Language of document : ECLI:EU:T:2013:625

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

4 décembre 2013

Affaire T‑108/11 P

Fondation européenne pour la formation (ETF)

contre

Gustave Michel

« Pourvoi – Fonction publique – Agents temporaires – Contrat à durée indéterminée – Décision de résiliation – Compétence du Tribunal de la fonction publique – Articles 2 et 47 du RAA – Devoir de sollicitude – Notion d’intérêt du service – Interdiction de statuer ultra petita – Droits de la défense »

Objet :      Pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 9 décembre 2010, Vandeuren/ETF (F‑88/08), et tendant à l’annulation de cet arrêt.

Décision :      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 9 décembre 2010, Vandeuren/ETF (F‑88/08), est annulé en ce qu’il a annulé la décision de la Fondation européenne pour la formation (ETF) du 23 octobre 2007 portant résiliation du contrat d’agent temporaire à durée indéterminée de Mme Monique Vandeuren et a rejeté, par conséquent, sa demande de réparation du préjudice matériel subi comme étant prématurée. Le pourvoi est rejeté pour le surplus. L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de la fonction publique. Les dépens sont réservés.

Sommaire

1.      Recours en annulation – Compétence du juge de l’Union – Portée – Interdiction de statuer ultra petita – Obligation de respecter le cadre du litige défini par les parties – Obligation de statuer à partir des seuls arguments invoqués par les parties – Absence

2.      Fonctionnaires – Agents temporaires – Résiliation d’un contrat à durée indéterminée – Réduction du périmètre des activités d’une agence de l’Union – Obligation formulée par le Tribunal de la fonction publique d’examiner la possibilité de réaffecter l’agent concerné – Obligation non prévue par le régime applicable aux autres agents

[Régime applicable aux autres agents, art. 2, a), et 47, c), i)]

3.      Fonctionnaires – Agents temporaires – Résiliation d’un contrat à durée indéterminée – Pouvoir d’appréciation de l’administration – Devoir de sollicitude incombant à l’administration – Prise en considération des intérêts de l’agent concerné et du service

[Régime applicable aux autres agents, art. 2 et 47, c), i)]

1.      Dans la mesure où le juge de l’Union saisi d’un recours en annulation ne peut pas statuer ultra petita, il n’est pas habilité à redéfinir l’objet principal du recours, ni à relever un moyen d’office en dehors des cas particuliers dans lesquels l’intérêt public exige son intervention. Dans le cadre du litige circonscrit par les parties, le juge de l’Union, tout en ne devant statuer que sur la demande des parties, ne saurait être tenu par les seuls arguments invoqués par celles-ci au soutien de leurs prétentions, sauf à se voir contraint, le cas échéant, de fonder sa décision sur des considérations juridiques erronées.

(voir points 42 et 51)

Référence à :

Tribunal : 5 octobre 2009, Commission/Roodhuijzen, T‑58/08 P, Rec. p. II‑3797, points 34 et 35, et la jurisprudence citée

2.      En indiquant que l’autorité compétente devait examiner, préalablement au licenciement, conformément à l’article 47, sous c), i), du régime applicable aux autres agents, d’un agent engagé sur la base d’un contrat à durée indéterminée, si ledit agent ne pouvait pas être réaffecté à un autre poste existant ou devant être prochainement créé, le Tribunal de la fonction publique a formulé à l’égard de ladite autorité une obligation qui n’était pas prévue par ledit régime applicable aux autres agents.

Certes, la stabilité d’emploi des contrats à durée indéterminée constitue un élément majeur de la protection des travailleurs concernés, même si elle ne forme pas, en elle-même, un principe général de droit.

Toutefois, l’article 2, sous a), du régime précité prévoit qu’est considéré comme agent temporaire l’agent engagé en vue d’occuper un emploi auquel un caractère temporaire a été conféré tandis que le statut confère aux fonctionnaires une plus grande stabilité d’emploi, dès lors que les hypothèses de cessation définitive des fonctions contre le gré de l’intéressé sont strictement encadrées.

Même si les contrats de travail à durée indéterminée se distinguent, sous l’angle de la sécurité de l’emploi, des contrats de travail à durée déterminée, il ne saurait être nié que les agents du service public de l’Union engagés sur la base d’un contrat à durée indéterminée ne peuvent ignorer le caractère temporaire de leur engagement et le fait que celui-ci ne confère pas de garantie d’emploi.

Par l’obligation d’examen préalable de la possibilité de réaffectation définie par le Tribunal de la fonction publique, ce dernier a modifié la nature de l’emploi d’agent temporaire telle qu’elle est définie par le régime applicable aux autres agents.

(voir points 82 à 85 et 89)

Référence à :

Cour : 22 novembre 2005, Mangold, C‑144/04, Rec. p. I‑9981, point 64

3.      Même si l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement dispose d’une large marge d’appréciation dans l’application de l’article 47, sous c), i), du régime applicable aux autres agents afin de déterminer si une circonstance ou un fait particulier justifie le licenciement d’un agent sous contrat à durée indéterminée, l’autorité compétente doit tenir compte de l’intérêt du service, mais également, pour satisfaire à son devoir de sollicitude, de l’intérêt de l’agent concerné. À cet égard, même s’il est vrai que l’autorité compétente dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt du service et que, partant, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si l’autorité concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, le devoir de sollicitude, qui reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques entre l’autorité publique et ses agents, impose de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, et notamment, l’intérêt de l’agent concerné.

Toutefois, dans le cadre d’un recours en annulation d’une décision de résiliation d’un contrat d’agent temporaire à durée indéterminée, en ayant procédé à la mise en balance de l’intérêt du service et de celui de l’agent concerné seulement après avoir défini préalablement l’obligation pour l’autorité compétente d’examen préalable de la possibilité de réaffectation de ce dernier et en ayant indiqué que c’était lors de la mise en œuvre de cet examen qu’il fallait mettre en balance l’intérêt du service, lequel commandait de recruter la personne la plus apte pour le poste existant ou devant être créé prochainement, et celui de l’agent, le Tribunal de la fonction publique n’a pas pris en compte l’intérêt du service quand il a formulé le principe selon lequel la réduction du périmètre des activités d’une agence ne constituait un motif valable de licenciement que si ladite agence ne disposait pas de poste auquel l’agent concerné aurait pu être réaffecté.

Cependant, l’existence de procédures internes de sélection particulières à l’agence concernée, s’appliquant en cas de vacances d’emploi ou en cas de mutations internes, peut être un élément de politique de gestion de personnel particulièrement adapté à la nature spécialisée des tâches attribuées à l’agence, amenant celle-ci, dans l’intérêt du service, à renvoyer l’agent touché par une réduction d’activité à la participation à de telles procédures pour trouver un nouvel emploi en son sein. Par ailleurs, l’encadrement dudit agent pour l’aider à trouver un nouvel emploi au sein de l’agence en suivant lesdites procédures de sélection standard peut participer à la prise en compte de l’intérêt de l’agent concerné et, donc, au respect du devoir de sollicitude.

De même, peut également être un élément pertinent dans la mise en balance de l’intérêt de l’agent et de celui du service le fait que l’autorité compétente a examiné les possibilités d’un transfert de l’agent menacé de licenciement au sein d’une autre agence ou institution, ou bien le contexte particulier dans le cadre duquel les agences de l’Union opèrent généralement.

(voir points 92, 94, 95, 97 et 98)

Référence à :

Tribunal : 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, Rec. p. II‑2841, points 215 et 216