Language of document : ECLI:EU:T:2020:583

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

2 décembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale FOREX – Déclaration de nullité partielle – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑26/20,

Forex Bank AB, établie à Stockholm (Suède), représentée par Me A. Jute, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Coino UK Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 4 octobre 2019 (affaire R 2460/2018‑2), relative à une procédure de nullité entre Coino UK et Forex Bank,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 janvier 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 1er avril 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 janvier 2006, la requérante, Forex Bank AB, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 54, p. 1)].  

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé, qui est contestée en l’espèce, est le signe verbal FOREX.  

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 6, 9, 16 et 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Équipements de sécurité sous forme d’appareils et instruments pour la mise en sécurité d’argent, de documents de valeur et autres objets de valeur » ;

–        classe 9 : « Cartes magnétiques codées et non codées, sous forme de cartes bancaires et de cartes de débit ; appareils d’encaissement d’argent et informations sur les transferts de fonds (distributeurs automatiques d’argent) ; ordinateurs, dispositifs informatiques périphériques et logiciels enregistrés pour le transfert de fonds et informations en matière de fonds ; équipements de sécurité sous forme de dispositifs d’alarme pour le transport et la mise en sécurité de fonds et d’objets de valeur ; appareils de change et de change de devises » ;

–        classe 16 : « Produits de l’imprimerie, matériel d’information imprimé, publications imprimées, formulaires imprimés et documents de valeur ; cartes de paiement magnétiques en plastique ou en papier » ;

–        classe 36 : « Affacturage ; location de biens immobiliers ; agences immobilières ; gérance de biens immobiliers, estimations immobilières ; estimation numismatique ; assurances contre les accidents ; prêts sur gages ».  

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2006/48, du 27 novembre 2006, et la marque contestée a été enregistrée le 3 mai 2010 sous le numéro 4871836.

5        Le 29 juillet 2015, l’enregistrement de la marque contestée a été renouvelé.

6        Le 17 novembre 2016, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, Coino UK Ltd, a présenté une demande en nullité de la marque contestée pour l’ensemble des produits et services couverts par celle-ci, en invoquant les causes de nullité absolue énoncées à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001].

7        Par décision du 31 octobre 2018, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité pour certains produits relevant des classes 9 et 16 (ci-après les « produits litigieux ») et a partiellement déclaré la nullité de la marque contestée, sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), et l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, à l’égard des produits suivants :

–        classe 9 : « Cartes magnétiques codées et non codées, sous forme de cartes bancaires et de cartes de débit ; appareils d’encaissement d’argent et informations sur les transferts de fonds (distributeurs automatiques d’argent) ; ordinateurs, dispositifs informatiques périphériques et logiciels enregistrés pour le transfert de fonds et informations en matière de fonds ; appareils de change et de change de devises » ;

–        classe 16 : « Formulaires imprimés ; produits de l’imprimerie, matériel d’information imprimé, publications imprimées ».

8        Le 14 décembre 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation en ce que cette dernière a déclaré la nullité de la marque contestée pour les produits litigieux.

9        Par décision du 4 octobre 2019 (affaire R 2460/2018‑2) (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré, premièrement, que les produits litigieux ciblaient à la fois les professionnels et le grand public dont le degré d’attention était généralement élevé en ce qui concerne les produits techniques compris dans la classe 9. Pour les autres produits litigieux, le degré d’attention du public de professionnels serait supérieur à celui du grand public, qui serait moyen. Prenant en considération la perception de la partie anglophone du public pertinent, ladite chambre a estimé que la marque contestée était descriptive des produits litigieux au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. À cet égard, dans le cadre de l’appréciation de la signification de ladite marque, elle a précisé, deuxièmement, que les éléments de preuve produits par Coino UK attestaient que le terme « forex » était connu comme étant l’abréviation de « foreign exchange market ; foreign exchange » (marché du négoce de devises ; négoce de devises) auprès des professionnels tels que les courtiers, les hommes et les femmes d’affaires, les experts économiques ainsi qu’auprès d’une partie du grand public anglophone. Troisièmement, en ce qui concerne les produits compris dans la classe 9, le signe « Forex » indiquerait aux consommateurs que lesdits produits présenteraient un lien avec l’encaissement et le transfert de devises et serait ainsi descriptif de la nature et de la destination de ces produits. Quatrièmement, selon cette chambre, s’agissant des produits compris dans la classe 16, le terme « forex » décrivait l’objet des « produits de l’imprimerie ; matériel d’information imprimé, publications imprimées », étant donné que le marché du forex avait fait l’objet de diverses publications. En outre, le signe « Forex » décrirait la destination des « formulaires imprimés », dans la mesure où il pourrait exister des formulaires à renvoyer, spécialement rédigés pour les opérations de négoce de devises.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant que celle-ci a déclaré la nullité de la marque contestée pour certains produits relevant des classes 9 et 16 ;

–        annuler la décision de la division d’annulation en tant que celle-ci a déclaré la nullité de ladite marque pour certains produits relevant de ces classes ;

–        constater que cette marque reste en vigueur ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens y compris ceux exposés devant la division d’annulation et la chambre de recours.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des documents produits pour la première fois devant le Tribunal

12      L’EUIPO soulève l’irrecevabilité des annexes A 7 et A 8 produites par la requérante au soutien de la requête au motif qu’elles ont été présentées pour la première fois devant le Tribunal. Ces annexes contiennent deux études relatives à la compréhension du terme « forex » en Finlande et au Danemark et tendent à démontrer que ce terme n’était connu que par, respectivement, 15 % et 10 % des personnes interrogées comme ayant la signification « négoce de devises ».

13      À cet égard, il convient de rappeler qu’un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont cette chambre pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée [arrêts du 26 juillet 2017, Staatliche Porzellan-Manufaktur Meissen/EUIPO, C‑471/16 P, non publié, EU:C:2017:602, points 24 et 25 et du 5 novembre 2019, APEDA/EUIPO – Burraq Travel & Tours General Tourism Office (SIR BASMATI RICE), T‑361/18, non publié, EU:T:2019:777, point 17].

14      Il y a lieu de constater que les deux études présentées dans les annexes A 7 et A 8 de la requête ont été réalisées après l’adoption de la décision attaquée du 4 octobre 2019, c’est-à-dire entre le 22 novembre et le 1er décembre 2019 et ne figurent pas dans le dossier administratif de la procédure devant l’EUIPO. Il s’ensuit qu’elles doivent être écartées comme étant irrecevables et qu’elles ne peuvent dès lors être prises en considération aux fins de l’appréciation par le Tribunal de la validité de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Staatliche Porzellan-Manufaktur Meissen/EUIPO, C‑471/16 P, non publié, EU:C:2017:602, points 26 et 27).

 Sur la recevabilité de la requête, pour autant qu’elle renvoie de manière globale aux arguments présentés devant l’EUIPO

15      La requérante renvoie, de manière globale, aux points 2.1 et 3.1.2 de la requête aux arguments qu’elle a présentés devant la division d’annulation et devant la chambre de recours dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO.

16      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit ressortir du texte même de la requête et être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui [voir arrêt du 22 juin 2017, Biogena Naturprodukte/EUIPO (ZUM wohl), T‑236/16, EU:T:2017:416, point 11 et jurisprudence citée].

17      En outre, si le texte de la requête peut être étayé par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale. Il s’ensuit qu’une requête, pour autant qu’elle renvoie aux écrits déposés devant l’EUIPO, est irrecevable dans la mesure où le renvoi global qu’elle contient n’est pas rattachable aux moyens et aux arguments développés dans cette requête elle-même (voir arrêt du 22 juin 2017, ZUM wohl, T‑236/16, EU:T:2017:416, point 12 et jurisprudence citée). De même, une requête qui se limiterait à renvoyer aux arguments présentés devant l’EUIPO sans même préciser si ces arguments ont été présentés oralement ou par écrit est irrecevable dans la mesure où le renvoi global qu’elle contient n’est pas rattachable aux moyens et aux arguments développés dans cette requête elle-même.

18      En l’espèce, la requérante s’étant bornée dans la requête à effectuer un renvoi global aux faits et aux moyens invoqués devant l’EUIPO sans plus de précision, il convient de considérer que la requête, pour autant qu’elle renvoie aux arguments présentés devant l’EUIPO, est irrecevable.

 Sur le fond

19      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les instances de l’EUIPO doivent, pour examiner si les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94 s’opposent à l’enregistrement d’une marque ou doivent entraîner la déclaration de la nullité d’une marque préalablement enregistrée, se placer à la date du dépôt de la demande d’enregistrement [voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3, et du 13 mai 2020, SolNova/EUIPO – Canina Pharma (BIO-INSECT Shocker), T‑86/19, EU:T:2020:199, point 23 et jurisprudence citée].

20      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 25 janvier 2006, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement n40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40 et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

21      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites, par la chambre de recours dans la décision attaquée et par la requérante dans l’argumentation soulevée à l’article 7 du règlement 2017/1001 et à l’article 59, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, comme visant l’article 7 et l’article 51, paragraphe 1, sous a), d’une teneur identique, du règlement no 40/94.

22      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n°40/94 et de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce dernier règlement.

23      La requérante reproche, en substance, à la chambre de recours, premièrement, d’avoir commis une erreur d’appréciation quant au degré d’attention du public pertinent, deuxièmement, de s’être livrée à une appréciation erronée de la signification du terme « forex » et, troisièmement, d’avoir estimé, à tort, que la marque contestée était descriptive des produits litigieux compris dans les classes 9 et 16.

24      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

25      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n°40/94, la nullité d’une marque [de l’Union européenne] est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsque cette marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.

26      Il ressort de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n40/94, que sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En outre, l’article 7, paragraphe 2, du même règlement énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de [l’Union européenne] ».

27      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n40/94 empêche que les signes ou indications visés par cette disposition soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2019, Adapta Color/EUIPO – Coatings Foreign IP (ADAPTA POWDER COATINGS), T‑223/17, non publié, EU:T:2019:245, point 67 et jurisprudence citée].

28      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n40/94, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2019, ADAPTA POWDER COATINGS, T‑223/17, non publié, EU:T:2019:245, point 68 et jurisprudence citée).

29      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n40/94, il faut qu’il présente avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2019, ADAPTA POWDER COATINGS, T‑223/17, non publié, EU:T:2019:245, point 69 et jurisprudence citée).

30      Il convient également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services en cause (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2019, ADAPTA POWDER COATINGS, T‑223/17, non publié, EU:T:2019:245, point 70 et jurisprudence citée).

31      Il appartenait donc à la chambre de recours de déterminer, eu égard à une signification donnée de la marque contestée, si, à la date pertinente, il existait, du point de vue du public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret entre ladite marque et les caractéristiques des produits litigieux au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n40/94.

32      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, l’argumentation de la requérante concernant l’appréciation de la chambre de recours dans la décision attaquée.

33      Premièrement, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était constitué tant de professionnels que du grand public. Selon elle, le degré d’attention du public de professionnels était supérieur à celui du grand public, qui était moyen, sauf en ce qui concerne les produits litigieux compris dans la classe 9 qui étaient des produits techniques à l’égard desquels le degré d’attention était généralement élevé.

34      La requérante ne conteste pas que les produits litigieux ciblent les professionnels et le grand public. En revanche, elle remet en cause l’appréciation de la chambre de recours concernant le degré d’attention du public pertinent en faisant valoir que, en matière de services financiers, un tel degré d’attention est généralement élevé. Le degré d’attention dudit public devrait, par conséquent, être considéré comme étant supérieur à la moyenne. En outre, un caractère distinctif légèrement plus faible d’un signe serait suffisant, eu égard aux spécificités des services financiers, pour exclure que ledit signe se heurte au motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b) ou sous c), du règlement n40/94 en raison du degré d’attention plus élevé du consommateur moyen qui n’utiliserait pas quotidiennement les services financiers.

35      À cet égard, force est de constater que les produits litigieux n’incluent pas de services.

36      Dès lors, l’argumentation de la requérante selon laquelle le degré d’attention du public pertinent en matière de services financiers est généralement élevé est dénué de pertinence. En effet, les éléments invoqués par celle-ci pour étayer son argumentation, à savoir que les décisions de recourir à des services financiers ne sont pas des décisions courantes et sont généralement précédées d’un examen approfondi, ne s’appliquent pas à la partie des produits litigieux pour lesquels la chambre de recours a constaté un degré d’attention du public pertinent au moins moyen, à savoir l’ensemble desdits produits, à l’exception des produits techniques compris dans la classe 9.

37      Il ne saurait donc être soutenu que les différents produits d’imprimerie compris dans la classe 16 sont comparables aux services financiers en ce que la décision portant sur leur achat serait d’une importance élevée et généralement précédée d’un examen plus approfondi.

38      À défaut de comparabilité des produits litigieux avec les services financiers, il convient également de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, eu égard aux spécificités de ces services, un caractère distinctif légèrement plus faible d’un signe serait suffisant pour exclure que ledit signe se heurte au motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n40/94, en raison du degré d’attention plus élevé du consommateur moyen qui n’utiliserait pas quotidiennement ces services financiers.

39      En outre, à titre surabondant, il y a lieu de relever que le fait que le public pertinent soit spécialisé ne saurait avoir une influence déterminante sur les critères juridiques utilisés pour l’appréciation du caractère descriptif d’un signe [voir arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 14 et jurisprudence citée]. En effet, selon la jurisprudence, le degré d’attention du public pertinent n’est pas déterminant pour apprécier si une marque se heurte au motif de refus visé ni à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n40/94, ni à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 14 et jurisprudence citée). Ainsi, selon cette jurisprudence le principe selon lequel, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit, pourrait être remis en cause si le seuil de distinctivité d’un signe dépendait, d’une manière générale, du degré de spécialisation du public pertinent, considération qui vaut également pour l’appréciation du caractère descriptif d’un signe (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 14 et jurisprudence citée).  

40      Deuxièmement, en ce qui concerne la perception de la marque contestée par le public pertinent, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a pris en compte le public anglophone, constitué à la fois de professionnels et une partie du grand public pour parvenir à la conclusion que le terme « forex » était connu comme étant l’abréviation de « foreign exchange market ; foreign exchange » (marché du négoce de devises ; négoce de devises).

41      Si la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le terme « forex » signifie « marché du négoce de devises ; négoce de devises », elle soutient toutefois que cette signification est comprise uniquement par les professionnels. En effet, les éléments de preuve fournis par Coino UK ne prouveraient pas que ladite signification est largement connue du grand public. En premier lieu, le fait que ledit terme est présent dans différents dictionnaires ne prouverait pas que celui-ci est largement connu du grand public. En deuxième lieu, deux études de marché réalisées en novembre 2019 en Finlande et au Danemark auraient prouvé, au contraire, que ce terme n’était connu, respectivement, que par 15 % et 10 % des personnes interrogées comme ayant la signification en question. En troisième lieu, le « groupe de courtiers hautement qualifiés » ne serait pas suffisant pour que soit remplie la condition de l’existence d’une partie non négligeable du public ciblé.

42      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il est suffisant, afin qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction de l’article 7, paragraphe 1, sous b) ou c), du règlement n40/94, qu’un motif de refus existe à l’égard d’une partie non négligeable du public ciblé et qu’il n’était pas nécessaire, à cet égard, d’examiner si les autres consommateurs appartenant au public pertinent connaissaient également ledit signe. Par ailleurs, selon l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement, le paragraphe 1 de ce même article est applicable même si le motif de refus correspondant n’existe que dans une partie de l’Union [voir arrêts du 15 décembre 2016, Intesa Sanpaolo/EUIPO (START UP INITIATIVE), T‑529/15, EU:T:2016:747, point 55 et jurisprudence citée, et du 6 octobre 2017, Karelia/EUIPO (KARELIA), T‑878/16, non publié, EU:T:2017:702, point 27 et jurisprudence citée].

43      Or, force est de constater que la requérante n’a fourni aucun élément permettant d’établir que la partie du public pertinent qui comprend le terme « forex » comme étant l’abréviation de « foreign exchange market ; foreign exchange » représenterait une partie négligeable dudit public.

44      En effet, en premier lieu, la circonstance, mise en exergue par la requérante, selon laquelle seule une fraction du grand public attribue au terme « forex » la signification « marché du négoce de devises ; négoce de devises » et que les éléments de preuve fournis par Coino UK ne prouvent pas que ladite signification soit largement connue du grand public, est dépourvue de pertinence.

45      À cet égard, il suffit de relever que, même à la supposer établie, cette circonstance ne permet pas de constater que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que la signification du terme « forex » était connue des professionnels anglophones et d’une partie du grand public anglophone.

46      À cet égard, en deuxième lieu, la requérante n’a pas davantage démontré, et il ne ressort aucunement du dossier que les professionnels anglophones ainsi qu’une partie du grand public anglophone constituaient une partie négligeable du public pertinent. Si la requérante allègue que le « groupe de courtiers hautement qualifiés » n’est pas suffisant pour que soit remplie la condition de l’existence d’une partie non négligeable du public ciblé, elle n’étaye son allégation par aucun élément précis et circonstancié. Au contraire, comme le fait valoir l’EUIPO, certains des produits litigieux sont destinés exclusivement aux professionnels, tels que les appareils d’encaissement d’argent et informations sur les transferts de fonds (distributeurs automatiques d’argent) ainsi que les appareils de change et de change de devises compris dans la classe 9.

47      En troisième lieu, ainsi qu’il ressort des points 12 à 14 ci-dessus, les deux études de marché réalisées en novembre 2019, mentionnées au point 12 ci-dessus, ne peuvent être prises en considération aux fins de l’appréciation de la validité de la décision attaquée.

48      En tout état de cause, même à supposer que les deux études en cause puissent être prises en considération, force est de constater qu’elles ciblent uniquement la connaissance du grand public au Danemark et en Finlande en 2019 et ne permettent pas de tirer des conclusions à l’égard du public pertinent, à savoir les professionnels ainsi que le grand public. En outre, le public pertinent par rapport auquel il convient d’apprécier le motif absolu de refus est un public anglophone, le signe verbal en cause étant composé d’éléments de langue anglaise. Or, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, s’il n’est pas contesté que le grand public au Danemark et en Finlande a généralement une connaissance de base de l’anglais, il ne saurait être déduit des éléments de preuve que la même perception du terme « forex » existe dans les pays dont la langue officielle est l’anglais. Par ailleurs, le fait que, selon ces études, 15 % des personnes interrogées en Finlande et 10 % des personnes interrogées au Danemark connaissaient la signification du terme « forex », à savoir « foreign exchange », n’est pas apte à remettre en cause le constat de la chambre de recours selon lequel une partie du grand public anglophone reconnaît la signification de ce terme.

49      Par conséquent, c’est à juste titre que le chambre de recours a conclu, aux points 26 à 28 de la décision attaquée, que les éléments de preuve produits par Coino UK Ltd attestent que le terme « forex » est connu comme étant l’abréviation de « foreign exchange market ; foreign exchange » (marché du négoce de devises ; négoce de devises) auprès des professionnels tels que les courtiers, les hommes et les femmes d’affaires, les experts économiques ainsi qu’auprès d’une partie du grand public anglophone.

50      Troisièmement, en ce qui concerne le rapport entre la signification du terme « forex » et les produits compris dans la classe 9, la chambre de recours a considéré que, en relation avec les « cartes magnétiques codées et non codées, sous forme de cartes bancaires et de cartes de débit ; appareils d’encaissement d’argent et informations sur les transferts de fonds (distributeurs automatiques d’argent) ; ordinateurs, dispositifs informatiques périphériques et logiciels enregistrés pour le transfert de fonds et informations en matière de fonds ; appareils de change et de change de devises » compris dans ladite classe, le signe Forex indiquait aux consommateurs que lesdits produits présentaient un rapport avec l’encaissement et le transfert de devises dans la mesure où ces produits étaient des instruments spécifiquement conçus « pour le transfert de fonds et informations en matière de fonds » ainsi que des « appareils de change et de change de devises ». Les produits seraient, en outre, suffisamment spécifiques pour inclure les produits utilisés pour le négoce de devises. Ledit signe serait ainsi descriptif de la nature et de la destination de ces produits.

51      La requérante soutient qu’aucun des produits litigieux compris dans la classe 9 ne fait référence au marché du « négoce de devises », c’est-à-dire le marché professionnel sur lequel les devises sont négociées en vue de tirer profit de la fluctuation des taux. En ce qui concerne le transfert de fonds, la marque contestée ne présenterait pas de lien direct et concret avec ces produits.

52      À cet égard, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, que pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n40/94, il faut qu’il présente avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques.

53      En l’espèce, il y a lieu de constater que la chambre de recours a considéré, à bon droit, au point 33 de la décision attaquée, que le signe Forex indiquait aux consommateurs que les produits litigieux compris dans la classe 9 présentaient un rapport avec l’encaissement et le transfert de devises et que ces produits étaient suffisamment spécifiques pour inclure les produits utilisés pour le négoce de devises.

54      À cet égard, en premier lieu, il convient de préciser que, selon la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, il n’est pas nécessaire que le rapport entre la signification du signe et les produits ou services concernés s’étende à toutes les caractéristiques possibles d’un produit ou d’un service mais qu’il est suffisant qu’il se réfère à l’une de leurs caractéristiques. Or, s’agissant des termes « appareils de change et de change de devises » et « appareils d’encaissement d’argent et informations sur les transferts de fonds (distributeurs automatiques d’argent) », il ressort de leur libellé qu’ils présentent un rapport avec l’encaissement et le transfert de devises. Les « ordinateurs, dispositifs informatiques périphériques et logiciels enregistrés pour le transfert de fonds et informations en matière de fonds » peuvent servir tant pour le négoce que pour le transfert de devises. En ce qui concerne les « cartes magnétiques codées et non codées, sous forme de cartes bancaires et de cartes de débit », comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, celles-ci présentent également un rapport suffisamment direct et concret avec l’encaissement et le transfert de devises dans la mesure où elles peuvent être utilisées par des professionnels afin d’effectuer des opérations de négoce de devises ou pour l’encaissement de devises.

55      En deuxième lieu, dans la mesure où la requérante remet en cause le fait qu’aucun des produits litigieux compris dans la classe 9 ne fait référence au marché du « négoce de devises », il convient de relever, comme l’a considéré la chambre de recours sans commettre d’erreur, que ces produits sont suffisamment spécifiques pour inclure les produits utilisés pour le négoce de devises. En effet, le négoce de devises n’est pas limité à un échange d’informations, mais repose essentiellement sur des outils permettant d’exécuter les transactions, à savoir effectuer l’encaissement et le transfert de devises.

56      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que, en ce qui concerne les produits litigieux compris dans la classe 9, la chambre de recours a considéré, sans commettre d’erreur, que le signe Forex était descriptif pour le public pertinent de la nature et de la destination de ces produits.

57      Quatrièmement, en ce qui concerne le rapport entre la signification du terme « forex » et les produits litigieux compris dans la classe 16, la chambre de recours a considéré, au point 35 de la décision attaquée, que ledit terme était descriptif tant de l’objet des « produits de l’imprimerie ; matériel d’information imprimé, publications imprimées », étant donné que le négoce de devises avait fait l’objet de diverses publications que de la destination des « formulaires imprimés », dans la mesure où il pouvait exister des formulaires à renvoyer spécialement rédigés pour les opérations de négoce de devises.

58      La requérante soutient qu’il n y a aucun lien entre le marché du négoce de devises et les produits litigieux compris dans la classe 16 et que, dès lors, la marque contestée ne saurait fournir de détails sur le type de ces produits.

59      En premier lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne ressort pas de la décision attaquée que le terme « forex » était descriptif du type des produits litigieux compris dans la classe 16. Il en ressort uniquement que ledit terme décrivait l’objet et la destination desdits produits.

60      En deuxième lieu, force est de constater que la requérante n’a pas remis en cause le constat de la chambre de recours selon lequel il ressort des éléments de preuve que le marché du négoce de devises a fait l’objet de diverses publications. En effet, aux points 26 et 27 de la décision attaquée, ladite chambre a donné des exemples de publications datant de 1997 à 2007 et destinées tant pour un public spécialisé que pour le grand public.

61      Comme l’a relevé l’EUIPO, dans ce contexte, le terme « forex » ne sera pas reconnu par le public pertinent comme un indicateur de l’origine commerciale des produits litigieux compris dans la classe 16, tels que les « produits de l’imprimerie ; matériel d’information imprimé, publications imprimées », mais comme une description de l’une des caractéristiques de ces produits, à savoir leur objet.

62      En troisième lieu, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré, au point 35 de la décision attaquée, que le terme « forex » était descriptif de la destination des « formulaires imprimés », dans la mesure où il peut exister des formulaires à renvoyer spécialement rédigés pour les opérations de négoce de devises. La requérante n’a d’ailleurs présenté aucun argument pour réfuter cette appréciation qui était également effectuée par la décision de la division d’annulation, expressément rappelée dans la décision attaquée. Selon la décision de la division d’annulation, il existe des formulaires spécialement rédigés pour les opérations de négoce de devises qui servent dans le cadre d’un négoce par téléphone, pour effectuer une transaction rapide et précise.

63      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours a considéré, à bon droit, que la marque contestée était descriptive pour le public pertinent de l’objet et de la destination des produits litigieux compris dans la classe 16.

64      Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

66      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Forex Bank AB est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.