Language of document : ECLI:EU:T:2002:247

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

15 octobre 2002 (1)

«Programme d'encouragement au développement et à la distribution des oeuvres audiovisuelles européennes (MEDIA II) - Soutien automatique à la distribution - Entreprise bénéficiaire»

Dans l'affaire T-233/00,

Scanbox Entertainment A/S, établie à Farum (Danemark), représentée par Me T. Steffensen, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. N. Rasmussen et H. Støvlbæk, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission, du 30 juin 2000, refusant de reconnaître l'éligibilité de la requérante au programme d'encouragement au développement et à la distribution des oeuvres audiovisuelles européennes (MEDIA II - Développement et distribution) (1996-2000),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 14 mars 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le Conseil a adopté, le 10 juillet 1995, la décision 95/563/CE, portant sur la mise en oeuvre d'un programme d'encouragement au développement et à la distribution des oeuvres audiovisuelles européennes (MEDIA II - Développement et distribution) (1996-2000) (JO L 321, p. 25).

2.
    L'article 2, paragraphe 2, de la décision 95/563 définit notamment les objectifs du programme MEDIA II dans le secteur de la diffusion et de la distribution comme suit:

«-     renforcer le secteur de la distribution européenne dans le domaine du cinéma et de la vidéo en favorisant la mise en réseau des distributeurs européens et en les encourageant à investir dans la production de films cinématographiques européens,

-    favoriser une diffusion transnationale plus large des films européens par des mesures incitatives en faveur de leur distribution et de leur programmation en salle, et encourager la mise en réseau des opérateurs [...]».

3.
    La Commission est responsable de la mise en oeuvre de ce programme dont les modalités sont prévues à l'annexe de la décision 95/563. Le point 1.2.1, sous b), de cette annexe prévoit la mise en oeuvre d'«un système de soutien aux distributeurs européens proportionnel aux entrées en salle réalisées par les films européens en dehors de leur territoire national».

4.
    En application des dispositions de ce point, la Commission a émis un appel à propositions 8/2000 intitulé «Soutien à la distribution transnationale des films européens et à la mise en réseau des distributeurs européens - ‘Système de soutien automatique’» (ci-après le «système de soutien automatique»). Ce document contient des «lignes directrices pour soumettre une proposition en vue d'obtenir une contribution financière» (ci-après les «lignes directrices»).

5.
    Le système de soutien automatique s'articule en deux phases distinctes. La première a pour objet de déterminer l'éligibilité des distributeurs aux subventions communautaires en cause, la seconde, l'octroi de celles-ci.

6.
    La première phase vise à déterminer pour chaque distributeur soumissionnaire le montant du «soutien potentiel» auquel il peut prétendre. Ce montant est calculé à partir des résultats du distributeur au cours de l'année 1999. Ce résultat est défini par le nombre d'entrées payantes pour des films européens récents, enregistrées hors du pays d'origine de ces films («films européens non nationaux»), dans la limite maximale de 700 000 entrées par film. Après avoir fait certifier ces données par l'autorité nationale compétente, la Commission détermine le montant du soutien potentiel en multipliant le nombre d'entrées ainsi certifiées par un montant fixe compris entre 0,40 et 0,70 euros, selon une formule figurant à la page 6 des lignes directrices, et en informe le distributeur.

7.
    La seconde phase concerne l'octroi du soutien à proprement parler. Le distributeur qui dispose d'un «soutien potentiel» au terme de la première phase doit demander à la Commission que ce montant lui soit versé sous la forme d'une subvention, appelée «réinvestissement». Cette subvention est accordée pour les projets suivants, à réaliser au cours de l'année 2000:

-    production de nouveaux films européens non nationaux;

-    couverture des minima garantis de distribution de films européens non nationaux récents;

-    couverture des frais de distribution de films européens non nationaux récents.

8.
    Chaque projet pour lequel le distributeur demande une subvention doit être autorisé par la Commission.

Faits, procédure et conclusions des parties

9.
    La requérante, Scanbox Entertainment A/S (anciennement Scanbox Danmark A/S), distribue des films au Danemark ainsi qu'en Suède et en Norvège par l'intermédiaire de filiales locales. Elle est titulaire des droits exclusifs de distribution des films «Elizabeth I», «Little Voice» et «The Ninth Gate» pour ces trois pays.

10.
    Svensk Filmindustri AB (ci-après «SF») est une société suédoise de distribution et de production de films qui appartient à un groupe de sociétés exploitant des salles de cinéma en Suède et en Norvège. SF a assuré la distribution des trois films précités dans son réseau de salles en Suède et la collecte de leurs recettes d'exploitation respectives, en vertu d'un contrat conclu avec la requérante.

11.
    Le 27 octobre 1999, SF et la requérante ont résilié leur contrat.

12.
    Dans le cadre de l'appel à propositions 8/2000, la filiale de la requérante, Scanbox Sweden AB, et SF ont chacune déposé une demande de soutien potentiel pour la distribution des films «Elizabeth I», «Little Voice» et «The Ninth Gate» en Suède.

13.
    Par lettre du 16 juin 2000, le conseil de la requérante et de ses filiales suédoise et norvégienne a exposé à la Commission les raisons pour lesquelles sa cliente - et non SF - devait être considérée comme le «distributeur» des films en cause sur le territoire suédois et, devait, à ce titre, voir sa demande de soutien potentiel acceptée.

14.
    Le 30 juin 2000, la Commission a indiqué à la requérante qu'elle rejetait sa demande et accueillait celle de SF. Les motifs pertinents de cette décision (ci-après la «décision attaquée») sont rédigés comme suit:

«Le régime de soutien automatique a été conçu comme un soutien pour les entités juridiques qui exercent des activités de distribution cinématographique dans un territoire donné. Ce régime utilise le nombre des entrées réalisées (tickets vendus) par chaque distributeur pour calculer le soutien potentiel disponible pour être réinvesti dans la distribution de nouveaux films. Ce soutien ne peut en aucun cas être considéré comme un revenu lié à un film ou à un donneur de licence spécifique, quel que soit le titulaire.

La performance des distributeurs européens (mesurée en termes de tickets vendus dans un territoire donné) n'est qu'un moyen de calculer le soutien communautaire potentiel. Peu importe donc que Svensk Filmindustri AB ait supporté entièrement ou seulement en partie les frais de distribution des films ayant généré un soutien potentiel. Les facteurs pertinents sont les suivants: Svensk Filmindustri a distribué directement le film en Suède, elle a négocié la date de sortie des films et a exercé les activités définies au point 2.3 des lignes directrices qui définit la distribution cinématographique.

L'interprétation de la Commission sur ce point spécifique est aussi celle des autorités suédoises (Filmägarnas Kontrollbyrå AB) chargées de vérifier les entrées (tickets vendus) pour le territoire suédois en 1999. Selon elles, ‘Scanbox Sweden AB n'a pas distribué les titres qui sont présentés. Ces titres sont distribués par Svensk Filmindustri’. Nous joignons à la présente, pour votre information, une copie de ce document.

À la lumière de ce qui précède, nous regrettons de vous informer que la Commission considère Svensk Filmindustri AB comme la société en droit de générer un soutien potentiel dans le cadre de l'appel à propositions 8/2000 (soutien automatique) pour les titres suivants: ‘Elizabeth’, ‘The Ninth Gate’, ‘Little Voice’.»

15.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 septembre 2000, la requérante a introduit le présent recours.

16.
    Le 13 novembre 2000, la Commission a notifié à la filiale suédoise de la requérante le rejet de sa demande de soutien potentiel.

17.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé des questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.

18.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 14 mars 2002.

19.
    La requérante, après avoir précisé le sens de ses écritures lors de l'audience, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

20.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

Observations liminaires

21.
    La requérante estime remplir chacun des quatre critères d'éligibilité au système de soutien automatique énoncés au point 2.4 des lignes directrices. Nonobstant l'intervention de SF en qualité de sous-traitant, elle serait le distributeur des trois films en cause pour la Suède. À ce titre, elle serait seule éligible au soutien automatique. En refusant de lui reconnaître cette qualité, la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et se serait fondée sur des faits matériellement inexacts.

22.
    La Commission récuse ces griefs. D'une part, elle estime que, en l'espèce, l'éligibilité au soutien automatique devait moins être appréciée par rapport aux critères énoncés au point 2.4 des lignes directrices que par rapport à ceux du point 3 et à la finalité du soutien automatique. D'autre part, la Commission considère que seule SF était éligible au titre dudit soutien.

23.
    S'agissant de l'interprétation des lignes directrices, le Tribunal rappelle que celles-ci précisent que l'appel à propositions 8/2000 «s'adresse aux sociétés européennes dont les activités contribuent aux objectifs [du programme Media II], en particulier, aux sociétés européennes de distribution cinématographique».

24.
    Le point 2.3 des lignes directrices définit la «distribution (cinéma)» comme suit:

«Toute activité commerciale destinée à porter à la connaissance d'un large public un film sur différents types de supports. Cette activité peut comprendre des aspects d'édition technique d'oeuvre (doublage/sous-titrage, réalisation de copies, expéditions, etc.) ainsi que des actions de marketing et de promotion (réalisation de films annonces et de matériel publicitaire, achat d'espaces publicitaires, organisation d'événements promotionnels, etc.).»

25.
    Le point 2.4 des lignes directrices définit le «distributeur cinéma» comme suit:

«Toute société européenne qui, ayant acquis contractuellement les droits de distribution d'un film sur un territoire donné, en assure directement la distribution, négocie les dates de sortie en salle et prend en charge les coûts de distribution afférents. (Les sous-traitants ou ‘distributeurs physiques’ n'entrent pas dans cette catégorie.)»

26.
    Il ressort donc de ces éléments que seules les entreprises de distribution qui correspondent aux critères énoncés au point 2.4 des lignes directrices sont éligibles au système de soutien automatique. En outre, il n'est pas contesté que les critères du point 2.4 des lignes directrices sont cumulatifs.

27.
    La Commission a toutefois contesté cette interprétation en faisant valoir que, en l'espèce, il convenait de déterminer qui, de la requérante ou de SF, avait la plus grande «capacité à générer un public pour les films européens», ce critère étant énoncé au point 3.1 des lignes directrices. Lors de l'audience, la Commission a souligné que les critères du point 3 des lignes directrices prévalent sur ceux du point 2.4, qui poursuivent un objet plus restreint. Elle a, par ailleurs, indiqué que si elle s'était bornée à examiner les demandes de soutien potentiel exclusivement sur la base des critères du point 2.4 des lignes directrices, aucune des deux entreprises en lice n'aurait été déclarée éligible. Le critère ainsi utilisé serait conforme à la finalité du programme MEDIA II qui est de favoriser le développement de la distribution des films européens. La Commission indique avoir apprécié dans leur ensemble plusieurs facteurs pertinents et pris en compte la répartition des tâches entre la requérante et SF, telle qu'elle pouvait ressortir de leurs arrangements contractuels et des documents fournis par les autorités suédoises.

28.
    Ces arguments ne sauraient prospérer.

29.
    D'une part, il ressort des éléments précédemment exposés que les critères déterminant l'éligibilité d'une entreprise au système automatique sont ceux énoncés au point 2.4 des lignes directrices, alors que le point 3, intitulé «modalités d'intervention» poursuit un objet différent. En effet, le point 3.1 des lignes directrices, sur lequel la Commission a particulièrement insisté, intitulé «objet du soutien», stipule que le système de soutien automatique est «destiné à encourager et soutenir une diffusion transnationale plus large des films européens par le biais d'un soutien financier aux distributeurs, déterminé par leur capacité à générer un public pour les films européens, et à être réinvesti en faveur de films européens non nationaux récents [et qu'il] vise également à encourager le développement de liens entre les secteurs de la distribution et de la production en vue de créer les conditions d'une meilleure exposition des films européens non nationaux sur le marché». Outre ce rappel, le point 3.1 des lignes directrices décrit de manière générale le fonctionnement de ce programme, celui-ci étant plus explicitement analysé dans les points suivants.

30.
    D'autre part, la thèse de la Commission, qui revient à se détourner du point 2.4 des lignes directrices au motif qu'aucune des deux entreprises en cause ne correspondait aux critères qu'il énonce, doit être repoussée. En effet, si elle devait être acceptée, cette thèse conduirait à laisser toute discrétion à la Commission quant à l'octroi de fonds communautaires au titre du système automatique. En vertu des principes de sécurité juridique et de bonne administration, la Commission est tenue de respecter les critères qu'elle a elle-même définis dans les lignes directrices et ne saurait déclarer éligible au soutien automatique une entreprise qui ne répond pas auxdits critères.

31.
    Il découle de ces éléments que la Commission était tenue de vérifier si la demande de soutien potentiel qui lui était présentée par la requérante était conforme aux critères énoncés au point 2.4 des lignes directrices.

32.
    À la lumière des considérations qui précèdent, il convient d'examiner les griefs visant à établir que, dans la décision attaquée, la Commission a erronément considéré que SF, et non la requérante, était éligible au système de soutien automatique.

33.
    La requérante estime remplir chacun des critères énoncés au point 2.4 des lignes directrices, ce dont SF ne pourrait se prévaloir.

34.
    La Commission objecte que la requérante n'est pas éligible au système de soutien automatique, car la répartition des tâches entre la requérante et SF est telle que seule cette dernière peut être considérée comme distributeur au sens des lignes directrices.

35.
    Le Tribunal estime opportun d'examiner le critère relatif à l'acquisition des droits de distribution, avant d'examiner les autres critères du point 2.4 des lignes directrices.

Sur le critère relatif à l'acquisition des droits de distribution

36.
    La requérante affirme que SF n'est pas titulaire des droits exclusifs de distribution des films en cause pour la Suède. Cette seule circonstance s'opposerait à ce que la Commission considère SF comme le distributeur éligible au système de soutien automatique.

37.
    La Commission rappelle avoir indiqué dans la décision attaquée que les activités de SF s'apparentaient plus au travail réel de distributeur qu'à celui d'un distributeur physique, catégorie inéligible au soutien automatique. Le fait que la requérante soit le titulaire des droits de distribution ne serait pas déterminant.

38.
    Le Tribunal relève que, selon le point 2.4 des lignes directrices, la notion de distributeur est applicable à toute société européenne qui a, notamment, acquis contractuellement les droits de distribution d'un film sur un territoire donné. Les lignes directrices n'établissent aucune sorte de hiérarchie ou de pondération entre les quatre critères du point 2.4. L'importance accordée par les lignes directrices au critère de l'acquisition des droits de distribution est confirmée par la circonstance que le formulaire de demande de soutien automatique annexé auxdites lignes directrices exige des demandeurs qu'ils attestent de leur qualité d'entreprise européenne et de la propriété des droits de distribution en salle pour les films européens non nationaux pour lesquels ils sollicitent le soutien financier de la Communauté. Par ailleurs, l'importance du critère de l'acquisition des droits de distribution découle des caractéristiques de l'activité de distribution d'oeuvres cinématographiques en salle. En effet, l'acquisition des droits de distribution est un préalable nécessaire à cette activité dont elle constitue, en général, le principal coût par rapport aux autres frais de distribution (par exemple, ceux relatifs à la manutention, la copie, la livraison, le sous-titrage ou la promotion du film).

39.
    En l'espèce, il est constant que SF n'est pas titulaire des droits de distribution de ces films pour la Suède; ces droits appartiennent exclusivement à la requérante. Dès lors, SF ne répond pas au premier des quatre critères énoncés au point 2.4 des lignes directrices et ne peut, par conséquent, être considérée comme un distributeur éligible au système de soutien automatique.

40.
    Il s'ensuit que la décision attaquée, en ce qu'elle affirme que SF est un distributeur éligible au système de soutien automatique, est entachée d'une erreur d'appréciation.

Sur les autres critères

41.
    La requérante estime que SF n'est qu'un sous-traitant chargé d'assurer localement la distribution physique des films, dont l'intervention est conforme à la finalité du système de soutien automatique. Aucune disposition des lignes directrices ne permettrait à la Commission de refuser à un distributeur l'accès au soutien automatique au seul motif qu'il fait appel à un sous-traitant.

42.
    La requérante soutient qu'elle assure toutes les tâches de direction relatives à la distribution des films. En particulier, elle demeurerait la seule à décider de leur présentation, à assumer la responsabilité, le risque commercial, la direction et la mise en oeuvre de leur commercialisation ainsi que tous les coûts y afférents.

43.
    Sur la base de l'ensemble de ces éléments, la requérante fait valoir qu'elle assure directement la distribution des films, négocie leurs dates de sortie et prend en charge leurs coûts de distribution, de telle sorte qu'elle remplit l'ensemble des critères énoncés au point 2.4 des lignes directrices.

44.
    La Commission réfute ces griefs. Elle rappelle avoir indiqué dans la décision attaquée que les activités de SF s'apparentaient plus au travail réel de distributeur qu'à celui d'un distributeur physique, car cette dernière:

-    assure la distribution directe,

-    planifie la campagne de commercialisation,

-    supporte les frais directs de commercialisation et de distribution.

45.
    La Commission indique avoir apprécié dans leur ensemble plusieurs facteurs pertinents et pris en compte la répartition des tâches entre la requérante et SF, telle qu'elle pouvait ressortir de leurs arrangements contractuels et des documents fournis par les autorités suédoises.

46.
    La Commission souligne que les sous-traitants ne peuvent bénéficier du soutien automatique. Le sous-traitant se limiterait à fournir au distributeur certains services tels que la manutention des films et leur transport vers les salles ainsi que la collecte des recettes. Il s'agirait donc de personnes assurant la distribution «physique» des films.

47.
    Les lignes directrices ne tiendraient pas pleinement compte des caractéristiques particulières de la distribution cinématographique pour le marché géographique comprenant la Suède, le Danemark et la Norvège. La Commission expose que, sur ce marché, les entrées en salles ne génèrent pas la majorité des recettes. Il ne serait généralement pas rentable d'acquérir les droits de distribution d'un film pour un seul de ces pays. C'est pourquoi les distributeurs achèteraient en général des droits dits «multiplateformes» (cinéma, télévision, vidéo, etc.) pour l'ensemble de ces pays. Le titulaire de tels droits, qui ne dispose pas personnellement d'un réseau de distribution pour l'ensemble de ce territoire, confierait à un tiers la distribution des films sur une partie de celui-ci. C'est ainsi que, en l'espèce, la requérante établie au Danemark aurait confié à SF, société suédoise, la distribution des films pour la Norvège et la Suède.

48.
    SF correspondrait le mieux à la définition de distributeur donnée au point 2.4 des lignes directrices. La requérante ne ferait pas partie du groupe cible pouvant prétendre au soutien automatique. Parmi les quatre critères du point 2.4 des lignes directrices, celui selon lequel le distributeur doit «assurer directement la distribution» serait inapplicable à la requérante. En effet, selon la Commission, SF concluait la totalité des contrats de distribution pertinents et payait elle-même toutes les factures. Or, dans le cadre d'une opération de sous-traitance, il serait d'usage que les factures soient transmises au titulaire des droits de distribution. SF aurait assumé un certain risque financier dans la distribution des films en question.

49.
    Le véritable travail de planification, de commercialisation et de distribution aurait été effectué par SF, dont l'activité excède notoirement celle d'un sous-traitant. L'autonomie dont disposait SF pour organiser la campagne de distribution démontrerait que SF est le distributeur des films en cause. La Commission soutient que la requérante approuvait les plans de commercialisation et de distribution proposés par SF, mais que toutes les décisions étaient prises par SF, la requérante s'étant bornée à approuver les propositions de SF.

50.
    De l'avis de la Commission, la circonstance que la requérante remboursait les frais de distribution que SF exposait est indifférente. En effet, elle résulterait d'une clause type qui figure dans tous les contrats de distribution. Elle tendrait en revanche à confirmer que SF n'est pas un simple distributeur physique.

51.
    En premier lieu, s'agissant du critère relatif à la charge des coûts de distribution, le Tribunal constate que la requérante, aux termes de son contrat avec SF, a supporté les coûts de distribution des films en cause en Suède. Il ressort en effet des termes du contrat entre la requérante et SF («Cinema Film Distribution Sweden Agreement»), tel que modifié par avenant du 22 septembre 1998, que les frais associés à la distribution des films en Suède sont, dans un premier temps, avancés par SF, qui, dans un second temps, les déduit du montant des recettes d'exploitation des films qu'elle verse à la requérante. Au terme de l'article 3 de ce contrat, si les recettes ne sont pas suffisantes pour couvrir ces frais, il est prévu que SF en obtienne le remboursement directement auprès de la société Scanbox Sweden ou par compensation avec les recettes d'autres films dont SF assure la distribution. Les autres services effectués par SF (politique commerciale, lancement, réservation des films, facturation, comptes-rendus, statistiques, copies) visés à l'article 4 du contrat de distribution sont rémunérés par la requérante par une commission de 15,5 % sur le montant des recettes. À l'audience, la requérante a affirmé, sans être contredite par la Commission, que, en vertu de ces arrangements contractuels, elle supportait l'intégralité des coûts de distribution SF lui répercutant tous les frais exposés.

52.
    Quant à l'argument de la Commission selon lequel la prise en charge des coûts découle d'une clause type figurant dans tous les contrats de distribution, il suffit de constater que cet argument, outre qu'il n'est pas étayé, n'est pas susceptible de mettre en cause le fait que la requérante a effectivement supporté la charge des coûts de distribution. Il doit dès lors être rejeté.

53.
    La Commission a également objecté à l'audience que le fait que la requérante supporte en dernier lieu les coûts de distribution n'est pas déterminant, car SF avance les frais de distribution.

54.
    Le Tribunal estime cependant que, dans la mesure où les frais avancés par SF lui sont ensuite remboursés par la requérante, économiquement, cette dernière est donc la seule à en supporter la charge.

55.
    Il apparaît donc que la requérante «prenait en charge les coûts de distribution» des films en cause au sens du point 2.4 des lignes directrices. Dans la décision attaquée, la proposition selon laquelle est dénué de pertinence le fait que SF supporte tout ou partie des frais de distribution est donc entachée d'une erreur d'appréciation.

56.
    En deuxième lieu, s'agissant du critère relatif à la distribution directe des films, le Tribunal note qu'il est constant que SF a assuré la distribution physique des films en cause en Suède. Il importe de souligner que le point 2.4 des lignes directrices n'apporte guère de précisions quant au sens de l'expression «assurer directement la distribution». En revanche, cette disposition précise que les sous-traitants ou «distributeurs physiques» ne sont pas des «distributeurs».

57.
    À cet égard, la Commission soutient que les activités de SF excèdent celles qui sont en général confiées à un distributeur physique. SF effectuerait des tâches de promotion qui s'apparentent à celles que le programme MEDIA II vise à encourager. La Commission en déduit que la finalité des lignes directrices, plus que leur texte, commande de reconnaître SF comme le distributeur des films en cause.

58.
    Le Tribunal rejette ces objections de la Commission.

59.
    Premièrement, quel que puisse être le degré d'autonomie dont dispose SF, il demeure que la requérante supporte le risque commercial lié à la distribution des films. Il a été précédemment exposé que SF ne supporte aucun frais de distribution. En définitive, la requérante ne perçoit que le montant résiduel des recettes, déduction faite des sommes dues à SF. Pour que la requérante parvienne à effectuer un profit, encore faut-il que ce montant résiduel excède le coût d'acquisition des droits de distribution des films. Or, ceux-ci constituent la principale dépense afférente à l'opération de distribution et donnent ainsi la mesure du risque commercial assumé par la requérante. Selon les renseignements transmis par la requérante en réponse aux questions du Tribunal et les autres éléments du dossier, le coût d'acquisition par la requérante des droits de distribution excédait de plus de 60 % le total des frais et commissions perçus par SF.

60.
    Deuxièmement, l'activité de la requérante est conforme à la finalité du système de soutien automatique qui est d'encourager la distribution de films européens hors de leur pays d'origine. Le soutien automatique est destiné aux distributeurs et non aux programmateurs exploitants de salles.

61.
    Les critiques de la Commission relatives au caractère inhabituel de l'opération de distribution en question ne sont pas susceptibles de remettre en cause ces éléments. S'il est possible que la formule de coopération fixée contractuellement entre ces entreprises diffère de celle à laquelle les services de la Commission sont habitués, force est de constater que les exemples de relations entre distributeur et sous-traitant versés au débat par la Commission (annexe G à la défense) ne concernent que des relations entre distributeurs et sous-traitants à l'intérieur d'un même État membre. En l'espèce, les relations contractuelles entre la requérante et SF sont essentiellement déterminées par le fait que ces sociétés sont établies dans deux États membres. La requérante ne dispose pas de salles en Suède et cherche, par conséquent, à s'adjoindre les services d'un exploitant de salles dans cet État membre. Il s'agit donc d'un exemple de «distribution transnationale des films européens», dont le renforcement est un objectif du programme MEDIA II.

62.
    Par conséquent, il y a lieu de considérer que, nonobstant les tâches effectuées par SF, la requérante assure «directement la distribution» des films en cause au sens du point 2.4 des lignes directrices, SF n'intervenant qu'en qualité de sous-traitant.

63.
    Il y a lieu de conclure que, dans la décision attaquée, la proposition selon laquelle SF a distribué directement les films en Suède est entachée d'une erreur d'appréciation.

64.
    En troisième lieu, s'agissant du critère relatif à la négociation des dates de sortie en salle, la requérante conteste l'affirmation, dans la décision attaquée, selon laquelle SF aurait négocié la date de sortie des films et exercé les activités de distribution définies au point 2.3 des lignes directrices. Elle fait valoir que les propositions de SF quant aux dates de sortie étaient soumises à son approbation. SF ne disposerait donc pas d'une compétence autonome ou exclusive en cette matière.

65.
    La Commission fait valoir, en substance, que le droit de veto dont disposait la requérante sur les propositions formulées par SF quant à la commercialisation des films et leurs dates de sortie en salle ne saurait être interprété comme une preuve d'un rôle actif de la requérante dans la distribution des films.

66.
    Le Tribunal constate que l'article 2.4 des lignes directrices n'exige pas que la date de sortie en salle soit déterminée directement ou exclusivement par le distributeur: il suffit que ce dernier «négocie» cette date.

67.
    En l'espèce, les dispositions du contrat entre la requérante et SF ne précisent pas qui, de la requérante ou de SF, déterminait les dates de sortie en salle. Cependant, il ressort du dossier que SF, lorsqu'elle soumettait un «plan marketing» à l'approbation de la requérante, incluait des informations sur la date de sortie en salle. Il apparaît donc que SF soumettait à l'approbation de la requérante la date de sortie en salle dans le cadre du plan de commercialisation. C'est précisément parce que la requérante n'est pas établie en Suède qu'elle se repose sur l'avis d'un sous-traitant local pour la fixation des dates de sortie. La requérante, établie au Danemark, ne bénéficie certainement pas de la même connaissance du marché suédois que SF, à qui elle laisse le soin de proposer une date de sortie adaptée à la nature du film en cause et aux événements concurrents. C'est ainsi, par exemple, que SF a proposé de faire coïncider la sortie du film «The Ninth Gate» avec la visite de son metteur en scène au festival du film de Stockholm. Dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre que la requérante a négocié avec SF les dates de sorties en salle, au sens du point 2.4 des lignes directrices.

68.
    Par conséquent, la décision attaquée, en ce qu'elle affirme que SF «a négocié les dates de sortie en salle», est entachée d'une erreur d'appréciation.

69.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la décision attaquée est entachée de plusieurs erreurs d'appréciation, qui concernent l'application des critères d'éligibilité d'une entreprise de distribution cinématographique au soutien automatique, tels que définis par les lignes directrices. La Commission a rejeté la demande de soutien potentiel de la requérante au motif que seule SF pouvait être considérée comme distributeur éligible sans avoir établi à suffisance de droit que SF, et non la requérante, satisfaisait aux critères énoncés au point 2.4 des lignes directrices.

70.
    Dès lors, il y a lieu d'accueillir le moyen pris d'erreurs d'appréciation et d'annuler la décision, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens et griefs invoqués par la requérante.

Sur les dépens

71.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé et la requérante ayant conclu lors de l'audience à la condamnation de la Commission aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 30 juin 2000, refusant de reconnaître l'éligibilité de la requérante au programme d'encouragement au développement et à la distribution des oeuvres audiovisuelles européennes (MEDIA II - Développement et distribution) (1996-2000), est annulée.

2)    La Commission supportera ses propres dépens et les dépens exposés par la requérante.

Cooke
García-Valdecasas
Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 octobre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: le danois.