Language of document : ECLI:EU:T:2022:516

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 septembre 2022 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Concours général EPSO/AD/371/19 – Non-inscription sur la liste de réserve – Irrégularités dans le déroulement des épreuves de nature à fausser le résultat – Égalité de traitement – Erreur manifeste d’appréciation – Moyen nouveau »

Dans l’affaire T‑341/21,

Nadya Rauff-Nisthar, demeurant à Pfinztal (Allemagne), représentée par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme I. Melo Sampaio et M. T. Lilamand, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, P. Nihoul et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 5 mai 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, Mme Nadya Rauff-Nisthar, demande, en substance, l’annulation de la décision du jury du concours général EPSO/AD/371/19 pour le recrutement d’administrateurs (AD 7) spécialisés dans la recherche scientifique (ci‑après le « concours ») de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve de ce concours, plus particulièrement dans le domaine no 6, intitulé « Recherche nucléaire et déclassement d’installations nucléaires » (ci-après le « domaine no 6 »).

 Antécédents du litige

2        Le 21 février 2019, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis relatif au concours (JO 2019, C 68 A, p. 1).

3        Cet avis prévoyait une procédure en trois étapes. La troisième étape comportait des épreuves au centre d’évaluation, consistant en des entretiens individuels et en groupe.

4        La requérante, candidate au concours, a été admise à prendre part aux épreuves de la troisième étape de celui-ci et, le 9 octobre 2019, elle s’est rendue au centre d’évaluation pour participer à ces épreuves.

5        Lors de son arrivée, la requérante a été informée de l’emploi du temps de ses épreuves et des numéros des salles dans lesquelles elle était convoquée.

6        Dix minutes avant sa première épreuve, de nouvelles salles ont été attribuées à la requérante et son emploi du temps a été modifié par l’EPSO. La requérante s’est rendue à la salle nouvellement indiquée pour cette épreuve, devant laquelle attendait un autre candidat, alors qu’une salle différente aurait dû être attribuée à chacun d’eux.

7        À la suite de démarches entamées par la requérante, le représentant de l’EPSO a indiqué une nouvelle salle à l’autre candidat, tandis que la première épreuve de la requérante s’est déroulée dans la salle qui avait été indiquée à celle-ci conformément à la modification visée au point 6 ci-dessus.

8        Lorsqu’elle s’est rendue dans la salle indiquée dans son emploi du temps pour la deuxième épreuve, la requérante a constaté qu’aucune des places prévues pour l’exercice de groupe ne comportait son numéro de candidate. Il en allait de même pour un autre candidat.

9        Interpellé à cet égard, le personnel de l’EPSO a invité la requérante et cet autre candidat à s’asseoir à d’autres places, tout en indiquant que le président du jury du concours serait informé de la situation. L’exercice de groupe a eu lieu, tout comme les deux dernières épreuves prévues dans le cadre de la troisième étape du concours.

10      Le 9 mars 2020, l’EPSO a informé la requérante qu’elle n’avait pas été inscrite sur la liste de réserve (ci-après la « décision de non‑inscription »).

11      Le 16 mars 2020, la requérante a introduit une demande de réexamen de la décision de non-inscription.

12      Le 19 août 2020, l’EPSO a informé la requérante que le jury avait confirmé la décision de non-inscription (ci-après la « décision sur la demande de réexamen »). En substance, le jury du concours a relevé que des modifications d’emploi du temps pouvaient survenir au centre d’évaluation et que les notes attribuées à la requérante correspondaient bien à ses prestations le jour des épreuves. Par conséquent, le jury du concours a estimé qu’aucune erreur n’avait été commise durant le processus d’évaluation.

13      Le 9 novembre 2020, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre la décision de non-inscription et la décision sur la demande de réexamen.

14      Par décision du 15 mars 2021, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation de la requérante (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »). En substance, l’AIPN a estimé que le fait d’avoir changé les salles d’entretien ne pouvait être considéré comme une inégalité de traitement dès lors que la durée et la forme des épreuves n’avaient pas été affectées par ce changement. L’AIPN a précisé également que les irrégularités qui pouvaient apparaître durant un concours n’affectaient pas la légalité de la procédure, sauf si elles étaient substantielles et de nature à fausser les résultats.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de non-inscription ;

–        annuler la décision sur la demande de réexamen ;

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission européenne aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

17      Par ses deux premiers chefs de conclusions, la requérante demande l’annulation des deux décisions du jury, à savoir la décision de non‑inscription et la décision sur la demande de réexamen.

18      Toutefois, ainsi que le fait valoir la Commission, l’acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, est la décision prise après réexamen, qui se substitue à la décision initiale du jury (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2019, Nerantzaki/Commission, T‑813/17, non publié, EU:T:2019:335, point 25 et jurisprudence citée).

19      Il s’ensuit que les premier et deuxième chefs de conclusions de la requérante doivent être interprétés comme tendant à la seule annulation de la décision sur la demande de réexamen.

20      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande aussi l’annulation de la décision de rejet de la réclamation.

21      Or, il est de jurisprudence constante que des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO, T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5, point 24 et jurisprudence citée).

22      En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation est dépourvue de contenu autonome et il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur la demande tendant à l’annulation de celle-ci. Néanmoins, elle contient des motifs visant à compléter la portée de ceux qui figurent dans la décision sur la demande de réexamen. Dès lors, pour l’examen de la légalité de cette dernière, il conviendra de prendre également en considération la motivation de la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision sur la demande de réexamen (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2022, Zardini/Commission, T‑511/20, non publié, EU:T:2022:122, point 18 et jurisprudence citée).

23      Par conséquent, il y a lieu de considérer que le présent recours porte sur la décision sur la demande de réexamen, qui constitue, en l’espèce, l’acte faisant grief à la requérante, telle qu’elle a été complétée, quant à sa motivation, par la décision de rejet de la réclamation.

 Sur le fond

24      La requérante invoque deux moyens. Le premier, qui figure dans la requête, est tiré d’irrégularités dans l’organisation des épreuves du concours. Le second, présenté dans le mémoire en réplique, est tiré d’irrégularités quant à la composition du jury.

 Sur le premier moyen, tiré d’irrégularités dans l’organisation des épreuves du concours

25      Le premier moyen comporte deux branches. Par la première branche, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement, la requérante fait valoir, en substance, qu’elle a été traitée de manière discriminatoire en raison du stress accru dont elle a souffert par suite des erreurs dans l’organisation des épreuves la concernant. Ces erreurs auraient consisté, d’une part, dans le fait qu’elle s’est trouvée devant la même salle qu’un autre candidat lors de la première épreuve de la troisième étape du concours, alors qu’une salle différente aurait dû être attribuée à chacun et, d’autre part, dans le fait qu’elle a dû changer de place pour la deuxième épreuve, ainsi que cela a été indiqué aux points 6 et 8 ci‑dessus (ci-après, prises ensemble, les « erreurs d’organisation »).

26      Par la seconde branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation, la requérante reproche au jury de ne pas avoir pris en considération les erreurs d’organisation lors de l’évaluation de ses prestations.

–       Sur la première branche, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

27      La requérante soutient qu’elle a dû participer aux épreuves au centre d’évaluation dans des conditions défavorables et fait valoir, pour l’essentiel, que les procédures mises en place ne garantissaient pas l’égalité entre les candidats.

28      La requérante affirme qu’elle est arrivée en retard à deux épreuves sur les quatre que comportait l’étape concernée du concours en raison des erreurs d’organisation commises par l’EPSO et que ces erreurs l’ont placée dans une situation stressante, l’empêchant de passer les épreuves dans les mêmes conditions de sérénité que les autres candidats. Elle prétend qu’elle a ainsi perdu une chance de faire valoir correctement ses qualités et que ses résultats auraient pu être différents si les épreuves s’étaient déroulées dans des conditions plus sereines. Par conséquent, la requérante estime que l’EPSO a méconnu, à son égard, le principe d’égalité de traitement.

29      Il y a lieu de relever, à cet égard, que, selon la jurisprudence, il incombe aux institutions de l’Union européenne, en vertu des principes de diligence et d’égalité de traitement, d’assurer à tous les candidats à un concours un déroulement le plus serein et le plus régulier possible des épreuves (arrêt du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, EU:T:2001:121, point 46 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 244 et jurisprudence citée).

30      Cependant, il ressort également de la jurisprudence qu’une irrégularité intervenue pendant le déroulement des épreuves d’un concours n’affecte la légalité desdites épreuves que si cette irrégularité est de nature substantielle ou si la partie requérante établit que cette irrégularité est susceptible d’avoir faussé les résultats des épreuves (arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 244, et ordonnance du 3 mars 2017, GX/Commission, T‑556/16, non publiée, EU:T:2017:139, point 35).

31      Or, la Commission fait valoir qu’il avait été totalement remédié aux erreurs d’organisation avant le début des épreuves, de sorte qu’elles n’avaient ainsi rien de substantiel et qu’elles n’étaient pas de nature à fausser les résultats des épreuves.

32      Comme le fait valoir la requérante, une appréciation aussi stricte de la nature substantielle d’une irrégularité ne saurait prospérer. En effet, il ne peut pas être exclu qu’une irrégularité survenue pendant la journée où se déroulent des épreuves, avant le début de l’une d’entre elles, puisse, dans certaines circonstances, constituer une irrégularité substantielle ou susceptible de fausser les résultats.

33      Toutefois, compte tenu, d’une part, de ce qu’un acte administratif jouit d’une présomption de légalité et, d’autre part, de ce que la charge de la preuve qu’il est entaché d’illégalité pèse, par principe, sur celui qui allègue, il incombe à la partie requérante de fournir, à tout le moins, des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir la véracité ou la vraisemblance des faits à l’appui de sa prétention (voir ordonnance du 11 février 2022, OP/Commission, T‑736/20, non publiée, EU:T:2022:69, point 42 et jurisprudence citée).

34      Il y a par conséquent lieu d’examiner si la requérante a apporté à tout le moins des indices que les erreurs d’organisation présentaient effectivement un caractère substantiel ou étaient réellement susceptibles de fausser les résultats des épreuves.

35      Dans cette perspective, la requérante conteste l’allégation de la Commission selon laquelle le personnel de l’EPSO aurait donné des consignes aux candidats au début de la journée concernée quant à la possibilité d’utiliser un téléphone, qui se trouvait sur le comptoir de l’étage où se déroulaient les épreuves, pour joindre la gestionnaire du centre d’évaluation en cas de questions ou de doutes. Selon la Commission, les différents déplacements que la requérante indique avoir effectués avant le début de la première épreuve seraient donc non pas la conséquence directe de l’erreur d’organisation commise par l’EPSO, mais le résultat du choix de la requérante d’agir contrairement auxdites consignes.

36      La Commission fournit, à cet égard, une déclaration de la gestionnaire du centre.

37      La requérante, pour sa part, se prévaut d’une discussion sur le réseau social WhatsApp, avec d’autres candidats qui ont passé les épreuves le même jour, en ce qui concerne la présence du téléphone mentionné par la Commission (voir point 35 ci-dessus).

38      Or, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, il ressort uniquement de cette discussion que les interlocuteurs de la requérante ont déclaré ne pas se souvenir de la présence d’un téléphone, ce qui ne prouve pas à suffisance de droit son absence.

39      La requérante prétend également être arrivée en retard à deux épreuves sur les quatre organisées le jour concerné en raison des erreurs d’organisation. Lors de l’audience, elle a notamment insisté sur le fait que l’erreur dans le placement des candidats pour la deuxième épreuve avait réduit son temps de préparation.

40      Ces affirmations, non étayées, sont contredites par la Commission, qui fait valoir, en s’appuyant sur les notes des membres du jury, que la première épreuve a débuté avec tout au plus une minute de retard. De surcroît, il n’apparaît pas que ce retard minime ait été attribué, par le jury, à l’arrivée tardive de la requérante et que celui-ci lui en aurait fait grief. Par ailleurs, aucun élément n’indique que celle-ci serait arrivée tardivement à la deuxième épreuve. Enfin, il ressort du dossier que le format, la durée et le contenu des deux épreuves affectées par les erreurs d’organisation ont été respectés.

41      La requérante allègue néanmoins que, même si, sur le plan matériel, il avait été remédié aux erreurs d’organisation avant le début des épreuves concernées, le stress que ces erreurs ont engendré a eu un impact sur ses prestations et a pu fausser ses résultats à ces épreuves. Lors de l’audience, elle a souligné, en particulier, qu’elle n’avait pas bénéficié du calme nécessaire à la préparation de la deuxième épreuve. Elle estime dès lors que c’est à tort que le jury de concours n’a pas pris en compte l’impact psychologique desdites erreurs afin d’évaluer ses prestations.

42      Aucun élément objectif ne permet cependant d’établir que les erreurs d’organisation ont pu avoir un impact sur le déroulement des épreuves concernées au point de nuire aux prestations de la requérante ou de fausser ses résultats. En effet, s’il ne peut être exclu que lesdites erreurs aient suscité un stress, il ne s’ensuit pas que les résultats de la requérante aux deux épreuves en question étaient dus au stress accru dont elle se plaint.

43      Comme le relève la Commission, le stress de la requérante pouvait aussi provenir du simple fait de passer un concours.

44      Par ailleurs, la Commission prétend que l’erreur quant au placement des candidats lors de la deuxième épreuve n’a pas affecté le temps de préparation lui-même et que le problème a été réglé en quelques minutes, avant que ne débute ce temps de préparation. L’horaire des épreuves rend cette affirmation crédible et rien ne vient en contredire l’exactitude.

45      De surcroît, il convient de rappeler que les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les aptitudes des candidats et les décisions par lesquelles le jury constate l’échec d’un candidat à une épreuve constituent l’expression d’un jugement de valeur. Elles s’insèrent dès lors dans le large pouvoir d’appréciation dont dispose le jury de concours et ne sauraient être soumises au contrôle du juge de l’Union qu’en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury (arrêt du 24 avril 2013, BX/Commission, F‑88/11, EU:F:2013:51, point 59). Par conséquent, il y a lieu d’admettre avec la Commission que, au regard de la portée très limitée des erreurs d’organisation, le jury a pu valablement considérer qu’elles n’étaient pas susceptibles de remettre en cause la notation des prestations de la requérante aux épreuves concernées et, partant, qu’elles n’avaient pas eu pour effet de rompre l’égalité entre les candidats.

46      Il en va d’autant plus ainsi que l’échec de la requérante est intervenu lors des épreuves orales, où le pouvoir d’appréciation du jury se trouve encore élargi par l’élément de liberté et d’incertitude qui caractérise ce type d’épreuve, qui est, par sa nature même, moins uniformisée que l’épreuve écrite et dont le contenu peut varier en fonction de l’expérience et de la personnalité des différents candidats ainsi que des réponses qu’ils fournissent aux questions du jury (voir, en ce sens, arrêts du 23 mars 2000, Gogos/Commission, T‑95/98, EU:T:2000:85, point 36, et du 30 novembre 2005, Vanlangendonck/Commission, T‑361/03, EU:T:2005:433, point 39 et jurisprudence citée ).

47      De plus, il ressort de la jurisprudence que des circonstances propres au candidat ne sauraient fonder une différence pertinente au regard du principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêts du 5 avril 2005, Hendrickx/Conseil, T‑376/03, EU:T:2005:116, point 33, et du 17 octobre 2013, Vasilev/Commission, F‑77/12, EU:F:2013:150, point 31). Il en va ainsi d’une propension éventuelle d’un candidat à ressentir davantage de stress que d’autres.

48      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante ne fournit pas d’indices suffisants à l’appui de son allégation que les erreurs d’organisation présentaient un caractère substantiel ou étaient susceptibles de fausser les résultats des épreuves.

49      Par conséquent, la requérante ne peut valablement prétendre que lesdites erreurs l’ont placée dans une situation de stress sensiblement différente de celle des autres candidats, ou qu’elle a dû affronter une difficulté majeure que ceux-ci n’auraient pas connue, ou encore que ces erreurs étaient de nature à remettre en cause les notations de ses prestations aux épreuves concernées au point d’engendrer une discrimination à son égard.

50      Dès lors, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

–       Sur la seconde branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation

51      La requérante fait valoir qu’elle est extrêmement qualifiée dans le domaine dans lequel elle a postulé et que le profil recherché correspondait parfaitement aux tâches qu’elle accomplissait dans le cadre du poste qu’elle occupait à l’époque des faits.

52      La requérante estime ainsi que le jury de concours a commis une erreur manifeste d’appréciation de ses prestations et que la différence correspondant aux 5,5 % de points qui lui ont manqué pour qu’elle soit inscrite sur la liste de réserve était due au stress causé par les erreurs d’organisation.

53      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en matière de concours, le jury dispose d’un large pouvoir d’appréciation et que l’annulation de sa décision ne peut dès lors résulter que d’une erreur d’appréciation présentant un caractère manifeste (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2021, Ruiz-Ruiz/Commission, T‑293/20, non publié, EU:T:2021:845, point 60).

54      Or, établir qu’un jury a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise suppose que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par ce jury. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme étant vraie ou valable (voir arrêt du 13 novembre 2018, Szentes/Commission, T‑830/17, non publié, EU:T:2018:777, point 41 et jurisprudence citée).

55      En l’espèce, ainsi qu’il a été conclu aux points 48 et 49 ci-dessus, la requérante ne fournit pas d’indices suffisants que les erreurs d’organisation ont été susceptibles de fausser les résultats des épreuves, de sorte qu’elle ne peut pas valablement prétendre que ces erreurs l’ont placée dans une situation de stress sensiblement différente de celle des autres candidats ou qu’elle a dû faire face à une difficulté majeure que ceux-ci n’ont pas connue.

56      Il s’ensuit que la requérante ne peut pas être suivie lorsqu’elle prétend que la différence entre les points qu’elle a obtenus et ceux qui lui étaient nécessaires pour être inscrite sur la liste de réserve est due au stress particulier auquel elle aurait dû faire face du fait des erreurs d’organisation, et donc que le jury a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard. Dans ces conditions, le rejet de la première branche du premier moyen implique le rejet de la seconde branche.

57      De surcroît, au soutien de son argumentation, la requérante se borne, pour l’essentiel, à rappeler ses expériences professionnelles ainsi que ses rapports d’évaluation pour en déduire que ses compétences ont été manifestement sous-estimées par le jury.

58      Or, d’une part, la conviction personnelle de la requérante quant aux mérites de sa candidature ne saurait être considérée comme constituant la preuve d’une erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 23 janvier 2003, Angioli/Commission, T‑53/00, EU:T:2003:12, point 94 ; du 8 mai 2019, Stamatopoulos/ENISA, T‑99/18, non publié, EU:T:2019:305, point 39, et ordonnance du 25 février 2014, García Dominguez/Commission, F‑155/12, EU:F:2014:24, point 59).

59      D’autre part, s’agissant des rapports d’évaluation de la requérante, il est de jurisprudence constante qu’un jury, dans son évaluation des connaissances professionnelles des candidats ainsi que de leurs aptitudes et de leurs motivations, doit se fonder, de façon exclusive et autonome, sur les seules prestations des candidats, conformément aux prescriptions de l’avis de concours en cause (arrêt du 14 juillet 2000, Teixeira Neves/Cour de justice, T‑146/99, EU:T:2000:194, point 41). Aussi, un candidat ne peut pas, pour contester une décision prise à l’égard de sa prestation lors d’une épreuve, se prévaloir de son expérience professionnelle ou de ses qualifications (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2001, Giulietti e.a./Commission, T‑167/99 et T‑174/99, EU:T:2001:126, point 75), pas plus que des résultats obtenus lors d’un autre concours (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 juin 2003, Pyres/Commission, T‑72/01, EU:T:2003:176, point 35). Il en va de même en ce qui concerne l’opinion de sa hiérarchie.

60      De plus, dans le cadre d’un concours, la valeur des prestations des candidats est appréciée de manière comparative. Ainsi, le seul fait que la candidature de la requérante ait présenté les mérites allégués n’exclut pas que, dans le cadre de l’examen comparatif de la valeur des candidats, d’autres se soient vu reconnaître des mérites supérieurs (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Stamatopoulos/ENISA, T‑99/18, non publié, EU:T:2019:305, point 42 et jurisprudence citée).

61      Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas démontré l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation entachant les appréciations du jury.

62      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen comme étant non fondée, et, partant, le premier moyen dans sa totalité.

 Sur le second moyen, tiré d’irrégularités quant à la composition du jury

63      Dans son mémoire en réplique, la requérante présente un nouveau moyen, qui comporte deux branches et qui est tiré d’irrégularités dans la composition du jury. Elle justifie la recevabilité de ce moyen par le fait que ce ne serait qu’avec la communication par la Commission de l’annexe B.2 du mémoire en défense qu’elle aurait découvert qu’elle n’avait été évaluée par aucun membre du jury expert dans la matière relevant du domaine no 6.

64      La Commission soutient que ce nouveau moyen est irrecevable, en vertu de l’article 84 du règlement de procédure du Tribunal.

–       Sur la recevabilité de la première branche

65      Par la première branche de son nouveau moyen, la requérante soutient que le jury du concours a méconnu le principe d’égalité de traitement et l’avis de concours du fait qu’aucun des membres l’ayant interrogée n’était à même d’évaluer ses compétences dans le domaine no 6.

66      Selon l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

67      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, afin qu’une donnée factuelle soit qualifiée d’élément de fait révélé pendant la procédure au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, il ne suffit pas que la partie requérante en ait pris connaissance pendant la procédure devant le Tribunal. Il faut encore qu’elle n’ait pas été en mesure d’avoir connaissance de cette donnée antérieurement [voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, EU:T:2010:505, point 167, et du 22 janvier 2015, Teva Pharma et Teva Pharmaceuticals Europe/EMA, T‑140/12, EU:T:2015:41, point 36].

68      En l’espèce, il convient de constater que l’annexe B.2, qui justifierait la recevabilité du nouveau moyen, consiste dans l’horaire des épreuves au centre d’évaluation le 9 octobre 2019 avec la mention des noms des évaluateurs.

69      Or, les noms de tous les membres du jury avaient été publiés sur le site Internet de l’EPSO le 24 septembre 2019.

70      De plus, la Commission a précisé, sans être contredite sur ce point par la requérante, que, lors de chaque épreuve, les membres du jury étaient identifiés par une plaque signalétique placée devant eux qui indiquait leurs nom et prénom et qu’ils se présentaient aussi aux candidats. La Commission fournit, au demeurant, deux déclarations qui en attestent, l’une du responsable de l’organisation du centre d’évaluation pour le concours, l’autre du membre du jury, spécialisé dans le domaine no 6, qui a évalué la requérante lors de l’entretien sur ses compétences spécifiques.

71      Au demeurant, la requérante a reconnu lors de l’audience qu’elle connaissait les noms de tous les membres du jury avant l’introduction du recours.

72      Enfin, la requérante, dans la réplique, fonde notamment son second moyen sur les compétences des membres du jury telles que celles-ci « peuvent être constatées en fonction des postes qu’ils occupent et qui sont indiqués sur [le] Who’s who » de l’Union. Or, la requérante pouvait consulter utilement cette base de données avant le dépôt de la requête dès lors qu’elle connaissait les noms des membres du jury qui l’avaient interrogée.

73      Ainsi, force est de constater que la première branche du second moyen, présentée par la requérante au stade de la réplique, ne se fonde sur aucun élément de droit ou de fait qui se soit révélé pendant la procédure et dont elle n’était pas en mesure d’avoir connaissance antérieurement.

74      Partant, il convient de rejeter comme étant irrecevable la première branche du second moyen.

–       Sur la recevabilité de la seconde branche

75      Par la seconde branche du second moyen soulevé dans la réplique, la requérante soutient, en substance, que le jury n’a pas eu une composition stable et régulière lors des épreuves orales, puisque les membres du jury qui ont évalué ses prestations, notamment lors de l’entretien sur les compétences spécifiques, n’avaient pas participé aux réunions de coordination relatives au domaine no 6. À l’appui de cet argument, la requérante produit une déclaration sur l’honneur d’un membre du jury datée du 14 octobre 2021, soit après l’introduction du recours.

76      Il convient cependant de rappeler, tout d’abord, qu’il ressort de la liste des membres du jury, publiée sur le site Internet de l’EPSO, qu’un seul jury comportant 51 membres avait été institué pour les six domaines couverts par le concours, y compris pour le domaine no 6 auquel la requérante s’était portée candidate. Comme cela a été exposé au point 69 ci-dessus, la requérante ne l’ignorait pas.

77      Ensuite, dès les épreuves du 9 octobre 2019, la requérante a pu se rendre compte qu’elle n’avait été interrogée que par deux évaluateurs, parmi les 51 membres que comportait le jury.

78      Cette seule confrontation du nombre de membres du jury et du nombre d’évaluateurs ayant interrogé la requérante aurait dû éveiller l’attention de celle-ci, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, le respect des principes d’égalité de traitement et d’objectivité des évaluations requiert une application cohérente des critères d’évaluation à tous les candidats concernés et que celle-ci nécessite le maintien d’une certaine stabilité de la composition du jury ou le recours à d’autres moyens tels que la mise en place d’une procédure de coordination (voir, en ce sens, arrêts du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO, T‑548/18, EU:T:2021:4, points 32, 65 et 66 ; du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO, T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5, points 38, 71 et 72, et du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, points 65 à 67 et 70).

79      La requérante prétend cependant justifier la présentation de la seconde branche de son second moyen au stade de la réplique par le fait qu’elle s’appuierait sur des informations trouvées dans l’annexe B.2 du mémoire en défense. Toutefois, cette pièce n’apporte aucun élément de fait nouveau au regard de ceux que la requérante connaissait ou aurait pu connaître avant le dépôt de la requête et qui expliquerait qu’elle ne se soit inquiétée de la stabilité du jury et de la participation des évaluateurs qui l’ont interrogée aux réunions de coordination qu’après avoir pris connaissance de ladite pièce.

80      Ainsi, à tout le moins, la requérante justifie insuffisamment de la recevabilité de la seconde branche du second moyen en s’appuyant sur l’annexe B2.

81      À l’audience, la requérante a également justifié la présentation tardive de la seconde branche de son second moyen par la circonstance selon laquelle, dans le mémoire en défense, la Commission avait fait état de l’existence de groupes restreints parmi les membres du jury.

82      Toutefois, cet élément de la défense de la Commission n’enlève rien aux constatations opérées aux points 77 à 79 ci-dessus.

83      Enfin, certes, ainsi que l’a fait valoir la requérante lors de l’audience, il y a lieu de relever qu’il ne saurait être exigé d’une partie requérante qu’elle soulève dans la requête des moyens pour lesquels elle ne dispose pas d’éléments lui permettant d’alléguer de manière plausible et défendable l’existence d’une irrégularité. Une bonne administration de la justice s’y opposerait d’ailleurs. Au demeurant, il convient de rappeler, à cet égard, que l’article 76, sous d), du règlement de procédure, lu à la lumière de la jurisprudence, requiert que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels la partie requérante se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête, ce qui implique que la partie requérante explicite en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé et ne se limite donc pas à la seule énonciation abstraite de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2021, Şanli/Conseil, T‑157/19, non publié, EU:T:2021:75, point 24 et jurisprudence citée).

84      Néanmoins, compte tenu des constatations opérées aux points 77, 79 et 82 ci-dessus, la requérante était en mesure, au moment du dépôt de la requête, de présenter une argumentation relative à la régularité de la composition du jury. En effet, les faits sur lesquels se fonde la seconde branche du second moyen lui étaient déjà connus, ou auraient pu l’être, ce qui est déterminant conformément à la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus.

85      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que la seconde branche du second moyen a également été présentée tardivement et que cette tardiveté n’est pas justifiée.

86      Il convient dès lors de la rejeter comme étant irrecevable, de même, partant, que l’ensemble du second moyen.

 Sur les mesures d’organisation de la procédure

87      Dans la requête, la requérante demande la production, premièrement, des questions auxquelles elle a dû répondre ainsi que de ses résultats et, deuxièmement, des reproches ou des griefs formulés à l’égard de ses réponses, afin de vérifier l’importance des conséquences du stress induit par les erreurs d’organisation auxquelles elle a dû faire face lors de son passage au centre d’évaluation. Au stade de la réplique, la requérante présente une troisième demande d’organisation de la procédure, tendant à la production de l’emploi du temps de l’ensemble des membres du jury chargés du domaine no 6 (EPSO Staff Assessment Centre Timetable), afin d’établir si, comme elle, les autres candidats, avec qui elle était en compétition, ont été évalués par des membres du jury n’ayant aucun lien avec le domaine nucléaire.

88      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi et qu’il lui appartient d’apprécier la pertinence d’une demande de mesure d’organisation de la procédure au regard de l’objet du litige et de la nécessité de procéder à celle-ci (voir arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T-573/16, EU:T:2019:481, point 111 et jurisprudence citée).

89      Or, s’agissant des première et deuxième demandes de mesure d’organisation de la procédure, il ressort de l’examen du premier moyen, tout d’abord, que les épreuves n’apparaissent pas avoir commencé avec retard ou avec un retard significatif dont il aurait été fait grief à la requérante, ensuite, que les erreurs d’organisation, limitées et auxquelles il a été remédié avant le début des épreuves, ne l’ont pas placée dans une situation différente de celle des autres candidats ni ne l’ont amenée à faire face à une difficulté majeure que ceux-ci n’auraient pas connue et, enfin, que des circonstances propres à un candidat, telles que sa propension à ressentir du stress, ne sauraient fonder une différence pertinente au regard du principe d’égalité de traitement. Quant à la troisième demande de mesure d’organisation de la procédure, elle est liée au second moyen, qui est irrecevable.

90      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes tendant à l’adoption de mesures d’organisation de la procédure.

91      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

92      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Nadya Rauff-Nisthar est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Nihoul

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 septembre 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.