Language of document : ECLI:EU:T:2000:54

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

24 février 2000 (1)

«Programme TACIS - Appel d'offres - Irrégularités dans la procédure d'adjudication - Recours en annulation - Recours en indemnité - Recevabilité»

Dans l'affaire T-145/98,

ADT Projekt Gesellschaft der Arbeitsgemeinschaft Deutscher Tierzüchter mbH, établie à Bonn, représentée par Me A. Hansen, avocat à Bienenbüttel, Uelzener Straâe 8, Bienenbüttel (Allemagne),

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes M.- J. Jonczy, conseiller juridique, et B. Brandtner, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de la Commission de ne pas attribuer à la requérante le marché relatif au projet FD RUS 9603 («The Russian Federation: Adapting Russian Beef and Dairy Farming to Restructuring») et, d'autre part, à la réparation du préjudice prétendument subi par la requérante par suite du comportement de la Commission,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 7 octobre 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Au titre de la coopération entre la Communauté et la Russie, dans le cadre du programme TACIS, régi par le règlement (Euratom, CE) n° 1279/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif à la fourniture d'une assistance aux nouveaux États indépendants et à la Mongolie dans l'effort d'assainissement et de redressement de leur économie (JO L 165, p. 1, ci-après le «règlement TACIS»), la Commission et l'Académie russe des sciences agricoles sont convenues de mettre en oeuvre un projet visant au développement et à la restructuration de l'élevage laitier et de bovins à viande en Russie, intitulé «The Russian Federation: Adapting Russian Beef and Dairy Farming to Restructuring» et portant les références FD RUS 9603.

2.
    Les articles 6 et 7 du règlement TACIS, ainsi que son annexe III, précisent les conditions régissant l'attribution des marchés dans le cadre du programme TACIS, notamment par voie d'appel d'offres restreint.

3.
    Par ailleurs, il existe une «Réglementation générale relative aux appels d'offres et à l'attribution des marchés de services financés par des fonds PHARE/TACIS», ci-après la «réglementation générale»).

4.
    Dans sa version applicable à l'époque des faits en cause, l'article 12 de cette réglementation générale dispose:

«CONCURRENCE LOYALE

1.    Les personnes physiques et morales qui ont collaboré pour établir le cahier des charges du projet faisant l'objet de l'appel d'offres, ou qui ont contribué d'une autre manière à définir les activités à mettre en oeuvre dans le cadre du marché, ne sont pas admises à participer à l'appel d'offres, que ce soit en qualité de soumissionnaires, de membres d'un consortium, de sous-traitants ou de membres du personnel du soumissionnaire.

2.    Si l'une des personnes précitées participe néanmoins à un appel d'offres, son offre est rejetée par le pouvoir adjudicateur.

3.    Durant les six mois suivant la signature du marché, l'attributaire du marché ne peut employer à quelque titre que ce soit les personnes physiques et morales qui ont collaboré pour établir le cahier des charges du projet faisant l'objet de l'appel d'offres, ou qui ont contribué d'une autre manière à définir les activités à mettre en oeuvre dans le cadre du marché.

4.    Aucun soumissionnaire, aucun membre de son personnel ni aucune autre personne liée d'une quelconque manière au soumissionnaire aux fins de la soumission ne peut participer à l'évaluation de la soumission en question.

5.    Lorsque la partie contractante signe un marché avec un soumissionnaire ayant enfreint les dispositions des points 1, 3 et 4, elle peut résilier le marché avec effet immédiat.»

5.
    L'article 23 de cette réglementation générale, dans sa version applicable à l'époque des faits en cause, prévoit:

«INFORMATION DES SOUMISSIONNAIRES NON RETENUS

1.    Après la clôture de la procédure d'appel d'offres, les soumissionnaires dont l'offre n'a pas été retenue sont informés par écrit des motifs du rejet de leur offre et de l'identité de l'attributaire du marché.

2.    Le soumissionnaire peut, pour des raisons sérieuses, saisir le pouvoir adjudicateur d'une demande motivée de réexamen de sa soumission. Le pouvoir adjudicateur lui adresse par écrit une réponse motivée.»

6.
    L'article 24 de cette réglementation générale, dans sa version applicable à l'époque des faits en cause, dispose:

«ANNULATION DE LA PROCÉDURE D'APPEL D'OFFRES

1.    Avant d'attribuer le marché, le pouvoir adjudicateur peut, sans pour autant engager, de quelque manière que ce soit, sa responsabilité à l'égard des soumissionnaires et quel que soit l'état d'avancement de la procédure pour la conclusion du marché, soit décider de clôturer ou d'annuler la procédure d'appel d'offres, soit ordonner que la procédure soit recommencée, si nécessaire, sur d'autres bases.

2.    L'annulation ou la clôture d'une procédure d'appel d'offres peut notamment avoir lieu dans les cas suivants:

    a) si aucune soumission ne satisfait aux critères d'attribution du marché;

    b) si les données économiques ou techniques du projet ont été considérablement altérées;

    c) si, pour des raisons liées à la protection de droits exclusifs, les services ne peuvent être fournis que par une entreprise déterminée;

    d) si des circonstances exceptionnelles rendent impossible l'exécution normale de la procédure d'appel d'offres ou du marché;

    e) si toutes les soumissions reçues dépassent les ressources allouées au titre du marché;

    f) si les soumissions reçues sont entachées d'irrégularités graves qui entravent le fonctionnement normal du marché;

    g) s'il n'y a pas eu de concurrence;

    h) si le projet a été annulé;

    i) si les conditions d'une concurrence loyale font défaut.

3.    En cas d'annulation d'une procédure d'appel d'offres, les soumissionnaires en sont informés par le pouvoir adjudicateur et n'ont droit à aucune indemnisation.»

7.
    L'article 25, paragraphes 1 et 3, de cette réglementation générale, dans sa version applicable à l'époque des faits en cause, énonce:

«ATTRIBUTION DU MARCHÉ

1.    Le pouvoir adjudicateur peut, le cas échéant après négociation ou réunions d'information, conclure un marché avec le ou les soumissionnaires dont laou les soumissions a ou ont été considérée(s) comme économiquement la ou les plus avantageuse(s).

[...]

3.    Le marché est réputé conclu dès sa signature par les deux parties.»

Faits à l'origine du litige

8.
    Le 7 février 1997, la Commission, après avoir lancé en décembre 1996 un avis général à manifestation d'intérêt pour le projet FD RUS 9603, a publié l'avis d'appel d'offres restreint relatif à ce dernier au Journal officiel des Communautés européennes, sous le numéro RU96010401.

9.
    Le 11 février 1997, la requérante a demandé à la Commission à être inscrite sur la liste restreinte de cet appel d'offres.

10.
    Le 13 mars 1997, elle a été retenue par la Commission parmi les neuf candidats autorisés à soumettre une offre pour le projet en question.

11.
    Le 14 avril 1997, les documents de l'appel d'offres ont été adressés aux neuf candidats retenus sur la liste restreinte.

12.
    Le 16 juin 1997, la requérante a remis son offre à la Commission.

13.
    Les 9 et 10 juillet 1997, les huit candidats ayant remis une offre ont été entendus par un comité d'évaluation composé de M. Daniilidis, président du comité, de MM. Portier et Whiley, représentants de la Commission, de MM. Van de Walle et Scheper, experts indépendants, et de M. Cherekaev, représentant du bénéficiaire du projet.

14.
    Le 23 septembre 1997, la Commission, invoquant un retard imprévu, a demandé à la requérante de prolonger le délai de validité de son offre de 60 jours.

15.
    Le 1er octobre 1997, la Commission a informé la requérante qu'elle était intéressée par son offre, mais qu'elle souhaitait obtenir quelques précisions sur le volet technique de celle-ci.

16.
    Le 14 octobre 1997, la requérante a fourni ces précisions à la Commission.

17.
    Le 6 novembre 1997, elle s'est étonnée de l'absence de réaction de la Commission à son courrier du 14 octobre et l'a interrogée sur les suites réservées à l'adjudication du marché relatif au projet FD RUS 9603.

18.
    Le 11 décembre 1997, la Commission, invoquant encore une fois un retard imprévu, a demandé à la requérante de prolonger d'un nouveau délai de 60 jours la durée de validité de son offre.

19.
    Le 7 janvier 1998, elle a informé la requérante de ce que, en raison de problèmes rencontrés au cours de l'évaluation des offres, elle avait décidé de procéder à une nouvelle évaluation. Si des changements pouvaient être apportés à la composition de l'équipe chargée de la réalisation du projet, aucune autre modification du volet technique de l'offre n'était autorisée. Les nouvelles propositions devaient parvenir en cinq exemplaires à la Commission avant le 26 janvier 1998. Elles devaient être valables pendant 120 jours à compter de la réception de l'offre renouvelée. La requérante était invitée à notifier son acceptation de cette nouvelle procédure d'évaluation, si elle entendait y participer.

20.
    Le 8 janvier 1998, la Commission a reproché à M. Cherekaev d'avoir attribué des notes inhabituelles lors de la procédure d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997. Elle lui a, également, demandé de veiller à la désignation, en vue de la nouvelle procédure d'évaluation envisagée, d'un autre représentant de l'Académie russe des sciences agricoles.

21.
    Le 9 janvier 1998, elle a informé la requérante que les auditions consacrées à l'évaluation des offres auraient lieu les 4 et 5 mars 1998 et qu'une convocation formelle lui serait adressée après le 26 janvier 1998.

22.
    Le 22 janvier 1998, la requérante a fait savoir à la Commission qu'elle acceptait la procédure proposée pour une nouvelle évaluation des offres.

23.
    Le 26 janvier 1998, elle a présenté son offre en vue de la nouvelle évaluation.

24.
    Les 4 et 5 mars 1998, les sept soumissionnaires ayant notifié leur volonté de prendre part à la nouvelle procédure d'évaluation ont été entendus par un comité composé de M. Kjellstrom, président du comité, de MM. Portier et Wiesner, représentants de la Commission, de MM. Risopoulos et Macartney, experts indépendants, et de M. Strekosov, représentant du bénéficiaire du projet.

25.
    Le 9 avril 1998, la requérante, se fondant sur l'article 23, paragraphe 2, de la réglementation générale, a demandé à la Commission de reconsidérer son offre. Au soutien de sa demande, elle invoquait neuf griefs relatifs, notamment, au comportement de M. Van de Walle et de la société belge AGRER au cours de la procédure d'adjudication, à l'attitude et à la présence de M. Portier dans les deux comités d'évaluation, à des manoeuvres d'intimidation qui auraient visé l'Académie russe des sciences agricoles après la première procédure d'évaluation, ainsi qu'au caractère arbitraire de la seconde procédure d'évaluation. Elle se plaignait également d'atteintes portées à sa réputation par les autres soumissionnaires ainsi que par les responsables du programme TACIS.

26.
    Le 5 juin 1998, elle a réitéré sa demande auprès de la Commission.

27.
    Le 15 juin 1998, la Commission a assuré la requérante que sa lettre du 9 avril 1998 recevrait l'attention requise. Elle a, toutefois, ajouté qu'elle n'était pas en mesure de discuter avec elle de détails de la procédure d'adjudication aussi longtemps que celle-ci était en cours. Elle a également averti la requérante qu'elle serait informée en temps utile du résultat de cette procédure.

28.
    Le 18 juin 1998, la Commission a conclu un marché avec AGRER ayant pour objet la réalisation du projet FD RUS 9603.

29.
    Le 23 juin 1998, elle a accusé réception de la lettre de la requérante du 5 juin 1998, en attirant l'attention de cette dernière sur sa réponse du 15 juin précédent et en soulignant que «la procédure d'adjudication était toujours en cours».

30.
    Le 26 juin 1998, elle a informé la requérante que son offre n'avait pas été retenue au motif que celle-ci était moins intéressante, qu'il s'agisse de l'expérience de l'équipe chargée de la réalisation du projet ou des conditions financières proposées, que celle d'AGRER, au bénéfice de laquelle le marché avait été adjugé.

31.
    Le 6 juillet 1998, la requérante a accusé réception de la lettre de la Commission du 26 juin 1998. Après avoir passé en revue les différentes étapes de la procédure d'adjudication, en distinguant les deux procédures d'évaluation, elle a rappelé ses critiques émises dans ses lettres des 9 avril et 5 juin 1998. Elle s'est dite surprise que la première procédure d'évaluation ait été annulée à la suite de l'intervention d'un concurrent et que ses allégations formulées le 9 avril 1998 n'aient pas été prises en considération avant l'attribution du marché.

32.
    Le 29 juillet 1998, la Commission a expliqué à la requérante en quoi son offre était moins intéressante que celle d'AGRER et a, par ailleurs, rejeté les accusations de la requérante.

33.
    Le 6 août 1998, la requérante a fait savoir à la Commission que ses explications ne la satisfaisaient pas. Elle a déclaré disposer d'informations selon lesquelles M. Van de Walle avait participé à la rédaction de l'offre d'AGRER. Elle a également critiqué l'attitude partiale adoptée par ce dernier, en faveur d'AGRER, lors du séjour de M. Cherekaev en Belgique en mai 1997. Enfin, elle s'est enquise des recours possibles contre la décision de la Commission du 26 juin 1998.

34.
    Faute de précision de la part de la Commission sur ce dernier point, elle a réitéré sa demande par téléphone dans le courant du mois d'août 1998. Le représentant de la Commission contacté a refusé de fournir le renseignement.

Procédure

35.
    C'est dans ce contexte que la requérante a, le 11 septembre 1998, déposé une requête au greffe de la Cour qui l'a, en application de l'article 47, premier alinéa, du statut CE de la Cour, transmise au greffe du Tribunal.

36.
    Le 20 novembre 1998, la requérante a, par acte séparé déposé au greffe du Tribunal, introduit une demande d'assistance judiciaire gratuite. La Commission a présenté ses observations sur celle-ci le 3 février 1999. Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 6 mai 1999, cette demande a été rejetée.

37.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale, après avoir pris des mesures d'instruction visant à l'audition de témoins, ainsi que des mesures d'organisation de la procédure invitant les parties à répondre à des questions écrites.

38.
    Ainsi, le 7 juillet 1999, le Tribunal a ordonné, aux fins de l'instruction de l'affaire, que M. Ochs - collaborateur indépendant de la requérante -, M. Cherekaev - représentant de l'Académie russe des sciences agricoles dans le premier comité d'évaluation - et M. Dunleavy - premier chef de projet d'AGRER pour l'exécution du projet FD RUS 9603 -, dont la requérante avait sollicité la comparution en tant que témoins, soient entendus en cette qualité. Il a, par ailleurs, ordonné la comparution, en qualité de témoin, de M. Van de Walle - expert chargé par la Commission de rédiger le cahier des charges du projet FD RUS 9603 et membre du premier comité d'évaluation -, dont la Commission avait sollicité le témoignage si le Tribunal décidait d'entendre les témoins proposés par la requérante. L'audition de MM. Ochs et Dunleavy s'est tenue le 14 septembre 1999. Convoqué pour cette même date, M. Cherekaev ne s'est pas présenté. L'audition de M. Van de Walle s'est déroulée le 7 octobre 1999.

39.
    Le 12 juillet 1999, le Tribunal a, au titre d'une mesure d'organisation de la procédure, demandé à la Commission qu'elle produise l'original des protocoles d'évaluation de la procédure d'appel d'offres relative au projet FD RUS 9603 ou une copie certifiée conforme de ceux-ci, ainsi que les procès-verbaux des auditions organisées en juillet 1997 et en mars 1998.

40.
    Le 28 juillet 1999, la Commission a informé le Tribunal que, pour des raisons de confidentialité, elle refusait de verser au dossier une version non épurée des procès-verbaux des procédures d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997 et des 4 et 5 mars 1998. Elle s'est déclarée disposée à déposer, à la demande du Tribunal, une version non confidentielle des documents visés par la mesure d'organisation de la procédure.

41.
    Par ordonnance du 14 septembre 1999, le Tribunal, estimant qu'il était nécessaire, pour l'instruction de l'affaire, d'obtenir une version complète des procès-verbaux susmentionnés, a enjoint à la Commission de produire, au plus tard le 22 septembre 1999 à midi, une copie certifiée conforme à l'original de ceux-ci, aux fins de la verser au dossier et de la porter à la connaissance de la requérante.

42.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 septembre 1999, la Commission a, en vertu des articles 49 et 51 du statut de la Cour, formé un pourvoi contre l'ordonnance du Tribunal du 14 septembre 1999. Par acte séparé déposé au greffe de la Cour le même jour, elle a introduit, sur le fondement des articles 242 CE et 243 CE, une demande en référé tendant à la suspension de l'exécution de l'ordonnance attaquée.

43.
    Par ordonnance du 4 octobre 1999, Commission/ADT Projekt (C-349/99 P, non encore publiée au Recueil), la Cour a rejeté le pourvoi. Par ordonnance du 7 octobre 1999, Commission/ADT Projekt (C-349/99 P-R, non encore publiée au Recueil), le président de la Cour a rejeté la demande en référé.

44.
    Dans ces conditions, la Commission ne s'est plus opposée à ce que la version complète des procès-verbaux en question soit versée au dossier et portée à la connaissance de la requérante, pourvu qu'il en soit exclusivement fait usage dans le cadre de la présente procédure et que la requérante s'engage en ce sens. Celle-ci a pris connaissance de ces pièces avant l'ouverture de la procédure orale.

45.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l'audience du 7 octobre 1999.

Conclusions des parties

46.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    constater l'illégalité de la décision prise par la Commission le 26 juin 1998 et reçue le 6 juillet 1998;

-    constater que la Commission était dans l'obligation de lui confier l'exécution du projet FD RUS 9603;

-    condamner la Commission à lui verser 550 000 DEM à titre de dommages-intérêts, en compensation du manque à gagner consécutif à l'attribution du marché à une entreprise concurrente ou, à tout le moins, 225 250 DEM à titre également de dommages-intérêts, correspondant au coût de l'élaboration de son offre.

47.
    A l'audience, la requérante a, en outre, conclu à ce qu'il plaise au Tribunal condamner la Commission aux dépens.

48.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    à titre principal, rejeter le recours comme irrecevable en raison de l'irrégularité de la procuration fournie par le conseil de la requérante, decontradictions intrinsèques dans la formulation de l'objet du litige et du défaut d'indication des moyens dans la requête;

-    à titre subsidiaire:

    -    rejeter comme irrecevable car tardive la conclusion tendant à la constatation de l'illégalité de la décision du 26 juin 1998, dans le cas où elle constituerait une demande au titre de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE) ou la rejeter comme manifestement non fondée dans l'hypothèse où elle s'analyserait en une demande visant à faire trancher la question préalable de l'illégalité dans le cadre d'une procédure au titre de l'article 215, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 288, paragraphe 2, CE);

    -    rejeter comme irrecevable la conclusion tendant à la constatation d'une obligation lui imposant de confier à la requérante la réalisation du projet FD RUS 9603;

    -    rejeter comme manifestement non fondées les conclusions en dommages et intérêts de la requérante;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

49.
    La Commission conteste la recevabilité du recours et avance deux moyens à l'appui de sa thèse: le non-respect des conditions de forme de la requête et la tardiveté du recours. Dans un troisième moyen, elle excipe de l'irrecevabilité du chef de conclusions tendant à la constatation d'une obligation lui imposant d'attribuer à la requérante l'exécution du projet FD RUS 9603.

Sur le premier moyen, lié au non-respect des conditions de forme de la requête

50.
    La Commission soutient, d'abord, que la procuration fournie par le conseil de la requérante pour établir la réalité de son mandat de représentation est irrégulière. Les mentions du document joint en annexe 19 à la requête ne satisferaient pas aux exigences posées par l'article 19 du statut de la Cour et l'article 44, paragraphe 5, sous b), du règlement de procédure du Tribunal. La qualité des signataires de la procuration ne ressortirait pas du document susmentionné. D'après la Commission, lesdits signataires ont agi en tant que simples particuliers ainsi qu'en atteste le contenu de la procuration qui se réfère, notamment, à des affaires de nature privée et concernant des personnes physiques, comme le divorce. Dès lors que seule ADT Projekt GmbH possède un intérêt à agir dans la présente affaire, la question de larégularité de la procuration présenterait une incidence primordiale sur la recevabilité de la requête.

51.
    A cet égard, le Tribunal rappelle que, en vertu de l'article 44, paragraphe 6, du règlement de procédure, il incombe au greffier de vérifier d'office la régularité de la procuration donnée à l'avocat et de fixer au requérant, le cas échéant, un délai raisonnable aux fins de corriger une irrégularité.

52.
    En l'espèce, d'une part, le greffier a assuré que la procuration jointe en annexe 19 à la requête correspond, ainsi que la requérante l'affirme, à un formulaire standard de procuration en Allemagne, ce qui explique la référence à des litiges de nature privée. Du reste, ladite procuration comporte la mention «affaire ADT Projekt GmbH/Commission CE», ce qui écarte tout doute quant à l'existence d'un rapport entre cette procuration et la présente affaire.

53.
    D'autre part, sur demande du greffier formulée en application de l'article 44, paragraphes 5 et 6, du règlement de procédure, la requérante a fourni, le 8 octobre 1998, un extrait du registre du commerce (voir le dernier document annexé à la requête), dont il ressort que les deux signataires de la procuration, MM. Meyn et Schmitt, avaient les qualités requises pour donner à l'avocat mandat de représenter la requérante dans cette affaire.

54.
    Il s'ensuit que l'argumentation de la Commission tirée de l'irrégularité de la procuration doit être rejetée.

55.
    La Commission soutient ensuite que le contenu de la requête ne satisfait pas aux exigences formelles posées par l'article 19, paragraphe 1, du statut de la Cour et par l'article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure. Elle avance quatre arguments à l'appui de son affirmation.

56.
    En premier lieu, elle prétend relever une contradiction entre l'objet du litige, tel que défini à la première page de la requête, et les conclusions formulées à la deuxième page de celle-ci. L'objet du litige concernerait l'annulation de la procédure d'appel d'offres dans son ensemble, alors que les conclusions tendraient à l'annulation de l'adjudication du marché à un concurrent et à l'attribution de celui-ci à la requérante, ainsi qu'à l'octroi de dommages et intérêts. Selon la Commission, il est impossible de concilier ces demandes puisque l'attribution du marché à la requérante supposerait que la partie de la procédure relative à la première procédure d'évaluation ne soit pas annulée, ce qui est incompatible avec la prétention de la requérante, telle que définie dans l'objet du litige.

57.
    En deuxième lieu, la Commission s'interroge sur la portée du premier chef de conclusions du recours. Elle souligne que le traité CE ne prévoit pas d'action en constatation. Ce chef de conclusions comporterait, en réalité, une demande d'éclaircissement d'une question préalable, ce qui serait parfaitement pertinentdans le cadre de la procédure prévue à l'article 215, paragraphe 2, du traité. Or, le fondement du chef de conclusions susvisé serait l'article 173 du traité.

58.
    En troisième lieu, la Commission affirme que les moyens présentés dans la requête ne satisfont pas, tant en fait qu'en droit, aux exigences du règlement de procédure.

59.
    Ainsi, premièrement, la requête comporterait de nombreuses accusations à l'encontre de tiers non impliqués dans le présent litige et dont les actes ne sauraient être imputés à la Commission sans explication. Dans sa duplique, la Commission insiste sur le caractère tardif et insuffisant des explications que la requérante tente d'apporter pour justifier que lui soit imputée lesdits actes. Elle souligne aussi que, les critiques formulées dans la requête ne coïncidant pas avec celles contenues dans les courriers de la requérante des 9 avril et 6 juillet 1998, il n'est même pas permis de considérer que le reproche formulé par la requérante à son endroit porte sur son absence de prise en compte des critiques que cette dernière lui avait adressées au stade de la procédure administrative.

60.
    Deuxièmement, la requérante n'expliquerait pas non plus les raisons pour lesquelles elle se prévaut de faits relatifs à la première procédure d'évaluation, alors que son recours vise la décision adoptée au terme de la seconde procédure d'évaluation et qu'elle a expressément et inconditionnellement accepté l'annulation de la première ainsi que l'organisation de la seconde. La requérante n'aurait contesté l'annulation susvisée ni immédiatement ni dans un délai raisonnable après qu'elle eut découvert les prétendues irrégularités ayant émaillé la première procédure d'évaluation. Elle n'expliquerait pas davantage comment lesdites irrégularités ont été portées à sa connaissance avant que la décision d'adjudication lui ait été notifiée. Selon la Commission, la requérante est forclose à contester la légalité de sa décision d'annuler la première procédure d'évaluation et d'en engager une seconde.

61.
    Troisièmement, la requérante se contredirait en invoquant une série d'éléments qui, s'ils s'avéraient établis, ne pourraient que conduire à l'annulation de la première procédure d'évaluation, alors que son second chef de conclusions impliquerait une solution inverse.

62.
    Quatrièmement, la requérante n'aurait que peu d'éléments de fait à faire valoir au soutien de sa demande d'annulation de la seconde procédure d'évaluation.

63.
    Cinquièmement, l'argument de la requérante tiré de l'absence d'indication des voies de recours possibles dans la décision du 26 juin 1998, ainsi que du refus d'assistance de la part du fonctionnaire contacté en août 1998, serait insuffisant pour mettre en cause la validité de celle-ci.

64.
    En quatrième lieu, la Commission affirme que les troisième et quatrième chefs de conclusion sont irrecevables, dans la mesure où la requérante n'identifie ni l'acte dommageable ni un quelconque lien de causalité entre le comportement del'institution et son préjudice. De plus, les deux sommes réclamées par la requérante à titre de dommages-intérêts seraient très éloignées et ne seraient pas justifiées.

65.
    A titre liminaire, le Tribunal rappelle que, en vertu de l'article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l'article 46, premier alinéa, du même statut, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir l'objet du litige, les conclusions et un exposé sommaire des moyens invoqués.

66.
    Indépendamment de toute question de terminologie, ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d'autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T-154/98, non encore publiée au Recueil, point 49, et arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T-84/96, Rec. p. II-2081, point 31).

67.
    Ainsi que l'admet la Commission, l'exposé des moyens du recours, au sens du règlement de procédure, n'est pas lié à une formulation particulière de ceux-ci. La présentation des moyens, par leur substance plutôt que par leur qualification légale, peut suffire dès lors que lesdits moyens se dégagent de la requête avec suffisamment de netteté (ordonnance Asia Motor France e.a./Commission, précitée, point 55).

68.
    En l'espèce, il convient, en premier lieu, de relever qu'il ressort avec une clarté suffisante de la requête que le recours tend, d'une part, à l'annulation de la décision de la Commission de ne pas attribuer à la requérante le marché relatif au projet FD RUS 9603 et, d'autre part, à l'octroi de dommages et intérêts pour le préjudice que la requérante prétend avoir subi du fait d'irrégularités imputables à la Commission au cours de la procédure d'adjudication ayant abouti à sa décision du 26 juin 1998. Le fait que, à la première page de sa requête, la requérante définit l'objet du litige comme une demande d'annulation de l'«adjudication du projet FD RUS 9603 [...]» ne saurait être jugé révélateur d'une contradiction avec les passages de la requête, notamment des conclusions, exprimant une demande d'annulation de la décision de la Commission du 26 juin 1998 d'attribuer le projet FD RUS 9603 à AGRER plutôt qu'à la requérante, ni avec ceux révélant une demande d'indemnisation. Sur ce dernier point, les objections de la Commission mentionnées ci-dessus au point 64 montrent d'ailleurs que celle-ci a bien compris que la requête comprenait une telle demande.

69.
    En deuxième lieu, s'agissant de la portée du premier chef de conclusions, le contenu de la requête permet aisément de comprendre que la requérante tend, par celui-ci, à obtenir, sur la base de l'article 173 du traité, l'annulation de la décision de la Commission du 26 juin 1998.

70.
    En troisième lieu, il ressort de la section VII de la requête que la requérante invoque, à l'appui de ses conclusions en annulation, un moyen unique tiré de la violation, d'une part, des règles régissant les procédures d'appel d'offres et, d'autre part, du principe de «loyauté de la concurrence», violation imputée, successivement, à AGRER, à M. Van de Walle et à SATEC - l'un des concurrents de la requérante dans la procédure d'adjudication litigieuse -, ainsi qu'à la Commission et à M. Portier. Une telle présentation satisfait aux exigences de forme prescrites par l'article 19, premier alinéa, du statut de la Cour et par l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

71.
    Le fait que la requête comporte des accusations à l'encontre de personnes dont les comportements ne pourraient pas être imputés à la Commission, qu'elle contient des griefs relatifs à la première procédure d'évaluation que la requérante serait prétendument forclose à invoquer ou qu'elle n'aurait pas intérêt à alléguer eu égard à l'objectif poursuivi dans son deuxième chef de conclusions et que les griefs portant sur la deuxième procédure d'évaluation ne soient pas suffisamment étayés ne contrevient pas aux exigences formelles fixées par le règlement de procédure. Ainsi que cela ressort du mémoire en défense et de la duplique, ces éléments n'ont d'ailleurs pas empêché la Commission de préparer sa défense, en prenant position sur les différents griefs avancés par la requérante au soutien de ses conclusions en annulation. En outre, le Tribunal est pleinement en mesure de statuer sur lesdites conclusions.

72.
    Les critiques de la Commission exposées ci-dessus aux points 59 à 62 se confondent en réalité avec ses arguments en défense visant à contester, selon le cas, la recevabilité, la pertinence ou le bien-fondé des éléments avancés par la requérante à l'appui de ses conclusions en annulation. Elles seront prises en considération, pour autant que de besoin, lors de l'examen desdits éléments.

73.
    Quant à son allégation concernant l'absence d'incidence, sur la légalité de sa décision du 26 juin 1998, du défaut d'indication, en juin et en août 1998, des recours possibles contre cette décision, la Commission n'explique pas son rapport avec une quelconque violation, par la requérante, des exigences formelles susmentionnées.

74.
    En quatrième lieu, il convient de rappeler que, pour satisfaire aux exigences de forme posées par l'article 19 du statut de la Cour et par l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d'identifier le comportement reproché par le requérant à cette institution, les raisons pour lesquelles celui-ci estime qu'un lien de causalitéexiste entre le comportement en question et le préjudice qu'il prétend avoir subi, ainsi que le caractère et l'étendue de ce préjudice (arrêt du Tribunal du 29 octobre 1998, TEAM/Commission, T-13/96, Rec. p. II-4073, point 27).

75.
    En l'espèce, il ressort de la section VIII de la requête que le comportement fautif reproché par la requérante à la Commission consiste à avoir conduit la procédure d'adjudication du marché relatif au projet FD RUS 9603 de manière irrégulière. La requérante affirme avoir subi, de ce fait, un préjudice correspondant au manque à gagner, estimé à 550 000 DEM, consécutif à l'attribution du projet à un autre soumissionnaire ou, à tout le moins, au coût de l'élaboration de son offre, évalué à 225 250 DEM, montant qu'elle détaille dans sa réplique.

76.
    De telles indications étaient suffisamment précises pour permettre à la Commission d'assurer sa défense au regard de la demande en indemnité, ce qu'elle a fait, du reste, dans son mémoire en défense et dans sa duplique.

77.
    En conclusion, il y a lieu de rejeter l'argumentation de la Commission tirée d'une méconnaissance, par la requérante, des exigences formelles posées par l'article 19, paragraphe 1, du statut de la Cour et par l'article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure.

78.
    Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être écarté.

Sur le deuxième moyen, fondé sur la tardiveté du recours

79.
    La Commission se prévaut de la tardiveté du recours en annulation introduit par la requérante à l'encontre de sa décision du 26 juin 1998. La date à laquelle la requête a été enregistrée au greffe du Tribunal, à savoir le 15 septembre 1998, serait postérieure à l'expiration du délai de deux mois et six jours dont disposait la requérante pour introduire un tel recours. Bien que la requérante ait déposé sa requête au greffe de la Cour avant l'écoulement dudit délai, elle serait tenue de supporter les conséquences d'une désignation erronée de la juridiction compétente dans sa requête. Les erreurs de la requérante ne pourraient, en effet, affecter la position de la défenderesse.

80.
    Le Tribunal rappelle que l'article 43, paragraphe 3, du règlement de procédure prévoit que, au regard des délais de procédure, seule la date du dépôt au greffe doit être prise en considération. En l'espèce, la Commission ne conteste pas que, si la requête a été inscrite au registre du Tribunal le 15 septembre 1998, elle a été déposée au greffe de celui-ci le 11 septembre 1998, le jour même de son dépôt au greffe de la Cour et de sa transmission par celui-ci au greffe du Tribunal. Or, à cette date, le délai imparti à la requérante pour demander l'annulation de la décision de la Commission du 26 juin 1998 n'était pas expiré, ainsi que cette dernière l'admet.

81.
    Il s'ensuit que ce deuxième moyen, auquel la Commission a, du reste, renoncé à l'audience, doit être écarté.

Sur le troisième moyen, pris de l'irrecevabilité des conclusions tendant à voir attribuer à la requérante l'exécution du projet FD RUS 9603

82.
    Le deuxième chef de conclusions, par lequel la requérante demande au Tribunal de constater que la Commission était tenue de lui confier l'exécution du projet FD RUS 9603, serait, selon cette dernière, irrecevable.

83.
    A cet égard, le Tribunal rappelle que, comme le souligne la Commission, il ne peut, dans l'exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions communautaires ou se substituer à ces dernières (voir, notamment, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C-5/93 P, non encore publié au Recueil, point 36, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T-374/94, T-375/94, T-384/94 et T-388/94, Rec. p. II-3141, point 53).

84.
    Dans le cadre d'un recours en annulation fondé sur l'article 173 du traité, la compétence du juge communautaire est limitée au contrôle de la légalité de l'acte attaqué. S'il conclut à l'illégalité de celui-ci, il l'annule. Il incombe alors à l'institution concernée de prendre, en vertu de l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CE), les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt d'annulation (arrêt du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T-67/94, Rec. p. II-1, point 200).

85.
    Dans le cadre d'une demande d'indemnisation fondée sur l'article 215 du traité, le juge communautaire apprécie si les faits reprochés constituent une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'institution communautaire concernée, s'il existe un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice que le requérant prétend avoir subi et si, et dans quelle mesure, ledit préjudice est établi.

86.
    En l'espèce, le Tribunal n'est donc pas compétent pour se prononcer sur la qualité de l'offre de la requérante par rapport à celles de ses concurrents dans la procédure d'appel d'offres litigieuse, ni pour enjoindre à la Commission d'attribuer à la requérante le marché relatif au projet FD RUS 9603.

87.
    Il y a donc lieu d'accueillir le troisième moyen et de conclure à l'irrecevabilité du deuxième chef de conclusions formulé dans la requête, en ce que celui-ci excède la compétence conférée au juge communautaire par le traité.

88.
    Le recours n'est donc recevable que pour autant qu'il vise à l'annulation de la décision de la Commission de ne pas attribuer à la requérante le marché relatif au projet FD RUS 9603, et à la réparation du préjudice prétendument subi par celle-ci par suite du comportement de la Commission.

Sur le fond

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 26 juin 1998

89.
    La requérante invoque, à l'appui de ses conclusions en annulation, un moyen unique pris de la violation des règles relatives aux procédures d'appel d'offres et du principe de «loyauté de la concurrence». Ce moyen s'articule, en substance, en trois branches.

Sur la première branche du moyen

90.
    La requérante argue de la violation par AGRER de l'article 12, paragraphes 1, 2 et 4, de la réglementation générale, ce qui aurait dû conduire la Commission à annuler la procédure d'appel d'offres, conformément à l'article 24, paragraphe 2, sous f), de cette réglementation générale. Au soutien de cette affirmation, la requérante invoque trois arguments.

91.
    En premier lieu, elle fait état d'un déjeuner qui aurait eu lieu le 11 mai 1997 à l'initiative et au domicile de M. Van de Walle, et qui aurait mis en présence M. Cherekaev et M. Couturier, directeur général d'AGRER. La requérante reproche à M. Van de Walle d'avoir, ainsi, voulu nouer un contact entre le représentant du bénéficiaire du projet et AGRER avant l'évaluation des soumissions.

92.
    Le Tribunal constate que la réalité de ce déjeuner a été confirmée par M. Van de Walle, d'une part, dans une lettre écrite adressée le 28 avril 1998 à la Commission en réponse à une demande d'explication concernant les accusations formulées à son endroit par la requérante dans une lettre du 9 avril 1998 et, d'autre part, lors de son audition comme témoin par le Tribunal.

93.
    En outre, il est constant que, en mai 1997, la procédure d'appel d'offres restreint pour le projet FD RUS 9603 était déjà en cours (voir réponse de la Commission du 28 juillet 1999 à une question écrite du Tribunal du 12 juillet 1999). Lors de son audition, M. Van de Walle a affirmé qu'il savait, à cette époque, qu'il avait été nommé membre du comité d'évaluation. Il n'a pas exclu que, au cours de ce déjeuner, il ait été discuté du projet en question.

94.
    Ainsi que la Commission le relève dans son mémoire en défense, il ressort, cependant, de la lettre de M. Van de Walle susvisée qu'un membre de la direction de la requérante, M. Meyn, a également assisté au déjeuner en cause, ce que la requérante n'a pas contesté dans sa réplique.

95.
    Interrogée à l'audience, la requérante a précisé le sens de son argumentation, en soulignant qu'elle ne dénonçait pas la tenue de ce déjeuner en tant que telle, mais en ce que celui-ci avait été le cadre d'un contact privilégié entre MM. Van de Walle, Couturier et Cherekaev, ayant conduit à une tentative de corruption de ce dernier et visant à ce qu'AGRER se voie attribuer l'exécution du projet.

96.
    Ainsi précisé, l'argument se confond en réalité avec celui examiné dans le cadre de la deuxième branche du moyen et tiré d'une prétendue tentative de corruption de M. Cherekaev par M. Van de Walle lors du séjour du premier nommé en Belgique entre le 11 et le 13 mai 1997, visant à ce qu'AGRER obtienne le marché relatif au projet FD RUS 9603 (voir point 120). Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cet argument dans cette partie de l'arrêt consacrée à l'analyse de la première branche du moyen.

97.
    En deuxième lieu, la requérante soutient que M. Van de Walle a assisté AGRER dans la rédaction du volet technique de son offre.

98.
    Sur ce point, elle a, premièrement, sollicité l'audition de M. Ochs comme témoin.

99.
    Lors de son audition par le Tribunal, M. Ochs a confirmé la thèse de la requérante en s'appuyant sur des déclarations recueillies auprès de trois personnes.

100.
    Tout d'abord, lors d'un entretien téléphonique remontant à juin 1996, M. Chabot, collaborateur d'AGRER, lui aurait, d'une part, suggéré qu'AGRER et la requérante créent un consortium pour le projet FD RUS 9603 et, d'autre part, affirmé que M. Van de Walle allait l'assister dans la rédaction du volet technique de l'offre d'AGRER.

101.
    Ensuite, Mme Russe, à l'époque collaboratrice d'AGRER, l'aurait contacté par téléphone en avril 1997 pour lui proposer un emploi dans cette société en relation avec le projet FD RUS 9603. Au cours de cet entretien téléphonique, elle lui aurait fait part de l'implication de M. Van de Walle dans la rédaction du volet technique de l'offre d'AGRER.

102.
    Enfin, entre le 10 et le 13 juin 1997, M. Mertens, collaborateur d'AGRER, aurait indiqué par téléphone à M. Griffith, collaborateur d'ULG Consultants Ltd - le partenaire britannique de la requérante dans la procédure d'adjudication litigieuse -, que M. Van de Walle avait aidé AGRER à rédiger son offre dans sa partie technique.

103.
    Lors de son audition, M. Van de Walle a formellement nié avoir offert la moindre assistance à AGRER pour la préparation de son offre.

104.
    Tout d'abord, le Tribunal observe que, s'agissant du troisième fait cité par M. Ochs, la requérante affirmait, dans sa requête, que le destinataire de l'appel téléphonique de M. Mertens était M. Moffett, supérieur hiérarchique de M. Griffith. Du reste,elle situait cette conversation téléphonique le 14 août 1997. Elle invitait le Tribunal à entendre le témoignage de M. Moffett sur ce point. Interrogée à l'audience sur la contradiction entre la version présentée dans sa requête et le témoignage de M. Ochs, la requérante a déclaré renoncer à se prévaloir de cet élément de sa requête.

105.
    Ensuite, le fait que des collaborateurs d'AGRER aient fait part à M. Ochs d'une implication de M. Van de Walle dans la rédaction de l'offre technique d'AGRER ne prouve pas que celle-ci ait bien eu lieu. En effet, il convient de souligner que les trois faits évoqués par M. Ochs sont antérieurs au 16 juin 1997, date à laquelle la requérante a remis son offre à la Commission pour le projet FD RUS 9603. Il n'est, dès lors, pas exclu que, par leurs déclarations, les collaborateurs d'AGRER - dont la requérante n'a, à aucun moment, demandé l'audition comme témoins, pas même lorsque M. Van de Walle l'a suggéré au Tribunal au cours de son témoignage - aient allégué l'implication de ce dernier dans la rédaction du volet technique de l'offre d'AGRER en vue de persuader la requérante de créer un consortium avec celle-ci dans le cadre de la procédure d'adjudication litigieuse. Dans sa requête, la requérante affirme d'ailleurs avoir été approchée en mai et en juin 1996 en vue de la constitution d'un tel consortium.

106.
    Dans ces conditions, le témoignage de M. Ochs ne permet pas de considérer comme établie l'allégation de la requérante exposée ci-dessus au point 97.

107.
    Deuxièmement, la requérante fait état, dans sa requête, du message téléphonique anonyme adressé le 8 août 1997 à l'une de ses secrétaires, Mme Dietzsch, laquelle aurait aussitôt rédigé une note relatant le contenu de cet appel.

108.
    Le Tribunal relève que ladite note, jointe en annexe 17 à la requête, indique:

«J'ai reçu aujourd'hui un coup de téléphone d'un homme qui voulait rester anonyme. Cet homme m'a dit que nous étions en première position pour le projet russe. Les Russes nous ont donné la cote maximale. La société AGRER n'a pas accepté cet état de fait. Il a dit: 'Ils font tout... Y compris avec de l'argent... Vous devriez être prudents... Je vous conseille de vous mettre en contact avec le fonctionnaire compétent à Bruxelles et de lui demander quelle est la situation... Mais très discrètement !‘»

(«Ich erhielt heute einen Anruf von einem Herren, der anonym bleiben wollte. Dieser Herr sagte, daß wir im Rußland-Projekt auf Platz 1 seien. Die Russen hätten uns die maximale Punktzahl gegeben. Die Firma Agrer werde sich damit nicht zufriedengeben. Er sagte : 'They are doing everything... Even with money... You should be careful... I advise you to touch the respective officer in Brussels and ask him what the situation is... But very softly!‘»)

109.
    Sans qu'il soit nécessaire de discuter de la force probante de cette note, datée, comme le souligne la Commission, du 7 août 1998 et non du 8 août 1997, au regard des liens unissant son auteur à la requérante, il y a lieu simplement de constater que son contenu ne démontre pas que M. Van de Walle ait assisté AGRER dans la rédaction de son offre.

110.
    Troisièmement, dans sa réplique, la requérante affirmait avoir pris connaissance, après l'introduction de sa requête, des déclarations de M. Dunleavy, qui confirmeraient ses soupçons quant à la participation de M. Van de Walle à l'élaboration de l'offre d'AGRER. Elle invitait le Tribunal à entendre l'intéressé en qualité de témoin.

111.
    Cependant, le Tribunal ne peut que constater que, lors de son audition, M. Dunleavy a catégoriquement nié avoir affirmé qu'il avait appris que M. Van de Walle avait aidé AGRER dans la rédaction de son offre.

112.
    En conclusion, aucun des éléments de preuve avancés par la requérante n'établit que M. Van de Walle ait aidé AGRER dans la rédaction du volet technique de son offre.

113.
    Il convient d'ailleurs de souligner que, si M. Van de Walle avait voulu avantager AGRER dans la procédure d'adjudication litigieuse en l'assistant dans la rédaction de son offre, un tel parti pris se serait, selon toute vraisemblance, reflété dans ses appréciations lors de la procédure d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997. Or, la lecture du procès-verbal relatif à celle-ci montre que, lors de l'évaluation technique, M. Van de Walle a accordé à deux soumissionnaires, dont la requérante, une note supérieure à celle attribuée à AGRER. Une telle constatation écarte définitivement l'allégation de la requérante exposée ci-dessus au point 97.

114.
    En troisième lieu, la requérante soutient qu'AGRER a corrompu de hauts fonctionnaires russes du ministère de l'Agriculture en vue d'obtenir le marché relatif au projet FD RUS 9603.

115.
    Sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité de cet argument, soulevé au stade de la réplique, au regard de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, il convient de relever que la requérante sollicitait, sur ce point, le témoignage de M. Dunleavy. Or, lors de son audition, celui-ci a formellement nié avoir déclaré ou avoir appris qu'AGRER avait corrompu ou cherché à influencer des membres de l'administration russe afin de se voir adjuger le marché en cause.

116.
    Le témoignage de M. Dunleavy étant la seule offre de preuve avancée par la requérante au soutien de son allégation visée ci-dessus au point 114, il y a donc lieu d'écarter celle-ci.

117.
    Il résulte de ce qui précède (points 90 à 116) que la première branche du moyen doit être rejetée.

Sur la deuxième branche du moyen

118.
    La requérante fait état de tentatives de corruption perpétrées par M. Van de Walle à l'égard de M. Cherekaev et par la société SATEC à l'égard d'un membre de l'administration russe, ainsi que de pressions exercées par ladite société sur M. Cherekaev. De tels comportements constitueraient de graves violations du principe de «loyauté de la concurrence» qui sous-tend toute procédure d'adjudication. Ils auraient dû conduire la Commission à annuler la procédure en cause, en vertu de l'article 24, paragraphe 2, sous f), de la réglementation générale.

119.
    Dans sa requête, la requérante invoque deux arguments au soutien de cette allégation.

120.
    En premier lieu, elle prétend que M. Van de Walle a proposé à M. Cherekaev, au cours de son séjour en Belgique du 11 au 13 mai 1997, une somme de 50 000 USD à condition qu'AGRER soit chargée de l'exécution du projet en question. Ainsi que cela a été relevé ci-dessus au point 95, la requérante a précisé à l'audience que le déjeuner organisé par M. Van de Walle à son domicile le 11 mai 1997 avait été le cadre d'un contact privilégié entre MM. Van de Walle, Couturier et Cherekaev, qui avait débouché sur la tentative de corruption alléguée.

121.
    Le Tribunal estime que, pour pouvoir être considérée comme établie, une telle allégation doit reposer sur des éléments de preuve irréfutables ou, à tout le moins, sur un faisceau d'indices objectifs, pertinents et concordants.

122.
    A cet égard, la requérante invitait le Tribunal, dans sa requête, à entendre le témoignage de M. Cherekaev sur les événements survenus en mai 1997 lors de son séjour en Belgique. Ainsi que cela a déjà été indiqué, M. Cherekaev n'a pas répondu à la convocation qui lui avait été adressée à cette fin par le Tribunal.

123.
    Lors de son audition, M. Ochs, dont la requérante avait aussi sollicité la comparution comme témoin, a pour sa part affirmé que M. Cherekaev et Mme Gluchowzewa, responsable des relations extérieures de l'Académie russe des sciences agricoles, qui avait accompagné M. Cherekaev en Belgique en mai 1997, lui avaient fait part, après ce séjour, d'une tentative de corruption de M. Cherekaev par M. Van de Walle, visant à ce que le marché relatif au projet FD RUS 9603 soit attribué à AGRER.

124.
    Lors de son audition, M. Van de Walle a catégoriquement nié cette allégation, ajoutant qu'il n'avait jamais vanté les qualités de l'offre de quelque soumissionnaire que ce soit auprès de M. Cherekaev.

125.
    Même si Mme Gluchowzewa, dont la requérante avait aussi sollicité la comparution comme témoin, avait confirmé la déclaration de M. Ochs, son témoignage, à luiseul, n'aurait pas permis au Tribunal de lever la contradiction entre les dépositions de MM. Ochs et Van de Walle.

126.
    Dans ces conditions, il convient de vérifier si le dossier contient des indices corroborant la déclaration de M. Ochs.

127.
    Or, force est de constater que tel n'est pas le cas. Au contraire, ainsi que cela a été relevé ci-dessus au point 113, la lecture du procès-verbal de la première procédure d'évaluation fait apparaître que, lors de l'évaluation technique, M. Van de Walle a accordé à deux soumissionnaires, dont la requérante, une note supérieure à celle attribuée à AGRER. Or, si M. Van de Walle avait intercédé auprès de M. Cherekaev en faveur d'AGRER lors du séjour de celui-ci en Belgique en mai 1997, une telle attitude se serait, selon toute vraisemblance, traduite dans les appréciations de M. Van de Walle lors de la première procédure d'évaluation.

128.
    Faute d'éléments de preuve irréfutables ou d'indices objectifs, concordants et pertinents sur ce point, il y a lieu de conclure que la tentative de corruption alléguée par la requérante n'est pas établie.

129.
    En deuxième lieu, la requérante prétend que, après la première procédure d'évaluation, M. Cherekaev a subi de fortes pressions de la part de SATEC. Un membre de l'administration russe aurait également fait l'objet d'une tentative de corruption (caractérisée par la proposition d'un versement de 50 000 USD) visant à ce qu'une autre organisation soit bénéficiaire du projet, au lieu et place de l'Académie russe des sciences agricoles. Cette manoeuvre aurait échoué grâce à l'intervention de M. Cherekaev.

130.
    A cet égard, le Tribunal relève d'abord que la requérante ne précise pas la nature des pressions prétendument exercées par SATEC sur M. Cherekaev.

131.
    Ensuite, la requérante invitait, dans sa requête, à entendre le témoignage de M. Cherekaev. Celui-ci n'ayant pas répondu à la convocation qui lui avait été adressée par le Tribunal à cet effet, et faute de production par la requérante d'autres éléments de nature à étayer ses allégations sur ce point, il y a lieu de conclure que celles-ci ne sont pas établies.

132.
    En tout état de cause, les faits allégués par la requérante, à les supposer établis et connus de la Commission à l'époque, n'auraient pu que conduire celle-ci à écarter SATEC de la procédure d'adjudication. Ils n'auraient, en revanche, pas modifié la décision de la Commission d'attribuer le marché à AGRER.

133.
    Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du moyen doit être rejetée.

Sur la troisième branche du moyen

134.
    La requérante invoque une violation par la Commission de l'obligation, qui lui incombe en vertu du principe de «loyauté de la concurrence», de se montrer impartiale et de mener la procédure d'appel d'offres de manière régulière. Elle avance six arguments à l'appui de cette allégation.

135.
    En premier lieu, elle dénonce le fait que M. Portier ait à la fois présidé l'audition du 9 juillet 1997 et pris part au vote lors de la première procédure d'évaluation.

136.
    Invitée à préciser la base juridique de cet argument, la requérante (voir sa réponse du 3 septembre 1999 à la question écrite du Tribunal du 12 juillet 1999) a produit les «Guidelines for task managers for awarding service contracts (TACIS)» [«Lignes directrices destinées aux gestionnaires de projet pour l'attribution de contrats de services (TACIS)», ci-après les «Lignes directrices»]. Il résulterait de la disposition figurant au chapitre VIII («Appel d'offres restreint»), section D («Comité d'évaluation»), point 2, sous a), de ces Lignes directrices que le président du comité n'a pas le droit de voter afin de garantir son rôle d'arbitre dans la procédure d'évaluation. Le fait que M. Portier ait présidé l'audition de la requérante serait, en outre, contraire à la disposition figurant au chapitre VIII, section D, point 2, sous b), selon laquelle le gestionnaire du projet, en l'occurrence M. Portier, ne peut prendre part au vote, en qualité de représentant de la Commission, que s'il n'assume pas la présidence du comité d'évaluation.

137.
    Sur ce point, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'objection d'irrecevabilité soulevée à l'audience par la Commission à l'égard des précisions fournies par la requérante dans sa réponse du 3 septembre 1999, le Tribunal relève que cette dernière ne conteste pas les indications du mémoire en défense selon lesquelles la présidence du premier comité d'évaluation a été assumée par M. Daniilidis, lequel n'a pas pris part au vote.

138.
    Certes, la Commission n'exclut pas que M. Daniilidis n'ait pas assisté à l'ensemble des auditions relatives à la première procédure d'évaluation et que, en raison de cette absence, M. Portier ait conduit l'une ou l'autre audition, dont celle de la requérante.

139.
    Une telle circonstance, que la défenderesse a expliquée à l'audience par le fait que M. Daniilidis, fonctionnaire de la Commission comme l'exige la réglementation sur les procédures d'appel d'offres, avait pu être amené à s'absenter sporadiquement des séances d'auditions pour les besoins du service, n'a toutefois pas affecté la situation de la requérante lors de la première procédure d'évaluation. Celle-ci a, en effet, été considérée comme le soumissionnaire présentant la meilleure offre au terme de ladite procédure.

140.
    Du reste, accueillir la thèse de la requérante ne pourrait que conduire à la conclusion que la première procédure d'évaluation devait être annulée, ce qu'a fait la Commission. En revanche, l'irrégularité alléguée, dont la requérante ne prétend pas qu'elle se soit reproduite lors de la procédure d'évaluation des 4 et 5 mars 1998, ne saurait en aucune façon avoir entaché la régularité de cette dernière procédure, au terme de laquelle a été prise la décision attaquée.

141.
    Il convient donc de rejeter l'argumentation de la requérante sur ce point.

142.
    De même, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité au regard de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, l'argument formulé par la requérante dans sa réponse visée ci-dessus au point 136, selon lequel l'absence de M. Daniilidis à certaines auditions de la première procédure d'évaluation contreviendrait à la disposition des Lignes directrices requérant la présence permanente des membres du comité d'évaluation aux réunions de celui-ci (chapitre VIII, section D, point 3), doit être rejeté, pour des motifs identiques à ceux exposés ci-dessus aux points 139 et 140.

143.
    En deuxième lieu, la requérante prétend que, au cours de la première procédure d'évaluation, M. Portier a accordé, de manière injustifiée, un traitement de faveur à SATEC, en examinant, en contravention avec les règles en vigueur en la matière, le volet financier de l'offre de ce soumissionnaire alors que le volet technique de cette offre n'avait pas recueilli 65 points.

144.
    La lecture du procès-verbal relatif à la première procédure d'évaluation fait, toutefois, ressortir que les allégations de la requérante ne sont pas fondées. S'agissant de l'évaluation technique, l'offre de SATEC s'est vu accorder par les membres du comité d'évaluation une note moyenne inférieure au seuil (below limit) de 65 points fixé pour être éligible à l'évaluation financière. Elle a, de ce fait, été écartée dès le stade de l'évaluation technique. Seules deux offres, celles de la requérante et d'AGRER, ont fait l'objet d'une évaluation financière, en raison du fait que, sur le plan technique, elles avaient recueilli une note supérieure au seuil de 65 points.

    

145.
    En troisième lieu, la requérante conteste la légalité de la décision de la Commission de procéder à une seconde évaluation des offres. La première procédure d'évaluation aurait permis de considérer que son offre était de loin la meilleure. La justification tirée du trop grand nombre de points accordés par M. Cherekaev à l'offre de la requérante ne saurait être retenue. D'une part, ce dernier aurait respecté les limites posées par la Commission dans l'exercice de ses fonctions de membre du comité d'évaluation. D'autre part, M. Portier, qui, d'après la requérante, avait accordé un nombre anormalement élevé de points à SATEC, n'aurait encouru aucune critique de la part de la Commission.

146.
    Dans sa réplique, la requérante déclare que, si seuls deux des huit soumissionnaires ont obtenu, lors de la première procédure d'évaluation, une notation techniquesuffisante pour que le volet financier de leur offre soit pris en considération, cela n'a pas pu résulter de la seule appréciation portée par M. Cherekaev. Un tel résultat impliquerait que d'autres membres du comité d'évaluation ont également accordé des notes inférieures au seuil de 65 points. La requérante soutient encore que MM. Portier et Van de Walle ont attribué une note anormalement élevée à SATEC et à AGRER lors de cette première procédure d'évaluation.

147.
    Sur cette question, le Tribunal rappelle que la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation important quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d'une décision de passer un marché à la suite d'un appel d'offres (arrêt de la Cour du 23 novembre 1978, Agence européenne d'intérims/Commission, 56/77, Rec. p. 2215, point 20, et arrêt du Tribunal du 8 mai 1996, Adia interim/Commission, T-19/95, Rec. p. II-321, point 49). Le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.

148.
    En l'espèce, il ressort du procès-verbal de la réunion du comité d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997 que, sur les huit soumissionnaires en concours, seuls deux ont recueilli, pour le volet technique de leur offre, une note moyenne supérieure à 65 points, seuil requis pour être éligible à l'évaluation financière. La note moyenne attribuée par les membres du comité d'évaluation aux six autres soumissionnaires pour la partie technique de leur offre variait de 50,47 à 62,44 points.

149.
    Au terme de l'évaluation technique, l'attention de M. Cherekaev a été attirée sur le fait qu'il n'avait placé que l'offre de la requérante au-delà du seuil de 65 points précité et que ses notes se démarquaient sensiblement de celles des autres évaluateurs. Après avoir entendu les explications de M. Cherekaev et pris acte de ce que, celui-ci maintenant ses notes, la divergence ainsi relevée ne pouvait pas être aplanie, les membres du comité d'évaluation ont procédé à l'évaluation financière des deux offres qui restaient en lice à l'issue de l'évaluation technique et ont conclu que l'offre de la requérante était la meilleure. Le comité d'évaluation a cependant indiqué à la Commission que, si celle-ci avalisait le résultat de la procédure d'évaluation, il y aurait lieu de clarifier deux éléments techniques avec la requérante avant la signature du contrat: la désignation d'un troisième expert local et la production d'une attestation écrite selon laquelle aucun des experts locaux désignés par la requérante n'était employé par l'Académie russe des sciences agricoles.

150.
    En procédant de la sorte, le comité d'évaluation a scrupuleusement respecté les dispositions des Lignes directrices prescrites en cas de divergence sensible des notes d'un évaluateur par rapport à celles des autres membres du comité d'évaluation.

151.
    Au chapitre VIII, section G («Processus d'évaluation», p. 30) de ces Lignes directrices, il est indiqué:

«Dans l'hypothèse où des évaluateurs s'écartent de la majorité du comité dans leurs cotes, et particulièrement dans le cas d'évaluations extrêmes, le président, avant la signature des grilles d'évaluation, demande aux évaluateurs concernés les raisons de leur désaccord avec les autres membres du comité, et il leur demande s'ils tiennent réellement à confirmer leurs notes.

Si les évaluateurs concernés campent sur leur position, le comité signe les grilles d'évaluation [...]»

(«In the event that some evaluators deviate from the majority of the Committee in their marks and particularly in the case of extreme evaluators the Chairman, before the signature of the grids, asks the deviating evaluators the reasons of their disagreement with the other members of the Committee and ask[s] if they really wish to confirm their marks.

If the deviating evaluators are firm in their position the Committee sign the grids [...]»)

152.
    Ainsi qu'elle le souligne dans son mémoire en défense, la Commission, pouvoir adjudicateur, n'est pas liée par la proposition du comité d'évaluation (arrêt TEAM/Commission, précité, point 76, et arrêt de la Cour du 16 septembre 1999, Metalmeccanica Fracasso et Leitschutz Handels- und Montage, C-27/98, non encore publié au Recueil, points 33 et 34). Le fait qu'elle n'a pas confié l'exécution du projet FD RUS 9603 à la requérante, alors que le comité d'évaluation avait estimé que celle-ci avait présenté la meilleure offre, n'est donc pas, en tant que tel, constitutif d'une irrégularité de procédure de nature à entraîner l'annulation de la décision de la Commission du 26 juin 1998 d'attribuer le marché en question à AGRER.

153.
    Il convient toutefois de vérifier si, en décidant d'annuler la procédure d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997 et d'organiser une seconde évaluation les 4 et 5 mars 1998, la Commission n'a pas commis une erreur grave et manifeste d'appréciation.

154.
    D'après la Commission, une telle décision s'imposait en raison du fait que M. Cherekaev avait attribué, lors de l'évaluation technique, des notes inhabituelles sans explication valable (voir sa lettre du 8 janvier 1998 à M. Cherekaev).

155.
    Ainsi que cela a été immédiatement relevé par le comité d'évaluation lui-même à l'issue de l'évaluation technique, les notes de M. Cherekaev se démarquaient radicalement de celles des autres membres du comité, à l'exception de celles qu'il avait attribuées à la requérante. Alors que tous les autres évaluateurs avaient estimé que plusieurs offres méritaient, sur le plan technique, une note supérieure au seuil des 65 points, M. Cherekaev avait attribué des notes très largement inférieures, comprises entre 37,50 et 53,20 points à tous les soumissionnaires, sauf à la requérante, à laquelle il avait accordé 72,70 points. Abstraction faite des notes de M. Cherekaev, quatre offres, au lieu de deux, auraient obtenu, sur le plantechnique, une note moyenne supérieure à 65 points et auraient pu, ainsi, faire l'objet d'une évaluation financière.

156.
    Contrairement à ce que prétend la requérante, les notes de MM. Van de Walle et Portier ne présentaient pas, pour leur part, un caractère extrême. Ni M. Van de Walle ni M. Portier n'avaient ainsi accordé un nombre de points anormalement élevé à SATEC. Certes, leurs notes étaient les plus élevées parmi celles attribuées à cette entreprise, mais elles ne se démarquaient des notes des autres évaluateurs - exception faite de celle de M. Cherekaev - que de 4 à 7 points, soit un écart sensiblement inférieur à la divergence observée entre les notes accordées par M. Cherekaev et celles attribuées par les autres membres du comité d'évaluation aux soumissionnaires autres que la requérante. Du reste, MM. Van de Walle et Portier avaient accordé une note supérieure à 65 points à d'autres soumissionnaires. MM. Van de Walle et Portier n'avaient pas davantage attribué une note exagérément élevée à AGRER. Deux autres membres du comité d'évaluation avaient en effet accordé à cette entreprise une note supérieure aux leurs.

157.
    Les explications fournies par M. Cherekaev aux autres membres du comité d'évaluation à propos de son appréciation des offres techniques tenaient, d'une part, au fait que celle-ci reflétait non seulement son opinion, mais aussi celle de son institution et, d'autre part, qu'elle se fondait sur les contacts qu'il avait eus avec les entreprises à l'occasion de leurs missions d'étude en Russie (procès-verbal du comité d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997, p. 10).

158.
    La Commission était fondée à ne pas accepter de telles explications.

159.
    D'une part, M. Cherekaev représentait l'Académie russe des sciences agricoles, bénéficiaire du projet, dans le comité d'évaluation et il était donc normal que sa notation reflète l'opinion de son institution. M. Cherekaev ne pouvait, dès lors, utilement se prévaloir de cet élément pour prétendre justifier son évaluation. Du reste, admettre une telle explication reviendrait à remettre en cause l'équilibre recherché au travers de la répartition des droits de vote fixée par les règles relatives aux procédures d'évaluation, en accordant un poids indu au vote exprimé par le représentant du bénéficiaire du projet.

160.
    D'autre part, ainsi que la Commission l'a, à juste titre, souligné dans ses écritures et à l'audience, l'appréciation des évaluateurs ne peut se fonder que sur l'analyse des offres écrites présentées par les soumissionnaires. Les éventuels contacts que le représentant du bénéficiaire du projet a pu avoir en Russie avec des soumissionnaires ne sauraient entrer en ligne de compte dans son évaluation des offres en présence, sous peine de voir des éléments subjectifs d'appréciation s'ingérer dans une procédure qui, dans un souci d'égalité des chances, et donc d'égalité de traitement des soumissionnaires concernés, doit reposer exclusivement sur des critères objectifs quant à l'attribution du marché en cause. Le point 3 del'annexe III du règlement TACIS, relative aux principes régissant l'attribution des marchés par voie d'appel d'offres, dispose en outre que le fait qu'un soumissionnaire a déjà l'expérience des projets TACIS ne peut pas être pris en considération dans l'évaluation des offres.

161.
    Compte tenu, d'une part, de la forte divergence constatée entre les notes de M. Cherekaev et celles des autres évaluateurs, ainsi qu'entre les notes attribuées par M. Cherekaev à la requérante et celles qu'il a accordées aux autres soumissionnaires, et, d'autre part, de l'absence d'explications valables par l'intéressé de ces divergences, la Commission n'a pas commis d'erreur grave et manifeste d'appréciation en considérant, dans sa lettre du 8 janvier 1998 à M. Cherekaev, que celui-ci n'avait pas fait preuve, lors de la procédure d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997, de l'impartialité requise dans ce genre de procédure.

162.
    Certes, ainsi que la requérante l'a souligné à l'audience, une certaine concurrence subsistait au terme de l'évaluation technique malgré les notes de M. Cherekaev, puisque deux soumissionnaires demeuraient en lice pour l'évaluation financière des offres.

163.
    Toutefois, il a déjà été relevé (ci-dessus point 155) que les notes de M. Cherekaev avaient radicalement faussé les résultats de l'évaluation technique et que, en l'absence de prise en compte de celles-ci, quatre offres, au lieu de deux, auraient pu faire l'objet d'une évaluation financière. En outre, l'appréciation portée par M. Cherekaev sur les volets techniques des deux offres, finalement retenues pour l'évaluation financière, a affecté la concurrence entre les soumissionnaires concernés au-delà de la phase d'évaluation technique. En effet, ainsi que cela ressort tant du procès-verbal du comité d'évaluation litigieux que des explications données par la Commission dans ses écritures, la meilleure offre a été déterminée sur la base d'une pondération des évaluations technique et financière, la première étant entrée en ligne de compte à concurrence de 70 %, la seconde à concurrence de 30 %. Les notes attribuées par M. Cherekaev au stade de l'évaluation technique ont donc affecté, jusqu'au terme de la procédure d'évaluation, la position du soumissionnaire dont l'offre a fait l'objet, comme celle de la requérante, d'une évaluation financière.

164.
    Dans ces conditions, la Commission était fondée, afin de restaurer l'égalité de traitement et, par voie de conséquence, l'égalité des chances de tous les soumissionnaires, auxquelles il lui incombe de veiller à chaque phase d'une procédure d'appel d'offres (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T-203/96, Rec. p. II-4239, point 85), à annuler la procédure d'évaluation qui s'était déroulée les 9 et 10 juillet 1997 et à en organiser une nouvelle, ouverte aux mêmes soumissionnaires que ceux ayant concouru lors de la première procédure d'évaluation, en veillant à ce que le bénéficiaire du projet soit représenté, au cours de cette seconde procédure d'évaluation, par une autre personne que M. Cherekaev.

165.
    Certes, l'article 24 de la réglementation générale, sur lequel la Commission fonde une telle décision, évoque uniquement, en termes explicites, la faculté pour la Commission de décider de la clôture ou de l'annulation de la procédure d'appel d'offres, ou du recommencement de celle-ci, le cas échéant, sur d'autres bases.

166.
    Il résulte toutefois de l'économie générale de cette disposition, ainsi que du principe de bonne administration, que la Commission pouvait, à plus forte raison, se limiter, dans un souci d'économie et d'efficacité de la procédure administrative, et dans l'intérêt du bénéficiaire du projet, à annuler la seule procédure d'évaluation litigieuse et à en organiser une nouvelle, comme elle l'a fait en l'espèce.

167.
    D'ailleurs, lorsqu'une procédure administrative est entachée d'une irrégularité, la Commission n'est pas tenue, sauf disposition expresse en sens contraire, de répéter les phases de cette procédure antérieures à la survenance de ladite irrégularité, dès lors que celles-ci n'ont pas été affectées par cette irrégularité (voir arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, non encore publié au Recueil, points 189 à 250). Or, en l'espèce, les phases de l'élaboration du cahier des charges et de la définition de la liste restreinte des candidats autorisés à soumissionner n'ont pas été viciées par l'irrégularité intervenue lors de la première procédure d'évaluation. C'est donc à bon droit que la Commission a repris la procédure d'adjudication à partir de la phase de l'évaluation des offres, plutôt que de la recommencer ab initio.

168.
    Il convient encore de constater que la défenderesse a, de façon convaincante, répondu à la requérante qui s'interrogeait sur les raisons pour lesquelles la Commission, après avoir donné l'impression, dans une lettre du 1er octobre 1997, qu'elle allait retenir son offre, a décidé d'annuler la procédure d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997 six mois après la tenue de celle-ci.

169.
    Elle a, ainsi, souligné que, après la réunion du comité d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997, la proposition de ce dernier a été portée à la connaissance des personnes compétentes au sein de l'institution, en suivant la voie hiérarchique. Les notations de M. Cherekaev auraient suscité des réactions opposées. Certains les auraient jugées inacceptables. D'autres auraient estimé qu'il était, malgré tout, préférable de poursuivre la procédure d'adjudication dans l'intérêt du projet, en soulignant le risque d'une répétition de ce genre de situation en cas de nouvelle procédure d'évaluation. Le temps pris par la Commission pour annuler la première procédure d'évaluation s'expliquerait aussi par le caractère délicat d'une telle décision à l'égard du bénéficiaire du projet, compte tenu de la cause même de l'annulation.

170.
    Quant à l'envoi de la lettre du 1er octobre 1997 à la requérante, la Commission l'a imputé à un défaut de coordination, qu'elle a déploré, entre l'unité responsable des programmes TACIS, expéditrice de ladite lettre, et ses services.

171.
    En tout état de cause, la requérante n'explique pas en quoi sa situation a pu être affectée par le seul fait de l'écoulement d'un délai de six mois entre son audition et la décision de la Commission de recommencer la procédure d'évaluation. S'agissant particulièrement de la lettre du 1er octobre 1997, la requérante affirme, au contraire, que celle-ci lui a permis d'améliorer la qualité du volet technique de son offre entre les deux procédures d'évaluation, ce que, toujours d'après la requérante, les autres soumissionnaires n'ont pas été autorisés à faire.

172.
    Eu égard aux considérations qui précèdent, l'argumentation de la requérante tirée de l'illégalité de la décision de la Commission d'annuler le résultat de la procédure d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997 d'exclure M. Cherekaev du comité d'évaluation et d'organiser une seconde procédure d'évaluation doit être écartée.

173.
    En quatrième lieu, la requérante fait valoir que, pour la seconde procédure d'évaluation, le comité aurait dû être intégralement renouvelé afin de garantir l'impartialité de ses membres. Elle critique le fait que M. Portier, membre du premier comité d'évaluation et qui, selon elle, avait attribué à SATEC un nombre de points anormalement élevé et manifesté un préjugé défavorable à son égard, a pris part à la seconde procédure d'évaluation. Il s'agirait d'une violation du principe d'équité. Selon la requérante, l'exclusion de M. Cherekaev du comité d'évaluation impliquait le remplacement de l'intégralité des membres du premier comité.

174.
    La requérante dénonce en outre l'influence de M. Portier quant au choix, en vue de la composition du second comité d'évaluation, de l'un des deux experts indépendants, M. Risopoulos, dont le cheminement professionnel et la nationalité étaient semblables à ceux de M. Van de Walle. Elle reproche également à M. Portier d'avoir accordé une note anormalement élevée à SATEC lors de la seconde procédure d'évaluation.

175.
    Toutefois, le Tribunal relève que M. Portier était le responsable de la gestion du projet FD RUS 9603 au sein de la Commission. Cette circonstance constitue une explication valable de sa participation aux deux comités d'évaluation.

176.
    Du reste, la requérante n'indique pas quelle disposition la Commission aurait méconnue en ne renouvelant pas intégralement le comité d'évaluation en vue de la seconde procédure. Elle invoque tout au plus la violation du principe d'équité, en se prévalant de l'attitude prétendument partiale de M. Portier au cours des deux procédures d'évaluation. Or, la preuve d'une telle partialité n'est pas rapportée.

177.
    Ainsi, il a déjà été constaté (voir ci-dessus point 156) que, à la lecture du procès-verbal de la réunion du comité d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997, les accusations de la requérante portant sur le nombre excessif de points accordés par M. Portier à SATEC s'avéraient non fondées. Il ne ressort pas non plus du procès-verbal de la réunion du comité d'évaluation des 4 et 5 mars 1998 que M. Portier ait accordé un nombre de points anormalement élevé à SATEC lors de la seconde procédure d'évaluation. Un membre du second comité a ainsi attribué à cette entreprise unenote largement supérieure (de plus de 5 points) à celle de M. Portier, laquelle était très proche de celle accordée par un autre évaluateur. Du reste, lors de cette seconde procédure d'évaluation, M. Portier a accordé à deux autres soumissionnaires une note pratiquement égale (moins de 0,5 point de différence) à celle qu'il a attribuée à SATEC. La note qu'il a donnée à la requérante n'était, pour sa part, inférieure que de 2,65 points à celle dont il a crédité SATEC.

178.
    Ensuite, si M. Portier avait effectivement accordé à l'offre de la requérante, lors de la première procédure d'évaluation et au titre de l'appréciation du volet technique, une note légèrement inférieure au seuil de 65 points requis pour l'accès à la phase de l'évaluation financière, une telle note ne saurait être jugée révélatrice d'un préjugé défavorable à l'égard de la requérante, ce que confirme d'ailleurs le fait que, lors de la seconde procédure d'évaluation, M. Portier a attribué à cette dernière une note supérieure au seuil précité.

179.
    Enfin, quelle qu'ait pu être l'influence de M. Portier sur le choix de M. Risopoulos comme membre du second comité d'évaluation, la requérante ne fournit aucun élément concret de nature à faire naître un doute sur l'impartialité de cet expert indépendant lors de la seconde procédure d'évaluation. La seule circonstance tirée de l'identité du parcours professionnel et de la nationalité de MM. Van de Walle et Risopoulos, même à la supposer fondée, est, à cet égard, totalement dépourvue de pertinence.

180.
    Du reste, il ressort du procès-verbal relatif à la seconde procédure d'évaluation que M. Risopoulos a attribué à l'offre de la requérante, dans le cadre de l'appréciation du volet technique, une note dépassant le seuil des 65 points. Cette note est supérieure à celle accordée à l'offre de la requérante par l'autre expert indépendant, M. Macartney, dont cette dernière ne conteste pourtant pas la nomination comme membre du second comité d'évaluation. Elle est, en outre, supérieure aux notes attribuées par M. Risopoulos aux offres de trois des six autres soumissionnaires qui étaient en concurrence avec la requérante lors de la seconde procédure d'évaluation.

181.
    L'argumentation de la requérante relative à la composition prétendument irrégulière du second comité d'évaluation du fait, notamment, de la présence de M. Portier doit donc être rejetée.

182.
    En cinquième lieu, la requérante reproche à la Commission de n'avoir accordé aucune attention, avant d'attribuer le marché, à sa lettre du 9 avril 1998 par laquelle elle lui demandait de réexaminer son offre, en se fondant sur une série d'éléments ayant affecté la régularité de la procédure d'adjudication. Le 15 juin 1998, à la suite de demandes répétées de la requérante, la Commission aurait réagi à ladite lettre en soulignant qu'elle n'était pas en mesure de discuter avec l'un des soumissionnaires impliqués dans la procédure d'adjudication aussi longtemps quecette dernière était en cours. Par cette attitude, la Commission aurait violé l'article 23, paragraphe 2, de la réglementation générale.

183.
    Le Tribunal observe, à titre liminaire, que, d'après l'article 23 de la réglementation générale (voir ci-dessus point 5), l'introduction par un soumissionnaire d'une demande de réexamen de son offre par le pouvoir adjudicateur et la réponse de ce dernier à une telle demande supposent que celui-ci lui ait préalablement notifié par écrit les motifs du rejet de son offre ainsi que l'identité du soumissionnaire auquel il a décidé d'attribuer le marché.

184.
    Or, en l'espèce, la requérante a saisi la Commission de ses griefs relatifs au déroulement de la procédure d'adjudication une première fois le 9 avril puis le 5 juin 1998, alors que ce n'est que le 26 juin 1998 que celle-ci l'a informée par écrit du rejet de son offre, des raisons de ce rejet et de l'attribution du marché à AGRER.

185.
    Indépendamment de la question de savoir comment la requérante a pu, comme sa lettre du 9 avril 1998 le donne clairement à penser, prendre connaissance du résultat de la procédure d'évaluation des 4 et 5 mars 1998 avant d'avoir reçu notification de la décision de la Commission d'attribuer le marché à AGRER, il apparaît donc que la défenderesse n'a pas violé l'article 23, paragraphe 2, de la réglementation générale en informant la requérante, les 15 et 23 juin 1998, qu'elle n'était pas encore en mesure de discuter de détails de la procédure d'adjudication avec elle, et en ne répondant à ses critiques que le 29 juillet 1998, après avoir pris, et notifié par écrit à la requérante, sa décision d'attribuer le marché à AGRER.

186.
    Sur le fond, il y a lieu de relever que six motifs étaient invoqués par la requérante dans sa lettre du 9 avril 1998 à l'appui de sa demande de réexamen de son offre par la Commission.

187.
    Premièrement, la requérante dénonçait l'attitude de M. Van de Walle et d'AGRER au cours de la procédure d'appel d'offres. Elle reprochait à M. Van de Walle d'avoir assisté AGRER dans la rédaction du volet technique de son offre, alors qu'il était l'auteur du cahier des charges et membre du premier comité d'évaluation (point 1 de la lettre). Elle lui faisait aussi grief d'avoir organisé en Belgique, au mois de mai 1997, une rencontre entre M. Cherekaev et le directeur général d'AGRER et d'avoir insisté, à cette occasion, pour qu'AGRER obtienne le marché (point 2). Elle se disait convaincue que M. Van de Walle n'avait pas fait preuve de l'impartialité requise lors de la première procédure d'évaluation, en usant de son influence pour promouvoir l'offre d'AGRER, et qu'il avait transmis son offre à AGRER en vue de la seconde procédure d'évaluation, conférant à cette dernière un avantage illégitime (point 3). Elle estimait donc qu'AGRER devait être exclue de la procédure (point 4).

188.
    Deuxièmement, elle se disait intimement persuadée que M. Portier avait constamment jeté le discrédit sur son offre au cours de la procédure d'adjudication.Elle ne comprenait pas, du reste, la raison pour laquelle M. Portier avait été le seul membre du premier comité d'évaluation à participer à la seconde procédure d'évaluation. Elle demandait à la Commission d'analyser les appréciations données par l'intéressé lors des deux procédures d'évaluation (point 5).

189.
    Troisièmement, elle prétendait que, après la première procédure d'évaluation, M. Cherekaev avait été intimidé par des menaces d'annulation du projet si le représentant de l'Académie russe des sciences agricoles appelé à faire partie du second comité d'évaluation venait à attribuer, à nouveau, des notes excessives. La liberté d'appréciation de ce représentant aurait donc été affectée (point 6).

190.
    Quatrièmement, la requérante se disait convaincue que, dans un tel contexte, les consultants indépendants qui ont pris part à la seconde procédure d'évaluation avaient été dans l'impossibilité d'apprécier son offre de manière impartiale (point 7).

191.
    Cinquièmement, elle se disait persuadée que, dès lors que son offre avait été classée en tête au terme de la première procédure d'évaluation et avait pu être améliorée avant la tenue de la seconde procédure d'évaluation, le fait qu'elle n'a pas été classée première au terme de celle-ci signifiait qu'elle avait fait l'objet d'une appréciation arbitraire (point 8).

192.
    Sixièmement, la requérante affirmait que ses concurrents et les responsables du programme TACIS avaient sali sa réputation, particulièrement auprès de la Commission et dans les milieux européens des consultants spécialisés dans le secteur des bovins (point 9).

193.
    S'agissant des critiques relatives au comportement de M. Van de Walle et d'AGRER pendant la procédure d'adjudication, le Tribunal souligne que la Commission, dès la réception de la lettre de la requérante du 9 avril 1998, a demandé à M. Van de Walle de s'expliquer sur ses relations avec M. Cherekaev et avec AGRER durant cette procédure, ce qui montre que, contrairement à ce que la requérante soutient, la Commission a pris en considération ladite lettre avant d'attribuer le marché.

194.
    Le 28 avril 1998, M. Van de Walle a fourni les explications demandées. Il a formellement nié avoir jamais offert son assistance à AGRER, ni à quelque soumissionnaire que ce soit, pour la préparation d'offres dans le cadre de procédures d'adjudication de projets financés par la Commission ou par d'autres sources. Il a expliqué avoir organisé le 11 mai 1997, à son domicile en Belgique, un déjeuner réunissant M. Cherekaev et M. Couturier, directeur général d'AGRER, ainsi qu'un représentant de la requérante, M. Meyn. Il a assuré avoir toujours fait preuve d'une attitude totalement impartiale dans les procédures d'adjudication dans lesquelles il était intervenu, notamment dans le cadre des programmes TACIS, ce qu'attesteraient, s'agissant de la procédure d'adjudication du projet FD RUS 9603,ses appréciations techniques portées sur les offres en présence lors de la réunion du comité d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997.

195.
    De fait, le procès-verbal relatif à cette procédure d'évaluation ne permet pas de mettre en doute le comportement de M. Van de Walle lors de celle-ci. En particulier, il ne démontre pas que celui-ci ait cherché à favoriser AGRER au détriment de la requérante. Ainsi, sa note attribuée à la première était inférieure à celle accordée à la seconde (voir ci-dessus point 113).

196.
    Compte tenu des indications fournies par M. Van de Walle dans sa lettre du 28 avril 1998 et à la lecture du procès-verbal de la réunion du comité d'évaluation des 9 et 10 juillet 1997, la Commission était fondée à n'acccorder aucun crédit aux accusations de partialité portées par la requérante à l'encontre de M. Van de Walle.

197.
    La Commission était aussi en droit de rejeter l'allégation de la requérante relative à une prétendue transmission, par M. Van de Walle, de son offre à AGRER en vue de la seconde procédure d'évaluation. Outre qu'une telle allégation relevait de la pure conjecture, elle pouvait apparaître d'autant moins crédible à la Commission que, par lettre du 7 janvier 1998, celle-ci avait explicitement informé la requérante ainsi que les autres soumissionnaires concernés que, à l'exception de changements dans la composition de l'équipe proposée pour la réalisation du projet dans le cadre de la première procédure d'évaluation, elle n'autorisait aucune modification du volet technique de leur offre en vue de la seconde procédure d'évaluation.

198.
    Quant à la présence de M. Portier dans les deux comités d'évaluation, la Commission a, de façon convaincante, répondu à la requérante, dans sa lettre du 29 juillet 1998, qu'elle s'expliquait par sa responsabilité de gestionnaire du projet au sein de la direction C «relations avec les nouveaux États indépendants et la Mongolie» de la direction générale IA «Relations extérieures: Europe et nouveaux États indépendants, politique étrangère et de sécurité commune, service extérieur» de la Commission.

199.
    S'agissant de l'attitude de M. Portier lors des deux procédures d'évaluation, il a déjà été relevé, à la lecture des procès-verbaux relatifs à celles-ci, que les appréciations de l'intéressé ne traduisaient pas un préjugé défavorable à l'égard de la requérante (voir ci-dessus point 178). La Commission était donc fondée à écarter les allégations de cette dernière à cet égard.

200.
    En ce qui concerne les manoeuvres d'intimidation dont aurait été victime M. Cherekaev et qui auraient eu pour but de limiter la liberté d'appréciation du représentant du bénéficiaire du projet lors de la seconde procédure d'évaluation, il ressort du procès-verbal relatif à celle-ci que ledit représentant, M. Strekosov, a accordé une note supérieure de plus de 6 points à celle attribuée par M. Cherekaev lors de la première procédure d'évaluation, ce qui démontre sa totale liberté d'appréciation. Du reste, la note attribuée par M. Strekosov à la requéranteétait nettement supérieure à celles qu'il a accordées aux six autres offres, lesquelles variaient de 43,10 à 68,90 points. C'est donc à juste titre que la Commission a rejeté les griefs de la requérante sur ce point.

201.
    Dès lors que les accusations précédentes de la requérante n'apparaissaient nullement fondées, et faute pour celle-ci d'avoir produit le moindre élément concret sur ce point, c'est également à bon droit que la Commission n'a accordé aucun crédit à l'allégation de la requérante selon laquelle le contexte particulier de la procédure d'adjudication aurait empêché les deux experts indépendants d'apprécier son offre en toute impartialité.

202.
    Quant au caractère prétendument arbitraire de la seconde procédure d'évaluation, la lecture du procès-verbal de la réunion du comité d'évaluation des 4 et 5 mars 1998 fait apparaître que les différentes offres en présence ont été analysées de manière détaillée et évaluées sur la base d'une pondération entre la qualité technique et le coût. L'évaluation technique a été effectuée à partir des critères habituels, conformément à l'annexe III, point 3, du règlement TACIS (organisation et plan de travail prévus pour la réalisation du projet, qualité du personnel proposé, recours à des sociétés ou à des experts locaux). Aucun élément, dans ce procès-verbal, n'était de nature à faire naître un doute, dans l'esprit de la Commission, sur la régularité de la seconde procédure d'évaluation.

203.
    Enfin, les plaintes de la requérante liées à l'atteinte à sa réputation n'étaient étayées par aucun élément concret.

204.
    En conclusion, la Commission était fondée à répondre à la requérante, le 29 juillet 1998, qu'«[i]l n'y a[vait] aucune preuve que [le] résultat [de la seconde évaluation] [ait été] fondé sur une erreur manifeste de jugement ou de procédure» et que ses allégations de partialité formulées dans sa lettre du 9 avril 1998 étaient «pures conjectures et [n'étaient] pas étayées par les faits.»

205.
    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter l'argumentation de la requérante fondée sur la violation par la Commission de l'article 23, paragraphe 2, de la réglementation générale.

206.
    En sixième lieu, la requérante prétend que les «principes d'équité et de transparence de la procédure administrative» ont été gravement violés en raison de l'absence d'indication par la Commission, dans sa décision du 26 juin 1998, des voies de recours qui lui étaient ouvertes, ainsi que du refus du représentant de la Commission contacté par téléphone en août 1998 de lui fournir une telle information.

207.
    Le Tribunal relève toutefois que la requérante ne conteste pas avoir reçu de la Commission, avec le dossier d'appel d'offres, copie de la réglementation générale,ce qu'atteste d'ailleurs sa référence, dans sa lettre du 9 avril 1998, à l'article 23, paragraphe 2, de ladite réglementation.

208.
    Elle savait donc que, précisément en vertu de cette dernière disposition, il lui était loisible de saisir la Commission d'une demande motivée de réexamen de sa soumission, après qu'elle eut été informée, le 26 juin 1998, de la décision de la Commission d'attribuer le marché à AGRER.

209.
    Elle a, d'ailleurs, fait usage de cette faculté en réitérant le 6 juillet 1998 à la Commission les griefs qu'elle avait formulés dans sa lettre du 9 avril 1998 quant au déroulement de la procédure d'adjudication et que la Commission a rejetés, à juste titre (voir ci-dessus points 193 à 204), dans sa réponse du 29 juillet 1998.

210.
    Au surplus, en l'absence de disposition expresse de droit communautaire, il ne saurait être reconnu, à charge des autorités administratives ou juridictionnelles de la Communauté, une obligation générale d'informer les justiciables des voies de recours disponibles, ainsi que des conditions dans lesquelles ils peuvent les exercer (ordonnance de la Cour du 5 mars 1999, Guérin automobiles/Commission, C-153/98 P, Rec. p. I-1441, point 15).

211.
    L'argumentation de la requérante tirée d'une violation par la Commission des «principes d'équité et de transparence de la procédure administrative» pour défaut d'indication des recours possibles contre sa décision du 26 juin 1998 doit donc être écartée.

212.
    Il résulte de ce qui précède (points 134 à 211) que la troisième branche du moyen doit être rejetée.

213.
    Au terme de l'examen des trois branches du moyen, il convient encore de relever que, à la section II, point 3, de sa requête, la requérante souligne que M. Van de Walle s'est, à deux reprises, rendu à son siège social de Bonn, en mai et en juin 1996, pour obtenir des informations utiles pour l'élaboration du cahier des charges relatif au projet FD RUS 9603. A l'audience, s'appuyant sur le témoignage de M. Ochs, elle a insisté sur ce point, en contestant les précisions données par M. Van de Walle, lors de son audition, quant à la fréquence et à la teneur de ses contacts avec elle à cette époque. Au même point de sa requête, elle soutient encore que M. Van de Walle lui a recommandé, lors des deux rencontres susvisées, de coopérer avec AGRER pour déposer une offre commune dans le cadre de la procédure d'adjudication du projet FD RUS 9603.

214.
    Toutefois, le Tribunal constate que la requérante ne tire aucune conséquence juridique de cette argumentation factuelle. En effet, la section VII de sa requête, dans laquelle elle expose le moyen unique servant de fondement à ses conclusions en annulation, ne fait nullement référence à l'argumentation susvisée. Il convient, dès lors, de relever que cette dernière manque de précision et que, pour cette seule raison, elle doit être écartée.

215.
    Dans sa requête, la requérante se dit aussi convaincue que M. Van de Walle a transmis à AGRER une copie du volet technique de l'offre qu'elle avait présentée en vue de la première évaluation, accordant de la sorte un avantage à AGRER lors de la seconde procédure d'évaluation.

216.
    Toutefois, le Tribunal constate que la requérante ne tire, à nouveau, aucune conséquence juridique de cet élément qui n'est pas visé, à la section VII de la requête, au titre des arguments soulevés à l'appui du moyen d'annulation. Du reste, l'affirmation de la requérante n'est appuyée par aucun indice concret, de sorte qu'elle doit être considérée comme pure conjecture. Elle doit donc aussi être rejetée pour manque de précision.

217.
    A la section V, point 2, de sa requête, la requérante soutient encore qu'aucune évaluation qualitative des offres en présence n'a, réellement, eu lieu lors de la seconde procédure d'évaluation. Il s'agirait de la seule explication possible au fait que son offre, considérée comme la meilleure au terme de la première procédure d'évaluation et encore améliorée, sur un plan technique, avant la seconde procédure d'évaluation, n'ait pas été, à nouveau, classée première à l'issue de cette dernière. Dans sa réplique, la requérante avance une série d'éléments visant à démontrer que son offre était supérieure à celle d'AGRER et prétend, aussi, que le choix de celle-ci comme adjudicataire du projet FD RUS 9603 a été arbitraire. Cette entreprise se serait, en effet, révélée incapable de mener à bien le projet en question. En outre, elle se serait révélée défaillante dans le cadre de l'exécution, en Ukraine, du projet FD UK 9301, qui lui avait été confiée en 1996, ce qui aurait été critiqué par la Cour des comptes des Communautés européennes.

218.
    A cet égard, il y a, à nouveau, lieu d'observer que la requérante ne tire aucune conséquence juridique de cette argumentation factuelle, dont il n'est pas fait mention à la section VII de la requête, au titre des arguments du moyen unique d'annulation. Cette argumentation manque donc de précision.

219.
    En tout état de cause, ainsi que cela a déjà été relevé (voir ci-dessus point 202), il ressort de la lecture du procès-verbal du comité d'évaluation des 4 et 5 mars 1998 que les différentes offres en présence ont fait l'objet d'une analyse approfondie, fondée sur les critères, techniques et financiers, traditionnellement appliqués en la matière. Aucun élément, dans ce procès-verbal, n'est de nature à faire naître un doute sur la régularité de la seconde procédure d'évaluation.

220.
    A supposer même que, par suite de la lettre de la Commission du 1er octobre 1997, la requérante ait amélioré certains points du volet technique de son offre au regard des critères fixés par le cahier des charges, la circonstance que son offre n'a pas été classée première à l'issue de la seconde procédure d'évaluation, comme cela avait été le cas au terme de la première, traduit simplement une différence d'appréciation de la part des deux comités d'évaluation, laquelle s'expliquenécessairement par le fait que le second comité comprenait d'autres membres que le premier, ce qui n'est pas constitutif d'une irrégularité de procédure.

221.
    Pour le reste, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité, au regard de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, des arguments avancés par la requérante dans sa réplique pour démontrer la supériorité de son offre par rapport à celle d'AGRER et le caractère arbitraire du choix de cette dernière comme adjudicataire du projet en cause, il convient de rappeler que le Tribunal ne peut, dans l'exercice de ses compétences, substituer son appréciation à celle de l'institution communautaire concernée, ni adresser à cette dernière une injonction, en l'espèce celle d'attribuer le marché à la requérante (voir ci-dessus points 83 à 86).

222.
    La requérante ne saurait, en outre, utilement se prévaloir de circonstances postérieures à la décision de la Commission d'attribuer le projet à AGRER pour en contester la légalité. Dans son examen de la légalité de ladite décision, le Tribunal ne peut, en effet, prendre en considération que les circonstances connues de la Commission à l'époque où celle-ci a pris cette décision. Les conditions d'exécution par AGRER du projet en question échappent donc à un tel examen.

223.
    La requérante ne saurait non plus utilement invoquer la prétendue défaillance d'AGRER dans l'exécution du projet FD UK 9301. Même à la supposer fondée, une telle circonstance est en effet dénuée de pertinence pour apprécier la légalité de la décision de la Commission quant à l'adjudication du projet FD RUS 9603.

224.
    En conclusion, l'argumentation de la requérante exposée ci-dessus au point 217 doit être écartée.

225.
    Au terme de l'analyse qui précède (points 89 à 224), il y a lieu d'écarter le moyen pris de la violation des règles relatives aux procédures d'appel d'offres et du principe de «loyauté de la concurrence».

226.
    Les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 26 juin 1998 doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur la demande en indemnité

227.
    A l'appui de sa demande en indemnité, la requérante reproche à la Commission d'avoir conduit de manière irrégulière la procédure d'attribution du marché relatif au projet FD RUS 9603.

228.
    De l'examen des conclusions en annulation, il ressort cependant que la Commission n'a commis, au cours de la procédure d'adjudication du projet FD RUS 9603, aucune irrégularité susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de la requérante.

229.
    La demande en indemnité doit donc être rejetée.

Sur les dépens

230.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en toutes ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Les conclusions visant à enjoindre à la Commission de confier à la requérante l'exécution du projet FD RUS 9603 sont rejetées comme irrecevables.

2)    Pour le surplus, le recours est rejeté comme non fondé.

3)    La requérante est condamnée aux dépens.

Lenaerts                    Azizi

Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 février 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: l'allemand.