Language of document : ECLI:EU:T:2000:125

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

11 mai 2000 (1)

«Fonctionnaires - Cure de thalassothérapie - Refus d'autorisation préalable - Motivation»

Dans l'affaire T-34/99,

Philippe Pipeaux, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Mensdorf (Luxembourg), représenté par Me L. Vogel, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me E. Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. M. Moore, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du bureau liquidateur de Luxembourg du 6 mars 1998 rejetant la demande d'autorisation préalable de suivre une cure thermale présentée par le requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(juge unique)

juge: M. A. Potocki,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 14 février 2000,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du recours et procédure

1.
    Le 4 février 1998, le requérant a sollicité, auprès du bureau liquidateur du Parlement européen, à Luxembourg, l'autorisation préalable de suivre une cure de thalassothérapie.

2.
    Le 24 février 1998, il a été examiné par le Dr Mertz, médecin-conseil de ce bureau.

3.
    Le 6 mars 1998, le bureau liquidateur a adressé au requérant une décision rejetant sa demande d'autorisation préalable.

4.
    Le 4 juin 1998, le requérant a formé une réclamation contre cette décision. Il y a joint un certificat médical établi le 2 juin 1998 par le Dr Grenot, médecin-chef au centre national de rééducation fonctionnelle et de réadaptation à Luxembourg.

5.
    Le 7 juillet 1998, conformément à l'article 16, paragraphe 2, de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la «réglementation de couverture»), le comité de gestion du régime commun d'assurance maladie (ci-après le «comité de gestion») a été saisi.

6.
    Le 30 juillet 1998, le Dr Mertz a émis son avis à l'intention de ce comité.

7.
    Le 22 septembre 1998, le comité a adopté un avis négatif, qui a été notifié au requérant le 5 octobre 1998.

8.
    Par décision du 4 novembre 1998, l'autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté la réclamation du requérant.

9.
    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 février 1999, le requérant a introduit le présent recours.

10.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

11.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51 du règlement de procédure du Tribunal, la deuxième chambre a attribué l'affaire à M. Potocki, siégeant en qualité de juge unique.

Conclusions des parties

12.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision portant rejet de la réclamation;

-    condamner la partie défenderesse aux dépens.

13.
    La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

14.
    À titre liminaire, il y a lieu d'observer que, bien que les conclusions du requérant visent à l'annulation de la décision portant rejet de sa réclamation, le présent recours a pour effet, conformément à une jurisprudence constante, de saisir le Tribunal de l'acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, à savoir la décision du bureau liquidateur du 6 mars 1998 (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 9 juillet 1997, Echauz Brigaldi e.a./Commission, T-156/95, RecFP p. I-A-171 et II-509, point 23).

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

15.
    Le requérant soutient que, en violation de l'article 25 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), ni la décision du bureau liquidateur du 6 mars 1998, ni l'avis du comité de gestion du 22 septembre 1998, ni la décision rejetant sa réclamation n'expliquent les raisons d'ordre médical pour lesquelles la prise en charge des frais d'une cure de thalassothérapie lui a été refusée. Pourtant, de semblables frais auraient été autorisés les années précédentes.

16.
    La partie défenderesse soutient que la décision comporte une motivation conforme aux principes dégagés par la jurisprudence (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Gaspari/Parlement, T-66/98, RecFP p. I-A-55 et II-287).

Appréciation du Tribunal

17.
    Selon une jurisprudence constante, la motivation d'une décision faisant grief, prescrite par l'article 25, deuxième alinéa, du statut, a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est ou non bien fondée et, d'autre part, de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte et de la nature des motifs invoqués (arrêt de la Cour du 19 novembre 1998, Parlement/Gaspari, C-316/97 P, Rec. p. I-7597, point 26).

18.
    Aux termes du point XI, paragraphe 1, de l'annexe I de la réglementation de couverture, l'autorisation préalable de suivre une cure thermale n'est accordée que pour autant que cette cure ait été reconnue strictement nécessaire par le médecin-conseil du bureau liquidateur. Par conséquent, la référence à l'avis défavorable du médecin-conseil constitue une motivation adéquate, bien que succincte, de la décision administrative portant rejet d'une demande d'autorisation préalable (arrêt Gaspari/Parlement, précité, point 29).

19.
    Il n'est, en revanche, pas nécessaire que l'institution joigne d'office à cette décision ou reproduise dans sa motivation le contenu des appréciations d'ordre médical portées par le médecin-conseil. En effet, de telles appréciations pouvant être couvertes par le secret médical ou des exigences de confidentialité, il incombe à l'intéressé lui-même ou à son médecin traitant, s'il conteste la conclusion du médecin-conseil, de demander à l'institution de lui notifier ou de lui faire notifier, par le service médical de cette dernière, les appréciations médicales du médecin-conseil (arrêt Parlement/Gaspari, précité, points 27 et 28).

20.
    En l'espèce, il y a lieu de relever que la décision du bureau liquidateur du 6 mars 1998 se réfère explicitement à la visite du requérant chez le Dr Mertz le 24 février 1998 et indique: «C[ure] T[hermale] annuelle méd[icalement] non strictement nécessaire, pas d'éléments méd[icaux] nouveaux (voir avis du 31-01-97)». En outre, l'avis du comité de gestion du 22 septembre 1998 se réfère à l'avis négatif «motivé de façon exhaustive» du médecin-conseil.

21.
    Pourtant, il ne ressort pas du dossier que le requérant ait demandé que lui soit transmis, directement ou par l'intermédiaire de son médecin, l'avis du médecin-conseil. En toute hypothèse, cet avis a été communiqué par la partie défenderesse au cours de la procédure contentieuse, facilitant ainsi, pour le Tribunal, l'exercice de son contrôle de la légalité de la décision litigieuse et, pour le requérant, la vérification de son bien-fondé (arrêt Parlement/Gaspari, précité, point 29).

22.
    Le requérant a soutenu qu'une motivation précise était d'autant plus nécessaire en l'espèce que l'autorisation préalable de suivre des cures thermales avait été octroyée les années précédentes. Toutefois, en premier lieu, il ressort du dossier que l'autorisation n'avait pas été délivrée en 1996 et qu'elle ne l'avait été qu'à titre exceptionnel en 1997. En second lieu, même si tel n'avait pas été le cas, il demeure que, compte tenu des exigences de confidentialité rappelées ci-dessus, il appartenait au requérant de demander communication de l'avis médical, ce qu'il n'a pas fait.

23.
    Eu égard à la jurisprudence précitée, il y a lieu de conclure que la décision litigieuse contient une motivation adéquate.

24.
    Le moyen tiré du défaut de motivation doit, en conséquence, être rejeté.

Sur le second moyen, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation

25.
    Le requérant soutient que la décision de refus de la prise en charge des frais liés à la cure est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En effet, d'une part, la prise en charge aurait été autorisée les années précédentes et, d'autre part, la situation médicale du requérant ne se serait pas modifiée depuis lors.

26.
    La partie défenderesse observe qu'il n'existe aucun élément de preuve que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

27.
    Il convient de rappeler que chaque demande d'autorisation préalable doit être appréciée individuellement. Dans ces conditions, le seul fait que, par le passé, l'administration ait considéré que les cures thermales étaient nécessaires ne lie pas le bureau liquidateur dans l'examen des demandes suivantes (arrêt Gaspari/Parlement, précité, point 34).

28.
    Au demeurant, en l'espèce, il ressort du dossier que l'autorisation préalable avait été refusée en 1996 et qu'elle n'avait été accordée qu'«à titre exceptionnel» en 1997.

29.
    Par ailleurs, l'avis du médecin-conseil produit au cours de la présente procédure apparaît circonstancié. Il comporte des appréciations médicales précises, dont aucune n'a fait l'objet d'une contestation spécifique de la part du requérant. À l'inverse, il y a lieu de relever que le certificat médical produit par le requérant en annexe à sa requête est libellé de façon générale. En outre, il se limite à conclure que la cure est «souhaitable» et «médicalement justifié[e]», ce qui ne saurait être regardé comme suffisant pour démontrer qu'elle est «strictement nécessaire» au sens du point XI, paragraphe 1, de l'annexe I de la réglementation de couverture.

30.
    En conséquence, le requérant n'a pas démontré que, en adoptant la décision litigieuse, le bureau liquidateur aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

31.
    Le second moyen doit donc être rejeté.

32.
    Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

33.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Dans ces conditions, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chaque partie supportera ses dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 mai 2000.

Le greffier

Le juge

H. Jung

A. Potocki


1: Langue de procédure: le français.