Language of document : ECLI:EU:T:2000:60

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

9 mars 2000 (1)

«Fonctionnaires - Promotion - Examen comparatif des mérites - Liste desfonctionnaires jugés les plus méritants - Liste des fonctionnaires promus -Rapport de notation - Défaut de motivation»

Dans l'affaire T-10/99,

Miguel Vicente Nuñez , fonctionnaire de la Commission des Communautéseuropéennes, demeurant à Kraainem (Belgique), représenté par Me M. A. Lucas,avocat au barreau de Liège, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de lafiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis-Kayser, membre du service juridique, en qualité d'agent, assistée deMe D. Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile auprès deM. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes d'annulation de la liste des fonctionnaires promusau grade A 5 et de la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenirune promotion à ce grade, au titre de l'exercice de promotion 1998, en ce que ceslistes ne reprennent pas le nom du requérant, et de la décision implicite de rejetde la réclamation du requérant, ainsi qu'une demande de dommages et intérêts,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. G. Herzig, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 14 décembre 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Le requérant est entré au service de la Commission le 1er octobre 1986 commefonctionnaire de catégorie B. Le 1er juin 1991, il est devenu fonctionnaire de gradeA 7 au sein de la direction générale «Emploi, relations industrielles et affairessociales» (DG V). Depuis le 1er janvier 1994, il est fonctionnaire de grade A 6. Ila été muté deux fois dans l'intérêt du service, la première fois à la directiongénérale «Relations extérieures: Europe et nouveaux États indépendants, politiqueétrangère et de sécurité commune, service extérieur» (DG IA), avec effet au 1eravril 1995, et, la seconde fois, à la direction générale «Personnel et administration»(DG IX), en tant que secrétaire au bureau du comité central du personnel, aveceffet au 21 mars 1997.

2.
    Le requérant avait vocation à être promu au grade A 5 au titre de l'exercice depromotion 1998. Dans le cadre de cet exercice, il relevait de la direction E«Gestion du service extérieur» de la DG IA (ci-après la «direction IA.E») en vertud'une décision interne de la Commission visant à neutraliser les inconvénients liésà la mobilité.

3.
    Le 19 septembre 1997, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-aprèsl'«AIPN») a publié la liste des fonctionnaires susceptibles d'être promus au gradeA 5, parmi lesquels figurait le nom du requérant.

4.
    Au sein de chaque direction générale (ci-après la «DG»), chaque directeur a,conformément à la procédure applicable, présenté ses propositions de promotionau directeur général. Le nom du requérant fut inscrit en deuxième position sur laliste des propositions de promotion établie par la direction IA.E.

5.
    Le 8 décembre 1997, la DG IA a établi sa liste de propositions de promotion ainsique des fiches permettant d'apprécier les mérites de chacun des fonctionnairesproposés. Le nom du requérant ne figurait pas sur cette liste.

6.
    Le 22 janvier 1998, le requérant a intenté un recours devant le comité depromotion pour la catégorie A (ci-après le «comité de promotion») à l'encontrede la liste de propositions de promotion établie par la DG IA.

7.
    Le 6 février 1998, le groupe paritaire restreint chargé de l'examen des recours etdes problèmes liés à la mobilité (ci-après le «GPR») a examiné le recours durequérant. Toutefois, il n'a pu se prononcer sur ce recours, parce qu'il ne disposaitpas du dernier rapport de notation du requérant ni du dossier personnel de celui-ci,qui avait été déposé au Tribunal dans le cadre d'une autre procédure (affaireT-100/96). Le GPR a donc demandé qu'il soit pris position sur le cas du requérantà la réunion du comité de promotion prévue le 5 mars 1998.

8.
    Le 9 février 1998, le service juridique de la Commission a remis au secrétariat ducomité de promotion le dossier personnel du requérant, qui lui avait été renvoyépar le Tribunal.

9.
    Le 5 mars 1998, le comité de promotion a établi un projet de liste desfonctionnaires de grade A 6 jugés les plus méritants pour obtenir une promotionau grade A 5 et a rejeté le recours du requérant du 22 janvier 1998.

10.
    Le 16 mars 1998, la défenderesse a publié aux Informations administratives la listedes fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au gradeA 5. Cette liste ne comprenait pas le nom du requérant.

11.
    Le 20 mars 1998, la Commission a publié aux Informations administratives, sous laréférence «COM/P», une liste d'emplois vacants, notamment d'administrateursprincipaux de grade A 5, que l'AIPN avait décidé de pourvoir par voie depromotion. Il était précisé que les fonctionnaires inscrits sur les listes des plusméritants étaient considérés d'office comme candidats aux emplois COM/P dansleur DG, et ne devaient pas présenter une candidature formelle.

12.
    Le 6 avril 1998, la Commission a publié aux Informations administratives la liste desfonctionnaires promus par l'AIPN. Le nom du requérant n'y figurait pas.

13.
    À cette date, le rapport de notation du requérant pour la période allant du 1erjuillet 1995 au 30 juin 1997 n'avait pas encore été établi définitivement. Le 13février 1998, le requérant avait reçu communication d'un projet de rapport denotation qu'il avait, toutefois, contesté.

14.
    Le 16 juin 1998, le requérant a saisi l'AIPN d'une réclamation, en vertu de l'article90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), à l'encontre, d'une part, de la liste des fonctionnaires promusau grade A 5, des avis de vacance des postes réservés à la promotion à ce grade,de la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotionà ce même grade et de la liste des fonctionnaires proposés pour une tellepromotion établie par la DG IA en décembre 1997 et, d'autre part, de la décisiondu comité de promotion du 5 mars 1998 portant rejet du recours du 22 janvier1998. Le requérant demandait à la Commission l'annulation de ces décisions ainsique le paiement de dommages et intérêts.

15.
    La réclamation du requérant a été examinée lors de la réunion interservices du 7octobre 1998.

16.
    Le 16 octobre 1998, une décision implicite de rejet de la réclamation du requérantest intervenue.

Procédure et c onclusions des parties

17.
    C'est dans ces conditions que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 16janvier 1999, le requérant a introduit le présent recours.

18.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la liste des fonctionnaires promus au grade A 5 au titre del'exercice 1998, publiée aux Informations administratives du 6 avril 1998, ence que cette liste ne reprend pas son nom, ainsi que, à titre incident, lesactes préparatoires de cette décision;

-    annuler la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir unepromotion au grade A 5, publiée aux Informations administratives du 16mars 1998, en ce que cette liste ne reprend pas son nom;

-    annuler la décision implicite de rejet de la réclamation;

-    condamner la défenderesse à lui payer 50 000 BEF au titre du préjudicematériel et 50 000 BEF au titre du préjudice moral résultant, d'une part,des décisions attaquées et, d'autre part, du retard intervenu dansl'établissement du rapport de notation pour la période 1995/1997;

-    condamner la défenderesse aux dépens.

19.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable;

-    à titre subsidiaire, rejeter le recours en ce qui concerne tant les demandesd'annulation que la demande de dommages et intérêts;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

20.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrirla procédure orale.

21.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leur réponses aux questionsdu Tribunal lors de l'audience publique du 14 décembre 1999.

22.
    À l'audience, le requérant a déclaré renoncer aux conclusions en indemnisationcontenues dans la requête pour autant que celles-ci visent à la réparation dupréjudice résultant du retard qui est intervenu dans l'établissement de son rapportde notation définitif pour la période 1995/1997.

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité des conclusions en annulation

23.
    Sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114du règlement de procédure du Tribunal, la Commission, se référant à l'arrêt duTribunal du 21 février 1995, Moat/Commission (T-506/93, RecFP p. I-A-43 etII-147, point 24), fait observer, dans sa duplique, que, dans le cadre d'unepromotion à l'extérieur de la carrière, un fonctionnaire ne figurant pas sur la listedes fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion ne peutattaquer la décision de non-promotion que s'il a, au préalable, posé sa candidatureà un des postes dont l'AIPN a publié l'avis de vacance.

24.
    Eu égard au fait que, en l'espèce, le requérant n'a pas expressément fait acte decandidature à un des emplois de grade A 5 dont la vacance avait été publiée le 20mars 1998 (voir ci-dessus point 11), la décision portant établissement de la liste desfonctionnaires promus ne constituerait pas un acte lui faisant grief. Les conclusionsen annulation seraient, dès lors, irrecevables.

25.
    Toutefois, il est constant que le requérant était susceptible d'être promu au gradeA 5 au titre de l'exercice de promotion 1998. En outre, il ne fait pas de doute quele requérant a manifesté un intérêt réel pour une telle promotion au titre de cetexercice. Il doit être rappelé, à cet effet, que, au cours de l'exercice de promotionconcerné, le requérant a intenté un recours interne devant le comité de promotionà l'encontre de la liste de propositions de promotion établie par la DG IA, surlaquelle son nom ne figurait pas.

26.
    Il doit aussi être constaté que le comité de promotion n'a pas retenu le nom durequérant et que l'AIPN ne l'a pas non plus repris sur la liste des fonctionnairesjugés les plus méritants, publiée aux Informations administratives le 16 mars 1998.

27.
    À cet égard, il convient d'observer que, si la non-inscription d'un fonctionnaire surla liste établie par le comité de promotion est de nature à influer sur la décisionde promotion, elle ne constitue pas une décision définitive de la part del'administration. En outre, s'agissant, comme en l'espèce, de promotions àl'extérieur de la carrière, la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pourobtenir une promotion avait, elle aussi, le caractère d'un acte préparatoire neproduisant aucun effet définitif et ne constituait donc pas un acte faisant grief ausens de l'article 90, paragraphe 2, du statut (arrêts du Tribunal du 5 décembre1990, Marcato/Commission, T-82/89, Rec. p. II-735, point 43, et Moat/Commission,précité, point 24). L'établissement de la liste des fonctionnaires jugés les plusméritants ne constitue, en effet, qu'une des étapes successives de la sélection parmiles fonctionnaires ayant vocation à la promotion aboutissant à la décision portantdésignation des fonctionnaires promus (arrêt de la Cour du 14 février 1989,Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 22).

28.
    Il s'ensuit que, en l'espèce, la régularité de la liste, établie par l'AIPN, desfonctionnaires jugés les plus méritants, ainsi que des autres actes préparatoires prisau cours de la procédure administrative, peut seulement être mise en cause, defaçon incidente, dans le cadre d'un recours visant à l'annulation de la décisionfinale prise au terme de l'exercice de promotion (arrêt Bossi/Commission, précité,point 23). Le deuxième chef de conclusions, visant à l'annulation de la liste desfonctionnaires les plus méritants pour une promotion au grade A 5, publiée auxInformations administratives du 16 mars 1998, est donc, en tant que tel, irrecevable.

29.
    Il doit être constaté, ensuite, que la liste des fonctionnaires promus au grade A 5au titre de l'exercice 1998, publiée aux Informations administratives le 6 avril 1998,a fixé définitivement la position de l'AIPN de ne pas promouvoir le requérant autitre de cet exercice de promotion.

30.
    L'argument de la Commission, selon lequel le présent recours est irrecevable euégard au fait que le requérant n'a pas posé sa candidature à un des emploisCOM/P de grade A 5 dont la vacance a été publiée le 20 mars 1998, doit êtrerejeté. En effet, il doit être relevé que, dans sa requête, le requérant ne vise pasà obtenir l'annulation de nominations qui ont été faites à des postes qui avaient étédéclarés vacants. Il cherche uniquement à obtenir l'annulation de la liste desfonctionnaires promus au grade A 5 au titre de l'exercice 1998 en ce que cette listene comporte pas son nom. Or, l'AIPN aurait pu décider de promouvoir lerequérant au grade A 5 sans procéder à sa nomination à un des postes déclarésvacants. En d'autres termes, la candidature du requérant à un des postes déclarésvacants ne constituait pas une condition nécessaire à sa promotion au grade A 5.

31.
    Dans ces conditions, la liste des fonctionnaires promus au grade A 5 au titre del'exercice 1998, publiée aux Informations administratives le 6 avril 1998, constitueun acte faisant grief au requérant au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut,en ce que cette liste ne reprend pas son nom.

32.
    Le requérant a dirigé sa réclamation contre cette décision dans le délai prévu àl'article 90, paragraphe 2, du statut et il a introduit son recours dans le délai prévuà l'article 91, paragraphe 3, deuxième tiret, du statut. Par conséquent, lesconclusions en annulation contenues dans la requête sont recevables pour autantqu'elles sont dirigées à l'encontre de la décision de l'AIPN, confirmée par ladécision implicite de rejet de la réclamation, de ne pas inscrire le nom durequérant sur la liste des fonctionnaires promus au grade A 5 au titre de l'exercicede promotion 1998 (ci-après la «décision attaquée»).

Sur la recevabilité des conclusions en indemnisation

33.
    Les conclusions en indemnisation, telles que précisées à l'audience, visent à laréparation du préjudice que la décision attaquée aurait causé au requérant. Cesconclusions sont étroitement liées aux conclusions en annulation dirigées contrecette décision et ces dernières ont été jugées recevables (voir ci-dessus point 32).Dès lors, les conclusions en indemnisation doivent également être considéréescomme recevables (ordonnance du Tribunal du 28 janvier 1993, Piette deStachelski/Commission, T-53/92, Rec. p. II-35, point 17, et arrêt du Tribunal du 9février 1994, Latham/Commission, T-82/91, RecFP p. I-A-15 et II-61, point 34).

Sur le fond

34.
    À l'appui de son recours tendant à l'annulation de la décision attaquée, lerequérant invoque trois moyens tirés, le premier, de la violation de l'article 45,paragraphe 1, du statut, le deuxième, de la violation de l'article 25 du statut et, letroisième, de la violation des décisions de la Commission relatives à la mobilité etde l'article 1er, in fine, de l'annexe II du statut.

35.
    En l'espèce, il y a lieu d'examiner d'abord le deuxième moyen.

Arguments des parties

36.
    Le requérant fait valoir que la Commission a l'obligation de motiver, à tout lemoins au stade du rejet de la réclamation, une décision de non-promotion en cequi concerne tant la régularité de la procédure que le motif pour lequel la DG s'estécartée, dans ses propositions de promotion, de celles de la direction (arrêts duTribunal du 28 septembre 1993, Nielsen et Møller/CES, T-84/92, Rec. p. II-949,points 41 et 42, et du 18 décembre 1997, Delvaux/Commission, T-142/95, RecFPp. I-A-477 et II-1247, points 83 et 84).

37.
    Il soutient qu'aucune des décisions prises dans le cadre de la procédure depromotion litigieuse n'a été motivée. Cette situation serait particulièrementcritiquable dès lors que la DG IA, dans ses propositions de promotion, s'estécartée, pour ce qui concerne le requérant, des propositions de la direction IA.Ealors qu'elle ne disposait ni du dernier rapport de notation, ni du dossier personnelde celui-ci au moment où elle a pris sa décision.

38.
    Selon le requérant, les explications qu'il a reçues du représentant de la DG IX,Mme B., lors de la réunion interservices du 7 octobre 1998, ne suffisent pas à établirla régularité de la procédure de promotion. Il insiste sur le fait que Mme B. adéclaré à cette réunion que la DG IA n'avait proposé à la promotion que desfonctionnaires présentés pour la deuxième fois par leur direction, ce quiexpliquerait que la DG IA s'est écartée de la liste de la direction IA.E pour ce quile concerne.

39.
    La Commission rétorque que l'obligation de motivation est satisfaite dès lors quela motivation s'appuie sur l'existence des conditions légales auxquelles le statutsubordonne la régularité de la procédure (arrêt du Tribunal du 18 mars 1997,Picciolo et Caló/Comité des régions, T-178/95 et T-179/95, RecFP p. I-A-51 etII-155, point 34). Elle relève qu'elle n'est pas tenue de révéler à un fonctionnaireécarté l'appréciation comparative qu'elle a portée sur lui et sur le fonctionnairepromu (arrêt du Tribunal du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T-6/96, RecFPp. I-A-119 et II-357, point 148).

40.
    La Commission explique que le présent moyen n'est pas fondé dès lors que leséléments dont le requérant disposait avant l'introduction du recours constituaientun début de motivation qui a pu être et qui a effectivement été complété en coursd'instance. En effet, le requérant aurait reçu, lors de la réunion interservices, desexplications tant sur la réalité de l'examen comparatif des mérites que sur le motifdu refus de la DG IA de le proposer à la promotion, à savoir que, à égalité demérites, préférence avait été donnée aux fonctionnaires proposés pour la deuxièmeannée consécutive par leur direction.

Appréciation du Tribunal

41.
    Il doit être rappelé que l'obligation de motivation, inscrite à l'article 25 du statut,a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pourapprécier le bien-fondé de la décision prise par l'administration et l'opportunitéd'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à cedernier d'exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction descirconstances concrètes, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifsinvoqués et de l'intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications(arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T-60/94, RecFPp. I-A-23 et II-77, points 31 et 32, et du 27 avril 1999, Thinus/Commission,T-283/97, RecFP p. II-353, point 73).

42.
    Il est de jurisprudence constante que l'AIPN n'est pas tenue de motiver lesdécisions de promotion à l'égard des fonctionnaires non promus, mais qu'elle est,en revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet de la réclamation d'unfonctionnaire non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censéecoïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation étaitdirigée (arrêts de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec.p. I-225, point 13, et du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C-115/92 P, Rec.p. I-6549, points 22 et 23; arrêt Contargyris/Conseil, précité, point 147). Lespromotions se faisant, aux termes de l'article 45 du statut, «au choix», il suffit quela motivation du rejet de la réclamation, comme le souligne la Commission,concerne la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne larégularité de la promotion (arrêts du Tribunal Delvaux/Commission, précité,point 84, Picciolo et Caló/Comité des régions, précité, point 34, Contargyris/Conseil,précité, point 148, et du 21 septembre 1999, Oliveira/Parlement, T-157/98, nonencore publié au Recueil, point 50).

43.
    En l'espèce, il doit être constaté que, contrairement aux principes dégagés dansl'arrêt Parlement/Volger, précité (point 23), la Commission a omis, en l'espèce, derépondre à la réclamation du requérant. Celle-ci a, en effet, été rejetéeimplicitement. En outre, la partie défenderesse n'a, à aucun moment de laprocédure précontentieuse, exposé par écrit les motifs de la décision de ne paspromouvoir ce dernier. En effet, il ressort uniquement du compte rendu de laréunion du GPR du 6 février 1998 que celui-ci a renvoyé au comité de promotionle recours hiérarchique intenté par le requérant à l'encontre de la liste depropositions de promotion établie par la DG IA (voir ci-dessus point 7). Quant aucompte rendu de la réunion du comité de promotion du 5 mars 1998, il exposeseulement qu'aucune suite favorable n'a pu être donnée au recours susvisé (voir ci-dessus point 9). Ensuite, la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants, publiéeaux Informations administratives du 16 mars 1998, ainsi que la liste desfonctionnaires promus au grade A 5 au titre de l'exercice 1998, publiée auxInformations administratives du 6 avril 1998, sont dépourvues de toute motivationà l'égard du requérant.

44.
    Quant au point de savoir si les explications orales fournies par Mme B. au cours dela réunion interservices du 7 octobre 1998 peuvent être considérées, trèsexceptionnellement et au vu de circonstances spécifiques, comme un début demotivation qui a pu être complété en cours d'instance, il doit être rappelé que, auxtermes de l'article 45, paragraphe 1, du statut, une décision de l'AIPN prise dansle cadre d'un exercice de promotion ne peut intervenir qu'«après examencomparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi quedes rapports dont ils ont fait l'objet».

45.
    Même si le requérant affirme avoir été informé au cours de la réunion interservicesque son dossier personnel et le projet de rapport de notation pour la période1995/1997 avaient été à la disposition du comité de promotion le 5 mars 1998(requête, p. 8), les éléments avancés au cours de cette même réunion quant à laréalité de l'examen comparatif qui aurait dû précéder l'adoption de la décisionattaquée sont incertains. Il doit, en effet, être constaté que le requérant a crucomprendre, à partir des affirmations faites au cours de la réunion interservices,qu'il n'avait pas bénéficié de la promotion en raison du fait que seuls desfonctionnaires proposés pour la deuxième fois par leur direction avaient étépromus. Les mérites du requérant n'auraient donc pas été comparés à ceux desautres fonctionnaires susceptibles d'être promus. La Commission nie toutefoiscatégoriquement qu'une telle explication ait été fournie au cours de la réunioninterservices.

46.
    Dans ces conditions, les éléments apportés au cours de ladite réunion ne sauraientêtre considérés comme un début de motivation concernant la régularité de laprocédure de promotion. Il y a, en effet, absence totale de motivation sur le pointde savoir si l'AIPN a réellement procédé, en l'espèce, à un examen comparatif desmérites des fonctionnaires susceptibles d'être promus.

47.
    Comme il ressort d'une jurisprudence constante qu'une absence totale demotivation avant l'introduction d'un recours ne peut être couverte par desexplications fournies par la Commission après l'introduction du recours (arrêtsCulin/Commission, précité, point 15, et Parlement/Volger, précité, point 23; arrêtsdu Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T-52/90, Rec. p. II-121, point 40,et Thinus/Commission, précité, point 75), il y a lieu d'accueillir le présent moyenet d'annuler la décision attaquée sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autresmoyens invoqués par le requérant.

48.
    Concernant les conclusions en indemnisation, le Tribunal estime que le requérantne justifie d'aucun préjudice qui ne puisse être réparé de manière adéquate parl'annulation de la décision attaquée. Dès lors, l'annulation de la décision attaquéeconstitue la sanction adéquate et suffisante en l'espèce (voir arrêt du Tribunal du16 décembre 1993, Moat/Commission, T-58/92, Rec. p. II-1443, point 71).

Sur les dépens

49.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partiequi succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commissionayant succombé en l'essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner auxdépens, conformément aux conclusions du requérant en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission, confirmée par la décision implicite de rejetde la réclamation, de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste desfonctionnaires promus au grade A 5 au titre de l'exercice de promotion1998, publiée aux Informations administratives du 6 avril 1998, est annulée.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La Commission est condamnée aux dépens.

Lenaerts

Azizi
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: le français.