Language of document : ECLI:EU:T:2019:884

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

19 décembre 2019 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Harcèlement moral – Article 12 bis du statut – Demande d’assistance – Article 24 du statut – Rejet de la demande – Délai raisonnable – Absence de commencement de preuve – Obligation de motivation – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑647/18,

ZQ, représenté par Mes B. Cortese et C. Cortese, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. Mongin, en qualité d’agent, assisté de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission du 15 décembre 2017 rejetant la demande d’assistance introduite par le requérant le 18 août 2017 et, pour autant que de besoin, de la décision de la Commission du 19 juillet 2018 rejetant la réclamation introduite par le requérant le 19 mars 2018 et, d’autre part, à obtenir réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait prétendument subis,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. V. Valančius, faisant fonction de président, J. Svenningsen (rapporteur) et P. Nihoul, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, ZQ, est entré en fonctions, le [confidentiel] (1), au sein de la Commission européenne, où il a été amené à occuper différentes fonctions, tout d’abord en tant que consultant, puis en tant qu’agent auxiliaire ou agent temporaire et, enfin, en tant que fonctionnaire. Il est actuellement affecté au sein de la direction générale (DG) [confidentiel] en tant qu’administrateur [confidentiel].

 Sur la demande d’assistance

2        Par courrier électronique du 18 août 2017 adressé, notamment, au directeur général du personnel de la Commission en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination de cette institution (ci‑après l’« AIPN »), le requérant a, au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), introduit une demande d’assistance (ci-après la « demande d’assistance ») dans laquelle il alléguait être victime de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut.

 Sur les compléments à la demande d’assistance

3        Le 30 août 2017, l’AIPN a enregistré la demande d’assistance et a demandé à l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) d’en évaluer le bien-fondé.

4        Le 12 octobre 2017, l’AIPN a envoyé une demande de clarification au requérant et a invité ce dernier à remplir un questionnaire. Par la suite, les 12, 16 et 26 octobre 2017, le requérant a présenté des éléments additionnels à sa demande d’assistance, notamment les coordonnées de cinq témoins potentiels à contacter. Contactés par l’AIPN, quatre de ces témoins ont soumis une déclaration, alors que le cinquième n’a pas souhaité être impliqué.

5        Le 14 novembre 2017, l’AIPN a communiqué au requérant une analyse préliminaire de sa demande d’assistance, effectuée à partir d’évaluations préparées par l’IDOC, laquelle concluait que les éléments soumis par le requérant ne suffisaient pas pour être considérés comme un commencement de preuve de ses allégations. Le requérant a transmis ses observations relatives à cette analyse le 19 novembre 2017, lesquelles incluaient des documents additionnels et les noms de six témoins potentiels supplémentaires. L’AIPN a contacté trois de ces témoins, dont deux ont fourni des déclarations. Le troisième témoin aurait indiqué ne pas être en mesure de répondre dans le délai fixé et, en tout état de cause, ne pas avoir de souvenirs des faits allégués.

6        Le 21 novembre 2017, l’AIPN a invité le requérant à soumettre tout élément additionnel jusqu’au lendemain. Le requérant n’a pas communiqué d’éléments additionnels.

 Sur les faits allégués et prétendument constitutifs de harcèlement moral

7        Dans la demande d’assistance, telle que complétée à l’issue des échanges avec l’AIPN, le requérant faisait état, en substance, de cinq périodes, commençant [confidentiel], au cours desquelles il aurait été victime de comportements répétés de harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis du statut, de la part de plusieurs de ses collègues. Il soutient que, bien que ces comportements aient été le fait de collègues différents et à des périodes distinctes, en fonction de ses réaffectations successives, ils devraient être considérés comme constituant un ensemble unitaire.

8        En particulier, ces incidents, d’une part, trouveraient leur origine dans l’intention de certains fonctionnaires ou agents de nuire au requérant du fait de son implication dans des activités [confidentiel] et, d’autre part, constitueraient des représailles à son égard, car il aurait signalé à plusieurs occasions des situations, selon lui suspectes, impliquant, notamment, des faits de népotisme ou des conflits d’intérêts. Par ailleurs, d’autres fonctionnaires ou agents auraient aggravé la situation du requérant en ce que certains, par conformisme, auraient adopté des comportements similaires à ceux des harceleurs présumés principaux et en ce que certains supérieurs hiérarchiques se seraient abstenus d’intervenir pour faire cesser les incidents en cause.

–       Sur la première période, allant [confidentiel]

9        Durant une période allant [confidentiel] (ci-après la « première période »), le requérant a travaillé à Bruxelles (Belgique) principalement pour la DG [confidentiel] et aurait été victime de multiples comportements de harcèlement moral, lesquels auraient vraisemblablement trouvé leur origine dans le fait, notoire, que le requérant était impliqué dans l’association [confidentiel].

10      Ainsi, le requérant aurait été victime de faits de harcèlement moral de la part de quatre collègues. En particulier, le requérant aurait été harcelé, en [confidentiel] et en [confidentiel], par deux de ces collègues, lesquels cherchaient à détourner le travail de l’association [confidentiel] à des fins personnelles. En outre, il aurait été victime, à la même époque, d’incidents répétés de harcèlement moral commis par sa supérieure hiérarchique de l’époque, A. Enfin, lors d’un détachement au sein de la DG [confidentiel], le requérant aurait été obligé, en dépit de son grade, de partager un bureau avec un collègue ayant fait des remarques désobligeantes concernant [confidentiel].

–       Sur la deuxième période, allant [confidentiel]

11      Durant une période allant de [confidentiel] (ci-après la « deuxième période »), le requérant a été détaché auprès de la délégation de l’Union européenne [confidentiel], au sein de laquelle il a occupé des postes successifs pour la DG [confidentiel], la DG [confidentiel] ainsi que pour la DG [confidentiel]. Le requérant aurait subi de nombreux comportements de harcèlement moral commis par six collègues au sein de la délégation de l’Union [confidentiel], dont l’un, B, aurait eu des comportements particulièrement agressifs à son égard.

12      En particulier, les faits de harcèlement moral allégués auraient pris la forme, notamment, de retards liés à la délivrance du visa du requérant, d’efforts visant à mettre à mal son travail au sein de la délégation de l’Union [confidentiel] ou encore d’autres attitudes dénigrantes. À titre d’exemple, ses collègues auraient reçu pour instruction de ne plus l’assister dans l’exécution de ses tâches. Par ailleurs, le requérant aurait été forcé de changer de bureau, de sorte qu’il aurait été installé à proximité immédiate de l’un des auteurs présumés des faits de harcèlement moral.

–       Sur la troisième période, allant [confidentiel]

13      Durant une période allant [confidentiel] (ci-après la « troisième période »), le requérant a été affecté au bureau de la représentation de la Commission [confidentiel] pour la DG [confidentiel]. Il aurait subi des comportements constitutifs de harcèlement moral particulièrement virulents de la part de plusieurs collègues, lesquels auraient cherché à saboter son travail et à le discréditer. Le harcèlement moral à son égard aurait été la conséquence notamment, d’une part, de son signalement d’agissements inappropriés voire illégaux au sein de la DG [confidentiel] et, d’autre part, de ses efforts liés à la défense des droits [confidentiel].

14      Le requérant aurait notamment été victime de comportements constitutifs de harcèlement moral de la part de onze collègues, et particulièrement de C et D. En particulier, certains collègues du requérant au sein de la DG [confidentiel] auraient cherché à l’exclure de réunions, auxquelles sa participation était pourtant nécessaire, et, plus généralement, à l’empêcher d’accomplir son travail en favorisant d’autres collègues. En outre, des collègues auraient exprimé des commentaires diffamatoires à son égard, y compris devant des personnes extérieures au bureau de la représentation de la Commission [confidentiel]. Enfin, le harcèlement moral à l’égard du requérant se serait également manifesté sous la forme de conseils l’invitant à quitter la Commission pour trouver un autre emploi et, in fine, par l’interruption abrupte de son affectation à [confidentiel].

–       Sur la quatrième période, allant de [confidentiel]

15      Durant les mois [confidentiel] (ci-après la « quatrième période »), le requérant a été détaché à [confidentiel] pour la DG [confidentiel], dans le cadre d’un travail largement consacré à [confidentiel], lié également à la DG [confidentiel] ainsi qu’à la DG [confidentiel]. Bien que son détachement auprès de la délégation de l’Union à [confidentiel], le requérant a essentiellement été absent à partir du [confidentiel].

16      Le requérant aurait été victime de faits de harcèlement moral de la part de quatre collègues, dont la plupart travaillaient au sein de la délégation de l’Union [confidentiel]. Selon le requérant, l’objectif pernicieux de son transfert auprès de cette délégation aurait été de l’écarter des structures principales de la DG [confidentiel]. En particulier, le harcèlement moral à son égard serait illustré par le fait qu’il n’ait pas été informé ou assisté par la DG [confidentiel] s’agissant des détails pratiques de sa nouvelle affectation et de son déménagement et que, une fois arrivé sur place, le logement provisoire prévu par la délégation de l’Union [confidentiel] aurait été d’une qualité clairement inacceptable. Par ailleurs, un membre de la direction de ladite délégation, E, aurait traité le requérant de façon dénigrante, notamment en refusant d’approuver deux missions qui devaient lui permettre d’assister à deux conférences. En outre, à la suite des agissements de certains de ses collègues, plus particulièrement de F et de G, l’état de santé du requérant l’aurait obligé, le [confidentiel], à se rendre urgemment dans son État membre d’origine afin d’y recevoir des soins médicaux. Enfin, la délégation de l’Union [confidentiel] aurait, sans le consentement du requérant, décidé de demander la libération de la chambre d’hôtel lui servant de logement provisoire (départ forcé) et pris possession de ses effets personnels.

–       Sur la cinquième période, à partir [confidentiel]

17      Durant une période commençant à courir [confidentiel] (ci-après la « cinquième période »), le requérant a été en poste à [confidentiel] avant d’être transféré à Bruxelles [confidentiel], toujours au sein de la DG [confidentiel]. Au cours de cette période, durant laquelle le requérant a été fréquemment absent et sur de longues périodes pour cause de maladie, il aurait été victime de faits de harcèlement moral commis par des membres de divers services de la Commission.

18      Ainsi, tout d’abord, en [confidentiel] et en [confidentiel], le service médical de la Commission, et plus particulièrement le docteur H, aurait contribué au harcèlement moral subi par le requérant. En particulier, le service médical aurait refusé d’accepter ses certificats médicaux et, plus généralement, aurait adopté un comportement inapproprié eu égard au rôle de soutien attendu d’un tel service. Par ailleurs, lors de contrôles médicaux [confidentiel], le requérant aurait été victime d’incidents de harcèlement moral et de discrimination, fondés sur [confidentiel]. Ainsi, le requérant aurait dû faire face à des questions inappropriées du médecin externe désigné par la Commission et aurait été contraint de procéder à un test de personnalité.

19      En outre, en [confidentiel], ayant appris que le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) organisait une inspection de la délégation de l’Union [confidentiel], le requérant aurait communiqué au SEAE des documents concernant les faits de harcèlement moral dont il aurait été victime et aurait demandé un entretien téléphonique. Par la suite, durant l’entretien téléphonique organisé avec [confidentiel], I, à l’occasion duquel il aurait exposé les faits de harcèlement moral à son égard, elle aurait eu un comportement insultant et abusif envers lui.

20      Ensuite, lors d’une conversation téléphonique en [confidentiel], le requérant aurait été agressé verbalement par le [confidentiel] de la direction [confidentiel] de la Commission, J.

21      Enfin, en [confidentiel], le requérant a été transféré [confidentiel] de la DG [confidentiel] à Bruxelles, dans l’intérêt du service. Selon le requérant, ce transfert aurait été fait sans qu’il soit consulté ou informé et il en aurait pris connaissance en découvrant que son adresse électronique attribuée par le SEAE avait été désactivée.

 Sur la décision de rejet de la demande d’assistance

22      Par décision du 15 décembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), l’AIPN a rejeté la demande d’assistance. D’une part, certains des faits allégués étaient trop anciens, de sorte que la demande d’assistance devait, pour les allégations se rapportant auxdits faits, être rejetée, à titre principal, comme étant tardive. D’autre part, s’agissant des autres faits, plus récents, et, à titre surabondant, des faits les plus anciens pour lesquels la demande d’assistance était jugée tardive, l’AIPN a rejeté ladite demande comme étant non fondée dans son intégralité, au motif, essentiellement, que les éléments soumis par le requérant et les témoignages recueillis ne suffisaient pas pour pouvoir être considérés comme un commencement de preuve des faits allégués de harcèlement moral.

23      S’agissant des faits liés à certains certificats médicaux non reconnus par la Commission, la décision attaquée précise que cet aspect de la demande d’assistance a fait l’objet d’un traitement distinct, lequel a donné lieu à une décision de l’AIPN du [confidentiel].

 Sur la réclamation et la décision de rejet de cette réclamation

24      Par courrier électronique adressé le 19 mars 2018 au directeur général du personnel de la Commission en sa qualité d’AIPN, le requérant a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision attaquée (ci-après la « réclamation »). Il y faisait valoir, en substance, que l’AIPN n’avait pas traité de manière adéquate sa demande d’assistance, ce qui constituait un manquement de sa part à son obligation de diligence et au principe de bonne administration, y compris s’agissant de la collecte des témoignages des collègues identifiés par le requérant et de l’absence de prise en considération du contexte dans lequel s’inscrivaient les faits allégués de harcèlement moral, en particulier les prétendues illégalités commises au sein de la DG [confidentiel], telles qu’elles avaient été signalées dans la demande d’assistance. Par ailleurs, le requérant soutenait que le harcèlement moral à son égard continuait encore à la date de l’introduction de la réclamation.

25      À l’appui de sa réclamation, le requérant a déposé des éléments additionnels visant à appuyer ses allégations, notamment des déclarations provenant de témoins qu’il avait précédemment identifiés et qui, selon lui, corroboraient la teneur de sa demande d’assistance.

26      Par décision du [confidentiel], l’AIPN a rejeté la réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »). L’AIPN a essentiellement écarté les griefs formulés par le requérant contre le rejet de sa demande d’assistance et a confirmé l’analyse faite dans la décision attaquée. En outre, l’AIPN a conclu, dans la décision de rejet de la réclamation, que, d’une part, les éléments additionnels apportés par le requérant ne constituaient pas un commencement de preuve de ses allégations de harcèlement moral et, partant, ne justifiaient pas de remettre en cause la décision attaquée et que, d’autre part, s’agissant de l’affirmation du requérant selon laquelle le harcèlement moral à son égard perdurait à la date de l’introduction de la réclamation, cette allégation n’était pas étayée.

27      En parallèle, en [confidentiel], la Commission a, au titre de l’article 59, paragraphe 4, du statut, ouvert une procédure d’invalidité concernant le requérant. Selon celui-ci, cette procédure serait abusive et constituerait un incident additionnel constitutif de harcèlement moral à son égard, étant donné qu’il en aurait appris l’ouverture à la suite d’une convocation automatique sans communication officielle antérieure et que la Commission aurait maintenu la procédure en dépit de l’amélioration, à tout le moins partielle, de son état de santé.

28      Par ailleurs, le requérant aurait introduit une autre réclamation contre la décision adoptée par l’AIPN à l’issue de la procédure d’invalidité le concernant. Cette contestation ne fait pas l’objet du présent recours, à tout le moins pour ce qui concerne les conclusions en annulation.

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée le 29 octobre 2018, le requérant a introduit le présent recours, tout en indiquant être disposé à entamer des discussions en vue de parvenir à un règlement amiable du litige, conditionné, en ce qui le concernait, à une reconnaissance par la Commission de l’existence du harcèlement moral qu’il subissait depuis 20 ans, à une promotion sur un poste à un grade supérieur et à l’ouverture d’une enquête administrative sur le comportement des harceleurs présumés.

30      Le 11 février 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense, dans lequel elle a notamment indiqué que, eu égard aux conditions posées par le requérant, elle n’était pas disposée à résoudre le litige par la voie d’un règlement amiable.

31      Le 28 mars 2019, la phase écrite de la procédure a été close. À la demande du requérant formulée au titre de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a ouvert la phase orale de la procédure. En vue de celle-ci, le requérant a été invité à répondre, lors de l’audience, à une question posée par le Tribunal à titre de mesure d’organisation de la procédure. Les parties ont ainsi été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience tenue le 22 octobre 2019.

32      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et, pour autant que nécessaire, la décision de rejet de la réclamation (ci-après, prises ensemble, les « décisions litigieuses ») ;

–        condamner la Commission au paiement d’un montant de 1 000 000 euros à titre de réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable et, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

34      À titre liminaire, nonobstant la référence dans la requête à l’article 263 TFUE, il convient de considérer que le présent recours a été introduit sur le fondement de l’article 270 TFUE et de le requalifier en ce sens.

 Sur l’objet du recours

35      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 13 décembre 2018, CN/Parlement, T‑76/18, non publié, EU:T:2018:939, point 39).

36      Cependant, lorsque la décision de rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée, notamment lorsqu’elle modifie la décision initiale ou lorsqu’elle contient un réexamen de la situation de la partie requérante en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux qui, s’ils étaient survenus ou avaient été connus de l’autorité compétente avant l’adoption de la décision initiale, auraient été pris en considération, le Tribunal peut être amené à statuer spécifiquement sur les conclusions formellement dirigées contre la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 32 et jurisprudence citée).

37      En l’espèce, outre l’annulation de la décision attaquée, le requérant demande dans son recours, « pour autant que nécessaire », l’annulation de la décision de rejet de la réclamation. À cet égard, dans la mesure où cette décision n’est pas purement confirmative de la décision attaquée, puisque l’AIPN y a notamment pris position par rapport à des éléments nouveaux, il y a lieu d’examiner les conclusions en annulation tant de la décision attaquée que de la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 71).

38      En outre, la décision de rejet de la réclamation précise certains aspects de la motivation de la décision de refus d’assistance. Par conséquent, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, cette motivation devra également être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision attaquée, cette motivation étant censée coïncider avec ce dernier acte (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 55 et 56 et jurisprudence citée).

 Sur la recevabilité du recours

39      La Commission soutient que le recours est irrecevable en ce qui concerne les griefs relatifs aux faits allégués antérieurs au mois d’août 2012, à savoir les faits relevant de la première période et d’une partie de la deuxième période. En effet, en application de la jurisprudence du juge de l’Union, toute demande d’assistance devrait, en principe, être introduite dans une période de cinq années suivant les faits allégués. Ainsi, la demande d’assistance aurait été tardive en ce qui concerne les faits antérieurs à une période de cinq années avant l’introduction de ladite demande, c’est-à-dire, celle-ci ayant été introduite au mois d’août 2017, les faits antérieurs à août 2012. Selon la Commission, la tardiveté dans l’introduction de la demande d’assistance devrait avoir pour conséquence, en ce qui concerne ces faits, l’irrecevabilité du recours.

40      Le requérant ne s’est pas exprimé par écrit sur cet argument, soulevé dans le mémoire en défense, relatif à l’irrecevabilité partielle du recours. Cependant, lors de l’audience, il a, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal à titre de mesure d’organisation de la procédure, contesté cet argument et fait valoir qu’il avait introduit sa demande d’assistance dans un délai raisonnable ayant comme point de départ les derniers actes allégués de harcèlement moral, et ce conformément à la jurisprudence résultant de l’arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission (F‑95/09, EU:F:2011:9). Selon le requérant, la Commission, en excluant les faits antérieurs à août 2012, lesquels constitueraient un ensemble unitaire avec les faits plus récents, privait d’effet utile l’article 12 bis du statut.

41      À cet égard, dans la mesure où ni l’article 24 ni l’article 90, paragraphe 1, du statut ne prévoient de délai dans lequel une demande d’assistance devrait être introduite, il convient d’appliquer l’exigence selon laquelle pareille demande doit être introduite dans un délai raisonnable par rapport à la période pendant laquelle les faits allégués dans une telle demande se sont déroulés, lequel délai ne saurait dépasser, en principe, cinq années (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 61, et du 8 février 2011, Skareby/Commission, F‑95/09, EU:F:2011:9, points 52 et 53).

42      Toutefois, et par analogie avec ce qui est admis en matière de recours en indemnité des fonctionnaires, ce délai de cinq ans pour introduire une demande d’assistance concernant des faits allégués de harcèlement moral ne saurait être considéré comme une règle rigide et intangible. En particulier, si une telle demande d’assistance introduite au-delà du délai de cinq ans est en principe tardive, certaines circonstances particulières peuvent, dans certains cas, justifier le dépassement d’un tel délai (voir, en ce sens, arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission, F‑95/09, EU:F:2011:9, point 54).

43      S’agissant du point de départ du délai pour introduire une demande d’assistance concernant des faits allégués de harcèlement moral, il convient de rappeler que, pour pouvoir être qualifiés de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, les comportements allégués doivent se manifester de façon durable, répétitive ou systématique. Ainsi, au regard des spécificités du harcèlement moral, en particulier du fait qu’il constitue une infraction continue par définition, et de l’exigence de sécurité juridique, il est plus adapté de retenir, comme point de départ du délai d’introduction d’une demande d’assistance en matière de harcèlement moral, le dernier acte de l’auteur présumé du harcèlement moral ou, à tout le moins, le moment à partir duquel l’auteur présumé n’est plus en mesure de renouveler ses actes à l’encontre de sa victime, et ce indépendamment tant de la connaissance ou de la prise de conscience par la victime des différents actes constitutifs du harcèlement moral allégué que de l’acte par lequel la conduite abusive de l’auteur présumé du harcèlement moral acquiert dorénavant le caractère « durable », « répétitif » ou « systématique » requis pour conclure à l’existence d’un tel harcèlement moral (voir, en ce sens, arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission, F‑95/09, EU:F:2011:9, points 46 à 50 et jurisprudence citée). En d’autres termes, l’appréciation du caractère raisonnable du délai dans lequel une demande d’assistance concernant des allégations de harcèlement moral est présentée se fait au regard de la date ou de la période à laquelle les comportements allégués ont cessé.

44      En l’espèce, la demande d’assistance couvre plusieurs périodes dont le début de la première remonte à l’année 1996. Eu égard aux considérations qui précèdent, s’agissant des troisième à cinquième périodes, dont les faits s’y rapportant remontent au plus tôt à l’année 2015 et qui sont entrecoupées, en particulier du fait des réaffectations successives du requérant, la demande d’assistance doit être considérée comme ayant été introduite dans un délai raisonnable.

45      S’agissant des première et deuxième périodes, elles couvrent en large partie des faits allégués antérieurs à août 2012, de sorte que la demande d’assistance doit être considérée comme tardive en ce qui concerne ces faits.

46      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du requérant, mentionné au point 40 ci-dessus, selon lequel ces faits constitueraient un ensemble unitaire avec les faits plus récents. En effet, même s’il n’est pas exclu, ainsi que l’a reconnu la Commission lors de l’audience, que, dans certaines circonstances, des comportements, successifs et coordonnés dans le temps, de différents individus puissent être considérés comme constitutifs d’un seul et même comportement de harcèlement collectif, le requérant n’a pas apporté un commencement de preuve, en l’espèce, qu’un tel comportement collectif pourrait être imputable aux différentes personnes qu’il met en cause individuellement et qui, pour beaucoup d’entre elles, étaient affectées à des services différents.

47      Eu égard aux considérations qui précèdent et compte tenu du fait que le requérant n’invoque aucune circonstance précise visant à justifier l’introduction tardive de cette demande, c’est à juste titre que l’AIPN a considéré, dans les décisions litigieuses, que la demande d’assistance avait été introduite tardivement s’agissant des faits relevant de la première période ainsi que de ceux, antérieurs au mois d’août 2012, relevant de la deuxième période.

48      Le bien-fondé de la conclusion de l’AIPN quant à la tardiveté partielle de la demande d’assistance, telle que précisée dans les décisions litigieuses, justifie que les conclusions en annulation desdites décisions soient rejetées, s’agissant des faits antérieurs à août 2012, comme étant non fondées. Cependant, contrairement à ce que soutient la Commission, cela ne saurait affecter la recevabilité de ces conclusions en ce qu’elles visent lesdits faits, dès lors que, en tout état de cause, la décision contestée de l’AIPN a fait l’objet d’une réclamation dans le délai statutaire et le recours a été introduit dans le délai prévu à l’article 91 du statut.

49      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter l’argumentation de la Commission quant à l’irrecevabilité partielle du recours.

 Sur les conclusions en annulation

50      À l’appui de ses conclusions en annulation des décisions litigieuses, le requérant soulève, en substance, six moyens, tirés :

–        premièrement, d’erreurs manifestes d’appréciation en ce que la Commission aurait conclu, à tort, que les faits décrits dans la demande d’assistance n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement moral ;

–        deuxièmement, d’une erreur de droit en ce que la Commission aurait appliqué l’ancienne définition prétorienne de la notion de harcèlement moral, et non celle désormais formellement prévue dans le statut et en vigueur depuis le 1er mai 2004 ;

–        troisièmement, d’une erreur de droit en ce que la Commission aurait appliqué un standard de la preuve allant au-delà du simple commencement de preuve tel qu’exigé par la jurisprudence ;

–        quatrièmement, d’une erreur de droit en ce que la Commission aurait appliqué un standard de la preuve manifestement erroné étant donné qu’il se fonderait sur l’évaluation de la crédibilité d’allégations en fonction du temps écoulé ;

–        cinquièmement, d’une erreur de droit en ce que la Commission aurait violé son obligation de procéder à une enquête d’office en présence d’allégations crédibles ;

–        sixièmement, d’erreurs de droit relatives à l’absence ou à l’insuffisance de la motivation.

51      Il convient d’examiner successivement, d’abord, les premier et sixième moyens et, ensuite, les deuxième à cinquième moyens ainsi identifiés.

 Considérations liminaires

52      À titre liminaire, il convient de rappeler les principes concernant l’étendue de l’obligation d’assistance en présence d’allégations de harcèlement moral.

53      À cet égard, aux termes de l’article 24, premier alinéa, du statut, l’Union assiste le fonctionnaire ou l’agent « notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions ».

54      Selon une jurisprudence constante, l’article 24 du statut a été conçu en vue de protéger les fonctionnaires de l’Union contre un traitement dégradant quel qu’il soit, émanant non seulement de tiers à l’institution, mais également de personnes travaillant pour l’institution, qu’il s’agisse de tout autre fonctionnaire ou agent, indépendamment de la position hiérarchique de celui-ci, ou de membres de l’institution (arrêts du 14 juin 1979, V./Commission, 18/78, EU:C:1979:154, point 15, et du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 111).

55      Ainsi, lorsqu’un fonctionnaire ou agent estime faire l’objet, de la part de l’un de ses supérieurs hiérarchiques, de ses collègues, voire de ses subordonnés, d’un comportement qui méconnaît l’obligation, figurant à l’article 12 bis, paragraphe 1, du statut, de s’abstenir de toute forme de harcèlement moral et sexuel, ce fonctionnaire ou cet agent peut demander l’assistance de l’institution au sens de l’article 24 du statut.

56      En présence d’allégations de harcèlement moral, l’obligation d’assistance comporte, en particulier, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, la demande d’assistance dans laquelle un harcèlement moral est allégué et d’informer le demandeur de la suite réservée à celle-ci (arrêts du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 47, et du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 88).

57      À cet égard, l’administration saisie d’une demande d’assistance, au sens de l’article 24 du statut, doit, en vertu de l’obligation d’assistance et si elle est en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme faire l’objet. En présence d’un commencement de preuve, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la demande d’assistance, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16 ; du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 84, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 46).

58      S’agissant de l’exigence selon laquelle le demandeur d’assistance doit apporter un commencement de preuve de la réalité de la conduite abusive dont il affirme être victime, l’institution en cause ne saurait être tenue de mener une enquête administrative sur la base de simples allégations dénuées de preuve, étant entendu que, dans la définition des mesures qu’elle estime appropriées en vue d’établir la réalité et la portée des faits allégués, l’institution doit également veiller à protéger les droits des personnes mises en cause dans une demande d’assistance et susceptibles d’être visée par une enquête (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Faita/CESE, F‑92/11, EU:F:2013:130, point 97).

59      Lorsque, comme en l’espèce, les allégations figurant dans la demande d’assistance concernent un harcèlement moral, il appartient au demandeur d’assistance d’apporter un commencement de preuve de celui-ci au regard de la définition figurant à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, à savoir « toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique » du demandeur.

60      Enfin, s’agissant de la légalité d’une décision rejetant une demande d’assistance sans qu’une enquête administrative ait été ouverte, le juge de l’Union doit examiner le bien-fondé de cette décision au regard des éléments ayant été portés à la connaissance de l’institution, notamment par le demandeur d’assistance, lorsque celle-ci a statué (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, point 20, et du 16 septembre 2013, Faita/CESE, F‑92/11, EU:F:2013:130, point 98).

61      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens invoqués par le requérant.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation en ce que la Commission a conclu que les faits allégués ne seraient pas constitutifs d’un harcèlement moral

62      Par ce premier moyen, le requérant fait en substance valoir que, en refusant de reconnaître que les faits qu’il invoque sont constitutifs d’un harcèlement moral émanant de plusieurs de ses collègues, l’AIPN a commis des erreurs manifestes d’appréciation des faits allégués. Partant, l’AIPN aurait conclu à tort à l’absence d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, méconnaissant ainsi cette disposition.

63      Par ailleurs, le requérant considère que l’AIPN a pris parti contre lui, étant donné que, selon lui, seule l’existence d’un tel parti pris pourrait expliquer pourquoi l’AIPN a considéré que certains des faits allégués étaient trop anciens, a estimé que les allégations n’étaient pas crédibles ou encore a cherché à les minimiser, notamment en les sortant de leur contexte.

64      À l’appui de ce moyen, le requérant invoque plusieurs circonstances relatives aux première à quatrième périodes, qu’il convient d’examiner comme constituant quatre branches de ce moyen.

65      La Commission conclut au rejet du moyen comme étant non fondé. En effet, elle considère que l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et que le requérant n’a pas apporté d’éléments de preuve permettant de priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue par l’AIPN dans les décisions litigieuses. S’agissant en particulier de l’ancienneté de certains des faits allégués, elle rappelle que l’AIPN a considéré, sur le fondement d’une jurisprudence constante, que la demande d’assistance était tardive et, partant, irrecevable, en ce qui concernait les affirmations relatives à ces faits.

66      À titre liminaire, il convient de relever que, nonobstant ses affirmations relatives au parti pris de l’AIPN, le requérant ne les étaye pas et ne soulève pas formellement une méconnaissance du principe d’impartialité. En outre, en supposant même que le requérant ait entendu soulever un tel grief, il conviendrait, à titre surabondant, de le rejeter comme étant irrecevable en application de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

67      Par ailleurs, il importe de constater que, dans les décisions litigieuses, l’AIPN a conclu que le requérant n’avait pas apporté un commencement de preuve de la réalité du harcèlement moral dont il affirme être la victime. Par conséquent, bien que le premier moyen soit formellement tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par l’AIPN, en ce qu’elle aurait conclu à tort à l’absence d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, il convient de comprendre que le requérant conteste la conclusion selon laquelle il n’aurait pas apporté un commencement de preuve de la réalité dudit harcèlement.

–       Sur la première branche du premier moyen, relative à la première période

68      Le requérant fait valoir, en substance, que l’AIPN n’a pas tenu compte du contexte dans lequel les incidents dont il a été victime ont eu lieu, à savoir que les prétendues hostilités à son égard auraient commencé à partir du moment où il aurait rendu publiques ses activités de défense des droits [confidentiel].

69      À ce titre, le requérant invoque diverses circonstances, notamment un courrier électronique dans lequel un collègue aurait assimilé [confidentiel], le comportement dénigrant adopté par un supérieur hiérarchique au cours des années [confidentiel] ainsi que le partage forcé d’un bureau avec un collègue [confidentiel].

70      À cet égard, il suffit de rappeler que la demande d’assistance a été introduite tardivement en ce qui concerne les faits relevant de la première période. Or, c’est pour ce motif pris de sa tardiveté que ladite demande a été rejetée par l’AIPN, à titre principal, s’agissant desdits faits. Partant, la première branche du premier moyen, relative à cette période, doit être rejetée comme étant non fondée.

71      À titre surabondant, le Tribunal considère que, en tout état de cause, les faits exposés par le requérant ne démontrent pas une erreur d’appréciation commise par l’AIPN. En effet, il ressort du dossier que le requérant ne fournit rien en sus de ses propres allégations, de sorte qu’il n’a pas apporté un commencement de preuve des faits qu’il allègue en ce qui concerne la première période.

–       Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à la deuxième période

72      Le requérant met en avant plusieurs incidents pour démontrer l’erreur d’appréciation manifeste qu’aurait commise l’AIPN en concluant à l’absence de harcèlement moral.

73      À cet égard, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 70 ci-dessus, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée, puisque c’est à juste titre que, dans la décision attaquée, l’AIPN a rejeté comme tardive la demande d’assistance en ce qu’elle portait sur des faits antérieurs à août 2012.

74      Toutefois, dans la mesure où l’AIPN, dans les décisions litigieuses, et la Commission, dans le cadre du présent recours, ont tout de même examiné, par souci d’exhaustivité, quoique partiellement, à titre surabondant, les faits relevant de la deuxième période dans son ensemble, il convient d’examiner l’ensemble de cette période, y compris, à titre surabondant, les faits allégués antérieurs à août 2012.

75      À cet égard, en premier lieu, le requérant fait valoir que, s’agissant des difficultés liées à la nécessité d’obtenir un visa, lors de son transfert à la délégation de l’Union [confidentiel], c’est à tort que l’AIPN a considéré que ces difficultés reflétaient un problème plus général qui concernait d’autres travailleurs de l’institution. En effet, d’une part, le requérant, s’appuyant sur le point 89 de l’arrêt du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission (F‑46/11, EU:F:2013:115), estime que le caractère généralisé d’un harcèlement moral ne permet pas de le légitimer. D’autre part, le ton et le contenu de certains courriers électroniques envoyés par K, chef de la chancellerie de la délégation de l’Union à [confidentiel], auraient manifestement visé à dénigrer le requérant, d’autant plus que K avait mis plusieurs de ses collègues en copie de cette correspondance. En particulier, le contraste entre le ton employé dans le cadre de ces échanges par K et celui, courtois, utilisé par le requérant et par les autres collègues serait révélateur de l’existence d’un harcèlement moral.

76      À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le point 89 de l’arrêt du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission (F‑46/11, EU:F:2013:115), invoqué par le requérant est dénué de pertinence. En effet, dans ledit arrêt, le Tribunal a jugé que le fait qu’un comportement contestable visait non pas une, mais plusieurs personnes, ne pouvait justifier d’ôter à ce comportement le caractère de harcèlement moral et, au contraire, aggravait la violation de l’article 12 bis du statut. Or, en l’espèce, l’AIPN n’a constaté ni que le comportement en cause était contestable, ni que ce comportement concernait plusieurs personnes. En réalité, l’AIPN a indiqué que la nécessité d’obtenir un visa, plutôt qu’un simple laissez-passer comme cela était spécifié dans une note officielle, s’expliquait par les problèmes de l’époque dans les relations diplomatiques entre l’Union et [confidentiel], et non par la relation éventuellement conflictuelle entre le requérant et certains de ses collègues de la délégation de l’Union à [confidentiel]. C’est également ce qui ressort de l’échange de courriers électroniques produit par le requérant et de l’un des témoignages cités dans la décision attaquée, dans lequel le témoin concerné précise que, s’agissant des demandes de visa, il « pens[ait] que les délais provenaient surtout du système établi par le pays[ ; n]ous [avions] tous subi ce genre de frustrations ».

77      S’agissant plus particulièrement des courriers électroniques envoyés par K, le ton employé est certes direct, voire acerbe. Cependant, il ressort du dossier que ce dernier cherchait surtout à informer le requérant du risque objectif de ne pas être admis sur le territoire [confidentiel] en présentant aux autorités [confidentiel] un simple laissez-passer plutôt qu’un visa. L’impatience de K, telle qu’elle transparaît dans le ton qu’il utilise, peut par ailleurs s’expliquer par le fait que le requérant a initialement remis en cause le besoin d’un visa, après avoir été informé du fait que, malgré l’existence d’une note officielle indiquant l’usage d’un laissez-passer, cette indication ne correspondait pas aux réalités pratiques du terrain. Enfin, même en tenant compte de la contribution de K au courrier rédigé par L, évoqué au point 165 ci-après, le requérant ne fait pas état d’incidents ayant impliqué K illustrant le caractère durable du comportement prétendument abusif de ce dernier à son égard.

78      Or, à cet égard, il convient de rappeler que le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (arrêts du 16 avril 2008, Michail/Commission, T‑486/04, EU:T:2008:111, point 61 ; du 9 mars 2010, N/Parlement, F‑26/09, EU:F:2010:17, point 77, et du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 87). Par ailleurs, des observations négatives adressées à un agent ne portent pas nécessairement atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité lorsqu’elles sont formulées en des termes mesurés et ne reposent pas sur des accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs (arrêts du 24 février 2010, Menghi/ENISA, F‑2/09, EU:F:2010:12, point 110, et du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 87).

79      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’incident, survenu en [confidentiel], relatif à la gestion du visa pour la visite d’un fonctionnaire, le requérant considère que l’échange de courriers électroniques à ce sujet constitue une manifestation du harcèlement moral à son égard, compte tenu du fait que cet échange concernait une fois de plus la question des visas et du fait que L avait adopté un ton sévère dans l’un des courriers électroniques alors même que les critiques exprimées par ce dernier auraient contredit des instructions préexistantes. Ainsi, L avait notamment prié le requérant de « laisser les professionnels s’en occuper » et, de ce fait, aurait laissé entendre aux collègues en copie du courrier électronique qu’il était permis de se comporter de façon irrespectueuse avec le requérant.

80      À cet égard, il ressort du dossier que, entre le requérant et L, il existait une divergence de vues concernant les procédés administratifs à suivre pour l’obtention de visas pour des visiteurs. De la sorte, le ton adopté par L dans son courrier électronique est certes sévère, mais ne suffit pas pour démontrer un comportement relevant du harcèlement moral. Par ailleurs, le fait que cet incident concerne à nouveau la question des visas n’établit pas l’existence d’un acharnement contre le requérant, mais indique plutôt que l’obtention des visas était un problème récurrent au sein de la délégation.

81      En troisième lieu, en ce qui concerne les directives qui auraient été données, en 2010, par la direction au personnel de la délégation de l’Union à [confidentiel] de ne pas assister le requérant dans son travail, ce dernier souligne que, nonobstant l’existence d’un pouvoir discrétionnaire dont jouirait un chef de délégation, ce pouvoir ne peut conduire à ce qu’un haut fonctionnaire, tel que le requérant, soit privé de tout soutien administratif. En outre, selon le requérant, à supposer même qu’il y ait eu des désaccords entre certaines des directions générales de la Commission quant à la répartition des charges budgétaires liées au soutien administratif nécessaire à l’exercice effectif de ses fonctions, ces désaccords n’auraient pas pu justifier que l’absence de tout soutien perdure jusqu’à leur résolution, potentiellement lointaine.

82      À cet égard, il convient de relever que le requérant se contente de critiquer les instructions visant à le priver de soutien administratif et d’affirmer que de pareilles instructions ne pourraient être justifiées par l’existence de désaccords relatifs à la répartition des charges budgétaires. Le requérant n’avance toutefois aucun élément de nature à infirmer la description nuancée des circonstances pertinentes, faite par l’AIPN dans la décision attaquée, en particulier de celles relatives, premièrement, aux ressources limitées de ladite délégation, deuxièmement, au fait que certains collègues ont cherché à trouver une solution et, troisièmement, au fait que la réaction du requérant avait été disproportionnée eu égard à la réalité des faits, compte tenu notamment des méthodes de travail habituelles de la délégation. Ladite décision constate en outre que le témoin, identifié par le requérant comme pouvant confirmer sa « mise à l’écart », était en poste à Bruxelles au moment des faits pertinents, de sorte que son témoignage était nécessairement indirect et avait une valeur probante limitée.

83      En tout état de cause, il convient de rappeler que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions dans l’organisation de leurs services, ni des décisions administratives sur des questions relevant de l’organisation des services, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur ces mêmes questions ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral (arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 108 ; voir, également, arrêt du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 98 et jurisprudence citée). Ces considérations valent également dans le cadre de l’examen de l’existence d’un commencement de preuve d’un harcèlement moral. Or, les circonstances avancées par le requérant pour démontrer une prétendue absence de soutien administratif à son égard révèlent davantage ses difficultés à accepter les décisions de la hiérarchie, sans constituer en tant que telles un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

84      En quatrième lieu, le requérant conteste le constat, figurant dans la décision attaquée, selon lequel l’incident relatif à la prétendue « entrée brutale » de B dans le bureau du requérant, en [confidentiel], serait un événement isolé, lequel ne justifierait pas un examen approfondi. Ainsi, ce constat serait manifestement erroné dès lors que l’AIPN ferait référence, dans la même décision, à trois autres incidents. Par ailleurs, le requérant rappelle que la demande d’assistance mentionnait également des incidents additionnels et précisait que le comportement abusif de ce collègue aurait également visé une autre collègue, M.

85      À cet égard, d’abord, il suffit de constater que la décision attaquée ne contient pas de constatations relatives aux trois incidents évoqués par le requérant, mais relaye les propos de ce dernier à leur sujet. Ensuite, l’AIPN n’a pas uniquement qualifié d’événement isolé l’« entrée brutale » de B dans le bureau du requérant, mais a, plus généralement, constaté que ce dernier n’avait pas apporté un commencement de preuve de la réalité de ses allégations. En effet, l’AIPN a considéré, à juste titre, que ne suffisaient pas en tant qu’éléments de preuve, d’une part, des courriers électroniques contemporains aux faits, rédigés par le requérant lui-même, ainsi que, d’autre part, le témoignage d’un collègue qui ne travaillait pas au sein de la délégation de l’Union à [confidentiel] et répétait des informations qu’il tenait du requérant lui-même.

86      En cinquième lieu, s’agissant du problème relatif à son changement de bureau en [confidentiel] au sein de la délégation de l’Union à [confidentiel], le requérant, tout en reconnaissant que bon nombre de ses collègues avaient également été amenés à changer de bureau, indique que l’AIPN n’avait pas tenu compte de la circonstance spécifique qu’il avait été transféré dans un bureau objectivement inadapté à ses fonctions et à son grade et, de surcroît, situé à proximité de celui de B, l’un des harceleurs présumés.

87      À cet égard, il convient de relever que le requérant a initialement indiqué, dans la demande d’assistance, qu’il avait été forcé de déménager dans un bureau inadapté « alors qu’il n’y [en] avait absolument aucun besoin ». Or, l’AIPN a constaté que, en réalité, ce déménagement avait été rendu nécessaire, car la moitié du personnel de la délégation, y compris le personnel de direction, avait dû déménager, [confidentiel]. À défaut d’éléments de preuve additionnels, le fait que le requérant ait pu se retrouver dans un bureau moins adapté à ses fonctions et à son grade et situé à côté de celui d’un collègue ayant prétendument eu un comportement inapproprié à son égard n’apparaît pas comme étant la manifestation d’une conduite abusive volontaire, par opposition à accidentelle, de la part de membres de l’administration.

88      Eu égard aux considérations qui précèdent, l’AIPN a pu à bon droit considérer que le requérant n’avait pas apporté un commencement de preuve d’un harcèlement moral à son égard en ce qui concerne la deuxième période, de sorte que la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

–       Sur la troisième branche du premier moyen, relative à la troisième période

89      Le requérant fait valoir que l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant qu’il n’avait pas apporté un commencement de preuve du harcèlement moral exercé à son égard par C et D. Cette erreur résulterait du fait que l’AIPN aurait ignoré divers incidents et, en conséquence, n’aurait pas tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivait le harcèlement moral.

90      Ainsi, le requérant reproche à l’AIPN de ne pas avoir tenu compte du comportement prétendument problématique de C, signalé dans la demande d’assistance, et dont le requérant avait alerté tant le fautif lui-même que sa hiérarchie. Au titre dudit comportement problématique, C, premièrement, aurait adopté une attitude inadaptée dans le cadre des relations entre la Commission et les autorités des États membres relatives à la gestion de [confidentiel], deuxièmement, il aurait favorisé la conclusion de contrats « à la légalité douteuse » compte tenu d’un conflit d’intérêts résultant de ses liens familiaux avec le fonctionnaire chargé de ces contrats, troisièmement, il aurait dénigré le requérant lors de réunions auxquelles participaient des représentants des États membres, quatrièmement, il aurait, de manière abusive, tenté d’entraver le bon exercice des fonctions du requérant et cherché à lui retirer des tâches, cinquièmement, il aurait illégalement cherché à obtenir des informations sur l’état de santé du requérant et, sixièmement, il se serait également rendu coupable de faits de harcèlement moral à l’encontre de deux autres fonctionnaires.

91      En outre, selon le requérant, l’AIPN a indûment procédé à une lecture littérale du courrier électronique envoyé le [confidentiel] par D, [confidentiel] de la DG [confidentiel], au requérant en vue de discuter de manquements reprochés à ce dernier. Or, il conviendrait de lire ce courrier électronique à la lumière du fait qu’il constituait une riposte coordonnée à la suite de la dénonciation par le requérant du comportement de C quelques semaines auparavant, laquelle n’avait pas suscité le moindre suivi par la hiérarchie. Cette riposte s’illustrerait également par le refus de C d’accorder au requérant un jour de congé le [confidentiel], et ce en vue de le contraindre à participer à une réunion avec D prévue ce jour-là.

92      À cet égard, d’abord, il convient de constater, s’agissant du contexte évoqué, que le requérant se contente de réitérer des allégations initialement faites dans la demande d’assistance, sans élément de preuve à l’appui.

93      Ensuite, s’agissant plus particulièrement des relations entre, d’une part, C et D et, d’autre part, le requérant, les éléments produits par ce dernier ne démontrent pas l’existence d’un harcèlement moral à son égard. En effet, d’une part, comme le relève à juste titre la Commission, les courriers électroniques échangés entre le requérant et C révèlent certes que ces deux collègues pouvaient avoir des divergences de vues, mais le ton et le contenu des courriers électroniques de ce dernier sont restés professionnels.

94      D’autre part, en ce qui concerne le courrier électronique que lui a envoyé D le [confidentiel], le requérant ne produit aucun élément permettant de démontrer que ledit courrier électronique constituait des représailles à la suite de la dénonciation par lui des manquements qu’il imputait à C. Par ailleurs, à la lecture dudit courrier, il apparaît que D, dans des termes professionnels, invitait le requérant [confidentiel] afin de s’expliquer sur des manquements lui étant reprochés, notamment ceux relatifs à son manque de coopération avec certains de ses collègues et à ses fréquentes absences, y compris lors de la réunion prévue le [confidentiel] durant le séjour à [confidentiel] de D. Dans ces conditions, c’est à juste titre que l’AIPN a considéré que ledit courrier constituait une démarche légitime de la part d’un supérieur hiérarchique plutôt que la manifestation d’un harcèlement moral.

95      Eu égard aux considérations qui précèdent, l’AIPN a pu considérer que le requérant n’avait pas apporté un commencement de preuve d’un harcèlement moral à son égard en ce qui concerne la troisième période. Partant, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen.

–       Sur la quatrième branche du premier moyen, relative à la quatrième période

96      Le requérant souligne en particulier deux incidents pour démontrer l’erreur d’appréciation manifeste qu’aurait commise l’AIPN en concluant à l’absence de harcèlement moral de la part du chef de la délégation de l’Union à [confidentiel], E, et, également, de certains de ses collègues se trouvant sur place.

97      En premier lieu, le requérant fait valoir que c’est à tort que l’AIPN n’a pas reconnu le caractère manifestement inapproprié du refus de E d’approuver les missions sollicitées par le requérant afin de lui permettre d’assister à deux conférences. En effet, selon le requérant, contrairement aux motifs exposés par E dans son courrier électronique au requérant du 12 octobre 2016, les deux missions entraient clairement dans le cadre de ses fonctions, étant donné que celles-ci impliquaient, selon la description de son poste, deux missions ou plus par mois et que les conférences en cause couvraient des thèmes relatifs à [confidentiel]. Par ailleurs, le requérant souligne qu’il était le conseiller de la délégation en matière de « [confidentiel] », de sorte que, selon lui, il ne revenait pas à E de fixer les priorités de ses missions. En réalité, selon le requérant, les motifs de refus avancés par E traduisaient ses convictions personnelles, notamment au sujet des droits [confidentiel].

98      À cet égard, il convient de rappeler que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions dans l’organisation de leurs services, ni des décisions administratives sur des questions relevant de l’organisation des services, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur ces mêmes questions ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral (arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 108 ; voir, également, arrêt du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 98 et jurisprudence citée). Or, une décision d’approuver ou de refuser une mission relève assurément de l’organisation des services.

99      Par ailleurs, ainsi que l’AIPN l’a constaté dans la décision attaquée, E avait exposé les raisons pour lesquelles il considérait que les deux missions sollicitées par le requérant étaient inopportunes. Ces raisons tenaient, en substance, au fait que ce dernier, récemment arrivé à la délégation, devait prendre connaissance des dossiers et établir des contacts avec le personnel pertinent des ministères [confidentiel] ainsi qu’avec les représentants locaux des États membres. Or, les deux missions sollicitées avaient lieu en Europe et leurs thématiques ne concernaient pas particulièrement ces deux États tiers. En outre, l’une des missions impliquait l’absence du requérant à une réunion utile dans le cadre de ses tâches au sein de la délégation. Au regard de ces motifs circonstanciés, la décision de refus n’était pas inappropriée.

100    En tout état de cause, le requérant n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles, d’une part, le refus de E était en réalité motivé par ses convictions personnelles et, d’autre part, ce dernier n’était pas compétent pour prendre cette décision.

101    En second lieu, le requérant estime que c’est à tort que l’AIPN a considéré que la décision de la délégation de l’Union de libérer sa chambre d’hôtel à [confidentiel] était appropriée. En effet, malgré le fait qu’il se trouvait dans son État membre d’origine et le risque éventuel qu’une partie des coûts d’occupation de la chambre lui soient facturés, aucun intérêt public n’aurait justifié l’intrusion dans sa vie privée et la saisie de ses effets personnels, parmi lesquels des communications relatives à son état de santé.

102    À cet égard, force est de constater que, à la lecture des documents produits par le requérant, la délégation a procédé de manière raisonnable. En effet, ainsi qu’il a été constaté dans la décision attaquée, la décision de libérer la chambre d’hôtel du requérant et de récupérer, en son absence, ses effets personnels a été prise après plusieurs tentatives infructueuses d’obtenir son autorisation, alors qu’il était parti dans son État membre d’origine pour recevoir des soins médicaux sans en informer la délégation. Par ailleurs, cette décision de libérer la chambre était justifiée par le souhait d’éviter des coûts inutiles, en particulier compte tenu du fait que le prix de cette chambre dépassait le plafond fixé pour les membres du personnel de la délégation.

103    Enfin, s’agissant du grief du requérant selon lequel la décision attaquée souffre d’un défaut de motivation dès lors que ses autres allégations concernant la quatrième période n’ont pas été prises en considération, celui-ci sera examiné dans le cadre du troisième moyen. Toutefois, il convient d’ores et déjà de relever que, s’agissant des allégations « plausibles » de faits de harcèlement moral commis par deux collègues de la délégation, F et G, le requérant n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de ces allégations.

104    Eu égard à ce qui précède, la quatrième branche du premier moyen doit être également rejetée.

–       Sur l’examen global des incidents mis en avant par le requérant

105    Dans sa demande d’assistance, le requérant formule de nombreuses allégations de comportements de harcèlement moral, lesquels seraient le fait d’une vingtaine de prétendus harceleurs depuis [confidentiel]. Le requérant fait également état d’illégalités et d’abus à grande échelle qui auraient été commis par des fonctionnaires et des agents de l’Union.

106    Toutefois, il convient de constater que, malgré les 144 pages d’annexes de la demande d’assistance et les témoignages recueillis par l’AIPN, les éléments apportés par le requérant au dossier de la procédure devant le Tribunal ne permettent pas de corroborer à suffisance ses allégations. En effet, les incidents mis en avant par le requérant et étayés par des documents qui viennent d’être examinés isolément, par période pertinente, révèlent certes des comportements parfois maladroits de la part de certains de ses collègues ou supérieurs hiérarchiques à son égard, mais ces quelques événements, qui s’étalent sur plusieurs années et impliquent des individus différents, ne témoignent pas de comportements inappropriés, compte tenu d’un contexte administratif parfois difficile et du comportement du requérant lui-même.

107    S’agissant des témoins que le requérant avait identifiés, lesquels incluaient d’autres prétendues victimes du harcèlement moral allégué, l’AIPN les a tous contactés, sauf ceux n’ayant pas travaillé directement avec lui. Un seul témoin n’a pas souhaité contribuer à l’analyse effectuée par l’AIPN. Or, il ressort des décisions litigieuses que les témoignages recueillis ne permettent pas de corroborer les allégations du requérant, notamment parce que les témoins concernés ne travaillaient pas au lieu d’affectation du requérant au moment des faits spécifiques allégués, de sorte que leurs témoignages étaient indirects et avaient une valeur probante limitée. Par ailleurs, plusieurs témoignages confirment que les difficultés connues par le requérant s’expliquaient plutôt par un contexte administratif difficile. Or, le requérant ne conteste ni les conclusions de l’AIPN relatives à l’absence des personnes concernées au moment des faits allégués, ni le contenu des témoignages obtenus.

108    Il résulte de ce qui précède que la plupart des faits allégués ne sont étayés par aucun élément de preuve. En outre, s’agissant des faits allégués pour lesquels l’AIPN disposait d’éléments de preuve, ces derniers ne témoignent pas d’agissements présentant un caractère objectivement abusif, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 78, et du 8 février 2011, Skareby/Commission, F‑95/09, EU:F:2011:9, points 78).

109    En ce qui concerne plus particulièrement les comportements allégués de dénigrement envers le requérant, qui trouveraient leur origine dans l’intention de certains fonctionnaires ou agents de nuire à ce dernier en raison de [confidentiel] ou de ses activités de défense des droits [confidentiel] et qui seraient effectivement de nature à avoir objectivement pour effet de porter atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité physique ou psychique, le requérant reste en défaut d’apporter un commencement de preuve de ces allégations. De la même manière, le requérant n’apporte pas de commencement de preuve des irrégularités prétendument commises par des fonctionnaires ou des agents des institutions, en particulier C.

110    Enfin, s’agissant de la circonstance, soulignée par le requérant lors de l’audience, que, bien qu’il ait subi les comportements allégués de la part de collègues différents et à des périodes distinctes, ces comportements devraient être considérés comme constituant un ensemble unitaire, force est de constater que celle-ci est fondée sur les seules allégations générales du requérant, lesquelles reposent, dans une large mesure, sur l’existence de liens professionnels, familiaux ou sociaux entre certains des prétendus harceleurs. Or, un tel contexte, en l’absence de tout élément de preuve, ne saurait suffire à faire naître des doutes sérieux quant au fait que les prétendus harceleurs auraient agi dans le cadre d’un seul et même comportement de harcèlement collectif.

111    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, les éléments portés à la connaissance de l’AIPN n’étaient pas susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la réunion des conditions posées par l’article 12 bis du statut, de sorte que c’est à bon droit que l’AIPN a retenu, dans les décisions litigieuses, que le requérant n’avait pas apporté un commencement de preuve de la réalité du harcèlement moral dont il affirme avoir été la victime.

112    Partant, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré d’erreurs de droit relatives à l’absence ou à l’insuffisance de la motivation

113    Dans le cadre du sixième moyen, le requérant fait valoir que, à supposer même qu’il soit tenu compte des motifs contenus dans la décision de rejet de la réclamation, la motivation des décisions litigieuses serait largement insuffisante.

114    En effet, de nombreux faits allégués dans la demande d’assistance n’auraient pas été pris en considération dans la décision attaquée. Or, à défaut d’avoir examiné les allégations dans leur ensemble, l’AIPN n’aurait évalué adéquatement ni le contexte dans lequel ces incidents s’inscrivaient, ni leur dimension durable, répétitive ou systématique, ni leur capacité objective à porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité psychique du requérant.

115    À l’appui de ce moyen, le requérant met en avant diverses allégations relevant des première à cinquième périodes, qu’il convient d’examiner comme constituant cinq branches de ce moyen.

116    La Commission conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.

117    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 296 TFUE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêts du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 50, et du 14 décembre 2018, FZ e.a./Commission, T‑526/16, EU:T:2018:963, point 114).

118    En outre, si la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, elle doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est, en outre, pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte est suffisante doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, point 188 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑692/16, non publié, EU:T:2017:894, point 115).

119    Il s’ensuit qu’une motivation ne doit pas être exhaustive, mais, au contraire, doit être considérée comme suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑692/16, non publié, EU:T:2017:894, point 116 et jurisprudence citée).

120    Enfin, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celle-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont, dès lors, dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir ordonnance du 16 septembre 2013, Bouillez/Conseil, T‑31/13 P, EU:T:2013:521, point 20 et jurisprudence citée).

–       Sur la première branche du sixième moyen, relative à la première période

121    D’une part, le requérant fait valoir que la décision attaquée ne mentionne pas ses allégations concernant le harcèlement moral exercé par sa supérieure hiérarchique de l’époque, A. D’autre part, il relève que la décision attaquée ne mentionne pas les incidents constitutifs de harcèlement moral dont il a été victime, à partir de l’année [confidentiel], lors de son détachement temporaire au sein de la DG [confidentiel].

122    À cet égard, il convient de rappeler, d’abord, que la demande d’assistance était tardive et, partant, irrecevable en ce qui concerne les allégations relevant de la première période. Or, dans les décisions litigieuses, l’AIPN a expliqué à suffisance de droit les raisons pour lesquelles elle estimait que les éléments se rapportant à ladite période étaient trop anciens, de sorte qu’il convient de rejeter la première branche du sixième moyen comme étant non fondée.

123    À titre surabondant, il convient encore de noter que, comme cela est indiqué au point 22 ci-dessus, l’AIPN a statué sur le bien-fondé de l’ensemble de la demande et a ainsi examiné l’ensemble des faits allégués et des éléments fournis par le requérant à l’appui de sa demande d’assistance, y compris, contrairement à ce que soutient le requérant, les allégations relatives à A et au détachement du requérant au sein de la DG [confidentiel], lesquelles concernent la première période. En effet, comme le relève à juste titre la Commission, ces allégations figurent dans le résumé des allégations dans la décision attaquée.

124    Certes, la décision attaquée ne contient aucune référence expresse à ces allégations dans la partie, distincte, contenant l’appréciation juridique de l’AIPN. Cependant, la lecture de l’appréciation juridique concernant la première période fait apparaître que, à la suite de son examen des allégations, l’AIPN a conclu qu’« aucun des éléments fournis ne [révélait] l’existence des allégations [et] aucun des témoins contactés n’[avait] pu corroborer [lesdites] allégations ».

125    Partant, l’AIPN a motivé sa décision à suffisance de droit en expliquant que le requérant n’avait pas apporté un commencement de preuve des faits allégués en ce qui concerne la première période, de sorte que la première branche du sixième moyen doit être rejetée.

–       Sur la deuxième branche du sixième moyen, relative à la deuxième période

126    Le requérant considère que la motivation de la décision attaquée est insuffisante ainsi que contradictoire dans la mesure où l’AIPN rejette ses allégations concernant les faits de harcèlement moral commis par B et les difficultés liées à son changement de bureau dans les locaux de la délégation de l’Union à [confidentiel]. Ainsi, en considérant que l’incident impliquant B était isolé, l’AIPN n’aurait tenu compte ni de trois incidents similaires, pourtant mentionnés dans ladite décision, ni du fait qu’une collègue de la délégation avait également été une victime de ce harceleur présumé, ni encore du fait que les changements de bureaux conduisaient à ce que le requérant se retrouve à proximité de celui-ci.

127    À cet égard, d’une part, il suffit de constater que le requérant, par ce grief, conteste en réalité l’appréciation faite par l’AIPN, de sorte que ce grief est dénué de pertinence dans le cadre de l’examen du présent moyen, d’autant plus que les griefs du requérant relatifs à la conclusion de l’AIPN quant à l’absence de commencement de preuve ont été examinés et rejetés dans le cadre du premier moyen. D’autre part, l’AIPN a, dans la décision attaquée, répondu aux allégations relatives à la deuxième période sur près de cinq pages, lesquelles contiennent une analyse détaillée des allégations, des documents soumis par le requérant et des témoignages recueillis, avant de conclure à l’absence d’un commencement de preuve. Eu égard à la jurisprudence évoquée aux points 117 à 120 ci-dessus, l’AIPN n’était pas tenue d’inclure une analyse de chacune des nombreuses allégations exposées dans la demande d’assistance.

128    Partant, l’AIPN a motivé les décisions litigieuses à suffisance de droit en expliquant au requérant, en ce qui concerne la deuxième période, qu’il n’avait pas apporté un commencement de preuve des faits allégués. Ainsi, la deuxième branche du sixième moyen doit être rejetée.

–       Sur la troisième branche du sixième moyen, relative à la troisième période

129    Le requérant estime que la décision attaquée est entachée, pour partie, d’une insuffisance de motivation et, pour partie, d’un défaut total de motivation. En effet, en premier lieu, en ce qui concerne ses allégations relatives à C, le requérant souligne que l’AIPN s’est limitée à une lecture superficielle de quelques courriers électroniques et a refusé de tenir compte du contexte dans lequel ceux-ci s’inscrivaient. À ce titre, l’AIPN n’aurait pas « vérifié » une série de ses allégations, pourtant circonstanciées, et n’aurait pas recueilli le témoignage de N.

130    En deuxième lieu, le requérant souligne que la décision attaquée ne vise aucune de ses allégations sur le harcèlement moral exercé par plusieurs collègues autres que C à la même époque.

131    En troisième lieu, le requérant relève que la décision attaquée est silencieuse s’agissant des allégations relatives aux comportements irrespectueux ou à l’absence de soutien de la part des supérieurs hiérarchiques auxquels il a signalé les faits de harcèlement moral dont il était victime, à savoir [confidentiel] de la DG [confidentiel], le [confidentiel] bureau de représentation de la Commission [confidentiel] ainsi que la personne chargée des questions [confidentiel].

132    À cet égard, s’agissant, d’une part, des allégations relatives à C, exposées au point 129 ci-dessus, il convient de constater que le requérant conteste en réalité l’appréciation faite par l’AIPN. Or, les griefs du requérant relatifs à la conclusion de l’AIPN quant à l’absence de commencement de preuve, y compris en ce qui concerne l’appréciation du contexte dans lequel s’inscrivaient les courriers électroniques pertinents, ont été examinés et rejetés dans le cadre du premier moyen. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, l’AIPN a recueilli le témoignage de N dans le cadre de l’examen de la demande d’assistance et, à nouveau, à la suite de la réclamation. Enfin, eu égard aux considérations exposées au point 56 ci-dessus, en l’absence de commencement de preuve, l’AIPN n’était pas tenue de « vérifier » les allégations, même circonstanciées, concernant C.

133    S’agissant, d’autre part, des allégations concernant les autres collègues et supérieurs hiérarchiques du requérant, il ressort des décisions litigieuses que l’AIPN a procédé à un examen minutieux des faits allégués par le requérant, notamment en obtenant les témoignages de certains de ses collègues. L’AIPN a considéré, eu égard aux documents annexés à la demande d’assistance et aux témoignages recueillis, que le requérant n’avait pas apporté un commencement de preuve de ses allégations. Compte tenu du fait que, pour de nombreuses allégations, le requérant n’a apporté aucun élément pour corroborer ses dires, la motivation dans la décision attaquée détaille principalement les allégations pour lesquelles l’AIPN disposait de quelques éléments. Pour le reste, l’AIPN n’était pas tenue d’inclure une analyse de chacune des nombreuses allégations présentées dans la demande d’assistance.

134    Partant, l’AIPN a motivé les décisions litigieuses à suffisance de droit en expliquant au requérant qu’il n’avait pas apporté un commencement de preuve des faits allégués en ce qui concerne la troisième période, de sorte que la troisième branche du sixième moyen doit être rejetée.

–       Sur la quatrième branche du sixième moyen, relative à la quatrième période

135    Le requérant soutient que la motivation de la décision attaquée est largement insuffisante s’agissant des allégations relatives à la quatrième période. En premier lieu, s’agissant des allégations relatives à E, l’analyse de l’AIPN se limite, selon le requérant, à une lecture superficielle d’un unique courrier électronique envoyé par ce dernier et à une appréciation manifestement erronée de l’incident lié à la libération de sa chambre d’hôtel à [confidentiel], sans faire la moindre mention des autres allégations circonstanciées le concernant.

136    En deuxième lieu, s’agissant des allégations relatives aux agressions verbales commises par deux collègues de la délégation de l’Union [confidentiel], à savoir F et G, le requérant considère que l’AIPN se borne erronément à constater une absence de preuve.

137    En troisième lieu, le requérant soutient que l’AIPN a essentiellement ignoré ses allégations concernant le comportement dénigrant de O dans le cadre d’échanges relatifs au retour du requérant au sein de la délégation de l’Union à [confidentiel] après son congé de maladie. En effet, l’AIPN se serait bornée à remarquer l’absence de preuve, sans que la décision attaquée fasse la moindre mention des allégations circonstanciées exposées dans la demande d’assistance.

138    À cet égard, il suffit de constater que, par ce grief, le requérant conteste en réalité l’appréciation faite par l’AIPN plutôt qu’un défaut de motivation. En effet, s’agissant de E, la décision attaquée contient une analyse détaillée des allégations à son égard, laquelle était suffisante pour permettre au requérant de contester l’appréciation de l’AIPN dans le cadre du premier moyen.

139    S’agissant de F, de G et de O, l’AIPN constate, dans la décision attaquée, l’absence totale d’éléments permettant de corroborer les allégations du requérant. Bien qu’il conteste cette constatation, le requérant ne renvoie à aucun élément de preuve, autre que ses propres affirmations, dont l’AIPN n’aurait pas tenu compte. En tout état de cause, cette dernière n’était pas tenue d’inclure, dans la décision attaquée, une analyse de chacune des nombreuses allégations contenues dans la demande d’assistance.

140    Partant, l’AIPN a motivé les décisions litigieuses à suffisance de droit en expliquant au requérant qu’il n’avait pas apporté un commencement de preuve des faits allégués en ce qui concerne la quatrième période, de sorte que la quatrième branche du sixième moyen doit être rejetée.

–       Sur la cinquième branche du sixième moyen, relative à la cinquième période

141    Le requérant estime que la motivation de la décision attaquée est manquante ou insuffisante s’agissant des allégations relatives au service médical de la Commission, au [confidentiel], à [confidentiel] ainsi qu’à sa mutation impromptue.

142    En premier lieu, s’agissant du service médical de la Commission, le requérant souligne que la décision attaquée ne mentionne rien au sujet des obstacles dilatoires et vexatoires liés au traitement de ses certificats médicaux. Ce défaut de motivation serait étonnant, compte tenu du fait que, dans une autre décision du même jour, la Commission aurait reconnu le traitement irrégulier desdits certificats. Par ailleurs, la décision attaquée serait silencieuse concernant les allégations relatives au comportement dénigrant du docteur H.

143    En deuxième lieu, s’agissant du comportement du [confidentiel], J, le requérant critique le simple constat, dans la décision attaquée, de l’absence de preuve documentaire de leur conversation téléphonique litigieuse dès lors qu’il n’aurait, par définition, jamais été en mesure de fournir la preuve de ces échanges verbaux. Par ailleurs, la décision attaquée ne ferait aucune mention des allégations circonstanciées sur les paroles offensantes du [confidentiel], dont le rôle consisterait pourtant à assister des victimes.

144    En troisième lieu, la décision attaquée ne ferait aucune mention du comportement irrespectueux de [confidentiel], I.

145    En quatrième lieu, le requérant souligne que l’AIPN ne prend aucunement position, dans la décision attaquée, sur les allégations relatives à son transfert au sein [confidentiel] la DG [confidentiel] à Bruxelles.

146    À cet égard, s’agissant des allégations relatives au service médical de la Commission, d’une part, il convient de noter que c’est à tort que le requérant fait valoir un défaut de motivation, dès lors que la décision attaquée précise expressément que la question des certificats médicaux a fait l’objet d’un traitement distinct, lequel a donné lieu à une décision séparée de la Commission à laquelle le requérant renvoie d’ailleurs explicitement. D’autre part, contrairement à ce qu’affirme le requérant, la décision attaquée contient une analyse des allégations relatives au comportement du docteur H et il y est précisé, notamment, que ces allégations ne sont étayées par aucun élément de preuve.

147    S’agissant des allégations concernant J et I, le requérant critique l’absence d’analyse de ses allégations circonstanciées. Or, il suffit de constater que la demande d’assistance ne fait référence qu’à un seul incident entre le requérant et chacun de ces deux membres du personnel de la Commission et que le requérant n’a apporté aucun autre élément de preuve. À ce titre, il ne saurait être reproché à l’AIPN de n’avoir pas inclus une analyse détaillée desdites allégations, dès lors qu’il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents.

148    Enfin, s’agissant des allégations du requérant relatives à son transfert au sein de [confidentiel], il suffit de constater que, dans la demande d’assistance, ses allégations se limitent à quelques affirmations succinctes, par lesquelles il critique les conditions de ce transfert et le qualifie d’illégal. Dans la réclamation, le requérant évoque uniquement « divers transferts professionnels punitifs ». En tout état de cause, la décision de rejet de la réclamation est motivée sur ce point, puisqu’elle précise expressément que l’affirmation du requérant à cet égard, à défaut d’évoquer des éléments précis, ne satisfaisait pas aux exigences relatives à l’introduction d’une réclamation et devait, de ce fait, être rejetée.

149    Partant, l’AIPN a motivé les décisions litigieuses à suffisance de droit en expliquant au requérant qu’il n’avait pas apporté un commencement de preuve des faits allégués en ce qui concerne la cinquième période, de sorte que la cinquième branche du sixième moyen doit être rejetée.

–       Sur l’examen global du défaut ou de l’insuffisance de la motivation

150    Le requérant considère que l’AIPN, de manière globale, n’a pas tenu compte de nombreux incidents allégués dans la demande d’assistance. Or, selon le requérant, les incidents ignorés par l’AIPN, dont certains sont particulièrement sérieux, justifiaient d’accueillir sa demande d’assistance ou, à tout le moins, justifiaient une appréciation différente des allégations prises en compte dans les décisions litigieuses, sans qu’elles soient qualifiées de harcèlement moral.

151    À cet égard, il suffit de noter que, prenant en compte les éléments examinés précédemment pour chaque période, la motivation des décisions litigieuses est suffisante. Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que, au regard de la demande d’assistance prise dans sa globalité, de nombreuses allégations n’auraient pas été examinées par l’AIPN ou l’auraient été insuffisamment.

152    En effet, il ressort de manière manifeste des décisions litigieuses que l’AIPN a effectué un examen rigoureux de la demande d’assistance et de la réclamation du requérant. Ainsi, l’AIPN, dans la décision attaquée, qui comporte près de 23 pages, présente l’essentiel des nombreuses allégations exposées dans la demande d’assistance et, dans la partie de ladite décision contenant son appréciation juridique des allégations, renvoie aux principaux éléments de preuve, même limités, offerts par le requérant. À cet égard, il convient de noter que le requérant ne renvoie pas à des documents ou à des témoignages dont l’AIPN n’aurait pas tenu compte dans la motivation de la décision attaquée.

153    Enfin, il ressort de la requête que la motivation des décisions litigieuses était suffisante pour permettre au requérant de contester leur légalité et de préparer utilement son recours. En particulier, la motivation était suffisante pour lui permettre de comprendre les constatations de l’AIPN relatives à l’absence de commencement de preuve.

154    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le sixième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission aurait appliqué l’ancienne définition prétorienne de la notion de harcèlement moral, et non celle désormais formellement prévue dans le statut et en vigueur depuis le 1er mai 2004

155    Dans le cadre de son deuxième moyen, le requérant fait valoir, en substance, que l’AIPN a commis une erreur de droit en appliquant une définition erronée du harcèlement moral impliquant une condition liée à l’intention de nuire, de sorte qu’il aurait eu à prouver que les comportements donnés visaient objectivement à le discréditer ou à dégrader ses conditions de travail. Or, une telle définition du harcèlement moral, applicable avant la réforme de 2004, serait contraire à l’article 12 bis du statut et à la jurisprudence qui y est afférente, laquelle est postérieure au 1er mai 2004.

156    Selon le requérant, d’une part, le libellé de la décision de rejet de la réclamation confirme le recours à une définition erronée du harcèlement moral. En effet, cette décision viserait expressément la jurisprudence, désormais dépassée, résultant de l’arrêt du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission (T‑154/05, EU:T:2007:322, point 83), en vertu de laquelle une partie requérante doit avancer un ensemble d’éléments permettant d’établir qu’elle a subi un comportement qui a visé, objectivement, à la discréditer ou à dégrader délibérément ses conditions de travail.

157    D’autre part, le recours à une définition erronée du harcèlement moral ressortirait également de l’appréciation faite par l’AIPN des allégations dans la demande d’assistance. En effet, ce ne serait qu’en appliquant une définition erronée, impliquant de devoir prouver une intention de nuire, que l’AIPN aurait pu considérer que le requérant n’avait pas apporté le moindre commencement de preuve du harcèlement moral allégué, en particulier s’agissant des deuxième et quatrième périodes.

158    En effet, s’agissant de la deuxième période, le requérant estime que, à supposer même qu’aient existé des divergences de vues concernant la répartition des charges budgétaires liées au soutien administratif nécessaire à l’exercice effectif de ses fonctions, ces divergences ne justifiaient pas un « boycott » de son travail sous la forme d’instructions au personnel de la délégation de l’Union à [confidentiel] de ne lui fournir aucune assistance. Selon le requérant, le refus de reconnaître l’existence d’un commencement de preuve, eu égard à la nature manifestement arbitraire de telles instructions, reflète le fait que l’AIPN a en réalité requis de lui qu’il prouve une intention de nuire de la part de ses harceleurs présumés. Cette conclusion s’imposerait d’autant plus eu égard au contexte décrit dans la demande d’assistance, illustré notamment par un courrier dénigrant de L aux supérieurs du requérant afin de demander l’interruption de son détachement. Par ailleurs, le requérant reproche à l’AIPN d’avoir contribué à son dénigrement en qualifiant d’« exagérée » sa version de certains incidents signalés dans la demande d’assistance.

159    S’agissant de la quatrième période, le requérant fait valoir que le comportement de E, en particulier son refus d’approuver les missions sollicitées et sa décision de libérer sa chambre d’hôtel, démontrerait un exercice injustifié par celui-ci de son pouvoir discrétionnaire. Or, en estimant que ces incidents relevaient de l’exercice légitime du large pouvoir d’appréciation lié à l’organisation des services, l’AIPN aurait essentiellement exigé du requérant qu’il démontre l’intention de nuire de E.

160    La Commission conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.

161    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever, que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, le libellé de la décision de rejet de la réclamation ne confirme pas le recours à une définition erronée du harcèlement moral. En effet, dans cette décision, sous l’intitulé « Remarques préliminaires », l’AIPN a expressément précisé que le harceleur présumé ne devait pas « [avoir] entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader délibérément ses conditions de travail[ ; i]l [suffisait] que ces agissements, dès lors qu’ils [avaient] été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences », tout en citant la jurisprudence pertinente postérieure à l’entrée en vigueur de l’article 12 bis du statut. Ce constat ne saurait être remis en cause par le fait que, dans un autre passage de cette décision, dédié à la charge de la preuve, l’AIPN a visé l’arrêt du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission (T‑154/05, EU:T:2007:322), évoqué par le requérant, dans lequel avait été appliquée l’ancienne définition prétorienne de la notion de harcèlement moral, laquelle exigeait la preuve d’un comportement visant à discréditer ou à dégrader délibérément les conditions de travail d’une prétendue victime.

162    De plus, il convient de noter que, dans la décision attaquée, laquelle a précédé la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN ne laisse planer aucun doute quant à la définition du harcèlement moral qu’elle entendait appliquer, à savoir celle reprise sous l’intitulé « Droit applicable et principes généraux d’interprétation », qui est conforme à l’article 12 bis du statut et à la jurisprudence qui y est afférente. Par ailleurs, il ressort des décisions litigieuses que l’AIPN a entendu appliquer la définition statutaire du harcèlement moral en vigueur depuis le 1er mai 2004 à l’ensemble des faits allégués dans la demande d’assistance, y compris à ceux antérieurs à cette date. Ainsi, le requérant ne saurait soutenir que l’AIPN a entendu exiger de lui qu’il prouve une intention de nuire des personnes qu’il mettait en cause dans la demande d’assistance.

163    En second lieu, les exemples avancés par le requérant ne démontrent pas que l’AIPN ait attendu de lui qu’il prouve, de facto, l’intention de nuire des harceleurs présumés.

164    À cet égard, il convient de rappeler que, si le demandeur d’assistance n’a certes pas à démontrer une intention de nuire de l’auteur des agissements qu’il considère comme étant constitutifs de harcèlement moral, l’AIPN doit néanmoins vérifier, pour pouvoir les qualifier de harcèlement moral, si les faits allégués revêtaient une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, les considérerait comme excessifs et critiquables (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 78 et jurisprudence citée, et du 8 février 2011, Skareby/Commission, F‑95/09, EU:F:2011:9, point 65).

165    Or, s’agissant de la deuxième période, et plus particulièrement du courrier rédigé par L, en coopération notamment avec K, dans lequel celui-ci demande l’interruption du détachement du requérant auprès de la délégation de l’Union à [confidentiel], tout d’abord, il convient de relever que ce document constitue manifestement un projet, et non la version finale éventuellement envoyée. Par ailleurs, ce courrier énonce explicitement plusieurs manquements reprochés au requérant et justifiant la fin de son détachement. Or, le requérant ne se prononce aucunement au sujet desdits manquements. De plus, ledit courrier précise également que la délégation n’acceptera un nouveau détachement à l’avenir que sous la condition qu’un tel détachement soit accompagné d’un financement permettant de couvrir le soutien administratif éventuellement nécessaire. Cette circonstance tend à confirmer la position de l’AIPN selon laquelle l’absence de soutien administratif s’expliquait par les ressources limitées de la délégation.

166    S’agissant de la quatrième période, et plus particulièrement des incidents liés au refus de E d’approuver les missions sollicitées par le requérant et à sa décision de libérer la chambre d’hôtel du requérant, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen, c’est à bon droit que l’AIPN a estimé, compte tenu du contexte et des documents produits par le requérant, que le comportement de E n’avait pas été inapproprié et que, en l’absence d’autres éléments de preuve, le requérant n’avait pas apporté un commencement de preuve du harcèlement moral allégué.

167    Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission aurait appliqué un standard de la preuve allant au-delà du simple commencement de preuve tel qu’exigé par la jurisprudence

168    Dans le cadre de son troisième moyen, le requérant considère que, nonobstant le rappel, dans les décisions litigieuses, de la jurisprudence pertinente relative à l’exigence d’un commencement de preuve, l’AIPN a en réalité appliqué un standard de la preuve allant au-delà de cette exigence. En effet, l’AIPN aurait attendu de lui qu’il démontre ses allégations au-delà de tout doute raisonnable en apportant « une preuve pleine et entière », ainsi qu’il ressortirait de l’appréciation faite par l’AIPN des allégations relevant des deuxième, troisième et quatrième périodes. Un tel standard de la preuve serait impossible à satisfaire pour le requérant, alors même que ses allégations seraient aisément vérifiables pour l’AIPN.

169    En particulier, s’agissant de la deuxième période, plusieurs éléments révèlent, selon le requérant, que l’AIPN attendait de lui qu’il apporte des indices allant au-delà d’un commencement de preuve. En effet, un tel constat ressortirait du fait que l’AIPN, premièrement, n’aurait pas tenu compte de la nature arbitraire des instructions données au personnel de la délégation de l’Union à [confidentiel] de ne plus assister le requérant, deuxièmement, n’aurait pas jugé utile de recueillir des témoignages de personnes directement impliquées, en particulier des membres du secrétariat qui étaient destinataires desdites instructions, troisièmement, aurait estimé que le témoignage d’un des collègues du requérant n’était pas pertinent, au motif que ce témoignage serait indirect et ne ferait que relayer les dires du requérant, quatrièmement, n’aurait pas contacté d’autres témoins indirects des événements identifiés par le requérant et, cinquièmement, aurait, plus généralement, considéré que les allégations n’étaient pas crédibles compte tenu de l’ancienneté des faits signalés. Par ailleurs, l’ensemble de ces éléments confirmeraient le parti pris du fonctionnaire ayant examiné la demande d’assistance.

170    S’agissant de la troisième période, premièrement, l’AIPN aurait considéré à tort que le requérant n’avait pas prouvé son allégation selon laquelle C aurait tenté illégalement d’obtenir des informations concernant son état de santé. Or, le requérant rappelle que la demande d’assistance précisait le nom de la collègue que C aurait contactée, N de la DG [confidentiel], et que l’AIPN n’aurait pas cherché à recueillir son témoignage. Deuxièmement, l’AIPN aurait considéré que le requérant n’avait apporté aucune preuve du fait que le harcèlement moral allégué était lié aux prétendues illégalités commises au sein de la DG [confidentiel], alors même que les précisions qu’il avait fournies étaient suffisamment circonstanciées pour justifier une vérification, en particulier eu égard à l’obligation de la Commission de protéger les lanceurs d’alerte et les victimes de harcèlement moral. Troisièmement, en dépit des allégations circonstanciées concernant les propos infamants formulés par des collègues, dont C, lors d’une réunion avec les autorités [confidentiel], l’AIPN n’aurait entendu aucune des personnes présentes à cette réunion.

171    S’agissant de la quatrième période, le requérant estime que l’application d’un standard de la preuve restrictif ressortait du fait que l’AIPN n’aurait essentiellement pas tenu compte des allégations dans la demande d’assistance, pourtant circonstanciées, en particulier concernant le choix de l’hôtel devant lui servir de logement temporaire. Or, selon le requérant, les précisions fournies suffisaient pour permettre à l’AIPN de confirmer au moins certaines allégations, puisque diverses données étaient aisément vérifiables, en particulier le caractère inadéquat de l’hôtel proposé au requérant, alors qu’un hôtel de catégorie supérieure était normalement proposé aux fonctionnaires de son grade.

172    La Commission conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.

173    À cet égard, tout d’abord, il convient de constater que, en l’absence de commencement de preuve, l’AIPN n’était tenue ni de procéder aux vérifications prétendument « aisées », ni de recueillir les témoignages additionnels évoqués par le requérant. En tout état de cause, ainsi qu’il ressort de l’examen des premier et deuxième moyens, l’AIPN a procédé à des vérifications, puisqu’elle a effectué un examen rigoureux des allégations figurant dans la demande d’assistance, notamment à la lumière des documents soumis par le requérant et des témoignages qu’elle avait recueillis.

174    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas du dossier que l’AIPN ait appliqué un standard de la preuve allant au-delà de l’exigence d’un commencement de preuve des allégations de harcèlement moral.

175    En effet, s’agissant de la deuxième période, premièrement, il convient de considérer que le requérant se limite à souligner une fois de plus la nature arbitraire des instructions litigieuses sans toutefois apporter d’élément permettant de remettre en cause les appréciations faites par l’AIPN et examinées dans le cadre du premier moyen. Deuxièmement, c’est à raison que l’AIPN a considéré qu’un témoignage indirect, dont la valeur probante est très limitée en l’absence d’éléments le corroborant, ne pouvait constituer un commencement de preuve. Troisièmement, il ne saurait être reproché à l’AIPN de ne pas avoir recueilli les témoignages de membres du personnel n’ayant pas travaillé directement avec le requérant. Quatrièmement, l’AIPN ne s’est pas fondée sur l’ancienneté de certains faits pour minimiser la valeur probante de certaines allégations faites par le requérant. En revanche, il ressort de la décision attaquée que l’AIPN a tenu compte de cette ancienneté pour constater que la demande d’assistance était tardive et, partant, irrecevable en ce qui concernait ces allégations.

176    S’agissant de la troisième période, premièrement, il convient de relever que, contrairement à que soutient le requérant, l’AIPN a bel et bien recueilli le témoignage de N, d’abord dans le cadre de l’examen de la demande d’assistance, puis une nouvelle fois, à la suite de la réclamation. En tout état de cause, à défaut d’étayer son allégation selon laquelle C aurait « illégalement » cherché à obtenir des informations sur son état de santé en [confidentiel], il convient de considérer qu’une telle démarche de la part d’un supérieur hiérarchique pouvait être légitime compte tenu des absences répétées du requérant au cours de cette période. Deuxièmement, c’est à raison que l’AIPN a considéré que les seules affirmations du requérant, à supposer même qu’elles soient circonstanciées, ne constituaient pas un commencement de preuve des prétendues illégalités et autres comportements inappropriés commis au sein de la DG [confidentiel]. Dès lors, l’AIPN n’était pas tenue de procéder à des « vérifications » ou d’entendre des témoins additionnels.

177    S’agissant de la quatrième période, il suffit de constater que le requérant se fonde uniquement sur le fait que ses affirmations étaient circonstanciées pour conclure qu’il avait apporté un commencement de preuve des faits de harcèlement moral allégués. Or, c’est à raison que l’AIPN a considéré que de pareilles affirmations, relatives au choix de l’hôtel devant lui servir de logement temporaire à [confidentiel], ne suffisaient pas à établir un commencement de preuve du harcèlement moral allégué.

178    Eu égard aux considérations qui précèdent, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission aurait appliqué un standard de la preuve manifestement erroné, étant donné qu’il se fonderait sur l’évaluation de la crédibilité d’allégations en fonction du temps écoulé

179    Dans le cadre de son quatrième moyen, le requérant fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit en ce que l’AIPN a considéré que les allégations dénonçant des faits remontant à de nombreuses années n’étaient pas crédibles. En procédant de la sorte, l’AIPN aurait retenu un standard de la preuve plus restrictif pour des faits anciens.

180    Or, selon le requérant, ni le libellé de l’article 12 bis du statut ni la jurisprudence pertinente ne prévoient l’application d’un standard de la preuve plus restrictif pour l’évaluation de la crédibilité de faits anciens. En particulier, pareil standard ne ressortirait pas de la jurisprudence relative au délai raisonnable pour déposer une demande administrative ou un recours juridictionnel. En effet, selon cette jurisprudence, le respect d’un délai raisonnable conditionnerait certes la recevabilité de la demande administrative ou du recours juridictionnel, mais il n’aurait pas de conséquence sur le standard de la preuve.

181    Par ailleurs, le requérant relève qu’une telle approche en matière de standard de la preuve ignore les enseignements ressortant des recherches dans les sciences psychologiques et sociales, d’ailleurs reconnus par la jurisprudence du juge de l’Union. Ainsi, ces recherches révéleraient qu’un travailleur victime de harcèlement moral est susceptible de sous-estimer ou de nier une situation de harcèlement moral pendant une longue période, en particulier lorsqu’une telle victime appartient à un « segment social fort ». Ces risques seraient potentiellement amplifiés dans le contexte du « cadre organisationnel complexe » typique d’une délégation de l’Union, au sein de laquelle opèrent des travailleurs provenant de différentes directions générales rassemblés sous une hiérarchie parfois ambiguë.

182    La Commission conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.

183    À cet égard, en premier lieu, il convient de noter que le requérant ne fournit aucun élément, et notamment ne relève aucun point pertinent des décisions litigieuses, permettant d’étayer son grief selon lequel l’AIPN aurait conditionné le standard de la preuve à l’ancienneté des faits allégués.

184    En second lieu, comme le relève à juste titre la Commission, s’il n’est pas exclu qu’il s’écoule un certain laps de temps avant qu’une victime présumée de harcèlement moral ne reconnaisse la réalité de sa situation, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il a été exposé aux points 39 à 49 ci-dessus, une demande d’assistance doit être introduite dans un délai raisonnable par rapport à la période pendant laquelle les faits allégués se sont déroulés, lequel délai ne saurait, en principe, dépasser cinq années. En effet, cette durée permet notamment de prendre en compte les particularités associées à la notion de harcèlement moral, à savoir le fait que, d’une part, les symptômes peuvent n’apparaître qu’un certain laps de temps après les premiers actes constitutifs du harcèlement moral et, d’autre part, la victime a souvent besoin de temps pour réaliser ce qui lui arrive et parvenir à se dégager de l’emprise du harceleur (voir, en ce sens, arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission, F‑95/09, EU:F:2011:9, points 52 à 54).

185    Enfin, ainsi que cela a déjà été exposé au point 40 ci‑dessus, c’est à juste titre que l’AIPN a considéré, dans les décisions litigieuses, que la demande d’assistance était irrecevable s’agissant de faits allégués antérieurs à août 2012.

186    Eu égard aux considérations qui précèdent, le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission aurait violé son obligation de procéder à une enquête d’office en présence d’allégations crédibles

187    Dans le cadre de son cinquième moyen, le requérant soutient que l’AIPN, dans la décision attaquée, ne respecte pas le prétendu principe jurisprudentiel selon lequel, en présence d’« allégations dont l’absence de plausibilité n’est pas manifeste », elle a l’obligation de faire procéder à une enquête indépendante d’office afin de vérifier le bien-fondé des allégations de harcèlement moral. En effet, selon le requérant, l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’il n’avait pas apporté un commencement de preuve des faits allégués, de sorte qu’elle aurait dû faire procéder à une telle enquête.

188    En particulier, le requérant compare l’approche suivie dans la présente affaire avec celle suivie dans la procédure administrative relative à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission (224/87, EU:C:1989:38, point 17). Dans le cadre de ladite procédure, la Commission avait conclu à l’absence de commencement de preuve dès lors que les allégations de la victime étaient contredites par des explications plausibles fournies par l’auteur présumé du harcèlement moral et que la victime avait refusé de communiquer les noms de témoins potentiels. Ainsi, selon le requérant, la Commission avait mené une « première enquête » visant à comparer les versions des faits relatées par la victime et l’auteur présumés du harcèlement moral.

189    La Commission conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.

190    À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, si la Commission a effectivement une obligation d’assistance, elle n’est toutefois tenue de prendre des mesures appropriées au titre de cette obligation qu’en présence d’un commencement de preuve des faits allégués, ainsi que cela a été exposé au point 57 ci-dessus. Or, des allégations dont, selon les termes du requérant, « l’absence de plausibilité n’est pas manifeste » ne constituent pas un commencement de preuve.

191    En second lieu, par son grief, le requérant cherche à contester l’appréciation de la Commission relative à l’absence d’un commencement de preuve. À ce titre, la comparaison faite par le requérant avec les circonstances de la procédure administrative relative à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission (224/87, EU:C:1989:38), est sans pertinence. En effet, la démonstration d’un commencement de preuve doit être appréciée in concreto selon les particularités de chaque cas d’espèce. En tout état de cause, dans ledit arrêt, la Cour a jugé, indépendamment des divergences entre les descriptions des faits présentées par la victime et l’auteur présumés du harcèlement moral, que la partie requérante faisait preuve d’une carence manifeste à apporter quelque preuve que ce soit de ses allégations (arrêt du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, point 21).

192    En l’espèce, il ressort du dossier que l’AIPN a effectué un examen rigoureux de la demande d’assistance et de la réclamation du requérant. Les griefs avancés par le requérant dans le cadre du présent recours ne permettent pas de remettre en cause le constat de l’AIPN selon lequel, en substance, les nombreuses allégations figurant dans la demande d’assistance ne sont corroborées ni par les documents annexés à cette demande, ni par les témoignages recueillis par l’AIPN.

193    Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième moyen et, par voie de conséquence, de rejeter comme non fondées dans leur ensemble les conclusions en annulation des décisions litigieuses.

 Sur les conclusions indemnitaires

194    À l’appui de ses conclusions indemnitaires, le requérant fait valoir que la Commission aurait commis plusieurs illégalités, lesquelles lui auraient causé divers préjudices moraux et matériels.

195    Ainsi, selon le requérant, cinq catégories d’illégalités ressortent des éléments présentés à l’appui des conclusions en annulation. Ainsi, il s’agirait, premièrement, des violations commises par les auteurs du harcèlement moral à son égard, deuxièmement, d’une violation par la Commission du devoir de protection des fonctionnaires et des agents victimes de harcèlement moral, troisièmement, d’une violation par la Commission de l’obligation de protection des lanceurs d’alerte, quatrièmement, d’une violation par la Commission du devoir de protection de la santé des fonctionnaires et des agents et, cinquièmement, d’une violation du devoir de sollicitude en ce que la Commission aurait abusivement ouvert une procédure d’invalidité contre lui.

196    S’agissant des préjudices subis, premièrement, le requérant explique qu’il souffre d’un syndrome de stress post-traumatique causé par le harcèlement moral à son égard. Pour cette raison, il a été en congé de maladie de manière intermittente depuis [confidentiel].

197    Deuxièmement, le requérant souligne la dégradation de ses perspectives professionnelles résultant du harcèlement moral, mais également de la gestion de sa carrière par sa hiérarchie, laquelle semble vouloir l’inciter à démissionner. En effet, tout d’abord, ladite dégradation serait évidente eu égard à son transfert, sans qu’il soit consulté, sur un poste aux tâches peu définies au sein [confidentiel] de la DG [confidentiel], avec pour implication une perte économique de 70 % eu égard à sa situation financière précédente et de se retrouver sous le contrôle hiérarchique de certains de ses harceleurs présumés, dont D. Ensuite, ce transfert se serait fait en méconnaissance de ses démarches en vue de réintégrer son poste au sein de la délégation de l’Union à [confidentiel], dont il aurait été évincé illégalement. Enfin, le requérant critique les conditions de son retour au travail en [confidentiel], en particulier le fait qu’il ne se soit vu attribuer ni un badge d’accès au bâtiment, ni un poste de travail opérationnel et le fait qu’il soit désormais supervisé par un collègue plus jeune que lui.

198    Troisièmement, le requérant se réfère au préjudice subi du fait de la procédure d’invalidité ouverte abusivement à son égard, dont il aurait appris l’existence par le biais d’une convocation automatique sans communication officielle antérieure. La Commission aurait par la suite maintenu cette procédure en dépit de l’amélioration, au moins partielle, de son état de santé.

199    Ainsi, l’incertitude causée par cette procédure et celle caractérisant la nouvelle situation professionnelle du requérant auraient causé une nouvelle détérioration de son état de santé et un nouveau congé de maladie à partir du [confidentiel].

200    Aux fins de la réparation de l’ensemble de ses souffrances psychiques et de ses perspectives de carrière amoindries, le requérant demande un montant de 1 000 000 euros ex æquo et bono, lequel se justifierait d’autant plus au regard de la gravité des faits, de la persistance des incidents dénoncés et de la complicité des structures d’assistance aux victimes de la Commission.

201    La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondées.

202    À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (arrêt du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, point 94 ; voir également, en ce sens, arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 129, et du 14 septembre 2006, Commission/Fernández Gómez, C‑417/05 P, EU:C:2006:582, point 51).

203    En l’espèce, le requérant estime que les cinq catégories d’illégalités qu’il invoque, exposées au point 195 ci-dessus, sont démontrées par les éléments avancés à l’appui des conclusions en annulation, précédemment exposés dans la demande d’assistance et la réclamation. Ainsi, dans la mesure où, selon le requérant lui-même, les conclusions indemnitaires sont étroitement liées aux conclusions en annulation, elles doivent être rejetées comme étant non fondées.

204    Cela étant, force est de constater que les illégalités identifiées par le requérant ne coïncident pas complètement avec les griefs soulevés dans le cadre des conclusions en annulation, de sorte qu’il convient, pour certaines, de les examiner comme des illégalités détachables de celles dont auraient été affectées les décisions litigieuses. En tout état de cause, cette hypothèse ne concerne pas les deux premières catégories d’illégalités, exposées au point 195 ci-dessus, à savoir les violations liées aux faits allégués de harcèlement moral et au devoir de protection de la Commission des fonctionnaires et des agents victimes de harcèlement moral. En effet, ces deux catégories d’illégalités sont intrinsèquement liées à l’examen des conclusions en annulation et doivent être rejetées.

205    S’agissant de la violation de l’obligation de protection des lanceurs d’alertes, il convient de constater, comme l’observe à juste titre la Commission, que, dans la demande d’assistance, le requérant n’a pas demandé le bénéfice d’un tel statut au sens de l’article 22 bis du statut. En effet, bien que le requérant ait évoqué, dans sa demande d’assistance et dans sa réclamation, des irrégularités commises par certains fonctionnaires, ses accusations étaient accessoires au regard des allégations de harcèlement moral.

206    Étant donné que la réparation du préjudice allégué par le requérant s’agissant de la protection des lanceurs d’alerte était ainsi étrangère à la procédure précontentieuse en cause en l’espèce, il convient de rappeler que, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, EU:C:1975:131, points 10 et 11 ; ordonnances du 24 mars 1998, Meyer e.a./Cour de justice, T‑181/97, EU:T:1998:64, point 21, et du 20 mars 2014, Michel/Commission, F‑44/13, EU:F:2014:40, point 42).

207    À cet égard, la procédure précontentieuse en matière de recours indemnitaire diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir l’AIPN, dans les délais impartis, d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (ordonnances du 25 février 1992, Marcato/Commission, T‑64/91, EU:T:1992:22, points 32 et 33, et du 20 mars 2014, Michel/Commission, F‑44/13, EU:F:2014:40, point 43).

208    Par conséquent, à défaut pour le requérant d’avoir présenté, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, une demande visant à obtenir un dédommagement de son préjudice lié au fait que l’AIPN ne lui ait pas assuré une protection adéquate en tant que lanceur d’alerte, les conclusions indemnitaires relatives à ce préjudice doivent être rejetées comme étant irrecevables.

209    En tout état de cause, d’une part, l’AIPN a conclu à l’absence de commencement de preuve des faits allégués de harcèlement moral et a en outre considéré, dans la décision de rejet de la réclamation, que le requérant n’avait établi ni l’existence des irrégularités évoquées, ni leur lien éventuel avec le harcèlement moral prétendument subi par lui. D’autre part, le requérant n’expose aucunement en quoi la Commission aurait violé l’obligation de protection prévue par l’article 22 bis du statut et n’en a d’ailleurs pas fait mention dans la réclamation. Ainsi, les conclusions indemnitaires portant sur la méconnaissance par l’AIPN de l’obligation de protection prévue à l’article 22 bis du statut doivent, en tout état de cause, être rejetées comme étant non fondées.

210    S’agissant de la violation par la Commission de son devoir de protection de la santé des fonctionnaires et des agents, le requérant n’a, dans la requête, exposé ni le fondement de ce devoir, ni en quoi le présent grief serait distinct de la violation de l’obligation d’assistance aux victimes de harcèlement moral. Interrogé sur ce point lors de l’audience, le requérant a expliqué qu’il visait, par ce grief, d’une part, le comportement inapproprié adopté par le service médical de la Commission, y compris le refus de ce service d’accepter ses certificats médicaux, et, d’autre part, l’ouverture, selon lui abusive, de la procédure d’invalidité à son égard.

211    À cet égard, dans la mesure où ce grief est lié au comportement du service médical de manière générale, il concerne les faits allégués de harcèlement moral et a donc été examiné au point 204 ci-dessus, dans lequel les deux premières catégories d’illégalités alléguées sont écartées, en ce qu’elles sont intrinsèquement liées à l’examen des conclusions en annulation. Par ailleurs, dans la mesure où ce grief est lié aux certificats médicaux du requérant, d’une part, ceux-ci ont été traités séparément par la Commission, laquelle a adopté une décision distincte le 15 décembre 2017, de sorte que cette question, non évoquée dans la réclamation, était étrangère à la procédure précontentieuse ayant précédé l’introduction du présent recours. D’autre part, le requérant n’a pas introduit une demande indemnitaire préalablement à l’introduction du présent recours. Enfin, dans la mesure où le grief est lié à l’ouverture de la procédure d’invalidité, celle-ci est l’objet de la demande indemnitaire distincte fondée sur une violation du devoir de sollicitude de la Commission, examinée au point 213 ci-après.

212    Partant, et eu égard à l’absence de fondement du prétendu devoir de protection de la santé des fonctionnaires et des agents, cette demande indemnitaire est en partie non fondée et en partie irrecevable.

213    Enfin, s’agissant de la violation du devoir de sollicitude de la Commission en raison de sa gestion abusive de la procédure d’invalidité ouverte à l’encontre du requérant, celle-ci est à nouveau étrangère à la procédure précontentieuse ayant précédé l’introduction du présent recours, puisque, dans sa demande d’assistance et sa réclamation, le requérant n’a pas soulevé de grief à ce sujet. Ainsi, ses prétentions indemnitaires à cet égard doivent être rejetées comme étant irrecevables.

214    En tout état de cause, le requérant indique avoir introduit une réclamation distincte visant la procédure d’invalidité ouverte à son égard, de sorte qu’il pourra, le cas échant, introduire un recours, au titre de l’article 270 TFUE, contre la décision relative à cette réclamation et revendiquer, dans ce cadre, la réparation du préjudice qu’il aurait prétendument subi du fait de la gestion de cette procédure d’invalidité. Interrogé à ce sujet lors de l’audience, le requérant a indiqué que cette procédure d’invalidité a entre-temps été close sans constatation d’invalidité, en raison de son défaut de coopération.

215    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter les conclusions indemnitaires comme étant en partie non fondées et en partie irrecevables.

216    Les conclusions en annulation et en indemnité ayant été rejetées, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

217    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      ZQ supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Valančius

Svenningsen

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 décembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.


1 Données confidentielles occultées.