Language of document : ECLI:EU:T:2006:122

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU Tribunal (juge unique)

10 mai 2006 (*)

« Fonctionnaires – Nomination – Classement en grade – Article 31, paragraphe 2, du statut »

Dans l’affaire T‑331/04,

R, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Chaumont-Gistoux (Belgique), représenté par Me B. Arians, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Joris et H. Kraemer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à l’annulation de la décision relative au classement en grade du requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge : M. J. Pirrung,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 janvier 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 31 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après le « statut »), dispose :

« 1. Les candidats [...] sont nommés :

–       fonctionnaires de la catégorie A [...] : au grade de base de leur catégorie [...]

2.      Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées ci-avant dans les limites suivantes :

a)      […]

b)      pour les autres grades [à l’exception des grades A 1, A 2, A 3 et LA 3], à raison :

–       d’un tiers s’il s’agit de postes rendus disponibles,

–       de la moitié s’il s’agit de postes nouvellement créés. »

2       Le 1er septembre 1983, la Commission a adopté une décision interne relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement des fonctionnaires. Cette décision, destinée à formuler des modalités d’application des articles 31 et 32 du statut, a été publiée aux Informations administratives n° 420 du 21 octobre 1983 (ci-après la « décision de 1983 »).

3       L’article 2 de la décision de 1983, modifié le 7 février 1996 à la suite de l’arrêt du Tribunal du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission (T‑17/95, RecFP p. I‑A‑227 et II‑683, ci-après l’« arrêt Alexopoulou I »), prévoit désormais que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») « nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté », tout en précisant que, par exception à ce principe, l’AIPN peut décider de nommer le fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière, lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles.

4       La Commission a, en outre, établi un document intitulé « Guide administratif » comportant des informations relatives au classement de nouveaux fonctionnaires ayant réussi un concours (rédaction de 2003). Ce guide énumère notamment les indices sur la base desquels l’AIPN peut décider de nommer un fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière pour laquelle il a été recruté. Ces indices sont les suivants :

–       niveau et pertinence des qualifications et diplômes autres que ceux permettant d’ores et déjà d’accéder à la catégorie ;

–       niveau et qualité de l’expérience professionnelle, pour autant qu’elle réponde aux besoins de la Commission ;

–       durée de l’expérience professionnelle en liaison avec le poste proposé ;

–       pertinence de l’expérience professionnelle pour le poste à pourvoir au sein de la Commission ;

–       particularités du marché de l’emploi au regard des compétences requises (pénurie de personnel qualifié, en particulier).

 Faits à l’origine du litige et procédure

5       Le requérant, lauréat du concours général COM/A/3/01 organisé pour le recrutement d’administrateurs (A 7/A 6) dans le domaine fiscal, a été nommé fonctionnaire stagiaire à compter du 16 janvier 2003, par décision de l’AIPN du 23 janvier 2003, et provisoirement classé au grade A 7, échelon 1. À la suite de la publication de l’avis de vacance COM/2002/1988/F, le requérant a été affecté à l’unité 2 « Marchés, contrats et subventions » de la direction D « Service financier central » de la direction générale (DG) « Budget ».

6       Par décision du 31 octobre 2003, l’AIPN a nommé le requérant fonctionnaire titulaire, à son poste, avec effet au 16 octobre 2003.

7       Après avoir reçu en décembre 2002 des informations de la part du requérant tendant à ce qu’il soit classé au grade A 6, l’AIPN a, par décision du 10 décembre 2003, notifiée au requérant le 18 décembre 2003, définitivement classé le requérant au grade A 7, échelon 3, avec effet au 16 janvier 2003 (ci-après la « décision attaquée »).

8       Le 7 janvier 2004, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Par cette réclamation, il demandait à être classé au grade A 6. Par lettres des 18 et 26 février et du 1er mars 2004 ainsi que par courriel du 24 février 2004, il a communiqué à l’AIPN des informations en vue de compléter sa réclamation.

9       Par décision adoptée le 5 mai 2004 et notifiée au requérant le 18 mai 2004, l’AIPN a rejeté la réclamation.

10     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2004, le requérant a introduit le présent recours.

11     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 51, paragraphe 2, de son règlement de procédure, d’attribuer l’affaire à M. J. Pirrung, siégeant en qualité de juge unique. En outre, il a été décidé d’ouvrir la procédure orale.

12     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience publique du 13 janvier 2006. À cette occasion, le requérant a renoncé à son chef de conclusions visant à enjoindre à la Commission de prendre une nouvelle décision dûment motivée.

 Conclusions des parties

13     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée et la décision rejetant la réclamation ;

–       condamner la Commission aux dépens.

14     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner le requérant aux dépens.

 En droit

15     À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’un défaut d’exercice par l’AIPN de son pouvoir discrétionnaire. Le deuxième moyen est pris de plusieurs erreurs dans la vérification des faits et de plusieurs erreurs d’appréciation. Les autres moyens sont tirés, respectivement, d’une violation du principe de confiance légitime, du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation.

16     Les deux premiers moyens visent plusieurs erreurs de la Commission, laquelle, par son refus de reclasser le requérant, aurait enfreint l’article 31, paragraphe 2, du statut. Dans la mesure où ces moyens se recoupent partiellement, en ce sens qu’ils reprochent à la Commission d’avoir méconnu, premièrement, les besoins spécifiques du service et, deuxièmement, le caractère exceptionnel des qualifications et de l’expérience professionnelle du requérant, il convient de les examiner ensemble.

 Sur les moyens tirés d’une méconnaissance par la Commission des besoins spécifiques du service ainsi que du caractère exceptionnel des qualifications et de l’expérience professionnelle du requérant

 Observations liminaires

17     L’article 31, paragraphe 2, du statut dispose que l’AIPN « peut déroger » à la règle selon laquelle un fonctionnaire nouvellement recruté est classé au grade de base de la carrière à laquelle il est nommé. Cette disposition confère à l’AIPN la faculté de nommer un fonctionnaire au grade supérieur de sa carrière sans prévoir de condition particulière.

18     L’usage de ce pouvoir doit cependant être concilié avec les exigences propres à la notion de carrière résultant de l’article 5 et de l’annexe I du statut. En conséquence, il n’est admissible de recruter au grade supérieur d’une carrière qu’à titre exceptionnel (arrêt de la Cour du 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C‑155/98 P, Rec. p. I‑4069, ci-après l’« arrêt Alexopoulou II », points 32 et 33, et ordonnance du Tribunal du 12 octobre 1998, Campoli/Commission, T‑235/97, RecFP p. I‑A‑577 et II‑1731, point 32).

19     Par ailleurs, les institutions peuvent adopter des directives internes par souci de transparence, afin de faciliter l’adoption de décisions individuelles, et pour garantir le respect du principe d’égalité de traitement dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation.

20     La Commission a adopté de telles directives internes dans la décision de 1983 (voir arrêt Alexopoulou I, point 23). Elle y énonce deux critères susceptibles de l’amener à classer une nouvelle recrue au grade supérieur de la carrière. Aux termes de cette décision, l’article 31, paragraphe 2, du statut peut être appliqué lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles ou, à titre alternatif, lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié.

21     La Commission a complété ces deux critères en énumérant plusieurs indices dans son guide administratif (voir point 4 ci-dessus).

22     La possibilité de classer un fonctionnaire nouvellement recruté au grade supérieur de la carrière ne pouvant intervenir qu’à titre exceptionnel, les conditions justifiant un tel classement doivent être interprétées de manière restrictive (arrêt du Tribunal du 15 novembre 2005, Righini/Commission, T‑145/04, non encore publié au Recueil, point 49).

23     C’est dans ce contexte qu’il appartient à l’AIPN d’examiner concrètement si un fonctionnaire nouvellement recruté qui demande à bénéficier de l’article 31, paragraphe 2, du statut possède des qualifications exceptionnelles ou si les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un fonctionnaire particulièrement qualifié.

24     Lorsqu’elle admet qu’un de ces critères est rempli, l’AIPN est tenue de procéder à une appréciation concrète de l’application éventuelle de l’article 31, paragraphe 2, du statut (arrêt Alexopoulou I, point 21, et arrêt du Tribunal du 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, RecFP, p. I‑A‑311 et II‑1437, point 61). Elle peut décider, à ce stade, en tenant compte de l’intérêt du service en général, s’il y a lieu, ou non, d’octroyer à un fonctionnaire nouvellement recruté un classement au grade supérieur. En effet, l’emploi du verbe « pouvoir » à l’article 31, paragraphe 2, du statut implique que l’AIPN n’est pas obligée d’appliquer cette disposition et que les fonctionnaires nouvellement recrutés n’ont pas un droit subjectif à un tel classement (ordonnance du Tribunal du 13 février 1998, Alexopoulou/Commission, T‑195/96, RecFP p. I‑A‑51 et II‑117, point 43 ; arrêts du Tribunal du 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission, T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1617, point 44, et Brendel/Commission, précité, point 61).

25     Il résulte de ce qui précède que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation, dans le cadre fixé par l’article 31 du statut, pour examiner si l’emploi à pourvoir exige le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou si le fonctionnaire nouvellement recruté possède des qualifications exceptionnelles. Elle dispose également d’un pouvoir d’appréciation étendu, lorsque, après avoir constaté l’existence de l’une de ces deux situations, elle en examine les conséquences.

26     Dans ces conditions, le contrôle juridictionnel d’une décision portant classement en grade ne saurait se substituer à l’appréciation de l’AIPN. Le juge communautaire doit en conséquence se limiter à vérifier s’il n’y a pas eu de violation des formes substantielles, si l’AIPN n’a pas fondé sa décision sur des faits matériels inexacts ou incomplets ou si la décision n’est pas entachée d’un détournement de pouvoir, d’une erreur de droit ou d’une insuffisance de motivation. En outre, il convient de vérifier si l’AIPN n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (arrêts du Tribunal du 3 octobre 2002, Platte/Commission, T‑6/02, RecFP p. I‑A‑189 et II‑973, point 36, Chawdhry/Commission, précité, point 45, et Brendel/Commission, précité, point 60).

27     C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le bien-fondé des moyens soulevés par le requérant.

 Sur le moyen tiré d’une méconnaissance par la Commission des besoins spécifiques du service

–       Arguments des parties

28     Le requérant affirme que ses aptitudes exceptionnelles étaient déterminantes pour son embauche par la Commission à son premier emploi. La circonstance d’avoir effectivement été recruté sur cet emploi confirmerait le besoin de la Commission d’engager un fonctionnaire ayant le profil spécifique et rare du requérant ainsi que le manque de candidats ayant le même profil. En effet, pendant plus de six mois, la Commission n’aurait pas été en mesure de trouver une personne remplissant les conditions de l’avis de vacance d’emploi COM/2002/1988/F, que ce soit parmi les candidats internes ou externes.

29     Il souligne le besoin spécifique de la Commission en experts en droit des contrats et en gestion de projets comme cela était requis pour son premier emploi. À cet égard, le texte de l’avis de vacance interne COM/2002/1988/F ne constituerait pas le critère décisif pour l’appréciation des besoins en fonctionnaires ayant le profil du requérant. En effet, cet avis de vacance s’adresserait manifestement non pas aux lauréats d’un concours, mais à des fonctionnaires de la Commission déjà en poste.

30     En outre, les fonctions décrites dans l’avis de vacance COM/2002/1988/F ne correspondraient pas aux tâches effectives du requérant dans son premier emploi. Cet emploi aurait comporté un aspect interdisciplinaire, y compris au niveau des connaissances linguistiques, englobant aussi bien des connaissances en droit des contrats que des compétences en matière de gestion de projets. Ce contexte spécifique aurait précisément amené la Commission à recruter le requérant. Or, depuis le début de son activité, le requérant aurait été employé comme gestionnaire d’un projet dans le cadre d’un projet horizontal de bases de données.

31     Le requérant souligne aussi le besoin exceptionnel de la Commission en experts fiscaux. La preuve en serait l’organisation du concours COM/A/3/01 (administrateurs A 7/A 6), réussi par le requérant, et, parallèlement, du concours COM/A/4/01 (administrateurs principaux A 5/A 4), tous deux visant le recrutement d’administrateurs spécialisés en matière fiscale. Or, le requérant présenterait un profil interdisciplinaire dépassant nettement celui d’un simple fiscaliste. Ses activités pour la Commission dans le domaine de programmes d’aides au développement et pour l’OCDE prouveraient qu’il a un profil suffisant pour exercer les fonctions de conseiller administratif en matière d’aide au développement.

32     Il se réfère également aux fonctions qu’il a exercées au ministère des Finances du Land de Bavière (Allemagne) en tant que fiscaliste et chef de service dans l’administration fiscale. En outre, il aurait été chargé de cours, notamment, dans différentes écoles supérieures techniques (« Fachhochschulen »). De plus, il aurait enseigné et travaillé comme conseiller en République d’Ouzbékistan.

33     Il invoque sa qualification exceptionnelle pour son premier emploi, à savoir ses compétences interdisciplinaires, ses fonctions antérieures et les conférences universitaires qu’il a données. Ces activités antérieures se seraient concentrées principalement sur la vérification formelle des contrats et leurs effets en droit civil, ses fonctions dans son premier emploi à la Commission comme juriste spécialiste des contrats étant sensiblement les mêmes. Du reste, le droit fiscal constituerait une partie non négligeable du droit des contrats, et ses activités universitaires comme chargé de cours en droit auraient porté précisément sur des matières de droit civil et commercial, domaines qui revêtent une importance particulière pour l’activité de juriste spécialiste des contrats.

34     Le requérant relève encore ses connaissances linguistiques en allemand, en anglais, en français, en italien, en russe, en latin et en grec ancien. La pertinence de ces connaissances résulterait de la description de ses fonctions, qui exigent de « bonnes connaissances actives » en anglais et en français. Ses autres connaissances linguistiques seraient d’une grande utilité pour les fonctions supplémentaires dont il est chargé dans le cadre de son premier emploi. En particulier, l’élaboration d’un manuel afin de contrôler les différentes parties aux contrats de la Commission nécessiterait un large éventail de connaissances linguistiques. Enfin, ses publications seraient utiles pour la rédaction d’instructions internes aux différents services de la Commission.

35     La Commission conteste ces arguments et soutient que le moyen n’est pas fondé.

–       Appréciation du Tribunal

36     Il y a lieu de rappeler que la possibilité de classer au grade supérieur de sa catégorie un candidat particulièrement qualifié en raison des besoins spécifiques du service a pour finalité de permettre à l’institution concernée en sa qualité d’employeur de s’attacher les services d’une personne qui risque, dans le contexte du marché du travail, de faire l’objet de sollicitations nombreuses d’autres employeurs potentiels et donc de lui échapper (arrêt Brendel/Commission, précité, point 112).

37     À cet égard, force est de constater que le requérant n’a pas affirmé, et encore moins établi, qu’il avait fait l’objet de sollicitations concomitantes à son engagement en qualité de fonctionnaire communautaire de la part d’autres employeurs. Par conséquent, il ne saurait être prétendu que le requérant risquait, compte tenu de l’état du marché du travail, de ne pas pouvoir être recruté par la Commission.

38     Il convient d’ajouter que l’article 31, paragraphe 2, du statut impose une comparaison des qualifications du requérant aux exigences du poste auquel il a été affecté en qualité de fonctionnaire. Cette disposition figure en effet dans le titre III, chapitre premier, du statut, intitulé « Recrutement », et fait référence aux « postes rendus disponibles [ou] nouvellement créés ». En outre, la décision de 1983 est relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement (arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T‑381/00, RecFP p. I‑A‑125 et II‑677, point 64).

39     En l’espèce, le requérant ne saurait donc établir une méconnaissance par la Commission des besoins spécifiques du service que si l’avis du concours général qu’il a réussi, l’avis de vacance relatif à son premier emploi ou la nature des fonctions qu’il a effectivement exercées dans le cadre de cet emploi comporte des indications en faveur de son classement au grade A 6.

40     S’agissant du concours général COM/A/3/01 organisé pour le recrutement d’administrateurs (A 7/A 6) dans le domaine fiscal, que le requérant a réussi, le texte de l’avis de concours ne comporte aucun élément permettant de conclure que l’un ou l’autre des lauréats serait, pour les besoins du service, classé au grade A 6. Tout au contraire, cet avis indique, au point IX (« conditions de recrutement »), que « [l]e recrutement se fera en principe au grade de base ». Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, le fait pour elle d’avoir organisé ce concours général, loin de revêtir un caractère exceptionnel, signifiait seulement qu’il existait un besoin en personnel disposant d’une qualification normale.

41     Dans la mesure où le requérant évoque un besoin de la Commission de recruter de véritables experts fiscaux, il convient de rappeler que la Commission a organisé simultanément le concours général COM/A/4/01 pour le recrutement d’administrateurs principaux (A 5/A 4), et ce également dans le domaine fiscal. Il est donc permis de conclure que le besoin allégué de la Commission de disposer d’experts fiscaux confirmés a été exprimé plutôt par ce dernier avis de concours que par l’avis COM/A/3/01. En effet, l’épreuve écrite prévue dans le cadre du concours COM/A/4/01 était plus exigeante que celle du concours COM/A/3/01 et l’admission à cette épreuve a été limitée aux seuls candidats justifiant d’une expérience professionnelle de douze ans, alors que l’avis de concours COM/A/3/01 n’exigeait une expérience professionnelle que de trois ans. Or, le requérant, tout en prétendant disposer d’une expérience professionnelle de plus de quatorze ans, a préféré ne pas participer au concours COM/A/4/01.

42     S’agissant de l’avis de vacance COM/2002/1988/F, relatif au premier emploi du requérant, son texte visait à recruter « un/une collègue dynamique » pour participer à l’élaboration de clauses et de contrats types harmonisés et de circulaires à usage des services de la Commission. Il précisait que ce poste, de « carrière A 7/A 6 », comprendrait la responsabilité d’un dossier relatif à l’assistance technique et administrative dans le domaine des contrats de marché ainsi que du suivi de questions relevant de ce domaine et des conventions de subvention. Les candidats devaient avoir accompli une formation juridique, justifier d’une expérience dans le domaine contractuel et disposer d’une capacité de rédaction en anglais et/ou en français, d’excellentes qualités relationnelles et de communication ainsi que d’un sens de l’organisation et de l’initiative.

43     Or, le fait que l’avis de vacance en cause envisageait le classement du titulaire de cet emploi aux grades A 7/A 6 démontre déjà que les besoins du service pouvaient se satisfaire d’un fonctionnaire de grade A 7 (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, RecFP p. I‑A‑129 et II‑705, point 48, et Brendel/Commission, précité, point 113).

44     En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas non plus du texte de l’avis de vacance qu’il existait des besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié. En effet, ce texte vise un travail de juriste tout à fait habituel. En particulier, la circonstance que le requérant a, comme enseignant dans des écoles supérieures techniques, traité de questions liées au droit des contrats fait partie des tâches habituelles d’un juriste.

45     Par ailleurs, l’expérience dans le domaine du droit des contrats figure parmi les exigences de l’avis de vacance COM/2002/1988/F. Or, le fait qu’un fonctionnaire nouvellement recruté, choisi parmi tous les candidats, corresponde le mieux aux exigences de son poste constitue une condition préalable pour que le poste lui soit attribué (arrêt Chawdhry/Commission, précité, point 84). Cela ne permet donc pas de conclure que les besoins spécifiques du service exigeaient le recrutement d’un candidat particulièrement compétent.

46     Il en va de même des activités exercées par le requérant au ministère des Finances du Land de Bavière, pour l’OCDE ou comme conseiller du gouvernement en Ouzbékistan. Ces activités attestent seulement de connaissances et d’expériences particulières en droit fiscal à un degré élevé de spécialisation. Elles sont, dès lors, dénuées de pertinence pour le premier emploi du requérant.

47     L’avis de vacance en cause n’exige pas non plus de connaissances linguistiques extraordinaires, mais se contente de requérir une « capacité de rédaction en anglais et/ou en français ». Le fait que le requérant maîtrise quatre langues communautaires ainsi que le russe, le latin et le grec ancien est donc dénué de pertinence dans ce contexte.

48     Le requérant affirme encore que l’avis de vacance en cause, en ce qu’il vise à « recherche[r] un/une collègue », s’adresse non pas aux lauréats d’un concours, mais à des fonctionnaires de la Commission déjà en poste. Or, la Commission n’aurait pas été en mesure pendant plusieurs mois de recruter un candidat approprié.

49     Cette argumentation n’est cependant pas de nature à établir que le requérant ait été recruté à cause de son profil exceptionnel.

50     D’une part, en effet, la formule « recherche d’un/une collègue » n’exclut pas nécessairement l’embauche d’un collègue nouvellement recruté. D’autre part, le fait que, à l’intérieur d’une administration, un emploi déterminé reste vacant pendant une certaine période peut s’expliquer par la nature des tâches à accomplir ou par d’autres circonstances, qui font que ledit emploi n’est pas prisé parmi les fonctionnaires en poste, mais destiné à des fonctionnaires nouvellement recrutés.

51     En tout état de cause, la circonstance qu’aucun candidat interne n’ait été disponible pour pourvoir l’emploi confié au requérant ne permet pas, à elle seule, de conclure que les besoins spécifiques du service imposaient le recrutement d’un candidat justifiant de qualifications exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt Chawdhry/Commission, précité, point 93).

52     Quant aux tâches effectivement accomplies par le requérant dans son premier emploi, ses affirmations selon lesquelles cet emploi comportait « un aspect interdisciplinaire, y compris au niveau des connaissances linguistiques », sont vagues et ne démontrent pas, en tant que telles, que la description de cet emploi s’écarte significativement de l’avis de vacance COM/2002/1988/F.

53     Il en va de même pour la référence du requérant à son activité de « gestionnaire d’un projet dans le cadre d’un projet horizontal de bases de données », à l’élaboration d’un manuel en vue de contrôler les différentes parties aux contrats de la Commission et à la rédaction d’instructions internes. En effet, toutes ces activités correspondent essentiellement au profil d’emploi visant à l’élaboration de clauses et de contrats types, tel qu’il figure dans l’avis de vacance COM/2002/1988/F.

54     Par conséquent, la nature des fonctions que le requérant a effectivement exercées dans le cadre de son premier emploi ne comporte pas non plus d’indications qui exigeaient son classement au grade A 6.

55     Partant, le requérant n’a pas démontré que l’AIPN a usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée en considérant, dans la décision rejetant sa réclamation, que les compétences et les qualités requises pour l’emploi en cause ne présentaient pas de caractère exceptionnel qui aurait justifié un classement au grade A 6, qu’il n’existait pas de lien étroit entre l’expérience professionnelle du requérant et les exigences de cet emploi et que l’AIPN ne rencontrait pas de difficultés particulières à recruter sur le marché du travail des personnes ayant un profil comparable à celui du requérant.

56     Le moyen tiré d’une méconnaissance par la Commission des besoins spécifiques du service doit, dès lors, être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une méconnaissance par la Commission du caractère exceptionnel des qualifications et de l’expérience professionnelle du requérant

–       Arguments des parties

57     Dans le cadre du moyen tiré d’un défaut d’exercice par l’AIPN de son pouvoir discrétionnaire, le requérant soutient, notamment, que la décision rejetant sa réclamation se borne à subdiviser le critère des qualifications exceptionnelles en trois indices particuliers et à énumérer les qualifications du requérant par rapport à ces trois indices, sans pour autant présenter une échelle de valeurs permettant de les apprécier concrètement. Or, si l’AIPN a bien reconnu le caractère exceptionnel du profil universitaire du requérant, ni la qualité ni la durée de son expérience professionnelle n’aurait été considérée comme exceptionnelle. L’AIPN n’aurait donc pas procédé à une appréciation discrétionnaire de la situation du requérant.

58     En particulier, l’AIPN n’aurait pas tenu compte du fait que trois de ses diplômes ont été obtenus alors qu’il exerçait déjà une activité professionnelle, cette circonstance impliquant une pondération plus élevée des différentes caractéristiques individuelles telles que la qualité de l’expérience professionnelle du requérant.

59     Dans le cadre du moyen tiré d’erreurs commises dans la vérification des faits et de plusieurs erreurs d’appréciation, il fait grief à la Commission de s’être limitée à évoquer formellement les fonctions d’encadrement (« Regierungsrat » et « Oberregierungsrat ») qu’il avait exercées pendant plus de huit ans au ministère des Finances du Land de Bavière, sans avoir apprécié sur le fond ses compétences et fonctions antérieures de fiscaliste et de chef de service dans l’administration fiscale. En outre, la Commission évoquerait simplement quelques années d’expérience d’enseignement, alors que le requérant a été chargé de cours pendant sept ans dans le cadre du stage en vue de la préparation du deuxième examen d’État pour juristes (« Rechtsreferendare ») et dans différentes écoles supérieures techniques (« Fachhochschulen »).

60     Il ajoute qu’il a également enseigné pendant deux ans à l’Académie financière et bancaire ainsi qu’à la Cour économique supérieure de la République d’Ouzbékistan et qu’il a été envoyé en Ouzbékistan comme conseiller dans le cadre de missions de courte durée en juillet 1996. De plus, l’AIPN mentionnerait uniquement les activités du requérant dans le cadre du projet communautaire « SIGMA » et pour le projet « TACIS », alors qu’il a exercé des activités pour l’OCDE dans le cadre du séminaire « Évasion fiscale et économie souterraine » qui a été organisé à Budapest pour des fonctionnaires des ministères ayant des fonctions d’encadrement.

61     Le requérant reproche encore à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la période de son service militaire obligatoire de deux ans. Selon le requérant, il est contraire au principe d’égalité de traitement de prendre en considération le service militaire uniquement pour le calcul d’échelon et non pas pour le classement en grade.

62     En outre, la décision rejetant la réclamation du requérant serait contradictoire en ce qu’elle constate le caractère exceptionnel de ses qualifications universitaires (obtention d’un doctorat), tout en refusant d’admettre un tel caractère pour son expérience professionnelle. Or, l’expérience professionnelle qui nécessite l’obtention d’un doctorat devrait logiquement être considérée comme exceptionnelle en elle-même. À cet égard, le requérant se réfère à ses activités comme chargé de cours à l’université pendant neuf ans qui, selon les règles de droit en vigueur, nécessiteraient un doctorat.

63     Enfin, il souligne la pertinence de ses connaissances linguistiques. En ce qui concerne plus particulièrement ses connaissances en anglais, le requérant rappelle qu’elles ont fait l’objet d’un examen dans le cadre du concours dont il est lauréat. Elles ne devraient donc pas être soumises à une nouvelle appréciation. Quant à ses connaissances en français, elles n’auraient pas été décrites avec exactitude et objectivité dans son rapport de stage.

64     La Commission rétorque que toutes les activités du requérant qui composent son expérience professionnelle ont été considérées du point de vue de leur contenu. Ce faisant, l’AIPN n’aurait pas été tenue de prendre en compte la durée de son service militaire en tant qu’expérience professionnelle.

65     Quant à la nature et au niveau de l’expérience professionnelle du requérant en tant que chargé de cours dans des écoles supérieures techniques, la Commission conteste que la qualité exceptionnelle du requérant découle de l’obligation d’avoir un doctorat pour exercer cette activité. En effet, en vertu de la réglementation nationale pertinente, l’obtention du doctorat ne serait pas requise pour les chargés de cours, le recrutement de ces derniers exigeant uniquement un diplôme universitaire et des compétences pédagogiques.

66     Quant à ses connaissances linguistiques, elle relève que, aux termes de son rapport de stage, l’expression écrite du requérant en langue anglaise devait encore être améliorée, tandis qu’il n’avait fait preuve que d’aptitudes limitées pour ce qui est de l’expression orale en français. En outre, selon le même rapport, l’amélioration de l’expression écrite et orale ferait partie des objectifs personnels du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

67     S’agissant du grief tiré d’un défaut d’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire, il convient d’examiner si celle-ci a effectivement apprécié les circonstances de la cause de la manière décrite aux points 23 et suivants ci-dessus.

68     À cet égard, la brièveté de la décision attaquée, qui a fixé le classement du requérant, ne permet pas de conclure que l’AIPN n’aurait pas, à ce stade, procédé à une appréciation concrète de la demande de reclassement. En effet, la circonstance que cette décision a reclassé le requérant, à l’intérieur du grade A 7, de l’échelon 1 à l’échelon 3 (voir point 7 ci-dessus) atteste que la Commission a effectivement examiné son cas avant de la prendre.

69     En tout état de cause, la motivation circonstanciée de la décision rejetant la réclamation démontre que l’AIPN a concrètement examiné, sur deux pages, si le profil universitaire du requérant ainsi que la qualité et la durée de son expérience professionnelle permettaient de conclure à sa valeur exceptionnelle. Ce faisant, l’AIPN n’était pas tenue de reprendre de façon exhaustive chacun des domaines mentionnés dans l’exercice des fonctions du requérant ; en particulier, aucune compétence en droit fiscal n’ayant été exigée pour le premier emploi du requérant, l’AIPN pouvait s’abstenir d’apprécier les connaissances et expériences du requérant en matière fiscale (voir, en ce sens, arrêt Wasmeier/Commission, précité, points 86 et 87).

70     Il convient de rappeler, en outre, que la Commission a encadré par des directives internes son pouvoir d’appréciation. En effet, l’article 2 de sa décision de 1983, tel qu’il résulte de la modification intervenue après l’arrêt Alexopoulou I, énumère deux critères que la Commission a précisés par cinq indices (voir points 3 et 4 ci-dessus). Or, compte tenu de la nature de l’examen cas par cas auquel la Commission était tenue de se livrer en l’occurrence, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir mentionné des critères et des indices plus précis (voir, en ce sens, arrêt Wasmeier/Commission, précité, point 76).

71     Le grief tiré d’un défaut d’exercice du pouvoir discrétionnaire en la matière doit, dès lors, être rejeté.

72     Quant aux griefs dirigés contre le refus de considérer l’expérience professionnelle du requérant comme exceptionnelle, il est de jurisprudence bien établie que les qualifications exceptionnelles visées par l’article 31, paragraphe 2, du statut doivent être appréciées non pas au regard de la population dans son ensemble, mais par rapport au profil moyen des lauréats de concours, qui constituent déjà une population très sévèrement sélectionnée conformément aux exigences de l’article 27 du statut (arrêts du Tribunal du 5 novembre 1997, Barnett/Commission, T‑12/97, RecFP p. I‑A‑313 et II‑863, point 50, Platte/Commission, précité, point 38, et Righini/Commission, précité, point 92).

73     En l’occurrence, il convient d’examiner, tout d’abord, si c’est à juste titre que l’AIPN a refusé de considérer comme exceptionnels le niveau et la qualité de l’expérience professionnelle du requérant.

74     À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une expérience professionnelle doit être évaluée non pas dans l’abstrait, mais en fonction seulement des exigences de l’emploi qui a été confié à l’intéressé lors de son entrée en service (arrêts Wasmeier/Commission, précité, points 57, 65 et 125, et Chawdhry/Commission, précité, point 102). En outre, l’administration n’est pas tenue d’appliquer l’article 31, paragraphe 2, du statut, même en présence d’un candidat possédant des qualifications exceptionnelles, mais peut décider librement, en tenant compte de l’intérêt du service, s’il y a lieu d’octroyer un classement au grade supérieur (arrêt Alexopoulou II, points 24 et 25).

75     En l’espèce, il est constant, d’une part, que l’avis de vacance d’emploi COM/2002/1988/F exigeait une « capacité de rédaction en anglais et/ou en français » et, d’autre part, que le requérant était appelé à utiliser activement ces deux langues dans l’accomplissement des tâches qui lui ont été confiées dans le cadre de cet emploi, ainsi qu’il ressort de son rapport de stage du mois d’octobre 2003.

76     Or, ainsi que la Commission l’a souligné à bon droit, ce rapport de stage indique que l’expression écrite du requérant en langue anglaise devait encore être améliorée et que le requérant n’avait fait preuve que d’aptitudes limitées pour ce qui est de l’expression orale en français. En outre, selon le même rapport, l’amélioration de l’expression écrite et orale faisait partie des objectifs personnels du requérant. Enfin, la note globale attribuée au requérant pour la période de son stage, allant du 16 janvier au 15 octobre 2003, ne s’élevait qu’à 13 sur 20 points.

77     Le requérant ne saurait donc prétendre que ses expériences professionnelles lui avaient procuré, en raison de leur qualité notamment au niveau linguistique, des qualifications exceptionnelles utiles pour les besoins de son premier emploi au sein de la Commission.

78     Dans la mesure où le requérant soutient que ses connaissances linguistiques ont été méconnues dans son rapport de stage, il suffit de constater que ce rapport, à défaut d’avoir été attaqué, doit être considéré comme définitif et que, si sa connaissance de l’anglais avait déjà été vérifiée dans le cadre du concours général COM/A/3/01, cette circonstance ne s’opposait pas à un nouvel examen aux fins de l’application de l’article 31, paragraphe 2, du statut.

79     En effet, ainsi que la Commission l’a exposé à juste titre, le recrutement du requérant dépendait de ce qu’il possédait les qualités pour être nommé fonctionnaire conformément à l’article 27 et à l’article 28, sous d), du statut. En revanche, dans le cadre de l’application de l’article 31, paragraphe 2, du statut, il s’agissait d’examiner la question différente de savoir si le requérant pouvait être nommé au grade supérieur de sa catégorie en raison de ses qualifications exceptionnelles. À cet effet, ses connaissances linguistiques pouvaient être soumises à un nouvel examen.

80     Dans les circonstances du cas d’espèce, il ne saurait donc être reproché à l’AIPN d’avoir refusé de considérer comme exceptionnels le niveau et la qualité de l’expérience professionnelle du requérant.

81     Cette constatation suffit pour exclure que l’AIPN ait commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que les qualifications du requérant n’étaient pas exceptionnelles. En effet, les conditions de qualité et de durée de l’expérience professionnelle étant cumulatives (voir, en ce sens, arrêts Chawdhry/Commission, précité, point 59, et Righini/Commission, précité, points 49, 101 et 114), il n’est pas besoin de se prononcer sur la durée de l’expérience professionnelle acquise par le requérant, ni d’ailleurs sur ses activités en tant que chargé de cours et de fonctionnaire national ainsi que sur les fonctions qu’il avait exercées en Ouzbékistan.

82     Il s’ensuit que le moyen pris d’une méconnaissance par la Commission du caractère exceptionnel des qualifications et de l’expérience professionnelle du requérant doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une violation du principe de confiance légitime

 Arguments des parties

83     Le requérant invoque l’avis de concours COM/A/4/01 concernant un concours général organisé, parallèlement au concours réussi par lui-même, en vue de constituer une réserve d’administrateurs principaux de carrière A 5/A 4 dans le domaine fiscal. Les exigences des deux avis de concours seraient identiques, à l’exception de la durée de l’expérience professionnelle requise qui, pour le concours A 5/A 4, serait fixée à douze ans. Par conséquent, le requérant − justifiant d’une expérience professionnelle de quatorze ans et demi − aurait pu nourrir une confiance légitime en ce que, eu égard aux deux avis de concours, la durée et la qualité de son expérience professionnelle seraient appréciées selon des critères homogènes ayant pour conséquence son classement au moins au grade A 6.

84     Dans ce contexte, il se réfère aussi aux avis de concours 2004/C 104 A/01 et 2004/C 104 A/02 publiés le 30 avril 2004 (JO C 104 A, p. 23), c’est-à-dire avant l’adoption de la décision rejetant sa réclamation, qui requièrent une expérience professionnelle de dix ans pour un classement au grade A 5/A 4. Une expérience professionnelle de plus de dix ans dépasserait de loin les conditions exigées pour un classement au grade A 6.

85     Le requérant invoque encore le guide administratif (voir point 4 ci-dessus) en ce qu’il prévoit, en règle générale, un classement au grade A 6 lorsque le fonctionnaire concerné justifie d’une expérience professionnelle de dix ans. Le requérant aurait donc pu s’attendre à ce que la durée de son expérience professionnelle soit considérée comme exceptionnelle.

86     Enfin, il fait valoir que ses dix années d’expérience professionnelle ont entraîné son classement en tant que « senior consultant » lors de ses activités dans le cadre du projet « TACIS ». Ce classement montrerait la différence entre le requérant et un simple « consultant » qui ne doit justifier que d’une expérience de trois ans. Un tel classement serait fait dans un contexte analogue à celui de l’article 31, paragraphe 2, du statut. Par conséquent, ce classement serait de nature à créer une confiance légitime en des critères de classement analogues au titre de l’article 31, paragraphe 2, du statut.

87     La Commission considère que le texte des avis de concours invoqués par le requérant ne comportait aucune promesse particulière à son égard. En particulier, sa référence au concours COM/A/4/01 serait dénuée de pertinence, en ce que ce concours concernait la catégorie A 5/A 4 et n’était donc pas comparable au concours dont le requérant est lauréat.

88     Par ailleurs, la durée de l’expérience professionnelle prévue dans le cadre d’un avis de concours et celle prévue dans le cadre de l’application des dispositions combinées de l’article 31, paragraphe 2, du statut et de l’article 2, paragraphe 1, de la décision de 1983 joueraient un rôle différent.

89     Les indications générales contenues dans le guide administratif ne comporteraient pas non plus des assurances particulières en faveur du requérant.

90     S’agissant de l’activité du requérant en tant que « senior consultant » dans le cadre du projet « TACIS », la Commission soutient que cette activité s’est exclusivement déroulée sur la base d’une relation contractuelle avec l’entreprise Barents Group Europe. La qualification du requérant de « senior consultant » ne serait pas imputable à la Commission et ne pourrait donc fonder aucune confiance digne de protection pour le requérant.

 Appréciation du Tribunal

91     Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration communautaire. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (arrêts Forvass/Commission, précité, point 70, Wasmeier/Commission, précité, point 106, et Righini/Commission, précité, point 130).

92     En l’espèce, le requérant ne prétend pas que l’administration lui ait fourni, dans le cadre de la procédure ayant conduit à son recrutement, des assurances individuelles précises visant à l’application de l’article 31, paragraphe 2, du statut en sa faveur. Il ne se prévaut que d’assurances indirectes en ce sens, en rapport avec son expérience professionnelle.

93     En se référant à l’expérience professionnelle de douze ans requise par l’avis de concours COM/A/4/01 concernant des administrateurs principaux de la carrière A 5/A 4, pour en conclure que sa propre expérience professionnelle de quatorze ans lui conférait le droit au classement en A 6, le requérant procède à une lecture sélective dudit avis de concours qui ne saurait être retenue.

94     En effet, s’agissant des candidats admis à ce concours, il est évident que la durée de leur expérience professionnelle n’était d’aucune utilité pour eux aussi longtemps qu’ils n’avaient pas réussi les épreuves imposées, obtenu les 20 meilleurs notes pour être inscrits sur la liste de réserve (avis de concours, point VIII) et fait l’objet d’une offre de recrutement. Or, ainsi qu’il a été exposé au point 41 ci-dessus, le requérant a préféré ne pas participer au concours COM/A/4/01, dont l’épreuve écrite était plus exigeante que celle du concours COM/A/3/01. Dans ces circonstances, il ne saurait scinder l’ensemble indivisible de l’avis de concours, constitué par les épreuves et l’expérience professionnelle, pour tirer profit du seul élément qui lui paraît favorable.

95     Il en va nécessairement de même en ce qui concerne la référence faite par le requérant aux avis de concours 2004/C 104 A/01 et 2004/C 104 A/02.

96     Quant au guide administratif, il s’avère que les indications contenues dans ce texte sont très générales et soumises à des conditions. Il n’est donc pas possible d’en tirer une quelconque confiance légitime qu’un lauréat pourrait invoquer pour un classement précis dans un grade déterminé (voir, par analogie, au regard du texte de l’avis de concours, arrêt Wasmeier/Commission, précité, point 108).

97     Sur ce point, il convient de préciser que le guide administratif indique, à plusieurs endroits, que son texte n’a aucune valeur juridique contraignante. En outre, la Commission a attiré l’attention sur le fait, non contesté par le requérant, que le guide administratif mentionne qu’un fonctionnaire stagiaire « peut espérer en règle générale » être classé en A 6 plutôt qu’en A 7 s’il a acquis pendant au moins dix ans une expérience professionnelle exceptionnelle de qualité élevée et de grande pertinence, tout en précisant que « ce chiffre est donné à titre purement indicatif » et « ne correspond pas à une pratique systématique ». Il s’ensuit que ce texte ne pouvait fonder aucune confiance légitime chez le requérant quant à son classement plus ou moins automatique au grade A 6.

98     S’agissant de l’activité du requérant dans le cadre du projet « TACIS », il suffit de relever que le fait pour la Commission d’avoir sélectionné l’entreprise Barents Group Europe, l’ancien employeur du requérant, comme adjudicataire dudit projet ne saurait être interprété en ce sens que l’administration communautaire a fourni des assurances précises, inconditionnelles et concordantes de nature à faire naître une attente légitime chez le requérant à ce que sa position de « senior consultant » au sein de cette entreprise impliquât son classement au grade A 6.

99     Il convient d’ajouter qu’une telle assurance fondée essentiellement sur la durée de l’expérience professionnelle du requérant, à supposer qu’elle ait été fournie, n’aurait, en tout état de cause, pas été conforme aux normes applicables, dans la mesure où elle aurait fait abstraction, d’une part, de l’absence d’un besoin spécifique du service (voir points 36 à 55 ci-dessus) et, d’autre part, des insuffisances linguistiques du requérant (voir points 75 à 79 ci-dessus), qui s’opposaient à ce que ce dernier soit, à titre exceptionnel, classé au grade A 6.

100   Par conséquent, le moyen tiré d’une violation du principe de confiance légitime doit être écarté.

 Sur le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

101   Le requérant reproche à la Commission d’avoir négligé les circulaires relatives aux critères de classement, les critères retenus lors des concours généraux communautaires et les critères concrets relatifs aux décisions de classement en ce qui concerne la durée de l’expérience professionnelle antérieure ainsi que la qualité de ladite expérience professionnelle. Il reproche également à la Commission d’avoir refusé de tenir compte des deux ans accomplis au titre de son service militaire lors de la détermination de son expérience professionnelle. Cette omission affecterait le requérant par rapport aux candidats qui ont participé au concours sans avoir accompli de service militaire. Enfin, la durée de son expérience professionnelle aurait été méconnue par rapport aux lauréats du concours COM/A/4/01.

102   À cet égard, le Tribunal rappelle que le principe d’égalité de traitement, énoncé à l’article 5, paragraphe 3, du statut, est une règle de caractère général, applicable au droit de la fonction publique communautaire. Il existe une discrimination enfreignant cette règle lorsqu’un traitement inégal est appliqué à des situations identiques ou comparables et que cette différenciation n’est pas objectivement justifiée (voir arrêt de la Cour du 11 janvier 2001, Gevaert/Commission, C‑389/98 P, Rec. p. I‑65, point 54, et la jurisprudence citée).

103   En l’espèce, l’argumentation du requérant est partiellement répétitive en ce qu’elle présente, sous le couvert du présent moyen, des griefs qui ont déjà été soulevés, et rejetés ci-dessus, dans d’autres contextes. En effet, l’argumentation du requérant faisant référence au concours général COM/A/4/01, qui est dénué de pertinence pour le concours litigieux en l’espèce, et au guide administratif, dont le libellé conditionnel et très général n’a pas de valeur juridique contraignante, ne saurait davantage être accueillie dans le contexte du moyen tiré d’une violation du principe de non-discrimination.

104   Par ailleurs, la nature de l’évaluation effectuée cas par cas conformément à l’article 31, paragraphe 2, du statut s’oppose, en principe, à ce que le requérant puisse utilement invoquer une violation de ce principe (arrêt Chawdhry/Commission, précité, point 102, et, en ce sens, arrêt Brendel/Commission, précité, point 129).

105   Or, le requérant s’abstient de faire valoir qu’un autre fonctionnaire lauréat du concours général COM/A/3/01, qu’il avait lui-même réussi, ou d’un concours comparable se trouvant dans une situation substantiellement identique à la sienne avait, contrairement à lui, obtenu le classement au grade A 6.

106   S’agissant de la période accomplie au titre de son service militaire, il y a lieu de rappeler que l’expérience professionnelle du requérant doit être évaluée en fonction des exigences du seul emploi qui lui a été confié lors de son entrée en service (voir points 38 et 74 ci-dessus). Or, le requérant n’a pas prétendu, et encore moins établi, que l’activité exercée pendant son service militaire était pertinente, en ce sens qu’elle présentait une utilité particulière pour l’exercice de ses fonctions de juriste au sein de l’unité 2 « Marchés, contrats et subventions » de la direction D « Service financier central » de la DG « Budget ».

107   À cet égard, il apparaît suffisant que la durée de son service militaire ait été prise en compte par la Commission pour la détermination de son échelon à l’intérieur du grade A 7.

108   En tout état de cause, le retard pris dans la carrière professionnelle d’un appelé est une conséquence inévitable du choix effectué par l’État membre en matière d’organisation militaire, conséquence que les institutions communautaires ne sont pas obligées de neutraliser au niveau du classement en grade des intéressés.

109   Dès lors, le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement doit, lui aussi, être écarté.

 Sur le moyen tiré d’un défaut de motivation

110   Tout en rappelant que la décision attaquée était totalement dépourvue de motivation, le requérant soutient que la décision rejetant sa réclamation manque d’éléments pertinents. Cette décision contiendrait des contradictions, d’une part, en ce qu’elle constate l’absence de qualités exceptionnelles du requérant au titre de son expérience professionnelle, tout en présentant les qualifications du requérant comme exceptionnelles et, d’autre part, en ce qu’elle est basée sur l’idée que le requérant n’a pas d’expérience professionnelle antérieure utile pour son premier emploi, tout en exposant qu’il a précisément l’expérience antérieure nécessaire pour cet emploi. En outre, le fait que la Commission n’ait pu trouver d’autres candidats aptes à occuper l’emploi du requérant, tout en indiquant qu’il en existe suffisamment, serait en lui-même contradictoire. Enfin, les allégations selon lesquelles des candidats ayant un profil comparable à celui du requérant ne manquent pas sur le marché du travail seraient difficiles à croire.

111   À cet égard, le Tribunal rappelle qu’une décision de classement en tant que telle ne doit pas être motivée, une motivation au stade de la décision sur la réclamation étant suffisante (voir, en ce sens, arrêt Brendel/Commission, précité, point 120).

112   Dans la mesure où le requérant critique le caractère contradictoire et inexact des motifs de la décision rejetant la réclamation, il y a lieu de considérer que cette argumentation concerne non pas l’obligation de motivation, mais le bien-fondé de la décision rejetant la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Le Canne/Commission, T‑218/95, Rec. p. II‑2055, point 70, et la jurisprudence citée).

113   En tout état de cause, cette décision répond aux griefs essentiels invoqués dans la réclamation et spécifie les éléments pertinents relatifs à la formation et à l’expérience professionnelle du requérant au regard des règles juridiques applicables, l’AIPN n’ayant pas été obligée de reprendre de manière exhaustive l’ensemble du cursus du requérant et le détail de tous les domaines abordés dans le cadre de sa formation universitaire et dans l’exercice de ses fonctions (voir, en ce sens, arrêt Wasmeier/Commission, précité, points 86 et 140). La décision rejetant sa réclamation a, en tout état de cause, permis au requérant de présenter utilement ses moyens et arguments tendant à dénoncer son classement en grade.

114   Le moyen tiré d’un défaut de motivation ne saurait donc non plus être retenu.

115   Aucun des moyens soulevés n’ayant été déclaré fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

116   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mai 2006.

Le greffier

 

       Le juge

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’allemand.