Language of document : ECLI:EU:T:2019:883

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

19 décembre 2019 (*)

« Personnel d’une société privée prestataire de services informatiques au sein de l’institution – Refus d’accorder un accès aux locaux de la Commission – Compétence de l’auteur de l’acte »

Dans l’affaire T‑504/18,

XG, représenté par Mes S. Kaisergruber et A. Burghelle-Vernet, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Ehrbar et M. T. Bohr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 3 juillet 2018 maintenant le refus d’accès du requérant à ses locaux,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. P. Nihoul (rapporteur), faisant fonction de président, J. Svenningsen et U. Öberg, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, XG, était, depuis [confidentiel] (1), employé de la société [confidentiel], faisant partie du groupe [confidentiel] (ci-après l’« employeur »).

2        À la suite d’une procédure de passation de marché, un consortium constitué par [confidentiel] (ci-après le « contractant ») a, le [confidentiel], conclu un contrat-cadre avec l’Union européenne dont l’objet était de fournir des services [confidentiel] à la Commission européenne (ci-après le « contrat-cadre »).

3        Le requérant a été affecté par son employeur en tant que [confidentiel] à la direction générale (DG) [confidentiel] de la Commission, laquelle direction générale était située dans le bâtiment [confidentiel] de la Commission. Il a, à cet égard, reçu un titre donnant accès aux bâtiments de la Commission.

4        Le contrat-cadre a été amendé par l’avenant du 14 septembre 2017 (ci-après l’« avenant au contrat-cadre »), qui a inséré dans le contrat-cadre l’article 1.14 des conditions particulières, qui prévoit notamment ce qui suit :

« 2. En vertu des articles 3, 7 et 8 de la décision de la Commission (UE, Euratom) 2015/443[, du 13 mars 2015,] relative à la sécurité au sein de la Commission [JO 2015, L 72, p. 41], il est possible d’effectuer une vérification des antécédents du personnel affecté sur place afin de prévenir et de contrôler les risques pour la sécurité du personnel, des biens et des informations de la Commission. De plus, en vertu de la loi belge du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité […], les droits d’accès du personnel affecté sur place aux locaux de l’autorité contractante peuvent être subordonnés à la délivrance d’un avis de sécurité positif par les autorités belges. Les droits d’accès existants restent valables tant qu’un avis de sécurité négatif n’est pas rendu.

3. Afin de permettre aux autorités belges de rendre un avis de sécurité, le contractant remet au personnel concerné affecté sur place le formulaire ci-joint (document de notification). Les documents de notification, dûment complétés et signés (portant la mention “document de notification”) sont retournés à la direction Sécurité de la Commission (Commission européenne, HR.DS – BERL 3/190) et une liste électronique mise à jour des données personnelles pertinentes telles qu’indiquées dans le formulaire ci-joint est envoyée à l’adresse “EC-SECURITY-SCREENING@ec.europa.eu” pas plus de 30 jours après la signature du présent avenant.

4. En cas d’omission ou de refus de remplir le document de notification, les droits d’accès aux bâtiments de la Commission peuvent être refusés au personnel.

[…]

6. […] Le contractant s’engage à ne fournir que du personnel affecté sur place ayant reçu un avis de sécurité positif pour les bâtiments suivants de la Commission : [confidentiel] […] ».

5        Par la suite, la Commission a contacté l’employeur afin qu’il demande à ses employés qui travaillaient dans des bâtiments de la Commission de donner leur consentement à la procédure visant à obtenir un avis de sécurité.

6        Le 26 octobre 2017, le requérant a marqué son accord pour que son dossier fasse l’objet d’une vérification de sécurité, en remplissant le document de notification annexé à l’avenant au contrat-cadre.

7        Par lettre du 30 mars 2018, le comité interministériel pour la politique de siège (CIPS) a informé le requérant que l’Autorité nationale de sécurité (ANS) avait effectué à son égard une vérification de sécurité et avait décidé d’émettre un avis de sécurité négatif en ce qui le concernait (ci-après l’« avis de sécurité négatif »). Cet avis, annexé à la lettre, était motivé par le fait que le requérant était connu des services de police pour des faits, premièrement, de coups et blessures volontaires et, deuxièmement, de viol d’un majeur, tous commis [confidentiel] à l’encontre de son ex-compagne.

8        Le 12 avril 2018, le requérant a saisi l’organe de recours belge compétent en matière d’habilitations, d’attestations et d’avis de sécurité (ci-après l’« organe de recours ») d’un recours contre l’avis de sécurité négatif.

9        Le 24 avril 2018, la Commission a été avertie par le Parlement européen que le requérant s’était vu attribuer un avis de sécurité négatif.

10      Le 25 avril 2018, à la suite de la réception de la confirmation de l’avis de sécurité négatif, la Commission a auditionné le requérant en présence de son employeur. Cette audition a eu lieu devant A et B, fonctionnaires du secteur « Réquisitions administratives » de la direction Sécurité  de la Commission. Invité à présenter ses commentaires sur l’absence d’avis de sécurité positif, le requérant a indiqué notamment, s’agissant de sa condamnation pour coups et blessures, avoir interjeté appel du jugement prononcé contre lui et, s’agissant des faits de viol, avoir fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu.

11      À l’issue de cette audition, dont le requérant a reçu une copie du procès-verbal, son droit d’accès aux locaux de la Commission lui a été retiré (ci-après la « décision du 25 avril 2018 »). Le requérant en fait état dans le procès-verbal de son audition, en ces termes :

« Vous me faites savoir que vous allez retirer mes titres d’accès, suite à cette absence d’avis de sécurité positif. À cet effet, je vous remets mes deux badges d’accès […]. Vous me faites savoir que j’ai le droit de demander ultérieurement de manière écrite et motivée d’avoir à nouveau un accès aux immeubles de la Commission. »

12      Par décision du 20 juin 2018, l’organe de recours a considéré que l’avis de sécurité négatif n’avait pas de base juridique et que, par conséquent, il était sans compétence pour statuer sur le bien-fondé de cet avis (ci-après la « décision de l’organe de recours »).

13      Par courriel du 28 juin 2018, l’employeur a communiqué à la Commission la décision de l’organe de recours, en faisant valoir que ce dernier avait décidé que l’avis de sécurité négatif délivré par l’ANS « n’[avait] pas de base juridique et [devait] donc être considéré comme inexistant ».

14      Par lettre du 3 juillet 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a informé l’employeur que « l’interdiction d’accès aux sites de la Commission [était] maintenue pour [le requérant] sur la base de l’article 3 de la décision (UE, Euratom) 2015/443 de la Commission, du 13 mars 2015, relative à la sécurité au sein de la Commission », au motif que « l’avis négatif rendu par l’ANS n’[avait] pas été annulé par l’organe de recours ». Cette lettre était signée par C, chef de l’unité « Sécurité de l’information » au sein de la direction Sécurité de la DG des ressources humaines et de la sécurité de la Commission.

15      Par lettre du 24 juillet 2018, les conseils du requérant ont sollicité, notamment, la communication de l’acte par lequel la DG des ressources humaines et de la sécurité avait délégué à C la compétence pour adopter les décisions en matière d’accès aux bâtiments.

16      Le 3 août 2018, le requérant a saisi le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique) d’un recours en référé visant à l’annulation de l’avis de sécurité négatif.

17      Par lettre du 10 août 2018, la Commission a indiqué au requérant qu’elle considérait que « les demandes formulées dans [sa] lettre [du 24 juillet 2018] [n’étaient] plus d’actualité », étant donné, notamment, la saisine du tribunal de première instance francophone de Bruxelles.

18      Le 6 septembre 2018, l’employeur a informé le requérant que son contrat de travail allait être résilié et que, conformément à la législation belge en vigueur sur le contrat de travail, la période de son préavis de neuf semaines commencerait à courir le 10 septembre 2018.

19      Par ordonnance du 26 octobre 2018, la chambre des référés du tribunal de première instance francophone de Bruxelles a suspendu les effets des avis rendus par l’ANS concernant le requérant et a enjoint à l’État belge de demander à celle-ci de délivrer un nouvel avis de sécurité.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 août 2018, le requérant a introduit le présent recours.

21      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande en référé tendant au sursis à l’exécution de la décision attaquée.

22      Le 24 août 2018, le requérant a, en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, demandé l’anonymat. Celui-ci lui a été accordé par décision du 2 octobre 2018.

23      Par ordonnance du 11 septembre 2018, XG/Commission (T‑504/18 R, non publiée, EU:T:2018:526), le président du Tribunal a rejeté la demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée.

24      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé des questions écrites. Les parties ont répondu à ces demandes dans le délai qui leur était imparti.

25      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ou, en tout état de cause, constater que le recours est devenu sans objet ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

27      La Commission estime que le recours est irrecevable pour deux raisons : d’une part, le requérant, qui a été licencié par son employeur, n’aurait plus d’intérêt à solliciter l’annulation de la décision attaquée et, d’autre part, le recours serait dirigé contre un acte confirmatif d’une décision devenue définitive.

28      Bien que la Commission n’ait pas invoqué une fin de non-recevoir à cet égard, il convient d’examiner, en outre, si la décision attaquée, quoiqu’intervenant dans un cadre contractuel, peut être considérée comme un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.

 Sur l’intérêt à agir du requérant

29      La Commission estime que le requérant a perdu son intérêt à agir au motif que, ayant été licencié par son employeur, il ne pourrait retirer aucun bénéfice de l’annulation de la décision attaquée. En effet, ce serait uniquement en sa qualité d’employé du contractant de la Commission qu’il aurait bénéficié d’un titre d’accès aux locaux de cette institution.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 18 mars 2010, Centre de Coordination Carrefour/Commission, T‑94/08, EU:T:2010:98, point 48 et jurisprudence citée).

31      L’intérêt à agir doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé. Il doit cependant perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer (arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42, et du 18 mars 2010, Centre de Coordination Carrefour/Commission, T‑94/08, EU:T:2010:98, point 49).

32      En l’espèce, le 6 septembre 2018, soit après l’introduction du présent recours, l’employeur a informé le requérant que son contrat de travail allait être résilié et que, conformément à la législation belge en vigueur sur le contrat de travail, la période de son préavis de neuf semaines commencerait à courir le 10 septembre 2018.

33      Le contrat a donc pris fin dans le courant du mois de novembre 2018.

34      Il n’y a cependant pas lieu de considérer que le requérant a perdu son intérêt à agir dès lors que, le 24 septembre 2018, l’employeur lui a écrit :  

« Dès que tu auras reçu une notification positive de la part du bureau de sécurité et que la DG [confidentielle] aura une requête te concernant, nous rétablirons un contrat d’emploi entre toi et notre société. »

35      Il résulte de ce courrier que, malgré la décision attaquée, le lien de confiance entre le requérant et son employeur a subsisté, de sorte que, si la décision attaquée était annulée, le requérant retrouverait des chances sérieuses d’être engagé par celui-ci.

36      À cet égard, la Commission ne saurait faire valoir que le courrier du 24 septembre 2018 se réfère non à l’annulation de la décision attaquée, mais à l’émission d’un avis de sécurité positif. En effet, en cas d’annulation de la décision attaquée, il incomberait à la Commission de tirer les conséquences de cette annulation, et il ne peut être exclu que, même en l’absence d’un avis de sécurité positif, elle considère que l’accès du requérant à ses bâtiments devrait à nouveau lui être accordé.

37      En outre, il convient de rappeler qu’il découle de l’article 266 TFUE qu’une partie requérante conserve un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir, pour autant qu’une telle éventualité soit envisageable indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours formé par la partie requérante (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, points 50 à 52).

38      En l’espèce, si le requérant était à nouveau engagé par l’employeur, il aurait un intérêt à ce que la Commission ne reprenne pas une décision entachée des mêmes illégalités que celles qui sont alléguées dans le cadre du présent recours.

39      Pour ces raisons, la fin de non-recevoir tirée par la Commission de l’absence d’intérêt à agir du requérant doit être écartée.

 Sur la question de savoir si la décision attaquée présente un caractère confirmatif

40      Selon la Commission, la décision attaquée n’est pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, car elle est purement confirmative de la décision du 25 avril 2018, par laquelle elle a retiré son titre d’accès au requérant. Dans la mesure où cette dernière décision n’aurait pas fait l’objet d’un recours dans le délai de deux mois prévu à l’article 263, dernier alinéa, TFUE, elle serait devenue définitive. Le recours formé contre la décision attaquée, laquelle n’aurait pas d’autre objet que de maintenir cette interdiction d’accès, ne serait dès lors pas recevable.

41      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d'une décision antérieure devenue définitive est irrecevable. Un acte est considéré comme purement confirmatif d'une décision antérieure s'il ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n'a pas été précédé d'un réexamen de la situation du destinataire de cette décision (voir arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 44 et jurisprudence citée).

42      Toutefois, le caractère confirmatif ou non d’un acte ne saurait être apprécié en fonction uniquement de son contenu par rapport à celui de la décision antérieure qu’il confirmerait. En effet, il y a également lieu d’apprécier le caractère de l’acte attaqué par rapport à la nature de la demande à laquelle cet acte constitue une réponse (voir arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 45 et jurisprudence citée).

43      En particulier, si l’acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués, et par laquelle l’administration est priée de procéder à un réexamen de la décision antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur ces faits et contient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure (arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 46).

44      Pour avoir un caractère nouveau, il est nécessaire que ni la partie requérante ni l’administration n’aient eu ou n’aient été en mesure d’avoir connaissance du fait concerné au moment de l’adoption de la décision antérieure ; cette condition est remplie, a fortiori, si le fait en cause est apparu après l’adoption de la décision antérieure (voir arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 50 et jurisprudence citée). 

45      Pour avoir un caractère substantiel, il faut que le fait concerné soit susceptible de modifier de façon substantielle la situation de la partie requérante qui est à la base de la demande initiale ayant donné lieu à la décision antérieure devenue définitive (voir arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 51 et jurisprudence citée).

46      En l’espèce, il convient de constater que, dans la décision du 25 avril 2018, la Commission a, pour retirer le droit d’accès du requérant à ses locaux, notamment pris en compte l’avis de sécurité négatif attribué à celui-ci par l’ANS.

47      Par la suite, le requérant a contesté la légalité de cet avis de sécurité devant l’organe de recours, qui, le 20 juin 2018, a décidé que « l’avis tel que formulé par l’[ANS] n’[avait] pas de base juridique » et que, en conséquence, « [il était] sans juridiction pour statuer sur le bien-fondé ou non de [cet] avis ».

48      Par courriel du 28 juin 2018, l’employeur a alors soumis la décision de l’organe de recours à la Commission au motif que, selon lui, compte tenu de cette décision, l’avis de sécurité négatif devait être considéré comme inexistant.

49      La demande de révision de la décision du 25 avril 2018 était donc fondée sur la décision de l’organe de recours.

50      Or, la décision de l’organe de recours présente un caractère nouveau au sens de la jurisprudence rappelée au point 44 ci-dessus, puisqu’elle a été rendue le 20 juin 2018, donc postérieurement à la décision initiale, qui, quant à elle, est datée du 25 avril précédent.

51      La décision de l’organe de recours présente également un caractère substantiel. En effet, dès lors qu’il y est déclaré que l’avis de sécurité négatif n’a pas de base légale, elle est de nature à jeter un doute sur un élément important pris en compte par la Commission pour adopter la décision du 25 avril 2018 et laisse à penser qu’elle pourrait déboucher sur une révision de cette décision.

52      Ayant eu connaissance de ce nouvel élément par l’employeur du requérant, la Commission a procédé à un réexamen de la situation de ce dernier, puisqu’elle a considéré que, à défaut pour l’organe de recours d’avoir annulé l’avis négatif, il convenait de maintenir l’interdiction d’accès dont il avait fait l’objet le 25 avril 2018.

53      Il y a donc lieu de considérer que la décision attaquée ne présente pas un caractère confirmatif, de sorte que le recours ne saurait être déclaré irrecevable pour ce motif.

 Sur la question de savoir si la décision attaquée peut être détachée du cadre contractuel dans lequel elle intervient

54      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 263 TFUE, les juridictions de l’Union contrôlent la légalité des actes adoptés par les institutions et destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers.

55      Selon une jurisprudence constante, cette compétence concerne seulement les actes visés par l’article 288 TFUE que les institutions sont amenées à prendre dans les conditions prévues par le traité FUE (voir ordonnance du 10 mai 2004, Musée Grévin/Commission, T‑314/03 et T‑378/03, EU:T:2004:139, point 63 et jurisprudence citée).

56      En revanche, les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel, dont ils sont indissociables, ne figurent pas, en raison de leur nature, au nombre des actes visés à l’article 288 TFUE dont l’annulation peut être demandée au Tribunal en vertu de l’article 263 TFUE (arrêts du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 52 ; du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden/Commission, T‑29/11, EU:T:2014:912, point 29, et ordonnance du 6 janvier 2015, St’art e.a./Commission, T‑36/14, non publiée, EU:T:2015:13, point 30).

57      En l’espèce, le recours s’inscrit indubitablement dans un cadre contractuel.

58      En effet, le code de conduite joint au contrat conclu le 8 février 2017 entre le requérant et son employeur prévoit que le consultant externe qui travaille pour la Commission s’engage à se conformer aux conditions des services de sécurité de la Commission.

59      De plus, ainsi qu’il résulte du point 4 ci-dessus, l’avenant au contrat-cadre énonce que, en vertu des articles 3, 7 et 8 de la décision 2015/443, la Commission peut effectuer une vérification des antécédents du personnel affecté sur place afin de prévenir et de contrôler les risques pour la sécurité de son personnel, de ses biens et de ses informations, que les droits d’accès du personnel affecté sur place aux locaux de l’autorité contractante peuvent être subordonnés à la délivrance d’un avis de sécurité positif par les autorités belges, que les droits d’accès existants restent valables tant qu’un avis de sécurité négatif n’est pas rendu et que le contractant s’engage à ne fournir que du personnel affecté sur place ayant reçu un avis de sécurité positif pour les bâtiments de la Commission qui y sont énumérés.

60      Toutefois, selon la jurisprudence, l’acte adopté par une institution dans un contexte contractuel doit être considéré comme détachable de ce dernier lorsque, d’une part, il a été adopté par cette institution dans l’exercice de ses compétences propres et, d’autre part, il produit par lui-même des effets juridiques obligatoires susceptibles d’affecter les intérêts de son destinataire et peut donc faire l’objet d’un recours en annulation. Dans ces circonstances, un recours en annulation introduit par le destinataire de l’acte doit être considéré comme recevable (voir ordonnance du 21 octobre 2011, Groupement Adriano, Jaime Ribeiro, Conduril/Commission, T‑335/09, EU:T:2011:614, point 32 et jurisprudence citée).

61      Dans ce contexte, les « compétences propres d’une institution » doivent être comprises comme celles, tirées des traités ou du droit dérivé, qui participent de ses prérogatives de puissance publique et lui permettent ainsi de créer ou de modifier, de manière unilatérale, des droits et des obligations à l’égard d’un tiers (ordonnance du 21 octobre 2011, Groupement Adriano, Jaime Ribeiro, Conduril/Commission, T‑335/09, EU:T:2011:614, point 33).

62      Ces conditions sont remplies en l’espèce.

63      D’une part, la décision attaquée a été adoptée par la Commission sur le fondement de la décision 2015/443, qui confère à cette institution des compétences propres visant, notamment, à assurer la sécurité au sein de ses locaux.

64      D’autre part, comme l’a souligné la Commission en réponse à une question du Tribunal, en maintenant l’interdiction d’accès du requérant aux locaux de la Commission, la décision attaquée produit, de manière unilatérale et indépendamment des contrats évoqués aux points 58 et 59 ci-dessus, des effets juridiques contraignants sur la situation d’un tiers, de sorte qu’elle constitue un acte de puissance publique.

65      Par ailleurs, les effets de la décision attaquée dépassent la sphère contractuelle, car elle a pour conséquence de priver le requérant de tout droit d’accès aux locaux, même en qualité de visiteur.

66      La décision attaquée constitue donc un acte détachable du contrat, susceptible de faire l’objet d’un recours au titre de l’article 263 TFUE.

 Sur le fond

67      À l’appui de son recours, le requérant soulève quatre moyens. Le premier est tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée. Le deuxième est tiré de la violation de l’article 3 de la décision 2015/443 et de l’absence de base légale de la décision attaquée. Le troisième est tiré de la violation des droits fondamentaux. Le quatrième, présenté à titre subsidiaire, est tiré de la violation de l'article 296 TFUE, de l'article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des principes de motivation formelle et matérielle des actes unilatéraux.

68      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner en premier lieu le deuxième moyen en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 3 de la décision 2015/443.

 Sur le deuxième moyen, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 3 de la décision 2015/443

69      Dans le cadre du deuxième moyen, le requérant fait valoir que la décision attaquée est dépourvue de base juridique au motif notamment que l’article 3 de la décision 2015/443, auquel renvoie la décision attaquée, ne prévoirait pas la possibilité de retirer le droit d’accéder aux bâtiments de la Commission, mais constituerait une disposition générale renvoyant à la charte des droits fondamentaux, au protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266) et au droit national.

70      À cet égard, il y a lieu de constater que la décision attaquée se réfère effectivement à l’article 3 de la décision 2015/443.

71      Ainsi que l’a souligné le requérant, l’article 3 de la décision 2015/443 énumère les dispositions et principes que doit respecter la Commission dans la mise en œuvre de cette décision, mais ne lui donne pas le pouvoir requis pour adopter des mesures limitant l’accès des tiers à ses locaux.

72      Dans le mémoire en défense, la Commission a fait valoir que la mention de l’article 3 de la décision 2015/443 dans la décision attaquée constituait une erreur de plume et que, en réalité, c’est l’article 12 de la même décision qui aurait dû y figurer.

73      À cet égard, il convient de constater que, comme le relève la Commission, l’article 12, paragraphe 1, sous b), de la décision 2015/443 donne compétence au personnel mandaté conformément à l’article 5 de la même décision pour interdire l’accès aux locaux de la Commission.

74      Constituant manifestement une erreur de plume, la mention de l’article 3 de la décision 2015/443 dans la décision attaquée ne saurait avoir d’incidence sur le fondement ou la validité de celle-ci.

75      Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen en tant qu’il concerne la référence à la décision 2015/443.

 Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée

76      Dans le premier moyen, le requérant fait valoir que C, chef de l’unité « Sécurité de l’information » au sein de la direction Sécurité de la DG des ressources humaines et de la sécurité, n’était pas compétente pour adopter la décision attaquée.

77      À cet égard, il convient de relever que la décision 2015/443 prévoit, en son article 17, que les responsabilités de la Commission visées par ladite décision sont exercées par la DG des ressources humaines et de la sécurité sous l’autorité et la responsabilité du membre de la Commission chargé de la sécurité.

78      Dans ce cadre, l’article 5, paragraphe 1, de la décision 2015/443 dispose :

« Seul le personnel autorisé sur la base d'un mandat nominatif attribué par le directeur général des ressources humaines et de la sécurité, compte tenu de ses obligations actuelles, peut être habilité à prendre une ou plusieurs des mesures suivantes : 

1.      port d’arme de défense ;

2.      réalisation des enquêtes de sécurité visées à l'article 13 ;

3.      adoption des mesures de sécurité visées à l'article 12, comme indiqué dans le mandat. »

79      Quant à l’article 12 de la décision 2015/443, il énonce, en son paragraphe 1 :

« Afin d'assurer la sécurité au sein de la Commission et de prévenir et contrôler les risques, le personnel mandaté conformément à l'article 5 peut, dans le respect des principes énoncés à l'article 3, prendre entre autres une ou plusieurs des mesures de sécurité suivantes :

[…]

b)      mesures limitées concernant des personnes présentant une menace pour la sécurité, notamment […] l’interdiction de l’accès aux locaux de la Commission pour une certaine durée selon des critères à définir dans les modalités d’application ;

[…] »

80      Il résulte de ces dispositions que, pour adopter une décision d’interdiction d’accès telle que la décision attaquée, le fonctionnaire de la Commission doit disposer d’un mandat nominatif attribué par le directeur général des ressources humaines et de la sécurité.

81      L’exigence d’un mandat nominatif implique que celui-ci soit conféré par écrit, ainsi que le confirment les termes « comme indiqué dans le mandat » figurant à l’article 5, paragraphe 1, point 3, de la décision 2015/443.

82      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a demandé à la Commission si C, signataire de la décision attaquée, faisait partie du personnel nominativement mandaté au sens de l’article 5 de la décision 2015/443.

83      Il ressort de la réponse de la Commission que C n’avait pas reçu de mandat nominatif pour adopter les mesures prévues à l’article 12, paragraphe 1, sous b), de la décision 2015/443.

84      Il y a donc lieu de constater que la personne signataire de la décision attaquée n’était pas habilitée à adopter celle-ci conformément aux exigences de la décision 2015/443.

85      Dans le mémoire en défense, la Commission a soutenu que la décision attaquée pouvait être prise par le chef d’unité au sein de la direction Sécurité, car cet agent disposait d’une délégation de signature du directeur de cette direction pour représenter la Commission vis-à-vis des tiers en ce qui concerne la politique de sécurité.

86      Pour établir l’existence de la prétendue délégation de signature, la Commission a produit un document contenant une description de la fonction exercée par C. Ce document énonce notamment que le chef de l’unité « Sécurité de l’information » de la direction Sécurité de la DG des ressources humaines et de la sécurité représente la Commission vis-à-vis des représentants des États membres et d’États tiers ainsi que des organisations publiques et privées en ce qui concerne la politique de sécurité et les autres matières qui sont du ressort de cette unité.

87      À cet égard, il convient de rappeler qu’une délégation de signature se distingue d’une délégation de pouvoir en ce que le délégant ne transfère pas de compétence au délégataire, lequel est simplement habilité à élaborer et à signer, en son nom et sous la responsabilité du délégant, l’instrumentum d’une décision dont la substance a été définie par ce dernier. Par ailleurs, une délégation de signature doit concerner des mesures de gestion et d’administration clairement définies.

88      En l’espèce, en premier lieu, il importe d’observer que les compétences indiquées dans le document visé au point 86 ci-dessus ne comportent pas nécessairement le pouvoir d’émettre des interdictions d’accès aux locaux de la Commission.

89      En deuxième lieu, il convient de constater que, outre qu’elle n’est pas signée, la description des compétences de C figurant dans ce document ne satisfait pas, du fait de son caractère général, à l’exigence de clarté applicable à la définition des mesures faisant l’objet d’une délégation de signature.

90      En troisième lieu, une telle délégation de signature serait incompatible avec la décision 2015/443, qui exige, pour l’adoption d’une mesure d’interdiction d’accès, un mandat nominatif et explicite délivré par le directeur de la DG des ressources humaines et de la sécurité.

91      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que C n’était pas compétente pour adopter la décision attaquée.

92      Selon la Commission, l’illégalité qui vient d’être identifiée, si elle était reconnue, ne devrait conduire à l’annulation de la décision attaquée que dans le cas où le requérant démontrerait avoir subi une atteinte à une garantie qui aurait dû lui être accordée, preuve qui, en l’espèce, n’aurait pas été rapportée.

93      À cet égard, il convient de souligner que, dans le cas où le litige se déroule entre une institution et son personnel et met en cause des garanties accordées à celui-ci par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne ou une règle de bonne administration, un défaut de compétence de l’auteur de l’acte attaqué n’entraîne pas nécessairement l’annulation de ce dernier lorsque la partie requérante n’a pas démontré avoir subi une atteinte à une garantie (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 2007, Caló/Commission, T‑118/04 et T‑134/04, EU:T:2007:37, points 67 et 68, et du 13 décembre 2018, Pipiliagkas/Commission, T‑689/16, non publié, EU:T:2018:925, point 62).

94      Toutefois, il n’y a pas lieu d’étendre cette jurisprudence aux relations entre la Commission et des tiers, d’autant que, étant extérieurs à l’administration, ces derniers ne bénéficient pas des garanties qui sont accordées aux fonctionnaires de l’Union par leur statut.

95      Au contraire, la jurisprudence souligne que les règles concernant la compétence de l’auteur de l’acte présentent un caractère d’ordre public impliquant, étant donné leur importance, que les moyens tirés de leur violation non seulement peuvent, mais doivent être soulevés d’office par le juge de l’Union, lorsque cette compétence est en cause dans une affaire portée devant lui (voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2017, Teeäär/BCE, T‑555/16, non publié, EU:T:2017:817, point 36 et jurisprudence citée).

96      Dans ces conditions, il convient de rejeter l’argument avancé sur ce point par la Commission, d’accueillir le premier moyen et, en conséquence, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le surplus du deuxième moyen et les autres moyens.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

98      La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission européenne du 3 juillet 2018 maintenant le refus d’accès de XG à ses locaux est annulée.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

Nihoul

Svenningsen

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 décembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      Données confidentielles occultées.