Language of document : ECLI:EU:T:2006:85

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 mars 2006 (*)

« Recours en annulation – Règlement (CE) n° 316/2004 – Organisation commune du marché vitivinicole – Protection des mentions traditionnelles – Modification du classement de certaines mentions traditionnelles complémentaires – Utilisation dans l’étiquetage de vins originaires de pays tiers – Vice de procédure – Principe de proportionnalité – Accord ADPIC »

Dans l’affaire T‑226/04,

République italienne, représentée par M. Fiorilli, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Nolin et V. Di Bucci, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle du règlement (CE) n° 316/2004 de la Commission, du 20 février 2004, modifiant le règlement (CE) n° 753/2002 fixant certaines modalités d’application du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil en ce qui concerne la désignation, la dénomination, la présentation et la protection de certains produits vitivinicoles (JO L 55, p. 16), dans la mesure où il modifie les articles 24, 36 et 37 du règlement (CE) n° 753/2002 de la Commission, du 29 avril 2002 (JO L 118, p. 1), en ce qui concerne la protection des mentions traditionnelles,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président, P. Mengozzi et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 décembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       Le règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune du marché vitivinicole (JO L 179, p. 1, ci-après le « règlement de base »), expose, dans ses articles 47 à 53 et ses annexes VII et VIII, la réglementation communautaire applicable à la désignation, à la dénomination, à la présentation et à la protection de certains produits vitivinicoles.

2       Le règlement (CE) n° 753/2002 de la Commission, du 29 avril 2002, fixant certaines modalités d’application du règlement de base en ce qui concerne la désignation, la dénomination, la présentation et la protection de certains produits vitivinicoles (JO L 118, p. 1), a institué certaines modalités d’application des dispositions du règlement de base visées au point 1 ci-dessus.

3       Le règlement (CE) n° 316/2004 de la Commission, du 20 février 2004, modifiant le règlement n° 753/2002 (JO L 55, p. 16), modifie notamment les articles 24, 36 et 37 et l’annexe III du règlement n° 753/2002 en ce qui concerne la protection des mentions traditionnelles.

 Règlement n° 753/2002

4       Le règlement n° 753/2002 régit trois catégories de mentions traditionnelles : les mentions traditionnelles complémentaires visées à l’article 23, qui peuvent être utilisées à la fois pour les vins de qualité produits dans une région déterminée (v.q.p.r.d.) et pour les vins de table bénéficiant d’une indication géographique (ci-après les « VDT avec IG »), les termes visés à l’article 28, dont l’utilisation est réservée aux VDT avec IG, et les mentions spécifiques traditionnelles visées à l’article 29, dont l’utilisation est réservée aux v.q.p.r.d.

5       L’article 23 du règlement n° 753/2002 définit la notion de mention traditionnelle complémentaire comme « un terme traditionnellement utilisé pour désigner les [VDT avec IG et les v.q.p.r.d.] dans les États membres producteurs, qui se réfère notamment à une méthode de production, d’élaboration, de vieillissement, ou à la qualité, la couleur, le type de lieu, ou à un événement historique lié à l’histoire du vin en question et qui est défini dans la législation des États membres producteurs aux fins de la désignation des vins en question produits sur leur territoire ».

6       L’article 24 du règlement n° 753/2002, intitulé « Protection des mentions traditionnelles », figurant sous le titre IV, relatif aux règles applicables aux VDT avec IG et aux v.q.p.r.d., dans sa version antérieure au règlement n° 316/2004, disposait :

« 1. Pour l’application du présent article, on entend par ‘mentions traditionnelles’, les mentions traditionnelles complémentaires visées à l’article 23, les termes visés à l’article 28 et les mentions spécifiques traditionnelles visées à l’article 14, paragraphe 1, premier alinéa, [sous] c), à l’article 29 et à l’article 38, paragraphe 3.

2. Les mentions traditionnelles figurant à l’annexe III sont réservées aux vins auxquels elles sont liées et sont protégées contre :

a)      toute usurpation, imitation ou évocation, même si la mention protégée est accompagnée d’une expression telle que ‘genre’, ‘type’, ‘méthode’, ‘imitation’, ‘marque’ ou d’autres mentions similaires ;

b)      toute autre indication abusive, fausse ou trompeuse quant à la nature ou les qualités substantielles du vin figurant sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné ;

c)      toute autre pratique susceptible d’induire le public en erreur et notamment faisant croire que le vin bénéficie de la mention traditionnelle protégée.

3. Pour la désignation d’un vin, ne peuvent être utilisées dans l’étiquetage des marques qui contiennent des noms des mentions traditionnelles figurant à l’annexe III sans que ce vin ait droit à une telle mention traditionnelle.

[...]

4. Si une mention traditionnelle figurant à l’annexe III du présent règlement relève également de l’une des catégories d’indications visées à l’annexe VII, point A [relatif aux indications obligatoires] et [points B 1 et B 2] [relatifs aux indications facultatives] du règlement [de base], les dispositions du présent article s’appliquent à cette mention traditionnelle au lieu des autres dispositions du titre IV ou du titre V.

La protection d’une mention traditionnelle ne s’applique qu’en ce qui concerne la langue ou les langues dans laquelle elle figure à l’annexe III.

Chaque mention traditionnelle qui figure à l’annexe III est liée à une catégorie de vin ou à plusieurs catégories de vin. Ces catégories sont :

a)      les vins de liqueur de qualité produits dans des régions déterminées et les vins de liqueur avec indication géographique ; dans ce cas, la protection de la mention traditionnelle ne s’applique qu’à la désignation des vins de liqueur ;

b)      les vins mousseux de qualité produits dans des régions déterminées […] ; dans ce cas, la protection de la mention traditionnelle ne s’applique qu’à la désignation des vins mousseux et des vins mousseux gazéifiés ;

c)      les vins pétillants de qualité produits dans des régions déterminées et les vins pétillants avec indication géographique ; dans ce cas, la protection de la mention traditionnelle ne s’applique qu’à la désignation des vins pétillants et des vins pétillants gazéifiés ;

d)      les [v.q.p.r.d.] autres que ceux visés [sous] a), b) et c), et les [VDT avec IG] ; dans ce cas, la protection de la mention traditionnelle ne s’applique qu’à la désignation des vins autres que les vins de liqueur, les vins mousseux et les vins mousseux gazéifiés, et les vins pétillants et les vins pétillants gazéifiés ;

[…]

5. Pour pouvoir figurer à l’annexe III, partie A, une mention traditionnelle doit être conforme aux conditions suivantes :

a)      être spécifique en elle-même et précisément définie dans la législation de l’État membre ;

b)      être suffisamment distinctive et/ou jouir d’une réputation établie à l’intérieur du marché communautaire ;

c)      avoir été traditionnellement employée pendant au moins dix ans dans l’État membre en question ;

d)      être rattachée à un ou, le cas échéant, à plusieurs vins ou catégories de vins communautaires.

6. Pour pouvoir figurer à l’annexe III, partie B, les mentions traditionnelles doivent respecter les conditions visées au paragraphe 5, être rattachées à un vin qui porte une indication géographique et servir à identifier ce vin comme étant originaire de cette région ou localité du territoire de la Communauté en question, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du vin, exprimée par la mention traditionnelle en question, peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique.

7. Les États membres communiquent à la Commission :

a)      les éléments permettant de justifier la reconnaissance des mentions traditionnelles ;

b)      les mentions traditionnelles des vins admises dans leur législation qui remplissent les conditions susvisées ainsi que les vins auxquels elles sont réservées ;

c)      le cas échéant, les mentions traditionnelles qui cessent d’être protégées dans leur pays d’origine.

8. Par dérogation aux paragraphes 1 à 7, certaines mentions traditionnelles figurant à l’annexe III, partie A, peuvent être utilisées dans l’étiquetage des vins qui portent une indication géographique et qui sont originaires des pays tiers dans la langue du pays tiers d’origine ou dans une autre langue, lorsque l’emploi de cette langue est traditionnel pour ces indications, pour autant que :

a)      ces pays aient présenté une demande justifiée à la Commission et aient transmis les textes législatifs relatifs à ces mentions ;

b)      les conditions des paragraphes 5 et 9 soient remplies ;

c)      les prescriptions fixées par les pays tiers ne soient pas de nature à induire les consommateurs en erreur sur la mention concernée.

Pour chaque mention traditionnelle, les pays tiers concernés sont indiqués à l’annexe III, partie A.

9. En application de l’annexe VII, point D 1, sixième alinéa [relatif aux langues pouvant être utilisées pour l’étiquetage], du règlement [de base] et du paragraphe 8 du présent article, l’utilisation d’une langue autre que la langue officielle d’un pays est considérée comme traditionnelle en ce qui concerne une mention traditionnelle si l’emploi de cette langue est prévu par la législation du pays et si cette langue est employée pour cette mention traditionnelle de façon continue depuis au moins vingt‑cinq ans.

[…] »

7       L’annexe III du règlement n° 753/2002, établissant la liste des mentions traditionnelles visées à cet article 24, était, conformément aux prescriptions de cet article, composée de deux parties, une partie A, constituée d’un tableau divisé, pour chaque État membre, en trois sections (mentions traditionnelles spécifiques prévues à l’article 29, termes prévus à l’article 28 et mentions traditionnelles complémentaires), et une partie B, les conditions d’insertion d’une mention traditionnelle dans l’une ou l’autre partie de cette annexe étant précisées par l’article 24 précité.

8       L’article 36 du règlement n° 753/2002, intitulé « Vins importés avec indication géographique », figurant sous le titre V, relatif aux règles applicables aux produits importés, prévoyait en son paragraphe 3, troisième alinéa, que « certaines mentions des pays tiers, qui servent à identifier un vin comme étant originaire d’une région ou localité du territoire du pays tiers concerné dans le cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du vin, exprimée par la mention considérée, peut être essentiellement attribuée à cette origine géographique et qui sont homonymes des mentions traditionnelles figurant à l’annexe III, partie B, peuvent être utilisées dans des conditions pratiques qui garantissent qu’elles soient différenciées les unes des autres, compte tenu de la nécessité d’assurer un traitement équitable des producteurs concernés et faire en sorte que les consommateurs ne soient pas induits en erreur ».

9       L’article 36, paragraphe 4, du règlement n° 753/2002 énonçait :

« Les indications géographiques et les mentions traditionnelles visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ne peuvent pas être utilisées si, bien qu’elles soient littéralement exactes pour ce qui est du territoire, de la région ou de la localité dont les produits sont originaires, elles donnent à penser à tort au public que les produits sont originaires d’un autre territoire. »

10     L’article 37 du règlement n° 753/2002, figurant également dans le titre V, et intitulé « Autres indications pouvant figurer dans l’étiquetage des vins importés avec indication géographique », disposait :

« 1. En application de l’annexe VII, point B 2, du règlement [de base], l’étiquetage des vins originaires des pays tiers (à l’exclusion des vins mousseux et des vins mousseux gazéifiés mais y compris les vins issus de raisins surmûris) et les moûts de raisins partiellement fermentés destinés à la consommation humaine directe élaborés dans les pays tiers qui portent le nom d’une indication géographique conformément à l’article 36, peut être complété par les indications suivantes :

[...]

e)      en ce qui concerne les vins des pays tiers et les moûts de raisins partiellement fermentés destinés à la consommation humaine directe des pays tiers, des mentions traditionnelles complémentaires autres que celles figurant à l’annexe III, conformément à la législation du pays tiers concerné, et des mentions traditionnelles complémentaires figurant à l’annexe III, pour autant que les conditions d’utilisation soient réglementées par le pays tiers concerné et conformément aux articles 23 et 24 ;

[...] »

11     L’article 49 du règlement n° 753/2002 prévoyait que ledit règlement serait applicable à compter du 1er janvier 2003, son article 47, paragraphe 1, deuxième alinéa, prévoyant cependant que « [l]es étiquettes et les préemballages comportant des mentions imprimées en conformité avec les dispositions en la matière en vigueur au moment de leur mise en circulation, qui ne [seraient] plus conformes auxdites dispositions à la suite de l’applicabilité du présent règlement, [pourraient] être utilisées jusqu’au 1er août 2003 ».

12     Cette disposition a fait l’objet de plusieurs modifications. La dernière modification intervenue avant l’adoption du règlement n° 316/2004 a été introduite par le règlement (CE) n° 1205/2003 de la Commission, du 4 juillet 2003, modifiant le règlement n° 753/2002 (JO L 168, p. 13). Aux termes de l’article 1er du règlement n° 1205/2003, l’article 47, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 753/2002 était modifié comme suit :

« Les étiquettes et les préemballages comportant des mentions imprimées en conformité avec les dispositions en la matière qui sont en vigueur jusqu’à l’entrée en application du présent règlement peuvent être utilisées jusqu’au 1er février 2004. »

 Règlement n° 316/2004

13     Le règlement n° 316/2004 a été adopté en vertu du règlement de base et, notamment, de son article 53 et de son article 80, sous b).

14     Selon son considérant 2, le règlement n° 316/2004 apporte des modifications au règlement n° 753/2002, notamment, afin de prendre en considération les réserves que ce règlement avait suscitées auprès d’un certain nombre de pays tiers producteurs de vins à la suite de la notification du règlement n° 753/2002 à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce règlement précise ainsi en son considérant 3 que les modifications introduites ont pour objet « d’ouvrir l’usage de certaines expressions traditionnelles aux pays tiers pourvu que ces derniers remplissent des conditions équivalentes à celles requises pour les États membres » et que, « étant donné que plusieurs pays tiers n’ont pas le même niveau de réglementation centralisée que la Communauté, il convient d’amender quelques exigences réglementaires tout en assurant les mêmes garanties concernant la force contraignante de ces règles ».

15     L’article 1er, point 4, sous a), du règlement n° 316/2004 modifie l’article 24, paragraphe 5, du règlement n° 753/2002 en remplaçant la phrase introductive par une disposition qui énonce que, « [p]our pouvoir figurer à l’annexe III, une mention traditionnelle doit être conforme aux conditions suivantes ». Le reste du paragraphe 5 reste inchangé et les dispositions de l’article 24, paragraphes 6 et 8, du règlement n° 753/2002 sont supprimées en vertu de l’article 1er, point 4, sous b) et c), du règlement n° 316/2004.

16     L’article 1er, point 9, du règlement n° 316/2004 modifie l’article 36 du règlement n° 753/2002 en supprimant le paragraphe 3, troisième alinéa, et en remplaçant notamment le paragraphe 4 par le texte suivant :

« Les indications géographiques visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ne peuvent pas être utilisées si, bien qu’elles soient littéralement exactes pour ce qui est du territoire, de la région ou de la localité dont les produits sont originaires, elles donnent à penser à tort au public que les produits sont originaires d’un autre territoire. »

17     L’article 1er, point 10, sous a), i) et iv), du règlement n° 316/2004 modifie l’article 37, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 753/2002, lequel se lit désormais comme suit :

« 1. En application de l’annexe VII, point B 2, du règlement [de base], l’étiquetage des vins originaires des pays tiers (à l’exclusion des vins mousseux, des vins mousseux gazéifiés et des vins pétillants gazéifiés mais y compris les vins issus de raisins surmûris) et des moûts de raisins partiellement fermentés destinés à la consommation humaine directe élaborés dans les pays tiers qui portent le nom d’une indication géographique conformément à l’article 36 peut être complété par les indications suivantes :

[...]

e)      en ce qui concerne les vins des pays tiers et les moûts de raisins partiellement fermentés destinés à la consommation humaine directe des pays tiers, des mentions traditionnelles complémentaires :

i)      autres que celles figurant à l’annexe III, conformément aux règles applicables aux producteurs de vin du pays tiers concerné, y compris celles émanant d’organisations professionnelles représentatives, et

ii)      figurant à l’annexe III, pour autant que les conditions d’utilisation soient conformes aux règles applicables aux producteurs de vin du pays tiers concerné, y compris celles émanant d’organisations professionnelles représentatives, et aux conditions suivantes :

–       ces pays doivent avoir présenté une demande justifiée à la Commission et doivent avoir transmis les règles relatives à ces mentions, permettant de justifier la reconnaissance des mentions traditionnelles,

–       être spécifiques en elles-mêmes,

–       être suffisamment distinctives et/ou jouir d’une réputation établie à l’intérieur du pays tiers concerné,

–       avoir été traditionnellement employées pendant au moins dix ans dans le pays tiers en question,

–       être rattachée à une ou, le cas échéant, à plusieurs catégories de vins du pays tiers en question,

–       les prescriptions fixées par les pays tiers ne doivent pas être de nature à induire les consommateurs en erreur sur la mention concernée,

         en outre, certaines mentions traditionnelles figurant à l’annexe III peuvent être utilisées dans l’étiquetage des vins qui portent une indication géographique et sont originaires des pays tiers dans la langue du pays tiers d’origine ou dans une autre langue, lorsque l’utilisation d’une langue autre que la langue officielle du pays est considérée comme traditionnelle en ce qui concerne une mention traditionnelle, si l’emploi de cette langue est prévu par la législation du pays et si cette langue est employée pour cette mention traditionnelle de façon continue depuis au moins vingt-cinq ans.

         L’article 23, […] l’article 24, paragraphe 2 à [paragraphe] 4, [deuxième] alinéa, et [l’article 24,] paragraphe 6, [sous] c), s’appliquent mutatis mutandis.

         Pour chaque mention traditionnelle visée [sous] ii) [ci-dessus], les pays tiers concernés sont indiqués à l’annexe III. »

18     L’article 1er, point 18, du règlement n° 316/2004 remplace l’annexe III du règlement n° 753/2002 par une nouvelle version, dont le texte fusionne les parties A et B de l’ancienne version. Les mentions traditionnelles figurant auparavant dans la partie B figurent désormais dans la catégorie des mentions traditionnelles complémentaires de la nouvelle version de cette annexe.

19     Enfin, l’article 1er, point 16, du règlement n° 316/2004 modifie l’article 47, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 753/2002, en prorogeant jusqu’au 15 mars 2004 la possibilité d’utiliser les étiquettes et préemballages conformes aux dispositions en vigueur jusqu’à l’entrée en application du règlement n° 753/2002 tel que modifié.

 Procédure et conclusions des parties

20     Par requête déposée au greffe de la Cour le 3 mai 2004, la République italienne a introduit le présent recours.

21     Par ordonnance de la Cour du 8 juin 2004, cette affaire a été renvoyée au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 2 de la décision 2004/407/CE, Euratom du Conseil, du 26 avril 2004, portant modification des articles 51 et 54 du protocole sur le statut de la Cour de justice (JO L 132, p. 5).

22     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

23     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 décembre 2005.

24     La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal annuler le règlement n° 316/2004 dans la mesure où il modifie les articles 24, 36 et 37 du règlement n° 753/2002 en ce qui concerne la protection des mentions traditionnelles.

25     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la République italienne aux dépens ;

–       à titre subsidiaire, si le recours est accueilli, ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens.

 En droit

26     À l’appui de son recours, dirigé contre l’article 1er, point 4, point 9, point 10, sous a), iv), et point 18 du règlement n° 316/2004 (ci-après les « dispositions attaquées »), le gouvernement italien soulève, en substance, quatre moyens, tirés, premièrement, de vices de procédure et de l’absence de contradictoire effectif, deuxièmement, d’une violation du règlement de base, des conclusions du Conseil concernant les accords bilatéraux relatifs au vin, annexées à la note (point A) du comité spécial « Agriculture » n° 12192/00, du 20 octobre 2000 (ci-après les « conclusions du Conseil »), ainsi que du règlement n° 753/2002, troisièmement, d’une violation du principe de proportionnalité et d’un détournement de pouvoir et, quatrièmement, d’une violation de règles impératives de droit international.

 Sur le moyen tiré de vices de procédure et de l’absence de contradictoire effectif

 Arguments des parties

27     Premièrement, le gouvernement italien souligne que la procédure d’adoption du règlement n° 316/2004 est intervenue avant même que toutes les dispositions du règlement n° 753/2002 ne trouvent à s’appliquer.

28     Deuxièmement, il indique que la procédure a été engagée par une lettre de la Commission du 9 octobre 2003 (document de travail à l’attention des membres du comité de gestion des vins, relatif aux propositions de modifications du règlement n° 753/2002, AGRI/63485.2003-REV.2). Selon le gouvernement italien, cette lettre faisait référence à des demandes de pays tiers présentées dans le cadre de l’OMC. Toutefois, la Commission n’aurait ni distribué aux États membres le document de l’OMC dans lequel les pays tiers se plaignaient de l’adoption du règlement n° 753/2002, ni expliqué les considérations de ces pays de manière explicite, hormis les considérations sommaires figurant dans les projets ayant abouti au règlement n° 316/2004.

29     Troisièmement, le gouvernement italien aurait manifesté, tant par écrit qu’oralement, et en temps utile, son opposition au projet de règlement n° 316/2004. En outre, il aurait voté contre l’adoption de ce règlement lors de la réunion du comité de gestion des vins (ci-après le « comité de gestion ») du 27 janvier 2004, tout comme les gouvernements français, espagnol, portugais, grec et luxembourgeois. Le règlement n° 316/2004 aurait néanmoins été adopté par la Commission sans l’avis de ce comité.

30     Quatrièmement, la procédure retenue par la Commission pour le vote ne serait pas régulière, le projet n’ayant été soumis pour avis lors de la réunion du comité de gestion du 27 janvier 2004 que dans sa version en langue française. Pour remédier à ce vice, la Commission aurait d’ailleurs à nouveau proposé le projet de règlement traduit dans toutes les langues officielles lors de la réunion du 10 février 2004 en vue de la confirmation du vote du 27 janvier 2004.

31     En premier lieu, la Commission considère qu’aucune règle ne lui impose de transmettre aux États membres les documents distribués ou les observations présentées par les pays tiers dans le cadre de l’OMC, les États membres ayant déjà reçu ces documents en leur qualité de membres de l’OMC.

32     En deuxième lieu, la Commission répond que, d’une part, les effets du prétendu vice qui résulterait de l’absence initiale de transmission du projet de règlement en langue italienne ont été neutralisés, le projet de règlement dans toutes les langues officielles ayant été soumis au vote du comité de gestion lors de la réunion du 10 février 2004, et, d’autre part, ce vice n’aurait jamais existé, le règlement n’ayant été adopté que le 20 février 2004, soit après que le comité de gestion eut été invité à donner son avis sur un texte rédigé dans toutes les langues officielles. En toute hypothèse, la procédure du comité de gestion prévue à l’article 75 du règlement de base permettrait à la Commission d’arrêter des mesures immédiatement applicables, communiquées ensuite au Conseil uniquement si elles ne sont pas conformes à l’avis émis par le comité de gestion. Or, en l’espèce, le comité de gestion n’aurait pas émis d’avis à la majorité requise.

33     En troisième lieu, la violation du principe du contradictoire ne serait pas établie, la procédure d’adoption du règlement ne prévoyant pas un examen contradictoire avec chaque État membre, mais uniquement la consultation du comité de gestion.

 Appréciation du Tribunal

34     Premièrement, le Tribunal relève que le fait que la procédure d’adoption des dispositions attaquées soit intervenue avant même que toutes les dispositions du règlement n° 753/2002 soient devenues applicables n’est pas pertinent. En effet, il est constant que les dispositions servant de base juridique aux modifications apportées par les dispositions attaquées, à savoir notamment l’article 53 et l’article 80, sous b), du règlement de base, étaient en vigueur lors de l’adoption des dispositions attaquées. Dès lors, la Commission disposait d’une base juridique pour les adopter et le fait que toutes les dispositions que celles-ci modifient n’aient alors pas encore été d’application est sans effet sur leur légalité.

35     Deuxièmement, le fait que la Commission n’ait pas distribué aux États membres, lors de la mise en œuvre de la procédure de modification du règlement n° 753/2002, des documents communiqués par des pays tiers dans le cadre de l’OMC est également sans influence sur la légalité des dispositions attaquées, dès lors que la Commission n’était tenue à aucune obligation de ce genre.

36     En effet, la procédure d’adoption du règlement n° 316/2004 est régie par l’article 53, paragraphe 1, du règlement de base, qui énonce notamment que « [l]es modalités d’application du présent chapitre [...] sont arrêtées selon la procédure prévue à l’article 75 », et par l’article 80, sous b), du même règlement, qui précise notamment que, « [c]onformément à la procédure prévue à l’article 75, des mesures sont prises [...] en tant que de besoin, pour résoudre des problèmes pratiques spécifiques ».

37     L’article 75 du règlement de base, dans sa version en vigueur le 9 octobre 2003, date à laquelle la Commission a engagé la procédure d’adoption des dispositions attaquées, prévoit que la Commission est assistée par le comité de gestion et que, dans le cas où il est fait référence dans le règlement de base à l’article 75 de ce même règlement, les articles 4 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution confiées à la Commission (JO L 184, p. 23), s’appliquent.

38     En vertu de l’article 4 de la décision 1999/468, la Commission soumet au comité de gestion concerné un projet des mesures à prendre. Aux termes du paragraphe 2 de cet article, ce comité doit émettre un avis sur ce projet à la majorité et selon les règles de pondération prévues à l’article 205, paragraphe 2, CE, pour l’adoption des décisions que le Conseil est amené à prendre sur proposition de la Commission.

39     L’article 4, paragraphe 3, de la décision 1999/468 prévoit que la Commission arrête des mesures qui sont immédiatement applicables et que c’est seulement dans le cas où celles-ci ne sont pas conformes à l’avis émis par le comité de gestion qu’elles sont communiquées au Conseil, qui peut alors, en vertu du paragraphe 4, prendre à la majorité qualifiée une décision différente de celle prise par la Commission pendant la période précisée dans l’acte de base. Selon l’article 75, paragraphe 2, second alinéa, du règlement de base, cette période est d’un mois.

40     Ainsi, ni les textes applicables ni les principes de bonne administration et de coopération loyale n’imposent à la Commission l’obligation de communiquer aux membres du comité de gestion concerné en l’espèce tous les documents émanant de pays tiers qui pourraient lui être transmis notamment dans le cadre de l’OMC, en l’absence de demande particulière à cet égard. L’absence de communication des documents invoqués par la République italienne est donc sans effet sur la légalité des dispositions attaquées.

41     Il en va de même s’agissant de la motivation du projet de règlement proposé par la Commission au regard des considérations exprimées par les pays tiers dans le cadre de l’OMC. Ainsi qu’il résulte des points précédents, en vertu des règles procédurales applicables, la Commission n’était pas tenue de soumettre, pour la proposition de règlement, un exposé des motifs reprenant en détail les doléances exprimées par ces pays tiers. L’argument du gouvernement italien tiré de l’absence d’explications de la part de la Commission sur les considérations exprimées par les pays tiers dans le cadre de l’OMC ne peut donc pas davantage être accueilli.

42     Troisièmement, le fait pour la République italienne d’avoir manifesté son opposition à l’adoption des dispositions attaquées et le fait que ces dernières ont été adoptées en l’absence d’un avis du comité de gestion ne sont pas non plus pertinents. En effet, il est constant que le comité de gestion des vins a été consulté préalablement à l’adoption des dispositions attaquées. Par ailleurs, comme cela a été exposé ci-dessus, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la décision 1999/468, la Commission peut prendre des mesures immédiatement applicables et ce n’est que dans l’hypothèse où un avis non conforme a été émis par le comité de gestion qu’elle est tenue de transmettre sa proposition au Conseil afin que ce dernier prenne position. Or, il est constant que la majorité de 62 voix prévue à l’article 205, paragraphe 2, CE, pour l’adoption des décisions que le Conseil est amené à prendre sur proposition de la Commission, dans la version de cette disposition applicable au moment des faits, n’a pas été atteinte. En effet, il ressort des procès-verbaux des réunions du comité de gestion du 27 janvier et du 10 février 2004, joints en annexes à la requête, que 40 voix se sont portées en faveur de l’adoption d’un avis défavorable et 47 voix en faveur d’un avis favorable.

43     Quatrièmement, l’argument relatif à la communication initiale des propositions de modification en langue française uniquement doit être rejeté comme inopérant. Même s’il est établi que la Commission n’a initialement transmis le projet de règlement comportant les dispositions attaquées que dans sa version française, il est constant que, lors de la réunion du comité de gestion du 10 février 2004, le projet de règlement a été présenté audit comité dans toutes les versions linguistiques, qu’un vote sur la proposition de la Commission a été sollicité une nouvelle fois et que le vote émis le 10 février 2004 a été identique à celui émis au cours de la réunion du 27 janvier 2004. Dès lors, le fait que le projet de règlement n’ait initialement pas été présenté dans la version italienne est sans effet sur la légalité des dispositions attaquées, les États membres, y compris la République italienne, ayant été consultés et appelés à voter sur la base de toutes les versions linguistiques du projet.

44     Il résulte de ce qui précède que le comité de gestion des vins a été régulièrement consulté et que la violation alléguée du principe du contradictoire n’est pas établie.

45     Partant, le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la violation du règlement de base, des conclusions du Conseil et du règlement n° 753/2002

 Arguments des parties

46     En premier lieu, le gouvernement italien estime que les considérants du règlement de base démontrent que la Commission ne dispose pas en l’espèce d’un pouvoir d’appréciation inconditionnel dans la formulation des dispositions d’application de ce règlement. Le règlement de base encadrerait l’exercice du pouvoir délégué à la Commission en énonçant que les dispositions concernant la désignation, la dénomination et la présentation du vin ont pour objectif de protéger les intérêts légitimes des consommateurs et des producteurs, le bon fonctionnement du marché intérieur et le développement de productions de qualité. Les modifications apportées par les dispositions attaquées aux articles 24, 36 et 37 et à l’annexe III du règlement n° 753/2002, et donc à la protection des mentions traditionnelles, en particulier celles qui figuraient auparavant dans la partie B de l’annexe III du règlement n° 753/2002, affectant la réalisation de cet objectif, seraient illégales. Dans sa réplique, le gouvernement italien précise que la Commission s’est faite législateur en violant les principes établis par le Conseil pour la réalisation des objectifs de l’article 33 CE.

47     Le gouvernement italien ajoute que le règlement de base prévoit en son annexe VII, point B 1, sous b), cinquième tiret, que l’étiquetage des VDT avec IG et des v.q.p.r.d. peut être complété par l’indication de mentions traditionnelles complémentaires « selon les modalités prévues par l’État membre producteur », car ces mentions traditionnelles ne forment qu’un tout avec les indications géographiques, dont la réglementation incombe aux États membres. En vertu des directives données par le Conseil, la réglementation mise en place par la Commission aurait seulement dû établir des dispositions réglementaires communes visant à augmenter la protection des mentions traditionnelles, par le biais de dispositions analogues à celles relatives aux indications géographiques. Cela découlerait tant des considérants du règlement n° 753/2002 que de l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement.

48     Le gouvernement italien estime que la réglementation postérieure au règlement de base ne saurait en aucun cas entraîner une diminution de la protection des mentions traditionnelles. Cette diminution serait donc, en substance, contraire au règlement de base.

49     En deuxième lieu, la division de l’annexe III en deux parties aurait découlé des directives données par le Conseil à la Commission pour la conclusion d’accords bilatéraux relatifs au vin. Le gouvernement italien se réfère en particulier au point II des conclusions du Conseil.

50     Cependant, les dispositions attaquées, en supprimant la partie B de l’annexe III, auraient mis fin à la distinction existant entre la protection des mentions relevant de la partie A et la protection de celles relevant de la partie B, en accordant à toutes les mentions un degré de protection inférieur et en diminuant ainsi la protection de nombreuses mentions qui étaient auparavant réservées aux vins communautaires avec une indication géographique, et qui pourraient désormais être accordées à des vins originaires de pays tiers à des conditions très favorables. Cela aurait entraîné, pour les mentions traditionnelles complémentaires intégrant la provenance géographique, la confiscation des droits de propriété intellectuelle des producteurs.

51     En troisième lieu, la Commission n’aurait pas eu le pouvoir d’adopter les dispositions attaquées, qui réduisent la protection des mentions traditionnelles, alors que l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 753/2002 assurait, selon le gouvernement italien, une protection des mentions traditionnelles même contre l’évocation (tout comme pour les indications géographiques), tandis que les modifications apportées ont pour effet d’abolir l’assimilation entre mentions traditionnelles et indications géographiques.

52     Les modifications apportées par les dispositions attaquées abaisseraient le niveau de protection de toutes les mentions traditionnelles de la nouvelle annexe III. En effet, avant celles-ci, les mentions figurant dans la partie A ne pouvaient, selon le gouvernement italien, être utilisées par des pays tiers que si les conditions de l’article 24, paragraphes 5 et 9, du règlement n° 753/2002 étaient remplies, en particulier la condition de réputation établie à l’intérieur du marché communautaire. Cependant, en application des dispositions attaquées, il suffirait désormais que la réputation soit acquise et démontrée simplement à l’intérieur du pays tiers concerné.

53     À titre liminaire, la Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, et en vertu de la délégation qui lui a été accordée par le Conseil dans le règlement de base, elle dispose en l’espèce d’une large marge d’appréciation.

54     Elle avance, de manière générale, que la régularité du présent moyen au regard de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour ainsi que de l’article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, lequel s’appliquait à l’affaire lors de l’introduction de la requête, est incertaine, les motifs permettant de conclure à l’illégalité des dispositions attaquées n’étant pas précisément exposés. Cela étant, la Commission répond aux arguments de la requérante.

55     En premier lieu, les dispositions de l’annexe VII, point B 1, sous b), cinquième tiret, du règlement de base ne prévoiraient rien s’agissant du contrôle des mentions traditionnelles, hormis le fait qu’elles ont pour objet de permettre que l’on ajoute à l’étiquetage des VDT avec IG et des v.q.p.r.d. l’indication de mentions traditionnelles complémentaires « selon les modalités prévues par l’État membre producteur ». Ce renvoi concernerait donc les modalités d’utilisation de chaque mention traditionnelle reconnue par le droit communautaire, et non le contenu ou la portée du contrôle des mentions traditionnelles en général.

56     De plus, le gouvernement italien ne contesterait pas le principe selon lequel le législateur communautaire peut définir le niveau et la portée de la protection accordée aux mentions traditionnelles, mais se bornerait à critiquer les choix concrets effectués par la Commission. Il reconnaîtrait ainsi que, compte tenu de l’annexe VII, point B 1, sous b), cinquième tiret, le contenu et la portée de la protection accordée aux mentions traditionnelles seraient déterminés non pas par le droit de l’État membre producteur, mais par les dispositions d’application que la Commission a arrêtées.

57     En deuxième lieu, la Commission fait valoir que, dans la mesure où l’argumentation du gouvernement italien doit être comprise comme tirée de la violation des conclusions du Conseil, ces dernières ne la lient pas. D’une part, ces conclusions concerneraient les négociations avec les pays tiers, et non la réglementation interne de la Communauté. D’autre part, le Conseil aurait autorisé la Commission à arrêter des modalités d’application en vertu de l’article 53, paragraphe 2, sous e), et de l’annexe VII, point B 1, sous b), cinquième tiret, du règlement de base, qui n’imposeraient pas à la Commission de se tenir à une distinction entre deux types de mentions traditionnelles. Le Conseil n’aurait donc pas pu lier la Commission par ses conclusions, mais seulement par une modification formelle du règlement de base.

58     En troisième lieu, le grief tiré de la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 753/2002 serait également infondé. D’une part, cette règle serait de même rang que celles attaquées et ne pourrait donc pas constituer un critère de légalité. D’autre part, bien que les dispositions attaquées puissent déroger à l’article 24, paragraphe 2, elles seraient en fait un complément de celui-ci. L’article 24, paragraphe 2, protégerait les mentions traditionnelles de l’annexe III tandis que les dispositions attaquées établiraient les conditions dans lesquelles les vins de pays tiers pourraient bénéficier des mentions traditionnelles de l’annexe III, assurant la possibilité de bénéficier de la protection prévue à l’article 24, paragraphe 2. Il n’existerait donc aucune contradiction entre ces normes.

59     Quant au prétendu abaissement du niveau de protection de nombreuses mentions traditionnelles, la Commission, tout en dénonçant la difficulté de saisir, dans l’argumentation du gouvernement italien, en quoi les dispositions attaquées seraient illégales à cet égard, fait valoir que la position du gouvernement italien repose sur une prémisse erronée. La fusion des deux parties de l’annexe III n’aurait pas comporté l’autorisation pour les vins des pays tiers d’utiliser les mentions qui apparaissaient précédemment dans la partie B de l’annexe III. L’octroi d’une telle autorisation ne pourrait se faire que cas par cas, sur demande motivée du pays tiers intéressé, après vérification par la Commission du respect des conditions requises et modification de l’annexe III. Le recours serait donc sans objet s’il est considéré comme dirigé contre le fait que le règlement n° 316/2004 permette, pour des vins originaires de pays tiers, l’utilisation des mentions qui figuraient auparavant dans la partie B de l’annexe III.

60     La Commission fait enfin valoir que, si le recours est regardé comme visant de manière plus générale la modification du système réglementaire régissant le contrôle des mentions traditionnelles et l’autorisation de leur emploi pour les vins des pays tiers, il ne peut être accueilli, en l’absence d’illégalité de cette modification. D’une part, la protection des mentions traditionnelles n’aurait pas été abaissée immédiatement, d’autant plus que l’interdiction d’utiliser les mentions traditionnelles non autorisées ne serait devenue effective qu’à compter du 15 mars 2004, soit après l’entrée en vigueur des dispositions attaquées. D’autre part, la fusion des listes et la modification des exigences prévues pour l’utilisation de mentions traditionnelles par les vins des pays tiers relèveraient du pouvoir discrétionnaire de la Commission.

 Appréciation du Tribunal

61     À titre liminaire, il convient d’analyser l’argument de la Commission selon lequel le présent moyen ne satisfait pas aux exigences de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, équivalent de l’article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, applicable au litige lorsqu’il a été introduit à la Cour.

62     En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête visée à l’article 21 du statut de la Cour doit notamment contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, ces indications doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20, et arrêt du Tribunal du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, non encore publié au Recueil, point 64).

63     Dans le cadre du présent moyen, le gouvernement italien soutient, en substance, que, en adoptant les dispositions attaquées, la Commission a outrepassé les pouvoirs qui lui avaient été conférés par le Conseil. Ainsi, les dispositions attaquées seraient illégales du fait d’une violation du règlement de base et d’une violation des conclusions du Conseil. Leur illégalité résulterait également du fait qu’elles diminueraient, de manière générale, la protection des mentions traditionnelles telle qu’elle résultait de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 753/2002 avant modification.

64     S’agissant de la violation des principes établis par le Conseil pour la réalisation des objectifs de l’article 33 CE, le Tribunal relève que ce grief a été soulevé par le gouvernement italien pour la première fois dans la réplique. Aux termes de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Toutefois, une jurisprudence constante admet qu’un moyen ou argument qui n’a pas été présenté dans la requête, mais a été présenté pour la première fois en cours d’instance, qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance, et qui présente un lien étroit avec celui-ci ne constitue pas un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure et doit être déclaré recevable (arrêt de la Cour du 30 septembre 1982, Amylum/Conseil, 108/81, Rec. p. 3107, point 25, et arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, Rec. p. II‑4251, point 111).

65     En l’espèce, ce grief ne peut être considéré comme l’ampliation d’un des griefs déjà exposés dans la requête. De plus, le gouvernement italien ne fait valoir aucun élément de droit ou de fait qui se serait révélé pendant la procédure et sur lequel ce grief pourrait être fondé. Il s’ensuit que ce grief est irrecevable.

66     Partant, le présent moyen n’est recevable que dans la mesure où le gouvernement italien invoque la violation du règlement de base, des conclusions du Conseil et de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 753/2002.

67     Sur le fond, le Tribunal rappelle que, afin que soit assuré le respect de l’équilibre institutionnel entre le Conseil et la Commission, la Commission est tenue de mettre en œuvre ses pouvoirs d’exécution dans les limites de la réglementation adoptée par les institutions compétentes. Ainsi, selon une jurisprudence constante, le système de répartition des compétences entre les différentes institutions de la Communauté a pour but d’assurer le respect de l’équilibre institutionnel prévu par le traité (arrêt de la Cour du 13 mars 1992, Vreugdenhil/Commission, C‑282/90, Rec. p. I‑1937, point 20, et arrêt Chiquita Brands e.a./Commission, point 62 supra, point 181). En outre, la Cour a jugé que, en matière agricole, la Commission est autorisée à adopter toutes les mesures d’application nécessaires ou utiles pour la mise en œuvre de la réglementation de base, pour autant qu’elles ne soient pas contraires à celle-ci ou à la réglementation d’application du Conseil (voir arrêt Chiquita Brands e.a./Commission, point 62 supra, point 184, et la jurisprudence citée).

68     C’est à la lumière de ce principe que les arguments du gouvernement italien seront analysés.

69     S’agissant, en premier lieu, de la violation alléguée du règlement de base, qui aurait imposé à la Commission de respecter la distinction établie entre la partie A et la partie B de son annexe III par le règlement n° 753/2002 et un niveau de protection plus élevé pour les mentions traditionnelles complémentaires qui figuraient dans la partie B de cette annexe, il convient de relever, tout d’abord, que le règlement de base se limite à apporter, s’agissant de la réglementation communautaire des mentions traditionnelles complémentaires, les précisions suivantes :

–       la désignation et la présentation des produits visés par le règlement de base ne doivent pas être erronées et de nature à créer des confusions ou à induire en erreur les personnes auxquelles elles s’adressent, notamment en ce qui concerne les propriétés des produits telles que, notamment, la nature, la composition, le titre alcoométrique volumique, la couleur, l’origine ou la provenance, la qualité, la variété de vigne, l’année de récolte ou le volume nominal des récipients (article 48) ;

–       les mentions traditionnelles complémentaires ne peuvent être utilisées pour la désignation, la présentation et la publicité d’une boisson autre qu’un vin ou un moût de raisins qu’à la condition que tout risque de confusion sur la nature, l’origine ou la provenance et la composition de cette boisson soit exclu (article 52, paragraphe 2) ;

–       l’étiquetage des produits élaborés dans la Communauté peut être complété notamment par des mentions traditionnelles complémentaires, selon les modalités prévues par l’État membre producteur (annexe VII, point B 1, sous b), cinquième tiret) et, pour les vins originaires de pays tiers, par des indications facultatives correspondantes qui sont à déterminer (annexe VII, point B 2) ;

–       les indications figurant sur l’étiquetage sont faites dans une ou plusieurs langues officielles de la Communauté de telle sorte que le consommateur final puisse comprendre facilement chacune de ces indications ; toutefois, l’indication des mentions traditionnelles complémentaires est faite uniquement dans une des langues officielles de l’État membre sur le territoire duquel l’élaboration a eu lieu (annexe VII, point D 1, premier et deuxième alinéas).

70     Ainsi, le règlement de base se limite à imposer à la Commission l’adoption de dispositions régissant les conditions d’utilisation des mentions traditionnelles complémentaires, sans établir aucune distinction au sein de cette catégorie.

71     Ensuite, l’argumentation plus générale développée par le gouvernement italien, relative à la prétendue illégalité de la diminution du niveau de protection des mentions traditionnelles qui figuraient dans l’ancienne partie A de l’annexe III, ne peut davantage être retenue. En effet, à supposer même que les dispositions attaquées affaiblissent effectivement la protection accordée à ces mentions traditionnelles par rapport à celle dont bénéficiaient ces dernières en vertu de la réglementation antérieure aux modifications apportées par les dispositions attaquées, le gouvernement italien n’a aucunement établi que cette diminution est contraire au règlement de base.

72     Enfin, s’agissant de l’argument du gouvernement italien, tiré du libellé de l’annexe VII, point B 1, sous b), cinquième tiret, du règlement de base, force est de constater que cette disposition n’a pas la portée que ce gouvernement lui confère. En prévoyant que l’étiquetage des VDT avec IG et des v.q.p.r.d. peut être complété par des mentions traditionnelles complémentaires « selon les modalités prévues par l’État membre producteur », cette disposition ne vise aucunement à obliger la Commission à faire respecter au niveau communautaire la protection précédemment accordée aux mentions traditionnelles complémentaires au niveau national (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 mars 2005, Italie/Commission, C‑283/02, non publié au Recueil, point 40). Elle se limite, comme le relève justement la Commission, à préciser que les modalités de l’utilisation des mentions traditionnelles complémentaires sur l’étiquetage des produits élaborés dans la Communauté relèvent de l’État membre producteur.

73     Partant, il n’est pas établi que, en adoptant les dispositions attaquées, la Commission ait méconnu les dispositions du règlement de base qui encadrent l’exercice de son pouvoir d’exécution.

74     S’agissant, en deuxième lieu, de la violation des conclusions du Conseil, à propos desquelles le Tribunal relève qu’elles ont, en fait, été formellement adoptées par le Conseil au cours de sa 2300e session tenue le 23 octobre 2000 (communiqué de presse n° 12470/00), le gouvernement italien allègue en substance qu’elles prescrivaient la subdivision qui avait été établie entre la partie A et la partie B de l’annexe III du règlement n° 753/2002 et que les dispositions attaquées violeraient ces conclusions du fait de la suppression de cette subdivision.

75     Aux termes de ces conclusions, intitulées « Conclusions du Conseil concernant les accords bilatéraux relatifs au vin », le Conseil « confirme son attachement à la défense et à la protection des mentions traditionnelles », « souligne la nécessaire cohérence entre les accords bilatéraux et la réglementation communautaire de l’étiquetage, en considérant notamment l’existence de [deux] types de mentions, celles qui sont incontestablement liées à une indication géographique et celles qui caractérisent plutôt un mode d’élaboration du vin » et ajoute que « les mentions traditionnelles qui sont intimement liées à une origine doivent pouvoir être protégées de la même façon que les dénominations d’origine et donc également lorsque cela est possible par le contrôle de l’étiquetage ». Il précise enfin que, « [p]our les autres [mentions traditionnelles], [il] est prêt à examiner la possibilité pour les pays qui les utilisent déjà de maintenir cet usage, à la condition expresse que ces pays respectent un cahier des charges imposant des règles de production, d’élaboration et de commercialisation équivalentes à celles de l’Union européenne, afin de préserver les conditions d’une concurrence loyale et d’assurer la bonne information du consommateur ».

76     Il convient tout d’abord d’observer, à cet égard, que le non-respect éventuel des directives que le Conseil peut adresser à la Commission en vue des négociations qu’elle conduit dans le cadre de l’article 300, paragraphe 1, CE trouve normalement sa sanction dans la décision qui revient au Conseil de conclure ou non l’accord. De telles directives ne font donc, en principe, pas partie des normes au regard desquelles doit être appréciée la légalité des actes accomplis par la Commission dans le cadre des négociations internationales, pour autant que ces actes soient susceptibles de recours.

77     De surcroît, il ne ressort pas du dossier et il n’est pas soutenu par les parties que des négociations en vue de parvenir à la conclusion d’accords au sens de l’article 300 CE aient été formellement ouvertes avec des États tiers sur la question de la protection des mentions traditionnelles complémentaires préalablement à l’adoption des modifications réglementaires qui font l’objet du présent litige. Il ne saurait donc être tenu pour établi que les conclusions du Conseil constituent des directives adressées par ce dernier à la Commission en vue de négociations pouvant conduire à la modification de dispositions contenues dans le règlement n° 753/2002.

78     Enfin, il apparaît clairement à la lecture des conclusions que celles-ci se bornent à indiquer la ligne de conduite que le Conseil demande à la Commission de suivre dans le cadre de négociations bilatérales entreprises avec des pays tiers en vue de la conclusion d’accords bilatéraux relatifs au vin. De telles conclusions ne peuvent, en tout état de cause, s’entendre comme impliquant une obligation pour la Commission de parvenir au résultat recommandé pour toutes les orientations qui y sont définies, pour autant que le résultat soit conforme à la réglementation de base, qui n’a pas été modifiée par le Conseil dans le sens prescrit par ces conclusions, et dont la violation par la Commission lors de l’adoption des dispositions attaquées n’a pas été établie. Il s’ensuit que, à supposer même, ainsi que le soutient la République italienne, que les dispositions attaquées méconnaissent les conclusions du Conseil, cette seule circonstance ne permettrait pas de conclure à l’illégalité de ces dispositions.

79     S’agissant, en troisième lieu, du grief tiré de la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 753/2002, il ne peut être accueilli. D’une part, le règlement n° 753/2002 ne définit pas l’étendue des pouvoirs d’exécution détenus par la Commission en l’espèce. D’autre part, et en toute hypothèse, l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 753/2002 se borne à préciser dans quelle mesure les mentions traditionnelles figurant à l’annexe III de ce règlement sont protégées. Ni cette disposition, ni aucune autre disposition de ce règlement, ni ses considérants ne peuvent être considérés comme imposant à la Commission d’augmenter, ou de ne pas diminuer, le niveau de protection des mentions traditionnelles complémentaires. Par ailleurs, il n’a été versé au dossier aucun élément de nature à révéler que la protection des mentions traditionnelles complémentaires prévue par l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 753/2002 serait compromise par la mise en œuvre des dispositions attaquées.

80     Au vu de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité et d’un détournement de pouvoir

 Arguments des parties

81     Le gouvernement italien fait valoir que la modification de la protection communautaire du droit aux mentions traditionnelles, qui résulte des dispositions attaquées, ne satisfait pas au principe de proportionnalité.

82     La procédure suivie pour la modification serait confuse, injuste et caractérisée par un excès de pouvoir manifeste. La version initiale du règlement n° 753/2002 aurait déjà satisfait les attentes de certains pays tiers de pouvoir exproprier de fait d’un droit de propriété intellectuelle des producteurs communautaires. Les producteurs communautaires de vins portant des indications géographiques qualifiés par les mentions traditionnelles seraient dépositaires d’une tradition de production dont la mention traditionnelle constituerait la reconnaissance formelle et ferait l’objet d’un droit de propriété intellectuelle. La Commission serait allée au-delà des demandes des pays tiers en fixant de facto une protection des mentions traditionnelles communautaires à un niveau inférieur à celui réclamé par les pays tiers. L’illégalité résulterait principalement du fait que les demandes des pays tiers n’auraient pas été portées à la connaissance des États membres en vue de leur appréciation et du fait que la Commission, au lieu de répondre aux pays tiers de façon coordonnée avec les États membres, qui seraient seuls dépositaires des droits de propriété intellectuelle sanctionnés par la possibilité de revendiquer une mention traditionnelle ou une indication géographique, protégés en vertu des législations nationales et dans le cadre de l’OMC, en tenant compte des principes établis par le Conseil pour la conclusion d’accords bilatéraux relatifs au vin, aurait préféré la voie plus courte de la modification unilatérale, qui plus est en violant les règles de procédure, ainsi qu’il ressortirait des arguments exposés dans le cadre du premier moyen.

83     La Commission rappelle, tout d’abord, qu’elle détient en l’espèce un large pouvoir d’appréciation et que les dispositions attaquées n’ont pas eu pour effet d’autoriser l’utilisation, pour un quelconque vin d’un pays tiers, d’une mention traditionnelle figurant auparavant dans la partie B de l’annexe III.

84     Ensuite, elle fait valoir que rien ne prouve qu’elle ait commis une erreur manifeste d’appréciation, outrepassé ses compétences ou commis un détournement de pouvoir. Il ne pourrait pas non plus lui être reproché d’avoir pris en compte la nécessité de respecter les obligations internationales qui lient la Communauté et les États membres.

85     Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel elle serait allée au-delà des demandes des pays tiers, il ressortirait en fait tant des observations présentées par les pays tiers après la notification du règlement n° 753/2002 que du procès‑verbal de la réunion du comité de l’OMC sur les barrières techniques au commerce du 23 mars 2004, qui s’est tenue après la communication du règlement n° 316/2004, que, pour de nombreux pays tiers, même les modifications apportées ne répondent pas entièrement aux objections qu’ils avaient soulevées.

 Appréciation du Tribunal

86     Selon une jurisprudence constante, afin d’établir si une disposition de droit communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il importe de vérifier si les moyens qu’elle met en œuvre sont aptes à réaliser l’objectif visé et s’ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt de la Cour du 11 mars 1987, Rau e.a./Commission, 279/84, 280/84, 285/84 et 286/84, Rec. p. 1069, point 34, et arrêt Chiquita Brands e.a./Commission, point 62 supra, point 227). En outre, le législateur communautaire dispose, en matière de politique agricole commune, d’un large pouvoir d’appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 34 CE et 37 CE lui confèrent. Par conséquent, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre peut affecter la légalité d’une telle mesure (arrêts du Tribunal du 13 juillet 1995, O’Dwyer e.a./Conseil, T‑466/93, T‑469/93, T‑473/93, T‑474/93 et T‑477/93, Rec. p. II‑2071, point 107, et Chiquita Brands e.a./Commission, point 62 supra, point 228).

87     De plus, il résulte de la jurisprudence que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans des situations telles que celles de l’espèce, qui impliquent la nécessité d’évaluer tant un marché complexe que la nature ou la portée des mesures à prendre et que, en contrôlant l’exercice d’une telle compétence, le juge doit se limiter à examiner s’il n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt Italie/Commission, point 72 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

88     En l’espèce, le gouvernement italien soutient, en substance, que les modifications apportées au règlement n° 753/2002 par les dispositions attaquées vont au-delà de ce qui était nécessaire pour satisfaire les demandes exprimées par les pays tiers dans le cadre de l’OMC. Or, à supposer même qu’il appartienne au juge communautaire de vérifier l’adéquation du comportement des institutions communautaires à des engagements souscrits dans ce cadre, le gouvernement italien n’a, en tout état de cause, pas établi que l’objectif poursuivi par les modifications réglementaires contestées en l’espèce, à savoir celui de répondre aux préoccupations exprimées par des pays tiers au sujet des conditions d’usage de certaines mentions traditionnelles complémentaires par ces pays, aurait pu être atteint par des moyens moins contraignants. Il s’ensuit que le gouvernement italien n’a pas démontré que la Commission a violé le principe de proportionnalité en adoptant les dispositions attaquées.

89     Il convient cependant de vérifier si la brièveté de la motivation du règlement n° 316/2004 aurait pu empêcher le gouvernement italien de démontrer une violation du principe de proportionnalité.

90     À cet égard, il convient de rappeler que les considérants 2 et 3 du règlement n° 316/2004 énoncent ce qui suit :

« [L]e règlement [n° 753/2002] a été notifié à l’[OMC]. Un certain nombre de pays tiers producteurs de vins ont émis des réserves à l’encontre de ce texte. À la suite de ces commentaires, deux consultations ont eu lieu à Genève dans le but d’expliquer les nouvelles règles d’étiquetage et de recueillir les préoccupations des pays tiers.

Vu les allégations des pays tiers, il convient d’introduire certains changements dans le règlement [n° 753/2002]. Il s’agit notamment d’ouvrir l’usage de certaines expressions traditionnelles aux pays tiers pourvu que ces derniers remplissent des conditions équivalentes à celles requises pour les États membres. De plus, étant donné que plusieurs pays tiers n’ont pas le même niveau de réglementation centralisée que la Communauté, il convient d’amender quelques exigences réglementaires tout en assurant les mêmes garanties concernant la force contraignante de ces règles. »

91     Toutefois, cette motivation, outre qu’elle est suffisante s’agissant de considérants d’un acte réglementaire, a été complétée par la Commission au cours de la procédure. Ainsi, la Commission a notamment fourni en annexe au mémoire en défense les commentaires et les observations reçus de huit pays tiers membres de l’OMC en réponse à la notification du règlement n° 753/2002 auprès de l’OMC. Dans ces conditions, le gouvernement italien a été mis à même de développer, en réplique, son argumentation relative à l’existence éventuelle d’une violation du principe de proportionnalité. La motivation peu développée du règlement n° 316/2004 n’est donc pas de nature à remettre en cause les considérations exposées au point 88 ci-dessus.

92     De surcroît, le gouvernement italien n’avance aucun indice objectif permettant de conclure que la Commission aurait commis un détournement de pouvoir dans l’exercice de sa compétence. En effet, selon la jurisprudence, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts du Tribunal du 23 octobre 1990, Pitrone/Commission, T‑46/89, Rec. p. II‑577, point 71, et du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava/Commission, T‑92/00 et T‑103/00, Rec. p. II‑1385, point 84). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

93     Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une violation de règles impératives de droit international

 Arguments des parties

94     Le gouvernement italien fait valoir à titre liminaire que, selon le règlement n° 753/2002 dans sa rédaction antérieure aux modifications apportées par les dispositions attaquées, les mentions traditionnelles figurant à la partie B de l’annexe III s’identifiaient à l’indication géographique telle que définie dans l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) du 15 avril 1994 (JO L 336, p. 214). En effet, l’adjonction d’une mention traditionnelle à la zone géographique de production de vins de qualité serait constitutive de la dénomination de pareils vins et devrait donc être considérée dans son ensemble comme une indication géographique de provenance. Ces mentions traditionnelles auraient été mieux protégées que celles figurant à la partie A de l’annexe III du fait qu’elles auraient été étroitement liées aux indications géographiques en question désignant des pays de la Communauté et n’auraient pas pu être accordées aux vins portant une indication géographique originaires de pays tiers, sauf cas d’homonymie.

95     Les dispositions attaquées violeraient l’article 24, paragraphe 3, de l’accord ADPIC selon lequel « [l]orsqu’il mettra en oeuvre la […] section [relative aux indications géographiques], un membre ne diminuera pas la protection des indications géographiques qui existait dans ce membre immédiatement avant la date d’entrée en vigueur de l’accord sur l’OMC [1er janvier 1995] ». Les mentions traditionnelles de l’ancienne partie B de l’annexe III ne formant qu’un tout avec l’indication géographique, la Commission, à l’instar des membres de l’OMC, ne pourrait violer cette règle en diminuant de facto la protection des indications géographiques relevant de son territoire. Dans la réplique, le gouvernement italien invoque également les articles 22 et 23 de l’accord ADPIC, dont les contenus illustreraient aussi l’illégalité des dispositions attaquées.

96     La Commission rétorque, à titre liminaire, que l’on ne peut pas assimiler les mentions traditionnelles figurant dans la partie B de l’annexe III à des indications géographiques. Ainsi, l’argument du gouvernement italien supposerait que les mentions traditionnelles constituent un droit de propriété intellectuelle. Cependant, dans le cadre de l’organisation des marchés vitivinicoles instituée par le règlement de base, les mentions traditionnelles ne seraient pas des indications géographiques et, donc, ne constitueraient pas des droits de propriété intellectuelle régis par l’accord ADPIC.

97     La Commission ajoute que, en toute hypothèse, le cinquième moyen du gouvernement italien ne peut pas être accueilli.

98     D’une part, selon la jurisprudence, les règles de l’accord ADPIC ne figureraient pas parmi les textes à la lumière desquels la Cour contrôle la légalité des actes des institutions communautaires. Les critères de la jurisprudence illustrée par l’arrêt Nakajima/Conseil (arrêt de la Cour du 7 mai 1991, C‑69/89, Rec. p. I‑2069) ne seraient pas remplis en l’espèce ; celle-ci ne s’appliquerait que dans les cas exceptionnels où la Communauté a voulu rendre exécutoire, par le biais d’une transposition en droit communautaire, un accord conclu dans le cadre de l’OMC. Elle ne concernerait pas un cas comme celui de l’espèce, où il s’agit de concilier différents objectifs.

99     D’autre part, la clause de « standstill » de l’article 24, paragraphe 3, de l’accord ADPIC ne s’appliquerait pas en l’espèce, étant donné que, lors de l’entrée en vigueur de cet accord, aucune réglementation communautaire protégeant les mentions traditionnelles n’aurait existé. De plus, le règlement n° 753/2002 n’aurait jamais prohibé l’usage de ces mentions pour les vins de pays tiers, en raison de prorogations et de régimes transitoires. Les dispositions attaquées auraient donc eu pour effet d’élever le niveau de protection par rapport à la situation antérieure.

 Appréciation du Tribunal

100   Il résulte d’une jurisprudence constante que la légalité d’un acte communautaire ne saurait être appréciée au regard d’instruments de droit international qui, comme l’accord OMC et l’accord ADPIC qui en fait partie, ne figurent pas en principe, compte tenu de leur nature et de leur économie, parmi les normes au regard desquelles la Cour et le Tribunal contrôlent la légalité des actes des institutions communautaires. Ce n’est que dans l’hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, ou dans l’occurrence où l’acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC, qu’il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l’acte communautaire en cause au regard des règles de l’OMC [voir, pour ce qui concerne l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1947, arrêt Nakajima/Conseil, point 98 supra, point 31, ainsi que, pour ce qui concerne les accords OMC, arrêts de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C‑149/96, Rec. p. I‑8395, points 47 et 49, et du 1er mars 2005, Van Parys, C‑377/02, Rec. p. I‑1465, points 39 et 40].

101   Cette règle issue de l’arrêt Nakajima/Conseil, point 98 supra, vise, à titre exceptionnel, à permettre au justiciable de se prévaloir, de manière incidente, de la violation par la Communauté ou ses institutions des accords de l’OMC. En tant qu’exception au principe selon lequel les particuliers ne peuvent directement invoquer les dispositions des accords de l’OMC devant le juge communautaire, elle doit être interprétée de manière restrictive (arrêt Chiquita Brands e.a./Commission, point 62 supra, point 117).

102   Par ailleurs, selon la jurisprudence, la condition d’applicabilité de la jurisprudence issue de l’arrêt Nakajima/Conseil, point 98 supra, selon laquelle l’acte communautaire dont la légalité est contestée doit avoir été adopté dans le but de donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre des accords de l’OMC, exige, notamment, que cet acte assure spécifiquement la transposition en droit communautaire de prescriptions issues des accords de l’OMC (arrêt Chiquita Brands e.a./Commission, point 62 supra, point 125). Afin de déterminer si un acte communautaire dont la légalité est contestée a été adopté dans le but de donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre des accords de l’OMC au sens de ladite jurisprudence, il est nécessaire d’examiner, cas par cas, d’une part, les caractéristiques spécifiques de cet acte et, d’autre part, celles des prescriptions pertinentes des accords de l’OMC invoquées (arrêt Chiquita Brands e.a./Commission, point 62 supra, point 156).

103   En l’espèce, ni l’article 24, paragraphe 3, de l’accord ADPIC, dont le gouvernement italien invoque la violation, ni les autres dispositions de l’accord ADPIC invoquées ne permettent de conclure à l’existence d’une intention de la Commission de donner, dans le cadre de l’adoption des dispositions attaquées, exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’accord ADPIC au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt Nakajima/Conseil, point 98 supra.

104   En premier lieu, le règlement n° 316/2004 se contente de rappeler le contexte général dans lequel il a été adopté, à savoir la notification du règlement n° 753/2002 à l’OMC, les réserves émises sur ce règlement par certains pays tiers producteurs de vins et les consultations qui ont eu lieu à Genève sur ce sujet, avant de conclure que, « vu les allégations des pays tiers, il convient d’introduire certains changements dans le règlement [n° 753/2002] ». Aucune référence à une obligation particulière assumée par la Communauté dans le cadre des accords de l’OMC dont la transposition en droit communautaire serait spécifiquement assurée par ce règlement n’y est effectuée.

105   En second lieu, même à supposer qu’aux fins de contrôler la légalité des dispositions attaquées au regard de l’accord ADPIC il soit possible de se référer au règlement de base ou au règlement n° 753/2002 modifié par les dispositions attaquées, l’exception prévue par la jurisprudence issue de l’arrêt Nakajima/Conseil, point 98 supra, resterait inapplicable en l’espèce.

106   D’une part, il est vrai que le considérant 56 et l’article 50 du règlement de base tendent à exécuter en droit communautaire une obligation particulière assumée dans le cadre de l’accord ADPIC. Toutefois, ces dispositions se limitent à prévoir la protection, dans la Communauté, des indications géographiques servant à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un pays tiers membre de l’OMC ou d’une région ou localité de ce territoire, hypothèse différente de celle du cas d’espèce, dans lequel c’est la protection dans la Communauté des mentions traditionnelles des États membres en général, y compris les mentions traditionnelles complémentaires de la République italienne, qui est en cause.

107   D’autre part, le considérant 4 du règlement n° 753/2002, selon lequel il convient de prendre en compte « les obligations découlant des accords internationaux conclus conformément à l’article 300, paragraphe 2, [CE] », revêt un caractère trop général pour permettre de considérer que la Commission a en cela entendu donner exécution en droit communautaire à une obligation particulière assumée dans le cadre des accords de l’OMC.

108   Ainsi, ni les dispositions attaquées ni même, à supposer que leur invocation soit possible en l’espèce, le règlement de base ou le règlement n° 753/2002 n’assurent la transposition en droit communautaire de l’article 24, paragraphe 3, de l’accord ADPIC, ou d’une autre disposition de l’accord ADPIC invoquée par le gouvernement italien, dans une mesure pertinente pour le cas d’espèce.

109   Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

110   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République italienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

Legal

Mengozzi

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mars 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l’italien.