Language of document : ECLI:EU:T:2015:517

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 juillet 2015 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marchés européens des stabilisants thermiques – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Infraction commise par une filiale commune – Amendes – Responsabilité solidaire de la filiale et des sociétés mères – Prescription décennale pour l’une des sociétés mères – Décision de réadoption – Réduction du montant de l’amende pour l’une des sociétés mères – Imputation de l’obligation de paiement du montant réduit à la filiale et à l’autre société mère – Droits de la défense »

Dans lʼaffaire T‑485/11,

Akzo Nobel NV, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

Akcros Chemicals Ltd, établie à Warwickshire (Royaume-Uni),

représentées par Mes C. Swaak et R. Wesseling, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, initialement représentée par MM. F. Ronkes Agerbeek et J. Bourke, puis par MM. Ronkes Agerbeek et P. Van Nuffel, en qualité dʼagents, assistés de M. J. Holmes, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 30 juin 2011 modifiant la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques), en ce qu’elle était adressée à Akzo Nobel et à Akcros Chemicals, ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant des amendes infligées

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents au litige

1        Le présent litige concerne la décision de la Commission du 30 juin 2011 (ci-après la « décision attaquée »), modifiant, en ce qu’elle était adressée à Akzo Nobel NV et à Akcros Chemicals Ltd, les requérantes, la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques) (ci-après la « première décision »).

2        Ce litige implique différentes sociétés rattachées à deux groupes de sociétés, d’une part, le groupe Akzo, et, d’autre part, le groupe Elementis, lesquels ont, par l’intermédiaire de filiales, conclu, en mars 1993, un accord en vue de la création d’une entreprise commune, Akcros Chemicals, dans le cadre de laquelle différents partenariats ont été réalisés.

 Entreprises et sociétés impliquées

 Groupe Akzo

3        Jusqu’au 19 mars 1993, les activités de production et de vente de stabilisants thermiques du groupe Akzo étaient exercées par ses filiales détenues indirectement à 100 %, d’une part, par Akzo NV, devenue Akzo Nobel (ci-après « Akzo Nobel »), par l’intermédiaire d’Akzo Chemicals International BV, devenue Akzo Nobel Chemicals International BV, et, d’autre part, par les sociétés Akzo Chemie GmbH et Akzo Chemicals GmbH, devenues Akzo Nobel Chemicals GmbH (ci-après « Akzo GmbH »), pour les stabilisants étain, et Akzo Chemie Nederland BV et Akzo Chemicals Nederland BV, devenue Akzo Nobel Chemicals BV (ci-après « Akzo BV »), pour les stabilisants ESBO/esters.

 Partenariat Akcros

4        Le 19 mars 1993, Akzo Chemicals International BV, une filiale détenue à 100 % par Akzo puis, par Akzo Nobel, a conclu un accord-cadre avec Harrisons Chemicals (UK) Ltd, une filiale détenue à 100 % par Harrisons & Crosfield plc, devenue Elementis, en vue du regroupement des activités de leurs groupes respectifs pour les activités de développement, de production et de commercialisation de certains produits chimiques, dont les stabilisants thermiques (ci-après « l’accord-cadre de 1993 »).

5        L’accord-cadre de 1993 a prévu le transfert des actifs et du personnel du secteur concerné à quatre partenariats, au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et aux États-Unis d’Amérique, la participation dans chaque partenariat et dans des sociétés existantes en France (Tinstab SA), en Italie (Harcros Chemicals Italia SpA), en Espagne (Harcros Chemicals Iberia SA) et au Danemark (Lankro Sandia ApS) devant être détenue à parts égales, d’une part, par le groupe d’Akzo Chemicals International, à savoir le groupe Akzo, et, d’autre part, par le groupe de Harrisons Chemicals (UK), à savoir le groupe Elementis.

6        Le 24 mars 1993, Akzo Chemicals International et Harrisons Chemicals (UK) ont notifié l’accord-cadre de 1993 à la Commission européenne, en application du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1), tel que rectifié.

7        Par décision du 29 avril 1993, la Commission a déclaré l’accord-cadre de 1993 compatible avec le marché commun.

8        En application de l’accord-cadre de 1993, le partenariat Akcros Chemicals (ci-après le « partenariat Akcros ») a été constitué au Royaume-Uni le 28 juin 1993 (voir considérant 536 de la première décision).

9        Lors de sa création, le partenariat Akcros était détenu, à parts égales, par Pure Chemicals Ltd, une société détenue à 100 %, initialement, par Akzo, devenue Akzo Nobel, et par différentes sociétés, dont, en dernier lieu, Elementis UK Ltd et Elementis Services Ltd, faisant partie d’un groupe ayant pour société faitière Elementis plc (ci-après, prises ensemble, « Elementis »).

 Société Akcros

10      Le 15 juillet 1998, Akzo Nobel est convenue avec Elementis de l’acquisition, par l’intermédiaire de sa filiale à 100 % Pure Chemicals, des parts d’Elementis dans le partenariat Akcros, lequel a été transformé en Akcros Chemical Ltd (ci-après « Akcros ») dont l’intégralité du capital a été détenu, indirectement, par Akzo Nobel à compter du 2 octobre 1998.

11      Le 15 mars 2007, Akzo Nobel a cédé Akcros à GIL Investments.

 Procédures administratives

 Première décision

–       Imputation des infractions dans la première décision

12      L’article 1er de la première décision a tenu les requérantes pour responsables pour leur participation à l’infraction portant sur les stabilisants étain, du 24 février 1987 au 21 mars 2000, et pour leur participation à l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters, du 11 septembre 1991 au 22 mars 2000.

13      Dans la première décision, la responsabilité d’Akzo Nobel, en tant que société faîtière d’un groupe de sociétés dont certaines avaient participé directement aux infractions, a été retenue pour toute la période infractionnelle, soit du 24 février 1987 au 22 mars 2000.

14      Pour la période antérieure au 28 juin 1993, la Commission a considéré que des sociétés détenues indirectement par Akzo NV, devenue Akzo Nobel, avaient participé directement aux infractions, à savoir Akzo GmbH (ci-après « Akzo GmbH ») pour l’infraction portant sur les stabilisants étain, et Akzo BV, pour l’infraction portant sur le secteur ESBO/esters (voir considérants 512 à 519 de la première décision).

15      Pour la période allant du 28 juin 1993 au 2 octobre 1998 (ci-après la « deuxième période infractionnelle »), la Commission a considéré que les infractions avaient été commises par le partenariat Akcros (voir considérants 563 et 564 de la première décision).

16      Pour la période allant du 2 octobre 1998 au 22 mars 2000, la Commission a considéré que les infractions avaient été commises par Akcros détenue indirectement et à hauteur de 100 % par Akzo Nobel (voir considérants 582 à 587 de la première décision).

–       Imputation des amendes dans la première décision

17      L’article 2 de la première décision énonce ce qui suit :

« Pour l’/(les) infractions sur le marché des stabilisants étain […], les amendes suivantes sont infligées :

1)      Elementis plc, Elementis Holdings Limited, Elementis Services Limited, [Akzo Nobel] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 875 200 euros ;

2)      Elementis Holdings Limited, Elementis Services Limited, [Akzo Nobel] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 2 601 500 euros ;

3)       Elementis Holdings Limited, Elementis Services Limited, et [Akzo Nobel] sont solidairement responsables pour le montant de 4 546 300 euros ;

4)       [Akzo Nobel], [Akzo GmbH] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 1 580 000 euros ;

5)       [Akzo Nobel] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 944 300 euros ;

6)       [Akzo Nobel] et [Akzo GmbH] sont solidairement responsables pour le montant de 9 820 000 euros ;

7)       [Akzo Nobel] est responsable pour le montant de 1 432 700 euros ;

[…]

Pour l’/(les) infractions sur le [secteur ESBO/esters], les amendes suivantes sont infligées :

18)       Elementis plc, Elementis Holdings Limited, Elementis Services Limited, [Akzo Nobel] et [Akcros] sont responsables pour le montant de 1 115 200 euros ;

19)       Elementis Holdings Limited, Elementis Services Limited, [Akzo Nobel] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 2 011 103 euros ;

20)       Elementis Holdings Limited, Elementis Services Limited, et [Akzo Nobel] sont solidairement responsables pour le montant de 7 116 697 euros ;

21)       [Akzo Nobel], [Akzo BV] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 2 033 000 euros ;

22)      [Akzo Nobel] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 841 697 euros ;

23)       [Akzo Nobel] et [Akzo BV] sont solidairement responsables pour le montant de 3 467 000 euros ;

24)       [Akzo Nobel] est responsable pour le montant de 2 215 303 euros […] »

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2010, Akzo Nobel, Akzo GmbH, Akzo BV et Akcros ont formé un recours contre la première décision dans l’affaire T‑47/10.

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2010, Elementis et Elementis Holdings Limited ont introduit un recours visant à l’annulation de la première décision dans l’affaire T‑43/10.

 Décision attaquée

20      Par courriers datés du 30 mai et du 1er juin 2011, la Commission a informé, respectivement, Akzo Nobel et Akcros qu’elle envisageait de modifier la première décision (ci-après les « lettres de la Commission »).

21      Par ses lettres, la Commission a indiqué, au visa de l’arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec, ci-après l’« arrêt ArcelorMittal », EU:C:2011:190), que ses pouvoirs d’infliger des amendes étaient prescrits concernant Elementis et que, partant, elle envisageait de retirer la première décision à l’égard d’Elementis et de la modifier à l’égard des requérantes, tout en précisant que le montant des amendes infligées à l’encontre de ces dernières ne changerait pas.

22      Dans les lettres de la Commission, les requérantes ont été invitées à présenter leurs observations jusqu’au 6 juin 2011.

23      Par courriers du 14 juin 2011, les requérantes ont répondu aux lettres de la Commission en exposant que la modification envisagée par la Commission impliquait qu’il leur serait réclamé le paiement de la totalité du montant de l’amende pour laquelle elles avaient été préalablement condamnées solidairement avec Elementis, alors que le montant de l’amende ne changerait pas.

24      Dans leurs courriers, les requérantes ont également indiqué qu’elles n’étaient pas en mesure de présenter leurs observations sur les lettres de la Commission, car leur contenu ne leur fournissait pas assez d’informations pour apprécier leur situation juridique ainsi que l’étendue et les implications des modifications envisagées par la Commission. Elles ont ajouté que, dans la mesure de ce qu’elles pouvaient prévoir des modifications envisagées par la Commission, elles s’y opposaient et ont réservé leurs droits.

25      Par courriel du 15 juin 2011, la Commission a confirmé la compréhension qu’avaient les requérantes de ses intentions et les a invitées à présenter leurs observations avant le 20 juin 2011 à midi (ci-après le « courriel de la Commission »).

26      Par courriel du 20 juin 2011, les requérantes ont réaffirmé ne pas être en mesure d’apprécier correctement leur situation juridique et de nouveau fait part de leur objection à l’intention de la Commission de les tenir pour responsables de l’intégralité du montant des amendes pour lesquelles elles avaient été considérées, au préalable, comme solidairement responsables avec Elementis. Elles ont ajouté qu’elles réservaient « tous les droits relatifs à l’expression de leurs observations à une étape ultérieure, après qu’elles aient pu exercer effectivement leur droit de défense ».

27      La Commission a adopté la décision attaquée le 30 juin 2011.

28      Par la décision attaquée, la Commission a modifié la première décision.

29      Dans la décision attaquée, la Commission a visé l’article 7 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi que la première décision, de même qu’elle a précisé avoir donné aux entreprises concernées l’opportunité de faire connaître leurs points de vue (voir considérants 1 à 3 de la décision attaquée ainsi que ses troisième, quatrième et cinquième visas).

30      Au considérant 1 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que, dans la première décision, elle avait infligé des amendes aux requérantes, « conjointement et solidairement » avec Elementis plc, Elementis Holdings Limited et Elementis Services Limited.

31      Au considérant 2 de la décision attaquée, la Commission a énoncé que, à la suite de l’arrêt ArcelorMittal, point 21 supra (EU:C:2011:190), elle avait décidé de retirer la première décision en ce qu’elle était adressée, notamment, à Elementis et à Elementis Holdings Limited.

32      Partant, la Commission a modifié la première décision, en ce qu’elle était adressée aux requérantes, dans la mesure où elles avaient été tenues pour solidairement responsables, avec Elementis, des amendes infligées (voir considérant 3 de la décision attaquée).

33      Aux termes de l’article 1er de la décision attaquée :

« La [première décision] est modifiée comme suit :

L’article 2, point 4), est remplacé comme suit :

1)      [Akzo Nobel], [Akzo GmbH] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 1 580 000 euros ;

l’article 2, points 1), 2) et 5), est remplacé comme suit :

2)      [Akzo Nobel] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 4 421 000 euros ;

l’article 2, point 6), est remplacé comme suit :

3)      [Akzo Nobel] et [Akzo GmbH] sont solidairement responsables pour le montant de 9 820 000 euros ;

l’article 2, points 3) et 7), est remplacé comme suit :

4)      [Akzo NV] est responsable pour le montant de 5 979 000 euros ;

l’article 2, point 21), est remplacé comme suit :

18)      [Akzo Nobel], [Akzo BV] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 2 033 000 euros ;

l’article 2, points 18), 19) et 22), est remplacé comme suit :

19)      [Akzo Nobel] et [Akcros] sont solidairement responsables pour le montant de 3 968 000 euros ;

l’article 2, point 23), est remplacé comme suit :

20)      [Akzo Nobel] et [Akzo BV] sont solidairement responsables pour le montant de 3 467 000 euros ;

l’article 2, points 20) et 24), est remplacé comme suit :

21)      [Akzo Nobel] est responsable pour le montant de 9 332 000 euros [...] »

34      Par ordonnance du 8 novembre 2011, le Tribunal a jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours formé par Elementis contre la première décision, dès lors que la Commission avait, par la décision attaquée, retiré la première décision, dans la mesure où elle était adressée à Elementis, pour tenir compte de l’interprétation de l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003 retenue dans l’arrêt ArcelorMittal, point 21 supra (EU:C:2011:190), (ordonnance du 8 novembre 2011, Elementis e.a./Commission, T‑43/10, EU:T:2011:643).

 Procédure et conclusions des parties

35      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 septembre 2011, les requérantes ont formé un recours contre la décision attaquée.

36      Eu égard aux arguments que faisaient valoir les parties pour ce qui est des modalités et des effets de la solidarité, les parties ont été invitées, par demande du Tribunal du 13 novembre 2012, à soumettre leurs observations sur une éventuelle suspension de l’affaire conformément à l’article 77, sous d), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, dans l’attente du prononcé de la décision de la Cour mettant fin au litige dans l’affaire C‑23l/11 P, Commission/Siemens Österreich e.a.

37      Les parties ont répondu dans les délais impartis.

38      Le Tribunal a communiqué la réponse des requérantes à la Commission en date du 28 novembre 2012.

39      Le Tribunal a communiqué la réponse de la Commission aux requérantes le même jour.

40      Par ordonnance du 12 décembre 2012, le président de la troisième chambre du Tribunal a décidé, en application de l’article 77, sous d), du règlement de procédure du 2 mai 1991, de suspendre l’affaire dans l’attente des décisions de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑231/11 P, Commission/Siemens Österreich e.a.

41      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée, le 3 octobre 2013.

42      La Cour a prononcé, le 10 avril 2014, l’arrêt Commission/Siemens Österreich e.a. et Siemens Transmission & Distribution e.a./Commission (C‑231/11 P à C‑233/11 P, Rec, ci-après l’« arrêt Siemens », EU:C:2014:256).

43      Le même jour, la Cour a prononcé l’arrêt Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, Rec, ci-après l’« arrêt Areva », EU:C:2014:257).

44      Au titre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a, en date du 15 avril 2014, invité les parties à soumettre par écrit leurs observations sur l’incidence dans la présente affaire de l’arrêt Siemens, point 42 supra (EU:C:2014:256).

45      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 25 avril 2014, les requérantes ont demandé au Tribunal de prolonger le délai imparti pour répondre à la question du Tribunal du 15 avril 2014.

46      Il a été fait droit à cette demande.

47      En date du 5 mai 2014, les parties ont soumis leurs observations sur l’incidence dans la présente affaire de l’arrêt Siemens, point 42 supra (EU:C:2014:256).

48      Le Tribunal a communiqué la réponse des requérantes à la Commission en date du 19 mai 2014.

49      Le Tribunal a communiqué la réponse de la Commission aux requérantes le même jour.

50      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a, en date du 22 mai 2014, décidé d’ouvrir la procédure orale et invité les parties à soumettre par écrit leurs observations, d’une part, sur une éventuelle jonction de la présente affaire et de l’affaire T-47/10 aux fins de la procédure orale et de la décision mettant fin au litige et, d’autre part, sur l’incidence de l’arrêt Areva, point 43 supra (EU:C:2014:257, points 132, 137 et 138).

51      En date du 6 juin 2014, les parties ont soumis leurs observations sur l’incidence de l’arrêt Areva, point 43 supra (EU:C:2014:257), dans la présente affaire de même que sur une éventuelle jonction de la présente affaire et de l’affaire T‑47/10 aux fins de la procédure orale et de la décision mettant fin au litige.

52      Les observations de la Commission sur l’incidence dans la présente affaire de l’arrêt Areva, point 43 supra (EU:C:2014:257), ont été communiquées aux requérantes le 11 juin 2014.

53      Les observations des requérantes sur l’incidence dans la présente affaire de l’arrêt Areva, point 43 supra (EU:C:2014:257), ont été communiquées à la Commission le même jour.

54      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 3 juillet 2014, la présente affaire a été jointe à l’affaire T‑47/10 aux fins de la procédure orale.

55      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 septembre 2014.

56      Dans la présente affaire, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

57      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–         condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

58      Au soutien du recours, les requérantes invoquent trois moyens.

59      Par le troisième moyen du recours, les requérantes soutiennent que la Commission a violé leurs droits de la défense, en omettant, alors qu’elle y était tenue, de leur adresser une nouvelle communication des griefs, avant d’adopter la décision attaquée.

60      Selon les requérantes, la Commission ne pouvait adopter la décision attaquée sans les avoir entendues sur une seconde — nouvelle ou complémentaire — communication des griefs.

61      En ayant omis de leur adresser une seconde communication des griefs, la Commission aurait violé leur droit d’être entendu, lequel relève des droits de la défense qui doivent être « pleinement assurés dans le déroulement de la procédure », aux termes de l’article 27, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, le droit d’être entendu étant également consacré au chapitre V du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO L 123, p. 18).

62      En l’espèce, la Commission aurait, à tort, omis d’adopter une seconde communication des griefs exposant clairement son intention de tenir les requérantes comme débitrices de l’intégralité des amendes infligées pour l’infraction durant la deuxième période infractionnelle.

63      Pour sa part, la Commission soutient que les droits de la défense des requérantes ont été suffisamment protégés par les lettres qu’elle leur a envoyées, avant d’adopter la décision attaquée, pour les informer des mesures qu’elle se proposait de prendre et par la possibilité qu’elle leur offrait de soumettre leurs observations sur ses propositions.

64      Les arguments des requérantes ne permettraient pas d’étayer l’argument selon lequel une nouvelle communication des griefs était requise, dès lors que la décision attaquée n’aurait modifié en rien les éléments de fait ou l’analyse juridique invoqués par la Commission à l’appui de la constatation selon laquelle l’entreprise dont faisaient partie les requérantes avait enfreint l’article 81 CE, pas plus que la qualité au titre de laquelle les différentes sociétés constituant l’entreprise étaient concernées par l’enquête.

65      La seule modification apportée par la décision attaquée à l’analyse contenue dans la première décision aurait consisté à tirer les conséquences nécessaires pour la responsabilité des requérantes du fait qu’Elementis ne pouvait pas être tenue pour responsable du comportement incriminé durant la deuxième période infractionnelle. La Commission aurait expliqué cette modification, que les requérantes auraient comprise, comme en attesterait le contenu de leurs réponses.

66      À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler que le droit d’être entendu, qui est une composante essentielle des droits de la défense, constitue un principe général du droit de l’Union européenne qui doit être observé dans toute procédure, même de caractère administratif, surtout si elle est susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes, et que ce principe implique notamment que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue (voir, en ce sens, arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec, EU:C:1979:36, point 9 ; du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, EU:C:1983:158, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 64 à 66).

67      L’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 reflète ce principe dans la mesure où il prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission, ainsi que des éléments de preuve dont elle dispose (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec, EU:C:2002:582, points 315 et 316, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 66 supra, EU:C:2004:6, points 66 et 67).

68      Par ailleurs, le respect des droits de la défense exige, notamment, que l’entreprise qui fait l’objet d’une enquête soit en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité (arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, point 66 supra, EU:C:1983:158, point 10 ; du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec, EU:C:2007:53, point 44, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec, EU:C:2007:277, point 71).

69      Dans les circonstances de la présente affaire et indépendamment de la question de savoir si la Commission était tenue d’adresser aux requérantes une nouvelle communication des griefs avant d’adopter la décision attaquée, force est de constater que, dans les lettres et le courriel de la Commission, mentionnés aux points 20 à 22 et 25 ci-dessus, la Commission a, certes, invité les requérantes à faire valoir leurs points de vue.

70      Il n’en demeure pas moins que, pour ce faire, les requérantes n’ont disposé que de quatre jours ouvrés, à savoir du mercredi 1er juin au lundi 6 juin 2011, à la suite des lettres de la Commission et de trois jours ouvrés, à savoir du mercredi 15 juin au vendredi 17 juin 2011, à la suite du courriel de la Commission.

71      Or, des délais aussi brefs ne sauraient être compatibles avec le respect des droits de la défense.

72      Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, pour autant que les requérantes aient suffisamment démontré non que, à défaut de cette irrégularité procédurale, c’est-à-dire si elles avaient disposé d’un délai suffisant pour faire valoir leur point de vue, la décision attaquée aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elles auraient pu mieux assurer leur défense en l’absence de ladite irrégularité (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2013, Fluorsid et Minmet/Commission, T‑404/08, Rec, EU:T:2013:321, point 110 et jurisprudence citée), étant précisé qu’il convient, à cet effet, de se placer au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, c’est-à-dire avant la date d’adoption de la décision attaquée, à savoir le 30 juin 2011 (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, Rec, EU:T:2006:268, point 377).

73      À cet égard, en premier lieu, il convient de souligner que, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, la question pouvait être débattue de savoir quelles étaient les obligations incombant à la Commission quant aux rapports de solidarité entre des sociétés codébitrices solidaires, en ce qu’elles avaient constitué une même entreprise, au sens de l’article 101 TFUE.

74      En effet, par un arrêt du 3 mars 2011, soit moins de quatre mois avant la date d’adoption de la décision attaquée, le Tribunal a jugé qu’il appartenait exclusivement à la Commission, dans le cadre de l’exercice de sa compétence pour infliger des amendes, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, de déterminer la quote-part respective des différentes sociétés dans les montants auxquels elles ont été condamnés solidairement, dans la mesure où elles faisaient partie d’une même entreprise, et que cette tâche ne pouvait être laissée aux tribunaux nationaux (arrêt du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission, T‑122/07 à T‑124/07, Rec, EU:T:2011:70, point 157).

75      Cette question pouvait d’autant plus être débattue au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée que, ultérieurement, l’arrêt Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission, point 74 supra (EU:T:2011:70), a été annulé par la Cour, celle-ci ayant jugé que la répartition de l’amende entre codébiteurs solidaires relevait uniquement de la compétence du juge national (arrêt Siemens, point 42 supra, EU:C:2014:256, point 62).

76      Ainsi, les requérantes auraient pu, pendant la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée et, partant, avant le prononcé de l’arrêt Siemens, point 42 supra (EU:C:2014:256), faire valoir qu’elles avaient droit à se voir accorder la réduction du montant de l’amende d’Elementis avec laquelle elles avaient été condamnées solidairement pour l’infraction commise par le partenariat Akcros en ce qu’elles avaient, au moment de l’infraction, constitué, ensemble, une entreprise, au sens de l’article 101 TFUE.

77      Partant, les requérantes auraient pu, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, mieux assurer leur défense si elles avaient disposé d’un délai suffisant pour faire valoir leur point de vue.

78      En second lieu, il est constant que, dans la décision attaquée, la Commission a entendu tirer les conséquences de l’arrêt ArcelorMittal, point 21 supra (EU:C:2011:190).

79      Ainsi, la Commission a, dans la décision attaquée, considéré que la suspension de la prescription, à l’égard des requérantes, ne valait pas erga omnes, mais seulement inter partes, c’est-à-dire, dans les circonstances de l’espèce, que ladite suspension ne valait pas pour Elementis.

80      Or, d’une part, il convient de rappeler que la Cour, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ArcelorMittal, point 21 supra (EU:C:2011:190), s’est prononcée sur les effets, inter partes, d’une suspension de la prescription concernant différentes entreprises, au sens de l’article 101 TFUE, ayant participé à une même infraction (arrêt ArcelorMittal, point 21 supra, EU:C:2011:190, point 148).

81      D’autre part, en l’espèce, Elementis et les requérantes ont constitué, durant la deuxième période infractionnelle, une seule et même entreprise, au sens de l’article 101 TFUE, ainsi que cela a été jugé au point 405 de l’arrêt prononcé ce jour dans l’affaire T‑47/10.

82      Ainsi, indépendamment de la question de savoir si la Commission pouvait, à bon droit, étendre la solution retenue par la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ArcelorMittal, point 21 supra (EU:C:2011:190), laquelle avait trait à différentes entreprises, ayant participé à une même infraction, à une situation, comme en l’espèce, ayant trait à différentes sociétés ayant constitué une seule et même entreprise durant la deuxième période infractionnelle, il convient de considérer que, notamment sur cette question, les requérantes auraient pu, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, mieux assurer leur défense si elles avaient disposé d’un délai suffisant pour faire valoir leur point de vue.

83      Dès lors, il convient d’accueillir le troisième moyen du recours et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens du recours.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission du 30 juin 2011 modifiant la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques), est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2015.

Signatures


* Langue de procédure : lʼanglais.


1 Le présent arrêt fait lʼobjet dʼune publication par extraits.