Language of document : ECLI:EU:T:2015:281


ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

13 mai 2015 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle enregistré représentant un caniveau d’évacuation de douche – Dessin ou modèle antérieur – Motifs de nullité – Nouveauté – Caractère individuel – Caractéristiques visibles du dessin ou modèle antérieur – Produits en cause – Articles 4 à 7, 19 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑15/13,

Group Nivelles, établie à Gingelom (Belgique), représentée par Me H. Jonkhout, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Bonne et M. A. Folliard‑Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Easy Sanitairy Solutions BV, établie à Losser (Pays-Bas), représentée par Me F. Eijsvogels, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 4 octobre 2012 (affaire R 2004/2010‑3), relative à une procédure de nullité entre I-drain BVBA et Easy Sanitairy Solutions BV,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 janvier 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante, contenant des conclusions visant à l’annulation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête, déposé au greffe du Tribunal le 15 juillet 2013,

vu le mémoire en réplique au greffe du Tribunal le 30 septembre 2013,

vu la demande de l’intervenante, déposée au greffe du Tribunal le 14 novembre 2013, tendant au retrait du dossier du mémoire déposé par la requérante le 30 septembre 2013, les observations de la requérante et de l’OHMI sur cette demande, déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 16 et 17 décembre 2013, et la décision du 11 novembre 2014 rejetant cette demande,

vu la question écrite du Tribunal aux parties,

vu les demandes de production de documents adressées par le Tribunal à la requérante et à l’intervenante le 17 novembre 2014,

à la suite de l’audience du 11 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 novembre 2003, l’intervenante, Easy Sanitairy Solutions BV, a présenté une demande d’enregistrement de dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1). Était visé par cette demande le dessin ou modèle dont la représentation est la suivante :

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2        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré en tant que dessin ou modèle communautaire sous le numéro 000107834‑0025 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 19/2004, du 9 mars 2004. Il désigne, d’après cet enregistrement, un « siphon de douche (shower drain) ».

3        Le 31 mars 2009, l’enregistrement du dessin ou modèle contesté a été renouvelé. Ce renouvellement a fait l’objet d’une publication au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 61/2009, du 2 avril 2009.

4        Le 3 septembre 2009, I-drain BVBA a présenté une demande en nullité du dessin ou modèle contesté, conformément à l’article 52 du règlement no 6/2002. Au soutien de cette demande, elle a invoqué le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002. Ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ces conditions tiennent, notamment, à la nouveauté (au sens de l’article 5 dudit règlement) et au caractère individuel (au sens de l’article 6 du même règlement) du dessin ou modèle concerné, appréciés à la date de sa divulgation au public, déterminée conformément à l’article 7 du règlement en question.

5        À l’appui de sa demande en nullité, I-drain a produit, notamment, des extraits des deux catalogues de produits de la société Blücher (ci‑après les « catalogues Blücher »). Les catalogues Blücher comportaient, notamment, l’illustration suivante :

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6        Le 30 août 2010, à la suite d’une fusion par absorption, la requérante, Group Nivelles, a succédé aux droits et aux obligations d’I-drain, laquelle a cessé d’exister en tant que personne morale.

7        Par décision du 23 septembre 2010, la division d’annulation de l’OHMI a prononcé la nullité du dessin ou modèle contesté, faisant ainsi droit à la demande en ce sens qui lui avait été soumise par I-drain.

8        La division d’annulation a indiqué qu’il ressortait clairement des arguments d’I-drain que sa demande en nullité était fondée sur la prétendue absence de nouveauté et de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire contesté (point 3 de la décision de la division d’annulation). Selon elle, ce dessin ou modèle représentait une plaque, une cuve et un siphon de douche, stricto sensu, et la seule caractéristique visible de ce dessin ou modèle était la partie supérieure de ladite plaque (point 15 de la décision de la division d’annulation). Or, cette plaque serait identique à celle figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus et le dessin ou modèle contesté serait dépourvu de nouveauté par rapport au dessin ou modèle figurant sur ce document (point 19 de la décision de la division d’annulation). La division d’annulation a, en outre, rejeté comme dépourvu de pertinence l’argument de l’intervenante selon lequel la plaque figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus était utilisée dans un environnement différent de celui dans lequel le produit concerné par le dessin ou modèle contesté était destiné à être utilisé. Selon elle, « l’usage du produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé n’est pas un élément [de son] apparence et par conséquent la différence n’a pas d’impact sur la comparaison des deux dessins en conflit » (point 20 de la décision de la division d’annulation).

9        Le 15 octobre 2010, l’intervenante a formé un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par décision du 4 octobre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation du 23 septembre 2010. En substance, elle a considéré, contrairement à la division d’annulation, que le dessin ou modèle communautaire contesté présentait un caractère nouveau, au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002, dans la mesure où il n’était pas identique à la plaque figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus, mais présentait, par rapport à elle, des différences qui n’étaient ni « minimales » ni « difficiles à apprécier de manière objective » et qui, par conséquent, ne pouvaient pas être considérées comme insignifiantes (points 31 à 33 de la décision attaquée). Elle a renvoyé l’affaire devant la division d’annulation « pour suite à donner à la demande d’annulation fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), lu en conjonction avec [l’article 4, paragraphe 1, et l’article 6] » du règlement no 6/2002 (point 2 du dispositif de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        entériner, le cas échéant après correction des motifs, la décision de la division d’annulation du 23 septembre 2010.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        annuler la décision attaquée pour un motif autre que ceux invoqués par la requérante ;

–        condamner la requérante ainsi que l’OHMI aux dépens.

14      Dans le mémoire prévu par l’article 135, paragraphe 3, du règlement de procédure, déposé au greffe du Tribunal par la requérante le 30 septembre 2013, celle-ci a maintenu ses conclusions initiales et a précisé qu’elle demandait, en outre, le rejet du « recours incident » présenté par l’intervenante et la condamnation de « l’OHMI [ou de] l’intervenante » aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

15      L’OHMI fait valoir que le deuxième chef de conclusions de la requérante est irrecevable. Selon lui, la requérante demande, en substance, au Tribunal de confirmer la décision de la division d’annulation du 23 septembre 2010. Or, il ressortirait de la jurisprudence [arrêts du 27 septembre 2011, El Jirari Bouzekri/OHMI – Nike International (NC NICKOL), T‑207/09, EU:T:2011:537, points 15 à 17, et du 29 février 2012, Certmedica International et Lehning entreprise/OHMI – Lehning entreprise et Certmedica International (L112), T‑77/10 et T‑78/10, EU:T:2012:95, point 32] que le Tribunal n’a pas compétence pour adopter des arrêts confirmatifs ou déclaratoires. [REP. OHMI point 12]

16      L’intervenante, pour sa part, n’excipe pas expressément de l’irrecevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante, mais fait valoir que le Tribunal ne peut pas confirmer la décision de la division d’annulation du 23 septembre 2010 et que, si le Tribunal annule la décision attaquée, l’affaire doit être renvoyée à la chambre de recours, qui devra se prononcer en prenant en considération l’arrêt d’annulation.

17      Ces arguments ne sauraient prospérer.

18      Tout d’abord, la jurisprudence invoquée par l’OHMI est dépourvue de pertinence. Dans les deux arrêts cités par l’OHMI, il est question de chefs de conclusions tendant à la confirmation, par le Tribunal, de la décision de la chambre de recours (et non de la décision de l’instance inférieure de l’OHMI), sur un point sur lequel cette décision était favorable à la partie ayant formé le recours devant le Tribunal. Le Tribunal a donc considéré qu’il résultait de l’article 65, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1) (dont le contenu est identique à celui de l’article 61, paragraphes 2 et 3, du règlement no 6/2002), qu’est irrecevable un chef de conclusions par lequel un requérant ne cherche qu’une confirmation du moyen ou des arguments qu’il avait présentés à l’occasion du recours devant la chambre de recours et que cette dernière avait accueilli favorablement (arrêts NC NICKOL, point 15 supra, EU:T:2011:537, point 17, et L112, point 15 supra, EU:T:2012:95, point 32).

19      En effet, l’article 61 du règlement no 6/2002 prévoit, au paragraphe 1, que les décisions des chambres de recours sont susceptibles d’un recours devant le Tribunal, au paragraphe 2, que ce recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du règlement no 6/2002 et de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir, au paragraphe 3, que le Tribunal est compétent tant pour annuler que pour réformer la décision attaquée et, enfin, au paragraphe 4, que le recours est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’ait pas fait droit à ses prétentions. Il résulte, par ailleurs, a contrario de ce dernier paragraphe qu’une partie à la procédure devant la chambre de recours ne peut pas former régulièrement un recours devant le Tribunal contre la décision de ladite chambre de recours qui a fait entièrement droit à ses prétentions.

20      Or, en l’espèce, le deuxième chef de conclusions de la requérante ne tend pas à la confirmation, en tout ou en partie, de la décision attaquée, qui, d’ailleurs, est défavorable à la requérante. Il tend à ce que le Tribunal prenne lui-même la décision que la chambre de recours aurait dû ou aurait pu prendre, c’est-à-dire la décision de rejeter le recours devant elle et de confirmer, par conséquent, la décision de la division d’annulation du 23 septembre 2010. En d’autres termes, il tend à l’exercice, par le Tribunal, du pouvoir de réformation de la décision de la chambre de recours, dont il est investi en vertu de l’article 61, paragraphe 3, du règlement no 6/2002. Un tel chef de conclusions est donc recevable [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2010, Beifa Group/OHMI – Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instrument d’écriture), T‑148/08, Rec, EU:T:2010:190, points 40 à 44].

 Sur la prise en considération d’une page de l’annexe A.9 de la requête

21      L’OHMI et l’intervenante font valoir que la requérante a présenté, à la page 76 de l’annexe A.9 de la requête, un document qui n’avait pas été présenté devant l’OHMI. Ils demandent, dès lors, que ce document ne soit pas pris en considération par le Tribunal.

22      À cet égard, il convient de relever, à la lecture du dossier de la procédure devant l’OHMI, transmis au Tribunal en application de l’article 133, paragraphe 3, du règlement de procédure de ce dernier, que le document présenté à la page 76 de l’annexe A.9 de la requête ne figure pas parmi les documents qui avaient été présentés par les parties devant l’OHMI. Certes, la page 75 de ladite annexe comporte une copie d’un courriel du 5 octobre 2009, envoyé par M. M. F. de l’entreprise Blücher à M. R. G. de la société I-drain, qui avait été communiqué par la requérante dans l’annexe 4 du mémoire d’observations qu’elle avait déposé, le 2 avril 2010, devant la division d’annulation. Toutefois, le document présenté à la page 76 de cette annexe ne figure ni parmi les annexes de ce mémoire d’observations ni, plus généralement, parmi les différents documents présentés par les parties lors de la procédure devant l’OHMI. Par ailleurs, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le représentant de la requérante a confirmé que le document présenté à la page 76 de l’annexe en question ne l’avait pas été lors de la procédure devant l’OHMI.

23      Or, il y a lieu de rappeler que le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 61 du règlement no 6/2002, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui.

24      Il convient donc d’écarter des débats le document présenté à la page 76 de l’annexe A.9 de la requête sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa force probante [voir, en ce sens, arrêt Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire) (T‑9/07, EU:T:2010:96), point 24 et jurisprudence citée].

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de l’intervenante

25      Dans ses observations relatives à la demande de l’intervenante visant le retrait du dossier du mémoire prévu par l’article 135, paragraphe 3, du règlement de procédure, présenté par la requérante le 30 septembre 2013, l’OHMI a, notamment, excipé de l’irrecevabilité du deuxième chef de conclusions de l’intervenante. Selon lui, la demande d’annulation de la décision attaquée poursuivie par l’intervenante est irrecevable, dès lors qu’il s’agit d’une décision qui lui donne raison. À l’appui de son argumentation, il invoque l’arrêt du 16 décembre 2008, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUD) (T‑225/06, T‑255/06, T‑257/06 et T‑309/06, Rec, EU:T:2008:574, points 150 et 151).

26      Quand bien même l’exception d’irrecevabilité visant le deuxième chef de conclusions de l’intervenante ne pourrait pas être invoquée par l’OHMI dans ses observations sur la demande de l’intervenante visant le retrait du dossier du mémoire prévu à l’article 135, paragraphe 3, du règlement de procédure, il y aurait lieu de l’examiner, dès lors qu’il s’agit d’une question susceptible, le cas échéant, d’être examinée d’office par le Tribunal.

27      À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que, aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, un intervenant visé au paragraphe 1 du même article (qui se réfère aux parties à la procédure devant la chambre de recours autres que la partie requérante) peut, dans son mémoire en réponse, formuler des conclusions visant à l’annulation ou la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête et présenter des moyens non soulevés dans la requête.

28      Ensuite, il convient d’écarter, comme dépourvue de pertinence, la référence à l’arrêt BUD, point 25 supra (EU:T:2008:574, points 150 à 151). Dans cet arrêt, le Tribunal a rejeté certains arguments de la partie intervenante dans cette affaire, en relevant que, « à supposer que les arguments [en question] doivent être compris comme un moyen autonome fondé sur l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, il convient de relever que ce moyen est incompatible avec les propres conclusions de l’intervenante […] [laquelle] n’a pas conclu à l’annulation ou à la réformation de [la décision de la chambre de recours dans cette affaire] en vertu de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure » (arrêt BUD, point 25 supra, EU:T:2008:574, points 150 et 151). Or, en l’espèce, l’intervenante conclut, précisément, à l’annulation de la décision attaquée.

29      S’agissant de l’argument de l’OHMI, selon lequel la décision attaquée « donne raison » à l’intervenante, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, une décision d’une chambre de recours doit être considérée comme ayant fait droit aux prétentions de l’une des parties devant cette chambre, lorsqu’elle accueille la demande de cette partie sur la base d’une partie seulement de l’argumentation présentée par ladite partie, quand bien même elle omettrait d’examiner ou elle rejetterait les autres motifs ou arguments invoqués par cette même partie [voir arrêt du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T‑504/09, Rec, EU:T:2011:739, point 26 et jurisprudence citée]. En revanche, une décision d’une chambre de recours de l’OHMI ne fait pas droit, au sens de l’article 61, paragraphe 4, du règlement no 6/2002, aux prétentions d’une partie, lorsqu’elle se prononce sur une demande déposée devant l’OHMI par cette partie dans un sens qui lui est défavorable (voir, par analogie, arrêt VÖLKL, précité, EU:T:2011:739, point 27 et jurisprudence citée).

30      En l’espèce, la division d’annulation a constaté que la demande en nullité de la requérante était fondée, en substance, sur la prétendue absence de nouveauté et de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire contesté. Elle a, ensuite, considéré que ce dernier dessin ou modèle était identique, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, à un dessin ou modèle antérieur, à savoir celui représentant une plaque figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus.

31      Tant devant la division d’annulation, dans son mémoire d’observations du 22 juin 2010, déposé en réponse aux observations de la requérante du 2 avril 2010 mentionné au point 22 ci-dessus, que devant la chambre de recours (voir le résumé des arguments de l’intervenante au point 14 de la décision attaquée, notamment la partie intitulée « Prise en considération indue, par la division d’annulation, du document D1, aux fins de déterminer la nouveauté et le caractère individuel du dessin ou modèle contesté », pages 9 à 13 de la décision attaquée), l’intervenante a, notamment, soutenu que l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus, également reproduite au point 8 de la décision de la division d’annulation, ne représentait pas un siphon de douche, mais seulement des grilles pouvant être utilisées pour des caniveaux.

32      L’intervenante a, dès lors, fait valoir que l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus et, plus généralement, les produits figurant dans les catalogues Blücher étaient entièrement différents du produit concerné par le dessin ou modèle contesté. Cela devait avoir pour conséquence, selon l’intervenante, qu’il ne pouvait pas être tenu compte de ces produits aux fins de l’appréciation de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

33      Cette argumentation n’a pas été admise par la chambre de recours. Au contraire, comme le relève à juste titre l’intervenante, au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que « le dessin ou modèle antérieur [était] constitué d’un siphon de douche très simple et rectangulaire ». Elle a, ainsi, implicitement, mais clairement, rejeté l’argument de l’intervenante, selon lequel il s’agirait, plutôt, d’une grille de caniveau. Le rejet de cet argument a nécessairement entraîné le rejet de l’argumentation de l’intervenante, selon laquelle les dessins ou modèles figurant dans les catalogues Blücher ne sauraient être pris en considération aux fins de l’appréciation de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

34      En effet, si la chambre de recours a, certes, annulé la décision de la division d’annulation prononçant la nullité de ce dernier dessin ou modèle pour absence de nouveauté, elle a, tout de même, renvoyé l’affaire devant la division d’annulation « pour suite à donner à la demande d’annulation fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), lu en conjonction avec [l’article 4, paragraphe 1, et l’article 6], » du règlement no 6/2002, comme le relève le point 2 du dispositif de la décision attaquée. Il résulte de la référence à l’article 6 dudit règlement, qui concerne le caractère individuel, qu’il incombe à la division d’annulation, à la suite du renvoi de l’affaire devant elle, d’analyser la question de l’existence d’un tel caractère du dessin ou modèle contesté. Par ailleurs, au point 36, dernière phrase, de la décision attaquée, la chambre de recours a expressément relevé que ce « nouvel examen devra reposer sur les faits, preuves et arguments produits devant la division d’annulation ainsi que sur les nouveaux faits, preuves et arguments produits par les deux parties devant la chambre » de recours, y compris, par conséquent, les catalogues Blücher que l’intervenante voulait voir écartés de cette analyse.

35      Il en résulte que la décision attaquée se prononce sur une demande de l’intervenante dans un sens qui lui est défavorable et, par conséquent, doit être regardée comme n’ayant pas fait droit à ses prétentions, au sens de l’article 61, paragraphe 4, du règlement no 6/2002. L’intervenante est, donc, recevable à demander son annulation, par son deuxième chef de conclusions, et les arguments en sens contraire de l’OHMI doivent être rejetés [voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2009, Laytoncrest/OHMI – Erico (TRENTON), T‑171/06, Rec, EU:T:2009:70, point 21 et arrêt VÖLKL, point 29 supra, EU:T:2011:739, point 28].

 Sur le bien-fondé du premier chef de conclusions de la requérante

36      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une erreur commise par la chambre de recours lors de la comparaison du dessin ou modèle contesté avec les dessins et modèles antérieurs qui avaient été invoqués à l’appui de la demande en nullité. Selon elle, cette erreur a conduit la chambre de recours à la conclusion erronée selon laquelle le dessin ou modèle contesté était nouveau au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002.

37      Ainsi, il est nécessaire, d’abord, d’identifier le dessin ou modèle antérieur qui a été pris en considération par les instances de l’OHMI lors de l’analyse de la demande en nullité. Ensuite, dans la mesure où la protection d’un dessin ou modèle, au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, consiste en la protection de l’apparence d’un produit et où, ainsi qu’il ressort du considérant 12 de ce règlement, cette protection ne devrait pas être étendue aux pièces qui ne sont pas visibles lors d’une utilisation normale du produit concerné [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2014, Biscuits Poult/OHMI – Banketbakkerij Merba (Biscuit), T‑494/12, Rec, EU:T:2014:757, points 19 et 20 et arrêt du 3 octobre 2014, Cezar/OHMI – Poli-Eco (Insert), T‑39/13, Rec, EU:T:2014:852, points 40, 51 et 52), il convient d’identifier les éléments visibles de ce dessin ou modèle antérieur. Enfin, il convient de vérifier si la comparaison entre les éléments visibles des dessins ou modèles contesté et antérieur a correctement été effectuée par la chambre de recours.

38      Avant de procéder à cet examen, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, aux termes de l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002, on entend par « dessin ou modèle » l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture ou des matériaux du produit lui-même ou de son ornementation.

39      En outre, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du même règlement, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

40      À cet égard, l’article 5 du règlement no 6/2002, dispose ce qui suit :

« 1.      Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public :

[…]

b)      dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.

2.      Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants. »

41      Il ressort, ainsi, de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 que deux dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants, c’est-à-dire des détails qui ne seront pas immédiatement perceptibles et qui ne produiront donc pas de différences, même faibles, entre lesdits dessins ou modèles. A contrario, afin d’apprécier la nouveauté d’un dessin ou modèle, il convient d’apprécier l’existence de différences qui ne sont pas insignifiantes entres les dessins ou modèles en conflit, même si celles-ci sont faibles [arrêt du 6 juin 2013, Kastenholz/OHMI – Qwatchme (Cadrans de montre), T‑68/11, Rec, EU:T:2013:298, point 37].

42      Il convient également de résumer ce qui a été décidé dans la décision de la division d’annulation et dans la décision attaquée.

43      La division d’annulation a considéré, au point 15 de sa décision, que le dessin ou modèle contesté représentait un « siphon de douche (shower drain) » composé d’une plaque, d’une cuve et d’un siphon. Elle a ajouté, à cet égard : « La cuve et le siphon sont montés sur la surface inférieure de la plaque. »

44      En se référant à la représentation du dessin ou modèle contesté, telle qu’elle est reproduite au point 1 ci-dessus, il peut être constaté que, de gauche à droite, la première image montre la plaque avec, en dessous, la cuve (vers laquelle s’écoule l’eau) et, au centre de cette dernière, le raccord du siphon ; la deuxième image montre la partie inférieure de la cuve avec, au centre, le raccord du siphon et, enfin, la troisième image montre la partie supérieure de la plaque.

45      Au point 16 de sa décision, la division d’annulation a relevé que, « [p]endant une utilisation normale, c’est-à-dire lorsque la douche [fonctionnait], la plaque [était] intégrée dans le sol, la cuve et le siphon n’étant pas alors visibles ». Sur la base de cette considération, elle a conclu, au point 19 de sa décision, que « [l]a seule caractéristique visible du dessin ou modèle contesté [était] la partie supérieure de la plaque ». Dès lors que, selon elle, cette caractéristique visible du dessin ou modèle contesté était identique à « la caractéristique montrée dans D1 », elle a conclu à l’absence de nouveauté du dessin ou modèle contesté.

46      Dans son recours devant la chambre de recours, l’intervenante a, notamment, fait valoir que c’était à tort que la division d’annulation avait considéré que la plaque de recouvrement était le seul élément visible du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, après son installation. Selon elle, le côté de la plaque ainsi que les rainures présentes de part et d’autre de la plaque étaient également visibles. Partant, la division d’annulation n’aurait pas comparé l’ensemble des caractéristiques pertinentes du dessin ou modèle contesté avec les « caractéristiques figurant à D1 », de sorte que la conclusion de la décision de la division d’annulation, selon laquelle ledit dessin ou modèle serait privé de nouveauté, serait erronée.

47      Une lecture attentive de la décision attaquée révèle, malgré une formulation quelque peu ambiguë, que l’argument selon lequel la partie supérieure de la plaque de recouvrement n’est pas le seul élément de celle-ci qui resterait visible après installation du « siphon de douche » (shower drain) concerné par le dessin ou modèle contesté a été admis par la chambre de recours. Cette dernière relève, en effet, au point 31 de ladite décision que « le dessin ou modèle contesté est composé d’une plaque de recouvrement de forme rectangulaire, mais aussi de rainures latérales et de bords extérieurs fins du siphon de douche, tous ces éléments étant visibles lors de l’utilisation normale ».

48      Il convient de relever, à cet égard, que le produit concerné par le dessin ou modèle contesté est composé, comme l’avait à juste titre constaté la division d’annulation, d’une plaque de recouvrement, d’une cuve et du raccord d’un siphon de douche. Plus particulièrement, l’eau de la douche s’écoule vers la cuve et, à travers le siphon, est acheminée vers la canalisation. La cuve est couverte de la plaque de recouvrement, dont une caractéristique particulière est qu’elle est solide, c’est-à-dire qu’elle ne comporte pas, sur sa surface, de trous qui permettraient à l’eau de s’écouler vers la cuve. L’écoulement de l’eau vers la cuve s’effectue par deux rainures, de part et d’autre des côtés longs de la plaque.

49      Après l’installation du « siphon de douche (shower drain) » concerné par le dessin ou modèle contesté, c’est-à-dire son intégration dans le sol de douche, ce n’est pas seulement la partie supérieure de la plaque qui est visible, mais également, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours au point 31 de la décision attaquée, les deux rainures latérales ainsi que la partie supérieure de la bordure de la cuve. C’est à l’évidence à ce dernier élément que la chambre de recours se réfère lorsqu’elle évoque les « bords extérieurs fins » du « siphon de douche (shower drain) ». Ce sont, en outre, ces considérations qui justifient la conclusion selon laquelle la phrase du point 31 de la décision attaquée, citée au point 47 ci-dessus, doit être comprise en ce sens que la chambre de recours a considéré, tout comme l’intervenante, que les parties visibles, « lors de l’utilisation normale » du siphon de douche (shower drain) concerné par le dessin ou modèle contesté, c’est-à-dire après son installation, étaient non seulement la partie supérieure de la plaque de recouvrement, mais également les autres éléments susmentionnés de ce produit.

50      En tenant compte des considérations qui précèdent, il convient de procéder à l’analyse du moyen unique de la requérante.

51      Dans le cadre du recours, la requérante n’avance pas d’arguments qui pourraient remettre en cause les considérations exposées aux points 47 à 49 ci-dessus. Elle conteste, plutôt, les termes de la comparaison, effectuée par la chambre de recours, entre le dessin ou modèle contesté et le « dessin ou modèle antérieur », mentionné au point 31 de la décision attaquée. Selon elle, ce dernier point de la décision attaquée témoigne d’une lecture erronée, par la chambre de recours, du point 19 de la décision de la division d’annulation.

52      La requérante fait remarquer que la division d’annulation a utilisé, dans sa décision, l’abréviation « D1 » pour se référer à l’ensemble des extraits des catalogues Blücher qui avaient été versés au dossier, et non à la seule illustration reproduite au point 5 ci-dessus, qui a également été reproduite au point 8 de la décision de la division d’annulation. Ladite illustration ne serait qu’une partie du document appelé « D1 » dans la décision de la division d’annulation. Par ailleurs, selon la requérante, la constatation de la division d’annulation, figurant au point 8 de sa décision, n’était pas tout à fait correcte, dès lors que cette illustration ne représentait pas un « caniveau d’écoulement », mais seulement une « grille zéro » d’un caniveau d’écoulement. La requérante explique que, par l’expression « grille zéro » il faut entendre une grille placée dans une cuve d’évacuation qui est installée dans le sol. Cette grille ne présenterait pas de perforations sur sa surface horizontale, de sorte que le liquide à évacuer ne pourrait s’écouler que le long des côtés de la grille.

53      La requérante fait valoir que la « grille zéro » présentée dans l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus correspond à la « grille zéro » du dessin ou modèle contesté. Toutes les deux seraient fabriquées en acier inoxydable et auraient l’apparence d’un quadrilatère oblong. Aucune d’entre elles n’aurait de perforations sur sa surface horizontale, de sorte que le liquide à évacuer ne pourrait que s’écouler vers la cuve d’évacuation par les côtés. La requérante précise, à cet égard, que le trou visible sur la plaque figurant au centre de ladite illustration aurait pour unique fonction de permettre d’enlever la grille de la cuve aux fins de nettoyage. Elle en conclut que l’image susmentionnée ne montre rien de plus et rien de moins qu’une plaque de recouvrement rectangulaire, en d’autres termes une « grille zéro », en provenance de l’entreprise danoise Blücher, datant de 1998 et dont la désignation de type est « Spaltrost » (en allemand) ou « Spalterist » (en danois), ce qui signifie « grille aux fentes ».

54      La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur, dans la mesure où il est relevé, en son point 31, que « le dessin ou modèle antérieur (D1) est composé d’un siphon de douche [(shower drain)] très simple et rectangulaire composé d’une plaque de couverture munie d’un trou ». Or, il serait un fait notoire qu’une évacuation de douche n’est pas seulement composée d’une plaque de recouvrement, laquelle, comme son nom l’indique, sert à recouvrir quelque chose, en l’occurrence l’évacuation de douche ou la cuve d’évacuation. Selon elle, la chambre de recours n’a donc pas tenu compte du fait que l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus présente seulement l’apparence d’une plaque de recouvrement et non l’apparence complète, visible lors d’un usage normal, de l’évacuation de douche qui constitue le modèle ou dessin antérieur, inclus dans les catalogues Blücher.

55      La requérante fait ainsi valoir qu’il ressort des points 7 et 31 de la décision attaquée que la chambre de recours a, à tort, comparé l’apparence visible lors d’un usage normal du dessin ou modèle contesté à la seule plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus. Or, il pourrait être déduit du contexte des catalogues Blücher, produits par la requérante devant l’OHMI, que la « grille zéro » visible dans cette image devrait être placée entre les bords extérieurs droits de la cuve d’évacuation et que la surface du sol qui entourerait la cuve, les bords extérieurs droits de la cuve, ainsi que la « grille zéro » placée entre eux, se trouveraient à la même hauteur. Tel serait également le cas pour le dessin ou modèle contesté.

56      Par ailleurs, il ressortirait du contexte des catalogues Blücher que la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus, tout comme les plaques de recouvrement d’autres types, était destinée à être placée entre les bords droits de la cuve d’évacuation installée dans le sol. La cuve d’évacuation elle-même figurerait sur la première et dernière page des catalogues en question, avec la différence que, dans cette représentation, elle serait pourvue d’une grille comprenant, sur sa surface, des perforations.

57      Selon la requérante, lorsque la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus est placée dans une cuve d’évacuation telle que celle figurant dans les catalogues Blücher, un tel dispositif d’évacuation de douche présenterait, lors d’une utilisation normale, une apparence comprenant non seulement la plaque de recouvrement, mais également, et contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, les côtés ou bords de ladite plaque, les fentes allongées de part et d’autre de la plaque ainsi que le fin bord extérieur de la cuve d’évacuation.

58      La requérante soutient, par conséquent, que la chambre de recours a fondé la décision attaquée sur des motifs inexacts ainsi que sur une comparaison erronée des dessins ou modèles en cause.

59      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 45 à 47 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, après l’installation du siphon de douche (shower drain) représenté par le dessin ou modèle contesté, la surface horizontale de la plaque de recouvrement n’était pas son seul élément qui resterait visible. La division d’annulation, qui était parvenue à la conclusion contraire, au point 16 de sa décision, avait ainsi commis une erreur qu’il revenait à la chambre de recours de rectifier.

60      Or, la chambre de recours n’a pas tiré, dans la décision attaquée, les conséquences correctes de l’erreur qu’elle avait constatée.

61      Il est exact que c’était à tort que, aux fins de l’appréciation de la nouveauté du dessin ou modèle contesté, la division d’annulation avait procédé à une comparaison de la seule plaque de recouvrement comprise dans le dessin ou modèle contesté avec la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il soit possible d’apprécier la nouveauté du dessin ou modèle contesté en comparant tous les éléments de celui-ci qui restent visibles après son installation, avec la seule plaque figurant au centre de l’illustration en question. Cela revient en effet à effectuer une comparaison entre, d’une part, l’ensemble des éléments visibles d’un dispositif d’évacuation de douche (celui représenté par le dessin ou modèle contesté) et, d’autre part, un seul élément d’une évacuation de douche antérieure.

62      À cet égard, il n’est pas nécessaire de déterminer si, comme le fait valoir la requérante (voir point 54 ci-dessus), il est notoire qu’une évacuation de douche n’est pas seulement composée d’une plaque de recouvrement. Il suffit de constater que, en tout état de cause, l’examen des éléments produits par les parties devant l’OHMI ne pouvait que conduire à la conclusion que la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus était seulement une partie d’un dispositif d’évacuation de liquides et que, par conséquent, l’appréciation de la nouveauté du dessin ou modèle contesté nécessitait une comparaison entre les caractéristiques visibles, après installation, de ce dernier et les caractéristiques visibles, après installation, du dessin ou modèle antérieur, dont faisait partie la plaque de recouvrement susmentionnée.

63      En effet, premièrement, dans les catalogues Blücher, produits en extraits par la requérante, l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus était précédée de l’intitulé « Roste für Rinnen und Aufsatzstücke » qui signifie « Grilles pour caniveaux et parties supérieures ». Il est, dès lors, certain que la plaque figurant au centre de cette illustration n’était qu’une simple plaque de recouvrement, faisant fonction de grille d’un dispositif d’évacuation de liquides, et ne représentait pas l’intégralité d’un tel dispositif.

64      Deuxièmement, une autre page (page 21) des catalogues en question, également produite par la requérante devant l’OHMI, comportait un diagramme montrant comment différents éléments fournis par l’entreprise Blücher pouvaient être combinés pour construire un dispositif complet d’évacuation de liquides. En particulier, ce diagramme montrait six types de grille, dont une sans perforation, qui pouvaient être montés sur une cuve, laquelle, à son tour, était à monter sur un siphon. Lesdites grilles étaient de forme carrée et non oblongue, mais il est évident que le même principe pouvait s’appliquer à des grilles de formes ou de dimensions différentes.

65      À cet égard, il doit être relevé que la grille sans perforations (plaque de recouvrement) montrée dans ce diagramme portait le numéro de modèle 697.200.200.20. Il ressort de la page 34 du même catalogue qu’il s’agissait d’une variante, de forme carrée, de la série de plaques de recouvrement « Spaltrost », proposée par l’entreprise Blücher. La même série comportait d’autres modèles (numérotés 697.200.075.99, 697.200.150.99 et 697.200.200.99) ayant la même apparence (c’est-à-dire sans perforation sur la surface horizontale), mais de forme oblongue. Par ailleurs, la page en question comportait, à côté des dimensions de ces modèles, une image d’une plaque de recouvrement identique à celle figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus. Ainsi, il pouvait aisément être conclu, à la lecture de ces catalogues, que tous les types de grille (ou plaque de recouvrement) qui y figuraient étaient à combiner avec d’autres éléments, également proposés par l’entreprise Blücher, pour construire un dispositif d’évacuation de liquides.

66      Troisièmement, comme le fait valoir la requérante, les première et dernière pages des catalogues Blücher, qui figuraient parmi les extraits de ces catalogues qu’elle avait produits devant l’OHMI, comportaient des images d’un dispositif d’évacuation d’eaux de forme oblongue proposé par l’entreprise Blücher, avec la différence qu’il était muni, dans ces deux images, d’une plaque de recouvrement comportant des perforations sur sa surface horizontale (une grille).

67      Quatrièmement, il convient également de relever qu’il ressort clairement des paragraphes 15 et 16 des observations de la requérante, du 2 avril 2010, devant la division d’annulation de l’OHMI, que les plaques de recouvrement sans perforations figurant dans les catalogues Blücher, dont la plaque figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus, n’étaient qu’une partie d’un dispositif d’évacuation de liquides et ne formaient pas, à elles seules, un tel dispositif.

68      Cinquièmement, enfin, il importe de relever que l’intervenante n’avait pas non plus contesté, devant les instances de l’OHMI, le fait que la plaque de recouvrement du type « Spaltrost », proposée par l’entreprise Blücher, était à utiliser comme étant une partie d’un dispositif d’évacuation de liquides. Au contraire, dans l’annexe 11 de ses observations du 27 juin 2010 devant la division d’annulation, l’intervenante a produit des extraits d’un autre catalogue de l’entreprise Blücher, qui comportaient une image d’une plaque de recouvrement telle que celle figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus, placée sur une cuve comportant, en dessous, un siphon d’évacuation. Elle rappelle, d’ailleurs, ce fait dans son mémoire en réponse.

69      Il est, certes, vrai que l’intervenante a présenté ce document à l’appui de son argument, répété, d’ailleurs, devant le Tribunal, selon lequel la plaque de recouvrement en question de l’entreprise Blücher et les dispositifs d’évacuation de liquides sur lesquels elle pouvait être utilisée n’étaient pas destinés à être utilisés dans une douche, mais à un usage industriel. En effet, le texte figurant sur la même page que cette image, dans l’extrait du catalogue produit par l’intervenante devant l’OHMI, montre clairement qu’il s’agit de dispositifs d’évacuation de liquides, utilisés dans l’industrie alimentaire.

70      Toutefois, cela n’altère en rien le fait qu’il ressort clairement de cette même image que la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus n’était pas, à elle seule, un dispositif d’évacuation de liquides (ou un siphon de douche, comme semble l’avoir considéré la chambre de recours), mais qu’elle n’était qu’une partie d’un tel dispositif. Il s’ensuit, dès lors, que c’est à tort que la chambre de recours, pour apprécier la nouveauté du dessin ou modèle contesté, a procédé à une comparaison entre les caractéristiques visibles, après installation, de ce dernier et cette seule plaque.

71      Ces considérations ne sont pas remises en cause par les arguments de l’OHMI ou de l’intervenante.

72      L’OHMI invoque l’arrêt du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication) (T‑153/08, Rec, EU:T:2010:248, points 23 et 24). Selon lui, il découle de cet arrêt que, dans la mesure où l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 fait référence à une différence entre les impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause, l’examen du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire ne saurait être effectué au regard d’éléments spécifiques tirés de différents dessins ou modèles antérieurs. Dès lors, il conviendrait d’opérer une comparaison entre, d’une part, l’impression globale produite par le dessin ou modèle communautaire contesté et, d’autre part, l’impression globale produite par chacun des dessins ou modèles antérieurs valablement invoqués par le demandeur en nullité.

73      L’OHMI fait valoir que le raisonnement de cet arrêt, applicable au caractère individuel d’un dessin ou modèle, s’étend a fortiori à l’examen de la nouveauté. Dès lors, les caractéristiques de plusieurs dessins ou modèles antérieurs ne pourraient être combinées pour remettre en cause la nouveauté d’un dessin ou modèle plus récent.

74      Cet argument doit être écarté comme étant fondé sur une perception erronée de l’argument de la requérante. En effet, cette dernière ne reproche pas à la chambre de recours de ne pas avoir tiré d’éléments spécifiques de différents dessins ou modèles antérieurs, pour les comparer avec le dessin ou modèle contesté, mais d’avoir comparé l’intégralité du siphon de douche (shower drain) que constitue le dessin ou modèle contesté avec une partie seulement, et non l’intégralité, du dispositif d’évacuation de liquides, proposé par l’entreprise Blücher et invoqué à l’appui de la demande en nullité.

75      L’OHMI fait également valoir que la requérante est restée en défaut de démontrer l’existence d’un dessin ou modèle antérieur au dessin ou modèle contesté, possédant toutes les caractéristiques de ce dernier. Selon lui, l’argumentation de la requérante repose sur la combinaison de deux dessins ou modèles distincts. Bien que divulgués dans les mêmes catalogues (les catalogues Blücher), ces deux dessins ou modèles ne seraient pas représentés ensemble. Il estime que, même à supposer que les catalogues Blücher constituent une divulgation, au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, chacun des dessins ou modèles qui y figurent devrait être comparé de manière individuelle au dessin ou modèle contesté.

76      Cet argument repose sur la prémisse selon laquelle aucune image représentant la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus, posée dans une cuve d’évacuation de forme oblongue et composant ainsi un dispositif d’évacuation de liquides complet, n’avait été présentée devant l’OHMI. En effet, l’exposé de cet argument dans le mémoire en réponse de l’OHMI, est précédé d’une argumentation tendant à démontrer, à juste titre (voir points 22 et 23 ci‑dessus), que le document présenté à la page 76 de l’annexe A.9 de la requête ne doit pas être pris en considération. Or, il ressort du point 68 ci-dessus, que la prémisse sur laquelle repose le présent argument de l’OHMI est erronée, ce qui suffit déjà pour le rejeter.

77      En tout état de cause, il convient de relever que, plus généralement, dans l’hypothèse d’un dessin ou modèle constitué de plusieurs composants, il doit être considéré qu’il a été divulgué au public, au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, lorsque tous les composants ont été divulgués au public et qu’il a été clairement indiqué que ces composants étaient destinés à être combinés entre eux pour constituer un produit déterminé, permettant, ainsi l’identification de la forme et des caractéristiques de ce dessin ou modèle.

78      En d’autres termes, il ne saurait être admis qu’un dessin ou modèle présente un caractère nouveau, au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002, lorsqu’il ne consiste qu’en une combinaison de dessins ou modèles déjà divulgués au public et à propos desquels il a déjà été indiqué qu’ils étaient destinés à être utilisés ensemble.

79      En l’espèce, cela signifie que, dans la mesure où, pour les raisons exposées aux points 63 à 67 ci-dessus, il ressortait clairement des catalogues Blücher que la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus était destinée à être combinée avec des cuves et des siphons proposés par l’entreprise Blücher et figurant également dans ces catalogues, pour constituer un dispositif d’évacuation de liquides complet, il revenait à l’OHMI, pour apprécier la nouveauté du dessin ou modèle contesté, de le comparer, notamment, à une évacuation de liquides constituée de la plaque de recouvrement en question, combinée avec les autres éléments d’un dispositif d’évacuation de liquides proposés par l’entreprise Blücher, et ce quand bien même aucune image d’une telle combinaison ne figurerait dans lesdits catalogues.

80      L’OHMI soutient encore que la présence d’un trou dans la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus constitue un élément de différenciation additionnel entre celle-ci et le dessin ou modèle contesté, et ce quand bien même cette différence n’aurait pas été mentionnée par la chambre de recours.

81      Cet argument doit également être écarté. D’une part, il n’est pas possible de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée est entachée d’erreur, en faisant allusion à un élément non mentionné dans ladite décision. D’autre part et surtout, l’erreur commise par la chambre de recours consiste, selon l’argument de la requérante que le Tribunal considère comme fondé, dans le fait que la chambre de recours a comparé l’ensemble du dispositif (siphon de douche) qui constitue le dessin ou modèle contesté avec seulement un composant du dessin ou modèle antérieur. En d’autres termes, l’erreur consiste en l’identification même du dessin ou modèle antérieur qu’il convenait de retenir aux fins de cette comparaison et non, comme semble le supposer cet argument de l’OHMI, en les caractéristiques de ce dernier dessin ou modèle.

82      L’intervenante, pour sa part, fait valoir que, dès lors que la requérante avait soutenu devant l’OHMI, à titre principal, que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté au regard de la seule plaque figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus, il est compréhensible que tant la division d’annulation que la chambre de recours aient fondé leurs décisions sur une comparaison dudit dessin ou modèle avec cette seule plaque.

83      Cet argument doit également être écarté. Il doit être rappelé que, devant la division d’annulation, la requérante avait invoqué plusieurs éléments à l’appui de sa thèse selon laquelle le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel. La division d’annulation, ayant considéré que le seul élément visible du dessin ou modèle contesté, après installation, était sa plaque de recouvrement et que celle-ci était identique à la plaque figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus, a fait droit, sur cette seule base, à la demande en nullité. Elle n’a, dès lors, pas procédé à une comparaison du dessin ou modèle contesté avec d’autres dessins ou modèles, qui figureraient dans les documents produits par la requérante.

84      Or, dans la mesure où la chambre de recours a considéré, à juste titre, que d’autres éléments du siphon de douche représenté par le dessin ou modèle contesté resteraient visibles après installation, elle ne saurait, comme il a déjà été relevé, comparer ce dessin ou modèle avec la seule plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus. Afin d’apprécier la nouveauté du dessin ou modèle contesté, elle devait examiner l’existence de différences qui n’étaient pas insignifiantes entre toutes les caractéristiques visibles de ce dessin ou modèle et toutes celles du dessin ou modèle antérieur invoqué, sans se limiter à la seule plaque de recouvrement qui faisait partie du dessin ou modèle antérieur.

85      L’intervenante fait également valoir que, bien que la requérante ait allégué, devant la chambre de recours, qu’il était possible d’installer la seule plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus dans une cuve rectangulaire de forme oblongue pourvue d’un bord qui resterait visible après installation, elle n’a pas étayé ces affirmations d’éléments de preuves, aucune image d’une telle installation n’ayant figuré dans les catalogues Blücher. Dans ce contexte, l’intervenante rappelle que le document présenté à la page 76 de l’annexe A.9 de la requête, qui contient une représentation de la plaque de recouvrement en question installée dans une cuve de forme oblongue, n’avait pas été présenté devant l’OHMI et ne saurait être pris en considération.

86      Toutefois, pour les motifs déjà indiqués aux points 63 à 70 ci-dessus, ces arguments ne peuvent pas être admis.

87      Il s’ensuit que l’unique moyen du recours est fondé.

88      Or, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 20 ci-dessus, par son deuxième chef de conclusions, la requérante conclut, en substance, à la réformation de la décision attaquée, en ce sens que le recours de l’intervenante devant la chambre de recours soit rejeté et que la décision de la division d’annulation, faisant droit à la demande en nullité, soit confirmée, le cas échéant avec substitution des motifs de cette dernière décision. Il convient, dès lors, de déterminer le sort qu’il convient de réserver aux conclusions en réformation de la requérante.

 Sur le bien-fondé du deuxième chef de conclusions de la requérante

89      Il y a lieu de relever que le contrôle que le Tribunal exerce conformément à l’article 61 du règlement no 6/2002 est un contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI et qu’il ne peut annuler ou réformer la décision qui est l’objet du recours que si, au moment où celle-ci a été prise, elle était entachée par l’un des motifs d’annulation ou de réformation énoncés à l’article 61, paragraphe 2, de ce règlement. Il s’ensuit que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (voir, par analogie, arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, Rec, EU:C:2011:452, points 71 et 72).

90      En l’espèce, il est certes vrai que la question de la nouveauté du dessin ou modèle contesté a été examinée tant par la division d’annulation que par la chambre de recours. Toutefois, il a déjà été relevé que l’examen effectué par ces instances de l’OHMI était, dans les deux cas, entaché d’erreurs : dans le cas de la division d’annulation, celle-ci a considéré, à tort, que, après l’installation du siphon de douche représenté par le dessin ou modèle contesté, son seul élément qui resterait visible serait la plaque de recouvrement. Elle a donc comparé cette plaque avec celle figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus, sans tenir compte des autres éléments de preuve invoqués devant elle par la requérante. Pour sa part, la chambre de recours a correctement identifié l’erreur commise par la division d’annulation, mais au lieu de comparer les éléments visibles, après installation, du siphon de douche représenté par le dessin ou modèle contesté, avec les éléments visibles d’autres dessins ou modèles antérieurs invoqués par la requérante, y compris celui dont faisait partie la plaque de recouvrement figurant au centre de ladite illustration, la chambre de recours s’est limitée, de manière erronée, à une simple comparaison entre le dessin ou modèle contesté et cette dernière plaque.

91      Il s’ensuit que l’examen de la nouveauté du dessin ou modèle contesté, au regard des dessins ou modèles antérieurs invoqués par la requérante, n’a pas été complet. Partant, un examen, par le Tribunal, de la nouveauté du dessin ou modèle contesté, au regard de l’ensemble des éléments invoqués par la requérante devant les instances de l’OHMI, impliquerait, en substance, l’exercice de fonctions administratives et d’investigations propres à l’OHMI et serait, de ce fait, contraire à l’équilibre institutionnel dont s’inspire le principe de répartition des compétences entre l’OHMI et le Tribunal. Il en résulte que les intérêts de la requérante sont suffisamment sauvegardés par l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Instrument d’écriture, point 20 supra, EU:T:2010:190, point 133 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt VÖLKL, point 29 supra, EU:T:2011:739, point 121 et jurisprudence citée).

92      Par conséquent, il convient de ne pas faire droit au deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur le bien-fondé du deuxième chef de conclusions de l’intervenante

93      Ainsi qu’il a déjà été relevé, par son deuxième chef de conclusions, l’intervenante a demandé l’annulation de la décision attaquée pour un motif autre que ceux invoqués par la requérante. À l’appui de cette demande, elle fait valoir que la chambre de recours a violé des formes substantielles en concluant, au point 31 de la décision attaquée, que l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus divulguait un siphon de douche rectangulaire très simple constitué d’une plaque de recouvrement percée d’un trou. Selon elle, cette conclusion est en contradiction avec les affirmations des parties lors de la procédure devant l’OHMI et n’a pas été motivée, ce qui rend la décision attaquée insuffisamment compréhensible.

94      L’intervenante explique, à cet égard, que l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus présente seulement des grilles qui peuvent être utilisées dans un caniveau d’évacuation de liquides. Celles-ci incluent la plaque figurant au centre de ladite illustration, qui est fermée sur la surface horizontale et ne permet l’écoulement du liquide que par des fentes sur ses côtés.

95      L’intervenante soutient toutefois qu’il ressort des extraits d’un des catalogues Blücher, qu’elle a elle-même présentés devant les instances de l’OHMI, que cette plaque de recouvrement était destinée à un usage industriel et non à une utilisation en tant qu’élément d’un siphon de douche dans un espace sanitaire. En particulier, l’image de cette plaque dans ledit catalogue serait pourvue d’une petite image d’une camionnette qui, comme il serait expliqué sur une autre page du même catalogue, signifierait que le produit est destiné à un usage industriel.

96      La requérante n’aurait pas contesté de manière motivée ces affirmations devant la chambre de recours. Elle aurait seulement contesté, au demeurant à tort, que cette circonstance emportait des conséquences pour le bien-fondé de sa demande en nullité. Partant, la décision attaquée, qui a qualifié le produit en question de siphon de douche, ne serait pas motivée et serait incompréhensible.

97      Dans le mémoire qu’elle a déposé en application de l’article 135, paragraphe 3, du règlement de procédure, la requérante fait valoir qu’ « aucun poids ne saurait être reconnu au moyen de l’intervenante », dès lors qu’il est « primordial de répondre à la question de savoir si la chambre de recours pouvait à bon droit considérer que le document ‘D1’ ne concern[ait] pas le [catalogue] Blücher, ainsi que l’a décidé la division d’annulation, mais uniquement la plaque de recouvrement » figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus. Selon elle, le moyen soulevé par l’intervenante tend, en réalité, à exploiter la confusion sémantique existant dans la décision attaquée en ce qui concerne l’identification de ce qui est entendu par « D1 », pour obtenir que le dessin ou modèle contesté soit comparé avec la seule plaque de recouvrement susmentionnée. La requérante, conclut, dès lors, au rejet de ce moyen.

98      Dès lors que l’intervenante invoque, à l’appui de son deuxième chef de conclusions, une violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 62 du règlement no 6/2002, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Toutefois, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir arrêt du 25 avril 2013, Bell & Ross/OHMI – KIN (Boîtier de montre-bracelet), T‑80/10, EU:T:2013:214, point 37 et jurisprudence citée].

99      Il convient également de rappeler que l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs comportent des erreurs, celles-ci affectent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt Boîtier de montre-bracelet, point 98 supra, EU:T:2013:214, point 38 et jurisprudence citée).

100    Il ressort de l’argumentation de l’intervenante que celle-ci considère que la nature de l’objet qui figure au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus et, en particulier, la question de savoir s’il est destiné à une utilisation comme élément d’une douche ou à un usage industriel, comme partie d’un caniveau d’évacuation de liquides, présentait une pertinence pour le sort de la demande en nullité de la requérante. Or, à supposer que tel soit le cas, force est de constater que la décision attaquée comporte une motivation suffisante à cet égard, dans la mesure où elle relève, en son point 31, qu’il s’agit d’un « siphon de douche ».

101    En réalité, par son argumentation, l’intervenante vise à remettre en cause le bien-fondé de la constatation en question de la chambre de recours. C’est ce qui peut être déduit de la référence de l’intervenante à l’argumentation et aux documents qu’elle avait invoqués devant les instances de l’OHMI, lesquels prouveraient que l’objet en question serait destiné à un usage industriel. En substance, l’intervenante considère que la constatation susvisée de la chambre de recours est erronée, en ce que la chambre de recours n’a tenu compte ni de cette argumentation et de ces documents, ni de l’absence de toute contestation par la requérante. C’est ainsi qu’il convient également de comprendre l’argument de l’intervenante, selon lequel la décision attaquée est sur ce point « incompréhensible ».

102    Or, avant de contrôler, le cas échéant, le bien-fondé de la constatation en question de la chambre de recours, il convient d’examiner sa pertinence pour l’appréciation du bien-fondé de la demande en nullité de la requérante. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l’intervenante insiste sur la question de l’identification correcte du produit figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus, dès lors qu’elle considère que s’il devait s’avérer que ce produit était différent de celui (le siphon de douche) concerné par le dessin ou modèle contesté, cette circonstance serait suffisante pour entraîner le rejet de la demande en nullité de la requérante (voir également points 30 à 35 ci-dessus). Il convient, dès lors, de déterminer si cette dernière prémisse est correcte.

103    En effet, ce n’est que dans ce cas qu’une hypothétique erreur de la chambre de recours dans l’identification du produit concerné par le dessin ou modèle antérieur peut justifier l’annulation de sa décision, demandée par l’intervenante dans son deuxième chef de conclusions.

104    À cet égard, il y a lieu de relever que, devant les instances de l’OHMI, les parties ont débattu de la pertinence, pour le sort de la demande en nullité, de l’usage auquel sont destinés les produits concernés, respectivement, par les dessins ou modèles antérieurs, invoqués par la requérante à l’appui de ladite demande, et par le dessin ou modèle contesté. Ainsi, dans ses observations du 22 juin 2010, devant la division d’annulation, l’intervenante a soutenu la thèse selon laquelle les dessins ou modèles antérieurs invoqués par la requérante, dont ceux figurant dans les catalogues Blücher, ne sauraient remettre en cause la nouveauté et le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, dès lors qu’ils visaient des produits différents, à savoir des caniveaux d’évacuation de liquides, destinés à un usage industriel.

105    À l’appui de sa thèse, l’intervenante a invoqué un extrait du commentaire commun des gouvernements des pays du Benelux relatif au protocole du 20 juin 2002, portant modification de la loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles (ci-après la « LBDM »). Cette modification avait pour objet d’adapter la LBDM à la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles (JO L 289, p. 28), dont les dispositions relatives à la nouveauté et au caractère individuel d’un dessin ou modèle sont rédigées en des termes substantiellement identiques à ceux des dispositions correspondantes du règlement no 6/2002.

106    En particulier, l’extrait dudit commentaire, invoqué par l’intervenante, est ainsi libellé :

« Le droit des dessins ou modèles protège actuellement l’aspect nouveau d’un produit ayant une fonction utilitaire. Ces trois notions – aspect, produit et fonction utilitaire – sont indissociables, comme le Hoge Raad (Cour suprême) des Pays-Bas l’a confirmé dans son arrêt du 10 mars 1995 (NJ 1995, 670, Kinderkapperstoel). Un article existant qui reçoit une autre fonction utilitaire que celle faisant l’objet du dépôt peut dès lors acquérir une protection autonome comme dessin ou modèle, même si l’article n’a subi aucune modification significative et constitue l’élément caractéristique du produit ayant la nouvelle fonction utilitaire. Quoique la directive ne connaisse pas la ‘fonction utilitaire’, le résultat est le même, puisque la protection est liée, par le biais du modèle et du produit, à un objet et qu’un siège pour enfant d’un salon de coiffure est un autre objet qu’une voiture jouet. »

107    La référence dans cet extrait à « un siège pour enfant d’un salon de coiffure » qui serait « un autre objet qu’une voiture jouet » vise les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) du 10 mars 1995, point 106 supra. Ainsi qu’il ressort d’une copie de cet arrêt, produite par l’intervenante en réponse à une demande de production de documents du Tribunal, cette affaire portait sur une demande d’enregistrement, en tant que dessin ou modèle protégé sur le territoire des pays du Benelux, d’un siège pour enfant d’un salon de coiffure comportant, comme élément principal, une voiture jouet, apparemment déjà présente sur le marché des pays du Benelux et connue des milieux intéressés. Le Hoge Raad a jugé qu’il était difficile de voir pourquoi le fait qu’un produit était composé, notamment, d’un objet avec une fonction utilitaire originale différente, lequel objet serait déjà connu parmi les cercles d’industrie et de commerce pertinents, empêchait de conclure qu’il était question d’un produit avec un aspect nouveau, susceptible de protection en tant que dessin ou modèle enregistré.

108    Au point 20 de sa décision, la division d’annulation a écarté cette argumentation de l’intervenante comme étant dépourvue de pertinence. Selon elle, « l’utilisation du produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé n’est pas une caractéristique d’apparence et, par conséquent, cette différence n’a aucun impact sur la comparaison des deux dessins ou modèles en conflit ».

109    Ainsi qu’il a été relevé au point 31 ci-dessus, dans son recours devant la chambre de recours, l’intervenante a néanmoins répété son argumentation résumée aux points 104 à 107 ci-dessus, considérant que ladite argumentation avait été rejetée à tort par la division d’annulation.

110    Dans ses observations du 10 mai 2011, devant la chambre de recours, la requérante a contesté l’argumentation de l’intervenante résumée aux points 104 à 107 ci-dessus. Elle a, notamment, fait valoir que, contrairement à ce que relève le commentaire commun des gouvernements des pays du Benelux, mentionné au point 105 ci‑dessus, la thèse admise par le Hoge Raad dans son arrêt du 10 mars 1995, point 106 supra, ne saurait trouver application, s’agissant de l’interprétation des dispositions de la directive 98/71 et du règlement no 6/2002. Elle a invoqué, à cet égard, les conclusions du 4 février 2005, de l’avocat général M. D. F. W. Verkade, dans l’affaire C 04/27 HR, devant le Hoge Raad. En réponse à une demande de production de documents du Tribunal, elle a produit une copie de ces conclusions. S’agissant de la question de savoir si la thèse admise dans l’arrêt susmentionné pouvait s’appliquer à la suite de la modification de la LBDM conformément à la directive 98/71, l’avocat général aurait indiqué qu’il ne saurait être question d’un « acte clair » et que, si le Hoge Raad considérait que cette question présentait une pertinence pour la solution du litige pendant devant lui, une question préjudicielle devrait être posée à la Cour de justice. La requérante a également invoqué l’arrêt de la Court of Appeal (England & Wales) [cour d’appel (Angleterre et pays de Galles)] du 23 avril 2008, [2008] EWCA Civ 358, qui, selon elle, appuie également sa thèse. Elle a joint à ses observations une copie de cet arrêt.

111    Les parties ont encore débattu de cette question dans les mémoires en réplique et en duplique déposés devant la chambre de recours. Toutefois, cette dernière n’a pas pris position, dans la décision attaquée, sur les questions soulevées par les parties.

112    Afin de déterminer si, conformément au règlement no 6/2002, la nature du produit visé par un dessin ou modèle est susceptible d’influer sur l’appréciation de sa nouveauté ou de son caractère individuel, il y a lieu de relever que, comme il résulte de l’article 3, sous a), du même règlement (voir point 38 ci-dessus), le terme « dessin ou modèle », utilisé dans ce règlement, vise l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit. Il en résulte que la « protection d’un dessin ou modèle » au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 consiste en la protection de l’apparence d’un produit [arrêt du 9 septembre 2014, Biscuits Poult/OHMI – Banketbakkerij Merba (Biscuit), T‑494/12, Rec, EU:T:2014:757, point 19].

113    En outre, conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré, tel que le dessin ou modèle contesté, confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement et, par utilisation au sens de ladite disposition, il convient d’entendre « en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces fins ».

114    Il y a lieu également de rappeler que, aux termes de l’article 36, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, la demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire doit contenir l’indication des produits dans lesquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué. Toutefois, le paragraphe 6 du même article précise que les informations visées au paragraphe 2 « ne portent pas atteinte à l’étendue de la protection du dessin ou du modèle en tant que tel ».

115    Compte tenu, notamment, de la disposition de l’article 36, paragraphe 6, du règlement no 6/2002 et de la référence, à l’article 19, paragraphe 1, seconde phrase, dudit règlement à « un produit », il doit être conclu qu’un dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif d’utiliser sur toute sorte de produits (et non seulement sur le produit indiqué sur la demande d’enregistrement) le dessin ou modèle en question ainsi que, conformément à l’article 10 du même règlement, tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente. Il confère également à son titulaire le droit d’interdire à tout tiers l’utilisation sur toute sorte de produits du dessin ou modèle dont il est titulaire ainsi que de tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente. S’il en était autrement, l’article 19, paragraphe 1, seconde phrase, viserait non pas « un produit », mais uniquement le produit (ou les produits) indiqué(s) dans la demande d’enregistrement.

116    Au regard de cette conclusion, il convient également de conclure qu’un dessin ou modèle communautaire ne saurait être considéré comme nouveau, au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, si un dessin ou modèle identique a été divulgué au public avant les dates précisées dans cette disposition, quand bien même ce dessin ou modèle antérieur serait destiné à être incorporé dans un produit différent ou à être appliqué à ce dernier. Dans l’hypothèse contraire, l’enregistrement ultérieur de ce dessin ou modèle comme dessin ou modèle communautaire destiné à être incorporé dans un autre produit que celui pour lequel il a déjà été divulgué ou à être appliqué à cet autre produit, permettrait, pour les motifs exposés au point 115 ci-dessus, au titulaire de cet enregistrement ultérieur, d’interdire son utilisation même pour le produit visé par la divulgation antérieure. Or, un tel résultat serait paradoxal.

117    La disposition de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 6/2002 ne saurait non plus conduire à une conclusion différente.

118    L’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 6/2002 prévoit que, « [a]ux fins de l’application des articles 5 et 6 [dudit règlement], un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date visée à l’article 5, paragraphe 1, [sous] a), et à l’article 6, paragraphe 1, [sous] a), ou à l’article 5, paragraphe 1, [sous] b), et à l’article 6, paragraphe 1, [sous] b), [de ce règlement] selon le cas, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’[Union] ».

119    Une interprétation littérale de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 6/2002 conduit à la conclusion selon laquelle le « secteur concerné », au sens de cette disposition, ne peut qu’être celui dont relève le produit dans lequel le dessin ou modèle divulgué a été incorporé ou auquel il a été appliqué. Ainsi, conformément à cette disposition, un dessin ou modèle antérieur, incorporé dans un produit déterminé ou appliqué à ce dernier, est réputé avoir été divulgué s’il a été rendu public, sauf si, dans la pratique normale des affaires, ce fait ne pouvait raisonnablement être connu des milieux spécialisés du secteur concerné par le produit en cause, opérant dans l’Union.

120    Les travaux préparatoires du règlement no 6/2002 confirment cette interprétation. La rédaction de l’article 7 de ce règlement reprend une proposition, rédigée en des termes largement analogues, figurant au point 3.1.4 de l’avis du Comité économique et social sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires (JO 1994, C 388, p. 9). Pour justifier cette proposition, les points 3.1.2 et 3.1.3 de cet avis mentionnent ce qui suit :

« 3.1.2.      [La] disposition [relative à l’appréciation de la nouveauté d’un dessin ou modèle communautaire], ainsi conçue, paraît difficilement applicable dans de nombreux domaines et spécialement dans l’industrie textile. Il est fréquent que des vendeurs de produits de contrefaçon se procurent des attestations établissant faussement que le dessin ou le modèle contesté avait déjà été créé auparavant dans un pays tiers.

3.1.3.      Dans ces conditions, il conviendrait de viser la divulgation aux milieux intéressés dans la Communauté européenne avant la date de référence. »

121    En d’autres termes, en exigeant que la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur soit connue des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union, l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 vise à éviter la possibilité qu’un dessin ou modèle prétendument antérieur soit pris en considération aux fins de l’application des articles 5 et 6 du même règlement, bien que même les milieux spécialisés du secteur concerné par le produit en question (lesquels, en général, peuvent être censés avoir une connaissance beaucoup plus approfondie du patrimoine de dessins ou modèles qui ont été divulgués à la date du dépôt du dessin ou modèle contesté dans le secteur en cause que celle du public en général) ne connaissent pas ce dessin ou modèle. En revanche, la justification avancée par la proposition susvisée du Comité économique et social ne couvre pas l’hypothèse selon laquelle le dessin ou modèle antérieur serait connu des milieux intéressés d’un secteur déterminé dans l’Union, mais pas des milieux intéressés d’un autre secteur, dont relèvent des produits différents.

122    Il résulte des considérations qui précèdent que le « secteur concerné », au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, n’est pas limité à celui du produit dans lequel le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé ou appliqué.

123    Par conséquent, un dessin ou modèle antérieur incorporé ou appliqué à un produit différent de celui concerné par un dessin ou modèle postérieur est, en principe, pertinent aux fins de l’appréciation de la nouveauté, au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002, de ce dessin ou modèle postérieur. En effet, le libellé de ce dernier article exclut qu’un dessin ou modèle puisse être considéré comme nouveau si un dessin ou modèle identique a, antérieurement, été divulgué au public, quel que soit le produit auquel ce dessin ou modèle antérieur est destiné à être incorporé ou appliqué.

124    Toutefois, le secteur concerné par le dessin ou modèle antérieur peut, le cas échéant, revêtir une certaine pertinence aux fins de l’appréciation du caractère individuel, au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002, d’un dessin ou modèle.

125    En effet, l’article 6 du règlement no 6/2002 est ainsi libellé :

« Article 6

Caractère individuel

1.      Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public :

a)      dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois ;

b)      dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.

2.      Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. »

126    Il ressort de l’article 6 du règlement no 6/2002 que le caractère individuel d’un dessin ou modèle est à apprécier conformément à l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti.

127    Il résulte de la jurisprudence que la notion d’utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, si l’utilisateur averti n’est pas le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui perçoit habituellement un dessin ou un modèle comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’est pas non plus l’expert ou l’homme de l’art capable d’observer dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les dessins ou modèles en conflit [voir arrêt du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tire-bouchon), T‑337/12, Rec, EU:T:2013:601, points 21 et 22 et jurisprudence citée].

128    La jurisprudence précise également que la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit qui fait l’objet du dessin ou modèle conformément à la destination de ce même produit. Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise (voir arrêt Tire-bouchon, point 127 supra, EU:T:2013:601, point 23 et jurisprudence citée).

129    Il s’ensuit que l’utilisateur à prendre en considération, aux fins de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002, est l’utilisateur du produit auquel ce dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé.

130    Il convient, à cet égard, de rappeler également le libellé du considérant 14 du règlement no 6/2002, selon lequel « [l]’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle devrait consister à déterminer s’il existe une différence claire entre l’impression globale qu’il produit sur un utilisateur averti qui le regarde et celle produite sur lui par le patrimoine des dessins ou modèles, compte tenu de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève et du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle ». Il en ressort également que la nature du produit concerné par un dessin ou modèle contesté et le secteur industriel dont ce produit relève doivent être pris en compte dans l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle en question.

131    À cet égard, il ne saurait être exclu que l’utilisateur averti du produit auquel un dessin ou modèle déterminé s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé ait également connaissance du patrimoine des dessins ou modèles relatifs à des produits différents, même si une telle connaissance ne saurait pas non plus être automatiquement présumée.

132    Il s’ensuit que l’identification du produit auquel un dessin ou modèle antérieur s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé, invoqué pour contester le caractère individuel, au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002, d’un dessin ou modèle postérieur, présente une pertinence pour cette appréciation. En effet, c’est par l’identification du produit concerné qu’il pourra être déterminé si l’utilisateur averti du produit auquel le dessin ou modèle postérieur s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé connaît le dessin ou modèle antérieur. Ce n’est que si cette dernière condition est remplie que ce dessin ou modèle antérieur pourrait faire obstacle à la reconnaissance d’un caractère individuel au dessin ou modèle postérieur.

133    Appliquées dans le cas d’espèce, les considérations qui précèdent conduisent à la conclusion selon laquelle, si l’identification du produit précis dans lequel le dessin ou modèle antérieur, invoqué à l’appui de la demande en nullité, était incorporé n’était pas pertinente aux fins de l’appréciation de la nouveauté, au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002, du dessin ou modèle contesté, elle présentait, tout de même, une pertinence pour l’appréciation du caractère individuel, au sens de l’article 6 dudit règlement, de ce dernier dessin ou modèle.

134    Or, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation et a renvoyé l’affaire devant cette dernière, « pour suite à donner à la demande d’annulation fondée sur l’article 25, paragraphe 1, [sous] b), lu en conjonction avec [l’article 4, paragraphe 1, et l’article 6] » du règlement no 6/2002 (voir point 2 du dispositif de la décision attaquée) ou, en d’autres termes, aux fins de l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Par conséquent, dans la mesure où la chambre de recours a décidé de se prononcer elle-même sur la nature du produit dans lequel le dessin ou modèle antérieur était incorporé et de ne pas laisser cette question à l’appréciation de la division d’annulation, elle devait fonder sa conclusion sur une appréciation correcte des éléments de preuve s’y rapportant, présentés devant elle par les parties. Il convient, dès lors, de contrôler le bien-fondé de cette appréciation, ainsi que le demande, en substance, l’intervenante.

135    À cet égard, il y a lieu de relever que rien dans le dossier de l’OHMI ne permettait de qualifier la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus de « siphon de douche » (shower drain) ou d’élément d’un tel siphon. Comme le fait valoir à juste titre l’intervenante, les extraits des catalogues Blücher, présentés par la requérante devant l’OHMI, montrent des caniveaux d’évacuation de liquides et des grilles (y compris la plaque susmentionnée) pouvant être utilisées avec ceux-ci. De tels caniveaux, avec leurs grilles ou plaques de recouvrement, peuvent, en général, être utilisés dans plusieurs endroits différents.

136    Comme le fait observer à juste titre l’intervenante, dans les catalogues Blücher, la présentation de la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus est pourvue d’une petite image d’une camionnette. Il ressort des extraits desdits catalogues, joints par l’intervenante elle-même en annexe 9 à ses observations du 22 juin 2010 devant la division d’annulation, que l’image de la petite camionnette indique la « classe de charge » de chaque grille (ou plaque), proposée dans ces catalogues. En d’autres termes, il s’agit d’une référence à la charge maximale que peut supporter la grille ou la plaque en question.

137    Au total, il existe, dans les catalogues Blücher, cinq « classes de charge » : une pour les « zones à pieds nus » (salle de bains, etc.), une pour les « zones piétons » (centres commerciaux, etc.), une pour les « transpalettes, charrettes » (industrie légère), une pour les « camionnettes, camions » (industrie, usines) et une pour les « grands élévateurs » (industrie lourde, etc.). La « classe de charge » indiquée par l’image de la petite camionnette correspond, ainsi, à la deuxième charge maximale que peut supporter la grille ou la plaque en question. Les objets relevant de cette « classe de charge » conviennent, selon les explications fournies, à un usage industriel, par exemple dans une usine, et peuvent supporter les charges qu’un tel usage implique. Toutefois, contrairement à ce que semble présumer l’intervenante, cela ne signifie pas qu’ils ne puissent pas être utilisés également dans d’autres endroits, notamment dans une douche, où ils doivent normalement supporter des charges moins importantes.

138    Il n’en reste pas moins que, dès lors que rien dans le dossier n’indiquait que la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus était destinée, exclusivement ou principalement, à une utilisation comme élément d’un siphon de douche, c’est à tort que la chambre de recours l’a qualifiée de « siphon de douche », au point 31 de la décision attaquée. Elle aurait dû utiliser, à son égard, une description plus générale et conforme aux indications ressortant des catalogues Blücher, en la qualifiant, par exemple, de plaque de recouvrement d’un caniveau d’évacuation de liquides.

139    Partant, l’argumentation de l’intervenante visant à remettre en cause le bien-fondé de la constatation de la chambre de recours selon laquelle l’objet qui figure au centre de l’illustration reproduite au point 5 ci-dessus est un siphon de douche doit être accueillie.

140    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que tant le moyen unique de la requérante que le moyen incident, soulevé par l’intervenante, sont fondés. Il convient, par conséquent, d’annuler la décision attaquée, ainsi que le concluent tant la requérante que l’intervenante. En revanche, ainsi qu’il a été indiqué au point 92 ci-dessus, le chef de conclusions de la requérante, tendant à la réformation de la décision attaquée, doit être rejeté.

 Sur les dépens

141    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

142    En l’espèce, l’OHMI a succombé en ses conclusions et tant la requérante que l’intervenante ont conclu à sa condamnation aux dépens. Eu égard au fait que le chef de conclusions de la requérante relatif aux dépens n’a été présenté que postérieurement au dépôt du recours, il convient de relever que, selon la jurisprudence, il est loisible aux parties de présenter des conclusions sur les dépens ultérieurement, même à l’audience, bien qu’elles ne l’aient pas fait lors du dépôt du recours [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 116 et jurisprudence citée]. Partant, ce chef de conclusions de la requérante est recevable.

143    Il convient, dès lors, de condamner l’OHMI aux dépens de la requérante et de l’intervenante, conformément aux conclusions de celles-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 4 octobre 2012 (affaire R 2004/2010‑3) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Group Nivelles et par Easy Sanitairy Solutions BV.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mai 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le néerlandais.