Language of document : ECLI:EU:T:2012:83

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

17 février 2012 (*)

« Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de la Syrie – Gel de fonds et de ressources économiques – Demande de mesures provisoires – Défaut d’urgence – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑572/11 R,

Samir Hassan, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Mes É. Morgan de Rivery et E. Lagathu, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Kyriakopoulou et M. M. Vitsentzatos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de mesures provisoires, en particulier une demande de sursis à l’exécution de la décision d’exécution 2011/515/PESC du Conseil, du 23 août 2011, mettant en œuvre la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 218, p. 20), et du règlement d’exécution (UE) n° 843/2011 du Conseil, du 23 août 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 442/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 218, p. 1), dans la mesure où ces textes visent le requérant,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Le requérant, M. Samir Hassan, est un homme d’affaires de nationalité syrienne, dont la résidence se trouve à Damas (Syrie). Il contrôle quatorze sociétés commerciales et détient des participations minoritaires dans deux banques (la Byblos Bank Syria et la Bank of Syria and Overseas) et dans une société (la Cham Holding). En outre, il réalise des investissements immobiliers.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en divers endroit dans toute la Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, il a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi qu’un gel des fonds de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes (physiques ou morales) et des entités qui leur sont liées, sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5 de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe.

4        Parmi les treize noms mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273 ne figure pas celui du requérant.

5        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté le règlement (UE) nº 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 121, p. 1). Ce règlement est, pour l’essentiel, identique à la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. L’annexe II dudit règlement – qui comprend une liste de noms de personnes, d’entités et d’organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés auxdits responsables – est identique à celle figurant dans l’annexe de la décision 2011/273. Parmi les treize noms mentionnés dans l’annexe II de ce règlement, ne figure pas celui du requérant. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement nº 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et examine, par ailleurs, la liste y figurant à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

6        Par décision d’exécution 2011/515/PESC, du 23 août 2011 (JO L 218, p. 20), le Conseil a modifié la décision 2011/273 en vue, notamment, d’appliquer les mesures restrictives en cause à d’autres personnes et entités. En vertu de l’article 1er de la décision 2011/515, les noms de quinze personnes physiques et de cinq entités, « énumérées à l’annexe de [cette] décision », ont été ajoutés à la liste figurant dans l’annexe de la décision 2011/273. Parmi ces noms, se trouve celui du requérant, avec la mention « date d’inscription : 23.8.2011 » et les motifs suivants :

« Proche associé d’affaires de Maher Al Assad. Connu pour le soutien économique qu’il apporte au régime syrien. »

7        Par règlement d’exécution (UE) n° 843/2011, du 23 août 2011 (JO L 218, p. 1), le Conseil a modifié le règlement nº 442/2011 en étendant l’annexe II de ce dernier règlement aux mêmes personnes et entités que celles reprises dans la décision d’exécution 2011/515, en ce compris le requérant (même date d’inscription et mêmes motifs).

8        Par décision 2011/522/PESC, du 2 septembre 2011 (JO L 228, p. 16), le Conseil a de nouveau modifié la décision 2011/273, en prévoyant que son champ d’application, y compris son annexe, englobe également « des personnes bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et [des] personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe ». Dans le même temps, par règlement (UE) nº 878/2011, du 2 septembre 2011 (JO L 228, p. 1), le Conseil a modifié le règlement nº 442/2011 en ce sens que son annexe II s’applique à « des personnes et entités bénéficiant de l’appui du régime ou le soutenant, ou des personnes et entités qui leur sont associées ».

9        Estimant que le Conseil l’avait soumis à tort aux mesures restrictives instaurées par la décision d’exécution 2011/515 et par le règlement d’exécution n° 843/2011 (ci-après les « actes contestés ») et lui avait fait le reproche erroné d’apporter un soutien économique au régime syrien, le requérant s’est adressé, d’abord par téléphone et ensuite par plusieurs lettres, au Conseil en demandant la levée immédiate des sanctions prises à son égard et, au moins, la communication rapide d’une motivation circonstanciée desdites sanctions. Ces démarches n’ont cependant pas engendré le résultat escompté par le requérant.

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 novembre 2011, le requérant a introduit un recours visant à l’annulation des actes contestés dans la mesure où ils font mention de son nom et à la condamnation du Conseil à réparer le préjudice résultant de l’action de l’Union à son égard. À l’appui de ses conclusions en annulation, il dénonce, notamment, l’illégalité des mesures restrictives prises à son égard, en ce qu’il n’avait jamais apporté un soutien économique ou politique au régime syrien, et une violation de ses droits de la défense, le Conseil ayant omis de lui indiquer en temps utile les motifs appropriés justifiant ces mesures de sorte qu’il ne pouvait se défendre utilement. Ses conclusions en indemnité visent, en substance, à la constatation de la responsabilité non contractuelle de l’Union au titre du préjudice matériel et moral subi, à la condamnation du Conseil à lui allouer la somme de 250 000 euros par mois, au titre du préjudice matériel subi, et un euro symbolique au titre du préjudice moral subi, ainsi qu’à sa condamnation à réparer le préjudice matériel futur.

11      Le 1er décembre 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/782/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 319, p. 56), qui abroge et remplace la décision 2011/273, mais maintient le gel des fonds et des ressources économiques du requérant, dont le nom figure dans l’annexe I de la décision 2011/782. Ensuite, le 18 janvier 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 16, p. 1), qui abroge et remplace le règlement n° 442/2011, tout en consolidant l’ensemble des diverses mesures déjà prises à l’égard de la Syrie. Le règlement n° 36/2012 maintient le gel des fonds et des ressources économiques appartenant au requérant, dont le nom figure dans l’annexe II dudit règlement comprenant la liste des personnes reconnues comme étant responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne, comme bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou comme soutenant ce régime.

12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 3 février 2012, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir, en application de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, à l’exécution des actes contestés en ce qui le concerne jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur la présente demande en référé ou, en tout état de cause, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours principal ;

–        ordonner en urgence la publication de ce sursis à exécution au Journal officiel de l’Union européenne ;

–        ordonner toute autre mesure provisoire qu’il jugerait utile ;

–        condamner le Conseil aux entiers dépens.

13      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 14 février 2012, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

14      Il ressort d’une lecture combinée de l’article 278 TFUE et de l’article 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions, organes et organismes de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un tel acte ou prescrire des mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée).

15      En outre, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

16      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

17      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

18      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie. Dans ce contexte, la demande en référé sera interprétée comme visant également le règlement n° 36/2012 et la décision 2011/782 en tant qu’« actes contestés » (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 31 janvier 2012, Ayadi/Commission, T‑527/09, non publiée au Recueil, point37).

 Sur l’urgence

 Quant au risque pour l’intégrité physique du requérant et des membres de sa famille

19      Le requérant affirme que l’inscription, en août 2011, de son nom dans la liste des personnes soumises aux mesures restrictives en cause l’expose à un risque de préjudice grave et irréparable du fait que son intégrité physique ainsi que celle de sa famille sont mises en péril. À cet égard, il précise avoir reçu, entre le 21 juin et le 11 décembre 2011, pas moins de 63 messages sur son téléphone, dont il a joint des transcriptions en annexe à la demande en référé. Ces messages émanant d’une multitude de numéros différents feraient état d’une violence verbale extrême, allant jusqu’à des menaces de mort.

20      Selon le requérant, la « cause unique » de ces agressions est l’inscription, publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 24 août 2011, de son nom dans la liste litigieuse. En effet, plusieurs messages, à savoir les messages nos 72, 99 et 120, feraient expressément référence au positionnement de l’Union au regard des événements en Syrie, ce qui démontrerait que les expéditeurs de ces messages de menaces se tiennent informés de l’actualité de la politique extérieure de l’Union. Par conséquent, en cas de publication audit Journal officiel d’un sursis à exécution accordé par le juge des référés, ces expéditeurs ne manqueraient pas de constater la suspension de l’application des mesures à l’encontre du requérant, ce qui aurait très probablement pour effet de les inciter à attendre la décision au fond avant d’entreprendre toute action définitive à l’encontre du requérant ou d’un membre de sa famille.

21      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue. Il suffit qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission, T‑346/06 R, Rec. p. II‑1781, points 121 et 123, et la jurisprudence citée). Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 188, et du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 86] et présenter au juge des référés des indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation du requérant et permettent d’examiner les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées. Le requérant est ainsi tenu de fournir, pièces à l’appui, des informations susceptibles d’établir une image fidèle et globale de la situation dont il prétend qu’elle justifie l’octroi de ces mesures (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2010, Almamet/Commission, T‑410/09 R, non publiée au Recueil, points 32, 57 et 61).

22      Il est également de jurisprudence bien établie que, en cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 26 mars 2010, SNF/ECHA, T‑1/10 R, non publiée au Recueil, point 66, et du 17 décembre 2010, Uspaskich/Parlement, T‑507/10 R, non publiée au Recueil, point 31).

23      En l’espèce, le requérant fonde ses affirmations, selon lesquelles il est exposé à un préjudice grave et irréparable, sur la survenance de menaces de mort qui auraient été dirigées contre lui et sa famille en Syrie à la suite de la publication, en août 2011, des actes contestés, pour en conclure que les victimes de ces agressions verbales courent un danger grave qui, s’il venait à se réaliser, serait irréversible et que ce danger ne peut être écarté que par l’octroi des mesures provisoires sollicitées.

24      Force est cependant de constater que les éléments de preuve présentés par le requérant ne sont pas de nature à étayer son affirmation selon laquelle les menaces de mort dirigées contre lui et les membres de sa famille ont été provoquées par la publication de son nom dans les actes contestés. En effet, ainsi qu’il ressort du dossier, plus de la moitié des 63 messages téléphoniques produits par le requérant à titre de preuves lui sont déjà parvenus avant la date de la première publication de son nom le 24 août 2011. Cela est notamment le cas du message no 120, datant du 18 août 2011, qui ferait expressément référence au positionnement de l’Union au regard des événements en Syrie. Par ailleurs, s’agissant des messages nos 72 et 99 faisant également référence à ce positionnement, il convient de relever que les expéditeurs ne font nullement état de l’inscription du nom du requérant dans la liste des personnes soumises aux mesures restrictives instaurées par les actes contestés, mais s’emploient, d’une part, à mentionner l’inscription de la « Commercial Bank of Syria » dans la liste des sanctions imposées par l’Union et, d’autre part, à féliciter cette dernière pour avoir déclaré le boycott des produits pétroliers syriens.

25      Il ne ressort donc pas des documents présentés par le requérant que les menaces alléguées ont été formulées en raison de la seule mention de son nom dans les actes contestés.

26      En tout état de cause, dans les circonstances prévalant depuis un certain temps en Syrie, caractérisées par des émeutes de plus en plus violentes s’apparentant à une guerre civile, il apparaît plausible que les menaces adressées au requérant et à sa famille aient pour origine première – et, partant, déterminante – des dénonciations du requérant, en tant que soutien du régime syrien, émanant du cercle des adversaires de ce régime, dénonciations qui peuvent avoir été parallèlement portées à la connaissance de l’Union. En effet, en tant qu’homme d’affaires contrôlant une multitude de sociétés actives dans divers secteurs économiques, le requérant occupait une position d’une visibilité certaine en Syrie, ce qui explique le grand nombre des messages téléphoniques qui lui ont été adressés. Dans ces conditions, il ne semble pas surprenant que le requérant ait été identifié et pris pour cible, par les adversaires du régime syrien et dans le contexte de quasi-guerre civile, comme une personne profitant de ce régime et appuyant celui-ci.

27      Par conséquent, le requérant n’a pas suffisamment étayé, par des éléments de preuve, ses affirmations relatives aux menaces dirigées contre lui et sa famille en Syrie à la suite de la publication, en août 2011, des actes contestés. Il n’a notamment pas établi que ces actes constituaient la cause déterminante desdites menaces et, partant, constituaient la cause déterminante du risque que ces menaces puissent se transformer en actes de violence. Or, à défaut d’éléments de preuve suffisants, le juge des référés ne saurait admettre l’urgence invoquée, en se contentant des affirmations unilatérales du requérant. En effet, compte tenu du caractère strictement exceptionnel de l’octroi de mesures provisoires (voir point 14 ci-dessus), de telles mesures ne peuvent être accordées que si lesdites affirmations reposent sur des éléments de preuve (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 31 août 2010, Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑299/10 R, non publiée au Recueil, point 57, et la jurisprudence citée).

28      À titre surabondant, il convient d’ajouter que, s’agissant d’actes de violence dirigés contre une personne faisant l’objet d’une mesure restrictive de nature économique et financière, telle que celles en cause en l’espèce, la perpétration de tels actes est manifestement étrangère au but visé par l’auteur de ladite mesure. Elle est le fait autonome de criminels pour lesquels la mesure restrictive ne sert que de prétexte. Or, dans la mesure où le requérant occupe une position d’une visibilité certaine en Syrie, il paraît improbable, notamment dans la situation de quasi-guerre civile qui règne actuellement en Syrie, que les criminels s’apprêtant à commettre des agressions contre lui et sa famille en soient dissuadés par la publication d’une ordonnance de référé, dont il ressortirait par ailleurs que la désignation du requérant dans les actes contestés ne disparaîtrait que provisoirement, à la suite d’un examen purement sommaire du juge des référés et contre la volonté explicite du Conseil ayant le droit de former un pourvoi contre cette ordonnance. Le requérant ne saurait donc raisonnablement prétendre espérer que lesdits criminels, en cas d’octroi des mesures provisoires demandées, attendraient l’adoption de la décision au fond avant de commettre des actes de violence.

29      Il s’ensuit que le requérant n’est pas parvenu à établir l’urgence en ce qui concerne le préjudice lié au risque pour sa sécurité personnelle et celle de sa famille.

 Quant au risque économique et financier pour le requérant

30      Le requérant fait valoir, dans la demande en référé, que les mesures restrictives litigieuses ont entraîné un préjudice grave pour lui en tant qu’homme d’affaires et mettent en péril la viabilité financière d’au moins quatre sociétés qu’il contrôle. Le gel des fonds aurait pour lui, en tant que commerçant en relation d’affaires avec des sociétés établies dans l’Union, pour effet de faire obstacle à l’exercice de ses activités commerciales avec de tels partenaires, puisque ni lui-même ni les sociétés qu’il contrôle ne pourraient plus disposer des fonds détenus auprès de banques européennes. La suspension ou la résiliation par les partenaires commerciaux du requérant des relations commerciales avec ce dernier représenterait des pertes financières considérables pour lui, mettant en péril la viabilité financière de quatre sociétés qu’il contrôle.

31      Dans ce contexte, le requérant se plaint de l’imposition de pénalités de retard par ses clients dont il n’a pas été en mesure d’honorer les commandes en raison de l’interruption des relations commerciales par ses fournisseurs, alors même que certains des produits concernés sont des produits médicaux de première nécessité. En outre, il souligne la démission forcée de son poste d’administrateur de la Byblos Bank Syria, la cession imposée de sa participation dans la société Al-Amir Lube Oil Industries and Marketing Co. et la perte d’une fraction des effectifs employés par ses sociétés.

32      Le requérant ajoute que la destruction des relations d’affaires qu’il a tissées au fil de longues années par ses efforts constants, son savoir-faire et ses investissements doit, au regard des circonstances de l’espèce, être considérée comme susceptible de lui causer un préjudice grave. En particulier, les pertes subies par quatre sociétés qu’il contrôle le contraindraient, de fait, à une sortie imminente du marché. En effet, le requérant se trouverait acculé au choix suivant : conserver ses participations dans les sociétés qu’il contrôle et qui travaillent avec des partenaires établis dans l’Union, ce qui, au regard de l’accumulation des pertes subies à la suite de l’imposition des mesures restrictives à son égard ayant entraîné la fin de ses relations commerciales avec lesdits partenaires commerciaux, placerait ces sociétés sous la menace d’une faillite imminente ; ou se défaire de ses participations dans lesdites sociétés et disparaître du marché en question. Or, l’imminence de la disparition du marché constituerait un préjudice tant irrémédiable que grave, qui justifierait pleinement l’adoption des mesures provisoires demandées.

33      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut, en règle générale, faire l’objet d’une compensation financière ultérieure. Dans un tel cas de figure, la mesure provisoire sollicitée se justifie s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la partie demanderesse se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière irrémédiable et importante au regard, notamment, de la taille de son entreprise (voir ordonnance du président du Tribunal du 28 avril 2009, United Phosporus/Commission, T‑95/09 R, non publiée au Recueil, points 33 à 35, et la jurisprudence citée).

34      Il est cependant de jurisprudence constante que, pour apprécier la situation matérielle d’une société, notamment sa viabilité financière, il convient de tenir compte des caractéristiques du groupe de sociétés auquel elle se rattache par son actionnariat et, en particulier, des ressources dont dispose globalement ce groupe [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12 ; du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, C‑364/99 P(R), Rec. p. I‑8733, point 49, et du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 44], ce qui peut amener le juge des référés à estimer que la condition de l’urgence n’est pas remplie malgré l’état d’insolvabilité prévisible de la société requérante, prise individuellement [voir ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 2002, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑232/02 P(R), Rec. p. I‑8977, point 56, et la jurisprudence citée]. Il s’agit donc d’apprécier si le préjudice allégué peut être qualifié de grave compte tenu des caractéristiques du groupe auquel appartient la société requérante [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 15 avril 1998, Camar/Commission et Conseil, C‑43/98 P(R), Rec. p. I‑1815, point 36, et la jurisprudence citée].

35      Cette prise en considération de la puissance financière du groupe auquel appartient la société concernée repose sur l’idée que les intérêts objectifs de cette société ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes qui la contrôlent ou qui sont membres du même groupe. Le caractère grave du préjudice allégué doit donc être apprécié au niveau du groupe que ces personnes composent. Cette coïncidence des intérêts justifie que l’intérêt de la société concernée à poursuivre son activité ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que portent à sa pérennité ceux qui la contrôlent ou sont membres du même groupe (voir, en ce sens, ordonnance Ziegler/Commission, précitée, point 46, et la jurisprudence citée, et ordonnance du président du Tribunal du 18 juin 2008, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07 R, non publiée au Recueil, point 79).

36      Selon la jurisprudence, ce raisonnement ne s’applique pas seulement aux personnes morales, mais également aux personnes physiques qui contrôlent la société en cause. En effet, au regard de la question de la coïncidence des intérêts, le fait que la personne exerçant un contrôle sur la société soit une personne physique, qui ne constitue pas elle-même une entreprise, apparaît dénué de pertinence (voir ordonnance du président du Tribunal du 15 mars 2010, GL2006 Europe/Commission, T‑435/09 R, non publiée au Recueil, points 36 et 37, et la jurisprudence citée).

37      En l’espèce, il est constant que le requérant détient le contrôle sur quatorze sociétés commerciales. Par conséquent, la jurisprudence relative au groupe de sociétés trouve à s’appliquer en ce qui concerne l’examen de la nature et des dimensions du préjudice que causerait l’exécution immédiate des actes contestés tant au requérant en sa qualité d’homme d’affaires qu’aux sociétés soumises à son contrôle.

38      Il s’ensuit que le requérant, afin de démontrer le caractère grave et irréparable du préjudice financier allégué en produisant une image fidèle et globale de sa situation économique et financière (voir point 21 ci-dessus), doit présenter devant le juge des référés tous les éléments lui permettant d’apprécier cette situation, y compris les caractéristiques économiques et financières des sociétés qu’il contrôle.

39      Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que cette image fidèle et globale de la situation économique et financière doit être fournie dans le texte de la demande en référé. En effet, une telle demande doit être suffisamment claire et précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé (ordonnance Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, précitée, point 17 ; voir, également, ordonnance Ziegler/Commission, précitée, point 13).

40      De plus, les indications établissant une telle image fidèle et globale doivent être étayées par des documents détaillés, certifiés par un expert indépendant et extérieur au requérant et à son groupe, permettant d’apprécier la véracité desdites indications (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 35 ; du 13 octobre 2006, Vischim/Commission, T‑420/05 R II, Rec. p. II‑4085, point 83, et GL2006 Europe/Commission, précitée, point 34).

41      Or, force est de constater que la présente demande en référé ne satisfait par aux critères établis par cette jurisprudence.

42      En effet, d’une part, le texte de la demande en référé ne contient aucune donnée chiffrée relative à la situation financière du requérant et des quatorze sociétés qu’il contrôle. Ce texte ne fait notamment pas état des différentes catégories de ressources dont le requérant et les sociétés membres de son groupe peuvent disposer, ni de la nature et de la valeur de tous les biens mobiliers et immobiliers qui leur appartiennent. Il n’indique pas non plus la somme des fonds détenus par le requérant et son groupe faisant l’objet des mesures de gel litigieuses, ni le pourcentage que cette somme représente par rapport à la puissance financière totale du requérant, ni le volume des activités qu’il exerce sur le marché de l’Union. Le requérant a donc manifestement omis de fournir l’image fidèle et globale requise pour pouvoir invoquer utilement la gravité du préjudice financier et économique allégué.

43      D’autre part, s’agissant des éléments documentaires présentés en annexe à la demande en référé, la seule personne indépendante, extérieure au requérant et à son groupe, ayant apposé sa signature sur l’un ou l’autre des nombreux documents a été le traducteur qui en a assuré la traduction de l’arabe vers l’anglais. En revanche, aucun des documents de nature financière, tel que le tableau récapitulatif des investissements immobiliers du requérant ou le tableau récapitulatif des pertes financières subies par les sociétés contrôlées par le requérant en raison de la prise de mesures restrictives à son égard, ne porte la signature d’un expert comptable indépendant qui aurait ainsi assumé la véracité du contenu des documents en cause.

44      Il s’ensuit que le requérant n’a pas établi la gravité du préjudice allégué.

45      Au demeurant, l’imminence de la « disparition du marché » que craint le requérant notamment pour quatre sociétés de son groupe apparaît peu crédible. En effet, le requérant se caractérise comme un « commerçant », ses activités ainsi que celles de son groupe étant de nature essentiellement « commerciale ». Si les mesures restrictives litigieuses sont donc susceptibles de bloquer, pendant la durée de la procédure principale, l’accès au marché de l’Union pour les activités d’importation et d’exportation du requérant et de son groupe, le requérant est resté silencieux quant aux possibilités de compensation des pertes subies par la substitution d’autres marchés géographiques au marché européen. Il ne s’est notamment pas prononcé sur les chances concrètes de déplacer les opérations commerciales en cause, y compris l’écoulement des produits de ses usines syriennes, vers les marchés russe, chinois, japonais, iranien, indien, arabe, africain ou autre, mais s’est contenté de faire vaguement allusion à la « prise de contact avec des fournisseurs potentiels » (point 44 de la demande en référé). Or, il ne paraît pas exclu qu’une orientation énergique et ciblée vers d’autres marchés soit de nature à réduire l’impact du préjudice allégué.

46      De plus, ainsi que le Conseil l’a relevé à juste titre, les autorités nationales peuvent, en vertu de l’article 20 du règlement n° 36/2012, autoriser le déblocage exceptionnel de certains fonds ou ressources économiques gelés, notamment pour permettre au requérant le paiement de dettes qu’il a contractées avant sa désignation comme personne soumise aux mesures restrictives litigieuses. Or, le requérant est resté silencieux quant à cette possibilité de déblocage, alors que cette exception applicable aux contrats antérieurs est susceptible de couvrir des frais de fonctionnement, ce qui pourrait également réduire l’importance du préjudice allégué.

47      Quant au caractère irréparable de ce préjudice, il convient de rappeler qu’un préjudice d’ordre financier, tel que celui invoqué en l’espèce, peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure (voir point 33 ci-dessus). En effet, en cas d’annulation des actes contestés, le requérant pourrait obtenir une compensation financière par la voie d’un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE, étant entendu que, selon une jurisprudence bien établie, la seule possibilité de former un tel recours suffit à attester du caractère en principe réparable d’un préjudice financier, et ce malgré l’incertitude liée à l’issue du litige en question [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a. C‑404/01 P(R), Rec. p. I‑10367, points 70 à 75, et du président du Tribunal du 24 avril 2009, Nycomed Danmark/EMEA, T‑52/09 R, non publiée au Recueil, points 72 et 73].

48      Or, en l’espèce, le requérant a précisément introduit, le 4 novembre 2011, un tel recours en indemnité (voir point 10 ci-dessus) visant, notamment, à reconnaître la responsabilité non contractuelle de l’Union au titre du préjudice matériel et moral tant subi que futur et à condamner le Conseil à lui allouer une somme de 250 000 euros par mois, afin de réparer le préjudice matériel subi.

49      Il s’ensuit que le requérant n’a pas davantage établi le caractère irréparable du préjudice allégué.

50      S’agissant des dommages prétendument causés à d’autres membres de la famille du requérant et à plusieurs de ses employés qu’il serait obligé de licencier, il est de jurisprudence bien établie que, afin d’établir que la condition relative à l’urgence est remplie, le requérant doit démontrer que le sursis à exécution demandé est nécessaire à la protection de ses intérêts propres, alors qu’il ne saurait invoquer une atteinte portée à un intérêt qui ne lui est pas personnel, telle, par exemple, une atteinte aux droits de tiers. Dès lors, le préjudice subi par d’autres membres de sa famille et par ses employés ne saurait utilement être invoqué pour étayer l’urgence du sursis à exécution demandé, un tel préjudice ne pouvant être pris en considération, le cas échéant, dans le cadre de la mise en balance des intérêts en présence [voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 19 juillet 2007, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07 R, Rec. p. II‑2767, point 147, et la jurisprudence citée, et du 25 janvier 2012, Euris Consult/Parlement, T‑637/11 R, non publiée au Recueil, point 26].

51      Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas parvenu à démontrer que la condition relative à l’urgence était remplie.

52      Cette solution est cohérente avec la mise en balance des différents intérêts en présence.

 Sur la mise en balance des intérêts

53      Il est de jurisprudence bien établie que, dans le cadre de la mise en balance des différents intérêts en présence, le juge des référés doit déterminer, notamment, si l’intérêt du requérant à obtenir le sursis à exécution demandé prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de l’acte attaqué, en examinant, plus particulièrement, si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui aurait été provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l’exécution dudit acte serait de nature à faire obstacle à son plein effet, au cas où le recours principal serait rejeté (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 26 juin 2003, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 R et C‑217/03 R, Rec. p. I‑6887, point 142, et ordonnance Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, précitée, point 64).

54      En l’espèce, il apparaît qu’un sursis à l’exécution des actes contestés pourrait être de nature à faire obstacle à leur plein effet en cas de rejet du recours principal et, partant, à rendre impossible le renversement de la situation. En effet, un tel sursis permettrait au requérant et aux sociétés membres de son groupe de procéder immédiatement au retrait de tous les fonds détenus auprès des banques obligées d’en assurer le gel et de vider leurs comptes bancaires avant le prononcé de la décision au fond. Ainsi, il leur serait possible de bénéficier de leurs fonds en contournant la finalité des mesures restrictives prises à l’égard du requérant, qui consiste à amener le régime syrien à cesser la répression de sa propre population, sans que cette situation puisse être renversée par une décision ultérieure rejetant le recours principal. Or, selon une jurisprudence constante, les mesures provisoires demandées au juge des référés ne doivent pas neutraliser par avance les conséquences de la décision principale à rendre ultérieurement (voir ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, point 22, et ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 41).

55      En revanche, à défaut pour le requérant d’avoir établi la survenance d’un préjudice grave et irréparable en cas de rejet de la demande en référé, il apparaît qu’une annulation par le juge du fond des actes contestés, dans la mesure où ils concernent le requérant, permettrait le renversement de la situation provoquée par leur exécution immédiate.

56      Cette appréciation n’est pas infirmée par l’argumentation selon laquelle l’octroi des mesures provisoires sollicitées profiterait non seulement au requérant, mais également, et surtout, à la population civile en Syrie, en ce que les produits distribués par les sociétés du requérant et affectés par le gel des fonds litigieux seraient, en grande partie, des produits médicinaux et médicaux de première nécessité importées de l’Union européenne et installées dans les hôpitaux publics en Syrie. En effet, s’il est vrai que les exigences liées à la protection de la santé publique ont un poids certain dans la mise en balance des intérêts, le requérant s’est abstenu d’exposer les raisons pour lesquelles il lui serait impossible, d’une part, d’importer les produits en cause de marchés géographiques autres que le marché européen et, d’autre part, de bénéficier des dispositions de l’article 16, sous f), du règlement n° 36/2012, aux termes desquelles les autorités compétentes des États membres peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, à condition que ces fonds ou ressources économiques soient nécessaires à des fins humanitaires, telles que la livraison de produits de première nécessité pour la population civile, notamment de produits médicaux.

57      Il s’ensuit que la balance des différents intérêts en présence ne penche pas en faveur du requérant.

58      En conséquence, la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’existence d’un fumus boni juris.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 17 février 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.