Language of document : ECLI:EU:T:1998:94

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

14 mai 1998 (1)

«Concurrence — Article 85, paragraphe 1, du traité CE — Notion d'accord — Injonction — Amende — Détermination du montant — Motivation — Circonstances atténuantes»

Dans l'affaire T-317/94,

Moritz J. Weig GmbH & Co. KG, société de droit allemand, établie à Mayen (Allemagne), représentée par Mes Thomas Jestaedt, Karsten Metzlaff et Hanns-Christian Salger, avocats à Düsseldorf, à Hambourg et à Francfort-sur-le-Main, puis également par Me Verena von Bomhard, avocat à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Philippe Dupont, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Bernd Langeheine et Richard Lyal, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés de Me Dirk Schroeder, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton) (JO L 243, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briët, Mme P. Lindh, MM. A. Potocki et J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio Gonzàlez, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    La présente affaire concerne la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton) (JO L 243, p. 1), rectifiée avant sa publication par une décision de la Commission du 26 juillet 1994 [C(94) 2135 final] (ci-après «décision»). La décision a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

2.
    Le produit faisant l'objet de la décision est le carton. Trois types de carton, désignés comme relevant des qualités «GC», «GD» et «SBS», sont mentionnés dans la décision.

3.
    Le carton de qualité GD (ci-après «carton GD») est un carton à intérieur gris (papiers recyclés) qui sert habituellement à l'emballage de produits non alimentaires.

4.
    Le carton de qualité GC (ci-après «carton GC») est un carton présentant une couche extérieure blanche et servant habituellement à l'emballage de produits alimentaires. Le carton GC est d'une qualité supérieure à celle du carton GD. Dans la période couverte par la décision, il a généralement existé entre ces deux

produits un écart de prix d'environ 30 %. Dans une moindre mesure, le carton GC de haute qualité sert également à des utilisations graphiques.

5.
    SBS est le sigle utilisé pour désigner le carton entièrement blanc (ci-après «carton SBS»). Ce carton est un produit dont le prix est d'environ 20 % supérieur à celui du carton GC. Il sert à l'emballage des aliments, des produits cosmétiques, des médicaments et des cigarettes, mais il est destiné principalement à des utilisations graphiques.

6.
    Par lettre du 22 novembre 1990, la British Printing Industries Federation, organisation professionnelle qui représente la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni (ci-après «BPIF»), a déposé une plainte informelle auprès de la Commission. Elle a fait valoir que les fabricants de carton approvisionnant le Royaume-Uni avaient introduit une série de hausses de prix simultanées et uniformes et demandé à la Commission de vérifier l'existence d'une éventuelle infraction aux règles communautaires de la concurrence. Afin d'assurer la publicité de son initiative, la BPIF a publié un communiqué de presse. Le contenu de ce communiqué a été relaté par la presse professionnelle spécialisée dans le courant du mois de décembre 1990.

7.
    Le 12 décembre 1990, la Fédération française du cartonnage a également déposé une plainte informelle auprès de la Commission, dans laquelle elle présentait des observations relatives au marché français du carton en des termes analogues à ceux de la plainte déposée par la BPIF.

8.
    Les 23 et 24 avril 1991, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après «règlement n° 17»), ont procédé à des vérifications simultanées sans avertissement préalable dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton.

9.
    A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements et de documents au titre de l'article 11 du règlement n° 17 à tous les destinataires de la décision.

10.
    Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

11.
    En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette dernière disposition. Par lettre du 21 décembre 1992, elle a adressé une communication des griefs à chacune des entreprises concernées. Toutes les

entreprises destinataires y ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à être entendues oralement. Leur audition a eu lieu du 7 au 9 juin 1993.

12.
    Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard — the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA (anciennement Tampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:

—    dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,

—    dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,

—    dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,

—    dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:

—    se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,

—    ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,

—    ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,

—    se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,

—    ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,

—    ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.

[...]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er:

[...]

xix)    Moritz J. Weig GmbH & Co KG, une amende de 3 000 000 d'écus;

[...]»

13.
    Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé «Groupe d'étude de produit Carton» (ci-après «GEP Carton»), composé de plusieurs groupes ou comités.

14.
    Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un «Presidents Working Group» (ci-après «PWG») réunissant des représentants de haut niveau des principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).

15.
    Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants.

16.
    Le PWG faisait rapport à la «President Conference» (ci-après «PC») à laquelle participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période en cause.

17.
    A la fin de l'année 1987 a été créé le «Joint Marketing Committee» (ci-après «JMC»). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans l'affirmative, comment des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent en Europe.

18.
    Enfin, le comité économique (ci-après «COE») débattait, notamment, des fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait plusieurs fois par an.

19.
    Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse). Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les données agrégées étaient envoyées aux participants.

20.
    Pour ce qui est de Moritz J. Weig GmbH & Co. KG (ci-après «Weig»), la Commission a retenu qu'elle avait participé à des réunions de la PC pendant lapériode couverte par la décision ainsi qu'à des réunions du JMC et du PWG à partir de 1988.

Procédure

21.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 1994, la requérante a introduit le présent recours.

22.
    Seize des dix-huit autres entreprises tenues pour responsables de l'infraction ont également introduit un recours contre la décision (affaires T-295/94, T-301/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94).

23.
    La requérante dans l'affaire T-301/94, Laakmann Karton GmbH, s'est désistée de son recours par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 1996, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 18 juillet 1996, Laakmann Karton/Commission (T-301/94, non publiée au Recueil).

24.
    Quatre entreprises finlandaises, membres du groupement professionnel Finnboard et, à ce titre, tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende infligée à celui-ci, ont également introduit des recours contre la décision (affaires jointes T-339/94, T-340/94, T-341/94 et T-342/94).

25.
    Enfin, un recours a été introduit par une association CEPI-Cartonboard, non destinataire de la décision. Cependant, celle-ci s'est désistée par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 1997, et l'affaire a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 6 mars 1997, CEPI-Cartonboard/Commission (T-312/94, non publiée au Recueil).

26.
    Par lettre du 5 février 1997, le Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, notamment en vue de présenter leurs observations sur la jonction éventuelle des affaires T-295/94, T-304/94, T-308/94, T-309/94, T-310/94, T-311/94, T-317/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94 aux fins de la procédure orale. Lors de cette réunion, qui a eu lieu le 29 avril 1997, les parties ont accepté une telle jonction.

27.
    Par ordonnance du 4 juin 1997, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure, et a accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-334/94.

28.
    Par ordonnance du 20 juin 1997, il a accueilli une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante dans l'affaire T-337/94 relativement à un document produit en réponse à une question par écrit du Tribunal.

29.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure en demandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

30.
    Les parties dans les affaires mentionnées au point 26 ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 1997.

Conclusions des parties

31.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision en totalité ou en partie;

—    condamner la Commission aux dépens, y compris les frais occasionnés par la constitution d'une garantie bancaire,

subsidiairement,

—    réduire le montant de l'amende infligée à la requérante;

—    condamner la Commission aux dépens, y compris les frais exposés par la requérante pour constituer une garantie bancaire à concurrence du montant dont l'amende a été diminuée.

32.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner la requérante aux dépens.

Sur la demande d'annulation totale ou partielle de l'article 1er de la décision

Sur le moyen tiré de l'absence de participation de la requérante à des mesures visant à contrôler les volumes

Arguments des parties

33.
    Ce moyen se compose de deux branches.

34.
    Dans une première branche, la requérante rappelle que, selon l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition «se sont entendues pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles» et qu'elles «ont pris, de plus en plus fréquemment à partir du début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire [...]».

35.
    N'ayant participé qu'occasionnellement aux réunions du GEP Carton, la requérante n'aurait pas eu connaissance d'ententes ou de concertations globales d'un tel caractère. Lors des réunions de la PC, du PWG et du JMC auxquelles ses représentants ont assisté, le maintien des volumes de certains groupes nationaux de fabricants et des périodes d'arrêt de la production n'auraient été discutés que de façon générale.

36.
    Lors des réunions du PWG auxquelles ses représentants ont participé, il aurait été question du volume des ventes des entreprises de chaque pays d'origine sur le marché européen. Ainsi, les statistiques sur le volume des ventes des différents groupes de pays auraient été comparées avec celles des réunions précédentes. Ces indications auraient été données afin que les différents groupes nationaux n'augmentassent pas leurs parts sur le marché européen.

37.
    Lors des réunions du JMC auxquelles les représentants de la requérante ont assisté, il aurait parfois été question de périodes d'arrêt des machines. Cependant, le représentant de la requérante, à partir de 1990, aurait régulièrement déclaré qu'il n'avait pas mandat pour se prononcer sur la politique de son entreprise en matière de volumes. La situation du marché n'aurait par ailleurs pas justifié des arrêts des machines de la requérante durant la période concernée par la décision.

38.
    La requérante rappelle que les affirmations de la Commission relatives à la prétendue régulation des volumes reposent sur trois éléments de preuve, à savoir la réponse de Stora du 14 février 1992 à une demande de renseignements au titre

de l'article 11 du règlement n° 17 (annexe 43 à la communication des griefs), la note confidentielle du directeur des ventes de FS-Karton (groupe Mayr-Melnhof) du 28 décembre 1988 (annexe 73 à la communication des griefs) et la note du directeur général de Rena relative à une réunion spéciale du Nordic Paper Institute (ci-après «NPI») du 3 octobre 1988 (annexe 102 à la communication des griefs).

39.
    Selon la requérante, la Commission n'aurait pas dû utiliser les témoignages de Stora comme moyen central de preuve.

40.
    Quant aux annexes 73 et 102 à la communication des griefs, elles ne se référeraient aucunement à la notion de «politique du prix avant le tonnage» utilisée par Stora dans sa réponse adressée à la Commission. Elles ne contiendraient que des souhaits ou des idées d'ordre général et ne pourraient être considérées comme démontrant que des mesures de régulation de la production avaient été convenues ni, à plus forte raison, adoptées.

41.
    Dans la seconde branche de son moyen, la requérante soutient que les données relatives à sa propre production démontrent l'absence de participation à toute régulation des volumes. Elle expose de manière détaillée l'évolution de ses propres ventes et précise que celles-ci ont plus que doublé sur l'ensemble du marché communautaire entre 1986 et 1991, alors que les ventes de carton n'auraient augmenté que de 20 % à peine. Sur le marché géographique le plus important pour elle, le marché allemand, la croissance du point de vue des volumes commercialisés aurait été encore plus importante.

42.
    Enfin, la requérante n'aurait à aucun moment déclaré aux autres participants des réunions du JMC qu'elle arrêterait ses machines pour réduire les quantités. A cet égard, les arrêts de la production survenus à la fin de 1990 et au début de 1991, relevés dans une note manuscrite du directeur des ventes de FS-Karton (annexe 115 à la communication des griefs), s'expliqueraient par les congés de Noël.

43.
    La Commission souligne qu'il n'existe pas de contradiction entre ses propres constatations et les déclarations de la requérante selon lesquelles les discussions au sein du PWG et du JMC relatives au maintien des volumes et des arrêts de production n'avaient qu'une portée générale nonobstant le fait que la question du maintien des volumes de certains groupes nationaux de fabricants ainsi que de temps d'arrêt avait été évoquée (points 36 et 37 ci-dessus). En effet, les discussions en cause auraient manifestement concerné la limitation des volumes des ventes des différents fabricants, c'est-à-dire des problèmes précis.

44.
    D'après la Commission, si de telles indications confirment déjà que les thèmes du maintien des volumes et des temps d'arrêt ont été abordés lors des réunions du GEP Carton, les éléments de preuve découverts par elle démontrent en outre que les discussions ne se sont pas limitées à un échange d'idées d'ordre général, mais

que les participants ont conclu des accords fermes relatifs au maintien des volumes de production et de parts de marché déterminées.

45.
    Dans sa deuxième déclaration (annexe 39 à la communication des griefs), Stora aurait décrit en détail la politique visant à maintenir un quasi-équilibre entre l'offre et la demande, politique qu'elle a désignée comme la politique du «prix avant le tonnage». Selon la Commission, il ressort de la description de cette politique qu'elle constituait un élément essentiel de la coopération anticoncurrentielle au sein du GEP Carton, un consensus s'étant dégagé sur l'idée que le maintien d'un équilibre entre l'offre et la demande était essentiel pour assurer la stabilité des prix. De plus, les producteurs auraient accepté, en raison de la chute de la demande en 1990, des temps d'arrêt calculés sur la base des rapports annuels sur les capacités (points 24 et 25 de la déclaration).

46.
    Les déclarations de Stora relatives à la politique du «prix avant le tonnage» comprenant une régulation des volumes et la limitation des parts de marché seraient étayées par de nombreuses autres preuves, notamment par la note confidentielle du directeur des ventes de FS-Karton [annexe 73 à la communication des griefs, p. 3, sous 1) et p. 5, sous 5)].

47.
    La Commission se réfère également à la note manuscrite du même directeur (annexe 115 à la communication des griefs), dans laquelle seraient exprimées, en jours ou en semaines, les commandes en carnet de nombreux producteurs individuels, parfois même en relation avec des machines à carton déterminées. Ces informations auraient servi, avec les données relatives aux capacités, à déterminer l'utilisation des capacités et à prévoir, le cas échéant, des temps d'arrêt.

48.
    Les indications contenues dans la déclaration de Stora seraient aussi corroborées par une note intitulée «Highlights», relative à la réunion du COE du 3 octobre 1989 (annexe 70 à la communication des griefs).

49.
    Sur la base de ces considérations, la Commission conclut qu'il convient de considérer que la requérante a participé à des réunions du GEP Carton au cours desquelles la limitation des volumes de production, le maintien des parts de marché et l'application de temps d'arrêt ont fait l'objet de discussions.

50.
    Dans ces conditions, les arguments de la requérante exposés dans la seconde branche du moyen en ce qui concerne son comportement n'auraient aucune pertinence.

Appréciation du Tribunal

— Sur l'existence d'une concertation visant à geler les parts de marché et d'une concertation visant à contrôler l'offre

51.
    S'agissant de la première branche du moyen, il doit être rappelé que, aux termes de l'article 1er de la décision, les entreprises visées par cette disposition ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité en participant, durant la période de référence, à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté «se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles» et «ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées».

52.
    D'après la Commission, ces deux catégories de collusion, appréhendées dans la décision sous le titre «régulation des volumes», ont été initiées durant la période de référence par les participants aux réunions du PWG. En effet, il ressort du point 37, troisième alinéa, des considérants de la décision que la véritable tâche du PWG, telle que décrite par Stora, «consistait notamment dans 'la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les hausses de prix et les capacités‘».

53.
    Quant au rôle du PWG en ce qui concerne la collusion sur les parts de marché, la décision (point 37, cinquième alinéa, des considérants) relève: «En corrélation avec les mesures relatives aux augmentations de prix, le PWG a débattu de manière approfondie des parts du marché d'Europe occidentale détenues par les groupements nationaux et les groupes de fabricants individuels. Il en est résulté certains 'arrangements‘ entre les participants concernant leurs parts respectives du marché, l'objectif étant d'éviter que les initiatives concertées en matière de prix soient compromises par un excédent d'offre. En fait, les grands groupes de fabricants ont convenu de maintenir leur part du marché au niveau correspondant aux chiffres de vente et de production communiqués chaque année et publiés sous leur forme définitive par la Fides au mois de mars de l'année suivante. Les évolutions des parts du marché étaient analysées à chaque réunion du PWG sur la base des résultats mensuels de la Fides et, en cas de variations importantes, des explications étaient demandées à l'entreprise présumée responsable.»

54.
    Selon le point 52 des considérants, «l'accord conclu au sein du PWG en 1987 prévoyait le 'gel‘ au niveau existant des parts de marché détenues par les principaux producteurs en Europe occidentale, ainsi que l'absence de toute tentative d'acquérir de nouveaux clients ou d'améliorer leur position existante par une politique agressive en matière de prix».

55.
    Le point 56, premier alinéa, des considérants souligne: «L'accord de base conclu entre les principaux producteurs pour le maintien de leurs parts respectives de marché a continué d'être appliqué pendant toute la période couverte par la présente décision.» Selon le point 57, «'l'évolution des parts de marché‘ était examinée à chaque réunion du PWG sur la base des statistiques provisoires». Enfin, le point 56, dernier alinéa, souligne: «Les entreprises qui participaient aux discussions sur les parts du marché étaient les membres du PWG, à savoir: Cascades, Finnboard, KNP (jusqu'en 1988), [Mayr-Melnhof], MoDo, Sarrió, les deux producteurs du groupe Stora, CBC et Feldmühle, et (à partir de 1988) Weig.»

56.
    Il y a lieu de considérer que la Commission a correctement établi l'existence d'une collusion portant sur les parts de marché entre les participants aux réunions du PWG.

57.
    En effet, l'analyse de la Commission repose essentiellement sur les déclarations de Stora (annexes 39 et 43 à la communication des griefs) et se trouve confortée par l'annexe 73 à la communication des griefs.

58.
    Dans l'annexe 39 à la communication des griefs, Stora explique: «Le PWG s'est réuni à partir de 1986 afin de contribuer à réguler le marché. [...] Entre autres activités (légitimes), il avait pour objet la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix ainsi que les hausses de prix, la demande et les capacités. Son rôle consistait notamment à évaluer l'état précis de l'offre et de la demande sur le marché ainsi que les mesures à prendre pour le réguler, et à présenter cette évaluation à la President Conference.»

59.
    S'agissant plus spécifiquement de la collusion sur les parts de marché, Stora indique que «les parts acquises par les groupes nationaux de la Communauté européenne, de l'AELE et d'autres pays fournis par les membres du GEP Carton étaient examinées au sein du PWG» et que le PWG «discutait de la possibilité de maintenir les parts de marché à leur niveau de l'année précédente» (annexe 39 à la communication des griefs, point 19). Elle signale par ailleurs (même document, point 6) que des «discussions relatives aux parts de marché des fabricants en Europe ont également eu lieu au cours de cette période, la première période de référence étant les niveaux de 1987».

60.
    Dans sa réponse à une demande de la Commission du 23 décembre 1991 envoyée le 14 février 1992 (annexe 43 à la communication des griefs), Stora précise encore: «Les ententes sur les niveaux de part de marché conclues par les membres du PWG concernaient l'Europe dans son ensemble. Ces ententes étaient basées sur les chiffres annuels totaux de l'année antérieure, lesquels étaient habituellement disponibles de façon définitive dès le mois de mars de l'année suivante.» (Point 1.1.)

61.
    Cette affirmation est confirmée dans le même document en ces termes: «[...] les discussions débouchaient sur des ententes, conclues en règle générale en mars de

chaque année, entre les membres du PWG avec pour objectif le maintien de leurs parts de marché au niveau de l'année précédente.» (Point 1.4.) Stora révèle que «aucune mesure n'était prise pour assurer le respect des ententes» et que les participants aux réunions du PWG «étaient conscients que, s'ils prenaient des positions exceptionnelles sur certains marchés fournis par d'autres, ces derniers feraient la même chose sur d'autres marchés» (même point).

62.
    Enfin, elle déclare que Weig a pris part aux discussions relatives aux parts de marché (point 1.2).

63.
    Les affirmations de Stora concernant la collusion sur les parts de marché sont étayées par l'annexe 73 à la communication des griefs. Ce document trouvé chez FS-Karton est une note confidentielle datée du 28 décembre 1988 adressée par le directeur commercial responsable des ventes du groupe Mayr-Melnhof en Allemagne (M. Katzner) au directeur général de Mayr-Melnhof en Autriche (M. Gröller) et ayant pour objet la situation du marché.

64.
    Selon ce document, cité aux points 53 à 55 des considérants de la décision, la coopération plus étroite au sein du «cercle des présidents» («Präsidententkreis»), décidée en 1987, a fait des «gagnants» et des «perdants». L'auteur de la note classe Mayr-Melnhof dans la catégorie des perdants pour diverses raisons, notamment les suivantes:

«2)    Un accord n'a pu être conclu qu'en nous infligeant une 'sanction‘ — on a exigé de nous que nous fassions des 'sacrifices‘.

3)    Les parts de marché de 1987 devaient être 'gelées‘, les contacts existants devaient être maintenus et aucune activité ou qualité nouvelles ne devaient être conquises en pratiquant des prix promotionnels (le résultat sera visible en janvier 1989 — si toutes les parties prenantes sont loyales).»

65.
    Ces phrases doivent être lues dans le contexte plus général de la note.

66.
    A cet égard, l'auteur de celle-ci évoque, en guise d'introduction, la coopération plus étroite à l'échelle européenne au sein du «cercle des présidents». Cette expression a été interprétée par Mayr-Melnhof comme visant à la fois le PWG et la PC dans un contexte général, c'est-à-dire sans référence à un événement ou à une réunion particulière (annexe 75 à la communication des griefs, point 2.a), interprétation qu'il n'y a pas lieu de discuter dans le présent contexte.

67.
    L'auteur indique ensuite que cette coopération a conduit à la «discipline des prix», laquelle a fait des «gagnants» et des «perdants».

68.
    C'est donc dans le contexte de cette discipline décidée par le «cercle des présidents» qu'il y a lieu de comprendre l'expression se rapportant aux parts de marché devant être gelées aux niveaux de 1987.

69.
    En outre, le renvoi à 1987 comme année de référence est conforme à la deuxième déclaration de Stora (annexe 39 à la communication des griefs; voir point 58 ci-dessus).

70.
    Enfin, force est de constater que l'argumentation de la requérante n'est pas de nature à affaiblir la force probante des documents susmentionnés, puisqu'elle contient la simple affirmation selon laquelle les discussions menées entre les entreprises réunies au sein du PWG n'avaient qu'une portée générale. A la lumière de l'appréciation qui précède, cette reconnaissance est même de nature à étayer les affirmations de la Commission contenues dans la décision.

71.
    Quant au rôle joué par le PWG dans la collusion sur le contrôle de l'approvisionnement, que caractérisait l'examen des temps d'arrêt des machines, la décision énonce que le PWG a joué un rôle déterminant dans la mise en oeuvre des temps d'arrêt lorsque, à partir de 1990, la capacité de production s'est accrue et que la demande a décliné: «[...] au début de 1990, les principaux fabricants [...] ont jugé utile de se concerter dans le cadre du PWG sur la nécessité d'appliquer des temps d'arrêt. Les grands producteurs ont reconnu qu'ils ne pouvaient accroître la demande en réduisant les prix et que maintenir la production à pleine capacité ne ferait que faire baisser les prix. En théorie, les temps d'arrêt nécessaires pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande pouvaient être calculés sur la base des rapports concernant les capacités [...]» (Point 70 des considérants de la décision.)

72.
    La décision relève en outre: «Le PWG n'indiquait cependant pas formellement le temps d'arrêt à respecter par chaque producteur. Selon Stora, l'établissement d'un plan coordonné d'arrêt des machines couvrant tous les producteurs soulevait des difficultés d'ordre pratique. Stora indique que c'est la raison pour laquelle il n'existait qu''un système relâché d'encouragement‘.» (Point 71 des considérants de la décision.)

73.
    Il y a lieu de considérer que la Commission a suffisamment établi l'existence d'une collusion portant sur les temps d'arrêt de la production entre les participants auxréunions du PWG.

74.
    Les pièces qu'elle produit soutiennent son analyse.

75.
    Dans sa deuxième déclaration (annexe 39 à la communication des griefs, point 24), Stora explique: «Avec l'adoption, par le PWG, de la politique du prix avant le tonnage et la mise en oeuvre progressive d'un système de prix équivalents à partir de 1988, les membres du PWG ont reconnu qu'il était nécessaire de respecter des temps d'arrêt en vue de maintenir ces prix face à une croissance réduite de la

demande. Faute pour les fabricants d'appliquer des temps d'arrêt, il leur aurait été impossible de maintenir les niveaux de prix convenus face à une capacité excédentaire croissante.»

76.
    Au point suivant de sa déclaration, elle ajoute: «En 1988 et 1989, l'industrie pouvait fonctionner pratiquement à pleine capacité. Les temps d'arrêt autres que la fermeture normale pour les réparations et les vacances sont devenus nécessaires à partir de 1990. [...] Par la suite, il s'est avéré nécessaire de pratiquer des temps d'arrêt lorsque le flot de commandes s'arrêtait afin de maintenir la politique du prix avant le tonnage. Les temps d'arrêt à respecter par les producteurs (pour assurer le maintien de l'équilibre entre la production et la consommation) pouvaient être calculés sur la base des rapports concernant les capacités. Le PWG n'indiquait pas formellement le temps d'arrêt à respecter, bien qu'il existât un système relâché d'encouragement [...]»

77.
    Quant à l'annexe 73 à la communication des griefs, les raisons fournies par l'auteur pour expliquer qu'il considère Mayr-Melnhof comme «perdant» à l'époque de sa rédaction constituent des éléments de preuve importants de l'existence d'une collusion entre les participants aux réunions du PWG sur l'examen des temps d'arrêt.

78.
    En effet, l'auteur constate:

«4)    C'est sur ce point que la conception des parties intéressées quant à l'objectif poursuivi commence à diverger.

[...]

    c) Toutes les forces de vente et agents européens ont été libérés de leur budget en termes de volume et une politique de prix rigide, ne souffrant quasiment aucune exception, a été suivie (nos collaborateurs n'ont souvent pas compris notre changement d'attitude à l'égard du marché — auparavant, la seule exigence était celle du tonnage, alors que, désormais, seule compte la discipline en matière de prix avec le risque d'un arrêt des machines).»

79.
    Mayr-Melnhof soutient (annexe 75 à la communication des griefs) que le passage ci-dessus reproduit vise une situation interne à l'entreprise. Cependant, analysé à la lumière du contexte plus général de la note, cet extrait traduit la mise en oeuvre, au niveau des équipes commerciales, d'une politique rigoureuse arrêtée au sein du «cercle des présidents». Le document doit donc être interprété comme signifiant que les participants à l'accord de 1987, c'est-à-dire au moins les participants aux réunions du PWG, ont indéniablement mesuré les conséquences de la politique arrêtée, dans l'hypothèse où celle-ci serait appliquée avec rigueur.

80.
    Sur la base de ce qui précède, il doit être conclu que la Commission a prouvé à suffisance de droit l'existence d'une collusion sur les parts de marché entre les participants aux réunions du PWG ainsi que celle d'une collusion sur l'examen des temps d'arrêt entre ces mêmes entreprises. Dans la mesure où il n'est pas contesté que la requérante a participé aux réunions du PWG et où celle-ci est expressément mentionnée dans les déclarations de Stora, la Commission a tenu à bon droit la requérante pour responsable d'une participation à ces deux collusions, au moins à partir du moment où elle a commencé à participer aux réunions du PWG, soit à partir de 1988.

81.
    Les critiques de la requérante formulées à l'encontre des déclarations de Stora, qui visent à contester la valeur probante de ces pièces, ne sont pas de nature à affaiblir cette constatation.

82.
    En effet, il est constant que ces déclarations émanent de l'une des entreprises censées avoir participé à l'infraction alléguée et qu'elles comportent une description détaillée de la nature des discussions menées au sein des organes du GEP Carton, du but poursuivi par les entreprises regroupées au sein de celui-ci, ainsi que de la participation desdites entreprises aux réunions de ses différents organes. Or, dans la mesure où cet élément de preuve central est corroboré par d'autres pièces du dossier, il constitue le soutien pertinent des affirmations de la Commission.

83.
    Dès lors que la Commission a établi l'existence des deux collusions en cause, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres critiques formulées par la requérante à l'encontre des annexes 102 et 115 à la communication des griefs.

— Sur le comportement effectif de la requérante

84.
    La seconde branche du moyen, selon laquelle le comportement effectif de la requérante n'est pas conciliable avec les affirmations de la Commission relatives à l'existence des deux collusions contestées, ne saurait davantage être accueillie.

85.
    En premier lieu, l'existence de collusions entre les membres du PWG sur les deux aspects de la «politique du prix avant le tonnage» ne saurait être confondue avec la mise en oeuvre desdites collusions. En effet, les preuves fournies par la Commission ont une telle valeur probante que des renseignements relatifs au comportement effectif de la requérante sur le marché ne peuvent pas affecter les conclusions de la Commission relatives à l'existence même de collusions sur les deux aspects de la politique litigieuse. Tout au plus, les allégations de la requérante pourraient tendre à démontrer que son comportement n'a pas suivi celui convenu entre les entreprises réunies au sein du PWG.

86.
    En second lieu, les conclusions de la Commission ne sont pas contredites par les renseignements fournis par la requérante. Il doit être souligné que la Commission admet explicitement que la collusion sur les parts de marché n'impliquait «aucun mécanisme officiel de sanction ou de compensation [...] pour renforcer l'accord sur

les parts de marché» et que les parts de marché de certains grands producteurs ont faiblement augmenté d'année en année (voir, notamment, points 59 et 60 des considérants de la décision). De plus, la Commission convient que, l'industrie ayant tourné à pleine capacité jusqu'au début de 1990, pratiquement aucun temps d'arrêt n'a été nécessaire jusqu'à cette date (point 70 des considérants de la décision).

87.
    En troisième lieu, il est de jurisprudence constante que le fait qu'une entreprise ne se plie pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement anticoncurrentiel n'est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l'entente, dès lors qu'elle ne s'est pas distanciée publiquement du contenu des réunions (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141/89, Rec. p. II-791, point 85). A supposer même que le comportement sur le marché de la requérante n'ait pas été conforme au comportement convenu, cela n'affecte donc en rien sa responsabilité du chef d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

88.
    Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le moyen tiré d'une erreur commise par la Commission en ce qui concerne la durée de l'infraction

Arguments des parties

89.
    En premier lieu, la requérante conteste la date du début de l'infraction retenue à son égard, soit le milieu de l'année 1986. Elle n'aurait en fait commis aucune infraction avant février/mars 1988.

90.
    Elle rappelle que la Commission a estimé que la création du PWG et l'«intensification de la collusion» entre les producteurs sont les événements marquant le début de l'infraction (point 161 des considérants de la décision). Toutefois, la requérante ne serait pas en mesure de savoir si le PWG a été constitué dès 1986. A supposer même que tel soit le cas, la création de cet organe aurait été inconnue des membres du GEP Carton non représentés au sein de celui-là. En outre, l'allégation de la Commission relative à l'«intensification de la collusion» à partir du milieu de l'année 1986 ne serait étayée par aucune preuve documentaire.

91.
    La participation de la requérante aux réunions des organes du GEP Carton se serait limitée, jusqu'en février/mars 1988, à une participation aux réunions de la PC. Cette participation ne pourrait cependant pas justifier la thèse de la Commission selon laquelle la requérante a participé à la prétendue infraction dès juin 1986. En effet, la pratique selon laquelle le président du PWG faisait rapport des conclusions essentielles devant la PC n'aurait été instaurée qu'à la fin de l'année 1988/début 1989. En outre, la déclaration prétendument faite (voir point 41 des considérants de la décision) par un représentant de la requérante à une réunion Fides de 1986,

selon laquelle une augmentation de 9 % était «trop élevée pour le Royaume-Uni», de sorte que l'on tranchait à 7 %, ne pourrait pas avoir été faite lors d'une réunion de la PC. En effet, le représentant de la requérante à la réunion de la PC du 10 novembre 1986 ne se souviendrait pas avoir tenu de tels propos. A la rigueur, cette déclaration aurait été faite en marge d'une conférence.

92.
    La requérante n'aurait pas participé à une éventuelle concertation sur les prix avant la concertation sur l'augmentation de prix du printemps de 1988. En particulier, elle n'aurait pas, ce qui ne serait d'ailleurs pas contesté par la Commission, participé à l'augmentation des prix au Royaume-Uni en janvier 1987, augmentation considérée par la Commission comme le résultat d'une concertation entre les producteurs.

93.
    En second lieu, la requérante allègue qu'il ressort du point 164 des considérants de la décision que la Commission s'est fondée sur l'appréciation erronée selon laquelle l'infraction se serait poursuivie jusqu'en juin 1991. Toutefois, des discussions à objet anticoncurrentiel n'auraient pas eu lieu après les vérifications effectuées par la Commission au mois d'avril 1991.

94.
    La Commission fait valoir qu'elle a considéré à juste titre que l'infraction s'était étendue, en ce qui concerne la requérante, sur une période allant, au minimum, du milieu de l'année 1986 jusqu'au mois d'avril 1991.

95.
    Elle souligne que, dès février 1986, la requérante a fait partie du GEP Carton et a participé régulièrement aux réunions de la PC. La requérante aurait donc eu connaissance des ententes illégales des producteurs de carton relatives aux augmentations de prix communes et uniformes, car la PC aurait notamment eu pour fonction d'informer les directeurs généraux des décisions prises par le PWG et des instructions à transmettre à leurs départements des ventes en vue de mettre en oeuvre les initiatives en matière de prix. En règle générale, ces informations auraient été communiquées par le président de la PC, qui était également président du PWG.

96.
    La prétendue absence de participation de la requérante à l'initiative d'augmentation des prix au Royaume-Uni en 1987 n'aurait aucune pertinence. Le fait que la requérante ait continué à participer aux réunions de la PC suffirait, en effet, pour la classer parmi les membres de l'entente et pour lui imputer l'infraction, car elle aurait nécessairement tenu compte, pour planifier son propre comportement sur le marché, des augmentations de prix imminentes de ses concurrents dont elle était informée.

97.
    En ce qui concerne la fin de l'infraction, la Commission n'aurait jamais affirmé quela requérante a continué à participer à une infraction après le mois d'avril 1991.

Appréciation du Tribunal

98.
    Selon l'article 1er de la décision, la requérante a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité pendant la période allant du milieu de l'année 1986 jusqu'au mois d'avril 1991 au moins.

99.
    S'agissant du début de l'infraction, il est indiqué au point 161 des considérants de la décision que la plupart des entreprises destinataires de la décision ont participé à l'infraction à compter de juin 1986, moment auquel «le PWG a été créé et où la collusion entre les fabricants s'est intensifiée et a commencé à devenir plus efficace». Par ailleurs, le point 74, premier alinéa, des considérants précise que la première initiative concertée en matière de prix a eu lieu au Royaume-Uni à la fin de 1986 «alors que le nouveau mécanisme du GEP Carton était en cours d'établissement». La Commission considère qu'«il est ainsi clairement établi que, dès le second semestre de 1986, les fabricants de carton étaient à tout le moins impliqués dans une forme de collusion qui peut être qualifiée de pratique concertée [...]» (point 132, quatrième alinéa, des considérants).

100.
    La requérante admettant avoir participé à une concertation portant sur l'augmentation de prix de mars/avril 1988, il y a lieu de constater qu'elle a participé à une collusion sur les prix au moins à partir de cette date.

101.
    S'agissant de la période allant du milieu de l'année 1986 jusqu'à mars 1988, la création du PWG au milieu de l'année 1986 ne prouve pas, en soi, que la requérante a participé, à partir de cette date, à une infraction aux règles communautaires de la concurrence. La Commission n'invoque d'ailleurs aucun élément de preuve établissant que, au milieu de l'année 1986, la requérante avait connaissance de la création de cet organe ni, a fortiori, de l'objet anticoncurrentiel des réunions de celui-ci.

102.
    Il y a donc lieu d'examiner si le fait que la requérante a pris part à certaines réunions de la PC, soit celles du 29 mai 1986, du 10 novembre 1986 et du 4 décembre 1987 (tableau 3 annexé à la décision), démontre sa participation à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité avant le mois de mars 1988.

103.
    La requérante conteste la valeur probante de l'annexe 61 à la communication des griefs ainsi que l'affirmation de la Commission selon laquelle les participants aux réunions de la PC auraient été informés, avant la fin de 1988, des décisions adoptées par le PWG.

104.
    A propos de l'annexe 61 à la communication des griefs, note découverte chez l'agent commercial au Royaume-Uni de Mayr-Melnhof, la Commission estime qu'il s'agit d'une «note interne prise lors d'une 'President Conference‘, [corroborant] l'aveu de Stora selon lequel la 'President Conference‘ discutait en fait d'une

politique collusive de fixation des prix» (points 41, troisième alinéa, et 75, deuxième alinéa, des considérants de la décision).

105.
    Ce document, qui se réfère à une réunion tenue à Vienne les 12 et 13 décembre 1986, contient l'information suivante:

«Politique des prix au Royaume-Uni

Le représentant de Weig était présent à une récente réunion Fides au cours de laquelle il a déclaré qu'ils pensaient que 9 % était un pourcentage trop élevé pour le Royaume-Uni et qu'ils tranchaient à 7 %!! La déception est grande, car cela signifie un 'niveau de négociation‘ pour tout le monde. La politique des prix au Royaume-Uni sera confiée à RHU avec le soutien de [Mayr-Melnhof] même si cela entraîne une réduction temporaire du tonnage tandis que nous nous efforçons de maintenir l'objectif des 9 % (ce qui se verra). [Mayr-Melnhof/FS] poursuivent une politique de croissance au Royaume-Uni mais la baisse des profits est sérieuse et nous devons nous battre pour reprendre le contrôle sur les prix. [Mayr-Melnhof] ne conteste pas que le fait que l'on sache qu'ils aient augmenté leurs tonnes en Allemagne de 6 000 n'arrange rien!»

106.
    La réunion Fides à laquelle il est fait référence au début du passage cité est probablement, selon Mayr-Melnhof (réponse à une demande de renseignements, annexe 62 à la communication des griefs), la réunion de la PC du 10 novembre 1986.

107.
    Il y a lieu de constater que le document analysé atteste que le représentant de la requérante a réagi en donnant des indications sur sa future politique de prix au Royaume-Uni par rapport à un niveau initial d'augmentation des prix.

108.
    Il ne peut toutefois pas être considéré comme prouvant que la requérante a réagi par rapport à un niveau déterminé d'augmentation de prix convenu entre les entreprises réunies au sein du GEP Carton à une date antérieure au 10 novembre 1986.

109.
    En effet, la Commission ne se prévaut d'aucun autre élément de preuve en ce sens. De plus, la référence faite par la requérante à une augmentation de prix de «9 %» peut s'expliquer par l'annonce d'une augmentation de prix au Royaume-Uni de Thames Board Ltd le 5 novembre 1986 (annexe A-12-1). Cette annonce a été rendue publique dans un bref délai, ainsi que cela ressort d'une coupure de presse (annexe A-12-3). Enfin, la Commission n'a produit aucun autre document susceptible de constituer une preuve directe de ce que des discussions sur les augmentations de prix auraient eu lieu lors des réunions de la PC. Dans ces conditions, il ne peut être exclu que les propos de la requérante, tels que relatés dans l'annexe 61 à la communication des griefs, aient été tenus en marge de la réunion de la PC du 10 novembre 1986, ainsi que la requérante l'a itérativement soutenu lors de l'audience.

110.
    Il convient de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence constante, la notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. Les critères de coordination et de coopération permettant de définir cette notion doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307). Il s'ensuit que le fait qu'une entreprise déclare unilatéralement quels seront ses futurs prix sur le marché ne constitue pas une preuve suffisante de l'existence d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, à moins qu'il ne soit établi que cette déclaration s'inscrit dans le contexte d'une coopération entre entreprises.

111.
    Quant à la question de savoir si la déclaration du représentant de la requérante, dont il est fait état dans l'annexe 61 à la communication des griefs, s'est inscrite dans le cadre d'une coopération entre entreprises, il y a lieu d'examiner les autres éléments de preuve invoqués par la Commission au soutien de ses affirmations relatives à l'existence d'une concertation sur les prix au Royaume-Uni en janvier 1987.

112.
    A cet égard, le compte rendu d'une réunion du conseil d'administration de Feldmühle (UK) Ltd tenue le 7 novembre 1986 (annexe A-17-2), invoqué par la Commission dans la décision (point 74, troisième alinéa, des considérants) ne fait que confirmer que l'annonce d'une augmentation de prix d'environ 9 % par Thames Board Ltd était connue de cette filiale britannique de Feldmühle à une date antérieure au 10 novembre 1986: «TBM and the Fins have announced price increases of approximately 9 % to be effective from February 1987 and it would appear that most other mills will be looking for the same sort of increase» («TBM et les Finlandais ont annoncé des augmentations de prix d'environ 9 % applicables à partir du mois de février 1987, et il semble que la plupart des autres fabricants soient prêts à procéder à des hausses du même ordre.») (Annexe A-17-2 citée par la Commission au point 74 des considérants de la décision.)

113.
    S'agissant de l'annexe 44 à la communication des griefs, note manuscrite couvrant les pages du 15 au 17 janvier 1987 de l'agenda d'un employé de Feldmühle, la Commission considère qu'elle constitue «une preuve supplémentaire de la concertation» (point 75, troisième alinéa, des considérants de la décision).

114.
    Cependant, cette note n'a pas le caractère probant que lui attribue la défenderesse. La réunion dont elle constitue le compte rendu n'est pas identifiée, de sorte qu'il ne saurait être exclu qu'il se soit agi d'une réunion interne à l'entreprise Feldmühle. De plus, la note datant probablement de la mi-janvier 1987, elle ne prouve pas que

l'application de l'augmentation de prix, «y compris par TBM», ait résulté d'une concertation, cette indication pouvant n'être qu'une simple constatation.

115.
    Certaines indications contenues dans la note sont même de nature à contredire l'affirmation de la Commission selon laquelle ladite note confirmerait l'existence d'une collusion quant à la décision d'augmenter les prix au Royaume-Uni. En particulier, les remarques selon lesquelles le directeur de Feldmühle s'était déclaré «sceptique» à l'égard de Kopparfors et avait considéré Mayr-Melnhof comme «irresponsable» («ohne Verantwortung») ne peuvent pas être considérées comme étayant la thèse de la Commission. Il en est de même en ce qui concerne la mention: «Finnboard: Preisautonomie auch f. Tako» («Finnboard: autonomie de prix également pour Tako.»)

116.
    Par ailleurs, les données exposées dans le tableau A annexé à la décision — tableau contenant des renseignements relatifs à la prétendue initiative concertée d'augmentation des prix au Royaume-Uni en janvier 1987 — ne font apparaître ni des montants ni des dates d'annonce et de mise en oeuvre des augmentations de prix d'une uniformité telle que ces données puissent être considérées comme constitutives d'un indice probant de l'existence d'une collusion sur les prix. La Commission a au demeurant admis, lors de l'audience, qu'elle ne détient pas la preuve directe que la requérante ait augmenté ses prix sur le marché du Royaume-Uni au début de l'année 1987.

117.
    Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas établi que les entreprises se sont entendues pour augmenter les prix au Royaume-Uni en janvier 1987 ni, a fortiori, que la requérante a été impliquée dans des discussions ayant cet objet.

118.
    Enfin, il convient de rejeter l'allégation de la Commission selon laquelle la requérante a nécessairement eu connaissance des ententes illégales des producteurs de carton, au motif que la PC aurait eu notamment pour fonction d'informer les directeurs généraux des décisions prises par le PWG et des instructions à transmettre à leurs départements des ventes en vue de mettre en oeuvre les initiatives en matière de prix. En effet, sans qu'il soit nécessaire d'examiner s'il est prouvé que les participants aux réunions de la PC ont été informés des décisions adoptées par le PWG à partir du début de l'année 1988, il y a lieu de constater que la Commission n'a invoqué l'existence d'aucune information précise communiquée aux participants des réunions de la PC avant le début de l'année 1988 autre que celle relative à l'augmentation des prix au Royaume-Uni en janvier 1987. Il s'ensuit que la collusion sur les prix à laquelle la requérante admet avoir participé doit être considérée comme ayant débuté en mars 1988.

119.
    S'agissant du début de la collusion sur les parts de marché et de la collusion sur les temps d'arrêt, la Commission soutient dans la décision que «les documents trouvés par la Commission chez FS-Karton (membre du groupe M-M) confirment que, àla fin de 1987, un accord avait été conclu dans le cadre de la 'President Conference‘ et du PWG sur les questions liées de la régulation des volumes et de

la discipline des prix» (point 53, premier alinéa, des considérants). Elle se réfère, à cet égard, à l'annexe 73 à la communication des griefs (ci-dessus, point 63). L'auteur du document évoque, en guise d'introduction, la coopération plus étroite à l'échelle européenne au sein du «cercle des présidents» («Präsidentenkreis»), expression interprétée par Mayr-Melnhof comme visant à la fois le PWG et la PC dans un contexte général, c'est-à-dire sans référence à un événement ou à une réunion particulière (annexe 75 à la communication des griefs, point 2.a).

120.
    Certes, l'annexe 73 à la communication des griefs constitue une preuve corroborant les déclarations de Stora relatives à l'existence d'une collusion sur les parts de marché entre les entreprises admises au sein du «cercle des présidents», d'une part, et d'une collusion sur les temps d'arrêt entre ces mêmes entreprises, d'autre part (voir ci-dessus points 51 et suivants). Toutefois, aucun autre élément de preuve ne confirme l'affirmation de la Commission selon laquelle la PC a eu pour objet, notamment, de discuter de la collusion sur les parts de marché et de la régulation des volumes de production. Par conséquent, les termes «cercle des présidents» («Präsidentenkreis») employés dans l'annexe 73 à la communication des griefs ne sauraient, malgré les explications fournies par Mayr-Melnhof, être interprétés comme comportant une référence à des organes autres que le PWG.

121.
    Il s'ensuit que la participation de la requérante à une collusion sur les parts de marché et à une collusion sur les temps d'arrêt ne peut pas davantage être considérée comme prouvée avant mars 1988, date de sa première participation à une réunion du PWG (voir ci-après point 261).

122.
    S'agissant de la fin de l'infraction, il ressort de l'article 1er de la décision que la Commission a considéré que l'infraction à laquelle la requérante a participé a pris fin au mois d'avril 1991. Contrairement à ce qu'affirme la requérante, il ne ressort pas du point 164 des considérants de la décision que la Commission ait considéré que l'infraction s'est poursuivie jusqu'au mois de juin 1991.

123.
    Au vu des considérations qui précèdent, l'article 1er de la décision doit être annulé dans la mesure où il constate que la requérante a participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité avant le mois de mars 1988. Pour le surplus, le moyen doit être écarté.

Sur le moyen tiré de l'absence d'accords concernant les augmentations de prix

Arguments des parties

124.
    La requérante reconnaît que des concertations sur les augmentations de prix des différents producteurs ont existé au sein du GEP Carton, mais elle conteste que des accords aient été conclus à cet égard.

125.
    Les participants aux réunions du PWG se seraient mutuellement informés de la date prévue d'augmentation de leurs prix et du montant de cette augmentation. En général, les entreprises représentées au PWG auraient échangé mutuellement des informations sur les augmentations de prix qu'elles prévoyaient, mais les prix eux-mêmes n'y auraient pas été discutés en chiffres absolus.

126.
    Les participants aux réunions du JMC se seraient consultés en détail sur la date d'exécution d'une augmentation de prix spécifique et sur son ampleur et auraient déterminé l'ordre d'annonce des augmentations de prix.

127.
    Toutefois, si les entreprises se sont mutuellement communiqué les augmentations de prix prévues, celles-ci n'auraient pas été calculées de manière arbitraire ou fixées uniformément selon un plan commun. Les augmentations auraient en effet été décidées individuellement par chacune des entreprises en fonction des coûts et du marché, de sorte que la similarité éventuelle des montants des augmentations serait uniquement due aux données du marché et au fait que les entreprises avaient été touchées de la même façon par l'augmentation des coûts.

128.
    Par ailleurs, aucune mesure n'aurait été prévue pour contraindre les entreprises à appliquer des accords.

129.
    Enfin, la requérante soutient que les affirmations de la Commission sont uniquement fondées sur les déclarations de Stora. Or, ces déclarations n'auraient aucune valeur probante, notamment parce que cette entreprise aurait exagéré l'ampleur des infractions afin d'étayer son témoignage et en vue d'obtenir ultérieurement une réduction de l'amende.

130.
    La Commission fait valoir qu'il convient de considérer comme établi le fait que les entreprises représentées au sein du PWG se sont entendues sur des projets d'augmentations de prix en adoptant des décisions contraignantes relatives au calendrier, à l'ordre de l'annonce par chacune des entreprises et au montant des augmentations (voir points 72 et 73 des considérants de la décision). Les participants à l'entente auraient donc conclu des accords sur le comportement qu'ils souhaitaient adopter sur le marché. Dans ces circonstances, il y aurait lieu de conclure à l'existence d'un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission, T-13/89, Rec. p. II-1021, point 253). Cette conclusion serait notamment confirmée par la deuxième déclaration de Stora (annexe 39 à communication des griefs), déclaration qui ne serait cependant pas le seul élément de preuve invoqué par la Commission.

Appréciation du Tribunal

131.
    La requérante admet sa participation à une concertation sur les augmentations de prix envisagées. Il a par ailleurs été retenu que cette participation a commencé en mars 1988 (voir ci-dessus points 98 et suivants, en particulier point 118).

132.
    Selon la décision, les entreprises mentionnées à l'article 1er de celle-ci avaient fixé, «dans le cadre d'un accord, des augmentations régulières des prix à appliquer sur chaque marché national» (point 130, deuxième alinéa, troisième tiret, des considérants). La Commission précise que «les initiatives semestrielles en matière de prix [...] ne doivent pas être considérées comme un ensemble d'accords ou de pratiques concertées distincts, mais comme un seul et même accord continu» (point 131, deuxième alinéa, des considérants).

133.
    En l'espèce, il convient donc de vérifier si la concertation sur les prix à laquelle la requérante a participé à partir de mars 1988 a été correctement qualifiée d'accord par la Commission.

134.
    En vertu d'une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir, notamment, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 112, et du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 86, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 256). Dans ces conditions, il est sans pertinence d'examiner, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, si des mesures de sanction ont été prises afin de contraindre les entreprises à adopter le comportement convenu.

135.
    Il convient donc de vérifier si la Commission a prouvé que les entreprises destinataires de la décision avaient exprimé leur volonté commune d'adopter, en matière de prix, un comportement déterminé sur le marché.

136.
    Quant aux initiatives en matière de prix, Stora déclare notamment (annexe 39 à la communication des griefs, points 27, 28 et 30):

«[...] en 1987, la capacité et la consommation étaient quasiment en équilibre. Cette année-là, la capacité était supérieure de 5 % à la consommation. Cet écart (qui était de loin inférieur à ce que l'industrie elle-même avait réalisé jusqu'alors) a donné au PWG l'opportunité de trouver un accord sur des augmentations de prix à compter de 1987 avec la quasi-certitude que ces augmentations seraient mises en oeuvre avec succès. Lorsque cette opportunité s'est présentée, la préoccupation des fabricants était de récupérer les pertes subies au cours des années précédentes.

Le PWG a considéré qu'il convenait de mettre en oeuvre une première augmentation de 10 % en 1988. Cela représentait, par exemple, une augmentation de 50 FF pour 100 kilogrammes pour les qualités GC et de 35 FF pour 100 kilogrammes de qualités GD sur le marché français. Des augmentations similaires ont été mises en oeuvre dans d'autres pays. Par la suite, des augmentations ont été

acceptées à des taux similaires en termes absolus, ce qui réduisait donc la proportion d'augmentation.

[...]

Le PWG discutait et se mettait d'accord sur l'identité du fabricant qui annoncerait, en premier, chaque augmentation de prix et sur les dates auxquelles les autres fabricants principaux annonceraient leurs augmentations. Le schéma n'était pas le même à chaque fois.»

137.
    Elle ajoute (annexe 39 à la communication des griefs, points 13 et 14):

«[...] le JMC avait notamment pour objectif de procéder à une tarification comparée pour certains gros clients et d'élaborer les modalités de la mise en oeuvre pays par pays des décisions en matière de prix adoptées par le PWG tant pour les qualités GC que pour les qualités GD.

Le JMC discutait, marché par marché, de la mise en oeuvre détaillée des décisions en matière de prix adoptées par le PWG, et en faisait le compte rendu à ce dernier.»

138.
    Dès lors, selon Stora, les entreprises réunies au sein du PWG et du JMC exprimaient leur volonté commune de procéder à des augmentations de prix identiques et simultanées sur les différents marchés nationaux.

139.
    Les déclarations de Stora sont, sur ce point, étayées par plusieurs preuves documentaires invoquées par la Commission aux points 74 et suivants des considérants de la décision.

140.
    A cet égard, il suffit de se référer aux trois listes de prix mentionnées aux points 79, 80 et 83 des considérants de la décision. Les listes, obtenues par la Commission auprès de Rena (annexes 110 et 111 à la communication des griefs) et auprès de Finnboard (UK) Ltd, contiennent des indications, pour plusieurs types de carton et pour plusieurs pays communautaires, sur les dates et les montants précis des augmentations de prix mises en oeuvre par les entreprises en cause respectivement en avril 1989, en septembre/octobre 1989 et en avril 1990. Les indications contenues dans les trois listes de prix correspondent, quant aux montants des augmentations de prix et quant aux dates de leur mise en oeuvre, aux comportements effectifs constatés des entreprises concernées sur le marché (voir tableaux D, E et F annexés à la décision).

141.
    De plus, la Commission a obtenu auprès de Rena des notes manuscrites portant sur une réunion du JMC du 6 septembre 1990 (annexe 118 à la communication des griefs), qui contiennent notamment le passage suivant:

«Une augmentation de prix sera annoncée la semaine prochaine, en septembre.

France            40 FF

Pays-Bas            14

Allemagne            12 DM

Italie                80 LIT

Belgique            2,50 BFR

Suisse                9 FS

Royaume-Uni        40 UKL

Irlande            45 IRL

Toutes les qualités devraient faire l'objet de la même augmentation, GD, UD, GT, GC, etc.

Une seule augmentation de prix par an.

Pour les livraisons à partir du 7 janvier.

Au plus tard le 31 janvier.

Lettre du 14 septembre avec augmentation de prix (Mayr-Melnhof).

19 septembre, envoi par Feldmühle de sa lettre.

Cascades avant fin septembre.

Tous doivent avoir envoyé leur lettre avant le 8 octobre.»

142.
    La requérante ne conteste pas que les trois listes de prix susmentionnées se rapportent à une concertation en matière de prix ni que l'annexe 118 à la communication des griefs se rapporte à la réunion du JMC du 6 septembre 1990.

143.
    Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire d'examiner d'autres éléments de preuve, le Tribunal considère que la Commission a prouvé que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG et du JMC avaient exprimé leur volonté commune de procéder à des augmentations de prix uniformes et simultanées. La Commission était donc en droit de qualifier d'accord les concours de volontés intervenus entre la requérante et d'autres producteurs de carton sur les initiatives en matière de prix.

144.
    Il convient donc de rejeter le présent moyen.

Sur la demande d'annulation de l'article 2 de la décision

Arguments des parties

145.
    Ce moyen se compose de deux branches.

146.
    Dans une première branche, la requérante soutient que l'article 2 de la décision est formulé de manière trop vague et imprécise. Tout échange d'informations pourrait, en effet, être considéré comme tombant sous le coup de l'interdiction qu'il énonce. En particulier, il existerait toujours un risque que les informations échangées puissent être utilisées aux fins d'une coopération entre entreprises. De même,

l'interdiction visant les futurs échanges d'informations serait trop vague dans la mesure où elle interdit l'échange d'informations intéressant la concurrence, car tout échange d'informations intéresserait la concurrence.

147.
    Dans une seconde branche du moyen, la requérante soutient que la décision constitue le premier exemple d'une interdiction visant l'échange d'informations, sous une forme agrégée, sur les entrées de commandes et les commandes en carnet ainsi que sur le taux prévu d'utilisation des capacités de production, sans que le comportement de chaque entreprise soit décelable. Dans cette mesure, l'interdiction en cause serait contraire à la pratique antérieure de la Commission.

148.
    De plus, un système d'échange d'informations aussi précis que possible serait indispensable dans le secteur du carton, compte tenu de son utilité pour permettre aux entreprises d'opérer individuellement des choix économiques, notamment ceux concernant les investissements.

149.
    La Commission justifierait la large interdiction de l'échange d'informations par le fait que les statistiques seraient utilisées d'une manière contraire à l'article 85 du traité. Il conviendrait donc de conclure que, selon la Commission elle-même, ce ne sont pas les statistiques en tant que telles qui sont contraires au traité mais uniquement l'utilisation qui en est faite.

150.
    La Commission conteste, en ce qui concerne la première branche du moyen, que l'interdiction relative à l'échange d'informations à l'avenir soit imprécise. En effet, il suffirait que le dispositif et les motifs de la décision indiquent le comportement anticoncurrentiel auquel il convient de mettre fin (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73, 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 122 à 124). En l'espèce, l'article 2, premier alinéa, sous a), sous b) et sous c), de la décision contiendrait déjà une description détaillée de la nature de l'échange d'informations inadmissible. En outre, les constatations de fait relatives aux informations échangées auraient été exposées de manière détaillée aux points 61 à 68, 105 et 106 des considérants de la décision. De surcroît, la décision contiendrait une description précise des effets restrictifs que l'échange d'informations a produits sur les conditions de concurrence (points 134 et 166 des considérants). Dès lors, la portée de l'interdiction ressortirait clairement d'une lecture combinée de l'article 2 de la décision et des motifs de celle-ci.

151.
    Les deuxième et troisième alinéas de l'article 2 de la décision ne contiendraient que des explications relatives à la forme que pourrait prendre un échange d'informations admissible.

152.
    En ce qui concerne la seconde branche du moyen, la Commission soutient qu'elle a considéré à juste titre que l'échange de données globales relatives à la situation des entrées de commandes et des commandes en carnet ainsi qu'à l'utilisation prévue des capacités de production était illicite.

153.
    Elle souligne que l'interdiction énoncée à l'article 2 de la décision doit être comprise dans le contexte des constatations faites aux points 68 à 70 des considérants. L'interdiction d'échanger des informations agrégées ne concernerait que les informations sur les entrées de commandes, les commandes en carnet et l'utilisation des capacités. L'appréciation de l'échange de ce type d'informations devrait prendre en compte la structure du marché en cause, qui se caractérise par un degré élevé de concentration et une grande homogénéité des produits. En raison de l'ancienne coopération au sein du GEP Carton, les producteurs auraient une excellente connaissance de la structure et de la politique des différentes entreprises.

154.
    Sur des marchés concentrés, la réserve de concurrence résiderait principalement dans l'incertitude et le secret qui existent entre les principaux offrants. Or, l'échange, à intervalles rapprochés, d'informations sur les commandes en carnet et sur l'utilisation des capacités rendrait le marché si transparent que la réserve de la concurrence qui subsiste ne pourrait plus, en fin de compte, être mobilisée. En effet, sur la base de telles informations, les producteurs seraient en mesure de programmer des arrêts de production au niveau du secteur, afin de maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande, ce qui leur permettrait d'éviter des baisses de prix en cas de recul de la demande et, en cas de forte demande, d'imposer des augmentations de prix.

155.
    L'échange de telles informations supprimerait donc l'incertitude et le secret entre offrants, ce qui encouragerait un comportement commun de l'ensemble du secteur, d'autant plus que de telles statistiques auraient effectivement été utilisées pour coordonner le comportement commercial au niveau du secteur. La restriction de la concurrence résulterait déjà de l'échange, à intervalles rapprochés, de données globalisées sur les carnets de commandes et sur l'utilisation des capacités. Dès lors, la Commission aurait considéré à juste titre que l'échange des informations en question, même agrégées, était contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

Appréciation du Tribunal

156.
    Il y a lieu de rappeler que l'article 2 de la décision dispose:

«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:

a)    par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants;

b)    par lequel, même si aucune information individuelle n'est communiquée, une réaction commune du secteur dans le domaine des prix ou un contrôle de la production seraient promus, facilités ou encouragés

    ou

c)    qui permettrait aux entreprises concernées de suivre l'exécution ou le respect de tout accord exprès ou tacite sur les prix ou le partage des marchés dans la Communauté.

Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure non seulement toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés, mais aussi toutes données relatives à l'état des entrées de commandes et des commandes en carnet, au taux prévu d'utilisation des capacités de production (dans les deux cas, même si elles sont agrégées) ou à la capacité de production de chaque machine.

Tout système d'échange de ce type sera limité à la collecte et à la diffusion, sous une forme agrégée, de statistiques sur la production et les ventes qui ne puissent être utilisées pour promouvoir ou faciliter un comportement commun du secteur.

Les entreprises s'abstiendront également de tout échange d'informations intéressant la concurrence autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion ou contact en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction possible ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.

Un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision est accordé pour procéder aux modifications nécessaires de tout système éventuel d'échange d'informations.»

157.
    Ainsi que cela ressort du point 165 des considérants, l'article 2 de la décision a été adopté en application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17. En vertu de cette disposition, la Commission, lorsqu'elle constate une infraction, notamment, aux dispositions de l'article 85 du traité, peut obliger par voie de décision les entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée.

158.
    Il est de jurisprudence constante que l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations, dont l'illégalité a été constatée (arrêts de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223, point 45, et du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743, point 90), mais aussi celle d'adopter un comportement futur similaire (arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 220).

159.
    De plus, dans la mesure où l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 doit se faire en fonction de l'infraction constatée, la Commission a le pouvoir de préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin qu'il soit mis fin à ladite infraction. De telles obligations pesant sur les entreprises ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard des règles qui ont été méconnues (arrêt RTE et ITP/Commission, précité, point 93; dans le même sens, voir arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Langnese-Iglo/Commission, T-7/93, Rec. p. II-1533, point 209, et Schöller/Commission, T-9/93, Rec. p. II-1611, point 163).

160.
    En l'espèce, afin de vérifier si, comme le prétend la requérante, l'injonction contenue à l'article 2 de la décision a une portée trop large, il convient d'examiner l'étendue des diverses interdictions qu'il impose aux entreprises.

161.
    Quant à l'interdiction édictée à l'article 2, premier alinéa, deuxième phrase, consistant pour les entreprises à s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou analogue à ceux des infractions constatées à l'article 1er de la décision, elle vise uniquement à ce que lesentreprises soient empêchées de répéter les comportements dont l'illégalité a été constatée. Par conséquent, la Commission, en adoptant une telle interdiction, n'a pas outrepassé les pouvoirs que lui confère l'article 3 du règlement n° 17.

162.
    Quant à l'article 2, premier alinéa, sous a), sous b) et sous c), ses dispositions visent plus spécifiquement des interdictions de futurs échanges d'informations commerciales.

163.
    L'injonction contenue dans l'article 2, premier alinéa, sous a), qui interdit à l'avenir tout échange d'informations commerciales permettant aux participants d'obtenir directement ou indirectement des informations individuelles sur des entreprises concurrentes, suppose que l'illégalité d'un échange d'informations d'une telle nature au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité ait été constatée par la Commission dans la décision.

164.
    A cet égard, il y a lieu de constater que l'article 1er de la décision n'énonce pas que l'échange d'informations commerciales individuelles constitue en soi une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

165.
    Il dispose de manière plus générale que les entreprises ont enfreint cet article du traité en participant à un accord et une pratique concertée en vertu desquels les entreprises ont, notamment, «échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus».

166.
    Cependant, le dispositif de la décision devant être interprété à la lumière de ses motifs (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 122), il convient de relever que le point 134, deuxième alinéa, des considérants de la décision indique:

«L'échange par les fabricants, lors de réunions du GEP Carton (essentiellement celles du JMC), d'informations commerciales individuelles normalement confidentielles et sensibles sur les commandes en carnet, les arrêts de machines et les rythmes de production était à l'évidence contraire aux règles de concurrence, puisqu'il avait pour but de rendre les conditions aussi propices que possible à la mise en oeuvre des augmentations de prix.[...]»

167.
    Dès lors, la Commission ayant dûment considéré dans la décision que l'échange d'informations commerciales individuelles constituait, en soi, une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'interdiction future d'un tel échange d'informations satisfait aux conditions requises pour l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.

168.
    S'agissant des interdictions relatives aux échanges d'informations commerciales visés à l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la décision, elles doivent être examinées à la lumière des deuxième, troisième et quatrième alinéas de ce même article, qui en étayent le contenu. C'est en effet dans ce contexte qu'il convient de déterminer si, et dans l'affirmative, dans quelle mesure la Commission a considéré comme illégaux les échanges en cause, dès lors que l'étendue des obligations pesant sur les entreprises doit être limitée à ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité de leurs comportements au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

169.
    La décision doit être interprétée en ce sens que la Commission a considéré le système Fides comme contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, en tant que support de l'entente constatée (point 134, troisième alinéa, des considérants de la décision). Une telle interprétation est corroborée par le libellé de l'article 1er de la décision, duquel il ressort que les informations commerciales ont été échangées entre les entreprises «afin de soutenir les mesures» considérées comme contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

170.
    C'est à la lumière de cette interprétation par la Commission de la compatibilité, en l'espèce, du système Fides avec l'article 85 du traité que doit être appréciée l'étendue des interdictions futures contenues à l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la décision.

171.
    A cet égard, d'une part, les interdictions en cause ne sont pas limitées aux échanges d'informations commerciales individuelles mais concernent aussi ceux de certaines données statistiques agrégées [article 2, premier alinéa, sous b), et deuxième alinéa, de la décision]. D'autre part, l'article 2, premier alinéa, sous b) et sous c), de la décision interdit l'échange de certaines informations statistiques afin de prévenir la constitution d'un possible support de comportements anticoncurrentiels potentiels.

172.
    Une telle interdiction, en ce qu'elle vise à empêcher l'échange d'informations purement statistiques n'ayant pas le caractère d'informations individuelles ou individualisables, au motif que les informations échangées pourraient être utilisées à des fins anticoncurrentielles, excède ce qui est nécessaire pour rétablir la légalité des comportements constatés. En effet, d'une part, il ne ressort pas de la décision que la Commission ait considéré l'échange de données statistiques comme étant en soi une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. D'autre part, le seul fait qu'un système d'échange d'informations statistiques puisse être utilisé à des fins anticoncurrentielles ne le rend pas contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, puisqu'il convient, dans de telles circonstances, d'en constater in concreto les effets anticoncurrentiels.

173.
    En conséquence, l'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision doit être annulé, sauf en ce qui concerne les passages suivants:

«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:

a)    par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants.

Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés.»

Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité concernant le calcul des amendes

Arguments des parties

174.
    La requérante fait valoir que la décision est insuffisamment motivée en ce que les entreprises destinataires n'ont pas été en mesure de vérifier, d'une part, si l'amende qui leur était infligée était justifiée quant à son montant et, d'autre part, si l'amende présentait un rapport équitable avec les amendes infligées aux autres entreprises. Les décisions de la Commission devraient en effet comporter une motivation suffisante à l'égard de chaque destinataire (arrêt du Tribunal du 28 avril 1994, AWS Benelux/Commission, T-38/92, Rec. p. II-211).

175.
    Cette exigence ne serait pas satisfaite en l'espèce. En particulier, la motivation ne serait pas aussi détaillée et précise que celle de la décision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.149 — Polypropylène) (JO L 230, p. 1, ci-après «décision Polypropylène»), la présente décision ne mentionnant que les critères abstraits appliqués par la Commission afin de calculer l'amende infligée à chaque entreprise. De plus, la Commission n'aurait pas précisé, à l'égard de chaque entreprise, lesquels de ces critères avaient été pris pour base ni l'importance qu'elle leur avait respectivement attribuée pour le calcul de l'amende.

176.
    Lors d'une conférence de presse tenue le 13 juillet 1994, le membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence aurait donné des indications relatives au calcul des amendes bien plus précises que celles contenues dans la décision. Les entreprises seraient donc dans l'impossibilité de déterminer si les motifs réels sont ceux fournis devant la presse ou ceux figurant dans la décision.

177.
    La requérante souligne qu'elle est désignée, dans la décision (point 170 des considérants) comme l'un des «chefs de file» de l'entente, alors que le membre responsable de la Commission aurait indiqué que le taux de base de 9 % n'avait été choisi que pour les meneurs de jeu. Dans ces conditions, elle ne pourrait pas savoir si l'amende qui lui a été infligée correspond à 9 % du chiffre d'affaires de référence retenu. De même, en ce qui concerne la réduction d'un tiers du montant de l'amende, la requérante ne saurait pas si elle en a bénéficié, comme la déclaration du membre responsable de la Commission le laisserait croire. Enfin, selon la déclaration faite devant la presse, la Commission aurait tenu compte de la durée de l'infraction de chaque entreprise, ce qui ne ressort pas de la décision en ce qui concerne la requérante.

178.
    En outre, le fait que la requérante soit désignée, d'une part, comme l'un des «chefs de file» de l'entente et, d'autre part, comme une entreprise n'ayant pas joué «un rôle important dans la détermination de la politique de l'entente, contrairement aux grands groupes industriels» (point 170 des considérants), l'empêcherait de savoir à quel titre l'amende lui a été infligée.

179.
    En raison de ces contradictions, la requérante ne serait par ailleurs pas en mesure de se défendre de manière adéquate.

180.
    La Commission soutient avoir suffisamment individualisé les critères qu'elle a appliqués lors du calcul de l'amende. Les considérations prises en compte pour déterminer le niveau général des amendes et les critères appliqués pour fixer le montant de l'amende infligée à chacune des entreprises seraient indiqués, respectivement, aux points 168 et 169 des considérants de la décision. Ces critères seraient tout aussi détaillés et précis que ceux retenus dans la décision Polypropylène, laquelle a été considérée comme suffisamment motivée (arrêt ICI/Commission, précité, points 353 et 354).

181.
    La décision permettrait de comprendre comment la Commission a appliqué les critères exposés au point 169 des considérants lors de la fixation de l'amende infligée à la requérante. En effet, il faudrait apprécier la justification du montant de l'amende à la lumière de l'ensemble des motifs de la décision (arrêt ICI/Commission, précité, point 355). La décision contiendrait des indications sur le rôle joué par la requérante au sein de l'entente (point 170 des considérants), sur la durée de sa participation à l'entente (point 43 des considérants et tableau 3 de la décision) et sur la façon dont a été prise en considération sa coopération durant la procédure (point 172 des considérants). Il ressortirait enfin du point 8 des considérants que la Commission a tenu compte de la position de la requérante dans le secteur, à savoir celle d'un producteur important mais d'assez petite taille.

Appréciation du Tribunal

182.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisantepour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

183.
    Pour ce qui est d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54).

184.
    De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59).

185.
    Dans la décision, les critères pris en compte pour déterminer le niveau général des amendes et le montant des amendes individuelles figurent, respectivement, aux points 168 et 169 des considérants. En outre, pour ce qui est des amendes individuelles, la Commission explique au point 170 des considérants que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées comme des «chefs de file» de l'entente, alors que les autres entreprises ont été

considérées comme des «membres ordinaires» de celle-ci. A cet égard, la requérante n'est pas mentionnée parmi les entreprises considérées comme les «chefs de file» de l'entente et il est précisé au point 170, troisième alinéa, des considérants que «bien qu'[elle] ait été membre du PWG depuis 1988, elle ne semble pas avoir joué un rôle important dans la détermination de la politique de l'entente, contrairement aux grands groupes industriels». Enfin, aux points 171 et 172 des considérants, la Commission indique que les montants des amendes infligées à Rena et à Stora doivent être considérablement réduits pour tenir compte de leur coopération active avec la Commission et que huit autres entreprises, dont la requérante, peuvent également bénéficier d'une réduction dans une proportion moindre, du fait qu'elles n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des griefs, nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs.

186.
    Dans ses écritures devant le Tribunal ainsi que dans sa réponse à une question écrite de celui-ci, la Commission a expliqué que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990. Des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % de ce chiffre d'affaires individuel ont ainsi été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les «chefs de file» de l'entente et aux autres entreprises. Dans le cas de la requérante, la Commission a expliqué avoir appliqué un taux de 8 % du chiffre d'affaires individuel, car, bien que l'entreprise ait été «membre du PWG», le rôle qu'elle a joué semble ne pas avoir été aussi important que celui des autres entreprises participant aux réunions de cet organe. Enfin, la Commission a tenu compte de l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours de la procédure devant elle. Deux entreprises ont bénéficié à ce titre d'une réduction des deux tiers du montant de leurs amendes, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une réduction d'un tiers.

187.
    Il ressort, par ailleurs, d'un tableau fourni par la Commission et contenant des indications quant à la fixation du montant de chacune des amendes individuelles que, si celles-ci n'ont pas été déterminées en appliquant de manière strictement mathématique les seules données chiffrées susmentionnées, lesdites données ont cependant été systématiquement prises en compte aux fins du calcul des amendes.

188.
    Or, la décision ne précise pas que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire du carton en 1990. De plus, les taux de base appliqués de 9 et de 7,5 % pour calculer les amendes infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme des «chefs de file» et à celles considérées comme des «membres ordinaires» ne figurent pas dans la décision. N'y figurent pas davantage les taux des réductions accordées à Rena et à Stora, d'une part, et à huit autres entreprises, d'autre part.

189.
    En l'espèce, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard

de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 264). A cet égard, la décision contient une motivation spécifique concernant l'appréciation de la gravité de l'infraction commise par la requérante (point 170, troisième alinéa, des considérants), qui permet de comprendre la raison pour laquelle elle a fait l'objet d'un traitement différent tant par rapport aux «chefs de file» de l'entente que par rapport aux «membres ordinaires» de celle-ci.

190.
    De même, le point 168 des considérants, qui doit être lu à la lumière des considérations générales sur les amendes figurant au point 167 des considérants, contient une indication suffisante des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer le niveau général des amendes.

191.
    En second lieu, lorsque le montant de chaque amende est, comme en l'espèce, déterminé sur la base de la prise en compte systématique de certaines données précises, l'indication, dans la décision, de chacun de ces facteurs permettrait aux entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères généraux appliqués. En l'espèce, l'indication dans la décision des facteurs en cause, soit le chiffre d'affaires de référence, l'année de référence, les taux de base retenus et les taux de réduction du montant des amendes, n'aurait comporté aucune divulgation implicite du chiffre d'affaires précis des entreprises destinataires de la décision, divulgation qui aurait pu constituer une violation de l'article 214 du traité. En effet, le montant final de chaque amende individuelle ne résulte pas, comme la Commission l'a elle-même souligné, d'une application strictement mathématique desdits facteurs.

192.
    La Commission a d'ailleurs reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait empêchée d'indiquer, dans la décision, les facteurs qui avaient été pris systématiquement en compte et qui avaient été divulgués pendant la conférence de presse du 13 juillet 1994, tenue le jour même de l'adoption de cette décision. A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et que des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances particulières, être prises en compte (voir arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 131, et, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 136).

193.
    Malgré ces constatations, il doit être relevé que la motivation relative à la fixation du montant des amendes contenue aux points 167 à 172 des considérants de la

décision est, au moins, aussi détaillée que celles contenues dans les décisions antérieures de la Commission portant sur des infractions similaires. Or, bien que le moyen tiré d'un vice de motivation soit d'ordre public, aucune critique n'avait, au moment de l'adoption de la décision, été soulevée par le juge communautaire quant à la pratique suivie par la Commission en matière de motivation des amendes infligées. Ce n'est que dans l'arrêt du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission (T-148/89, Rec. p. II-1063, point 142), et dans deux autres arrêts rendus le même jour, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147/89, Rec. p. II-1057, publication sommaire), et Société des treillis et panneaux soudés/Commission (T-151/89, Rec. p. II-1191, publication sommaire), que le Tribunal a, pour la première fois, souligné qu'il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission.

194.
    Il s'ensuit que lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de la concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.

195.
    Dans les circonstances particulières relevées au point 193 ci-dessus, et compte tenu du fait que la Commission s'est montrée disposée à fournir, lors de la procédure contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes, l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes ne doit pas, en l'espèce, être considérée comme constitutive d'une violation de l'obligation de motivation justifiant l'annulation totale ou partielle des amendes infligées. Enfin, la requérante n'a pas démontré qu'elle aurait été empêchée de faire utilement valoir ses droits de la défense.

196.
    Par conséquent, le présent moyen ne saurait être retenu.

Sur le moyen tiré de l'absence de conséquences économiques des infractions

Arguments des parties

197.
    Selon la requérante, les effets économiques d'une infraction doivent être pris en compte lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction et dans le calcul du montant des amendes (arrêt ICI/Commission, précité, point 359). Or, en l'espèce, les concertations en matière de prix n'auraient eu aucun effet, ou auraient eu tout au plus un effet restreint sur le marché.

198.
    Cela serait démontré, en premier lieu, par le rapport établi par London Economics, aux fins de la procédure devant la Commission, pour le compte de plusieurs entreprises destinataires de celle-ci, dont la requérante (ci-après «rapport LE»).

199.
    Le rapport LE conclurait a) que les modifications de prix dans le secteur du carton au cours de la période en question s'expliquent par des fluctuations des coûts unitaires et de la demande, b) que les recherches effectuées auprès d'un nombre représentatif de clients ne permettent pas d'établir une modification du comportement en matière de prix après 1986, c) qu'il n'existe qu'une corrélation très vague entre les augmentations de prix annoncées et les prix effectivement payés par les clients, et d) que les bénéfices réalisés par le secteur au cours de la période en cause n'ont pas permis, à long terme, de couvrir de manière adéquateles coûts d'investissement.

200.
    Dans la décision, la Commission n'aurait même pas essayé de réfuter les conclusions du rapport LE selon lesquelles les prix sur le marché du carton ont suivi une évolution qui, au cours de la période concernée, n'aurait pas été différente en l'absence de toute concertation sur les augmentations de prix. Il faudrait donc conclure qu'il n'y a eu aucun lien de causalité entre les concertations sur les initiatives d'augmentation de prix et l'évolution effective des prix de transaction.

201.
    En second lieu, l'absence d'effets économiques des concertations en matière de prix serait démontrée par le fait que la requérante n'aurait pu appliquer sur le marché qu'une très faible partie des augmentations de prix qu'elle avait annoncées. Sur ce point, la requérante établit une comparaison entre l'évolution des prix de transaction nets avant les augmentations et celle des prix annoncés. Le pourcentage moyen de réussite des initiatives d'augmentation des prix se serait élevé pour la requérante à 38,8 % en Allemagne et à 36 % en France.

202.
    La requérante se réfère, en outre, à un schéma dans lequel elle expose, d'une part, l'évolution de ses prix dans la Communauté pour la qualité de carton GD2 de 1986 à 1994 et, d'autre part, l'évolution de l'indice des prix au cours de la même période. Il en ressortirait que le niveau des prix du premier trimestre de 1986 n'a plus jamais été atteint, les prix ayant continuellement baissé jusqu'à la fin de 1987 et n'ayant pu être consolidés en 1988 qu'à un niveau bas. Si les prix ont recommencé à augmenter durablement en 1989-1990, cette circonstance ne serait que la conséquence de l'évolution économique générale (la réunification allemande), les prix ayant commencé à chuter de nouveau avec le début de la récession en 1991.

203.
    La requérante conclut que l'évolution des prix de transaction par rapport à celle des prix annoncés démontre que les prix annoncés ne jouent qu'un rôle restreint dans l'établissement des prix à l'égard des différents clients et qu'aucun préjudice économique n'a résulté des pratiques en cause ou, au moins, que le préjudice économique éventuel est nettement inférieur à ce qu'affirme la Commission.

204.
    La Commission relève que l'entente a incontestablement produit des effets sur le marché, car les augmentations convenues auraient servi de base à la négociation des prix avec les clients.

205.
    En outre, les augmentations de prix concertées auraient produit un effet supplémentaire sur le marché, car l'évolution des prix facturés aux clients concorderait avec les prix convenus entre les producteurs. Le rapport LE ne démontrerait aucunement que les accords illicites n'ont eu aucun effet sur le niveau des prix, ce qui aurait été confirmé par l'auteur du rapport au cours de l'audition devant la Commission (procès-verbal, p. 28). Au demeurant, il serait constant que les augmentations de prix convenues ont été imposées, au moins partiellement, aux clients. De plus, le rapport LE aurait mis en évidence qu'il existait, pour les années 1988 et 1989, une relation linéaire entre les prix annoncés et les prix réels, étant donné que les augmentations nettes de prix correspondaient aux prix annoncés. Avec un certain retard, l'évolution des prix facturés aux clients aurait donc suivi celle des augmentations de prix convenues, ce qui a même été admis par l'auteur du rapport LE (procès-verbal de l'audition, p. 21 et 28).

206.
    La Commission rappelle que l'auteur du rapport LE a expliqué lors de l'audition (procès-verbal, p. 31) qu'une baisse de la demande ou une augmentation lente de celle-ci peut souvent entraîner — dans un secteur comme celui du carton, caractérisé par une demande dépourvue d'élasticité et des coûts de financement élevés — une guerre des prix destructrice. Toutefois, en l'espèce, on ne serait même pas arrivé à la concurrence habituelle et saine en matière de prix, malgré une faible augmentation de la consommation totale dans la Communauté au cours de la période en cause. Les augmentations de prix n'auraient pas reposé sur des décisions individuelles des entreprises, mais sur des accords conclus à cet effet par les producteurs. Par conséquent, et en dépit de l'éventuelle hausse des coûts, il faudrait considérer que les prix n'auraient pas évolué de la même façon en l'absence d'initiatives en matière de prix.

207.
    Les producteurs auraient dû faire des concessions, notamment aux gros clients, lors des négociations individuelles sur les prix, mais ce phénomène aurait été dûment pris en compte par la Commission (points 102 et 115 des considérants de la décision). En réalité, les concessions accordées ne changeraient rien au fait qu'elles l'avaient été sur la base de prix déjà augmentés.

208.
    Pour ce qui est des données relatives à l'évolution des prix de la requérante en Allemagne et en France, invoquées par cette entreprise, elles ne contrediraient pas les constatations de la Commission.

209.
    Ces constatations ne seraient pas davantage contredites par le schéma montrant l'évolution des prix du carton de la requérante dans la Communauté par rapport à l'évolution de l'indice des prix. En effet, il ressortirait de ce schéma que les prix pratiqués par la requérante avaient constamment augmenté entre 1988 et 1991, à l'exception d'un bref recul à la fin de 1989/début 1990, et que les prix pratiqués par Weig avaient augmenté de plus de 20 % au cours de cette période.

210.
    La Commission conclut qu'elle a apprécié de manière pertinente les effets de l'entente. En constatant que l'entente avait largement réussi à atteindre ses

objectifs (point 168 des considérants de la décision), elle aurait fait référence non seulement aux augmentations de prix réelles, mais aussi à d'autres éléments de l'entente (voir, notamment, points 136 et 137 des considérants). Son appréciation serait par ailleurs conforme à celle portée par les membres de l'entente eux-mêmes, qui ont considéré la plupart des initiatives en matière de prix comme une réussite.

Appréciation du Tribunal

211.
    Selon le point 168, septième tiret, des considérants de la décision, la Commission a déterminé le montant général des amendes en prenant notamment en considération le fait que l'entente a «largement réussi à atteindre ses objectifs». Il est constant qu'une telle considération se réfère aux effets sur le marché de l'infraction constatée à l'article 1er de la décision.

212.
    Aux fins du contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur les effets de l'infraction, le Tribunal estime qu'il suffit d'examiner celle portée sur les effets de la collusion sur les prix, seuls effets contestés par la requérante. En effet, il ressort de la décision que la constatation relative à la large réussite des objectifs est essentiellement fondée sur les effets de la collusion sur les prix (voir points 100 à 102, 115, et 135 à 137 des considérants de la décision).

213.
    S'agissant de la collusion sur les prix, la Commission en a apprécié les effets généraux. Dès lors, à supposer même que les données individuelles fournies par la requérante démontrent, comme elle l'affirme, que la collusion sur les prix n'a eu pour elle que des effets moins importants que ceux constatés sur le marché européen du carton, pris globalement, de telles données individuelles ne sauraient suffire en soi pour mettre en cause l'appréciation de la Commission.

214.
    Il ressort de la décision, ainsi que la Commission l'a confirmé lors de l'audience, qu'une distinction a été établie entre trois types d'effets. De plus, la Commission s'est fondée sur le fait que les initiatives en matière de prix ont été globalement considérées comme une réussite par les producteurs eux-mêmes.

215.
    Le premier type d'effets pris en compte par la Commission, et non contesté par la requérante, consiste dans le fait que les augmentations de prix convenues ont été effectivement annoncées aux clients. Les nouveaux prix ont ainsi servi de référence en cas de négociations individuelles des prix de transaction avec les clients (voir, notamment, points 100 et 101, cinquième et sixième alinéas, des considérants de la décision).

216.
    Le deuxième type d'effets consiste dans le fait que l'évolution des prix de transaction a suivi celle des prix annoncés. A cet égard, la Commission soutient que «les producteurs ne se contentaient pas d'annoncer les augmentations de prix convenues mais, à quelques exceptions près, [qu']ils prenaient également des

mesures concrètes pour faire en sorte qu'elles soient effectivement imposées aux clients» (point 101, premier alinéa, des considérants de la décision). Elle admet que les clients ont parfois obtenu des concessions sur la date d'entrée en vigueur des augmentations ou des rabais ou réductions individuelles, notamment en cas de grosse commande, et que «l'augmentation nette perçue en moyenne après déduction des réductions, rabais et autres concessions était donc toujours inférieure au montant total de l'augmentation annoncée» (point 102, dernier alinéa, des considérants). Cependant, se référant à des graphiques contenus dans le rapport LE, elle affirme qu'il existait, au cours de la période visée par la décision, une «étroite relation linéaire» entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction exprimés en monnaies nationales ou convertis en écus. Elle en conclut: «Les augmentations nettes des prix obtenues suivaient étroitement les augmentations annoncées, fût-ce avec un certain retard. L'auteur du rapport a lui-même reconnu pendant l'audition qu'il en a été ainsi en 1988 et 1989.» (Point 115, deuxième alinéa, des considérants.)

217.
    Il doit être admis que, dans l'appréciation de ce deuxième type d'effets, la Commission a pu à bon droit considérer que l'existence d'une relation linéaire entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction constituait la preuve d'un effet produit sur ces derniers par les initiatives en matière de prix, conformément à l'objectif poursuivi par les producteurs. En fait, il est constant que, sur le marché en cause, la pratique de négociations individuelles avec les clients implique que les prix de transaction ne sont, en général, pas identiques aux prix annoncés. Il ne saurait donc être escompté que les augmentations des prix de transaction soient identiques aux augmentations de prix annoncées.

218.
    En ce qui concerne l'existence même d'une corrélation entre les augmentations de prix annoncées et celles des prix de transaction, la Commission s'est référée à juste titre au rapport LE, celui-ci constituant une analyse de l'évolution des prix du carton pendant la période visée par la décision, fondée sur des données fournies par plusieurs producteurs.

219.
    Toutefois, ce rapport ne confirme que partiellement, dans le temps, l'existence d'une «étroite relation linéaire». En effet, l'examen de la période de 1987 à 1991 révèle trois sous-périodes distinctes. A cet égard, lors de l'audition devant la Commission, l'auteur du rapport LE a résumé ses conclusions de la manière suivante: «Il n'y a pas de corrélation étroite, même avec un décalage, entre l'augmentation de prix annoncée et les prix du marché, pendant le début de la période considérée, de 1987 à 1988. En revanche, une telle corrélation existe en 1988/1989, puis cette corrélation se détériore pour se comporter de façon plutôt singulière [oddly] sur la période 1990/1991.» (Procès-verbal de l'audition, p. 28.) Il a relevé, en outre, que ces variations dans le temps étaient étroitement liées à des variations de la demande (voir, notamment, procès-verbal de l'audition, p. 20).

220.
    Ces conclusions orales de l'auteur sont conformes à l'analyse développée dans son rapport, et notamment aux graphiques comparant l'évolution des prix annoncés et

l'évolution des prix de transaction (rapport LE, graphiques 10 et 11, p. 29). Force est donc de constater que la Commission n'a que partiellement prouvé l'existence de l'«étroite relation linéaire» qu'elle invoque.

221.
    Lors de l'audience, la Commission a indiqué avoir également pris en compte un troisième type d'effets de la collusion sur les prix consistant dans le fait que le niveau des prix de transaction a été supérieur au niveau qui aurait été atteint en l'absence de toute collusion. A cet égard, la Commission, soulignant que les dates et l'ordre des annonces des augmentations de prix avaient été programmés par le PWG, estime dans la décision qu'«il est inconcevable que, dans ces conditions, ces annonces concertées n'aient eu aucun effet sur le niveau réel des prix» (point 136, troisième alinéa, des considérants de la décision). Toutefois, le rapport LE (section 3) a établi un modèle permettant de prévoir le niveau de prix résultant des conditions objectives du marché. Selon ce rapport, le niveau des prix, tels que déterminés par des facteurs économiques objectifs durant la période de 1975 à 1991, aurait évolué, avec des variations négligeables, de manière identique à celui des prix de transaction pratiqués, y compris pendant la période retenue par la décision.

222.
    Malgré ces conclusions, l'analyse faite dans le rapport ne permet pas de constater que les initiatives concertées en matière de prix n'ont pas permis aux producteurs d'atteindre un niveau des prix de transaction supérieur à celui qui aurait résulté du libre jeu de la concurrence. A cet égard, comme l'a souligné la Commission lors de l'audience, il est possible que les facteurs pris en compte dans ladite analyse aient été influencés par l'existence de la collusion. Ainsi, la Commission a fait valoir à bon droit que le comportement collusoire a, par exemple, pu limiter l'incitation pour les entreprises à réduire leurs coûts. Or, elle n'a invoqué l'existence d'aucune erreur directe dans l'analyse contenue dans le rapport LE et n'a pas davantage présenté ses propres analyses économiques de l'hypothétique évolution des prix de transaction en l'absence de toute concertation. Dans ces conditions, son affirmation selon laquelle le niveau des prix de transaction aurait été inférieur en l'absence de collusion entre les producteurs ne saurait être entérinée.

223.
    Il s'ensuit que l'existence de ce troisième type d'effets de la collusion sur les prix n'est pas prouvée.

224.
    Les constatations qui précèdent ne sont en rien modifiées par l'appréciation subjective des producteurs sur laquelle la Commission s'est fondée pour considérer que l'entente avait largement réussi à atteindre ses objectifs. Sur ce point, la Commission s'est reportée à une liste de documents qu'elle a fournie lors de l'audience. Or, à supposer même qu'elle ait pu fonder son appréciation de l'éventuelle réussite des initiatives en matière de prix sur des documents faisant état des sentiments subjectifs de certains producteurs, force est de constater que plusieurs entreprises, dont la requérante, ont à juste titre fait référence à l'audience à de nombreux autres documents du dossier faisant état des problèmes rencontrés

par les producteurs dans la mise en oeuvre des augmentations de prix convenues. Dans ces conditions, la référence faite par la Commission aux déclarations des producteurs eux-mêmes n'est pas suffisante pour conclure que l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs.

225.
    Au vu des considérations qui précèdent, les effets de l'infraction relevés par la Commission ne sont que partiellement prouvés. Le Tribunal analysera la portée de cette conclusion dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction en matière d'amendes, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée en l'espèce (voir ci-après point 246).

Sur le moyen tiré de l'absence d'un système de sanctions visant à obliger les entreprises à respecter les règles prévues par l'entente

Arguments des parties

226.
    La requérante soutient que le fait qu'aucune mesure, d'ordre économique ou moral, n'était prévue pour contraindre les entreprises à appliquer les augmentations de prix annoncées doit entraîner une réduction du montant de l'amende. En effet, l'affirmation de la Commission selon laquelle il aurait existé un système de sanctions serait erronée et ne serait étayée par aucun élément de preuve.

227.
    Certes, selon la déclaration de M. Roos du 22 mars 1993 (déclaration faite sur la demande de la requérante par le représentant de Feldmühle aux réunions du PWG), la requérante aurait été priée de s'expliquer sur le fait qu'elle ne se comportait pas de manière coopérative. Cela ne serait cependant pas une sanction. La requérante n'aurait pas modifié son opinion, et le comportement des entreprises aurait été fondé sur des décisions librement prises par elles-mêmes. Quant aux déclarations de Stora, elles ne mentionneraient pas l'existence d'un système de sanctions.

Appréciation du Tribunal

228.
    Contrairement à ce qu'affirme la requérante, la décision ne contient aucune allégation selon laquelle les entreprises destinataires de celle-ci auraient instauré un«système de sanctions» visant à contraindre les entreprises à respecter les décisions adoptées par l'entente. La requérante ne précise d'ailleurs pas les constatations de la Commission, contenues dans la décision, qui seraient erronées.

229.
    Enfin, il ne ressort pas des points 167 à 172 des considérants de la décision que l'éventuelle existence de mesures de sanction ou de contrainte ait constitué un élément pris en compte afin de déterminer le montant des amendes.

230.
    Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

Sur le moyen tiré du caractère excessif du niveau général des amendes

Arguments des parties

231.
    La requérante rappelle qu'il ressort des informations divulguées par le membre de la Commission en charge de la politique de la concurrence au cours de la conférence de presse du 13 juillet 1994 que les amendes d'un taux de 9 %, infligées aux prétendus «chefs de file» de l'entente, constituent l'amende maximale ou pratiquement maximale.

232.
    Or, l'infraction constatée en l'espèce ne constituerait pas la plus répréhensible des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité. La requérante souligne qu'il n'a existé aucun contrôle des volumes, que les augmentations de prix n'ont pas été le résultat d'un accord, mais résultaient d'une simple concertation entre les producteurs, que les infractions n'ont pas été rendues obligatoires en vertu d'un système de sanctions et que les infractions n'ont eu, tout au plus, que des effets très limités sur le marché. L'amende devrait aussi être réduite dans la mesure où le système d'échange d'informations de la Fides aurait été considéré comme un élément rendant l'infraction particulièrement répréhensible.

233.
    En outre, la Commission aurait commis une erreur d'appréciation de la gravité des infractions incriminées en ne tenant pas compte du fait que les infractions ont eu lieu au sein d'une association professionnelle qui a poursuivi des activités licites.

234.
    Enfin, elle aurait considéré à tort que les réunions du GEP Carton avaient été secrètes. Il existerait au contraire des listes de participants, et l'absence de comptes rendus s'expliquerait par la teneur même des discussions menées au cours des réunions. Cette absence de comptes rendus serait d'ailleurs inhérente à une coopération impliquant des discussions à objet partiellement anticoncurrentiel.

235.
    La requérante conclut que l'infraction établie en l'espèce n'est certainement pas aussi grave que les ententes déjà découvertes par la Commission (voir, notamment, décision Polypropylène).

236.
    La Commission considère que la gravité de l'infraction justifie pleinement le niveau des amendes infligées. Elle rappelle que l'entente en cause comprenait non seulement des accords sur les prix et sur la répartition du marché, mais également des mesures visant le contrôle de l'approvisionnement du carton et des mesures ayant permis la mise en oeuvre des initiatives en matière de prix et empêché l'évolution normale des prix. L'illégalité de ces actions serait patente, les accords sur les prix et sur la répartition des marchés étant explicitement interdits par l'article 85 du traité.

237.
    L'argument de la requérante selon lequel le GEP Carton aurait essentiellement exercé les activités normales d'une association professionnelle ne serait ni digne de

foi ni étayée. En outre, il importerait peu que le GEP Carton ait éventuellement aussi poursuivi des objectifs légitimes.

238.
    Un autre élément important pour l'appréciation de la gravité de l'infraction consisterait dans la pratique du secret au sein de l'entente. L'absence de notes constituerait, certes, habituellement une caractéristique essentielle des accords illicites, mais les mesures prises par le GEP Carton iraient bien au-delà de la conservation traditionnelle du secret. D'une part, les membres auraient reçu l'instruction expresse de ne pas prendre de notes, ce qui aurait été admis par le directeur général de Gruber & Weber lors de l'audition (procès-verbal, p. 46). D'autre part, les entreprises auraient tenté de dissimuler l'existence des accords en changeant, pour chaque initiative de prix, l'ordre dans lequel les entreprises annonçaient l'augmentation de prix en cause (point 73 des considérants de la décision).

239.
    Enfin, l'appréciation de la gravité devrait se fonder également sur les autres critères énumérés au point 168 des considérants de la décision.

Appréciation du Tribunal

240.
    Compte tenu des constatations opérées lors de l'examen des moyens invoqués au soutien de la demande d'annulation, totale ou partielle, de l'article 1er de la décision, les arguments de la requérante tirés de l'absence de contrôle des volumes et de l'absence d'accords sur les prix doivent être rejetés. Il doit en être de même de l'argument selon lequel il n'aurait existé, en l'espèce, aucun «système de sanctions» (voir ci-dessus points 228 et 229).

241.
    En l'espèce, la Commission a déterminé le niveau général des amendes en tenant compte de la durée de l'infraction (point 167 des considérants de la décision), ainsi que des considérations suivantes (point 168 des considérants):

«—     la collusion en matière de fixation des prix et la répartition des marchés constituent en soi des restrictions graves de la concurrence,

—     l'entente couvrait quasiment tout le territoire de la Communauté,

—     le marché communautaire du carton est un secteur économique important qui totalise chaque année quelque 2,5 milliards d'écus,

—     les entreprises participant à l'infraction couvrent pratiquement tout le marché,

—     l'entente a fonctionné sous la forme d'un système de réunions périodiques institutionnalisées ayant pour objet de réguler dans le détail le marché du carton dans la Communauté,

—     des mesures complexes ont été prises pour cacher la véritable nature et la portée de la collusion (absence de compte rendu officiel ou de documentation concernant les réunions du PWG et du JMC; les participants étaient dissuadés de prendre des notes; la date et l'ordre des lettres annonçant les augmentations de prix étaient orchestrés de façon à pouvoirproclamer que ces augmentations 'faisaient suite à d'autres‘, etc.),

—     l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs».

242.
    De plus, comme cela a déjà été rappelé, il ressort d'une réponse de la Commission à une question écrite du Tribunal que des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990 ont été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les «chefs de file» de l'entente et aux autres entreprises.

243.
    Il y a lieu de souligner, en premier lieu, que, dans son appréciation du niveau général des amendes, la Commission est fondée à tenir compte du fait que des infractions patentes aux règles communautaires de la concurrence sont encore relativement fréquentes et que, partant, il lui est loisible d'élever le niveau des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif. Par conséquent, le fait que la Commission a appliqué dans le passé des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela s'avère nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence (voir, notamment, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, points 105 à 108, et arrêt ICI/Commission, précité, point 385).

244.
    En second lieu, la Commission a soutenu à bon droit que, en raison des circonstances propres à l'espèce, aucune comparaison directe ne saurait être opérée entre le niveau général des amendes retenu dans la présente décision et ceux retenus dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, en particulier, dans la décision Polypropylène, considérée par la Commission elle-même comme la plus comparable à celle du cas d'espèce. En effet, contrairement à l'affaire à l'origine de la décision Polypropylène, aucune circonstance atténuante générale n'a été prise en compte en l'espèce pour déterminer le niveau général des amendes. En outre, l'adoption de mesures visant à dissimuler l'existence de la collusion démontre que les entreprises concernées ont été pleinement conscientes de l'illégalité de leur comportement. Partant, la Commission a pu prendre en compte ces mesures lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, car elles constituaient un aspect particulièrement grave de celle-ci, de nature à la caractériser par rapport aux infractions antérieurement constatées.

245.
    En troisième lieu, il convient de souligner la longue durée et le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité qui a été commise malgré l'avertissement qu'aurait dû constituer la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, et notamment la décision Polypropylène. L'argument de la requérante selon lequel le GEP Carton aurait assumé des activités légitimes est dénué de pertinence, dès lors qu'il a été constaté que les organes de cette association professionnelle, en particulier le PWG et le JMC, avaient un objet essentiellement anticoncurrentiel.

246.
    Sur la base de ces éléments, il convient de considérer que les critères repris au point 168 des considérants de la décision justifient le niveau général des amendes fixé par la Commission. Le Tribunal a certes déjà constaté que les effets de la collusion sur les prix retenus par la Commission pour la détermination du niveau général des amendes ne sont que partiellement prouvés. Toutefois, à la lumière des considérations qui précèdent, cette conclusion ne saurait affecter sensiblement l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée. A cet égard, le fait que les entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que les prix ainsi annoncés ont servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels suffit, en soi, pour constater que la collusion sur les prix a eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence. Partant, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considère que les constatations opérées au sujet des effets de l'infraction ne justifient aucune réduction du niveau général des amendes fixé par la Commission.

247.
    Le moyen ne saurait donc être accueilli.

Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation de la Commission quant à la participation de la requérante à l'entente

Arguments des parties

248.
    La requérante fait valoir que le montant de l'amende qui lui a été infligée est excessif, la Commission n'ayant pas correctement apprécié sa participation à l'infraction reprochée.

249.
    En premier lieu, la Commission n'aurait pas dûment tenu compte de la faible participation de la requérante aux réunions des différents organes du GEP Carton.

250.
    En ce qui concerne le PWG, elle aurait considéré à tort que la requérante en était «membre» depuis 1988 (point 170, troisième alinéa, des considérants de la décision). En effet, si un représentant de la requérante semble avoir participé à une réunion du PWG en février/mars 1988, il n'aurait cependant informé les directeurs de la requérante ni de sa participation ni même de l'existence du PWG. Les directeurs n'auraient appris l'existence du PWG qu'au cours de l'assemblée générale du GEP Carton qui s'est déroulée en mai 1988 à Barcelone. Ayant été conviés à participer à la réunion du PWG, ils auraient décidé d'assister à celle-ci,

tenue avant celle de la PC, simplement pour connaître la teneur des discussions. Les réunions de cet organe n'auraient finalement pas présenté d'intérêt pour eux, de sorte qu'ils n'auraient plus participé à aucune réunion durant l'année 1988.

251.
    Ce ne serait qu'au mois de mai 1989 que la requérante aurait commencé à participer plus ou moins régulièrement aux réunions du PWG. Le représentant de Feldmühle aux réunions du PWG (M. Roos) aurait, à deux reprises durant la période 1988-1989, rendu visite aux dirigeants de la requérante afin de les persuader de participer régulièrement aux réunions. La décision de la requérante de participer aux réunions s'expliquerait par le fait qu'il aurait été possible que les grands conglomérats, qui contrôlaient déjà le marché à l'époque, commençassent une guerre des prix pour évincer les petits concurrents du marché. La requérante aurait ainsi décidé, pour préserver son indépendance, de participer aux réunions du PWG afin d'avoir accès à l'échange d'informations entre les entreprises représentées au sein du PWG et du JMC.

252.
    Elle n'aurait finalement participé qu'à neuf des 21 réunions du PWG dont la Commission a établi l'existence (point 39 des considérants de la décision).

253.
    En ce qui concerne les autres organes du GEP Carton, elle n'aurait participé que sporadiquement ou pas du tout à leurs réunions. Ainsi, elle aurait assisté à huit réunions du JMC durant la période allant de mars 1988 jusqu'à avril 1991, à sept réunions de la PC sur les onze dont la Commission a établi l'existence au cours de la période de 1986 à 1991, mais elle n'aurait jamais participé aux réunions du COE.

254.
    En second lieu, la Commission n'aurait pas dûment tenu compte du rôle entièrement passif de la requérante au sein des différents organes du GEP Carton. La requérante se reporte sur ce point à la déclaration de M. Roos (voir ci-dessus point 227), qui confirmerait, d'une part, que la requérante n'a participé aux réunions du PWG qu'après avoir été convaincue par M. Roos de l'utilité de cette participation et, d'autre part, qu'elle a joué un rôle passif en ce qu'elle n'a, en particulier, joué aucun rôle dans la conclusion des accords. De même, la déclaration de M. Roos confirmerait le rôle passif joué par la requérante au sein du JMC et démontrerait qu'elle a été plutôt considérée comme un participant récalcitrant et peu coopératif.

255.
    Enfin, la requérante n'aurait joué aucun rôle dans l'échange d'informations entre le PWG et la PC.

256.
    La Commission rappelle que la requérante admet avoir participé aux réunions de trois des quatre comités du GEP Carton. Parmi les réunions auxquelles elle a participé, nombreuses seraient celles au cours desquelles les participants se sont mutuellement informés et concertés sur des augmentations de prix, les capacités, les volumes et les éventuels temps d'arrêt. De plus, la requérante aurait adopté son comportement, au moins en ce qui concerne les augmentations de prix, en fonction

des actions des autres entreprises et elle aurait donc utilisé à son profit les informations obtenues.

257.
    La Commission relève ensuite que la requérante a été membre du PWG depuis 1988 et qu'elle a participé à quasiment toutes les réunions de cet organe depuis 1989. Or, le PWG aurait été l'organe central de l'entente qui discutait et mettait au point les stratégies de l'entente. La participation aux réunions de cet organe justifierait que la requérante soit considérée comme ayant participé, plus que la moyenne, à l'entente.

258.
    En raison de cette participation de la requérante aux réunions de l'organe central de l'entente et de la position de deuxième producteur allemand des qualités GD occupée par cette entreprise, la Commission aurait correctement considéré qu'il y avait lieu d'infliger à celle-ci une amende plus élevée — correspondant à environ 8 % de son chiffre d'affaires réalisé dans le domaine du carton dans la Communauté en 1990 — que celles infligées aux entreprises ayant participé de façon moyenne à l'entente. Toutefois, en ne lui infligeant pas une amende comparable à celles infligées aux «chefs de file» de l'entente, la Commission aurait dûment tenu compte du fait que la requérante n'avait pas joué un rôle aussi important que les grands groupes industriels.

259.
    Enfin, la tentative de la requérante de minimiser son rôle dans l'entente en s'appuyant sur la déclaration de M. Roos ne pourrait aboutir. A supposer même que les autres entreprises participantes aient considéré la requérante comme une entreprise peu coopérative, elle aurait tout de même collaboré aux initiatives en matière de prix et aurait donc contribué au succès de l'entente.

Appréciation du Tribunal

260.
    Comme cela a déjà été rappelé, il ressort d'une réponse de la Commission à une question écrite du Tribunal que des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990 ont été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les «chefs de file» de l'entente et aux autres entreprises. Il a également été rappelé que le montant de l'amende infligée à la requérante correspond à un taux de 8 % du chiffre d'affaires réalisé sur le marché communautaire du carton en 1990, montant réduit d'un tiers au motif qu'elle n'a pas, dans sa réponse à la communication des griefs, contesté les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs à son égard.

261.
    Afin d'apprécier si ce niveau d'amende est justifié, il y a lieu de relever, tout d'abord, que la requérante admet une participation à une réunion du PWG en mai 1988 et «une participation plus ou moins régulière» («eine mehr oder weniger regelmäßige Teilnahme») aux réunions de cet organe à partir de mai 1989. En outre, elle indique avoir appris, grâce à des recherches effectuées par son avocat,qu'un ancien administrateur «a apparemment participé en février/mars 1988 à une

seule réunion du PWG» («offenbar im Februar/März 1988 an einer einzigen Sitzung der PWG teilgenommen hat»), sans avoir toutefois informé les directeurs de l'entreprise de sa participation, ni même de l'existence du PWG. A cet égard, il convient de souligner que, si la Commission indique certes que la requérante a été «membre» du PWG depuis 1988 (point 170, troisième alinéa, des considérants de la décision), il n'en reste pas moins qu'elle ne soutient pas que la requérante a participé à des réunions du PWG autres que celles mentionnées par la requérante elle-même.

262.
    Il convient de relever ensuite qu'il ressort de l'examen des moyens invoqués par la requérante à l'appui de sa demande d'annulation totale ou partielle de l'article 1er de la décision que la nature des fonctions du PWG, telles que décrites dans la décision, a été établie par la Commission.

263.
    Dans ces conditions, la Commission a pu conclure à bon droit que les entreprises ayant participé aux réunions de cet organe devaient, en principe, être considérées comme des «chefs de file» de l'infraction constatée et qu'elles devaient, de ce fait, porter une responsabilité particulière (voir point 170, premier alinéa, des considérants de la décision). Elle n'a cependant pas classé la requérante parmi les «chefs de file» de l'infraction constatée, au motif qu'elle ne semblait pas avoir joué un rôle aussi important dans la détermination de la politique de l'entente que les autres participants aux réunions de cet organe (point 170, troisième alinéa, des considérants de la décision).

264.
    Elle a ainsi fait une juste appréciation du rôle joué par la requérante en tenant compte, d'une part, du fait que celle-ci avait participé aux réunions du PWG au sein duquel les principales décisions à objet anticoncurrentiel avaient été adoptées et, d'autre part, du fait qu'elle avait joué un rôle moins important dans la détermination de la politique de l'entente. Ce faisant, la Commission a également dûment tenu compte des informations contenues dans la déclaration de M. Roos relatives au rôle joué par la requérante au sein de l'entente.

265.
    Dans ces conditions, les explications de la requérante selon lesquelles elle n'aurait participé aux réunions du PWG qu'afin d'avoir accès à l'échange d'informations entre les entreprises représentées au sein de celui-ci ne font que confirmer le but essentiellement anticoncurrentiel de sa participation.

266.
    Enfin, eu égard à la participation de la requérante aux réunions du PWG, au sein duquel les principales décisions à objet anticoncurrentiel avaient été adoptées, c'est à juste titre que la Commission a considéré l'infraction commise par la requérante comme plus grave que celle commise par les entreprises qualifiées de «membres ordinaires» de l'entente, lesquelles n'étaient pas représentées au sein du PWG.

267.
    Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de la prise en compte de la coopération de la requérante à la procédure

Arguments des parties

268.
    Ce moyen s'articule en trois branches.

269.
    Dans une première branche, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû tenir compte du fait qu'elle a répondu de manière sincère et complète à la demande de renseignements présentée au titre de l'article 11 du règlement n° 17. En effet, la Commission n'ayant pas effectué de vérifications dans les locaux de la requérante, celle-ci aurait ignoré que la Commission avait découvert des documents sur la base desquels elle allait conclure à une grave violation de l'article 85 du traité. De plus, la requérante n'aurait pas eu connaissance de la totalité des faits établis par la Commission, en raison du caractère limité de sa participation au GEP Carton. Dans ces conditions, elle n'aurait pas été en mesure de coopérer plus activement avec la Commission dès cette époque.

270.
    Dans une deuxième branche du moyen, elle souligne que la cessation immédiate, dès les vérifications effectuées par la Commission le 23 avril 1991, de la participation de la requérante aux réunions du GEP Carton et à toute pratique susceptible de constituer une infraction constitue, selon la jurisprudence et la pratique de la Commission, une circonstance atténuante (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 146).

271.
    Dans une troisième branche du moyen, elle fait valoir que la Commission, lors du calcul de l'amende, n'a pas pris en considération sa coopération active, laquelle aurait contribué au règlement rapide de la procédure. Ce ne serait en effet qu'à la date de la communication des griefs qu'elle aurait appris que la Commission lui reprochait une violation grave à l'article 85 du traité. Or, la requérante aurait reconnu, par une lettre du 23 mars 1993, soit avant le terme du délai fixé pour répondre à la communication des griefs, avoir enfreint l'article 85 du traité en ayant participé à des entretiens sur les augmentations de prix et à un échange général de vues sur le maintien des quantités commercialisées. Cette reconnaissance d'une infraction à l'article 85 du traité aurait été faite tout à fait librement et aurait manifestement conduit d'autres entreprises à reconnaître également l'infraction, ou au moins de ne pas la contester sur le fond.

272.
    La requérante aurait été la seule entreprise à déclarer expressément, lors de l'audition devant la Commission, qu'elle ne contestait pas, pour l'essentiel, l'infraction alléguée par la Commission. Elle aurait également été, avec Cascades, la seule entreprise à communiquer l'intégralité des dates des réunions auxquelles elle était représentée. Enfin, elle rappelle avoir transmis à la Commission la déclaration de M. Roos à laquelle la Commission se serait référée à plusieurs reprises au cours de l'audition et à laquelle il serait fait indirectement référence au

point 59 des considérants de la décision, relatif au fait que la requérante aurait été rappelée à l'ordre pour avoir accru sa part de marché.

273.
    Cette coopération active n'ayant pas été prise en compte, la requérante aurait été défavorisée, en particulier par rapport à Stora. En effet, Stora n'aurait coopéré qu'après que les vérifications eurent été effectuées par la Commission. En outre, elle aurait eu connaissance non seulement des documents compromettants que la Commission avait trouvés dans les locaux des entreprises du groupe Stora, mais également des documents trouvés dans les locaux d'autres entreprises. Enfin, il ressortirait de la correspondance échangée entre Stora et la Commission (annexes 34 à 43 à la communication des griefs) que Stora n'a pas immédiatement tout avoué, mais que la Commission a dû, en fait, soutirer à Stora les différentes informations. Dans ces conditions, la requérante aurait dû être récompensée pour sa coopération dans la même mesure que Stora, par une réduction des deux tiers du montant de l'amende.

274.
    Au surplus, la Commission n'aurait pas offert aux petits producteurs la possibilité de coopérer à un stade précoce, lesdits producteurs n'ayant eu aucune connaissance de la coopération de Stora ni des éléments de preuve détenus par la Commission.

275.
    Enfin, en raison de l'absence de prise en compte des éléments démontrant sa coopération active avec la Commission, la requérante aurait également été défavorisée par rapport aux autres entreprises ayant bénéficié d'une réduction de l'amende d'un tiers pour ne pas avoir contesté les principales allégations de fait.

276.
    La Commission rappelle qu'une réduction d'un tiers du montant de l'amende a été accordée à la requérante au motif qu'elle n'a pas contesté les principales allégations de fait figurant dans la communication des griefs (point 172 des considérants de la décision). Il n'y aurait pas eu lieu de lui accorder une réduction plus importante.

277.
    Le fait que la requérante ait répondu à la demande de renseignements de manière complète et sincère ne saurait justifier une réduction de l'amende, car il s'agirait d'un comportement relevant d'une obligation juridique.

278.
    L'argument de la requérante selon lequel elle n'aurait pas pu coopérer activement à un stade précoce de la procédure ne pourrait être retenu. En revanche, il aurait été loisible à la requérante d'éclaircir les faits et de contribuer ainsi de façon active à une clôture rapide de la procédure. Par ailleurs, la requérante surestimerait la valeur de la déclaration de M. Roos, qui n'aurait pas seulement contribué à éclaircir les faits mais également à défendre la requérante elle-même.

279.
    Celle-ci n'aurait donc pas été défavorisée par rapport à Stora. En effet, Stora aurait coopéré de manière spontanée et aurait, activement et de façon importante, contribué à l'éclaircissement des faits dans sa réponse aux demandes de

renseignements du 30 août et du 23 octobre 1991. En revanche, ce ne serait que par une lettre du 23 mars 1993, soit après la communication des griefs, que la requérante aurait reconnu avoir peut-être pris part à une infraction au droit de la concurrence. Sa coopération à ce stade se serait toujours limitée à une non-contestation des principaux griefs formulés contre elle. Un tel comportement, déjà récompensé par une réduction d'un tiers de l'amende, ne pourrait être considéré comme une coopération active.

Appréciation du Tribunal

280.
    La requérante a bénéficié d'une réduction d'un tiers du montant de l'amende infligée, au motif, selon la décision, qu'elle n'avait pas contesté, dans sa réponse à la communication des griefs, les principales allégations de fait sur lesquels la Commission fondait ses griefs à son égard.

281.
    Une réduction de l'amende au titre d'une coopération lors de la procédure administrative devant la Commission n'est justifiée que si le comportement de l'entreprise a permis à la Commission de constater une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin (arrêt ICI/Commission, précité, point 393). Par suite, une entreprise qui déclare expressément, lors de la procédure administrative, qu'elle ne conteste pas les allégations de fait sur lesquelles la Commission fonde ses griefs peut être considérée comme ayant contribué à faciliter la tâche de la Commission consistant à constater et à réprimer des infractions aux règles communautaires de la concurrence. En effet, la Commission est en droit de considérer un tel comportement comme constitutif d'une reconnaissance des allégations de fait et donc comme un élément de preuve du bien-fondé des allégations en cause.

282.
    En l'espèce, aucun des arguments invoqués par la requérante n'est susceptible d'établir qu'elle a fait preuve d'une coopération avec la Commission allant au-delà de la reconnaissance des allégations de fait avancées par celle-ci.

283.
    Dans la première branche du moyen, la requérante fait valoir qu'elle a répondu de manière sincère et complète à la demande de renseignements qui lui était adressée par la Commission au titre de l'article 11 du règlement n° 17. Or, il est de jurisprudence constante qu'une coopération à l'enquête qui ne dépasse pas ce qui résulte des obligations qui incombent aux entreprises en vertu de l'article 11,paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17 ne justifie pas une réduction de l'amende (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, Rec. p. II-907, points 341 et 342). D'ailleurs, la requérante, qui a participé à l'infraction à partir du mois de mars 1988 et qui connaissait donc les fonctions du PWG et du JMC, aurait effectivement pu, à l'instar de Stora, coopérer avec la Commission plus activement qu'elle ne l'a fait, ce qui aurait alors justifié une réduction plus importante du montant de l'amende. Il s'ensuit que son argument selon lequel elle n'aurait pas possédé à cette époque les informations nécessaires pour aider activement la Commission ne peut qu'être rejeté.

284.
    S'agissant de la deuxième branche du moyen tirée du fait que la requérante aurait immédiatement mis fin à sa participation aux réunions du GEP Carton et à toute pratique susceptible de constituer une infraction dès les vérifications effectuées par la Commission le 23 avril 1991 (voir ci-dessus point 8), il convient de rappeler que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (voir ci-dessus point 183). Dès lors, si la cessation de l'infraction avant l'envoi de la communication des griefs peut en principe être considérée comme une circonstance atténuant la gravité de l'infraction constatée dans le chef d'une entreprise, la Commission n'était pas tenue d'adopter une telle analyse dans les circonstances particulières de l'espèce. La requérante n'ayant avancé aucun argument susceptible de démontrer que la Commission a, en l'espèce, dépassé la marge d'appréciation dont elle dispose lorsqu'elle détermine les éléments à prendre en considération pour fixer le montant des amendes, la deuxième branche du moyen doit être rejetée.

285.
    La troisième branche du moyen, tirée de ce que la requérante aurait fait preuve d'une coopération active avec la Commission, ne saurait non plus être accueillie.

286.
    La requérante fait valoir qu'elle a donné des indications complètes relatives à sa participation aux réunions des différents organes du GEP Carton. Elle souligne qu'elle a, en outre, expressément indiqué, lors de l'audition devant la Commission, qu'elle ne contestait pas les principales allégations de fait avancées par celle-ci. Cependant, force est de constater qu'une telle coopération avec la Commission ne justifiait pas une réduction du montant de l'amende excédant celle d'un tiers effectivement accordée. Quant à la déclaration de M. Roos, adressée à la Commission par la requérante avec sa réponse à la communication des griefs, elle ne contient pas d'éléments ayant pu sensiblement contribuer à faciliter la tâche de l'institution. A cet égard, il suffit de constater que la décision ne contient qu'une seule référence, d'ailleurs indirecte, aux indications contenues dans ladite déclaration (point 59, dernier alinéa, des considérants).

287.
    Enfin, pour autant que la requérante soutient avoir fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport à Stora, il convient de rappeler que le principe d'égalité de traitement, principe général du droit communautaire, n'est violé, selon une jurisprudence constante, que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et du 28 juin 1990, Hoche, C-174/89, Rec. p. I-2681, point 25; dans le même sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T-100/92, RecFP p. II-275, point 50).

288.
    En l'espèce, Stora a fourni à la Commission des déclarations comportant une description très détaillée de la nature et de l'objet de l'infraction, du

fonctionnement des divers organes du GEP Carton et de la participation à l'infraction des différents producteurs. Par ces déclarations, Stora a fourni des renseignements allant bien au-delà de ceux dont la production peut être exigée par la Commission en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. Bien que la Commission déclare, dans la décision, qu'elle a obtenu des éléments de preuve corroborant les renseignements contenus dans les déclarations de Stora (points 112 et 113 des considérants), il en ressort clairement que les déclarations de Stora ont constitué, pour la Commission, le principal élément de preuve de l'existence de l'infraction. Il y a donc lieu de considérer que, sans les déclarations de Stora, il aurait été, à tout le moins, beaucoup plus difficile pour la Commission de constater et, le cas échéant, de mettre fin à l'infraction faisant l'objet de la décision. A la lumière de ces éléments, la requérante ne saurait valablement soutenir qu'elle aurait dû, en vertu du principe d'égalité de traitement, bénéficier d'une réduction du montant de l'amende analogue à celle accordée à Stora.

289.
    N'ayant pas fait preuve d'une coopération avec la Commission allant au-delà de la reconnaissance des allégations de fait avancées par celle-ci, la requérante n'a pas davantage fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport aux autres entreprises ayant bénéficié d'une réduction d'un tiers du montant de l'amende.

290.
    Au vu des considérations qui précèdent, le moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le moyen tiré du caractère excessif du montant de l'amende infligée à la requérante par rapport à la pratique antérieure de la Commission

291.
    La requérante fait valoir que la Commission, ainsi qu'elle l'aurait reconnu (Treizième Rapport sur la politique de concurrence, point 64), doit tenir compte du principe de proportionnalité lors de la fixation du montant des amendes. Or, le montant de l'amende infligée à la requérante serait excessif par rapport à la pratique antérieure de la Commission.

292.
    La Commission n'aurait infligé des amendes d'un montant de trois millions d'écus qu'à des entreprises réalisant un chiffre d'affaires de plusieurs milliards d'écus. De plus, de telles amendes auraient été le plus souvent infligées en cas d'infractions répétées.

293.
    Il y a lieu de rappeler qu'il a été constaté en l'espèce que le niveau général des amendes retenu par la Commission était justifié, même par rapport à sa pratique antérieure (voir ci-dessus points 240 et suivants). Il a aussi été constaté que la Commission a fait une juste appréciation du rôle joué par la requérante dans l'infraction constatée (voir ci-dessus points 260 et suivants).

294.
    Il s'ensuit que le présent moyen ne saurait être accueilli.

Sur le moyen tiré de l'absence de prise en compte, d'une part, du fait que la requérante ne fabrique qu'un seul produit et, d'autre part, du caractère limité de sa compétitivité

Arguments des parties

295.
    La requérante relève que la Commission doit se fonder, lors de la fixation du montant des amendes, sur le chiffre d'affaires global de chaque entreprise, qui traduit sa taille et sa puissance financière (arrêt Dunlop Slazenger/Commission, précité, point 160). Dans son arrêt du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission (T-77/92, Rec. p. II-549, point 94), le Tribunal aurait jugé que la Commission ne peut pas fixer l'amende en se fondant uniquement sur le chiffre d'affaires réalisé avec les produits concernés par l'infraction (voir également arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 121).

296.
    Or, en l'espèce, la Commission se serait fondée exclusivement sur le chiffre d'affaires réalisé avec les produits concernés par l'infraction. Pour une entreprise qui, comme la requérante, réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires avec un produit concerné par l'infraction, cette approche serait constitutive d'une inégalité de traitement par rapport aux entreprises fabriquant également d'autres produits. En effet, l'amende infligée à la requérante se rapporterait à une partie relativement élevée de son chiffre d'affaires global, alors que, en ce qui concerne par exemple Stora, l'amende ne toucherait qu'une partie insignifiante du chiffre d'affaires global. Par conséquent, la requérante serait touchée beaucoup plus sévèrement par l'amende même par rapport à des entreprises dont l'infraction a été nettement plus grave.

297.
    Enfin, le montant excessif de l'amende porterait gravement atteinte à la capacité de la requérante à réaliser des investissements pendant plusieurs années et accroîtrait le risque d'une reprise par l'une des grandes entreprises du marché.

298.
    La Commission fait valoir que, pour autant que la requérante ne fabrique qu'un produit unique, elle a tiré particulièrement profit de l'entente qui concernait l'ensemble de sa production de carton. Ce serait donc à juste titre que l'amende a été fixée sur la base du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé sur le marché communautaire du carton. Au demeurant, le chiffre d'affaires global de la requérante en 1990 se serait élevé à un montant supérieur d'environ 11 millions d'écus au chiffre d'affaires à partir duquel l'amende a été calculée.

Appréciation du Tribunal

299.
    Comme cela a déjà été rappelé, la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (voir ci-dessus point 183).

300.
    Parmi les éléments pouvant être pris en compte peuvent, selon le cas, figurer le volume et la valeur des marchandises faisant l'objet de l'infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l'entreprise et, partant, l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché. Il s'ensuit qu'il est loisible à la Commission, en vue de la détermination de l'amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d'affaires global de l'entreprise qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique que de la part de ce chiffre qui provient des marchandises faisant l'objet de l'infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, points 120 et 121).

301.
    En outre, la Commission doit normalement utiliser une seule et même méthode de calcul lorsqu'elle inflige des amendes aux entreprises qui ont participé à une même infraction (même arrêt, point 122). Il ne saurait donc être reproché à la Commission de s'être systématiquement fondée, pour déterminer le montant des amendes en l'espèce, sur le chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire du carton en 1990 au moyen des seules marchandises faisant l'objet de l'infraction.

302.
    Dans ces conditions, la requérante ne saurait valablement prétendre que la méthode utilisée par la Commission a eu des effets défavorables pour elle, d'autant qu'elle ne conteste pas l'affirmation de la Commission selon laquelle le chiffre d'affaires global qu'elle avait réalisé en 1990 était supérieur à celui pris en compte par la Commission.

303.
    Le présent moyen doit donc également être rejeté.

304.
    Il ressort de l'ensemble de ce qui précède qu'il convient d'annuler l'article 1er de la décision à l'égard de la requérante dans la mesure où cette disposition énonce que la requérante a participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité avant le mois de mars 1988. De plus, l'article 2 de la décision doit être partiellement annulé à l'égard de la requérante.

305.
    S'agissant du montant de l'amende infligée, il convient de tenir compte du fait que la requérante ne peut être tenue pour responsable d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité que pour la période allant de mars 1988 jusqu'à avril 1991.

306.
    Les autres moyens invoqués par la requérante à l'appui de sa demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant ayant été rejetés, le Tribunal, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, fixera le montant de cette amende à 2 500 000 écus.

Sur les dépens

307.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours n'ayant été que partiellement accueilli, le Tribunal fera une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

308.
    La requérante a conclu à ce que la Commission soit condamnée aux dépens, y compris ceux liés à la constitution d'une garantie bancaire. Cependant, il ressort d'une jurisprudence constante que les frais occasionnés par la constitution d'une garantie bancaire pour éviter l'exécution forcée de la décision ne constituent pas des frais exposés aux fins de la procédure, au sens de l'article 91, sous b), du règlement de procédure (voir ordonnance de la Cour du 20 novembre 1987, Krupp/Commission, 183/83, Rec. p. 4611, point 10, et arrêt Parker Pen/Commission, précité, point 101).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    L'article 1er de la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 — Carton), est annulé à l'égard de la requérante dans la mesure où la date du début de l'infraction qui lui est reprochée a été fixée antérieurement au mois de mars 1988.

2)    L'article 2, premier à quatrième alinéa, de la décision 94/601 est annulé à l'égard de la requérante, sauf en ce qui concerne les passages suivants:

    «Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:

    a)    par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants.

    Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés.»

3)    Le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 3 de la décision 94/601 est fixé à 2 500 000 écus.

4)    Le recours est rejeté pour le surplus.

5)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Vesterdorf             Briët     Lindh

     Potocki      Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf

Table des matières

     Faits à l'origine du litige

II - 2

     Procédure

II - 6

     Conclusions des parties

II - 7

     Sur la demande d'annulation totale ou partielle de l'article 1er de la décision

II - 8

         Sur le moyen tiré de l'absence de participation de la requérante à des mesures visant à contrôler les volumes

II - 8

             Arguments des parties

II - 8

             Appréciation du Tribunal

II - 11

                 — Sur l'existence d'une concertation visant à geler les parts de marché et d'une concertation visant à contrôler l'offre

II - 11

                 — Sur le comportement effectif de la requérante

II - 16

         Sur le moyen tiré d'une erreur commise par la Commission en ce qui concerne la durée de l'infraction

II - 17

             Arguments des parties

II - 17

             Appréciation du Tribunal

II - 19

         Sur le moyen tiré de l'absence d'accords concernant les augmentations de prix

II - 23

             Arguments des parties

II - 23

             Appréciation du Tribunal

II - 24

     Sur la demande d'annulation de l'article 2 de la décision

II - 27

         Arguments des parties

II - 27

         Appréciation du Tribunal

II - 29

     Sur la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant

II - 33

         Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité concernant le calcul des amendes

II - 33

             Arguments des parties

II - 33

             Appréciation du Tribunal

II - 35

         Sur le moyen tiré de l'absence de conséquences économiques des infractions

II - 38

             Arguments des parties

II - 38

             Appréciation du Tribunal

II - 41

         Sur le moyen tiré de l'absence d'un système de sanctions visant à obliger les entreprises à respecter les règles prévues par l'entente

II - 44

             Arguments des parties

II - 44

             Appréciation du Tribunal

II - 44

         Sur le moyen tiré du caractère excessif du niveau général des amendes

II - 45

             Arguments des parties

II - 45

             Appréciation du Tribunal

II - 46

         Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation de la Commission quant à la participation de la requérante à l'entente

II - 48

             Arguments des parties

II - 48

             Appréciation du Tribunal

II - 50

         Sur le moyen tiré de l'insuffisance de la prise en compte de la coopération de la requérante à la procédure

II - 52

             Arguments des parties

II - 52

             Appréciation du Tribunal

II - 54

         Sur le moyen tiré du caractère excessif du montant de l'amende infligée à la requérante par rapport à la pratique antérieure de la Commission

II - 56

         Sur le moyen tiré de l'absence de prise en compte, d'une part, du fait que la requérante ne fabrique qu'un seul produit et, d'autre part, du caractère limité de sa compétitivité

II - 57

             Arguments des parties

II - 57

             Appréciation du Tribunal

II - 57

     Sur les dépens

II - 59


1: Langue de procédure: l'allemand.