Language of document : ECLI:EU:T:2000:46

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

22 février 2000 (1)

«Fonctionnaires - Congé de maladie - Absence irrégulière - Article 59 du statut - Procédure à suivre en cas d'absence pour maladie»

Dans l'affaire T-171/98,

Maria Adelina Biasutto, fonctionnaire du Conseil de l'Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes J.-N. Louis et G.-F. Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. P. Borges et M. Bauer, membres du service juridique, en qualités d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. A. Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du Conseil du 20 février 1998 refusant l'enregistrement du certificat de maladie de la requérante et déclarant irrégulière son absence pour la période allant du 9 au 22 février 1998 inclus,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. G. Herzig, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 16 novembre 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1.
    L'article 59 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«1. Le fonctionnaire qui justifie être empêché d'exercer ses fonctions par suite de maladie ou d'accident bénéficie de plein droit d'un congé de maladie.

L'intéressé doit aviser, dans les délais les plus brefs, son institution de son indisponibilité en précisant le lieu où il se trouve. Il est tenu de produire, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical. Il peut être soumis à tout contrôle médical organisé par l'institution.

Lorsque ces absences pour maladie non supérieures à trois jours dépassent, sur une période de douze mois, un total de douze jours, le fonctionnaire est tenu de produire un certificat médical pour toute nouvelle absence pour cause de maladie.

L'autorité investie du pouvoir de nomination peut saisir la commission d'invalidité du cas du fonctionnaire dont les congés cumulés de maladie excèdent douze mois pendant une période de trois ans.

2. Le fonctionnaire peut être mis en congé d'office à la suite d'un examen pratiqué par le médecin-conseil de l'institution, si son état de santé l'exige ou si une maladie contagieuse s'est déclarée dans son foyer.

3. En cas de contestation, la commission d'invalidité est saisie pour avis.

[...]»

2.
    L'article 60 du statut prévoit:

«Sauf en cas de maladie ou d'accident, le fonctionnaire ne peut s'absenter sans y avoir été préalablement autorisé par son supérieur hiérarchique. Sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions prévues en matière disciplinaire, toute absence irrégulière dûment constatée est imputée sur la durée du congé annuel de l'intéressé. En cas d'épuisement de ce congé, le fonctionnaire perd le bénéfice de sa rémunération pour la période correspondante.»

3.
    Aux termes de l'article 7 de l'annexe II du statut, la commission d'invalidité prévue par l'article 59 du statut est composée de trois médecins: le premier est désigné par l'institution dont relève le fonctionnaire intéressé, le deuxième par l'intéressé, et le troisième du commun accord des deux médecins ainsi désignés ou, en cas de carence du fonctionnaire intéressé ou à défaut d'accord, par le président de la Cour de justice.

4.
    Par ailleurs, la communication au personnel n° 117/97 du Conseil, du 18 septembre 1997, concernant la «Procédure à suivre en cas d'absence pour maladie ou accident (articles 59 et 60 du statut)», prévoit, en son point III.6:

«À la suite de l'examen médical de contrôle, le médecin-contrôleur peut demander au fonctionnaire de fournir un rapport détaillé à établir par le médecin ayant délivré le certificat.

Au cas où il l'estime utile, il prend contact avec ce dernier, sous réserve de l'accord du fonctionnaire. Ce contact a pour but de se renseigner sur les particularités éventuelles du cas et d'éviter, le cas échéant, la répétition d'analyses ou d'examens qui auraient déjà été faits.

Au cas où le fonctionnaire refuserait la prise de contact entre le médecin-contrôleur et le médecin ayant délivré le certificat, toute décision ultérieure est basée sur le seul avis du médecin-contrôleur.»

5.
    Le point III.7 de ladite communication dispose:

«Si le médecin-contrôleur conclut à l'aptitude à la reprise du travail, il en informe le fonctionnaire. Ensuite, une invitation à reprendre le travail à une date déterminée est adressée au fonctionnaire par le directeur du personnel. En même temps, le fonctionnaire est informé de son droit de contester les conclusions du contrôle et de la procédure à suivre à cet effet. L'invitation mentionnera aussi que le fonctionnaire qui ne reprend pas le travail après y avoir été invité et qui ne conteste pas les conclusions du contrôle sera considéré en absence irrégulière à partir du moment où le contrôle a été effectué. L'invitation relèvera enfin qu'au cas où la contestation s'avérerait sans fondement la période entre la visite de contrôle et la reprise effective du travail sera considérée également comme absence irrégulière.»

6.
    Enfin, le point III.8 énonce:

«Toute contestation doit être adressée au directeur du personnel dans le délai qui sera fixé dans l'invitation à reprendre le travail. Les justifications médicales y relatives sont à joindre sous pli fermé à l'attention du médecin-contrôleur. Au cas où le fonctionnaire soumettrait un nouveau certificat médical confirmant le certificat médical original, un médecin tiers est désigné par accord entre le médecin-contrôleur et le médecin ayant délivré ce nouveau certificat médical, en vue d'un examen médical d'arbitrage. Si l'avis du médecin-arbitre confirme l'aptitude au travail, celui-ci en informe le fonctionnaire. Ensuite, le fonctionnaire est invité par le directeur du personnel à reprendre le travail et il est informé que la période entre la visite de contrôle et la reprise du travail est considérée comme absence irrégulière. Le fonctionnaire qui ne reprend pas le travail après y avoir été invité sera considéré en absence irrégulière.»

Faits et procédure

7.
    La requérante est actuellement fonctionnaire, de grade C 2, au Conseil et est affectée à un emploi de sténo-dactylographe.

8.
    Pendant le second semestre de 1997, la requérante a bénéficié, à plusieurs reprises, de congés de maladies. Le premier lui a été accordé pour la période allant du 7 au 22 août 1997 sans que la validité de son certificat médical soit contestée. Ultérieurement, lors d'un congé normal du 13 au 31 octobre 1997 en Italie, la requérante a envoyé au Conseil, par télécopie, un certificat médical de son médecin de famille établissant son incapacité de travail pendant la période allant du 3 au 17 novembre 1997. Puis, la requérante a produit un nouveau certificat médical prorogeant son incapacité de travail jusqu'au 2 décembre 1997.

9.
    Par note du 21 janvier 1998, le directeur du personnel et de l'administration a convoqué la requérante pour un examen médical de contrôle le 2 février 1998.

10.
    Le 2 février 1998, la requérante a été examinée par le médecin-contrôleur du Conseil. Ce dernier n'a pas contesté la validité des certificats médicaux produits.

11.
    Le 5 février 1998, la requérante a adressé au Conseil un certificat d'incapacité de travail établi par son médecin traitant à Bruxelles, couvrant la période comprise entre le 5 et le 28 février 1998. Le même jour, elle a demandé l'autorisation de passer son congé de maladie en Italie.

12.
    Par télégramme du 6 février 1998, la requérante a été informée du refus du Conseil de l'autoriser à passer son congé de maladie en Italie. Elle était, de plus, invitée à se soumettre à une nouvelle visite médicale de contrôle le 9 février 1998.

13.
    Lors de cette dernière visite, le médecin-contrôleur a informé la requérante qu'il l'estimait apte à reprendre le travail. Le même jour, le médecin-contrôleur a communiqué, par téléphone, au médecin traitant de la requérante ses conclusions concernant l'état de santé de l'intéressée. Au cours de cet entretien, le médecin traitant a confirmé le certificat médical qu'il avait établi et les deux médecins ont alors désigné, d'un commun accord, un médecin tiers afin d'effectuer un examen médical d'arbitrage.

14.
    Le 10 février 1998, le directeur du personnel et de l'administration a adressé à la requérante un télégramme lui indiquant que, à la suite de l'examen médical effectué par le médecin-contrôleur le 9 février, il avait été conclu à son aptitude «à reprendre le travail à partir de la date même de l'examen médical». Le télégramme indiquait, ensuite, que, puisque la requérante contestait la conclusion à laquelle était parvenu le médecin-contrôleur, et que son médecin traitant avait confirmé le certificat original, elle était invitée à se présenter, le 12 février 1998, pour un examen médical devant le médecin-arbitre choisi par le médecin-contrôleur et le médecin traitant de la requérante. Enfin, le télégramme attirait l'attention de la requérante sur «les dispositions reprises dans la communication au personnel n° 117/97 concernant les suites d'un contrôle médical (paragraphe 6) notamment en ce qui concerne la question [des] absence[s] irrégulière[s]».

15.
    Le 12 février 1998, la requérante s'est rendue chez le médecin-arbitre à Bruxelles, qui a procédé à l'examen médical.

16.
    Le 20 février 1998, le directeur du personnel et de l'administration a adressé à la requérante un télégramme (ci-après la «décision attaquée») indiquant que, à la suite de l'examen médical d'arbitrage, le médecin-arbitre avait confirmé l'avis du médecin-contrôleur selon lequel elle était apte à travailler. Le directeur ajoutait:

«Votre médecin traitant [...] a également été informé de cette situation. Dans ces circonstances je vous invite à reprendre votre travail au pool italien immédiatement.»

17.
    En outre, il y était signalé que, conformément aux dispositions de la communication au personnel n° 117/97, la période comprise entre la visite de contrôle (le 9 février 1998) et la reprise du travail serait considérée comme irrégulière et que, en conséquence, les jours d'absence injustifiés seraient déduits du solde de son congé annuel. Enfin, la requérante était informée qu'elle s'exposait à d'éventuelles sanctions disciplinaires du fait de son absence irrégulière et du fait qu'elle s'était absentée à l'étranger, bien que sa demande en ce sens ait été refusée par télégramme du 6 février 1998.

18.
    La requérante a repris son travail le 23 février.

19.
    Le 20 mars 1998, elle a introduit une réclamation contre la décision attaquée.

20.
    Par note du 9 juillet 1998, le secrétaire général du Conseil a rejeté la réclamation de la requérante. Cette décision a été notifiée à la requérante le 13 juillet 1998.

21.
    C'est dans ces circonstances que la requérante, par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 octobre 1998, a introduit le présent recours.

22.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 16 novembre 1999.

Conclusions des parties

23.
    La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée en ce que, d'une part, y est considérée comme irrégulière l'absence de la requérante du 9 au 22 février 1998 inclus et, d'autre part, elle porte imputation de ces journées d'absence sur son congé annuel;

-    condamner le Conseil aux dépens.

24.
    La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

25.
    La requérante invoque, en substance, cinq moyens tirés, premièrement, d'une violation du principe de non-rétroactivité en ce que la décision attaquée aurait pris effet avant d'être notifiée, deuxièmement, d'un non-respect des règles à suivre en cas d'absence pour maladie, troisièmement, d'une violation de l'article 59,paragraphe 3, du statut, en ce que les règles à suivre en cas d'absence pour maladie violent cette disposition, quatrièmement, d'une violation des droits de la défense et, cinquièmement, d'un défaut de motivation.

26.
    Il convient, d'abord, d'examiner le troisième moyen tiré d'une violation de l'article 59, paragraphe 3, du statut.

Arguments des parties

27.
    La requérante affirme que la procédure instaurée par le Conseil et contenue dans la communication au personnel n° 117/97 est illégale en ce qu'elle viole l'article 59 du statut.

28.
    Elle rappelle, tout d'abord, que l'article 59, paragraphe 3, du statut dispose clairement qu'«[en] cas de contestation, la commission d'invalidité est saisie pour avis». En ajoutant un tel paragraphe 3 à l'article 59, le législateur aurait, ainsi, clairement indiqué que la commission d'invalidité devait être saisie en cas de contestation des conclusions d'un examen médical, et non seulement, comme le soutient le Conseil, en cas de mise en congé d'office au titre du paragraphe 2 de cet article.

29.
    La requérante relève, en outre, que l'interprétation donnée par le Conseil conduit à priver un fonctionnaire de la possibilité de contester les conclusions d'un examen médical de contrôle. En effet, l'article 59, paragraphe 1, du statut n'envisagerait, alors, aucune procédure particulière de contestation.

30.
    Par ailleurs, la procédure d'arbitrage instaurée par la communication n° 117/97 du Conseil ne prévoirait pas la présence d'un médecin désigné par le fonctionnaire. La requérante en déduit que cette procédure ne respecte pas les garanties conférées au fonctionnaire par le statut, notamment le droit de désigner le médecin chargé de le représenter lors des travaux de la commission d'invalidité. En conséquence, cette procédure d'arbitrage étant illégale, la décision attaquée, arrêtée en violation de l'article 59, paragraphe 3, du statut serait elle-même illégale et devrait être annulée.

31.
    Le Conseil prétend, à l'inverse, que la saisine de la commission d'invalidité ne s'impose pas chaque fois qu'un fonctionnaire conteste le refus de l'administration d'enregistrer un certificat médical justifiant une absence.

32.
    En effet, la saisine de la commission d'invalidité ne se justifierait que lorsque des absences persistantes pour maladie mettraient en cause la capacité du fonctionnaire à exercer ses fonctions ou risqueraient de porter préjudice au fonctionnement du service (article 59, paragraphe 1, quatrième alinéa, du statut) ou lorsqu'il serait envisagé de mettre le fonctionnaire en congé d'office si son état de santé l'exige ou si une maladie contagieuse s'est déclarée dans son foyer (article 59, paragraphe 2,du statut). Il s'agirait, en l'occurrence, de situations dans lesquelles les décisions prises ont des retombées très sérieuses, et souvent définitives, pour la carrière, voire même la situation personnelle du fonctionnaire.

33.
    Dans les autres cas, le Conseil soutient que la procédure à suivre en cas d'absence pour maladie répond à la nécessité d'arriver le plus vite possible, dans l'intérêt du fonctionnaire et de l'institution, à une conclusion définitive quant au caractère régulier ou non de l'absence en question. D'une part, l'intérêt de l'administration serait que le système des contrôles médicaux permette de prendre, au plus vite, les mesures nécessaires à l'organisation des services. D'autre part, l'intérêt du fonctionnaire serait d'avoir rapidement une pleine connaissance de ses droits et obligations afin d'agir en conséquence, tout retard pouvant lui être préjudiciable, au vu des implications d'une absence irrégulière.

34.
    Le Conseil considère, en outre, que le système de contestation et d'arbitrage instauré par le point III.8 de la procédure à suivre en cas d'absence pour maladie serait analogue à celui de la commission d'invalidité, ayant seulement été adapté aux circonstances spécifiques du contrôle médical.

35.
    À cet égard, concernant, en premier lieu, la désignation du médecin chargé de représenter l'intéressé, le Conseil avance qu'il est légitime de présumer que le médecin choisi par le fonctionnaire pour établir le certificat médical justifiant son absence jouit de sa confiance. Le Conseil ajoute que ce médecin est le mieux placé pour défendre les appréciations médicales qui sous-tendent les conclusions dudit certificat. Il en déduit que, tant que le fonctionnaire n'a pas renversé cette présomption, le médecin qui a établi le certificat médical peut être considéré comme le médecin chargé de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

36.
    Concernant, en second lieu, le choix du médecin-arbitre, le Conseil observe que les règles gouvernant la désignation du médecin-arbitre sont calquées sur celles applicables à la constitution d'une commission d'invalidité stricto sensu. La requérante n'aurait, d'ailleurs, jamais mis en cause le choix du médecin-arbitre avant la phase contentieuse, indiquant clairement, par cette attitude, qu'elle avait entériné le choix de son médecin traitant.

Appréciation du Tribunal

37.
    Il ressort de l'article 59, paragraphe 3, du statut que, «en cas de contestation», l'autorité investie du pouvoir de nomination a l'obligation de saisir la commission d'invalidité.

38.
    Dans son arrêt du 8 juillet 1999, Gaspari/Parlement (T-36/96, non encore publié au Recueil, point 50), le Tribunal a constaté qu'«il ne ressort pas de l'économie de l'article 59 du statut que le législateur ait exclu que la commission d'invalidité soit saisie lorsque les conclusions du rapport du médecin-contrôleur ne coïncident pas avec celles du certificat médical produit par l'intéressé.»

39.
    Il y a donc lieu de rejeter, d'emblée, l'argument du Conseil selon lequel la saisine de la commission d'invalidité ne se justifie que lorsque, conformément à l'article 59, paragraphe 1, quatrième alinéa, du statut, des absences persistantes pour maladie mettent en cause la capacité du fonctionnaire à exercer ses fonctions ou risquent de porter préjudice au fonctionnement du service ou lorsqu'il est envisagé, en vertu du paragraphe 2 dudit article, de mettre le fonctionnaire en congé d'office si son état de santé l'exige ou si une maladie contagieuse s'est déclarée dans son foyer.

40.
    Dans l'arrêt Gaspari/Parlement, précité (point 58), le Tribunal a également indiqué que, en principe, une «divergence entre les conclusions médicales contenues respectivement dans un certificat établi par le médecin traitant et dans le certificat délivré par le médecin-contrôleur à la suite d'un contrôle médical régulier ne constituait pas en soi une contestation au sens de l'article 59, paragraphe 3, du statut, puisque les conclusions du médecin-contrôleur, en l'absence de tout effet rétroactif, ne remettent pas en cause la pertinence de celles établies antérieurement par le médecin traitant».

41.
    Toutefois, il est précisé, dans ce même arrêt (point 61), que l'existence d'une divergence entre les certificats médicaux du médecin traitant et du médecin-contrôleur, s'ils sont tous deux délivrés dans un court laps de temps, peut dénoter, dans certaines circonstances, une réelle contestation médicale devant être tranchée par un organe tiers, en l'occurrence la commission d'invalidité.

42.
    En l'espèce, il est constant qu'une véritable contestation médicale est survenue. En effet, d'une part, le médecin-contrôleur a directement mis en cause, le 9 février 1998, le certificat médical établi quatre jours auparavant par le médecin traitant en fournissant un avis médical divergent sur l'état de santé de l'intéressée et a conclu à l'aptitude immédiate de la requérante à reprendre son travail alors que, à l'inverse, le premier médecin avait accordé un congé de maladie pour l'ensemble du mois de février 1998. D'autre part, le médecin traitant a, à son tour, explicitement contesté l'avis du médecin-contrôleur en confirmant son certificat médical.

43.
    Il en découle que le Conseil avait, conformément à l'article 59, paragraphe 3, du statut, l'obligation de saisir la commission d'invalidité, ce qui n'a pas été fait.

44.
    Toutefois, le Conseil soutient que le système de contestation et d'arbitrage, organisé au point III.8 de la procédure à suivre en cas d'absence pour maladie, peut être considéré comme analogue à celui de la commission d'invalidité, ayant seulement été adapté aux circonstances spécifiques du contrôle médical.

45.
    Cet argument ne peut être retenu.

46.
    En effet, le système de contestation et d'arbitrage se distingue de façon essentielle, par sa nature même, de celui de la commission d'invalidité. Ce dernier systèmerepose sur l'idée que trois médecins indépendants, dont un ayant la confiance de l'intéressé, doivent se réunir pour discuter du cas qui leur est soumis. Après une discussion médicale approfondie, ces trois médecins sont censés établir une conclusion commune indiquant notamment les points sur lesquels ils sont d'accord ainsi que les points sur lesquels ils ont des avis médicaux divergents.

47.
    En revanche, le système de contestation et d'arbitrage a pour but de résoudre, le cas échéant, un désaccord entre le médecin traitant et le médecin-contrôleur par l'intervention d'un médecin-arbitre. Dans ce cas, seul l'avis médical de ce troisième médecin est décisif pour l'intéressé. La procédure à suivre en cas d'absence pour maladie ne prévoit donc pas une discussion médicale approfondie entre trois médecins indépendants, dont un ayant la confiance du fonctionnaire en cause. De même, elle ne permet pas l'établissement d'une conclusion commune indiquant, notamment, les points ayant donné lieu à un accord ou à des avis divergents de la part des trois médecins.

48.
    En outre, alors que l'article 7 de l'annexe II du statut prévoit expressément que le fonctionnaire nomme l'un des deux médecins devant désigner le troisième, le point III.8 de la procédure susvisée autorise le médecin-contrôleur, dans l'hypothèse où l'intéressé a produit un second certificat médical, et le médecin ayant délivré le second certificat à désigner le médecin-arbitre. Pour que ladite procédure soit conforme au statut, il faudrait que le médecin ayant fourni, en toute hypothèse, le certificat contesté au sens de l'article 59, paragraphe 3, du statut soit, toujours, celui que le fonctionnaire désignerait pour le représenter à la commission d'invalidité. Or, la présomption organisée à cet égard par le Conseil, selon laquelle le médecin ayant fourni le certificat contesté est celui qui a la confiance de l'intéressé et qu'il aurait désigné à ladite commission, ne saurait être admise. Il est, en effet, impossible de présumer que le fonctionnaire désignera toujours le médecin qui a produit le certificat médical litigieux, notamment parce qu'il n'est pas exclu que les fonctionnaires des Communautés aient plusieurs médecins traitants, dont l'un, par exemple, dans leur pays d'origine et l'autre dans leur pays de résidence. En ce cas, comme l'a affirmé la requérante lors de l'audience, seul le fonctionnaire est à même d'apprécier quel est le médecin qui a la meilleure connaissance de son état.

49.
    Dès lors, il convient de constater que le point III.8 de la procédure à suivre en cas d'absence pour maladie n'assure pas le respect des droits et des intérêts du fonctionnaire prévus par l'article 59 du statut, tels qu'ils sont traduits par l'annexe II du statut.

50.
    À cet égard, le Conseil ne saurait objecter que la procédure à suivre en cas d'absence pour maladie répond à la nécessité d'arriver au plus vite, dans l'intérêt du fonctionnaire et de l'institution, à une conclusion définitive quant au caractère régulier ou non de l'absence pour maladie. En effet, un tel intérêt d'accélérer la procédure administrative n'est pas de nature à justifier l'altération des exigences prévues par l'article 59 du statut.

51.
    Il s'ensuit que le point III.8 de la procédure à suivre en cas d'absence pour maladie est illégal en ce qu'il prive le fonctionnaire intéressé de son droit à demander la saisine de la commission d'invalidité et, partant, à bénéficier des garanties procédurales prévues par l'article 59 du statut (voir points 46 à 48 ci-dessus).

52.
    Il en découle que la décision attaquée, adoptée sur la base de la procédure à suivre en cas d'absence pour maladie, doit être annulée, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens invoqués par la requérante.

Sur les dépens

53.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé et la requérante ayant conclu à la condamnation de celui-ci aux dépens, il y a lieu de le condamner à supporter l'ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)     La décision du Conseil du 20 février 1998 déclarant irrégulière l'absence de la requérante pendant la période allant du 9 au 22 février 1998 inclus est annulée.

2)     Le Conseil est condamné aux dépens.

García-Valdecasas Lindh Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 février 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: le français.