Language of document : ECLI:EU:T:2019:418

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

13 juin 2019 (*)

« Responsabilité – Fonction publique – Recrutement – Concours général EUR/A/151/98 – Erreurs commises par le Parlement européen dans la gestion de la liste de réserve – Préjudice matériel »

Dans l’affaire T‑248/17 RENV,

CC, représentée par Mes G. Maximini et C. Hölzer, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes M. Ecker et E. Despotopoulou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi du fait de différentes erreurs commises par le Parlement dans la gestion de la liste de réserve du concours général EUR/A/151/98,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. R. Barents (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        La présente affaire a été renvoyée au Tribunal par un arrêt du 27 avril 2017, CC/Parlement (T‑446/16 P, non publié, ci-après le « second arrêt sur pourvoi », EU:T:2017:288), annulant partiellement l’arrêt du 21 juillet 2016, CC/Parlement (F‑9/12 RENV, ci-après l’« arrêt de renvoi initial », EU:F:2016:165), par lequel ce dernier avait condamné le Parlement européen à payer à la requérante, CC, la somme de 12 000 euros, mais avait calculé sa perte de la chance d’être recrutée en tant que fonctionnaire stagiaire par le Conseil de l’Union européenne en excluant la période comprise entre le 16 février 2006 et le 31 août 2007, et avait calculé sa perte de la chance d’être recrutée en tant que fonctionnaire stagiaire par les autres institutions et organes de l’Union européenne sur la base d’une méthode différente de celle utilisée s’agissant du Conseil.

 Antécédents du litige

2        Pour un exposé complet des faits à l’origine du litige, il y a lieu de se reporter aux points 11 à 50 de l’arrêt du 11 juillet 2013, CC/Parlement (F‑9/12, ci-après l’« arrêt initial », EU:F:2013:116), auxquels renvoie expressément le point 2 du second arrêt sur pourvoi.

3        Dans le cadre du présent arrêt, il suffit de rappeler les faits principaux suivants, tels qu’ils ressortent du point 3 du second arrêt sur pourvoi qui reprend les points 6 à 28 de l’arrêt de renvoi initial :

« 6      […] Par arrêt du [confidentiel] (1), le Tribunal […] a annulé la décision du jury du concours (ci-après le […] “jury”) refusant d’admettre la requérante à participer aux épreuves orales du concours. Le 22 mars 2004, en exécution dudit arrêt, la requérante a été admise à participer auxdites épreuves.

[...]

10      Le 17 mai 2005, […] le directeur général du personnel du Parlement a décidé d’inscrire le nom de la requérante sur la liste d’aptitude et de prolonger la durée de validité de ladite liste jusqu’au 1er juin 2007 […] (ci-après la “décision du 17 mai 2005”), même si le nom de la requérante était le seul à figurer sur cette liste, tous les autres lauréats ayant été entre-temps recrutés.

11      Par lettre du 19 mai 2005 (ci-après la “lettre du 19 mai 2005”), le secrétaire général du Parlement a informé la requérante du contenu de la décision du 17 mai 2005 en lui signalant que “[…] la liste [d’aptitude], comme d’ailleurs toute autre liste d’aptitude, [était] susceptible d’être exploitée par toutes les autres institutions de l’Union”.

[…]

13      La requérante affirme avoir écrit au début de l’année 2006 à plusieurs institutions et organes de l’Union pour les informer de sa recherche d’emploi, mais n’a reçu que des réponses négatives […]

14      Les services du Parlement affirment avoir transmis au Conseil, par courriel du 21 février 2006, le curriculum vitae et l’acte de candidature de la requérante.

[…]

16      Le 11 novembre 2006, la requérante a introduit une plainte auprès du Médiateur européen dénonçant la mauvaise administration du Parlement dans la gestion de la liste d’aptitude.

17      Suite aux demandes présentées par la requérante et par le Médiateur, respectivement le 15 mai et le 24 mai 2007, le directeur général du personnel du Parlement a, par courrier du 17 juillet 2007, informé la requérante que, “sur demande du Médiateur et en attendant le résultat de [l’]examen de son dossier, le [s]ecrétaire [g]énéral du Parlement avait décidé que la durée de […] validité de la liste [d’aptitude] [était] prorogée jusqu’au 31 août 2007”, date à laquelle la validité de cette liste a définitivement expiré.

[…]

21      Le 15 octobre 2007, le directeur général du personnel du Parlement a adressé à la requérante une lettre l’informant que la liste d’aptitude avait expiré le 31 août 2007, que son “dossier de candidature” serait conservé pendant une période de deux ans et demi, pour le cas d’un éventuel litige concernant le concours, mais que, si elle souhaitait que son dossier soit immédiatement détruit, elle était priée de le faire savoir à l’administration avant le 24 octobre 2007 (ci-après la “lettre du 15 octobre 2007”). Aucune réponse de la requérante à cette invitation ne figure au dossier de la présente affaire.

[…]

23      [Dans sa] décision du 31 mars 2011, le Médiateur a conclu à l’absence de mauvaise administration de la part du Parlement, notamment par rapport “à la durée de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude”.

24      Par lettre du 17 décembre 2010, parvenue au Parlement le 21 décembre suivant, la requérante a introduit une demande en indemnité sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne alors en vigueur (ci-après le “statut”), par laquelle elle reprochait au Parlement plusieurs fautes dans la gestion de la liste d’aptitude.

25      Cette demande a fait l’objet, suite à l’écoulement du délai de quatre mois prévu à l’article 90, paragraphe 1, du statut, d’une décision implicite de rejet, intervenue le 21 avril 2011, laquelle a été suivie d’une décision explicite de rejet adoptée par le secrétaire général du Parlement le 10 mai 2011. Dans la décision explicite de rejet de la demande en indemnité, le secrétaire général du Parlement indiquait que, “conformément à une obligation juridique visant à la protection du droit fondamental à la protection des données personnelles, l’administration du Parlement a[vait] détruit tous les documents afférents au concours […] deux ans et demi après l’échéance finale de la liste [d’aptitude], à savoir en mars 2010”.

26      [confidentiel], la requérante a introduit un recours devant le Tribunal […] contre le Médiateur visant à obtenir la réparation du préjudice moral et matériel prétendument subi à la suite du traitement que ce dernier avait réservé à sa plainte relative à la mauvaise gestion de la liste d’aptitude. Par [confidentiel], ci-après l’“arrêt CC/Médiateur”, [confidentiel], le Tribunal […] [a condamné] le Médiateur à payer à la requérante une somme de 7 000 euros au titre du préjudice moral, ce dernier ayant commis des illégalités suffisamment caractérisées et susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union européenne.

27      Par lettre du 6 juin 2011, la requérante a introduit une réclamation contre la décision implicite de rejet de sa demande en indemnité du 21 avril 2011, telle que confirmée explicitement le 10 mai 2011.

28      Par décision du 10 octobre 2011, le président du Parlement […] a rejeté la réclamation du 6 juin 2011 […] »

 Sur la procédure ayant donné lieu à l’arrêt initial, sur le premier pourvoi et l’arrêt du 29 avril 2015, CC/Parlement (T457/13 P)

4        Les principaux éléments de l’arrêt initial et de l’arrêt du 29 avril 2015, CC/Parlement (T‑457/13 P, ci-après le « premier arrêt sur pourvoi », EU:T:2015:240), ont été repris dans l’arrêt de renvoi initial (points 29 à 38), repris au point 4 du second arrêt sur pourvoi, dans les termes suivants :

« 29      Par requête déposée au greffe du Tribunal [de la fonction publique] le 20 janvier 2012, la requérante a introduit le recours enregistré sous la référence F‑9/12 […] tendant, en substance, à la réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi en raison des différentes fautes que le Parlement aurait commises dans la gestion de la liste d’aptitude.

30      Par l’arrêt initial, le Tribunal [de la fonction publique] a considéré que la requérante avait subi un préjudice matériel, estimé, ex æquo et bono, à 10 000 euros, et un préjudice moral, estimé, également ex æquo et bono, à 5 000 euros. Aux fins de la constatation du préjudice matériel, le Tribunal [de la fonction publique] s’est fondé sur le fait, d’une part, que le Parlement n’avait pas immédiatement informé le Conseil, coorganisateur du concours, de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude et, d’autre part, qu’il avait fourni à la requérante des assurances, sous la forme de renseignements précis, inconditionnels et concordants, quant à la communication de ladite liste aux autres institutions et organes de l’Union, alors que le Parlement n’avait pas prouvé avoir effectivement procédé à une telle communication (voir, notamment, point 124 de l’arrêt initial). S’agissant du préjudice moral, le Tribunal [de la fonction publique] a également souligné que la requérante avait vécu un sentiment d’injustice et des tourments en raison du comportement du Parlement (voir point 128 de l’arrêt initial). Le Tribunal [de la fonction publique] a rejeté pour le surplus ledit recours et a condamné le Parlement aux dépens.

31      Par [le premier] arrêt [sur pourvoi], le Tribunal […] a intégralement annulé l’arrêt initial et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal [de la fonction publique] pour la reprise de la procédure.

32      Dans cet arrêt, le Tribunal […], en faisant d’abord droit au deuxième moyen soulevé par le Parlement dans son pourvoi incident, a, en premier lieu, constaté que le Tribunal [de la fonction publique] avait dénaturé les éléments de preuve sur lesquels il s’était fondé pour considérer que la requérante se trouvait dans une situation de confiance légitime quant au fait que la liste d’aptitude contenant son nom avait été communiquée par le Parlement aux autres institutions et organes de l’Union […]

[…]

34      En ce qui concerne ensuite le pourvoi principal, le Tribunal […] a constaté que le Tribunal [de la fonction publique], en considérant que le courriel du Parlement du 21 février 2006 permettait à lui seul d’établir que le Conseil avait reçu l’information selon laquelle la requérante avait été inscrite sur la liste d’aptitude, avait dénaturé ledit courriel du Parlement.

[…]

36      À titre surabondant, le Tribunal […] a précisé, d’une part, que le Tribunal [de la fonction publique] avait commis une erreur de droit en écartant le grief de la requérante fondé sur la violation du principe d’égalité de traitement sans disposer d’informations précises lui permettant de comparer la situation de celle-ci avec celle des 22 autres lauréats du concours. En effet, le fait que le Tribunal [de la fonction publique] ne disposait pas de toutes les informations nécessaires résultait clairement des écritures du Parlement, qui avait admis avoir découvert seulement au stade du pourvoi quelles avaient été les dates de recrutement de [deux] lauréats sur les 22 qui figuraient sur la liste d’aptitude dès l’établissement de celle-ci.

37      D’autre part, le Tribunal […] a considéré que le Parlement, en n’ayant pas immédiatement fourni au Conseil l’information concernant l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude, avait privé celle-ci de la chance d’être recrutée en tant que fonctionnaire stagiaire par cette dernière institution pendant la période comprise entre la date de cette inscription, à savoir le 19 mai 2005, et la date à laquelle cette information avait été transmise au Conseil, “pourvu qu’une telle transmission puisse être démontrée par des éléments de preuve autres que le courriel du Parlement du 21 février 2006 […]”

38      Enfin, sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt initial, le Tribunal […] a, en particulier, précisé […] que le “calcul de l’importance de la chance que la requérante a perdue dépend de questions auxquelles les éléments du dossier ne permettent pas de répondre, à savoir, notamment, celles de savoir, d’une part, si, et dans l’affirmative, à quelle date le Conseil a été informé de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude et, d’autre part, si la requérante a fait l’objet d’une discrimination par rapport aux autres lauréats du même concours en ce qui concerne la durée de la période pendant laquelle son nom a figuré sur cette liste”. »

 Sur la procédure après renvoi et l’arrêt de renvoi initial

5        Tout d’abord, le Tribunal de la fonction publique a, aux points 53 à 112 de l’arrêt de renvoi initial, examiné les prétendues illégalités, dont les principaux éléments ont été repris aux points 9 à 20 du second arrêt sur pourvoi.

6        S’agissant de la première illégalité, tirée de la violation de l’obligation d’informer le Conseil et les autres institutions et organes de l’Union de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude, il a été relevé ce qui suit dans le second arrêt sur pourvoi, points 9 à 14 :

« [L]e Tribunal de la fonction publique a observé que, en réponse à la mesure d’instruction qui avait été adressée au Conseil afin qu’il indique si et quand il avait reçu du Parlement l’information concernant l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude […], celui-ci avait répondu qu’il n’avait pas pu retrouver d’éléments susceptibles d’éclairer ledit Tribunal et qu’il n’avait pas non plus trouvé une candidature spontanée que la requérante soutenait lui avoir envoyée approximativement le 9 février 2006 […], en lui communiquant que son nom figurait désormais sur la liste d’aptitude […]

Après avoir notamment observé […] que le Conseil ne remettait cependant pas en cause l’existence d’une telle candidature, dont une copie figurait au dossier, le Tribunal de la fonction publique […] a jugé ce qui suit :

“Par conséquent, indépendamment de la question de savoir si, et dans le respect de quelle condition de forme, le Parlement était tenu d’informer le Conseil de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude, il y a lieu de conclure qu’en l’espèce, pendant la période comprise entre le 17 mai 2005, date de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude, et le 9 février 2006, voire le 15 février 2006, date à laquelle on peut présumer que le Conseil avait au plus tard reçu la candidature spontanée […], le Parlement, faute de documents valables pouvant prouver le contraire […], n’a pas formellement informé le Conseil de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude, même si en principe le Conseil était censé, de facto, le savoir en tant que coorganisateur dudit concours.”

En second lieu, le Tribunal de la fonction publique a relevé que l’avis de concours n’obligeait pas le Parlement à communiquer la liste d’aptitude aux institutions de l’Union autres que le Conseil, qui était coorganisateur du concours, et aux organes de l’Union et que le statut ne prévoyait pas la publication des listes d’aptitude au Journal officiel […]

Cependant, […] le Tribunal de la fonction publique a ajouté ce qui suit :

“Ce[la] étant, il convient néanmoins de relever que le Parlement devait assurer à la requérante, une fois son nom inscrit sur la liste d’aptitude, le même traitement que celui assuré aux autres lauréats du même concours. C’est donc pour cette raison spécifique que le Parlement était censé transmettre aux autres institutions et organes de l’Union la liste d’aptitude avec le nom de la requérante, comme il l’avait en réalité fait, auparavant, pour les lauréats de la liste initiale.”

Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a observé que, au point [confidentiel] de l’arrêt [confidentiel], le Tribunal avait jugé que “l’absence de communication par le Parlement de [la liste d’aptitude] aux autres institutions, organes et organismes de l’Union dans les plus brefs délais après l’inscription, le 17 mai 2005, du nom de la requérante sur cette liste était susceptible de constituer un cas de mauvaise administration, et ce indépendamment de l’existence d’une disposition expresse dans le cadre réglementaire applicable imposant une telle communication” […]

Le Tribunal de la fonction publique a ainsi considéré que des conséquences sur le plan indemnitaire pouvaient découler de l’omission par le Parlement de fournir l’information en cause au Conseil et aux autres institutions et organes de l’Union […] »

7        En ce qui concerne la deuxième illégalité, le Tribunal de la fonction publique a constaté la violation du principe d’égalité de traitement, la durée de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude ayant été inférieure d’un mois et six jours à la durée de l’inscription du dernier candidat inscrit sur cette liste qui avait été recruté (second arrêt sur pourvoi, point 15).

8        Le Tribunal de la fonction publique a écarté le moyen ayant trait à la troisième illégalité, relative à la non-application de la décision du Parlement concernant la publication des listes d’aptitude, en concluant que la requérante n’avait pas subi un traitement différent de celui réservé aux autres lauréats du concours. D’une part, l’avis de concours ne prévoyait pas la publication au Journal officiel des noms des lauréats et, d’autre part, le Parlement n’avait pas publié les noms des autres lauréats du concours (second arrêt sur pourvoi, points 16 et 17).

9        En ce qui concerne la quatrième illégalité ayant trait à la destruction illégale du dossier de candidature de la requérante, le Tribunal de la fonction publique a rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires de cette dernière ayant trait au préjudice découlant prétendument de cette décision de destruction et, à titre surabondant, il a considéré que le moyen soutenant ces conclusions n’était pas fondé (second arrêt sur pourvoi, points 18 à 20).

10      Ensuite, le Tribunal de la fonction publique a examiné les préjudices. Pour ce qui est des préjudices matériel et moral prétendument subis par la requérante jusqu’au moment où son nom a été inscrit sur la liste d’aptitude, il a considéré que cette demande était irrecevable et en tout état de cause non fondée (second arrêt sur pourvoi, points 21 à 23).

11      Concernant le préjudice matériel prétendument subi au motif que la durée de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude avait été inférieure d’un mois et de six jours à la durée de l’inscription du nom du dernier candidat inscrit sur cette liste, le Tribunal de la fonction publique a considéré que cette différence était minime et a fixé la réparation de ce préjudice à la somme globale de 5 000 euros (second arrêt sur pourvoi, point 24).

12      Puis, dans l’arrêt de renvoi initial (points 137 à 141), repris au point 25 du second arrêt sur pourvoi, le Tribunal de la fonction publique a examiné la question de la perte par la requérante de la chance d’être recrutée par le Conseil et a relevé ce qui suit :

« 137            [L]e calcul de l’importance [du] préjudice […] lié à la perte de chance d’être recrutée par le Conseil en tant que fonctionnaire stagiaire […] ne dépend pas seulement du fait que, en l’espèce, le Parlement a omis d’informer immédiatement le Conseil de l’inscription de son nom sur la liste d’aptitude, la privant ainsi de la chance d’être recrutée par cette institution, mais également du fait de savoir si, pendant la période comprise entre le 19 mai 2005 et la fin de validité de la liste d’aptitude, il y avait eu, au sein du Conseil, des postes vacants correspondant au profil de la requérante et sur lesquels auraient été recrutés d’autres fonctionnaires ou d’autres lauréats figurant sur d’autres listes d’aptitude, faisant ainsi perdre à cette dernière la chance réelle d’être effectivement recrutée.

138            Dans sa réponse du 16 octobre 2012 à une précédente mesure d’instruction […], le Conseil avait affirmé, d’une part, qu’entre le 19 mai 2005 et le 31 août 2007 il n’avait recruté aucun fonctionnaire inscrit sur une liste d’aptitude d’administrateurs généralistes de langue française et, d’autre part, que, pendant ladite période, il avait recruté vingt-huit fonctionnaires dont huit avaient un profil “généraliste” et dont seulement sept avaient eu une expérience préalable dans une institution européenne.

139            Interrogé ensuite, par mesure d’instruction du 25 février 2016, sur la question de savoir si, parmi les vingt-huit fonctionnaires recrutés entre le 19 mai 2005 et le 31 août 2007, certains avaient été recrutés entre ce même 19 mai 2005 et le 15 février 2006, date à laquelle il est possible de présumer que le Conseil avait reçu la candidature spontanée de la requérante […], le Conseil a précisé que pendant cette période il avait recruté sept fonctionnaires du groupe de fonctions des administrateurs de langue française, dont trois par un transfert d’une autre institution et quatre sur la base d’une liste d’aptitude établie suite à un concours. Parmi ces quatre fonctionnaires, un fonctionnaire avait été recruté au grade AD 11 sur la base d’un concours interne aux institutions dans le domaine de la gestion de grands projets d’infrastructure, de la politique immobilière et des technologies de l’information, deux autres avaient été recrutés sur la base d’un concours dans le domaine des ressources humaines et un dernier avait été recruté sur la base d’un concours dans le domaine “immeubles”.

140            [I]l y a lieu de rappeler que, aux termes de l’avis de concours, les lauréats étaient recrutés en vue d’“effectuer, sur la base de directives générales, des tâches de direction, de conception et d’étude en fonction de l’affectation […] au sein des services des institutions organisatrices”. Ainsi, force est de constater que le profil de la requérante, appelée, en tant que lauréate du concours, à exercer les fonctions décrites ci-dessus, ne correspond pas à l’un des profils spécialisés requis pour occuper les postes sur lesquels le Conseil a recruté, pendant la période de validité de la liste d’aptitude durant laquelle le nom de la requérante a été inscrit sur cette liste, les fonctionnaires en question.

141            Il y a donc lieu de conclure que la requérante n’a pas prouvé l’existence d’un préjudice matériel résultant de la perte réelle d’une chance suite à l’omission par le Parlement d’informer le Conseil de l’inscription de son nom sur la liste d’aptitude. » 

13      Le Tribunal de la fonction publique a, dans l’arrêt de renvoi initial (points 145 et 146), repris au point 27 du second arrêt sur pourvoi, écarté l’existence d’un préjudice matériel prétendument subi du fait que le Parlement n’avait pas communiqué l’information en cause aux autres institutions et organes de l’Union alors qu’il l’avait fait pour la liste initiale, contenant le nom des autres lauréats, par les considérations suivantes :

« 145            [L]a requérante s’était elle-même adressée au début de l’année 2006 aux autres institutions et organes de l’Union pour leur signaler son intérêt à être recrutée, sans cependant recevoir de réponse positive.

146            Compte tenu de ce qui précède, il convient de constater que la requérante n’a pas non plus prouvé avoir subi un préjudice matériel pour la perte d’une chance réelle d’être recrutée en tant que fonctionnaire stagiaire lié au fait que le Parlement, tout en n’y étant d’ailleurs pas obligé par une disposition du cadre réglementaire applicable en l’espèce […], n’avait pas informé les autres institutions, hormis le Conseil, et les organes de l’Union de l’inscription de son nom sur la liste d’aptitude. En tout état de cause, […] la requérante ne saurait se prévaloir du droit de réclamer la protection de la confiance légitime en ce que le Parlement lui aurait donné des renseignements précis, inconditionnels et concordants sur le fait d’avoir informé les institutions et organes de l’Union de l’inscription de son nom sur ladite liste. »

14      Au regard du préjudice moral subi par la requérante, le Tribunal de la fonction publique a estimé que les illégalités commises par le Parlement dans la gestion de la liste d’aptitude avaient été les causes déterminantes des sentiments de discrimination, d’incertitude et de frustration qu’elle avait éprouvés. Dans ce contexte, il a précisé, en substance, que la requérante n’avait cependant subi aucun préjudice moral découlant de la lettre du 15 octobre 2007 et de la destruction de son dossier de participation au concours. En effet, selon le Tribunal de la fonction publique, il ne s’agissait pas d’un acte de malveillance à l’encontre de la requérante, mais d’un acte administratif répondant aux exigences de la protection des données personnelles et la requérante aurait pu éviter cette destruction si elle avait répondu à ladite lettre. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique a fixé, ex æquo et bono, à la somme globale de 7 000 euros le montant de la réparation de ce préjudice (second arrêt sur pourvoi, point 28).

15      Quant aux nouvelles offres de preuve, le Tribunal de la fonction publique les a rejetées au motif que, d’une part, la requérante n’avait pas justifié le retard dans la présentation de celles-ci et, d’autre part, qu’elles n’étaient pas nécessaires aux fins de la solution du litige en ce qui concernait la durée de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude (second arrêt sur pourvoi, points 29 à 31).

 Sur le second pourvoi et le second arrêt sur pourvoi

16      Par son second arrêt sur pourvoi, le Tribunal a partiellement annulé l’arrêt de renvoi initial et a renvoyé l’affaire devant une chambre du Tribunal autre que celle qui a statué sur ce pourvoi.

17      Le Tribunal, en faisant d’abord droit au deuxième moyen soulevé par la requérante, a constaté que le Tribunal de la fonction publique avait dénaturé la candidature spontanée de la requérante et commis une erreur de droit en considérant que celle-ci palliait, à compter du 15 février 2006, l’absence de communication de l’information en cause au Conseil par le Parlement (second arrêt sur pourvoi, point 62).

18      Faisant également droit au sixième moyen, tiré d’erreurs de droit dans le calcul du préjudice matériel de la requérante, le Tribunal a relevé, en premier lieu, s’agissant de la perte de la chance que la requérante soit recrutée par le Conseil, que le Tribunal de la fonction publique avait énoncé la méthode correcte, consistant à apprécier si, pendant la période comprise entre le 19 mai 2005 et la fin de validité de la liste d’aptitude, intervenue le 31 août 2007, il y avait eu, au sein du Conseil, des postes vacants correspondant au profil de la requérante et sur lesquels auraient été recrutés d’autres fonctionnaires ou d’autres lauréats figurant sur d’autres listes d’aptitude, faisant ainsi perdre à cette dernière la chance réelle d’être effectivement recrutée (second arrêt sur pourvoi, point 81).

19      Cependant, le Tribunal a constaté que le Tribunal de la fonction publique avait ensuite appliqué cette méthode à la période comprise entre le 19 mai 2005 et le 15 février 2006, au vu de sa conclusion selon laquelle il pouvait être considéré que, à compter de cette dernière date et jusqu’au 31 août 2007, le Conseil avait été dûment informé de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude (second arrêt sur pourvoi, point 82).

20      Or, toujours selon le Tribunal, dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, il avait été établi que le Tribunal de la fonction publique avait retenu à tort que la candidature spontanée de la requérante palliait l’absence de transmission de l’information en cause par le Parlement au Conseil (second arrêt sur pourvoi, point 83).

21      Dès lors, le Tribunal a conclu que, à défaut de preuves permettant de démontrer à suffisance de droit que le Parlement avait fourni ladite information au Conseil, la méthode consistant à apprécier si, pendant la période comprise entre le 19 mai 2005 et la fin de validité de la liste d’aptitude, intervenue le 31 août 2007, il y avait eu, au sein du Conseil, des postes vacants correspondant au profil de la requérante et sur lesquels auraient été recrutés d’autres fonctionnaires ou d’autres lauréats figurant sur d’autres listes d’aptitude, faisant ainsi perdre à cette dernière la chance réelle d’être effectivement recrutée, aurait dû être appliquée à toute la période comprise entre le 19 mai 2005 et le 31 août 2007 (second arrêt sur pourvoi, point 84).

22      En second lieu, s’agissant de la perte de la chance pour la requérante d’être recrutée par les institutions autres que le Conseil et par les organes de l’Union, le Tribunal a conclu que le Tribunal de la fonction publique avait commis une erreur de droit en n’appliquant pas la méthode décrite au point 18 ci-dessus également au calcul de la perte de la chance pour la requérante d’être recrutée en tant que fonctionnaire stagiaire, entre le 19 mai 2005 et le 31 août 2007, par les institutions autres que le Conseil et par les organes de l’Union (second arrêt sur pourvoi, point 90).

23      Enfin, sur les conséquences de l’annulation, le Tribunal a considéré que le litige n’était pas en état d’être jugé, au sens de l’article 4 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), et a, dès lors, renvoyé l’affaire à une chambre autre que celle qui avait statué sur le pourvoi, en l’occurrence la huitième chambre, afin que le Tribunal statue en première instance sur le recours initialement introduit devant le Tribunal de la fonction publique par la requérante. Le Tribunal a précisé qu’il « n’[était] pas en mesure de calculer la perte de la chance qu’avait la requérante, entre le 19 mai 2005 et le 31 août 2007, d’être recrutée en tant que fonctionnaire stagiaire par le Conseil ou par les autres institutions et par les organes de l’Union » (second arrêt sur pourvoi, points 94 à 96). Le recours a été enregistré sous le numéro T‑248/17 RENV.

 Sur la seconde procédure après renvoi et les conclusions des parties

24      Les parties ont été invitées à présenter leurs observations écrites conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante et le Parlement ont déposé leurs observations écrites dans les délais impartis, à savoir respectivement le 26 juin et le 11 juillet 2017.

25      Dans ses observations après renvoi, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« conformément à l’arrêt T‑446/16 P (point 81), prendre les mesures d’organisation de la procédure suivantes :

–        pour les périodes du 12 janvier 2001 au 18 mai 2005 et du 19 mai 2005 au 31 août 2007, déterminer le nombre de postes permanents vacants ainsi que les recrutements sur ces postes permanents, d’administrateurs (y compris les temporaires) de langue française ou généralistes (toutes langues confondues), et ce pour toutes les institutions, organes et organismes de l’Union européenne, c’est-à-dire, les 16 institutions et organes ainsi que les 36 organismes de l’Union européenne ;

–        préciser les listes d’aptitudes ouvertes, entre le 19 mai 2005 et le 31 août 2007 avec le nombre de lauréats d’administrateurs de langue française et/ou généralistes encore disponibles. Selon les informations de la requérante, il n’y avait aucune liste d’aptitude d’administrateurs généralistes ouverte comparable à la liste EUR/A/151/98 ;

–        demander au Conseil et au Parlement le contenu de leurs échanges de courriels lorsque le Conseil a demandé au Parlement en février 2006 le curriculum vitæ de la requérante. »

26      Dans ses observations après renvoi, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

27      Dans ses observations sur les conclusions à tirer du second arrêt sur pourvoi, la requérante constate que l’arrêt sur renvoi à venir a pour objet d’évaluer la perte de la chance conformément aux exigences de ce second arrêt sur pourvoi. Celle-ci devra se calculer de la manière dont le Tribunal de la fonction publique avait procédé en ce qui concerne le Conseil. Elle demande donc au Tribunal de prendre des mesures d’organisation de la procédure afin d’établir la liste des postes vacants pour la période allant du 12 janvier 2001 au 19 mai 2005 pour toutes les institutions, organes et organismes de l’Union et de déterminer également pour la période allant du 19 mai 2005 au 31 août 2007 le nombre de postes permanents vacants ainsi que les recrutements sur ces postes permanents d’administrateurs, y compris les agents temporaires, de langue française, ou généralistes, toutes langues confondues.

28      Selon la requérante, il ne convient pas seulement d’évaluer la perte de la chance, mais aussi la réalité des dommages subis causés par l’obstruction du Parlement afin d’anéantir entièrement sa vocation à être recrutée, puisque, d’une part, son nom n’a jamais été ajouté sur la liste d’aptitude et, d’autre part, si son nom y avait été ajouté, cette liste aurait été close pendant presque toute la période durant laquelle elle était censée disposer d’une vocation à être recrutée. Elle demande l’échange complet de courriels à son sujet.

29      Par conséquent, la requérante soutient que le Parlement lui doit l’intégralité des traitements nets, augmentée des intérêts moratoires, ainsi que les droits à pension qu’elle aurait perçus à partir du 1er décembre 2003 jusqu’au prononcé de l’arrêt, puisqu’elle serait sans emploi depuis cette date, et, à partir du prononcé de l’arrêt, tous les traitements, incluant les cotisations aux caisses de maladie et de retraite, jusqu’à l’âge légal de la retraite, c’est-à-dire jusqu’au 30 mars 2027.

30      Le Parlement indique qu’il convient de déterminer quelle est la perte de la chance de la requérante pour un recrutement en tant que fonctionnaire stagiaire par le Conseil ou les autres institutions et organes de l’Union entre le 19 mai 2005 et le 31 août 2007. Selon lui, la vocation à être recruté qui est celle de tout lauréat d’un concours inscrit sur une liste de réserve ne se transforme en chance d’être recruté qu’à compter de la date à laquelle un emploi pour lequel il est raisonnable de penser que ledit lauréat peut être recruté est à pourvoir.

31      Le Parlement soutient également que, à ce stade, la prétendue illégalité de son comportement ne serait pas encore prouvée, alors qu’il n’y aurait, en dehors de l’absence de preuve de l’information sur l’inscription tardive du nom de la requérante sur la liste de réserve en cause, aucune preuve selon laquelle il aurait informé le Conseil et les autres institutions de l’adoption de la liste d’aptitude initiale, aucune trace écrite d’une telle information n’ayant pu être trouvée.

32      Le Parlement indique ensuite qu’il conviendrait, en l’absence de preuves de l’information des autres institutions et organes de l’Union en ce qui concerne l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude, d’interroger ces derniers afin de savoir s’il y a eu, en leur sein, des postes vacants correspondant au profil de la requérante et sur lesquels ont été recrutés d’autres fonctionnaires ou lauréats figurant sur d’autres listes d’aptitude.

33      Le Conseil ayant déjà été interrogé en ce sens, le Parlement estime qu’il conviendrait de s’informer sur le détail de ses recrutements pendant la période du 15 février 2006 au 31 août 2007. Pour ce qui est des recrutements des autres institutions et organes de l’Union pendant cette période, il ne faudrait considérer, pour l’évaluation de la perte de la chance, que les recrutements de fonctionnaires à partir de listes de réserve de généralistes de langue française. Les postes pourvus par des fonctionnaires transférés ne pourraient entrer en ligne de compte, car le recours aux candidats inscrits sur des listes de réserve n’est possible qu’après avoir examiné les possibilités de pourvoir ces postes par un recrutement interne, puis un recrutement interinstitutionnel.

34      Le Parlement ajoute qu’il n’y a aucune certitude quant au recrutement de la requérante sur un des postes pourvus en raison du large pouvoir d’appréciation de l’autorité investie du pouvoir de nomination dans les limites des avis de vacance.

35      Enfin, le Parlement reproche à la requérante de ne pas avoir limité le préjudice qu’elle prétend avoir subi.

36      À titre liminaire, il convient de rappeler que le Tribunal, par son second arrêt sur pourvoi, a annulé l’arrêt de renvoi initial sur deux points précis, le pourvoi ayant été rejeté pour le surplus.

37      En premier lieu, le Tribunal de la fonction publique avait uniquement pris en compte la période comprise entre le 19 mai 2005 et le 15 février 2006 pour calculer la perte de la chance et exclu la période comprise entre le 16 février 2006 et le 31 août 2007, alors que, selon le Tribunal, il aurait fallu également inclure cette dernière période. Il conviendra donc en l’espèce de calculer la perte de chance pour la période comprise entre le 16 février 2006 et le 31 août 2007.

38      En second lieu, le Tribunal de la fonction publique avait utilisé une autre méthode pour calculer la perte de la chance d’avoir été recrutée par les autres institutions et organes de l’Union que celle utilisée s’agissant du Conseil. Or, selon le Tribunal dans son second arrêt sur pourvoi, il convient de calculer la perte de la chance de la requérante d’avoir été recrutée par les autres institutions et organes de l’Union en utilisant la même méthode que celle utilisée pour le Conseil et en prenant en compte également toute la période allant du 19 mai 2005 au 31 août 2007 (ci-après la « période en cause »).

 Sur le calcul de la perte de la chance d’être recrutée par le Conseil pendant la période comprise entre le 16 février 2006 et le 31 août 2007

39      Il y a lieu de rappeler que le préjudice lié à la perte de la chance d’être recrutée par le Conseil en tant que fonctionnaire stagiaire ne dépend pas seulement du fait que, en l’espèce, le Parlement a omis d’informer immédiatement le Conseil de l’inscription du nom de la requérante sur la liste d’aptitude, la privant ainsi de la chance d’être recrutée par cette institution, mais également du fait de savoir si, pendant la période en cause, il y avait eu, au sein du Conseil, des postes vacants correspondant à son profil et sur lesquels auraient été recrutés d’autres fonctionnaires ou lauréats figurant sur d’autres listes d’aptitude, faisant ainsi perdre à cette dernière la chance réelle d’être effectivement recrutée (arrêt de renvoi initial, point 137).

40      Dans sa réponse du 16 octobre 2012 à une précédente mesure d’instruction, le Conseil avait affirmé, d’une part, que, pendant la période en cause, il n’avait recruté aucun fonctionnaire inscrit sur une liste d’aptitude d’administrateurs généralistes de langue française et, d’autre part, que, pendant ladite période, il avait recruté vingt-huit fonctionnaires dont huit avaient un profil « généraliste » et dont seulement sept avaient eu une expérience préalable dans une institution européenne (arrêt de renvoi initial, point 138).

41      Interrogé ensuite, par mesure d’instruction du 25 février 2016, sur la question de savoir si, parmi les vingt-huit fonctionnaires recrutés pendant la période en cause, certains avaient été recrutés entre le 19 mai 2005 et le 15 février 2006, date à laquelle il était possible de présumer que le Conseil avait reçu la candidature spontanée de la requérante, le Conseil a précisé, par lettre du 14 mars 2016, que, pendant cette période, il avait recruté sept fonctionnaires du groupe de fonctions des administrateurs de langue française, dont trois par un transfert d’une autre institution et quatre sur la base d’une liste d’aptitude établie à la suite d’un concours. Parmi ces quatre fonctionnaires, un fonctionnaire avait été recruté au grade AD 11 sur la base d’un concours interne aux institutions dans le domaine de la gestion de grands projets d’infrastructure, de la politique immobilière et des technologies de l’information, deux autres avaient été recrutés sur la base d’un concours dans le domaine des ressources humaines et un dernier avait été recruté sur la base d’un concours dans le domaine « Immeubles » (arrêt de renvoi initial, point 139).

42      Interrogé dans le cadre du présent renvoi, par une mesure d’instruction du 15 novembre 2017, sur la question de savoir si, pendant la période en cause, il y avait des postes permanents vacants et, s’il avait recruté des fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude d’administrateurs généralistes de langue française ou d’autres fonctionnaires ou agents temporaires, toutes langues confondues, correspondant au profil de la requérante, le Conseil indique avoir recruté huit fonctionnaires au grade A*6/AD 6, n’ayant pas un profil spécialisé, mais ne correspondant pas au profil de la requérante. Parmi ces huit fonctionnaires, sept ne provenaient pas d’une liste d’aptitude d’administrateurs généralistes. Les profils recherchés étaient deux administrateurs dans le domaine de la recherche, un dans le domaine des relations extérieures et de la gestion de l’aide aux pays tiers, un dans le domaine de la sécurité et de la sécurité de l’information, deux dans les domaines de la santé publique et de la sécurité alimentaire. Le huitième fonctionnaire a été recruté sur une liste d’administrateurs de langue finnoise.

43      Par ailleurs, quinze fonctionnaires ont été recrutés par transfert d’une autre institution. Parmi ces quinze fonctionnaires, deux n’avaient pas un profil d’administrateur général (défense – Cellule civile et militaire, administrateurs dans le domaine du droit), les autres correspondaient à un profil généraliste, mais avaient un grade supérieur au grade AD 7. Un seul a été recruté au grade AD 5 (industrie, recherche, tourisme – audit interne). Seuls quatre fonctionnaires sont de langue maternelle française, mais ont été transférés à des grades AD 9 et AD 11. Parmi les fonctionnaires recrutés par transfert interinstitutionnel, il y a lieu de rappeler que, en application de l’article 29, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne dans sa version en vigueur à partir du 1er mai 2004, « [e]n vue de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution, l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné […] les demandes de transfert de fonctionnaires de même grade d’autres institutions […] ouvre la procédure de concours » et donc le recrutement sur la base de listes d’aptitude.

44      Enfin, deux agents temporaires ont été recrutés respectivement aux grades AD 6 et AD 7, mais ne correspondaient pas au profil de la requérante [programmation militaire, chef de cabinet de l’état-major de l'Union européenne (EMUE)].

45      Compte tenu de ces informations, force est de constater que, durant la période en cause, aucun recrutement externe en tant que fonctionnaire ou agent temporaire ne correspondait au profil de la requérante, lequel était d’« effectuer, sur la base de directives générales, des tâches de direction, de conception et d’étude en fonction de l’affectation […] au sein des services des institutions organisatrices ». Elle n’avait donc aucune chance d’être recrutée sur un des postes du Conseil durant la période en cause.

46      Ainsi, la requérante ne démontre pas qu’elle a perdu une chance d’être recrutée par le Conseil et qu’elle a, de ce fait, subi un préjudice.

 Sur le calcul de la perte de la chance d’être recrutée par les autres institutions et organes de l’Union pendant la période en cause

47      Le Tribunal de la fonction publique a conclu à l’absence de la perte d’une chance réelle pour la requérante d’être recrutée par les autres institutions et organes de l’Union, en s’appuyant sur l’absence de réponses positives de la part des institutions et des organes de l’Union auxquels elle s’était adressée de sa propre initiative, sur l’absence de disposition statutaire imposant au Parlement l’obligation de fournir l’information en cause aux institutions autres que le Conseil et aux organes de l’Union et sur l’absence de confiance légitime à cet égard constatée dans le premier arrêt sur pourvoi (second arrêt sur pourvoi, point 88).

48      Il ressort du second arrêt sur pourvoi que le Parlement était dans l’obligation de transmettre l’information de l’inscription de la requérante sur la liste d’aptitude tant au Conseil qu’aux autres institutions et organes de l’Union, dans le respect du principe d’égalité de traitement. Le Tribunal de la fonction publique aurait donc dû, pour le calcul de la perte de la chance pour la requérante d’être recrutée en tant que fonctionnaire stagiaire par les autres institutions et organes de l’Union, suivre la même méthode que celle utilisée pour le Conseil (second arrêt sur pourvoi, points 85 à 87).

49      Ainsi, par une mesure d’organisation de la procédure du 15 novembre 2017, il a été demandé aux 35 institutions, agences et organes de l’Union d’indiquer si, pendant la période en cause, il y avait eu des postes permanents vacants et s’ils avaient recruté des fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude d’administrateurs généralistes de langue française ou d’autres fonctionnaires ou agents temporaires, toutes langues confondues, correspondant au profil de la requérante.

50      Il ressort de cette mesure d’organisation de la procédure que l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV), l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), l’Agence du GNSS européen (GSA), l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), l’Agence de l’Union européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA), la Banque européenne d’investissement (BEI), l’Agence européenne des médicaments (EMA), la Fondation européenne pour la formation (ETF) et l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) ne disposaient d’aucun poste permanent vacant ou n’ont recruté aucun fonctionnaire inscrit sur une liste d’aptitude d’administrateurs généralistes de langue française ou d’autres fonctionnaires ou agents temporaires, toutes langues confondues, correspondant au profil de la requérante.

51      La Commission européenne indique ne pas avoir recruté de fonctionnaire lauréat du concours EUR/A/151/98. Onze lauréats de ce concours ont cependant été transférés à la Commission par décision de transfert interinstitutionnel après avoir été recrutés par le Parlement ou le Conseil. Trois lauréats ont directement été recrutés par la Commission, mais en raison de leur réussite à un autre concours organisé par cette dernière. Sur les 1763 recrutements aux grades AD 5 à AD 8 effectués durant la période en cause, 210 recrutés ont comme langue principale ou première langue le français, mais, sur la base des documents obtenus, il n’est pas possible de déterminer s’il s’agit de postes auxquels la requérante aurait pu prétendre. Sur les 76 fonctionnaires de nationalité française recrutés au grade AD 6, quatre n’ont pas de profil connu. Les autres sont des lauréats des concours suivants : COM/R/A/02, le Tribunal n’ayant pas pu identifier à quel profil correspondait ce concours ; EUR/A/166/01 – Administrateurs (A 7/A 6) dans le domaine de l’audit ; COM/LA/3/02 – Traducteurs (LA 7/LA 6) de langue française ; pour huit fonctionnaires, COM/A/3/02 – Administrateurs (A 7/A 6) dans le domaine de la recherche ; pour neuf fonctionnaires, COM/A/1/02 – Administrateurs (A 7/A 6) dans les domaines de l’agriculture, de la pêche et de l’environnement ; COM/A/9/01 – Administrateurs (A 7/A 6) dans le domaine de l’économie et de la statistique ; COM/A/12/01 – Administrateurs (A 7/A 6) dans le domaine des gestions immobilière, logistique et opérationnelle ; COM/A/6/01 – Administrateurs (A 7/A 6) dans le domaine des relations extérieures et de la gestion de l’aide aux pays tiers ; pour cinq fonctionnaires, EPSO/A/12/04 – Administrateurs (A 7/A 6) dans le domaine de l’inspection et de la recherche nucléaires ; pour treize fonctionnaires, EPSO/A/16/04 – Administrateurs (A 7/A 6) dans le domaine de l’informatique ; pour seize fonctionnaires, EPSO/A/18/04 – Administrateurs (A 7/A 6) dans les domaines spécialisés de la santé publique et de la sécurité alimentaire ; pour douze fonctionnaires, EPSO/A/19/04 – Administrateurs (A 7/A 6) dans les domaines spécialisés de l’ingénierie civile, de l’ingénierie, de la chimie/produits chimiques/chimie industrielle et du transport aérien ; pour trois fonctionnaires, EPSO/A/17/04 – Administrateurs (A 7/A 6) spécialisés dans le domaine de la recherche. Même si, pour un certain nombre de postes, le profil du fonctionnaire n’est pas connu ou il n’est fait état que de la langue, il peut être constaté que les profils connus ne correspondent pas à celui de la requérante. Elle n’aurait donc pas pu prétendre être recrutée sur un de ces postes. Par ailleurs, la requérante, dans sa réponse du 15 juin 2018 à la demande du Tribunal d’évaluer la perte de la chance, n’apporte aucune indication permettant au Tribunal de juger si l’un ou l’autre de ces postes dont le profil est connu aurait pu correspondre à son profil.

52      La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) indique avoir recruté un fonctionnaire dont le profil peut être considéré comme correspondant à celui de la requérante. Il est de langue néerlandaise et a été recruté comme administrateur à l’unité « Ressources et projets » de la direction générale de la traduction en tant que lauréat de la liste de réserve du concours général EPSO/AD/25/05 – Administration publique européenne/Ressources humaines.

53      La Banque centrale européenne (BCE) indique que son système de recrutement est différent de celui existant au sein des institutions. Elle recrute sur la base d’un avis de vacance et ne recrute pas de fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude établie par d’autres institutions de l’Union. La requérante n’aurait donc pas pu être recrutée de cette manière. Les avis de vacance publiés durant la période en cause et pour lesquels l’une des conditions pour être recruté était la connaissance de la langue française n’ont pas à être pris en compte pour le calcul de la perte de la chance, car il aurait appartenu à la requérante de soumettre sa candidature. La requérante n’aurait donc pas pu être recrutée par la Banque centrale européenne.

54      La Cour des comptes de l’Union européenne avait des postes permanents vacants pendant la période en cause. Elle a engagé dix fonctionnaires ayant le français comme première ou deuxième langue. Sept fonctionnaires sont issus de listes de réserve établies suite aux concours suivants : EPSO/AD/24/05 – Administrateurs (auditeurs confirmés-A*9) de citoyennetés chypriote, tchèque, estonienne, hongroise, lituanienne, lettone, maltaise, polonaise, slovène, slovaque ; EPSO/AD/27/05 – Administrateurs (AD 5) dans le domaine de l’audit ; pour deux fonctionnaires, EPSO/A/11/03 – Administrateurs adjoints (A 8) dans le domaine de l’audit ; pour deux fonctionnaires, EPSO/AD/5/05 – Administrateurs linguistes (A*5) dans le domaine de la traduction, de langues tchèque, estonienne, hongroise, lituanienne, lettone, maltaise, polonaise, slovène et slovaque ; COM/LA/4/02 – Traducteurs adjoints (LA 8) de langue française. Les trois autres fonctionnaires ont été transférés à la Commission, mais étaient engagés comme auditeurs ou comme « private office attaché » classé au grade AD 5. Neuf des dix fonctionnaires recrutés avaient donc des profils spécialisés ne correspondant pas au profil de la requérante. Il en est de même pour les autres fonctionnaires et agents temporaires recrutés, dont le français n’était pas la première ou la deuxième langue. Sur les onze recrutés, six étaient auditeurs et deux juristes. Les trois derniers étaient engagés sous le titre de « private office attaché ». Sur ces trois, seul un était issu d’une liste de réserve, le français n’étant que sa troisième langue. Selon le Parlement, sur les quatre « private office attaché », un fonctionnaire de langue française classé au grade AD 5 a été recruté sur la base du concours EPSO/A/11/03 pour administrateurs adjoints (A 8) dans le domaine de l’audit. Selon des recherches faites par le Parlement, le fonctionnaire recruté, toutes langues confondues, a également un profil d’auditeur, ayant travaillé à la Cour des comptes comme « auditeur/attaché/team leader ». Les deux autres sont des agents temporaires dont les postes n’auraient pas permis à la requérante d’acquérir le statut de fonctionnaire.

55      Le Comité économique et social européen (CESE) a recruté 25 fonctionnaires sur des postes permanents pendant la période en cause. Quinze l’ont été par transfert interinstitutionnel ou mutation interne. Les dix autres sont lauréats des concours suivants : EPSO/A/18/04 – Administrateurs (A 7/A 6) dans les domaines spécialisés de la santé publique et de la sécurité alimentaire ; EPSO/LA/18/04 – Traducteurs adjoints IT (LA 8) ; EPSO/A/17/04 – Administrateurs (A 7/A 6) spécialisés dans le domaine de la recherche ; EPSO/AD/5/05 – Administrateurs linguistes (A* 5) dans le domaine de la traduction, de langues tchèque, estonienne, hongroise, lituanienne, lettone, maltaise, polonaise, slovène et slovaque ; EPSO/A/19/04 – Administrateurs (A 7/A 6) dans les domaines spécialisés de l’ingénierie civile, de l’ingénierie, de la chimie/produits chimiques/chimie industrielle et du transport aérien ; COM/LA/4/02 – Traducteurs adjoints (LA 8) de langue française ; COM/A/12/01 – Administrateurs (A 7/A 6) dans le domaine des gestions immobilière, logistique et opérationnelle. Tous ces concours nécessitant un profil spécialisé, la requérante n’aurait eu aucune chance d’être recrutée sur un de ces postes. Les quatre postes d’agents temporaires ont également été occupés par des agents ayant un profil académique spécialisé et ont été engagés avant la période en cause. La requérante n’aurait donc pas non plus pu être recrutée sur un de ces postes.

56      Le Comité des régions a recruté douze fonctionnaires et deux agents temporaires qui, selon lui, semblent correspondre au profil de la requérante. Selon le Parlement, aucun des lauréats issus des listes de réserve n’avait un profil d’administrateur généraliste. Il convient de constater que six des douze fonctionnaires ont été recrutés par mutation ou transfert interinstitutionnel, dont quatre en tant que chefs d’unité. Les six lauréats des listes de réserve étaient issus des concours suivants : COM/A/2/02 – Administrateurs adjoints (A 8) dans les domaines de l’agriculture, de la pêche et de l’environnement ; COM/A/10/01 – Administrateurs dans le domaine du droit (A 7/A 6) ; EPSO/AD/4/04 – Administrateurs A*7 de citoyenneté chypriote, tchèque, estonienne, hongroise, lituanienne, lettone, malte, polonaise, slovène et slovaque dans le domaine de l’administration publique européenne ; EPSO/A/18/04 – Administrateurs (A 7/A 6) dans les domaines spécialisés de la santé publique et de la sécurité alimentaire ; EPSO/AD/25/05 – Administrateurs (AD 5) dans le domaine « Administration publique européenne/Ressources humaines », et devaient donc presque tous être spécialisés dans un certain domaine ou issus d’une certaine nationalité. Sur les deux postes d’agents temporaires, un chef d’unité et un chargé de mission de langue française ont été recrutés. Les deux seuls postes auxquels aurait pu éventuellement prétendre la requérante sont le poste d’agent temporaire de langue française ainsi que celui de fonctionnaire issu du concours EPSO/AD/25/05. Il convient cependant de rappeler que la requérante avait passé un concours en vue d’être nommée fonctionnaire de grade AD 6 ou AD 7, aucun de ces deux postes ne correspondant par conséquent à ses exigences.

57      Le Médiateur européen indique n’avoir recruté aucun fonctionnaire ou agent temporaire sur un poste permanent d’administrateur, aucun poste n’ayant été vacant durant cette période. Il a engagé un fonctionnaire et deux agents temporaires sur des postes permanents d’assistants et dix agents temporaires sur des postes d’administrateurs temporaires, ces derniers n’étant cependant pas susceptibles de permettre la nomination d’un fonctionnaire. Sur ces dix postes, huit correspondaient à des profils de juriste, de juriste principal ou de juriste linguiste, un poste concernait le domaine du budget et des finances et le dernier poste, de grade AD 5, était dans le domaine de la communication et de la presse et a été confié à un agent temporaire de langue allemande. Ils ne correspondaient dès lors ni au profil de la requérante, ni à ses exigences.

58      L’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) indique avoir recruté des administrateurs sur la base de procédures de sélection spécifiques organisées par l’agence elle-même, alors que chaque poste de travail nécessite du personnel possédant des compétences spécifiques, conformément aux besoins identifiés dans les services. Entre 2005 et 2007, l’AESM a lancé 65 procédures de sélection, dont trois en vue de l’engagement d’un fonctionnaire. Ces trois postes étaient des postes requérant une certaine spécialisation (chargé de projet juridique, chargé des marchés et contrats, auditeur interne). Les 62 postes d’agents temporaires ne correspondent pas au grade de la requérante ou requièrent une spécialisation dans le domaine maritime. La requérante n’aurait donc pu prétendre à aucun de ces postes sans passer par une procédure de sélection spécifique.

59      L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) ne disposait durant la période en cause d’aucun poste permanent vacant. Les deux seuls postes d’administrateurs existant, qui n’étaient pas des postes d’experts en environnement, étaient celui de chef d’administration et celui de conseiller juridique, tous deux étant également des postes de spécialistes. L’agence ne disposait donc d’aucun poste d’administrateur généraliste correspondant au profil de la requérante.

60      L’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer explique que les ressortissants des États de l’AELE jouissant de leurs droits civiques peuvent être engagés par contrat par le directeur exécutif de l’agence depuis le 1er février 2006, ce qui implique que l’agence ne peut pas recruter sur la base de listes de réserve constituées par le Conseil, le Parlement ou la Commission et n’a donc pas pu faire usage de la liste d’aptitude sur laquelle devait figurer le nom de la requérante. Durant la période en cause, l’agence indique avoir recruté 22 agents temporaires administrateurs sur des listes de réserve établies par elle-même. Sur ces 22 agents, 14 ont été recrutés aux grades AD 8 ou AD 9 et 8 agents au grade AD 5. Sept des huit agents de grade AD 5 ont été recrutés sur des postes de spécialistes dans l’interopérabilité ou la sécurité des transports ferroviaires. Ils avaient tous une expérience d’au moins cinq ans dans le domaine ferroviaire. Le dernier agent a été recruté comme économiste-statisticien, avait une maîtrise en sciences et techniques et une expérience de plus de douze ans dans le domaine du transport. Aucun administrateur n’avait donc un profil d’administrateur généraliste correspondant au profil de la requérante.

61      L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) indique que tous les postes d’administrateurs disponibles entre 2005 et 2007 ont été attribués à des candidats ayant réussi des procédures de sélection spécifiques organisées par l’EFSA elle-même alors que le domaine de compétences de l’EFSA comprend la sécurité de l’alimentation humaine et animale, la nutrition, la santé et le bien-être des animaux ainsi que la protection et la santé des plantes. Cinq fonctionnaires ont été recrutés entre le 16 septembre 2005 et le 16 février 2007. Ils sont issus de listes de réserve établies suites aux concours EPSO/AD/23/05 – Administrateurs (A*5 – Auditeurs adjoints) de citoyennetés chypriote, tchèque, estonienne, hongroise, lituanienne, lettone, maltaise, polonaise, slovène, slovaque ; EPSO/A/18/04 – Administrateurs (A 7/A 6) dans les domaines spécialisés de la santé publique et de la sécurité alimentaire ; et COM/A/2/02 – Administrateurs adjoints (A 8) dans les domaines de l’agriculture, de la pêche et de l’environnement. Ils ont ensuite fait l’objet d’une procédure de sélection par l’EFSA et ont donc tous un profil spécialisé scientifique ou financier ne correspondant pas au profil de la requérante. Sur les 107 administrateurs recrutés en tant qu’agents temporaires, 50 ont un grade supérieur au grade AD 7 et 16 sont de grade AD 5. Sur les 41 postes de grades A*6/A*7 ou AD 6/AD 7, 29 ont un profil scientifique, financier ou informatique. Les douze postes restants sont des postes de grades A*6/A*7 ou AD 6/AD 7 : chargé des ressources humaines ; chargé des marchés et contrats ; chargé de mission (liens institutionnels) ; gestionnaire de base de données pour les données de consommation alimentaire et les données d’occurrence des contaminants […] ; gestionnaire de base de données, épidémiologie ; assistant du directeur exécutif ; responsable des installations ; chargé des événements ; responsable de l’information ; agent de liaison chargé de la coopération ; attaché de presse. Compte tenu du fait que ces postes ne permettaient pas à la requérante d’obtenir un poste de fonctionnaire et compte tenu également du fait qu’elle n’a pas indiqué si l’un ou l’autre de ces postes aurait pu correspondre à son profil d’administrateur généraliste, il convient de conclure qu’elle n’aurait pu prétendre à aucun de ces postes.

62      Le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) n’a pas recruté de fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude d’administrateurs généralistes de langue française ou d’autres fonctionnaires ou agents temporaires, toutes langues confondues, correspondant au profil de la requérante. Il a uniquement recruté sept agents temporaires présentant un profil spécifique, dont le directeur, un contrôleur interne et cinq experts en formation professionnelle. Aucun poste n’aurait par conséquent pu être attribué à la requérante.

63      L’Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL) indique qu’il y avait en 2006 et en 2007 deux agents temporaires dont les profils généraux correspondaient à celui de la requérante, mais l’un avait le grade AD 10 et l’autre le grade AD 5. La requérante n’aurait donc pas pu être recrutée sur un de ces deux postes.

64      L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) avait des postes permanents vacants durant la période en cause, mais n’a recruté aucun fonctionnaire inscrit sur une liste d’aptitude d’administrateurs généralistes de langue française. Six fonctionnaires et agents temporaires ont été recrutés durant cette période : cinq en vue de pourvoir un poste de grade AD 8 à AD 11 et un en vue de pourvoir un poste d’administrateur dans le domaine des finances de grade AD 5 à AD 10, à pourvoir par le transfert interinstitutionnel d’un fonctionnaire en application de l’article 8 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Un fonctionnaire de langue portugaise et de grade AD 10 provenant de la Commission a été recruté sur ce poste. La requérante n’aurait dès lors pas pu être recrutée sur un de ces postes.

65      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) n’a, pendant la période en cause, recruté aucun fonctionnaire à partir d’une liste de réserve ou par voie de transfert interinstitutionnel. Pendant cette même période, seize agents temporaires dans le groupe de fonction « Administrateur » de grade AD 6 et un chef d’unité de grade AD 13 ont été engagés. Cependant, tous les administrateurs AD 6 ont été recrutés à la suite de procédures de sélection spécifiques dans le domaine de la propriété intellectuelle. La requérante n’aurait dès lors pas pu être recrutée sur un de ces postes en tant que lauréate d’un concours pour administrateurs généralistes de langue française.

66      Le Centre de traduction des organes de l’Union européenne (CdT) indique ne pas avoir eu de poste permanent vacant, ni avoir procédé au recrutement de fonctionnaires correspondant au grade et au profil de la requérante. Le CdT a cependant procédé au recrutement de plusieurs agents temporaires correspondant tous au grade de la requérante, mais ils avaient des profils différents et parlaient des langues différentes, s’agissant de traducteurs non francophones. Un seul administrateur, agent temporaire, de grade A*6 et de langue française, a été recruté en date du 1er mars 2006 sur la base d’une liste d’aptitude CDT-A*6-2005/05 – « External translation group coordinator ». Ce poste n’aurait pas permis à la requérante d’obtenir le statut de fonctionnaire. Elle n’indique d’ailleurs pas si ce poste aurait pu faire partie de ceux permettant de chiffrer la perte de chance.

67      Par la même mesure d’organisation de la procédure du 15 novembre 2017, le Parlement était tenu d’indiquer à quelle date, dans quelle institution ou quel organe et sur quel poste chacun des 22 fonctionnaires issus de la liste d’aptitude initiale établie à la suite du concours EUR/A/151/98 a été recruté. Il indique à cet effet que, sur les 22 lauréats, trois ont été recrutés sur la base d’un autre concours. Ensuite, il souligne que 11 des postes qui ont été pourvus sont des postes qui requièrent une grande spécialisation et que les candidats recrutés sur ces postes ne l’ont pas été uniquement sur la base du concours, mais aussi, et surtout, sur la base de leurs expériences professionnelles précédentes. Sur les 22 fonctionnaires issus de la liste d’aptitude en cause, 17 ont été recrutés par la Commission, 2 par le Parlement, 2 par le Conseil et 1 par l’EUIPO.

68      Pour tous les postes permanents vacants et tous les autres postes dans les institutions et organes de l’Union sur lesquels des fonctionnaires ou agents temporaires ont été recrutés pendant la période en cause, la requérante n’a, à aucun moment, et notamment pas en réponse à la question du Tribunal l’invitant à chiffrer sur la base des données reçues de toutes les institutions et organes de l’Union la perte de la chance, indiqué sur quels postes disponibles elle aurait pu, selon elle et selon ses aptitudes, être recrutée.

69      Compte tenu de ces informations, force est de constater que, durant la période en cause, mis à part les recrutements par transfert interinstitutionnel, aucun recrutement externe en tant que fonctionnaire ou agent temporaire ne correspondait exactement au profil de la requérante, qui était d’« effectuer, sur la base de directives générales, des tâches de direction, de conception et d’étude en fonction de l’affectation […] au sein des services des institutions organisatrices ».

70      De toute manière, il convient de rappeler que le fait d’être inscrit sur une liste de réserve ne confère pas un droit acquis à être nommé fonctionnaire. En effet, la décision du jury arrêtant la liste de réserve ne confère pas aux lauréats du concours un droit à nomination, mais uniquement une vocation à être nommé (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, EU:T:2007:218, point 52). Par ailleurs, la vocation à être recruté ne se transforme en chance d’être recruté qu’à compter de la date à laquelle un emploi, pour lequel il est raisonnable de penser que le lauréat peut être recruté, est à pourvoir (arrêt du 13 septembre 2011, AA/Commission, F‑101/09, EU:F:2011:133, point 85).

71      En l’espèce, sans correspondre exactement à son profil, parmi tous les postes qui ont été pourvus au cours de la période en cause, tous types confondus, la requérante n’aurait pu éventuellement prétendre être recrutée que sur quelques-uns.

72      Selon la jurisprudence, pour déterminer le montant de l’indemnité à verser au titre de la perte d’une chance, il convient, après avoir identifié la nature de la chance dont le fonctionnaire ou l’agent a été privé, de déterminer la date à partir de laquelle il aurait pu bénéficier de cette chance, puis de quantifier ladite chance et, enfin, de préciser quelles ont été pour lui les conséquences financières de cette perte de chance (voir arrêt du 13 mars 2013, AK/Commission, F‑91/10, EU:F:2013:34, point 91 et jurisprudence citée).

73      De plus, selon la jurisprudence, lorsque cela est possible, la chance dont un fonctionnaire ou un agent a été privé doit être déterminée objectivement, sous la forme d’un coefficient mathématique résultant d’une analyse précise. Cependant, lorsque ladite chance ne peut pas être quantifiée de cette manière, il est admis que le préjudice subi puisse être évalué ex æquo et bono (voir arrêt du 13 mars 2013, AK/Commission, F‑91/10, EU:F:2013:34, point 92 et jurisprudence citée).

74      En l’espèce, même si la requérante a donné une évaluation chiffrée du montant devant servir de base au calcul de l’indemnité liée à la perte de chance, correspondant à 100 % du montant des traitements qu’elle aurait perçu en cas de recrutement comme fonctionnaire au grade AD 7 à partir du mois de décembre 2003 jusqu’à sa retraite, le Tribunal reste néanmoins dans l’impossibilité de fixer un coefficient mathématique reflétant la chance de la requérante, dans la mesure où les éléments d’analyse fournis par les parties à cet égard sont dénués de la précision suffisante pour permettre au Tribunal de déterminer ce coefficient.

75      Dès lors, faisant usage de la faculté pour le Tribunal d’évaluer le préjudice subi ex æquo et bono, il convient d’allouer à la requérante une somme forfaitaire, en réparation de la perte de chance qu’elle a subie en raison du fait que les institutions et organes de l’Union n’avaient pas été informés de l’inscription de son nom sur la liste d’aptitude.

76      Dans l’évaluation du montant de ladite réparation, il y a lieu de tenir compte du fait que la chance de la requérante d’être recrutée sur un des postes pourvus par les institutions et organes de l’Union pendant la période en cause présente un caractère particulièrement faible, ce qui la rend difficilement quantifiable. Par ailleurs, la requérante n’apporte pas d’éléments à l’appui de sa thèse selon laquelle elle aurait eu de sérieuses chances d’être recrutée sur l’un des postes disponibles dans les institutions et organes de l’Union durant la période en cause. Elle n’avance aucun argument indiquant qu’un tel emploi, correspondant à son profil, aurait été pourvu.

77      Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal fixe, ex æquo et bono, le montant de la réparation à allouer à la requérante au titre de son préjudice matériel résultant de la perte d’une chance d’avoir été recrutée sur un des postes pourvus dans les institutions et organes de l’Union pendant la période en cause à la somme forfaitaire de 6 000 euros.

 Sur les dépens

78      Selon l’article 133 du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt qui met fin à l’instance. Aux termes de l’article 219 dudit règlement, applicable par analogie à la présente procédure de renvoi, il appartient au Tribunal de statuer sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées au titre de l’article 270 TFUE devant le Tribunal de la fonction publique et devant le Tribunal et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant le Tribunal, au titre des articles 9 à 12 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Enfin, conformément à l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

79      En l’espèce, le Tribunal, dans le second arrêt sur pourvoi, a partiellement annulé l’arrêt de renvoi initial et a réservé les dépens.

80      Le Parlement ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le Parlement européen est condamné à payer à CC la somme de 6 000 euros.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Parlement est condamné aux dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      Données confidentielles occultées.