Language of document : ECLI:EU:T:2013:292

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

4 juin 2013 (*)

« Recours en annulation – Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Soutien par hélicoptère à la mission Eulex Kosovo – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Absence de qualité de partie défenderesse – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑213/12,

Elitaliana SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Me R. Colagrande, avocat,

partie requérante,

contre

Eulex Kosovo, établie à Pristina (Kosovo), représentée par Me G. Brosadola Pontotti, solicitor,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant, d’une part, à l’annulation des mesures prises par Eulex Kosovo dans le cadre de l’adjudication à un autre soumissionnaire du marché public intitulé « EuropeAid/131516/D/SER/XK – Soutien par hélicoptère à la mission Eulex au Kosovo (PROC/272/11) » et, d’autre part, à la condamnation d’Eulex Kosovo à la réparation du dommage subi en raison de la non-adjudication dudit marché à la requérante,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 4 février 2008, le Conseil de l’Union européenne a adopté l’action commune 2008/124/PESC relative à la mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo, Eulex Kosovo (JO L 42, p. 92). En vertu de l’article 2, premier alinéa, de cette action commune, Eulex Kosovo aide les institutions du Kosovo, les autorités judiciaires et les organismes chargés de l’application des lois à progresser sur la voie de la viabilité et de la responsabilisation et à poursuivre la mise sur pied et le renforcement d’un système judiciaire multiethnique indépendant, ainsi que des services de police et des douanes multiethniques, de manière à ce que ces institutions soient libres de toute interférence politique et s’alignent sur les normes reconnues au niveau international et sur les bonnes pratiques européennes.

2        Le 18 octobre 2011, un avis de marché restreint concernant un projet intitulé « Soutien par hélicoptère à la mission Eulex au Kosovo », visant à la conclusion d’un contrat de service, a été publié dans le supplément du Journal officiel de l’Union européenne (JO 2011/S 200‑324817), sous la référence EuropeAid/131516/D/SER/XK. Cet avis comprenait la mention suivante : « Pouvoir adjudicataire : le chef d’Eulex Kosovo, Pristina, Kosovo ».

3        Par lettre du 23 décembre 2011, à laquelle étaient notamment annexées des instructions pour les soumissionnaires, le chef d’Eulex Kosovo a invité la requérante, Elitaliana SpA, une société italienne dont le domaine d’activité porte sur les services d’hélicoptère qu’elle fournit à des organismes publics, à participer à la procédure d’appel d’offres restreint.

4        La requérante a présenté une offre dans le cadre de la procédure susmentionnée.

5        Par lettre du 29 mars 2012, le directeur de l’administration et des services de soutien d’Eulex Kosovo a informé la requérante du fait que son offre avait été classée deuxième.

6        Par lettre du 2 avril 2012, la requérante a demandé à Eulex Kosovo d’avoir accès à certains documents présentés par le soumissionnaire dont l’offre avait été classée première. Par lettre du 17 avril 2012, le chef d’Eulex Kosovo a refusé d’accorder l’accès à ces documents.

7        Le 24 avril 2012, le chef d’Eulex Kosovo a adjugé le marché en cause au soumissionnaire dont l’offre avait été classée première.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mai 2012, la requérante a introduit le présent recours formé contre Eulex Kosovo et Starlite Aviation Operations.

9        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé, dans laquelle elle a conclu à ce qu’il plût au président du Tribunal d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision d’Eulex Kosovo rejetant l’offre qu’elle avait présentée dans le cadre de la procédure de passation du marché en cause et portant adjudication de ce marché à un autre soumissionnaire et, en conséquence, d’interdire à Eulex Kosovo de procéder à la conclusion du marché en cause ou, si celle-ci avait déjà eu lieu, de commencer l’exécution du marché et d’adopter toute autre mesure conservatoire jugée plus appropriée.

10      Par ordonnance du Tribunal du 3 juillet 2012, Elitaliana/Eulex Kosovo et Starlite Aviation Operations (T‑213/12), le recours a été rejeté dans la mesure où il était dirigé contre Starlite Aviation Operations.

11      Par ordonnance du président du Tribunal du 4 septembre 2012, Elitaliana/Eulex Kosovo (T‑213/12 R), la demande en référé a été rejetée et les dépens ont été réservés.

12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 14 septembre 2012, Eulex Kosovo a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

13      Le 28 novembre 2012, la requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

14      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les mesures prises par Eulex Kosovo dans le cadre de l’adjudication à un autre soumissionnaire du marché public intitulé « EuropeAid/131516/D/SER/XK – Soutien par hélicoptère à la mission Eulex au Kosovo (PROC/272/11) », qui lui a été communiquée par Eulex Kosovo par lettre du 29 mars 2012, ainsi que tout autre acte connexe et, en particulier, la note du 17 avril 2012 par laquelle Eulex Kosovo a refusé de lui accorder l’accès aux documents demandés ;

–        condamner Eulex Kosovo à la réparation des dommages subis en raison de la non-adjudication à son profit dudit marché ;

–        condamner Eulex Kosovo aux dépens.

15      Dans son exception d’irrecevabilité, Eulex Kosovo conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante à l’ensemble des dépens de l’affaire.

16      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        en tout état de cause, procéder à la notification du recours à l’institution considérée comme étant la partie défenderesse.

 En droit

17      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

18      Au soutien de ses conclusions, d’une part, Eulex Kosovo fait valoir qu’elle ne peut avoir la qualité de partie défenderesse dans le cas d’espèce du fait qu’elle ne bénéficie pas du statut d’organisme indépendant. D’autre part, elle soutient que le Tribunal n’est pas compétent en ce qui concerne les actes adoptés sur la base des dispositions du traité FUE relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

19      En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si Eulex Kosovo possède la qualité de partie défenderesse, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, premier alinéa, TFUE, la voie du recours en annulation est ouverte contre les actes émanant de certaines institutions dénommées, mais aussi, de manière plus large, contre ceux adoptés par des organes ou organismes de l’Union européenne, dans la mesure où il s’agit d’actes visant à produire des effets juridiques obligatoires.

20      En outre, aux termes de l’article 44, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, la requête visée à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union contient la désignation de la partie contre laquelle elle est formée.

21      Selon la requérante, Eulex Kosovo dispose de la qualité de partie défenderesse, étant donné qu’elle constitue un organe ou un organisme de l’Union au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE.

22      À cet égard, en ce qui concerne le statut juridique d’Eulex Kosovo, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de l’action commune 2008/124, Eulex Kosovo a été créée par l’Union comme une mission « État de droit » au Kosovo.

23      L’article 6 de l’action commune 2008/124 détermine la structure d’Eulex Kosovo. Ainsi son paragraphe 1 dispose que celle-ci est une mission de politique européenne de sécurité et de défense (PESD) unifiée, déployée dans tout le Kosovo. En vertu de son paragraphe 2, Eulex Kosovo établit un principal quartier général et des bureaux régionaux et locaux au Kosovo, un élément de soutien à Bruxelles (Belgique) et des bureaux de liaison, s’il y a lieu. Selon son paragraphe 3, Eulex Kosovo est constituée d’un chef de la mission et d’un personnel ainsi que de composantes policière, judiciaire et douanière.

24      En vertu de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de l’action commune 2008/124, le directeur de la capacité civile de planification et de conduite est le commandant d’opération civil d’Eulex Kosovo, qui, sous le contrôle politique et la direction stratégique du Comité politique et de sécurité (COPS) et sous l’autorité générale du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (HR), exerce le commandement et le contrôle d’Eulex Kosovo au niveau stratégique. Selon le paragraphe 3 de cet article, il veille à la mise en œuvre adéquate et effective des décisions du Conseil et de celles du COPS, y compris en donnant des instructions au niveau stratégique, s’il y a lieu, au chef de la mission auquel il fournit par ailleurs des conseils et un soutien technique.

25      L’article 11 de l’action commune 2008/124 présente la chaîne de commandement d’Eulex Kosovo. Selon son paragraphe 2, le COPS exerce, sous la responsabilité du Conseil et du HR, le contrôle politique et la direction stratégique d’Eulex Kosovo. En vertu des paragraphes 3 et 4 de cet article, le commandant d’opération civil, qui est le commandant au niveau stratégique d’Eulex Kosovo, rend compte au Conseil par l’intermédiaire du HR. Le paragraphe 5 de cette disposition énonce que le chef de la mission exerce le commandement et le contrôle d’Eulex Kosovo au niveau du théâtre et relève directement du commandant d’opération civil.

26      Eu égard aux dispositions susmentionnées, Eulex Kosovo ne dispose pas de personnalité juridique et il n’est pas prévu qu’elle puisse être partie à une procédure devant les juridictions de l’Union. En revanche, il s’agit d’une mission, c’est-à-dire d’une simple action, dont la durée a été limitée initialement au 14 juin 2010, en vertu de l’article 20 de l’action commune 2008/124, telle que modifiée par l’action commune 2009/445/PESC du Conseil, du 9 juin 2009 (JO L 148, p. 33), et qui a été modifiée et prolongée, au moment du dépôt de la requête, jusqu’au 14 juin 2012 par la décision 2010/322/PESC du Conseil, du 8 juin 2010 (JO L 145, p. 13). Or, le Tribunal a déjà dit pour droit que, dans un tel cas, une mission ne peut être considérée comme un organe ou un organisme de l’Union au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE (ordonnance du président du Tribunal du 22 juillet 2010, H/Conseil e.a., T‑271/10 R, non publiée au Recueil, points 19 et 20). Il s’ensuit qu’Eulex Kosovo ne constitue pas un tel organe ou organisme.

27      En outre, il importe de rappeler que la requérante sollicite l’annulation des mesures prises par Eulex Kosovo dans le cadre de l’adjudication du marché en cause, à savoir, en substance, les mesures rejetant l’offre que la requérante a présentée dans le cadre de la procédure de passation du marché en cause et portant adjudication de ce marché à un autre soumissionnaire, ainsi que tout autre acte connexe et, en particulier, la note du 17 avril 2012 refusant d’accorder l’accès aux documents demandés.

28      Bien que ces mesures aient été prises par le chef d’Eulex Kosovo et par le directeur de l’administration et des services de soutien d’Eulex Kosovo (voir points 5 à 7 ci-dessus), elles sont imputables au seul chef d’Eulex Kosovo. En effet, c’est ce dernier qui exerce le commandement et le contrôle des effectifs ainsi que la responsabilité administrative et logistique, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de l’action commune 2008/124.

29      Il convient de relever que les mesures prises dans le cadre de la procédure de passation du marché public en cause, à savoir, en substance, le rejet de l’offre de la requérante, l’adjudication du marché à un autre soumissionnaire ainsi que le refus d’accorder l’accès aux documents demandés, faisaient partie de la gestion au quotidien de la mission. En vertu de l’article 8, paragraphe 3, de l’action commune 2008/124, c’est le chef de la mission qui est chargé de cette gestion.

30      Il y a lieu de constater que les mesures prises dans le cadre de la procédure de passation du marché public en cause concernent le budget d’Eulex Kosovo.

31      Or, selon l’article 16, paragraphe 2, de l’action commune 2008/124, l’ensemble des dépenses doit être géré conformément aux règles et procédures communautaires applicables au budget général de l’Union. En vertu de l’article 8, paragraphe 5, de cette action commune, le chef de la mission est responsable de l’exécution du budget d’Eulex Kosovo et signe, à cette fin, un contrat avec la Commission européenne. Ainsi qu’il ressort du dossier, le chef d’Eulex Kosovo a signé un tel contrat avec la Commission. La Commission a donc délégué certaines tâches d’exécution du budget d’Eulex Kosovo au chef d’Eulex Kosovo, comme prévu à l’article 54, paragraphe 2, sous d), du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), tel que modifié.

32      Cette délégation est notamment reflétée à l’article 16, paragraphes 3 et 4, de l’action commune 2008/124, relatif aux dispositions financières. En effet, selon le paragraphe 3, le chef de la mission ne peut conclure des accords techniques portant sur la fourniture d’équipements, de services et de locaux à Eulex Kosovo que sous réserve d’approbation par la Commission. Le paragraphe 4 dispose que le chef de la mission rend pleinement compte à la Commission des activités menées dans le cadre de son contrat, dont cette dernière assure la supervision.

33      Il convient de rappeler que les actes adoptés en vertu de pouvoirs délégués sont normalement imputés à l’institution délégante, à laquelle il appartient de défendre en justice l’acte en cause (voir ordonnance du Tribunal du 4 juin 2012, Elti/Délégation de l’Union au Monténégro, T‑395/11, point 62, et la jurisprudence citée).

34      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que les actes adoptés par le chef d’Eulex Kosovo dans le cadre de la procédure de passation du marché en cause sont imputables à la Commission, qui dispose de la qualité de partie défenderesse, en vertu de l’article 263, premier alinéa, TFUE. Ces actes sont donc susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel conforme aux exigences du principe général, invoqué par la requérante, selon lequel tout acte émanant d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union destiné à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers doit être susceptible d’un contrôle juridictionnel (arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 24, et arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Sogelma/AER, T‑411/06, Rec. p. II‑2771, point 37).

35      Par conséquent, Eulex Kosovo ne possède pas la qualité de partie défenderesse.

36      Cette conclusion n’est remise en cause ni par l’article 8, paragraphe 7, de l’action commune 2008/124, selon lequel le chef de la mission représente Eulex Kosovo dans la zone d’opération et veille à la bonne visibilité d’Eulex Kosovo, ni par l’article 16, paragraphe 3, de cette action commune, selon lequel, sous réserve d’approbation par la Commission, le chef de la mission peut conclure des accords techniques avec des États membres, des États tiers participants et d’autres acteurs internationaux déployés au Kosovo, portant sur la fourniture d’équipements, de services et de locaux à Eulex Kosovo. En effet, ces dispositions attribuent seulement des pouvoirs limités au chef de la mission. Tandis que, en vertu dudit article 8, paragraphe 7, il est autorisé à représenter cette mission dans la zone d’opération, ledit article 16, paragraphe 3, lui accorde simplement une capacité juridique strictement limitée d’un point de vue matériel. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que cette dernière disposition confirme plutôt le fait que les actes adoptés par le chef d’Eulex Kosovo dans le cadre de la procédure de passation du marché en cause sont imputables à la Commission (voir points 29 à 34 ci-dessus).

37      À cet égard, il convient également de rejeter l’argumentation de la requérante concernant l’article 1er, paragraphe 9, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), selon laquelle Eulex Kosovo, en tant qu’organisme de droit public au sens de cette disposition, constitue un organe ou un organisme de l’Union. En effet, en vertu de l’article 1er, paragraphe 9, sous b), de cette directive, un organisme de droit public, au sens de cette disposition, doit être doté de la personnalité juridique. Or, ainsi qu’il a déjà été constaté (voir point 26 ci-dessus), Eulex Kosovo ne dispose pas de la personnalité juridique et ne saurait, dès lors, constituer un organisme de droit public au sens de l’article 1er, paragraphe 9, de la directive 2004/18.

38      En second lieu, la requérante fait valoir à titre subsidiaire que, au cas où Eulex Kosovo n’aurait pas la qualité de partie défenderesse, premièrement, le Tribunal pourrait identifier la partie à l’égard de laquelle l’affaire pourrait donc être poursuivie. Elle se réfère, à cet égard, à la jurisprudence selon laquelle la désignation dans la requête, par erreur, d’une partie défenderesse autre que l’auteur de l’acte attaqué n’entraîne pas l’irrecevabilité de la requête, si cette dernière contient des éléments permettant d’identifier sans ambiguïté la partie à l’encontre de laquelle elle est formée, telle la désignation de l’acte attaqué et de son auteur. Selon cette jurisprudence, dans un tel cas, il convient de considérer comme partie défenderesse l’auteur de l’acte attaqué, bien qu’il ne soit pas évoqué dans la partie introductive de la requête (voir ordonnance du Tribunal du 16 octobre 2006, Aisne et Nature/Commission, T‑173/06, non publiée au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée).

39      Or, cette jurisprudence n’est, en aucun cas, applicable au cas d’espèce. En effet, en l’occurrence, la désignation d’Eulex Kosovo dans la requête ne constitue pas une erreur de la part de la requérante. En revanche, il ressort clairement du contenu de la requête que la requérante avait l’intention de former le recours expressément contre Eulex Kosovo qui, selon la requérante, constitue un organe ou un organisme de l’Union au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE, ce que la requérante a, d’ailleurs, confirmé dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité. En outre, s’il est vrai que la requête désigne les actes attaqués, elle ne contient aucun élément permettant de constater sans ambiguïté que le recours est formé contre une entité autre qu’Eulex Kosovo. Contrairement à ce qu’allègue la requérante, dans une telle situation, il n’appartient pas au Tribunal d’identifier la partie contre laquelle le recours devrait être dirigé afin de satisfaire aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure.

40      La requérante fait valoir, deuxièmement, que le Tribunal devrait lui reconnaître le bénéfice de l’erreur excusable et invoque à cet égard la jurisprudence, qui reconnaîtrait l’existence d’une telle erreur si l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 octobre 1977, Schertzer/Parlement, 25/68, Rec. p. 1729, point 19, et arrêt du Tribunal du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T‑514/93, Rec. p. II‑621, point 40).

41      Il est vrai que l’avis de marché indiquait le chef d’Eulex Kosovo comme pouvoir adjudicataire auquel l’offre devait être soumise. En outre, il ressort du dossier que, pendant la procédure de passation du marché en cause, ce sont le chef d’Eulex Kosovo ou le directeur de l’administration et des services de soutien d’Eulex Kosovo qui ont agi à l’égard de la requérante. De plus, il convient de relever que ni l’avis de marché ni les lettres adressées par le chef d’Eulex Kosovo ou ledit directeur n’indiquaient une partie contre laquelle un éventuel recours contre des mesures prises dans le cadre de la procédure de passation du marché en cause pourrait être formé. Dans ces circonstances et eu égard à la situation juridique complexe régissant la relation dans cette procédure entre Eulex Kosovo et son chef, d’une part, et la Commission et le Conseil, d’autre part, il était incontestablement difficile pour la requérante d’identifier la partie à laquelle les mesures en cause étaient imputables et qui disposait de la qualité de partie défenderesse.

42      Toutefois, il convient de rappeler que l’existence d’une erreur excusable peut, selon la jurisprudence invoquée par la requérante (voir point 40 ci-dessus), seulement avoir pour conséquence que le recours ne doive pas être rejeté pour tardiveté. Or, en l’espèce, il est constant que la requérante a respecté le délai de recours. Par ailleurs, il convient de constater que la requérante n’a, à aucun moment, dirigé un recours également contre une partie autre qu’Eulex Kosovo, mais qu’elle s’est bornée à demander au Tribunal d’identifier la partie défenderesse contre laquelle le présent recours devrait être formé pour être recevable.

43      En outre, il ne ressort pas du dossier que la requérante a été informée qu’un éventuel recours contre des mesures prises dans le cadre de la procédure de passation du marché en cause devait être formé contre Eulex Kosovo. En revanche, il y a lieu de constater qu’il ressort clairement de la requête que la requérante a dirigé son recours contre Eulex Kosovo en considérant que cette dernière constituait un organe ou un organisme de l’Union au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE. Or, eu égard au caractère suffisamment clair des dispositions de l’action commune 2008/124 mentionnées aux points 22 à 36 ci-dessus et à la jurisprudence qui existait au moment du dépôt de la requête, la requérante aurait pu, en dépit de la difficulté indiquée au point 41 ci-dessus, ne pas commettre l’erreur de considérer qu’Eulex Kosovo constituait un tel organe ou organisme. Cette erreur n’est donc pas excusable.

44      Par conséquent, l’argumentation de la requérante tirée d’une erreur excusable doit être rejetée.

45      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en raison du défaut de qualité de partie défenderesse d’Eulex Kosovo, le recours introduit contre cette dernière par la requérante est irrecevable, qu’il s’agisse tant de la demande en annulation que de la demande indemnitaire, qui est étroitement liée aux conclusions en annulation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 31, et ordonnance Elti/Délégation de l’Union au Monténégro, point 33 supra, point 74, et la jurisprudence citée), sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la prétendue incompétence du Tribunal en ce qui concerne les actes adoptés sur la base des dispositions du traité FUE relatives à la PESC.

46      Il y a lieu, dès lors, de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, en ce compris ceux de la procédure en référé, conformément aux conclusions d’Eulex Kosovo en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Elitaliana SpA est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Fait à Luxembourg, le 4 juin 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’italien.