Language of document : ECLI:EU:C:2014:255

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

10 avril 2014 (*)

«Pourvoi – Médicaments à usage humain – Suspension de la mise sur le marché et retrait de certains lots de médicaments contenant le principe actif Clopidogrel – Modification des autorisations de mise sur le marché – Interdiction de mise sur le marché – Règlement (CE) no 726/2004 et directive 2001/83/CE – Principe de précaution – Proportionnalité – Obligation de motivation»

Dans l’affaire C‑269/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 mai 2013,

Acino AG, établie à Miesbach (Allemagne), représentée par Mes R. Buchner et E. Burk, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par Mme M. Šimerdová et M. B.‑R. Killmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet, président de chambre, MM. E. Levits et F. Biltgen (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Acino AG (ci-après «Acino») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 mars 2013, Acino/Commission (T‑539/10, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation des décisions provisoires de la Commission, du 29 mars 2010, relatives à la suspension de la mise sur le marché de quatre médicaments à usage humain contenant le principe actif Clopidogrel fabriqué sur un site, en Inde, et au retrait des lots de médicaments se trouvant déjà sur le marché, ainsi que des décisions définitives de la Commission, du 16 septembre 2010, relatives à la modification des autorisations de mise sur le marché et à l’interdiction de mise sur le marché desdits médicaments (ci-après les «décisions litigieuses»).

 Le cadre juridique

2        En vertu de l’article 46 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (JO L 136, p. 34, ci-après la «directive 2001/83»):

«Le titulaire de l’autorisation de fabrication est tenu au moins:

[...]

f)      de respecter les principes et lignes directrices relatifs aux bonnes pratiques de fabrication des médicaments et d’utiliser seulement en tant que matières premières des substances actives fabriquées conformément aux lignes directrices détaillées relatives aux bonnes pratiques de fabrication des matières premières.

[...]»

3        L’article 116 de la directive 2001/83 énonce:

«Les autorités compétentes suspendent, retirent ou modifient l’autorisation de mise sur le marché lorsqu’il est considéré que le médicament est nocif dans les conditions normales d’emploi ou que l’effet thérapeutique fait défaut ou que le rapport bénéfice/risque n’est pas favorable dans les conditions normales d’emploi ou enfin que le médicament n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée. L’effet thérapeutique fait défaut lorsqu’il est considéré que le médicament ne permet pas d’obtenir de résultats thérapeutiques.

[...]»

4        L’article 117, paragraphe 1, de cette directive prévoit:

«Sans préjudice des mesures prévues à l’article 116, les États membres prennent toutes les dispositions utiles pour que la délivrance du médicament soit interdite et que ce médicament soit retiré du marché lorsqu’il est considéré que:

a)      le médicament est nocif dans les conditions normal d’emploi, ou que

b)      l’effet thérapeutique du médicament fait défaut, ou que

c)      le rapport bénéfice/risque n’est pas favorable dans les conditions d’emploi autorisées, ou que

d)      le médicament n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée, ou que

e)      les contrôles sur le médicament et/ou sur les composants et les produits intermédiaires de la fabrication n’ont pas été effectués ou lorsqu’une autre exigence ou obligation relative à l’octroi de l’autorisation de fabrication n’a pas été respectée.»

5        L’article 20 du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO L 136, p. 1), est libellé comme suit:

«1.      Lorsque les autorités chargées de la surveillance ou les autorités compétentes de tout autre État membre sont d’avis que le fabriquant ou l’importateur établi sur le territoire de la Communauté ne remplit plus les obligations qui lui incombent en vertu du titre IV de la directive 2001/83/CE, elles en informent aussitôt le comité des médicaments à usage humain et la Commission, en exposant leurs raisons de façon détaillée et en indiquant les mesures qu’elles proposent.

[...]

2.      La Commission demande l’avis de l’Agence [européenne des médicaments (ci-après l’‘Agence’)] dans un délai qu’elle fixe en fonction de l’urgence de la question, afin que soient examinées les raisons invoquées. Dans toute la mesure du possible, le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain est invité à présenter des explications orales ou écrites.

3.      Sur avis de l’Agence, la Commission adopte les mesures provisoires nécessaires, qui sont d’application immédiate.

Une décision définitive est adoptée dans les six mois, conformément à la procédure visée à l’article 87, paragraphe 3.

[...]»

6        Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 726/2004, «toute décision octroyant, refusant, modifiant, suspendant ou retirant une autorisation de mise sur le marché prise en vertu du présent règlement indique de façon précise les motifs sur lesquels elle se fonde».

 Les antécédents du litige

7        Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 11 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés comme suit.

8        À la demande d’Acino Pharma GmbH (ci-après «Acino Pharma»), la Commission a octroyé, conformément au règlement no 726/2004, une autorisation centralisée de mise sur le marché de huit médicaments contenant le principe actif Clopidogrel.

9        Les demandes d’autorisation indiquaient que le Clopidogrel était fabriqué dans plusieurs usines, dont l’une se trouvait à Visakhapatnam (Inde).

10      Du 23 au 26 février 2010, un contrôle de cette usine a été effectué par l’autorité nationale de surveillance des médicaments compétente, à savoir le gouvernement de Haute-Bavière, à la demande du comité des médicaments à usage humain (ci‑après le «comité») de l’Agence. Cette inspection portait sur le respect des principes et des lignes directrices de bonnes pratiques de fabrication pour les médicaments (ci-après les «bonnes pratiques»), visés à l’article 46, sous f), de la directive 2001/83.

11      Ce contrôle a abouti à un rapport, daté initialement du 9 mars 2010 et modifié le 16 mars 2010, établissant que la production de ladite usine n’était pas conforme aux règles de bonnes pratiques. Ce rapport a relevé comme infraction critique le fait que 70 protocoles de fabrication de lots ont été réécrits et que certaines indications initiales ont été modifiées. Ledit contrôle a aussi révélé huit autres infractions graves, liées à l’absence de mise en œuvre d’un système d’assurance de qualité de base et à l’inobservation des obligations fondamentales résultant des règles de bonnes pratiques, relatives aux locaux et à l’équipement ainsi qu’à l’entretien préventif et à la manipulation des solvants. En outre, les procédures de nettoyage des locaux et des équipements ont été jugées inappropriées pour garantir l’absence d’une contamination ou de contaminations croisées. Selon la version modifiée du même rapport, le retrait des lots délivrés n’était pas nécessaire faute de preuve que les produits concernés étaient nocifs pour les patients. En outre, en ce qui concerne l’infraction critique, le rapport en question a indiqué que la qualité des produits n’était pas modifiée du fait de la réécriture des données relatives à la qualité et qu’il n’y avait pas de preuve que cette infraction affectait la santé des patients.

12      Lors d’une audience devant le comité, qui s’est tenue le 17 mars 2010, Acino Pharma a présenté ses explications.

13      Le 18 mars 2010, la Commission a ouvert une procédure au titre de l’article 20 du règlement no 726/2004 et a demandé la position de l’Agence, qui lui a envoyé, le même jour, l’avis du comité. Dans son avis, qui a été transmis le lendemain à Acino Pharma, le comité a recommandé que l’usine située à Visakhapatnam soit rayée de la liste des sites autorisés à fabriquer le Clopidogrel et que tous les lots de médicaments qui contenaient ce principe actif fabriqué par ladite usine soient retirés du réseau de distribution, jusqu’au niveau des pharmacies.

14      Par un courrier du 22 mars 2010, Acino Pharma a demandé à l’Agence le réexamen de l’avis du comité. Elle a annexé à sa lettre un rapport détaillé sur l’évaluation des risques, selon lequel les infractions aux règles de bonnes pratiques constatées n’avaient pas eu d’effet sur la qualité des médicaments concernés. Acino Pharma a également informé la Commission dudit rapport et de sa demande de réexamen.

15      Par une lettre du 25 mars 2010, l’Agence a fait savoir que les indications fournies par Acino Pharma avaient fait l’objet d’un examen au sein du comité, mais que les conclusions de l’avis du comité étaient maintenues.

16      Le 29 mars 2010, la Commission a adopté, conformément à l’article 20, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 726/2004, huit décisions contenant des mesures provisoires relatives à la mise sur le marché des médicaments contenant le principe actif Clopidogrel fabriqué sur le site de Visakhapatnam (ci‑après les «décisions provisoires»). En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de ces décisions, la mise sur le marché des lots de médicaments contenant le principe actif Clopidogrel, fabriqué sur ce site, a été suspendue. Conformément au paragraphe 2 de cet article, les lots se trouvant déjà sur le marché de l’Union européenne devaient être retirés du réseau de distribution, jusqu’au niveau des pharmacies.

17      Par une lettre du 10 juin 2010, Acino Pharma a transmis à la Commission la synthèse finale des résultats des tests visés dans le rapport détaillé sur l’évaluation des risques et la validation des méthodes de test employées ainsi qu’un rapport, daté du 28 mai 2010, sur l’évaluation des risques de contamination du Clopidogrel fabriqué par l’usine située à Visakhapatnam par d’autres principes actifs fabriqués durant la même période. Selon ce rapport, il n’y avait aucun risque pour la santé des patients. Sur la base de ces documents, Acino Pharma a demandé un nouvel examen.

18      Le 29 juin 2010, la Commission a transmis la lettre d’Acino Pharma du 10 juin 2010 à l’Agence, en demandant à cette dernière de lui faire savoir si ces informations étaient susceptibles d’entraîner une modification de l’avis du comité. Le 23 juillet 2010, la Commission a reçu une lettre de l’Agence l’informant qu’elle maintenait les conclusions de l’avis initial du comité.

19      Le 16 septembre 2010, la Commission a adopté, conformément à l’article 20, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 726/2004, huit décisions énonçant deux mesures définitives (ci-après les «décisions définitives»). Premièrement, celles-ci disposent que, sur la base des conclusions scientifiques du comité, jointes en annexe aux décisions définitives, les autorisations de mise sur le marché des médicaments contenant le principe actif Clopidogrel sont modifiées en ce sens que le site de Visakhapatnam est supprimé de la liste des sites de production autorisés à fournir ce principe actif. Deuxièmement, elles prévoient que les lots de médicaments contenant du Clopidogrel fabriqué sur ce site ne doivent pas être mis sur le marché dans l’Union.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2010, Acino Pharma a introduit un recours tendant à l’annulation des huit décisions provisoires ainsi que des huit décisions définitives.

21      S’agissant de la demande de non-lieu à statuer partiel de la Commission, le Tribunal a constaté, dans l’arrêt attaqué, qu’Acino était devenue, en raison de la fusion-absorption d’Acino Pharma, partie requérante de plein droit dans la procédure, en se substituant à Acino Pharma. Il a pris acte du fait que cette dernière s’était désistée de son recours en ce qui concerne deux médicaments et il a également fait droit à la demande de la Commission de prononcer un non-lieu à statuer en ce qui concerne deux autres médicaments.

22      S’agissant de la recevabilité du recours en ce qu’il a été introduit contre les décisions provisoires, le Tribunal a estimé que, dans le cadre d’une bonne administration de la justice, il convenait de se prononcer au fond sur le recours, sans statuer sur la question de la recevabilité soulevée par la Commission.

23      Quant au fond, le Tribunal a examiné les cinq moyens soulevés par Acino.

24      Dans le cadre du premier moyen, tiré d’une violation des articles 116 et 117 de la directive 2001/83, le Tribunal a jugé, d’une part, aux points 63 à 66 de l’arrêt attaqué, que conformément au principe de précaution ainsi que en raison du large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission en la matière cette institution avait pu, à bon droit, modifier les autorisations de mise sur le marché des médicaments concernés en se fondant sur l’article 116 de la directive 2001/83 et, d’autre part, aux points 73 et 74 de cet arrêt, que le respect des règles de bonnes pratiques constituait l’une des obligations relatives à l’octroi de l’autorisation de fabrication visé et que le non-respect de ces règles pouvait justifier, conformément à l’article 117, paragraphe 1, sous e), de cette directive, l’interdiction de la délivrance du médicament ainsi que son retrait du marché.

25      En ce qui concerne le deuxième moyen, tiré d’une méconnaissance des exigences de preuve, le Tribunal a rappelé, au point 79 de l’arrêt attaqué, que, dans le système d’autorisation préalable des médicaments, la Commission pouvait, conformément au principe de précaution, se limiter à fournir des indices sérieux et concluants qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettaient raisonnablement de douter de la composition qualitative et quantitative déclarée des médicaments en cause et du respect de l’une des obligations relatives à l’octroi de l’autorisation de fabrication. Le Tribunal a estimé, aux points 80 et 81 de l’arrêt attaqué, que, en l’occurrence, la Commission avait suffisamment motivé la modification des autorisations relatives aux médicaments en cause en renvoyant aux conclusions scientifiques du comité, lesquelles constituaient des indices sérieux et concluants.

26      S’agissant du troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, le Tribunal, d’une part, a rappelé, au point 87 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait ordonné le retrait du marché des lots déjà fabriqués, après avoir présenté des indices sérieux et concluants. D’autre part, il a jugé, au point 88 de cet arrêt, que la Commission pouvait valablement considérer que l’unique modification des autorisations de mise sur le marché pour l’avenir ne constituait pas une mesure suffisamment appropriée.

27      Dans le cadre de l’appréciation du quatrième moyen, tiré d’une violation des formes substantielles de la procédure relative à l’avis du comité et d’une erreur d’appréciation de la Commission, le Tribunal a analysé, en premier lieu, l’argument tiré de l’illégalité de l’avis du comité. Après avoir examiné, aux points 95 et 96 de l’arrêt attaqué, le contenu de l’avis du comité, le Tribunal a conclu, au point 97 de cet arrêt, que cet avis contenait l’indication d’un lien compréhensible entre les constatations et les recommandations. En second lieu, en ce qui concerne l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation, le Tribunal a constaté que cette dernière avait exercé son propre pouvoir d’appréciation en adoptant les décisions litigieuses et que l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont elle était investie n’était entaché d’aucune erreur.

28      Le Tribunal a écarté le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, en jugeant, aux points 124 à 129 de l’arrêt attaqué, que les décisions litigieuses contenaient l’indication tant de leur base légale que des liens existant entre les infractions aux règles de bonnes pratiques et les mesures ordonnées.

29      Dans ces conditions, le Tribunal a rejeté le recours introduit par Acino dans son ensemble.

 Les conclusions des parties devant la Cour

30      Acino demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Acino aux dépens de l’instance.

 Sur le pourvoi

 Considérations liminaires

32      Tout en répondant à chacun des cinq moyens invoqués par Acino au soutien de son pourvoi, la Commission soulève, à titre liminaire, l’irrecevabilité du pourvoi, dans la mesure notamment où les deuxième, troisième et quatrième moyens de celui-ci se fondent sur les mêmes arguments que ceux avancés dans la requête initiale et qu’ils n’indiquent pas clairement en quoi l’arrêt attaqué serait entaché d’une erreur de droit. Par ailleurs, même si les premier et cinquième moyens du pourvoi se réfèrent à de prétendues erreurs commises par le Tribunal, la Commission estime que ces arguments sont également irrecevables, étant donné qu’ils reposent, dans une large mesure, sur des éléments de fait relevant de l’appréciation souveraine du Tribunal.

33      Il convient de rappeler que, conformément aux articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de la procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, Rec. p. I‑1981, point 47).

34      Dès lors, le Tribunal est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, ainsi que pour apprécier les éléments de preuve retenus. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments ne constituent donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir en ce sens, notamment, arrêts du 2 octobre 2001, BEI/Hautem, C‑449/99 P, Rec. p. I‑6733, point 44, ainsi que du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, points 69 et 70).

35      En outre, il découle des articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour ainsi que des articles 168, paragraphe 1, sous d), et 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 34; du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125, point 15, ainsi que du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, Rec. p. I‑7795, point 49).

36      Ainsi, ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction (voir, notamment, arrêt Interporc/Commission, précité, point 16). En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, arrêt Reynolds Tobacco e.a./Commission, précité, point 50).

37      Cependant, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, Rec. p. I‑5843, point 43). En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêt Interporc/Commission, précité, point 17).

38      Or, en l’occurrence, le pourvoi vise, en substance, à remettre en cause l’appréciation par le Tribunal des conditions d’application des articles 116 et 117 de la directive 2001/83 au regard du principe de précaution, tel que dégagé par la jurisprudence de la Cour. En outre, dans la mesure où ledit pourvoi indique quels sont les points de l’arrêt attaqué qu’il entend critiquer ainsi que les arguments sur lesquels il s’appuie, il ne saurait être déclaré irrecevable dans son intégralité.

39      C’est au regard des critères susmentionnés qu’il convient d’examiner la recevabilité des arguments spécifiques invoqués par Acino à l’appui des cinq moyens soulevés dans le cadre du présent pourvoi.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

40      Le premier moyen du pourvoi est tiré d’une erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal dans l’interprétation de l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 726/2004, lu en combinaison avec les articles 116 et 117 de la directive 2001/83.

41      Par la première branche de ce premier moyen, Acino fait valoir que les conditions d’application de l’article 116, paragraphe 1, de la directive 2001/83 permettant de procéder à une modification de l’autorisation de mise sur le marché n’étaient pas remplies en l’espèce.

42      Tout d’abord, elle reproche au Tribunal d’avoir méconnu le sens littéral de l’article 116, paragraphe 1, de la directive 2001/83. La notion «composition qualitative et quantitative», au sens de cette directive, devrait être comprise de manière à désigner exclusivement la nature physique du médicament, de sorte qu’une infraction aux règles de bonnes pratiques ne saurait automatiquement conduire à une modification de la composition qualitative et quantitative du médicament en cause. En outre, l’emploi du verbe «considérer» impliquerait que l’autorité doit être convaincue que la composition du médicament a changé, ce qui ne saurait être le cas de la Commission lorsqu’elle invoque le manque de confiance en raison des infractions constatées aux règles de bonnes pratiques.

43      Ensuite, Acino fait grief au Tribunal d’avoir méconnu le principe de précaution dans le cadre de l’appréciation des conditions posées à l’article 116, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

44      À cet égard, elle soutient, premièrement, que, contrairement aux preuves qu’elle a fournies, l’argumentation de la Commission s’appuie non pas sur des indices scientifiques, mais uniquement sur le fait que les infractions aux règles de bonnes pratiques ont entraîné un manque de confiance.

45      Deuxièmement, Acino estime que la motivation de la Commission, tirée du manque de confiance est incompatible avec les exigences résultant de la jurisprudence de la Cour, en vertu de laquelle une mesure ne peut être fondée uniquement sur la considération selon laquelle il est impossible de connaître ou d’exclure tous les risques susceptibles de survenir en l’absence de l’interdiction en cause. Selon Acino, l’application correcte du principe de précaution présupposerait que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste. Or, en l’espèce, Acino aurait rapporté la preuve de l’innocuité des médicaments en cause, mais les preuves fournies n’auraient pas été prises en compte par le Tribunal.

46      Troisièmement, Acino souligne que, même en respectant les règles de bonnes pratiques, le «risque zéro» ne peut jamais être atteint dans le domaine de la fabrication de médicaments. Les règles de bonnes pratiques ne sauraient donc constituer une règle absolue de garantie de qualité. À titre d’exemple, Acino invoque le cas de la contamination du vaccin pour enfants Rotarix par l’ADN d’un virus porcin. Elle ajoute que c’est à tort que le Tribunal a jugé, au point 117 de l’arrêt attaqué, que cet argument constituait un moyen nouveau, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, et qu’il était donc tardif.

47      Quatrièmement, Acino considère que la référence faite, au point 63 de l’arrêt attaqué, au point 184 de l’arrêt du Tribunal du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission (T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, Rec. p. II‑4945), n’est pas pertinente dans la mesure où ce point ne fait que circonscrire d’une manière générale la portée du principe de précaution dans le domaine de la santé, sans aborder concrètement la situation particulière qui prévaut après l’octroi de l’autorisation d’un médicament. En revanche, les points 191 et 192 de l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, énonçant les conditions dans lesquelles le caractère positif d’un bilan bénéfices/risques d’un médicament déjà autorisé peut être écarté dans le cadre du renouvellement d’une autorisation, devraient s’appliquer en l’espèce.

48      Enfin, Acino fait observer que, en appliquant de manière erronée le principe de précaution, le Tribunal a méconnu le fait que les décisions litigieuses excèdent manifestement les limites du pouvoir d’appréciation de la Commission.

49      Par la seconde branche de son premier moyen, Acino fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré, au point 73 de l’arrêt attaqué, que les conditions posées à l’article 117, paragraphe 1, sous e), de la directive 2001/83 pour le rappel des produits ainsi que pour l’interdiction de mise sur le marché étaient remplies, au motif qu’une condition prévue pour l’autorisation de fabrication n’avait pas été respectée. Contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal au point 75 de l’arrêt attaqué, l’invocation réitérée de la perte de confiance causée par les violations des règles de bonnes pratiques ne satisferait manifestement pas l’exigence prévue à l’article 117, paragraphe 1, de la directive 2001/83, laquelle requerrait un indice sérieux et suffisant de l’existence d’un danger pour la santé publique.

50      S’agissant de la première branche du premier moyen soulevé par Acino à l’appui de son pourvoi, la Commission rétorque que le Tribunal n’a nullement conclu que le non-respect du procédé de fabrication, en raison de violations des règles de bonnes pratiques, entraîne automatiquement une atteinte à la composition qualitative et quantitative des médicaments. Dans la mesure où Acino admettrait elle-même qu’une infraction aux règles de bonnes pratiques puisse constituer un indice de l’existence d’un défaut de qualité, il conviendrait d’en déduire que plus l’infraction aux règles de bonnes pratiques est grave, plus le risque d’impureté, de contamination ou de contamination croisée du médicament fabriqué est élevé et plus le risque de non-conformité à la composition quantitative et qualitative déclarée est probable. En outre, la Commission considère que le Tribunal a fait une interprétation correcte du principe de précaution.

51      En ce qui concerne la seconde branche du premier moyen, la Commission rappelle que le Tribunal a retenu l’existence d’un risque de danger pour la santé. La Commission ajoute, en se fondant sur l’esprit de la directive 2001/83, que, en cas de non-respect des obligations imposées par l’autorisation de fabrication, les autorités compétentes sont en droit de retirer du marché les médicaments en cause. En effet, conformément à l’article 117, paragraphe 1, de la directive 2001/83, il suffirait, à cet égard, que l’un des risques potentiels énoncés par le législateur résulte du comportement du titulaire de l’autorisation.

 Appréciation de la Cour

52      S’agissant de la première branche du premier moyen, relative à la modification des autorisations de mise sur le marché conformément à l’article 116 de la directive 2001/83, il convient de rappeler, tout d’abord, que le Tribunal a jugé, au point 57 de l’arrêt attaqué, que le procédé de fabrication doit être déclaré dans le cadre de la procédure d’octroi des autorisations de mise sur le marché et que ce procédé doit respecter les bonnes pratiques.

53      Le Tribunal a également constaté, au point 58 de cet arrêt, qu’il n’était pas contesté que, en raison de l’infraction critique et des huit autres infractions graves aux bonnes pratiques constatées par le gouvernement de Haute-Bavière dans son rapport de contrôle, le procédé de fabrication sur le site se trouvant en Inde n’avait pas respecté les bonnes pratiques.

54      S’agissant de la question de savoir si la Commission pouvait considérer que les médicaments en cause n’avaient pas la composition qualitative et quantitative déclarée, en raison de la violation du procédé de fabrication, le Tribunal a rappelé, aux points 60 et 61 dudit arrêt, que le procédé de fabrication était, tant dans le cadre de la procédure d’octroi d’une autorisation de mise sur le marché que dans celui de la procédure de modification d’une autorisation de mise sur le marché, un élément qui devait être pris en compte afin d’examiner si la qualité, la sécurité ou l’efficacité d’un médicament étaient assurées de façon adéquate ou suffisante.

55      Dans ce contexte, après avoir souligné que si l’examen du procédé de fabrication n’était pas suffisant pour apprécier la composition qualitative et quantitative d’un médicament, il n’en demeurait pas moins que le procédé de fabrication constituait un élément susceptible de modifier la composition qualitative d’un médicament, le Tribunal a jugé, à bon droit, que le non-respect de ce procédé pouvait entraîner la modification de la composition qualitative et que la Commission pouvait donc, afin d’examiner si les médicaments en cause avaient la composition qualitative déclarée, valablement prendre en compte le procédé de fabrication déclaré par Acino. Le Tribunal a rappelé, au point 65 de l’arrêt, que, en l’espèce, il avait été constaté non pas une simple infraction aux bonnes pratiques, mais une infraction critique ainsi que huit autres infractions graves.

56      Par conséquent, l’argument d’Acino fondé sur l’interprétation littérale de la notion «composition qualitative et quantitative», au sens de l’article 116, paragraphe 1, de la directive 2001/83, doit être écarté comme étant non fondé.

57      Ensuite, en ce qui concerne le reproche tenant à la méconnaissance, par le Tribunal, du principe de précaution, il importe de rappeler que conformément à ce principe, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir arrêt du 9 septembre 2003, Monsanto Agricoltura Italia e.a., C‑236/01, Rec. p. I‑8105, point 111, ainsi que, en ce sens, arrêts du 26 mai 2005, Codacons et Federconsumatori, C‑132/03, Rec. p. I‑4167, point 61, et du 12 janvier 2006, Agrarproduktion Staebelow, C‑504/04, Rec. p. I‑679, point 39).

58      Si la Cour a certes déjà jugé, notamment dans son arrêt du 23 septembre 2003, Commission/Danemark (C‑192/01, Rec. p. I‑9693, point 49), invoqué par Acino, que l’évaluation du risque ne peut se fonder sur des considérations purement hypothétiques, elle a toutefois également ajouté que lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué, en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives (arrêts Commission/Danemark, précité, point 52, et du 28 janvier 2010, Commission/France, C‑333/08, Rec. p. I‑757, point 93).

59      C’est donc conformément au principe de précaution, tel qu’interprété par la Cour, que le Tribunal a jugé, au point 63 de l’arrêt attaqué, que s’il est vrai que tous les motifs mentionnés à l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83 ont pour but de prévenir certains risques pour la santé, il n’en demeure pas moins que ces risques doivent revêtir non pas un caractère concret, mais seulement un caractère potentiel.

60      C’est également à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 66 de cet arrêt, que, sous réserve des exigences de preuve et des limites du pouvoir d’appréciation revenant à la Commission, lesquelles ont fait l’objet d’une analyse dans le cadre des autres moyens soulevés par Acino, cette institution pouvait se limiter à fournir des indices sérieux et concluants qui permettaient raisonnablement de douter de la composition qualitative et quantitative déclarée des médicaments en cause.

61      Par conséquent, l’argument d’Acino consistant à reprocher au Tribunal d’avoir méconnu le principe de précaution dans le cadre de l’appréciation des conditions prévues à l’article 116, paragraphe 1, de la directive 2001/83 doit être écarté comme non fondé. Dans ce même contexte, il convient également de rejeter l’argument d’Acino fondé sur l’interprétation littérale du verbe «considérer», tel qu’employé à l’article 116, paragraphe 1, de la directive 2001/83, dès lors que les considérations énoncées par la Commission, reposant sur des indices sérieux et concluants, permettent raisonnablement de douter de la composition qualitative et quantitative déclarée des médicaments en cause.

62      En outre, dans la mesure où il ressort de la formulation des premier et deuxième arguments qu’Acino reproche, en substance, à la Commission d’avoir fondé les mesures ordonnées sur le manque de confiance et de ne pas avoir tenu compte des preuves scientifiques versées par elle, il y a lieu de constater que lesdits arguments tendent, en réalité, à obtenir un réexamen du recours d’Acino par la Cour et doivent, conformément à la jurisprudence citée au point 36 du présent arrêt, être rejetés comme irrecevables.

63      S’agissant du cas de la contamination du vaccin pour enfants Rotarix, il convient de relever qu’Acino méconnaît le fait que le Tribunal a, au point 118 de l’arrêt attaqué, nonobstant la circonstance qu’il a jugé cet argument irrecevable pour avoir été avancé pour la première fois dans le cadre de la réplique, également examiné le bien-fondé dudit argument en le jugeant non fondé. Ainsi, en se bornant à reprocher au Tribunal d’avoir qualifié l’exemple tiré de ladite contamination de moyen nouveau, sans prendre position par rapport à la motivation qui a conduit à écarter celui-ci au fond, Acino a présenté un argument qui doit être, conformément à la jurisprudence citée au point 35 du présent arrêt, rejeté comme irrecevable.

64      Par son argument soulevé en quatrième lieu, Acino fait valoir que la référence faite au point 184 de l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, par le Tribunal, au point 63 de l’arrêt attaqué, n’est pas pertinente et qu’il aurait dû se référer aux points 191 et 192 de cet arrêt. Or, il suffit de constater que le Tribunal, en appréciant, au point 66 de l’arrêt attaqué, la charge de la preuve incombant à la Commission en cas de retrait d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament, s’est référé expressément au point 192 dudit arrêt Artegodan e.a./Commission. Dans la mesure où cet argument repose sur une lecture erronée des points 63 et 66 de l’arrêt attaqué, il doit être écarté comme non fondé.

65      Enfin, en tant qu’Acino fait valoir que le Tribunal a méconnu le fait que les décisions litigieuses excèdent manifestement les limites du pouvoir d’appréciation de la Commission, il suffit de constater que cet argument se confond avec celui invoqué dans le cadre du quatrième moyen du pourvoi, avec lequel il sera, par conséquent, examiné.

66      Au vu de ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être écartée.

67      S’agissant de la deuxième branche du premier moyen, relative aux mesures prises en vertu de l’article 117 de la directive 2001/83, il y a lieu de relever que, au point 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que le titulaire d’une autorisation de fabrication est tenu, conformément à l’article 46, sous f), de la directive 2001/83, de respecter les bonnes pratiques. En outre, ainsi qu’il ressort déjà du point 57 de cet arrêt, il est constant que le procédé de fabrication, qui fait l’objet d’une déclaration dans le cadre de la procédure d’octroi d’une autorisation de mise sur le marché, doit respecter les bonnes pratiques.

68      Ainsi, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pu déduire de ces considérations que l’octroi de l’autorisation de fabrication implique automatiquement l’obligation pour le titulaire de celle-ci de respecter les bonnes pratiques de fabrication des médicaments.

69      Dans la mesure où l’argument soulevé par Acino à l’encontre du point 73 de l’arrêt attaqué se limite à contester simplement la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu, sans avancer d’argument juridique susceptible de remettre en cause le raisonnement suivi par celui-ci, il doit être rejeté comme irrecevable, conformément à la jurisprudence citée au point 35 du présent arrêt.

70      S’agissant des différents cas dans lesquels la délivrance d’un médicament peut être interdite et le retrait du marché peut être ordonné, le Tribunal a précisé, au point 75 de l’arrêt attaqué, qu’il ressort clairement de l’article 117, paragraphe 1, de la directive 2001/83 que toutes les variantes visées par cette disposition s’appliquent indépendamment l’une de l’autre et que dans la variante en cause, à savoir celle figurant au point e) dudit article, l’exigence d’un danger pour la santé des patients n’est pas mentionnée.

71      Le Tribunal a ajouté qu’une interprétation de l’article 117, paragraphe 1, sous e), de la directive 2001/83 en ce sens qu’un tel danger doit être prouvé serait contraire au principe de précaution, qui impose aux autorités compétentes de prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique.

72      Étant donné que le Tribunal a constaté, au point 66 de l’arrêt attaqué, que le non-respect des bonnes pratiques est susceptible de constituer un tel risque potentiel d’atteinte à la composition qualitative et, dès lors, à la santé publique, c’est à bon droit qu’il a pu juger que les conditions de l’application de l’article 117, paragraphe 1, sous e), de la directive 2001/83 se trouvaient remplies en l’espèce.

73      Contrairement à ce qui est avancé par Acino, l’article 117, paragraphe 1, sous e), de la directive 2001/83 ne requiert donc pas un indice sérieux et suffisant de l’existence d’un danger pour la santé publique, lequel équivaudrait, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 75 de l’arrêt attaqué, à l’exigence d’un risque concret, non requis en vertu du principe de précaution.

74      En outre, s’agissant de l’argument consistant à soutenir que le Tribunal a statué en l’absence de tout indice scientifique prouvant un risque potentiel pour la santé, il y a lieu de renvoyer à l’analyse du deuxième moyen du pourvoi, relatif aux exigences de preuve.

75      Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du premier moyen doit également être écartée, de sorte que le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

76      Le deuxième moyen est tiré d’une appréciation erronée par le Tribunal des faits constatés, le niveau de preuve appliqué par celui-ci étant contraire à la jurisprudence de la Cour relative au principe de précaution.

77      Selon Acino, le fait pour la Commission de rapporter uniquement la preuve que tous les risques potentiels découlant des infractions aux règles de bonnes pratiques ne peuvent pas être exclus ne justifierait pas l’adoption des mesures prévues aux articles 116 et 117 de la directive 2001/83. En effet, conformément au principe de précaution ainsi qu’à ceux dégagés par le Tribunal dans l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, la Commission aurait dû présenter, certes non pas la preuve d’un danger concret pour la santé, mais à tout le moins des indices sérieux et concluants permettant raisonnablement de douter de la composition qualitative ou quantitative déclarée des médicaments en cause.

78      Acino fait également valoir que l’invocation de violations des règles de bonnes pratiques, réitérée par le Tribunal, n’est pas suffisante. En rappelant les éléments de preuve fournis en première instance, Acino affirme avoir réfuté tout doute raisonnable quant à la qualité des médicaments produits. Dès lors, la charge de la preuve permettant de justifier les mesures ordonnées incomberait à la Commission, dont les décisions manqueraient toutefois de la motivation nécessaire, eu égard, notamment, à l’existence de l’avis de l’inspecteur du gouvernement de Haute-Bavière qui s’était rendu sur place et s’était expressément prononcé contre un rappel des médicaments en cause. Tout en admettant que, ainsi que le Tribunal l’a jugé au point 120 de l’arrêt attaqué, la Commission n’est pas liée par l’avis de cet inspecteur, Acino estime que l’appréciation indépendante de ce dernier augmente le niveau des preuves que la Commission est tenue de fournir en ce qui concerne les indices sérieux et concluants de l’existence d’une mise en danger de la santé.

79      La Commission fait valoir que le deuxième moyen ne contient aucune indication précise quant à l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal. Il aboutirait, en substance, à remettre en cause l’appréciation des faits et des moyens de preuve effectuée par le Tribunal.

 Appréciation de la Cour

80      S’agissant des exigences de preuve qui incombent à la Commission pour démontrer que les conditions visées aux articles 116 et 117 de la directive 2001/83 sont remplies, il convient, d’emblée, de constater que, dans la mesure où Acino se limite à critiquer les mesures ordonnées par la Commission, sans expliquer en quoi l’analyse effectuée à cet égard par le Tribunal serait entachée d’un vice, ces arguments doivent, en tout état de cause, pour les motifs déjà évoqués au point 33 du présent arrêt, être rejetés comme irrecevables.

81      En ce qui concerne les arguments dirigés contre l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, au point 79 de cet arrêt, que, dans le système d’autorisation préalable des médicaments, ce n’est pas le titulaire d’une autorisation d’un médicament qui est tenu, d’apporter la preuve de l’efficacité et/ou de l’innocuité de ce médicament, mais qu’il incombe à l’autorité compétente, en l’occurrence la Commission, d’établir que l’une des conditions telles qu’énoncées aux articles 116 et 117 de la directive 2001/83 est remplie. Dans ce contexte, le Tribunal a précisé que la Commission peut toutefois se limiter à fournir des indices sérieux et concluants, qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter de la composition qualitative et quantitative déclarée des médicaments en cause et du respect de l’une des obligations relatives à l’octroi de l’autorisation de fabrication.

82      Au point 80 dudit arrêt, le Tribunal a analysé la motivation des décisions litigieuses qui justifiait les mesures ordonnées, en renvoyant aux conclusions scientifiques du comité. Ces conclusions recommandaient les mesures ordonnées, en raison des défaillances relatives au non-respect des bonnes pratiques constatées par le gouvernement de Haute-Bavière lors du contrôle effectué au cours du mois de février 2010. Selon ces mêmes conclusions, les données transmises ultérieurement par Acino n’étaient pas de nature à neutraliser les défaillances constatées.

83      Au point 81 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a abouti à la conclusion que ces défaillances, étayées par des données scientifiques objectives et nouvelles, constituaient, sur la base des conclusions scientifiques du comité, des indices sérieux et concluants permettant à la Commission de douter raisonnablement de la composition qualitative et quantitative déclarée des médicaments en cause et du respect de l’une des obligations relatives à l’octroi de l’autorisation de fabrication.

84      Il résulte de ce qui précède que, d’une part, Acino ne saurait reprocher au Tribunal de ne pas avoir jugé que la charge de la preuve incombait à la Commission et que cette dernière était tenue de présenter des indices sérieux et concluants permettant raisonnablement de douter de la composition qualitative et quantitative déclarée des médicaments en cause, ces arguments résultant d’une lecture erronée des points 79 à 81 dudit arrêt.

85      D’autre part, dans la mesure où, par ce deuxième moyen, Acino fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve qu’elle a fournis pour déclarer insuffisants les indices retenus par la Commission, elle conteste, en réalité, l’appréciation de ces éléments de preuve effectuée par le Tribunal aux points 80 et 81 de l’arrêt attaqué.

86      Conformément à la jurisprudence citée au point 34 du présent arrêt, l’appréciation des éléments de preuve retenus par le Tribunal ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des faits ou des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise comme telle au contrôle de la Cour.

87      Or, Acino n’ayant pas même allégué en l’espèce l’existence d’une telle dénaturation, ses arguments se rapportant aux éléments de preuve retenus par le Tribunal doivent être écartés comme irrecevables.

88      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit également être rejeté.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

89      Le troisième moyen est tiré d’une application incorrecte par le Tribunal du principe de proportionnalité.

90      Acino soutient que, eu égard aux preuves produites en ce qui concerne la qualité et l’innocuité des médicaments en cause, les mesures ordonnées par la Commission n’étaient manifestement pas nécessaires et étaient disproportionnées, en raison du grave préjudice économique qu’elles lui ont causé. Selon Acino, il aurait fallu, à tout le moins au moment de l’adoption des décisions définitives, abroger, en vertu du principe de proportionnalité, le rappel rétroactif des médicaments en cause.

91      Acino ajoute que le maintien de la suspension de l’autorisation ainsi que l’interdiction de mise sur le marché desdits médicaments n’ont servi qu’accessoirement la protection de la santé. Par conséquent, ces mesures auraient le caractère d’une sanction et seraient illicites, d’autant plus qu’elles ont atteint directement le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché et non pas le producteur, auteur des infractions reprochées.

92      Selon la Commission, le troisième moyen doit également être déclaré irrecevable étant donné qu’il se limite à reproduire les arguments déjà présentés en première instance, auxquels le Tribunal a répondu de manière exhaustive. En outre, l’examen du caractère adéquat et nécessaire des mesures ordonnées aurait été correctement effectué par le Tribunal.

 Appréciation de la Cour

93      S’agissant de la violation du principe de proportionnalité alléguée, le Tribunal a constaté, au point 88 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait valablement considérer que l’unique modification des autorisations de mise sur le marché pour l’avenir, telle qu’envisagée par Acino en tant que mesure moins contraignante, ne constituait pas une mesure suffisamment appropriée au vu de l’objectif de protection de la santé humaine. En effet, selon le Tribunal, une modification des autorisations de mise sur le marché conformément à l’article 116 de la directive 2001/83 ne visait pas le risque découlant de la présence effective des médicaments concernés sur le marché, lequel n’a pu être surmonté que par un retrait effectif du marché des médicaments en cause conformément à l’article 117 de la directive 2001/83. Le Tribunal a précisé que ces considérations valaient d’autant plus eu égard à l’exigence du respect du principe de précaution appliqué dans le domaine sensible de la protection de la santé humaine.

94      Le Tribunal en a déduit, au point 89 dudit arrêt, que le principe de proportionnalité a été respecté, les mesures ordonnées par la Commission ayant été, par ailleurs, limitées au seul site de fabrication se trouvant en Inde.

95      En ce que le troisième moyen se limite, en substance, à préconiser, comme mesure moins contraignante, l’unique modification des autorisations de mise sur le marché pour l’avenir, il suffit de constater qu’Acino ne fait que réitérer les arguments qu’elle a déjà développés en première instance, sans toutefois prendre position spécifiquement sur la motivation retenue par le Tribunal, aux points 87 à 89 du même arrêt, pour écarter ceux-ci et sans développer une argumentation juridique permettant de conclure à une violation, par le Tribunal, du principe de proportionnalité.

96      Par conséquent, le troisième moyen doit, pour les raisons exposées aux points 35 et 36 du présent arrêt, être écarté comme irrecevable.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

97      Le quatrième moyen est tiré d’un exercice incorrect par le Tribunal de son contrôle juridictionnel, en ce que celui-ci a jugé, à tort, que les décisions litigieuses n’excèdent pas le pouvoir d’appréciation qui appartient à la Commission.

98      En premier lieu, Acino invoque l’illégalité de l’avis du comité, dans la mesure où cet avis n’a pas pris en considération les preuves présentées par elle, qui auraient permis de conclure à l’absence d’incertitude scientifique quant au risque de contamination. Ce serait à tort que les mesures ordonnées par les décisions litigieuses seraient fondées sur le seul fait que les violations des règles de bonnes pratiques ont rendu impossible l’exclusion de tout risque, alors qu’aucun processus de fabrication de médicaments ne permettrait d’aboutir à une certitude absolue de qualité. L’avis du comité étant, selon Acino, illicite, celle‑ci en déduit que les décisions de la Commission le sont également.

99      En second lieu, Acino considère que le Tribunal a écarté à tort l’existence d’un abus de pouvoir manifeste de la Commission. En effet, conformément au principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le juge de l’Union serait tenu de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité ainsi que leur cohérence pour contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes susceptibles d’être prises en considération pour apprécier une situation complexe. Or, l’arrêt attaqué ne satisferait pas à ces exigences.

100    D’une part, il résulterait des règles de procédure de l’Agence que la simple violation des règles de bonnes pratiques ne crée pas un risque pour la santé. Partant, une assimilation des violations des règles de bonnes pratiques à des défauts de qualité constituerait une erreur d’appréciation manifeste. Acino souligne que pour l’unique infraction critique, à savoir la réécriture des protocoles de fabrication des lots, il ressort de l’avis de l’inspecteur ayant procédé à une visite des lieux qu’aucune donnée relative à la qualité n’a été modifiée. Ce serait à tort que le Tribunal a écarté cet élément en jugeant, au point 120 de l’arrêt attaqué, que la compétence pour décider de l’adoption des mesures au titre de l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 726/2004 revient, en tout état de cause, à la Commission. Ces considérations purement formelles seraient critiquables dans la mesure où elles n’expliqueraient pas les raisons pour lesquelles la Commission s’est écartée de la recommandation dudit inspecteur. Acino estime également que le Tribunal a violé le principe de proportionnalité en se fondant, au point 119 de l’arrêt attaqué, sur les règles de procédure de l’Agence, desquelles il ressortirait qu’une violation majeure des règles de bonnes pratiques peut aboutir à la modification de l’autorisation de mise sur le marché ou à l’interdiction de délivrance du médicament fabriqué.

101    D’autre part, l’erreur manifeste entachant la décision de la Commission se trouverait confirmée de manière indépendante par des décisions du Verwaltungsgericht Köln (Allemagne), lesquelles auraient abouti à la conclusion que la suspension des autorisations pour défaut de qualité pharmaceutique était illégale en raison de l’absence de tout risque de danger pour les patients. Étant donné que les législations relatives aux médicaments sont, selon Acino, complètement harmonisées, la solution de droit matériel qui ressort de ces décisions serait transposable à la présente affaire.

102    La Commission considère que le Tribunal a amplement examiné tant l’avis du comité que l’ensemble des pièces produites par Acino. Or, le fait que le comité, l’Agence, la Commission ainsi que le Tribunal soient parvenus, dans l’appréciation des preuves, à une conclusion différente de celle préconisée par Acino ne constituerait pas, en elle-même, une erreur de droit susceptible d’être reprochée à l’ensemble de ceux-ci.

 Appréciation de la Cour

103    S’agissant de la première branche du quatrième moyen, tirée de l’illégalité de l’avis du comité, il importe de constater que le Tribunal, après avoir rappelé, au point 93 de l’arrêt attaqué, que son contrôle juridictionnel s’exerce tant sur la régularité du fonctionnement du comité que sur la cohérence interne et la motivation de l’avis de ce dernier, a analysé, d’une part, au point 95 de cet arrêt, les considérations du comité ayant abouti à recommander la suppression du site de fabrication se trouvant en Inde de la liste des sites autorisés et, d’autre part, au point 96 dudit arrêt, la motivation de la partie de cet avis préconisant une modification de l’autorisation de mise sur le marché ainsi que le retrait du marché des médicaments en cause.

104    Il en a déduit, au point 97 du même arrêt, que l’avis du comité, en ajoutant que les mesures de correction proposées par Acino lors de l’audience du 17 mars 2010 ne pouvaient, a posteriori, garantir la qualité des médicaments, faisait état d’un lien compréhensible entre les mesures recommandées et les constatations scientifiques ainsi que les données transmises par Acino lors de cette audience.

105    Aux points 99 à 106 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également pris position sur les éléments produits par Acino après la tenue de cette audience, à savoir le rapport détaillé sur l’évaluation des risques ainsi que la synthèse finale des résultats des tests effectués.

106    Dans la mesure où, par la première branche du présent moyen, Acino se limite à réitérer son argumentation tirée de l’illégalité de l’avis du comité, en tant que ce dernier n’a pas pris en considération les preuves fournies par elle, sans toutefois prendre position sur les points 93 à 106 de cet arrêt et sans préciser en quoi aurait consisté l’erreur de droit commise par le Tribunal dans le cadre de son analyse de la légalité de cet avis, cette branche doit être écartée comme irrecevable, pour les motifs évoqués aux points 35 et 36 du présent arrêt.

107    S’agissant de la deuxième branche du quatrième moyen, il convient de relever que le Tribunal a rappelé, au point 114 dudit arrêt, que dans la mesure où il est établi que les obligations liées au procédé de fabrication ont une importance essentielle pour garantir la qualité des médicaments, la Commission pouvait, à bon droit, conclure que les médicaments en cause n’avaient pas la composition qualitative et quantitative déclarée et qu’une obligation à laquelle est soumis l’octroi des autorisations de fabrication des médicaments n’avait pas été respectée. Il en a déduit que les décisions litigieuses ne sont entachées d’aucune erreur manifeste d’appréciation et que la Commission n’a pas non plus manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

108    En ce qui concerne l’argument tiré de ce que le Tribunal a violé le principe de protection juridictionnelle effective, il y a lieu de rappeler que ce principe est un principe général du droit de l’Union, aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Or, il convient de constater qu’Acino n’a invoqué aucun élément permettant de considérer que ledit principe aurait été violé par le Tribunal, de sorte que cet argument doit être écarté comme étant trop général et imprécis pour pouvoir faire l’objet d’une appréciation juridique par la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 12 juillet 2012, Mugraby/Conseil et Commission, C‑581/11 P, points 72 et 81 ainsi que jurisprudence citée).

109    S’agissant de l’argument tiré des règles de procédure de l’Agence, le Tribunal a pris position à cet égard, au point 119 de l’arrêt attaqué, en relevant que le point 6.5.2 du document de l’Agence relatif à la procédure à suivre pour traiter les cas de violation grave des bonnes pratiques précise que, en cas de violation grave des bonnes pratiques dans un site de production situé dans un pays tiers, il peut être nécessaire de modifier l’autorisation de mise sur le marché de façon à rayer ce site de l’autorisation. De même, le point 6.8.1 de ce document énonce que, en cas de violation grave des bonnes pratiques, il est également possible de prononcer une interdiction de délivrance du médicament fabriqué.

110    Par conséquent, au vu des précisions que le Tribunal a apportées au point 119 de l’arrêt attaqué en ce qui concerne les règles de procédure de l’Agence, l’allégation d’Acino à cet égard doit être rejetée comme étant non fondée.

111    S’agissant de l’argument dirigé contre le point 120 de cet arrêt, il y a lieu de relever, d’une part, qu’Acino ne conteste pas la conclusion du Tribunal selon laquelle le pouvoir de décision en vertu de l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 726/2004 revient à la Commission, et non pas à l’inspecteur délégué par l’autorité nationale de surveillance des médicaments compétente.

112    D’autre part, le reproche selon lequel ces considérations seraient purement formelles et n’exposeraient pas les motifs sur lesquels la Commission s’est fondée pour écarter l’avis de cet inspecteur doit également être écarté comme étant non fondé, dans la mesure où les motifs retenus par la Commission ressortent à suffisance de droit des considérations énoncées par le Tribunal aux points 93 à 106 dudit arrêt.

113    S’agissant de l’argument tiré de la décision rendue par le Verwaltungsgericht Köln, il importe de rappeler que, au point 121 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que cette décision ne le liait pas, et que, au-delà de ce fait, l’objet de l’affaire ayant donné lieu à celle-ci était constitué non pas, comme dans la présente affaire, d’autorisations centralisées octroyées conformément au règlement no 726/2004, mais d’autorisations nationales octroyées par une autorité allemande.

114    Dès lors, à supposer même que le Tribunal n’ait pas correctement apprécié les règles relatives à la procédure administrative allemande, cette éventualité ne serait en aucun cas de nature à remettre en cause sa constatation selon laquelle il n’était pas lié par une décision d’une juridiction nationale.

115    Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être écarté.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

116    Par son cinquième moyen, Acino fait grief au Tribunal de ne pas avoir dûment tenu compte de l’insuffisance de motivation des décisions litigieuses.

117    Selon Acino, les preuves rapportées par la Commission en ce qui concerne les risques potentiels pour la santé ainsi que les doutes émis par cette institution sur la qualité des médicaments en cause en raison des violations des règles de bonnes pratiques ne sauraient satisfaire aux exigences posées à l’article 81 du règlement no 726/2004, en vertu duquel toute décision modifiant ou retirant une autorisation de mise sur le marché doit indiquer de façon précise les motifs sur lesquels elle se fonde et ne saurait donc se contenter d’évoquer des risques de nature hypothétique.

118    En outre, Acino souligne que la motivation des décisions litigieuses ne permet pas d’expliquer les raisons pour lesquelles les preuves produites par elle n’ont pu influer sur l’appréciation de la Commission.

119    La Commission fait valoir que l’argument tiré de l’expression «de façon précise», figurant à l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 726/2004, ne saurait être retenu. En effet, dans la mesure où l’article 296 TFUE requiert déjà une motivation précise, cette obligation de motivation ne se trouverait pas renforcée par cet article 81, paragraphe 1. Ce serait donc à bon droit que le Tribunal a examiné la motivation des décisions litigieuses au regard de l’article 296 TFUE et a considéré ces dernières comme suffisamment motivées.

 Appréciation de la Cour

120    S’agissant du cinquième et dernier moyen, il convient de relever que le Tribunal a rappelé, au point 124 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence constante en vertu de laquelle la motivation exigée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués ainsi que de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences posées à l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, Rec. p. I‑4777, point 88 ainsi que jurisprudence citée).

121    Au point 125 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 726/2004, aux termes duquel toute décision octroyant, refusant, modifiant, suspendant ou retirant une autorisation de mise sur le marché doit indiquer de façon précise les motifs sur lesquels elle se fonde, ne fait que rappeler explicitement l’obligation générale de motivation visée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

122    Partant, c’est à bon droit que le Tribunal a analysé l’obligation de motivation incombant à la Commission au regard des exigences posées à l’article 296 TFUE.

123    Aux points 127 et 128 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il ressort des décisions litigieuses que la modification des autorisations de mise sur le marché ainsi que le retrait du marché des médicaments concernés et l’interdiction de leur mise sur le marché ont été ordonnées sur la base des conclusions scientifiques du comité. Les conclusions scientifiques, qui étaient annexées aux décisions litigieuses, recommandaient les mesures prises, en raison de l’absence de garantie de qualité des médicaments concernés du fait de défaillances importantes relatives au procédé de fabrication. S’agissant des contrôles des médicaments et de la composition de ceux-ci ainsi que du respect des obligations liées au procédé de fabrication, prévues par le règlement no 726/2004, la Commission a souligné leur importance essentielle pour garantir la qualité des médicaments mis sur le marché de l’Union et pour s’assurer que leur composition qualitative était telle que déclarée et pour protéger la santé publique.

124    Dans ces conditions, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que la motivation des décisions litigieuses était suffisante pour permettre à Acino de comprendre les raisons pour lesquelles ces décisions avaient été adoptées. En outre, la motivation de ces décisions, lesquelles étaient fondées sur les défaillances importantes relatives au procédé de fabrication, suscitées par une infraction critique et plusieurs infractions graves aux bonnes pratiques, permet en elle-même d’expliquer la raison pour laquelle les preuves produites par Acino n’ont pas influé sur l’appréciation de la Commission.

125    Il résulte de ce qui précède que le cinquième et dernier moyen invoqué par Acino doit être rejeté comme étant non fondé.

126    Aucun des moyens invoqués par Acino n’étant susceptible de prospérer, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

 Sur les dépens

127    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute personne qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Acino ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner cette société aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Acino AG est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.