toutes les données des demandes d’aides (arrêt de la Cour du 19 novembre 2002, Strawson et Gagg & Sons, C‑304/00, Rec. p. I‑10737).

42      En cinquième lieu, bien que cela n’ait nullement été requis par l’article 6, paragraphe 4, du règlement n° 3887/92, les autorités belges auraient néanmoins utilisé le critère de la différence entre la superficie déclarée et la superficie SIG (ci-après le « critère de l’encodage graphique ») parmi les critères servant à l’analyse des risques. Les autorités belges auraient contrôlé sur place 10 % de ces demandes, donc plus que les 5 % minimaux requis par l’article 6, paragraphe 3, du règlement n° 3887/92.

43      Le gouvernement belge estime que, dès lors que la réglementation pertinente ne prévoyait nullement la diminution de la superficie ou un contrôle sur place lorsque la superficie SIG est supérieure à la superficie déclarée, il ne saurait être question d’une carence « significative » dans l’application de règles communautaires « explicites ».

44      La Commission réaffirme l’existence d’une violation de l’article 8 du règlement n° 3508/92 et des articles 6 et 9 du règlement n° 3887/92 du fait de ne pas avoir donné suite aux anomalies révélées par le SIG. Elle conteste l’ensemble des arguments du requérant.

 Appréciation du Tribunal

45      Selon le point B.7.1.1 du rapport de synthèse, il résulte des vérifications menées par la Commission que des aides ont été versées sans enquêtes supplémentaires des autorités belges, dans certains cas dans lesquels la superficie déclarée dans une demande d’aide était supérieure de plus de 5 % à la superficie SIG, et dans tous les cas dans lesquels ce dépassement était inférieur à 5 %. La Commission a ainsi détecté un nombre significatif de dossiers présentant des différences de plus de 3 % (1 500 en 1999, 1 400 en 2000 et 800 en 2001), et qui n’ont pas donné lieu à une enquête supplémentaire.

46      En substance, le gouvernement belge, premièrement, met en doute la signification des anomalies relevées par la Commission, deuxièmement, fait valoir qu’il n’a violé aucune règle relative au FEOGA et, troisièmement, avance avoir réagi à ces anomalies de manière appropriée.

–       Sur la signification des anomalies relevées par la Commission

47      Il convient de constater que, lorsque le SIG fait apparaître, lors du contrôle administratif, que la superficie déclarée dans une demande d’aide est supérieure à la superficie SIG, un tel écart constitue une anomalie indiquant une irrégularité potentielle de cette demande (ci-après les « anomalies »). En effet, si la superficie SIG correspond davantage à la superficie réelle que celle déclarée dans la demande d’aide, alors le paiement de l’aide à la surface en fonction de la superficie demandée entraîne un paiement indu en faveur du demandeur et, donc, une perte pour le FEOGA.

48      À cet égard, contrairement aux affirmations du gouvernement belge, l’imprécision des données SIG n’entraîne pas leur absence de signification, mais, au contraire, implique que le risque de perte pour le FEOGA ne peut être écarté. En effet, si les données SIG étaient précises, une telle perte serait certaine. À l’inverse, l’imprécision de ces données empêche de savoir si cette perte est réelle ou non. Ces anomalies indiquent donc un risque de perte pour le FEOGA.

49      Par ailleurs, il est vrai que les textes en vigueur à l’époque des faits ne faisaient que permettre aux États d’utiliser le SIG sans en faire une obligation. Toutefois, en se dotant par avance du SIG, avant que celui-ci ne soit rendu obligatoire ou obsolète par la généralisation du contrôle par télédétection satellite, les autorités belges se sont dotées d’un instrument de contrôle capable de fournir des indications pertinentes allant au-delà des obligations expresses de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92. La Commission ne pouvait ignorer cet élément établissant l’existence d’un doute sérieux et raisonnable, indiquant clairement un risque de perte pour le FEOGA, au simple motif que le système qui les a révélées n’était pas obligatoire ou n’était pas destiné à cette fin.

50      En conséquence, au vu de ces anomalies, la Commission a pu nourrir des doutes sérieux et raisonnables, au sens de la jurisprudence, quant à l’exactitude des surfaces déclarées par les exploitants et, donc, sur l’efficacité des contrôles effectués par les autorités belges et sur la régularité des chiffres transmis par ces autorités.

–       Sur la violation des règles communautaires relatives au FEOGA

51      En substance, le gouvernement belge prétend que la Commission, en prescrivant aux autorités belges de procéder, en présence de ces anomalies, soit à des contrôles sur place, soit à une réduction de la superficie, soit à d’autres contrôles administratifs, cherche à imposer des obligations qui n’ont été rendues impératives que par des textes postérieurs à l’époque des faits.

52      S’il est vrai que la réglementation en vigueur à l’époque des faits n’imposait pas expressément aux États membres de recourir aux modalités de contrôle prescrites par la Commission dans le rapport de synthèse pour remédier aux anomalies, il n’en reste pas moins que ces obligations découlaient, le cas échéant implicitement, du fait que, en vertu de la réglementation en question, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 juin 1990, Allemagne/Commission, C‑8/88, Rec. p. I‑2321, point 16, et du 14 avril 2005, Espagne/Commission, C‑468/02, non publié au Recueil, point 35).

53      Il résulte de cette réglementation, en particulier de l’article 8 du règlement n° 3508/92 ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92, que les États membres sont tenus d’organiser un ensemble de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides sont correctement observées. Si l’organisation d’un tel ensemble de contrôles fait défaut ou si celle mise en place par un État membre est défaillante au point de laisser subsister des doutes quant à l’observation de ces conditions, c’est à juste titre que la Commission ne reconnaît pas certaines dépenses effectuées par l’État membre concerné (arrêt Espagne/Commission, point 52 supra, point 36).

54      Il ressort également de la jurisprudence que le contrôle administratif, qui précède les contrôles sur place, doit être effectué de manière à permettre aux autorités nationales de tirer toutes les conclusions possibles, certitudes ou doutes, quant au respect des conditions de l’octroi des aides (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 1996, Allemagne/Commission, C‑41/94, Rec. p. I‑4733, point 17, et Espagne/Commission, point 52 supra, point 40).

55      En l’espèce, face à un risque de perte pour le FEOGA clairement identifié lors du contrôle administratif, l’inaction des autorités belges équivaudrait clairement à un défaut d’adopter les mesures de contrôles implicitement nécessaires pour respecter une des règles explicites en vigueur à l’époque des faits.

56      À cet égard, les autorités belges ne sauraient se retrancher derrière le fait qu’elles ne sont ni obligées de contrôler toutes les données des demandes d’aides, notamment par un contrôle sur place, ou de diminuer la superficie lors des contrôles administratifs, ni surtout en mesure de le faire. D’une part, rien n’indique dans le dossier que les demandes affectées d’une anomalie représentaient l’ensemble des demandes. À cet égard, la Commission a souligné à juste titre qu’il ressort des pièces fournies par le gouvernement belge que les dossiers affectés par les anomalies ne représentaient que 2,1 à 4 % des dossiers de demandes d’aide. D’autre part, il est de jurisprudence constante qu’un État membre ne saurait invoquer des difficultés pratiques pour justifier le défaut de mise en œuvre de contrôles appropriés (arrêts de la Cour du 21 février 1991, Allemagne/Commission, C‑28/89, Rec. p. I‑581, point 18, et Espagne/Commission, point 52 supra, point 44).

57      Il peut ainsi être conclu, dans un premier temps, que les autorités belges étaient tenues de réagir aux anomalies révélées par le SIG. Il convient donc d’examiner si ces autorités ont agi d’une manière appropriée.

–       Sur l’effectivité des contrôles effectués par les autorités belges

58      En l’espèce, parmi les critères servant à l’analyse des risques prévue à l’article 6, paragraphe 4, du règlement n° 3887/92 pour déterminer les dossiers faisant l’objet d’un contrôle sur place, les autorités belges ont inclus d’elles-mêmes un critère fondé sur les anomalies. Lorsque les dossiers appartenaient à un groupe de culture qui présentait, lui-même, des anomalies, positives ou négatives, supérieures à une marge de tolérance donnée, ces autorités ont vérifié les données graphiques issues du SIG et ont pu constater que leur rectification faisait disparaître les anomalies dans certains cas. Dans les cas restants, elles ont sélectionné les dossiers en vue d’un contrôle sur place. Le gouvernement belge prétend, sans que cela soit contesté, avoir procédé à un tel contrôle pour 10 % des demandes, représentant une partie importante des demandes ayant été retenues sur la base du critère relatif aux anomalies lors de l’analyse des risques (52 % en 1999, 24 % en 2000 et 28 % en 2001).

59      En premier lieu, le gouvernement belge a prétendu que cette marge de tolérance n’était que de 2 %. Néanmoins, l’ensemble du dossier fait apparaître que le chiffre de 5 % a été constamment retenu lors de la procédure administrative, en particulier dans le rapport de synthèse. En l’absence de tout élément probant fourni par le gouvernement belge, il y a lieu de retenir le chiffre de 5 %.

60      En second lieu, l’utilisation d’une marge de tolérance au stade du contrôle administratif ne peut pas être acceptée, sauf à fausser celui-ci. En effet, le rôle de ce contrôle est de vérifier les données d’une demande d’aide. Or, éliminer des indices d’irrégularité à ce stade, en l’occurrence en ne prenant en compte que les anomalies de plus de 5 %, empêche de procéder à une vérification complète et efficace des dossiers concernés. De plus, cette élimination au stade de l’analyse de risque empêche que les anomalies, éventuellement combinées aux autres critères, amènent à la poursuite des contrôles. Par ailleurs, si une marge de tolérance peut être admise lors de la vérification sur place, notamment par télédétection satellite, en raison des limites techniques de l’outil de mesurage, l’utilisation d’une telle marge au stade du contrôle administratif ne peut pas être justifiée par de telles raisons. À cet égard, il doit être noté que les anomalies ne traduisent pas une erreur de mesurage, due à l’imprécision du SIG avancée par le gouvernement belge, mais traduisent la contradiction existant entre les données déclarées et les données administratives dont disposent les autorités belges.

61      En toute hypothèse, il doit être remarqué que l’utilisation d’une marge de tolérance de 5 % ne peut que laisser entiers les doutes éprouvés quant à l’exactitude des chiffres fournis par les autorités belges, à tout le moins à hauteur de 5 % de ces chiffres, sans préjudice des doutes nés de l’absence de sanctions applicables aux demandes irrégulières. Ainsi, les contrôles effectués par les autorités belges ne peuvent empêcher que des aides soient versées sans enquêtes supplémentaires pour certains dossiers présentant une anomalie de plus de 5 % et pour tous les dossiers présentant une anomalie inférieure à 5 %, ainsi que la Commission l’a constaté.

62      Dans ces conditions, et au vu des faits constatés lors des vérifications de mai 2001, la Commission a pu nourrir des doutes sérieux sur l’exactitude des surfaces déclarées et sur l’efficacité des contrôles réalisés.

b)     Sur le retard dans l’encodage graphique

 Arguments des parties

63      Le gouvernement belge fait valoir que la réglementation en vigueur pendant les années concernées n’imposait nullement que les données graphiques soient introduites avant le 31 août de chaque année. Il ne saurait donc être question d’une carence « significative » dans l’application des règles communautaires « explicites » au sens des orientations. En tout état de cause, le gouvernement belge prétend avoir procédé au minimum imposé de 5 % de contrôle sur place avant le 31 août. De plus, pour les demandes d’aides présentant un profil de risque sur la base des douze critères autres que celui de l’encodage graphique, cet encodage aurait été accéléré afin de disposer d’un encodage au 31 août. Même lorsque l’encodage est intervenu après le 31 août, la superficie déclarée aurait été comparée avec la superficie SIG pour chaque demande et les dossiers des groupes de cultures avec les plus grands écarts auraient été repris dans l’analyse des risques et auraient été éventuellement sélectionnés pour un contrôle physique sur place. À supposer même qu’il existe une obligation d’introduction des données graphiques avant le 31 août, l’encodage tardif n’aurait nullement porté atteinte à l’effectivité des contrôles. Par ailleurs, il serait étonnant que la Commission ait retenu le grief fondé sur un encodage tardif alors qu’elle a abandonné le grief tiré de la tardiveté des contrôles sur place.

64      La Commission constate que le gouvernement belge ne conteste pas les faits à la base de son grief relatif aux retards dans l’encodage graphique. La Commission considère que les inspections de cultures arables doivent être effectuées avant ou peu de temps après la récolte pour être efficaces. À cet égard, l’abandon du grief tiré du caractère tardif des contrôles sur place lors de la procédure administrative serait tout à fait étranger au retard enregistré dans l’encodage graphique. La Commission considère, enfin, qu’elle était en présence d’une carence significative dans l’application du droit communautaire.

 Appréciation du Tribunal

65      Selon le point B.7.1.1 du rapport de synthèse, la Commission estime établi que l’introduction des données dans le SIG a connu des retards. Ainsi, à la fin du mois d’août, le pourcentage des données introduites s’élevait seulement à 60 % en 1999, à 70 % en 2000 et à 87 % en 2001. La Commission en a conclu qu’un nombre important de dossiers n’avaient pas pu être pris en compte dans l’analyse des risques ni être sélectionnés pour un contrôle sur place.

66      À titre liminaire, le gouvernement belge a rappelé, à juste titre, que le grief tiré de la tardiveté des contrôles sur place avait été abandonné lors de la procédure administrative ayant donné lieu au rapport de synthèse. En conséquence, la Commission ne peut pas prétendre, dans le cadre du présent recours, que cette tardiveté, du fait d’un encodage après le 31 août, a rendu les contrôles sur place illusoires.

67      En revanche, la Commission reste fondée à prétendre que cet encodage tardif n’a pas permis de procéder en temps utile aux contrôles administratifs, empêchant ainsi les contrôles sur place. Or, cette constatation constitue un élément susceptible de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de contrôles administratifs et sur place permettant la détection et le traitement des cas de fausses déclarations (voir, en ce sens, arrêt Espagne/Commission, point 52 supra, point 41).

68      À cet égard, le gouvernement belge s’est borné à affirmer que l’analyse des risques avait été effectuée sur la base de tous les critères autres que celui de l’encodage tardif et que ceux présentant un risque avaient fait l’objet d’un encodage accéléré avant le 31 août.

69      Le gouvernement belge n’ayant pas apporté d’éléments pertinents permettant de renverser les constatations de la Commission quant à l’absence de contrôle sur place en raison d’un encodage tardif, force est de conclure qu’un certain nombre de dossiers ont échappé à un tel contrôle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 novembre 2005, Italie/Commission, C‑307/03, non publié au Recueil, points 33 à 35).

70      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait qu’aucun texte relatif au FEOGA ne prévoyait un encodage graphique avant le 31 août de chaque année. En effet, l’absence d’obligations explicitement prescrites est inapte à faire disparaître les doutes nés de l’absence de contrôle sur place. En tout état de cause, dès lors que ce retard entraîne une absence de contrôle, il contrevient à l’obligation générale de pouvoir procéder à de tels contrôles. De même, le fait que des contrôles sur place aient été menés après le 31 août et aient donné lieu à des corrections ne signifie pas que tous les contrôles nécessaires ont été réalisés et ne démontre pas que ces contrôles sur place résultaient d’une analyse des risques efficace effectuée après le 31 août.

c)     Conclusions sur le premier moyen et la première branche du deuxième moyen

71      Il a été constaté que le gouvernement belge n’avait pas apporté d’éléments suffisants permettant de contredire les doutes sérieux et raisonnables de la Commission à l’égard de la fiabilité des contrôles et donc à l’égard des chiffres transmis par les autorités belges pour les années 1999, 2000 et 2001, en raison de la prise en compte insuffisante des anomalies révélées par le SIG et en raison de l’absence de contrôle, dans certains cas, du fait de l’encodage tardif.

72      En conséquence, la Commission était habilitée à appliquer une correction financière lors de l’apurement des comptes au titre des années en cause, dès lors que ces doutes se traduisent par un risque de perte pour le FEOGA.

2.     Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’absence de risque réel de perte pour le FEOGA et sur le troisième moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité

a)     Arguments des parties

73      Le gouvernement belge affirme que la superficie totale déclarée pour la Belgique était inférieure à la superficie totale SIG pour les années en cause. Dès lors que les autorités belges ont versé les aides sur la base des superficies déclarées, le prétendu caractère incomplet des contrôles administratifs n’aurait aucunement porté préjudice au FEOGA.

74      À titre subsidiaire, le gouvernement belge considère que le préjudice maximal réel pour le FEOGA est de loin inférieur à la correction forfaitaire de 2 % imposée par la Commission. Les autorités belges auraient calculé le préjudice maximal subi par le FEOGA sur la base d’un échantillon des dossiers contrôlés physiquement sur place à la suite d’un contrôle croisé entre la superficie déclarée et la superficie SIG. En projetant les chiffres relatifs à la superficie qui aurait dû être exclue du paiement concernant ces dossiers à l’ensemble des dossiers faisant apparaître une différence, si minime soit-elle, entre la superficie déclarée et la superficie SIG et n’ayant pas été physiquement contrôlés, le préjudice financier maximal du FEOGA s’élèverait à 1 491 085 euros. Ce montant constituerait une surestimation du préjudice maximal réellement subi par le FEOGA. Premièrement, l’échantillon retenu aurait repris les plus gros écarts entre superficies alors que les dossiers non contrôlés n’étaient pas retenus compte tenu des petits écarts qui y apparaissaient. De plus, les dossiers non contrôlés n’auraient pas donné lieu à une éventuelle correction des données SIG, comme cela a été le cas pour les dossiers contrôlés. Deuxièmement, en 2000 et en 2001, la superficie qui, par hypothèse, aurait été erronément subventionnée pour la Belgique est moindre que la réduction opérée au titre du dépassement de la superficie de base en Belgique pour ces années.

75      Le gouvernement belge avance que cette estimation tient compte de l’incidence des recouvrements des paiements indus puisqu’elle garantit que tous les écarts, et donc tous les montants, par hypothèse, versés indûment, sont pris en considération. À cet égard, la jurisprudence citée par la Commission serait dénuée de pertinence en ce qu’elle concerne uniquement le cas d’une déclaration erronée. Or, dans la plus grande majorité des cas, les demandes s’avéreraient exactes. S’agissant de la sanction prévue à l’article 9 du règlement n° 3887/92, elle s’appliquerait en cas de « fausse déclaration » faite délibérément. Cependant, il ne serait question de telle fausse déclaration qu’en ce qui concerne le type de culture et non en ce qui concerne la superficie. De plus, selon l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92, un recouvrement rétroactif ne serait pas appliqué si l’exploitant prouve qu’il s’est correctement basé sur des informations reconnues par l’autorité compétente.

76      Enfin, en vertu de l’article 9 du règlement n° 3887/92, si le dépassement entre la superficie déclarée et la superficie contrôlée physiquement sur place excède 3 % de la superficie déterminée ou deux hectares, mais est inférieur à 20 %, cette dernière superficie serait diminuée de deux fois l’excédent constaté. Cela signifierait que, au maximum, seuls deux tiers du préjudice calculé pour les années 2000 et 2001 ont pu être réellement causés au FEOGA. Le préjudice maximal serait donc de 1 079 814 euros.

77      Le gouvernement belge fait observer, en réponse à la Commission, que ce n’est pas parce que le pourcentage de la superficie qui, après un contrôle physique sur place et après pénalisation, a été exclue est inférieur au pourcentage de la marge de tolérance que le calcul serait ipso facto dépourvu de vraisemblance. Le fait que le pourcentage de la superficie exclue s’avère assez modeste démontrerait précisément que, pour les dossiers concernés, les écarts étaient soit inexistants, soit très limités.

78      La correction imposée par la Commission serait donc manifestement disproportionnée en ce qu’elle représente six fois le montant de 1 491 085 euros et presque neuf fois le préjudice maximal de 1 079 814 euros subi par le FEOGA.

79      La Commission rejette l’ensemble des arguments du gouvernement belge et maintient que les chiffres présentés par ce dernier ne sont pas crédibles.

b)     Appréciation du Tribunal

80      Selon une jurisprudence constante, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à tirer de la violation des règles communautaires (arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Luxembourg/Commission, 49/83, Rec. p. 2931, point 30, et du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec. p. I‑9009, point 67).

81      Par ailleurs, lorsque la Commission, au lieu de rejeter la totalité des dépenses concernées par l’infraction, s’est efforcée d’établir des règles visant à instaurer un traitement différencié des cas d’irrégularités, selon le niveau de carence des contrôles et le degré de risque encouru par le FEOGA, l’État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables (arrêts de la Cour du 1er octobre 1998, Italie/Commission, C‑242/96, Rec. p. I‑5863, point 75, et du 22 avril 1999, Pays-Bas/Commission, C‑28/94, Rec. p. I‑1973, point 56).

82      Dans ses orientations, la Commission établit deux types d’évaluation de la perte financière pour le FEOGA fondés soit sur une extrapolation des résultats des vérifications effectuées sur un échantillon représentatif, soit, lorsque le niveau réel des dépenses irrégulières ne peut être déterminé, sur des corrections forfaitaires. Le taux de correction appliqué, qui varie entre 2 et 25 %, dépend de l’importance des manquements constatés dans la mise en œuvre des contrôles. En particulier, les orientations préconisent une correction de 2 % lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet complètement d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires.

83      Il convient à ce stade de constater que, conformément aux orientations, la Commission ne peut que recourir à une correction forfaitaire si elle n’est pas en mesure de déterminer le niveau réel des dépenses irrégulières, et donc le montant des pertes financières subies, ou risquant d’être subies, par la Communauté.

84      En l’espèce, au point B.7.1.5 du rapport de synthèse, la Commission a estimé que ni les informations résultant de l’enquête ni les informations fournies par les autorités belges ne permettaient une évaluation précise des pertes. Elle a considéré, en particulier, que la seconde extrapolation présentée par les autorités belges, évaluant le préjudice maximal pour le FEOGA à 1 491 085 euros, ne tenait pas compte du recouvrement des paiements indus. Au point B.7.1.3 de ce rapport, elle a justifié l’application d’une correction forfaitaire de 2 % par le fait que les autorités belges n’avaient pas procédé à certains contrôles secondaires de manière adéquate ou conforme à la norme réglementaire applicable.

85      Il y a lieu, au préalable, de rejeter l’argument du gouvernement belge selon lequel le FEOGA n’aurait pu subir aucun préjudice du fait que la superficie totale déclarée pour la Belgique est inférieure à la superficie totale SIG ou que la Belgique aurait dépassé en 2000 et en 2001 sa superficie de base fixée réglementairement, ce qui empêcherait tout paiement supplémentaire par le FEOGA.

86      Ce raisonnement est fondé sur une prémisse erronée selon laquelle le versement d’une aide irrégulière peut ne pas entraîner de préjudice pour le FEOGA. Or, il suffit de rappeler à cet égard que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires (voir point 29 ci‑dessus). En conséquence, tout versement irrégulier d’une aide entraîne un trop payé, et donc un préjudice au titre du FEOGA. Admettre que le préjudice causé par une aide irrégulièrement surévaluée puisse être compensé par une aide régulière mais sous‑évaluée ou puisse disparaître du fait d’un plafonnement revient à vider de leur substance tous les contrôles instaurés par les règlements nos 729/70 et 1258/1999. En particulier, un tel raisonnement induirait un paiement calculé sur la base de la superficie totale SIG de l’État membre concerné ou sur la base de sa superficie de base, ce qui serait entièrement contraire au principe de l’aide individuelle et au contrôle du bien-fondé de cette aide.

87      S’agissant de la violation du principe de proportionnalité, le gouvernement belge prétend en substance que la correction forfaitaire menant à un montant de 9 322 809 euros serait disproportionnée au regard du préjudice maximal subi par le FEOGA, tel que déterminé par sa seconde extrapolation, s’élevant à 1 491 085 euros, voire à 1 079 814 euros.

88      À cet égard, premièrement, il doit être relevé que cette extrapolation ne tient effectivement pas compte du recouvrement des paiements indus, comme l’a constaté la Commission. Or, si l’autorité compétente découvre qu’un demandeur d’aides a présenté une déclaration erronée, qui n’est ni intentionnelle ni le résultat d’une négligence grave, laquelle a entraîné une surévaluation de la surface éligible à l’aide, et que la même erreur a été commise au cours des années précédant celle au cours de laquelle une telle erreur a été relevée, ce qui a entraîné pour chacune de ces années une surévaluation de la surface éligible à l’aide, cette autorité est tenue, sous réserve du respect des délais de prescription prévus à l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), de diminuer la surface effectivement déterminée aux fins de calculer l’aide due pour les années précédentes (arrêt Strawson et Gagg & Sons, point 41 supra, point 64). Ainsi, il appartenait aux autorités belges de procéder au recouvrement des paiements indûment reçus par un exploitant ayant déclaré une surface supérieure à la superficie réelle lorsque cette irrégularité a également existé pour les années précédentes.

89      Contrairement aux arguments avancés par le gouvernement belge, le fait que l’apurement des comptes portait sur trois années ne garantit pas que l’extrapolation couvre l’hypothèse d’un tel recouvrement. En effet, d’une part, il n’a pas été démontré que les dossiers concernés par les anomalies étaient les mêmes chaque année. Il a, au contraire, été prétendu par ce gouvernement que 25 à 30 % des parcelles agricoles voyaient leur superficie modifiée chaque année. D’autre part, pour l’année 1999 par exemple, aucune procédure de contrôle sur plusieurs années successives, équivalant à un recouvrement des paiements indus, n’a été effectuée.

90      Deuxièmement, l’extrapolation présentée par le gouvernement belge ne tient compte que des dossiers présentant une anomalie. Ainsi que cela a été constaté ci‑dessus, l’encodage tardif n’a pas permis de procéder en temps utile aux contrôles administratifs. Or, au vu des chiffres présentés par le gouvernement belge, il est impossible de savoir si cette extrapolation inclut, ou non, les dossiers ayant fait l’objet d’un encodage tardif. Cette circonstance rend crédibles les doutes que la Commission continue d’entretenir à l’égard des faibles taux de corrections que l’extrapolation des autorités belges fait apparaître.

91      Il s’ensuit que le gouvernement belge n’a pas démontré que le préjudice maximal pour le FEOGA ne pouvait pas être supérieur à sa seconde extrapolation portant sur un montant de 1 491 085 euros. Il n’y a donc pas lieu d’examiner la valeur probante de l’estimation de 1 079 814 euros calculée sur la base de cette seconde extrapolation.

92      La Commission était donc fondée à considérer que le niveau réel des dépenses irrégulières ne pouvait pas être déterminé avec suffisamment de précision. En conséquence, elle pouvait, à bon droit, imposer une correction forfaitaire conformément aux orientations.

93      Dès lors que cette correction forfaitaire a été fixée au niveau le plus bas prévu par les orientations, soit 2 %, et que ces orientations n’ont pas été contestées, cette correction ne peut pas, par hypothèse, avoir violé le principe de proportionnalité.

94      Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du deuxième moyen et le troisième moyen doivent être rejetés comme non fondés.

95      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours du Royaume de Belgique.

 Sur les dépens

96      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume de Belgique ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 juillet 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


* Langue de procédure : le français.