Language of document : ECLI:EU:T:2014:601

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

10 juin 2014(*)

« Recours en annulation – Délai de recours – Tardiveté – Absence de force majeure ou de cas fortuit – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑661/13,

Joseba Larrañaga Otaño et Mikel Larrañaga Otaño, demeurant à Saint-Sébastien (Espagne), représentés par Me F. Bueno Salamero, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI),

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 16 septembre 2013 (affaire R 503/2013‑2), concernant une demande d’enregistrement du signe GRAFENO comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Par décision du 16 septembre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) a rejeté le recours des requérants, MM. Joseba Larrañaga Otaño et Mikel Larrañaga Otaño, contre la décision de l’examinateur du 18 janvier 2013, selon laquelle le signe GRAFENO ne pouvait pas être enregistré en tant que marque communautaire, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), ainsi que de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement. La décision attaquée a été notifiée aux requérants le 25 septembre 2013.

2        Par requête parvenue par télécopie au greffe du Tribunal le 25 novembre 2013, les requérants ont introduit le présent recours. L’original signé de ladite requête a été déposé au greffe le 9 décembre 2013.

3        Par courrier du 20 janvier 2014, le greffier du Tribunal a demandé aux requérants des explications concernant le dépôt tardif de la requête.

4        Par courrier du 3 février 2014, les requérants ont fourni les explications demandées.

 Conclusions des requérants

5        Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

 En droit

6        Aux termes de l’article 111 de son règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

7        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 111 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

8        Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours prévu à cet article doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaquée, de la notification au requérant, ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

9        En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 1 ci-dessus, la décision attaquée a été notifiée aux requérants le 25 septembre 2013.

10      En vertu de l’article 101, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, selon lequel un délai exprimé en mois prend fin à l’expiration du jour qui, dans le dernier mois, porte le même chiffre que le jour au cours duquel est survenu l’événement ou a été effectué l’acte à partir desquels le délai est à compter, et de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, selon lequel les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours, le délai d’introduction du recours contre la décision attaquée est venu à échéance le 5 décembre 2013 à minuit.

11      La requête a été transmise au greffe du Tribunal par télécopieur le 25 novembre 2013, avant l’expiration du délai de recours.

12      Toutefois, en application de l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure, la date à laquelle une copie de l’original signé d’un acte de procédure parvient au greffe du Tribunal par télécopieur n’est prise en considération, aux fins du respect des délais de procédure, que si l’original signé de l’acte est déposé à ce greffe au plus tard dix jours après la réception de la télécopie.

13      En l’espèce, l’original signé de la requête est parvenu au greffe du Tribunal le 9 décembre 2013, soit après l’expiration du délai de dix jours prévu à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure. Dans ces conditions, la date de dépôt de la requête par télécopie ne peut pas être prise en compte aux fins du respect du délai de recours. Il s’ensuit que seule la date de dépôt de l’original signé, à savoir le 9 décembre 2013, doit être prise en compte aux fins du respect du délai de recours. Celui-ci ayant expiré le 5 décembre 2013 à minuit, il y a lieu de conclure que le recours a été introduit tardivement.

14      Dans leur courrier du 3 février 2014, les requérants font valoir que le colis, contenant l’original signé de la requête, a été déposé directement auprès d’une compagnie de messagerie le 3 décembre 2013. Le personnel de cette compagnie aurait indiqué au conseil des requérants que l’envoi qui lui avait été confié serait effectué par voie aérienne et qu’en tout état de cause, il arriverait à destination dans un délai de 24 à 36 heures à compter de son envoi. Ils ajoutent qu’ils ont accordé une entière confiance à ces assurances et que, après avoir confié le colis qui contenait les documents en cause à ladite compagnie, ils avaient perdu tout contrôle sur ce dernier et sur les délais de dépôt. Les requérants invoquent ainsi, en substance, l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure au sens de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

15      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, les délais de recours au titre de l’article 263 TFUE sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge (voir arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I‑403, point 21, et la jurisprudence citée).

16      L’application stricte des règles de procédure répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice. Conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour, il ne peut être dérogé aux délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles de cas fortuit ou de force majeure (voir arrêt de la Cour du 22 septembre 2011, Bell & Ross/OHMI, C‑426/10 P, Rec. p. I‑8849, point 43, et la jurisprudence citée).

17      La Cour a jugé que les notions de force majeure ou de cas fortuit comportaient un élément objectif, relatif aux circonstances anormales et étrangères à la partie requérante, et un élément subjectif, tenant à l’obligation, pour celle-ci, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir à des sacrifices excessifs. En particulier, la partie requérante doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure entamée et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (arrêts de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, Rec. p. I‑5619, point 32, et Bell & Ross/OHMI, précité, point 48).

18      Ainsi, la notion de force majeure ne s’applique pas à une situation où une personne diligente et avisée aurait objectivement été en mesure d’éviter l’expiration d’un délai de recours (arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Ferriera Valsabbia/Commission, 209/83, Rec. p. 3089, point 22 ; ordonnance de la Cour du 18 janvier 2005, Zuazaga Meabe/OHMI, C‑325/03 P, Rec. p. I‑403, points 25 à 27).

19      Cela vaut également pour la notion de cas fortuit. En effet, les notions de force majeure et de cas fortuit font l’objet d’une définition commune (arrêt Bayer/Commission, précité, point 32) et sont examinées sans que l’une soit distinguée de l’autre dans l’arrêt du 30 mai 1984, Ferriera Vittoria/Commission (224/83, Rec. p. 2349, points 12 et 13), où la Cour précise que l’événement anormal doit rendre la forclusion inévitable, alors même que toutes les diligences utiles auraient été mises en œuvre par la partie requérante.

20      Il peut être déduit de la jurisprudence citée aux points 18 et 19 ci-dessus que, pour être qualifié de cas fortuit ou de force majeure, un événement doit présenter un caractère inévitable, de sorte que cet événement devienne la cause déterminante de la forclusion.

21      Avant d’examiner les circonstances propres au cas d’espèce, il convient enfin de rappeler que, en vertu de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour, c’est à celui qui invoque un cas fortuit ou de force majeure d’en établir l’existence.

22      En l’espèce, les requérants ont, le 25 novembre 2013, transmis la requête au greffe du Tribunal par télécopieur. Toutefois, selon leurs propres affirmations, étayées par le reçu d’une compagnie de messagerie, lequel a été joint à leur courrier du 3 février 2014, ce n’est que le 3 décembre 2013, à savoir huit jours plus tard, qu’ils ont confié l’original de la requête à cette compagnie de messagerie, en vue de son expédition vers le siège du Tribunal. Les requérants n’ont pas fait valoir que ce retard de huit jours résultait d’un cas fortuit ou de force majeure et, plus généralement, ils n’ont fourni aucune explication pour le justifier.

23      Au demeurant, les requérants se limitent à invoquer leur entière confiance dans les assurances de la compagnie de messagerie qu’ils avaient utilisée, selon lesquelles le colis en question arriverait au siège du Tribunal au plus tard 36 heures après son envoi. Toutefois, d’abord, les requérants n’ont pas fourni le moindre élément de preuve de ces prétendues assurances. Ensuite, alors qu’il leur incombait de surveiller soigneusement le déroulement de la procédure d’acheminement du courrier, d’autant plus que la période qui restait pour acheminer le courrier dans le délai était seulement de deux jours, les requérants n’apportent aucun élément à cet égard. Enfin, les requérants ne présentent pas d’arguments pour démontrer que la durée d’acheminement effective de leur courrier, à savoir six jours, résultait de la survenance d’un évènement anormal.

24      Dans ces conditions, il convient de conclure que les requérants n’ont pas fait preuve de la diligence attendue d’une partie requérante normalement avisée en vue de respecter le délai de recours. Ce manque de diligence des requérants, qui constitue la cause déterminante de la forclusion en l’espèce, ne présente pas un caractère inévitable. Au vu de la jurisprudence citée aux points 18 et 19 ci-dessus, un tel manque de diligence exclut l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure.

25      Il s’ensuit, au regard des considérations qui précèdent, que l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure en l’espèce n’est pas établie.

26      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

27      La présente ordonnance ayant été adoptée avant la notification de la requête à la partie défenderesse et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MM. Joseba Larrañaga Otaño et Mikel Larrañaga Otaño supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 10 juin 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       D. Gratsias


* Langue de procédure : l’espagnol.