Language of document : ECLI:EU:T:2006:289

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

4 octobre 2006 (*)

« Enquêtes antisubventions – Disques compacts pour l’enregistrement originaires de l’Inde – Calcul du montant de la subvention – Détermination du préjudice – Lien de causalité – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑300/03,

Moser Baer India Ltd, établie à New Delhi (Inde), représentée par M. A. P. Bentley, QC, Me K. Adamantopoulos, avocat, et MM. R. MacLean et J. Branton, solicitors,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. S. Marquardt, en qualité d’agent, assisté de Me G. M. Berrisch, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. Scharf et Mme K. Talabér-Ricz, en qualité d’agents,

et par

Committee of European CD-R and DVD+/‑R Manufacturers (CECMA), anciennement Committee of European CD-R Manufacturers (CECMA), établi à Cologne (Allemagne), représenté par Mes D. Ehle et V. Schiller, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 960/2003 du Conseil, du 2 juin 2003, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de disques compacts pour l’enregistrement originaires de l’Inde (JO L 138, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme P. Lindh et M. V. Vadapalas, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mai 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre réglementaire

1        L’article 5 du règlement (CE) n° 2026/97 du Conseil, du 6 octobre 1997, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 288, p. 1, ci-après le « règlement de base »), prévoit :

« Calcul du montant de la subvention passible de mesures compensatoires

Le montant de la subvention passible de mesures compensatoires est, aux fins du présent règlement, calculé en termes d’avantage conféré au bénéficiaire tel que constaté et déterminé pour la période d’enquête. Cette période correspond normalement au dernier exercice comptable du bénéficiaire, mais peut couvrir toute autre période d’une durée minimale de six mois, qui est antérieure à l’ouverture de l’enquête et pour laquelle des données fiables, financières et autres, sont disponibles. »

2        L’article 7, paragraphe 3, du règlement de base prévoit :

« Lorsque la subvention peut être mise en rapport avec l’acquisition, présente ou future, d’actifs immobilisés, le montant de la subvention passible de mesures compensatoires est calculé en étalant cette dernière sur une période correspondant à la durée d’amortissement normale de ces biens dans l’industrie concernée […] »

3        L’article 8 du règlement de base prévoit :

« Détermination du préjudice

[…]

2. La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif à la fois :

a)      du volume des importations faisant l’objet de subventions et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté

et

b)      de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire.

3. En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet de subventions, on examinera s’il y a eu augmentation notable des importations faisant l’objet de subventions soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans la Communauté. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet de subventions sur les prix, on examinera s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet de subventions, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie communautaire ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ni même plusieurs de ces facteurs ne constituent nécessairement une base de jugement déterminante.

[…]

5. L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet de subventions sur l’industrie communautaire concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, y compris le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de subventionnement ou de dumping, l’importance du montant de la subvention passible de mesures compensatoires, la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités ; les facteurs qui influent sur les prix dans la Communauté, les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, l’aptitude à mobiliser les capitaux ou les investissements et, dans le cas de l’agriculture, l’utilisation accrue des programmes de soutien des pouvoirs publics. Cette liste n’est pas exhaustive et un seul, ni même plusieurs de ces facteurs ne constituent nécessairement une base de jugement déterminante.

6. Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet de subventions causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou le prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie communautaire au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on peut le considérer comme important.

7. Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet de subventions, qui causent simultanément un préjudice à l’industrie communautaire sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet de subventions au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent le volume et le prix des importations ne faisant pas l’objet de subventions, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et communautaires et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l’évolution des techniques ainsi que les résultats à l’exportation et la productivité de l’industrie communautaire. »

4        L’article 11, paragraphe 1, du règlement de base prévoit :

« […] [L’]enquête porte simultanément sur la subvention et le préjudice. Aux fins d’une détermination représentative, une période d’enquête est choisie qui, dans le cas des subventions, correspond normalement à la période d’enquête prévue à l’article 5. Les renseignements relatifs à une période postérieure à la période d’enquête ne sont pas, normalement, pris en compte. »

5        Par sa communication 98/C 394/04 (JO 1998, C 394, p. 6), la Commission a publié les lignes directrices du calcul du montant des subventions dans le cadre des enquêtes antisubventions (ci-après les « lignes directrices »).

6        La section A des lignes directrices prévoit :

« Les articles 5, 6 et 7 du [règlement de base] contiennent des dispositions relatives au calcul du montant des subventions. La présente communication a pour objectif d’expliquer […] l’application de ces dispositions afin de préciser la méthode que la Commission utilisera pour calculer le montant des subventions dans le cadre des procédures antisubventions, à moins que des circonstances particulières ne justifient qu’elle s’en écarte. L’intention est d’améliorer la transparence du mode de calcul et de garantir une plus grande sécurité aux opérateurs économiques et aux pouvoirs publics des pays tiers. La présente communication n’engage en aucune manière les institutions communautaires, mais présente des lignes directrices à suivre uniquement lors des enquêtes antisubventions effectuées conformément au [règlement de base]. »

7        La section F, sous a), ii), des lignes directrices prévoit :

« En ce qui concerne les subventions ponctuelles qui peuvent être mises en rapport avec l’acquisition d’actifs immobilisés, le montant total de la subvention est étalé sur la durée normale de vie de ces actifs [article 7, paragraphe 3, du règlement (CE) de base]. Par conséquent, le montant d’une subvention […] peut être étalé sur une durée correspondant à la durée d’amortissement normale de ces biens dans l’industrie concernée. La méthode de l’amortissement linéaire est généralement utilisée à cette fin. »

 Antécédents du litige

8        La requérante est une société établie en Inde, fabriquant diverses formes de supports de mémoire et notamment des disques compacts pour l’enregistrement (ci-après les « CD-R »).

9        Le 17 mai 2002, la Commission, à la suite d’une plainte déposée par le Committee of European CD-R Manufacturers (CECMA), a ouvert une enquête antisubventions sur les importations de CD-R provenant de l’Inde (JO C 116, p. 4).

10      Par lettre du 4 mars 2003, la Commission a exposé à la requérante les éléments de fait et les considérations essentiels sur la base desquels il était envisagé de proposer la fixation de droits compensateurs définitifs. La subvention constatée par la Commission consistait en une exemption des droits de douane sur les biens d’équipement importés par la requérante. Dans le calcul du montant de la subvention, celle-ci a été étalée, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, sur une période de trois ans. L’exposé prévoyait l’imposition d’un droit compensateur de 10 %.

11      Par deux lettres du 19 mars 2003, la requérante a répondu audit exposé, en contestant, d’une part, la méthode utilisée pour calculer le montant de la subvention et, d’autre part, l’existence et les causes du préjudice.

12      Par deux lettres du 9 avril 2003, la Commission a, d’une part, rejeté les arguments de la requérante relatifs à l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité et, d’autre part, envoyé à la requérante un exposé additionnel contenant un nouveau calcul du montant de la subvention, dans lequel celle-ci a été étalée sur une période de 4,2 ans. L’exposé additionnel prévoyait l’imposition d’un droit compensateur de 7,3 %.

13      Par lettre du 14 avril 2003, la requérante a contesté le nouveau calcul du montant de la subvention. La Commission a adressé à la requérante, par lettre du 5 mai 2003, des explications complémentaires sur ce calcul. La requérante a répondu à cette lettre, le 9 mai 2003, en apportant des observations complémentaires.

14      Sur proposition de la Commission, arrêtée le 20 mai 2003, le Conseil a adopté le règlement (CE) nº 960/2003, du 2 juin 2003, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de disques compacts pour l’enregistrement originaires de l’Inde (JO L 138, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). Ce règlement imposait un droit compensateur définitif de 7,3 % sur les importations de CD‑R provenant de l’Inde.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 août 2003, la requérante a introduit le présent recours.

16      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du 23 janvier 2004, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Elle n’a pas déposé de conclusions écrites.

17      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du 18 avril 2005, le Committee of European CD-R Manufacturers (CECMA), devenu le Committee of European CD-R and DVD+/‑R Manufacturers (CECMA), a été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Le CECMA a déposé son mémoire en intervention dans le délai imparti. La requérante a déposé des observations sur celui-ci.

18      La requérante a demandé, par lettres des 13 avril et 30 juin 2004, que certains éléments confidentiels contenus dans la requête, dans le mémoire en défense, dans la réplique et dans la duplique soient exclus de la communication au CECMA. Elle a produit une version non confidentielle desdits actes de procédure. Le Conseil a demandé, par lettre du 5 avril 2004, que certains éléments confidentiels contenus dans le mémoire en défense soient exclus de la communication au CECMA. Il a produit une version non confidentielle du mémoire en défense satisfaisant à sa propre demande de traitement confidentiel ainsi qu’à celle déposée par la requérante. La communication au CECMA desdits actes de procédure a été limitée à cette version non confidentielle. Le CECMA n’a pas soulevé d’objection à ce sujet.

19      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a posé par écrit certaines questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.

20      Les parties principales au litige et la Commission ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 10 mai 2006. Le CECMA a informé le Tribunal qu’il ne participerait pas à l’audience.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où celui-ci s’applique à elle ;

–        condamner le Conseil aux dépens ;

–        ordonner, en toute hypothèse, que le CECMA supporte ses propres dépens.

22      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué, pour autant qu’il institue un droit compensateur définitif à un taux supérieur à celui qui aurait été appliqué si le montant de la subvention avait été établi en fonction d’une durée d’amortissement de six ans ;

–        condamner la requérante aux dépens.

23      Le CECMA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’intervenant.

 En droit

24      La requérante articule ses griefs en cinq moyens concernant, d’une part, la détermination, dans le cadre du calcul de montant de la subvention, de la durée d’amortissement normale des actifs importés et, d’autre part, l’appréciation du préjudice et du lien de causalité.

25      Concernant la détermination de la durée d’amortissement normale, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation et une violation de l’article 5, de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base (premier moyen), ainsi qu’une violation des droits de la défense et un défaut de motivation (deuxième moyen).

26      Concernant l’appréciation du préjudice et du lien de causalité, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation et une violation de l’article 8, paragraphes 2, 6 et 7, du règlement de base, en ce qui concerne, respectivement, l’examen des éléments relatifs à la détermination du préjudice et du lien de causalité (troisième moyen), l’examen des effets des importations provenant de Taïwan (quatrième moyen) et l’examen des effets d’un comportement anticoncurrentiel d’un titulaire de brevets portant sur les CD‑R (cinquième moyen).

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 5, de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base et d’une erreur manifeste dans l’appréciation de la durée d’amortissement normale des actifs

 Observations liminaires

27      Par son premier moyen, la requérante prétend que la détermination de la durée d’amortissement normale des actifs importés, effectuée dans le règlement attaqué, est entachée d’erreurs de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation.

28      Il convient de rappeler que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, le contrôle du juge communautaire sur les appréciations des institutions est limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits, ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, Rec. p. II‑3663, points 48 et 49, et la jurisprudence citée).

29      Il en va de même de l’appréciation de la durée d’amortissement, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, visé en l’espèce. Aux termes de cette disposition, la subvention relative à l’acquisition d’actifs immobilisés est étalée « sur une période correspondant à la durée d’amortissement normale de ces biens dans l’industrie concernée ». Il ressort des termes et de l’économie de cette disposition, qui exige notamment l’appréciation de ce qui constitue une pratique normale de l’industrie concernée, que la détermination de la période en cause s’inscrit dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont les institutions disposent dans l’analyse des situations économiques complexes.

30      À la lumière de ces considérations, il convient d’examiner chacun des griefs formés par la requérante en l’espèce.

 Sur l’appréciation des éléments relatifs à la durée d’amortissement (première branche)

–       Arguments des parties

31      La requérante fait valoir que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, tel qu’interprété dans la section F, sous a), ii), des lignes directrices, la subvention aurait dû être étalée sur la « durée normale de vie des actifs » ou la « durée d’amortissement normale des actifs dans l’industrie concernée ». Par ailleurs, la pratique des institutions communautaires consisterait à déterminer la moyenne pondérée des périodes d’amortissement résultant des états comptables des producteurs dans le secteur en cause du pays concerné.

32      En l’espèce, selon la requérante, le Conseil aurait donc dû prendre en considération l’ensemble des éléments du dossier relatifs à la durée de vie des actifs en cause. À cet égard, en considérant que la durée d’amortissement normale de ces actifs, c’est-à-dire la durée normale de vie de ceux-ci, était de 4,2 ans, le Conseil aurait retenu une durée inférieure à celle ressortant des preuves fournies lors de l’enquête. La durée d’amortissement, au regard de ces preuves, aurait été de treize ans (selon les états comptables de la requérante) ou même de quinze à vingt ans (selon les fournisseurs de la requérante). Selon les informations de l’industrie communautaire, elle aurait été de six ans.

33      En outre, le Conseil aurait considéré, à tort, que la durée d’amortissement normale des actifs en cause était de 4,2 ans en application de la méthode d’amortissement dégressif prévue par la législation indienne. En effet, la méthode d’amortissement dégressif ne connaîtrait pas de période d’amortissement. Par ailleurs, il ressortirait des calculs de la requérante que, en application de cette méthode, les actifs ne seraient pas entièrement amortis à la fin de la période déterminée par le Conseil, car il subsisterait toujours une valeur résiduelle.

34      Le Conseil fait valoir que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, la subvention relative à l’acquisition de biens immobilisés doit être étalée sur la durée d’amortissement normale. La durée de vie normale d’un actif, notion différente, pourrait éventuellement constituer un des facteurs entrant en ligne de compte dans la détermination de la durée d’amortissement. Telle serait également la pratique des institutions invoquée par la requérante.

35      La requérante confondrait ces deux notions en alléguant, à tort, que les institutions ont retenu la période de 4,2 ans non seulement comme durée d’amortissement, mais comme durée de vie des actifs. Concernant les preuves citées par la requérante, les lettres de ses fournisseurs indiqueraient seulement la durée de vie physique des biens concernés et non pas leur durée d’amortissement adéquate. En toute hypothèse, en l’espèce, le Conseil se serait fondé sur la loi indienne relative au droit des sociétés qui prescrirait une durée d’amortissement obligatoire et indépendante de la durée de vie des actifs.

36      En ce qui concerne la référence à la méthode d’amortissement dégressif, le Conseil y aurait recouru pour déterminer la différence entre la durée d’amortissement en application de cette méthode et la durée d’amortissement de six ans employée en moyenne par l’industrie communautaire. À cet égard, le calcul alternatif présenté par la requérante ne serait pas approprié, car il ne prendrait pas en compte les investissements constants.

–       Appréciation du Tribunal

37      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante soulève, en substance, deux griefs. Premièrement, elle soutient que la période d’amortissement retenue est manifestement inexacte par rapport aux informations provenant, respectivement, d’elle-même, des fournisseurs des biens concernés ainsi que de l’industrie communautaire. Deuxièmement, elle prétend que le Conseil a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de la durée d’amortissement découlant de la méthode d’amortissement dégressif prévue par la législation indienne.

38      S’agissant du premier grief, il ressort notamment des considérants 43 et 45 du règlement attaqué que, dans le cadre de la détermination de la durée d’amortissement, le Conseil a pris en compte la méthode d’amortissement prescrite, en matière comptable, par la législation du pays de la requérante.

39      Il convient donc, tout d’abord, d’examiner si le Conseil a pu légalement se fonder sur cet élément, au lieu de retenir les informations invoquées par la requérante.

40      L’article 7, paragraphe 3, du règlement de base ne contient pas de règles spécifiques concernant les éléments à prendre en compte dans le cadre de la détermination de la durée d’amortissement. Dès lors, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments qui peuvent être considérés comme pertinents.

41      S’agissant de l’objectif de la disposition mentionnée au point ci-dessus, il ressort de la lecture conjointe de l’article 5 et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base que le but de la détermination d’une durée d’amortissement normale dans l’industrie concernée est de calculer la partie de l’avantage obtenu par l’exportateur lors de l’achat des biens immobilisés, imputable à la période d’enquête. Il convient de relever que la requérante ne soutient pas que la méthode d’amortissement prescrite par la législation du pays de l’exportateur n’est pas pertinente à cet égard.

42      Elle fait observer néanmoins que la prise en compte de cet élément s’écarte des lignes directrices et de la pratique antérieure des institutions communautaires.

43      En ce qui concerne les lignes directrices, selon leur section F, sous a), ii), le montant de la subvention est étalé « sur la durée normale de vie [des actifs concernés] » et « [p]ar conséquent, le montant d’une subvention […] peut être étalé sur une durée correspondant à la durée d’amortissement normale de ces biens dans l’industrie concernée ». S’il convient donc d’observer que les lignes directrices font référence, à la fois, à la « durée d’amortissement normale » et à la « durée normale de vie » des biens concernés, il ne ressort pas de l’existence de ces deux références que la Commission ait limité l’étendue des éléments employés dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base.

44      Par ailleurs, la requérante fait elle-même valoir que la pratique antérieure des institutions communautaires, relative à l’application des dispositions susmentionnées du règlement de base et des lignes directrices, consiste à retenir la durée d’amortissement moyenne appliquée dans les états comptables de l’industrie du pays concerné. Or, dans la mesure où l’amortissement est réglementé dans ce pays, la méthode d’amortissement prescrite par la législation nationale peut être pertinente à cet égard.

45      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les institutions communautaires n’ont jamais fait, dans le cadre du calcul d’une subvention, référence à une méthode d’amortissement prévue par la législation du pays concerné, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base laisse aux institutions une marge d’appréciation quant aux éléments à prendre en compte lors de la détermination de la durée d’amortissement normale. Le fait que les institutions communautaires n’ont pas employé la méthode en cause dans d’autres enquêtes antisubventions ne conduit pas, en soi, à la violation de cette disposition (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2003, Euroalliages e.a./Commission, T‑132/01, Rec. p. II‑2359, points 68 et 69).

46      Par ailleurs, si l’argument de la requérante, tiré de la pratique antérieure, devait être interprété comme fondé sur une violation du principe de sécurité juridique, il convient d’observer que, lorsque la réglementation applicable laisse aux institutions une certaine marge d’appréciation, le fait qu’elles utilisent cette marge d’appréciation, sans expliquer en détail et à l’avance les critères qu’elles envisagent d’appliquer dans chaque situation concrète, ne viole pas ce principe, même dans les cas où les institutions posent de nouvelles options de principe (arrêts de la Cour du 5 octobre 1988, Brother/Conseil, 250/85, Rec. p. 5683, points 28 et 29, et du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec. p. I‑2069, point 118 ; arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, Thai Bicycle/Conseil, T‑118/96, Rec. p. II‑2991, points 67 à 69).

47      Dès lors, il y a lieu de considérer que les institutions communautaires ont pu, sans méconnaître l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, prendre en considération la méthode d’amortissement prévue par la législation du pays de l’exportateur concerné pour déterminer la durée d’amortissement normale des actifs en cause.

48      Ensuite, s’agissant des informations de la requérante, selon lesquelles elle appliquait la durée d’amortissement moyenne de treize ans dans ses comptes, il ressort du considérant 40 du règlement attaqué que la fiabilité de ces données a été mise en cause par le fait que le classement des actifs n’était pas le même dans ses registres comptables et dans ses registres fiscaux.

49      Quant aux certificats provenant des fournisseurs, selon lesquels les équipements en cause pouvaient être utilisés durant quinze à vingt ans, il convient d’observer, comme l’a fait le Conseil, que ces certificats n’indiquent pas la durée d’amortissement de ces équipements dans l’industrie concernée, mais constituent seulement l’indication de leur durée de vie physique.

50      Quant à la durée d’amortissement de six ans, appliquée par l’industrie communautaire, il ressort des considérants 44 et 45 du règlement attaqué que la situation économique de cette industrie n’était pas comparable à celle de l’industrie indienne concernée.

51      Dès lors, les informations invoquées par la requérante ne sont pas de nature à démontrer que l’appréciation faite par le Conseil en l’espèce est manifestement erronée.

52      S’agissant du second grief de la requérante, tiré d’une erreur manifeste dans l’application de la méthode d’amortissement prescrite par la législation indienne, il convient d’observer que cette méthode d’amortissement dégressif n’implique pas le recours à une période d’amortissement déterminée, en tant que telle.

53      En l’espèce, le Conseil a utilisé une formule pour calculer cette période, correspondant à l’application de la méthode d’amortissement dégressif par une entreprise se trouvant dans la situation de la requérante. Il a notamment constaté, au considérant 45 du règlement attaqué, que l’application de cette méthode dans des conditions d’investissements réguliers et constants permet, sur une période représentative de six ans, un amortissement des actifs « 30 % plus rapide » que la méthode linéaire, ce qui correspond à la période de 4,2 ans retenue en l’espèce.

54      À cet égard, la requérante n’a pas démontré qu’une telle approche était, en soi, manifestement erronée. Néanmoins, elle tend à remettre en cause l’exactitude des calculs effectués par le Conseil, en présentant un calcul alternatif, selon lequel l’application de l’amortissement dégressif conduit à une valeur résiduelle à la fin de la cinquième année.

55      Il convient de relever, à cet égard, que le calcul alternatif présenté par la requérante est fondé sur l’amortissement d’un actif investi au cours de la première année et non pas sur des investissements constants. Ce calcul étant fondé sur des éléments d’appréciation différents de ceux pris en considération par le Conseil, il ne peut être invoqué pour contester l’exactitude de l’appréciation effectuée par ce dernier.

56      À la lumière de ce qui précède, les griefs formés par la requérante dans le cadre de la première branche du premier moyen ne sauraient être accueillis.

 Sur le classement des actifs dans la catégorie des moules et sur le défaut de prise en compte des informations découlant des états comptables de la requérante (premier et deuxième griefs de la deuxième branche)

–       Arguments des parties

57      La requérante invoque la pratique du Conseil, selon laquelle les états comptables de l’exportateur constituent la source principale des informations. Cette pratique serait comparable à la prise en compte des registres comptables tenus conformément aux principes généralement acceptés du pays concerné pour calculer les frais de production dans les affaires de dumping. Le Conseil aurait donc dû fonder son appréciation sur la durée d’amortissement découlant des états comptables.

58      Le Conseil aurait violé l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, tel qu’interprété dans sa pratique, en refusant de prendre en compte cette durée et en classant les actifs en cause dans la catégorie des moules, alors que ces actifs figureraient dans les états comptables de la requérante comme des machines. La requérante admet que le classement des mêmes actifs dans ses registres comptables et fiscaux a été différent. Pourtant, en cas de divergence, le classement visé par les registres fiscaux ne saurait prévaloir sur celui figurant dans les états comptables.

59      Le règlement attaqué serait également entaché d’une erreur de motivation à cet égard. En effet, le Conseil aurait dû motiver son choix quant au classement des actifs en cause par des éléments objectifs liés à leur nature et non pas par la seule contradiction entre les registres comptables et fiscaux de la requérante.

60      Par ailleurs, dans sa lettre à la Commission du 14 avril 2003, la requérante aurait indiqué que seule une partie des actifs en cause avait été reclassée dans la catégorie des moules dans ses registres fiscaux. Cette information aurait été établie par la déclaration de revenu de la requérante, examinée par la Commission au cours de l’enquête. Cette dernière aurait donc disposé de toutes les informations nécessaires pour vérifier les calculs effectués par la requérante.

61      Le Conseil fait valoir que, si les états comptables de l’exportateur constituent, en principe, la source principale d’information, les institutions ne sont pas liées par ces données, mais doivent se placer dans la perspective de ce qui constitue la durée d’amortissement normale dans l’industrie concernée. En l’espèce, il n’aurait pas été approprié de se fonder sur la durée d’amortissement découlant des états comptables de la requérante. D’une part, le classement des actifs dans ces états aurait été incohérent avec leur classement à des fins fiscales. D’autre part, l’industrie communautaire, qui aurait été déficitaire, aurait appliqué en moyenne une durée d’amortissement d’environ six ans et la période d’amortissement retenue par la requérante, entreprise rentable et investissant de manière constante et substantielle, aurait dû être nettement inférieure à cette moyenne.

62      La requérante aurait reclassé les actifs en cause dans la catégorie des moules dans sa déclaration fiscale. Or, il ressortirait de la législation indienne que les classements comptables et fiscaux d’actifs identiques devaient être cohérents entre eux. Pour définir la durée d’amortissement adéquate, le Conseil serait donc parti de l’hypothèse que le changement de classement à des fins fiscales aurait dû également entraîner un changement identique dans les états comptables de la requérante.

63      Ce raisonnement serait suffisamment motivé, notamment, par le considérant 41 du règlement attaqué. Au vu de cette motivation, le Conseil n’aurait pas été obligé d’aborder la question de la nature objective des actifs en cause. Par ailleurs, la requérante, elle non plus, n’aurait pas démontré que le reclassement des actifs à des fins fiscales aurait été fondé sur leur nature objective et non pas exclusivement sur ses intérêts fiscaux.

64      Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle le reclassement à des fins fiscales ne concernait pas l’ensemble des actifs en cause, le Conseil rétorque que cette dernière n’a pas apporté, dans sa lettre à la Commission du 14 avril 2003 ni dans sa requête, de preuve pour étayer ce fait. Par ailleurs, il ressortirait de la réponse de la Commission du 8 mai 2003 que les informations indiquées dans la lettre du 14 avril 2003, à savoir la valeur totale des biens importés, auraient été en contradiction avec celles soumises précédemment et vérifiées au cours de l’enquête. Ainsi, la Commission n’aurait pu vérifier les nouvelles informations ni par conséquent les prendre en compte.

–       Appréciation du Tribunal

65      Il ressort des considérants 39 à 43 du règlement attaqué que le Conseil a apprécié la durée d’amortissement des actifs en cause en faisant référence à la méthode d’amortissement prescrite par la législation indienne pour les équipements tels que les moules. Il a, ainsi, refusé de fonder cette appréciation sur la durée d’amortissement visée dans les registres comptables de la requérante, dans lesquels ces actifs figuraient comme des machines.

66      La requérante admet avoir reclassé les actifs en cause dans la catégorie des moules dans sa déclaration fiscale se rapportant à la période d’enquête. Elle soutient néanmoins que le Conseil a violé l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base en fondant son appréciation sur un classement figurant dans les registres fiscaux, au lieu de prendre en compte les informations figurant dans les états comptables.

67      Tout d’abord, il convient de rappeler, comme il a été relevé au point 45 ci-dessus, que le seul fait que les institutions communautaires n’ont pas employé la même méthode dans d’autres enquêtes antisubventions ne conduit pas, en soi, à la violation de la disposition susmentionnée. En outre, en l’espèce, il ressort des considérants 40 et 41 du règlement attaqué que la prise en compte des données fiscales a été motivée par le fait que le classement des actifs en cause dans les registres comptables de la requérante n’était pas cohérent avec celui figurant dans ses registres fiscaux. Il ne saurait donc être soutenu que le Conseil a écarté les informations découlant des états comptables de la requérante pour des raisons arbitraires.

68      Ensuite, il convient d’observer qu’il ressort du considérant 38 du règlement attaqué que les institutions communautaires ont fondé leur appréciation sur la durée d’amortissement applicable du point de vue comptable. Dans le cadre de cet examen, la référence à la déclaration fiscale de la requérante a été limitée à la recherche du classement adéquat des actifs en cause en matière de comptabilité. Comme il ressort du considérant 41 du règlement attaqué, ladite référence a été justifiée par le fait que les mêmes actifs auraient dû être classés de manière identique dans les registres comptables et fiscaux. Dès lors, la requérante soutient, à tort, que les institutions communautaires ont illégalement fait prévaloir les registres fiscaux sur les registres comptables.

69      Enfin, d’une part, il convient de relever que la requérante n’a pas remis en cause la considération du Conseil, selon laquelle, bien qu’une entreprise puisse employer des méthodes d’amortissements différentes dans ses registres comptables et fiscaux, le classement d’un même actif dans les deux registres doit être identique. D’autre part, elle ne soutient pas que le classement des actifs dans ses registres fiscaux était erroné. L’enquête menée par la Commission n’a d’ailleurs pas révélé que le classement des actifs dans la déclaration fiscale avait été contesté par les autorités indiennes ou corrigé par la requérante.

70      Dans ces conditions, le Conseil a pu légalement considérer que, la requérante ayant modifié le classement des actifs en cause dans ses registres fiscaux, la même modification devait être prise en compte à des fins comptables.

71      Quant à l’argument subsidiaire de la requérante tiré d’une motivation insuffisante de ladite constatation, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’autorité communautaire, auteur de l’acte, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d’exercer son contrôle [voir arrêt du Tribunal du 12 septembre 2002, Europe Chemi-Con (Deutschland)/Conseil, T‑89/00, Rec. p. II‑3651, point 65, et la jurisprudence citée].

72      À cet égard, les considérants 40 à 42 du règlement attaqué indiquent que les informations de la part de la requérante, relatives au classement des actifs dans les registres comptables, ont été contredites par la modification de leur classement dans les registres fiscaux, alors que le classement de mêmes actifs dans les deux registres aurait dû être identique. Ainsi, le règlement attaqué explicite, à suffisance, les raisons pour lesquelles le Conseil n’a pas fondé son appréciation sur le classement des actifs découlant des comptes de la requérante, mais s’est référé à d’autres éléments pertinents.

73      Enfin, la requérante allègue que le classement des actifs dans la catégorie des moules ne concernait pas l’ensemble des actifs en cause, fait qu’elle aurait signalé à la Commission par lettre du 14 avril 2003.

74      Le Conseil rétorque à cette allégation que les informations présentées à son appui n’étaient pas cohérentes avec d’autres éléments obtenus lors de l’enquête et que, dès lors, ladite allégation n’a pas pu être prise en compte.

75      Il ressort des éléments présentés par les parties en réponse à la question écrite posée par le Tribunal que, à l’appui de l’allégation dont il s’agit, la requérante a fait référence aux informations découlant de sa déclaration fiscale pour la période d’enquête. Il est constant que la valeur des actifs inscrite dans cette déclaration ne correspond pas à leur valeur retenue pour calculer la subvention. Le Conseil indique que les institutions n’ont pas été en mesure, sur la base de ces seuls éléments, de confronter l’allégation en cause aux autres informations vérifiées dans le cadre de l’enquête.

76      La requérante soutient néanmoins que la différence de valeurs qui en résulte, explicable par l’ajout des coûts de transport et d’installation, n’empêchait pas les institutions communautaires de remarquer que la modification du classement ne concernait pas l’ensemble des actifs importés.

77      Le Conseil a précisé, à cet égard, que les institutions communautaires n’avaient pas pu estimer la valeur exacte des actifs classés dans la catégorie des moules, car, d’une part, la requérante n’avait pas expliqué les critères du classement de ses actifs dans la déclaration fiscale et, d’autre part, elle n’avait pas fourni la liste complète et vérifiable de ces actifs. En l’absence de ces éléments, les institutions communautaires n’auraient pas pu vérifier les chiffres présentés par la requérante à l’appui de son allégation.

78      Au vu de ces dernières indications, que la requérante n’a pas remises en cause devant le Tribunal, il y a lieu de considérer que celle-ci n’a pas présenté aux institutions communautaires d’éléments qui leur auraient permis de vérifier l’exactitude de son allégation et, éventuellement, de prendre en compte la partie des actifs concernée qui n’aurait pas été classée dans la catégorie des moules. Dès lors, elle ne saurait, par cette seule allégation, contester l’appréciation opérée dans le règlement attaqué.

79      Par conséquent, le Conseil a pu, sans méconnaître l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, considérer que les actifs en cause, classés comme des moules à des fins fiscales, auraient dû être également pris en compte comme telles aux fins de l’appréciation de leur durée d’amortissement en matière comptable et que, dès lors, il n’était pas approprié de fonder cette appréciation sur les informations figurant dans les états comptables de la requérante. En outre, la requérante n’a pas démontré l’existence d’un défaut de motivation à cet égard.

80      Il convient donc de rejeter les allégations, formulées par la requérante dans le cadre des deux premiers griefs de la deuxième branche, comme non fondées.

 Sur la prise en compte de la rentabilité et des investissements de la requérante (troisième grief de la deuxième branche)

–       Arguments des parties

81      Selon la requérante, le Conseil a violé l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, en établissant une distinction entre les entreprises rentables et les entreprises non rentables pour déterminer la durée d’amortissement. D’une part, une telle distinction ne résulterait aucunement du règlement de base. D’autre part, elle serait illogique, car la durée normale de vie d’un actif ainsi que sa durée d’amortissement normale seraient liées à sa nature et non à la rentabilité ou au plan d’investissements de l’entreprise propriétaire.

82      En prenant pour hypothèse que la requérante allait investir substantiellement au cours d’une période de six ans, le Conseil aurait également violé l’article 5 et l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base. Le fait que la requérante ait été rentable et qu’elle ait investi pendant la période d’enquête ainsi qu’au cours des deux années précédentes ne constituerait pas la preuve qu’elle a maintenu le même degré de rentabilité et d’investissements pendant six ans. L’approche du Conseil impliquerait donc des spéculations sur des éléments postérieurs à la période d’enquête.

83      Le Conseil répond qu’il n’a pas fait de distinction entre les sociétés rentables et les sociétés non rentables. Il aurait seulement retenu le fait que la requérante procédait à des investissements constants et substantiels pour conclure que cette dernière amortirait ses actifs très rapidement. Ainsi, le Conseil aurait recherché quelle était la durée d’amortissement normale pour une société placée dans la même situation que la requérante. Cette dernière soutiendrait à tort que la rentabilité n’affecte pas la durée d’amortissement, alors que le fait d’être rentable serait important pour le choix de cette durée.

84      Pour estimer que la requérante est rentable et qu’elle investit substantiellement, le Conseil se serait appuyé sur les éléments établis lors de l’enquête et non contestés. Il n’aurait utilisé aucun élément postérieur à la période d’enquête, conformément à l’article 5 et à l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base.

–       Appréciation du Tribunal

85      Il est constant que le Conseil a pris en considération le fait, établi lors de l’enquête, que la requérante était très rentable et qu’elle investissait de manière régulière et constante. Cette circonstance de fait a été retenue à deux propos. Premièrement, le Conseil a fait référence, parmi les deux méthodes d’amortissement admises par la législation indienne, à la méthode d’amortissement dégressif, qui offrait un amortissement plus rapide. Deuxièmement, le Conseil a calculé la durée d’amortissement conformément à cette méthode dans des conditions d’investissements réguliers et constants.

86      Ces considérations sont exposées au considérant 45 du règlement attaqué :

« [L]a position du producteur-exportateur est très différente de la moyenne des sociétés. Sa société est très rentable, elle procède à des investissements constants et substantiels et il est dès lors raisonnable de supposer que sa durée d’amortissement est sensiblement inférieure à la moyenne susmentionnée. Par conséquent, il a été jugé approprié d’appliquer la méthode d’amortissement [dégressif] qui offre une durée d’amortissement plus rapide que la méthode linéaire. Il convient de noter que, dans des conditions d’investissements réguliers et constants, la méthode d’amortissement [dégressif] prévue par la loi indienne relative aux sociétés et exposée au considérant 43 permet une durée d’amortissement 30 % plus rapide que la méthode linéaire équivalente sur une période représentative de six ans, qui s’applique en cas de recours à la méthode linéaire. Cela correspond à une période de [4,2 ans] contre six ans dans le cas de la méthode linéaire. »

87      La requérante soutient que, en prenant en compte sa rentabilité et ses investissements, le Conseil a violé l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, ainsi que l’article 5 et l’article 11, paragraphe 1, dudit règlement.

88      Concernant l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, il convient d’observer que, en vertu de cette disposition, le Conseil est tenu d’apprécier la durée d’amortissement dans l’industrie concernée. Cette appréciation peut ainsi impliquer de prendre en considération des circonstances propres à l’exportateur concerné. Comme cela a déjà été relevé au point 40 ci-dessus, en l’absence de règles spécifiques à cet effet, les institutions communautaires disposent d’une marge d’appréciation quant aux éléments pertinents à prendre en considération.

89      À cet égard, la requérante n’a apporté aucune preuve à l’appui de son allégation selon laquelle la rentabilité d’un exportateur n’est pas susceptible d’affecter la durée d’amortissement de ses actifs. En revanche, le Conseil a indiqué, à raison, que le choix d’une méthode d’amortissement par un exportateur peut dépendre, notamment, des investissements prévus et, ainsi, de la rentabilité de l’entreprise concernée.

90      Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré que le Conseil avait méconnu l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base.

91      Quant à l’article 5 du règlement de base, cette disposition prévoit que le montant de la subvention est calculé en termes d’avantage conféré au bénéficiaire tel que constaté et déterminé pour la période d’enquête. En l’espèce, les institutions communautaires ont conclu que la situation favorable de la requérante, durant les trois exercices financiers considérés, avait pu influencer son choix de la méthode d’amortissement. Ensuite, elles ont fait référence à la méthode ainsi choisie pour déterminer la partie de la subvention imputable à la période d’enquête. Dès lors, la requérante allègue à tort que les institutions communautaires ont inclus, dans le calcul du montant de la subvention, un avantage imputable à une période autre que la période d’enquête.

92      S’agissant de l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base, celui-ci prévoit, notamment, que les renseignements relatifs à une période postérieure à la période d’enquête ne sont pas, normalement, pris en compte pour apprécier la subvention et le préjudice. Par conséquent, les données pertinentes aux fins de l’analyse des institutions communautaires sont normalement celles relatives à une période s’achevant par la période d’enquête. Cette disposition n’exclut pas néanmoins la prise en compte, dans le cadre de l’analyse de ces données, de prévisions concernant des événements futurs, dans la mesure où ceux-ci sont pertinents et fondés sur les éléments objectifs obtenus au cours de l’enquête.

93      En ce qui concerne la pertinence de telles prévisions en l’espèce, il convient de rappeler que la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause l’appréciation du Conseil selon laquelle la rentabilité de l’exportateur concerné et ses investissements prévus peuvent être pertinents pour déterminer la méthode d’amortissement à utiliser.

94      En ce qui concerne le bien-fondé des prévisions prises en compte par le Conseil, il convient d’observer que la requérante ne conteste pas avoir régulièrement investi des montants substantiels pendant une période de trois années allant jusqu’à la fin de la période d’enquête. Si cet élément factuel ne conduit pas nécessairement à considérer que l’amortissement en cause s’effectuait dans des conditions d’investissements réguliers et constants comme l’a estimé le Conseil, il convient de relever que cette appréciation, d’ordre économique, relève du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions communautaires dans l’analyse des situations économiques complexes. Or, la requérante n’a pas démontré que l’appréciation du Conseil à cet égard était entachée d’une erreur manifeste.

95      Dès lors, la requérante n’a pas établi que le Conseil avait méconnu l’article 5 ou l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base.

96      Au vu de ce qui précède, le présent grief n’est pas fondé.

 Sur l’emploi de la méthode d’amortissement dégressif (quatrième grief de la deuxième branche)

–       Arguments des parties

97      La requérante soutient que le Conseil a violé l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, en employant la méthode d’amortissement dégressif pour calculer le montant de la subvention. Les lignes directrices ainsi que la pratique des institutions se référeraient à l’utilisation de la méthode linéaire. À cet égard, le règlement attaqué n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles les institutions communautaires se sont écartées de leur pratique établie, alors que la requérante avait utilisé la méthode linéaire dans ses états comptables.

98      Le Conseil rétorque que l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base n’exclut pas l’emploi d’une méthode d’amortissement autre que la méthode linéaire, même si cette dernière est généralement utilisée. Le fait que la méthode d’amortissement dégressif n’ait pas été d’usage dans le passé serait sans conséquence.

–       Appréciation du Tribunal

99      Il ressort du considérant 45 du règlement attaqué que les institutions communautaires ont déterminé la durée d’amortissement en retenant la méthode d’amortissement dégressif prévue par la législation indienne pour les actifs en cause.

100    À cet égard, la requérante soutient que l’utilisation de la méthode d’amortissement dégressif, en tant que telle, viole l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, tel qu’interprété par les lignes directrices de la Commission et appliqué dans sa pratique antérieure.

101    Il convient d’observer que les termes de l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base n’excluent pas l’utilisation de la méthode d’amortissement dégressif.

102    S’agissant des lignes directrices, leur section F, sous a), ii), prévoit que, pour étaler le montant de subvention, la Commission utilise généralement la méthode d’amortissement linéaire. En revanche, il ne ressort pas de cette indication que le recours à une autre méthode d’amortissement est exclu. En outre, selon la section A des lignes directrices, les indications contenues dans celles-ci ne valent pas si des circonstances particulières justifient une approche différente.

103    En l’espèce, le Conseil a expliqué, aux considérants 44 et 45 du règlement attaqué, que l’utilisation de la méthode d’amortissement dégressif prévue par la législation indienne, qui aboutissait à un amortissement plus rapide que la méthode linéaire prévue par la même législation, était plus appropriée au vu de la durée d’amortissement employée par l’industrie communautaire et de circonstances spéciales dont bénéficiait la requérante. Dans ces conditions, les institutions communautaires ont pu légalement adopter une autre approche que celle généralement prévue par les lignes directrices.

104    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la méthode d’amortissement dégressif n’a pas été employée par les institutions communautaires dans d’autres enquêtes antisubventions, il convient de rappeler que cet argument ne suffit pas, en soi, pour remettre en cause la légalité de son emploi en l’espèce (voir points 45 et 46 ci-dessus).

105    Quant à la critique de la requérante, selon laquelle le Conseil a appliqué une méthode différente de celle employée dans ses états comptables, il convient de rappeler que ce dernier a considéré, à bon droit, que l’utilisation de la méthode d’amortissement employée dans lesdits états comptables était, en l’espèce, inappropriée (voir points 65 à 67 et 79 ci-dessus).

106    Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que les institutions communautaires ont violé l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, du seul fait qu’elles se sont écartées de l’approche prévue par les lignes directrices et utilisée dans les enquêtes antisubventions antérieures.

107    Compte tenu de ces considérations, le présent grief doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le caractère prétendument arbitraire des calculs (cinquième grief de la deuxième branche)

–       Arguments des parties

108    La requérante fait valoir que la méthode employée par le Conseil pour parvenir à une période de 4,2 ans est arbitraire. Les institutions auraient, notamment, arbitrairement choisi la période de six ans pour comparer les deux méthodes d’amortissement, linéaire et dégressif, ainsi que la période de six ans pendant laquelle la requérante était supposée investir de manière constante. Si les institutions avaient retenu un nombre d’années différent, elles auraient pu aboutir à un autre résultat.

109    Le caractère arbitraire de la détermination de la durée d’amortissement en cause serait illustré par le fait que, dans son premier exposé, la Commission avait proposé une période de trois ans, remplacée par la suite, au regard des mêmes éléments à sa disposition, par une période de 4,2 ans.

110    Selon le Conseil, le fait qu’il aurait pu, en modifiant les paramètres du calcul, parvenir à une autre durée d’amortissement ne prouve pas que son approche a été arbitraire. À cet égard, la requérante n’aurait pas démontré que le Conseil avait dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

111    La Commission pouvait, selon le Conseil, modifier son approche au cours de l’enquête, bien que cette modification n’ait pas été fondée sur de nouveaux éléments. Ce fait ne signifierait pas que la nouvelle approche est arbitraire.

–       Appréciation du Tribunal

112    Par le présent grief, la requérante soutient que la détermination de la durée d’amortissement normale en cause n’a pas été objective. Elle expose, premièrement, que les institutions communautaires ont arbitrairement choisi les paramètres employés pour comparer les deux méthodes alternatives prévues par la législation indienne et, deuxièmement, qu’elles ont modifié la durée d’amortissement à un stade avancé de l’enquête et en l’absence de nouvelle preuve.

113    S’agissant de la première allégation, il ressort du considérant 45 du règlement attaqué que la période représentative de six ans utilisée en l’espèce correspondait, à la fois, à la durée d’amortissement moyenne appliquée par l’industrie communautaire et à celle découlant de la méthode d’amortissement linéaire prévue par la législation indienne, qui était une des méthodes utilisables. Il ne saurait donc être considéré que les institutions ont fait un choix arbitraire en retenant cette période. L’argument de la requérante, selon lequel le résultat du calcul sur une autre période aurait été différent, ne saurait remettre en cause la constatation qui précède quant au caractère non arbitraire de la période retenue.

114    Quant à la deuxième allégation, selon laquelle la Commission aurait initialement proposé une période de trois ans, il y a lieu de rappeler qu’une enquête dans le domaine des mesures de défense commerciale constitue un processus continu, au cours duquel de nombreuses conclusions sont constamment révisées. Dès lors, il ne peut être exclu que les conclusions finales des institutions communautaires diffèrent des conclusions établies à un certain moment de l’enquête (arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 182). La requérante ne saurait donc soutenir qu’une modification dans l’appréciation de la durée d’amortissement, qui a eu une incidence au cours de l’enquête, constitue un indice du caractère arbitraire de cette appréciation. En outre, comme l’a indiqué le Conseil, la modification en l’espèce, bien qu’elle n’ait pas été fondée sur de nouvelles preuves, est intervenue à la suite des observations écrites et orales de la requérante.

115    Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que l’appréciation opérée par les institutions communautaires avait été arbitraire. Le présent grief ne saurait donc être accueilli.

116    Au vu de tout ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et d’un défaut de motivation, en ce qui concerne l’appréciation de la durée d’amortissement normale des actifs

 Arguments des parties

117    La requérante fait valoir que, dans l’exposé du 9 avril 2003, la Commission a présenté une nouvelle méthode du calcul de la durée d’amortissement, substantiellement différente de celle utilisée dans l’information finale du 4 mars 2003. Cet exposé ne lui aurait pas permis de comprendre la nouvelle méthode. La Commission aurait reconnu ce fait, implicitement, en envoyant, le 5 mai 2003, des explications supplémentaires.

118    En outre, lesdites explications supplémentaires, du 5 mai 2003, n’auraient pas non plus permis à la requérante d’exercer ses droits de la défense. Premièrement, la requérante n’aurait pas pu présenter utilement ses observations après le 5 mai 2003, car, à ce stade, il aurait été impossible de modifier la proposition relative à l’adoption du règlement attaqué. Deuxièmement, même les explications supplémentaires ne lui auraient pas permis de comprendre comment la Commission avait déterminé la période d’amortissement de 4,2 ans. Il aurait suffi, à cet égard, de joindre un tableau avec les calculs chiffrés, ce que la Commission aurait omis d’effectuer.

119    Quant à l’argument du Conseil, selon lequel la requérante aurait dû demander des explications sur l’exposé du 9 avril 2003, cette dernière fait observer que ledit exposé a fixé un délai de réponse très court et que sa réponse, du 14 avril 2003, contenait une invitation tacite à fournir de plus amples explications.

120    Subsidiairement, la requérante soutient que le règlement attaqué est entaché d’un vice de motivation, dans la mesure où il reprend les motifs incomplets figurant dans l’exposé du 9 avril 2003.

121    Le Conseil soutient que l’exposé additionnel du 9 avril 2003 était suffisant. Si la requérante n’avait pas compris la méthode de calcul présentée dans cet exposé, elle aurait dû demander des explications. Or, dans sa réponse du 14 avril 2003, la requérante aurait seulement exprimé son désaccord avec la méthode appliquée par la Commission.

122    En outre, le fait que la Commission a envoyé des explications supplémentaires le 5 mai 2003 ne signifierait pas qu’elle a reconnu l’insuffisance de l’exposé du 9 avril 2003. Ces explications n’auraient été, en effet, qu’une réponse concernant le calcul présenté par la requérante le 14 avril 2003. Contrairement à ce qu’invoque la requérante, elles auraient été envoyées en temps utile.

123    La requérante aurait connu les méthodes d’amortissement employées par la Commission et n’aurait pas dû avoir de difficulté à calculer les montants en cause. Lors de la procédure administrative, elle n’aurait jamais demandé à recevoir les calculs chiffrés sous la forme d’un tableau.

124    Enfin, en toute hypothèse, la requérante n’aurait pas présenté d’argument susceptible de démontrer que l’éventuel défaut d’information l’aurait empêchée de se défendre.

 Appréciation du Tribunal

125    Il convient d’observer que, en vertu de l’article 30, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, les exportateurs concernés peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives. Cette obligation d’information finale vise à garantir le respect des droits de la défense des entreprises concernées (voir, par analogie en matière de dumping, arrêt du Tribunal du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, Rec. p. II‑4897, point 131).

126    En outre, selon une jurisprudence constante en matière de mesures de défense commerciale, les entreprises concernées par une enquête précédant l’adoption de mesures définitives doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués (voir arrêt Kundan et Tata/Conseil, précité, point 132, et la jurisprudence citée).

127    À cet égard, le caractère incomplet de l’information finale n’entraîne l’illégalité d’un règlement instituant des droits définitifs que si, en raison de cette omission, les parties concernées n’ont pas été en mesure de défendre utilement leurs intérêts (voir arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 292, et la jurisprudence citée).

128    À la lumière de ces principes, il convient d’examiner les critiques de la requérante quant au caractère incomplet de l’information en cause.

129    Il convient d’observer que la méthode de calcul de la subvention, exposée dans la communication du 4 mars 2003, a été modifiée par l’exposé du 9 avril 2003. Ainsi, pour ce qui concerne la détermination de la durée d’amortissement retenue pour étaler la subvention dans le temps, la Commission a présenté l’information finale dans l’exposé du 9 avril 2003.

130    Le point 28 dudit exposé est rédigé comme suit :

« [I]l a été jugé approprié d’appliquer la méthode d’amortissement [dégressif] qui offre une durée d’amortissement plus rapide que la méthode linéaire. Il convient de noter que, dans des conditions d’investissements réguliers et constants, la méthode d’amortissement [dégressif] prévue par la loi indienne relative aux sociétés et exposée au considérant 43 permet une durée d’amortissement 30 % plus rapide que la méthode linéaire équivalente sur une période représentative de six ans, qui s’applique en cas de recours à la méthode linéaire. Cela correspond à une période de 4,2 ans contre six ans dans le cas de la méthode linéaire. Cette période plus courte a donc été utilisée pour répartir le bénéfice obtenu. »

131    La requérante soutient, en substance, que l’information finale précitée, si elle fait référence aux conditions d’investissements réguliers et constants, ne fait pas apparaître que la Commission a apprécié la durée d’amortissement en cause en prenant en compte l’investissement de montants annuels égaux au cours d’une période de six ans.

132    Il convient d’observer, à cet égard, que l’information finale en cause concerne la comparaison des deux méthodes d’amortissement prévues par la législation du pays de la requérante et qu’elle contient tous les éléments de calcul ainsi que son résultat. Dans ces conditions, s’il y a lieu d’admettre que la phrase « dans des conditions d’investissements réguliers et constants » ne signifie pas nécessairement que les montants annuels investis sont égaux durant la période en cause, l’ambiguïté pouvant résulter de cette formulation n’a pas pu empêcher la requérante de comprendre la méthode appliquée. En effet, même si la requérante avait éprouvé des doutes sur la signification précise de la phrase en question, elle aurait été en mesure, disposant de tous éléments de calcul et connaissant les méthodes d’amortissement concernées, de vérifier sa signification par rapport aux autres éléments de calcul.

133    Il convient de relever, en outre, que la requérante n’a jamais interrogé la Commission sur la signification de cette phrase. Dans sa réponse à l’exposé en cause, du 14 avril 2003, la requérante s’est limitée à contester l’exactitude du calcul de la Commission en présentant un calcul alternatif. Il ressort de ce calcul alternatif que la requérante a proposé de calculer l’amortissement par rapport à un investissement initial, plutôt que d’envisager des investissements réguliers et constants. Cette correspondance ne démontre donc pas que cette dernière n’était pas en mesure de comprendre la méthode appliquée, mais qu’elle a contesté un des éléments du calcul.

134    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la requérante n’a pas établi que l’exposé du 9 avril 2003 était incomplet en ce qui concerne l’appréciation de la durée d’amortissement normale des actifs en cause.

135    En tout état de cause, il convient de relever que, dans sa lettre du 5 mai 2003, la Commission a répondu à la proposition de calcul alternatif de la requérante, en indiquant que le calcul fait par les institutions était fondé sur des investissements de montants annuels égaux durant toute la période représentative. Cette information ayant été transmise à la requérante avant la date d’adoption, par la Commission, de la proposition relative au règlement attaqué, la requérante ne saurait soutenir qu’elle n’a pas été envoyée à temps (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 novembre 1998, Champion Stationery e.a./Conseil, T‑147/97, Rec. p. II‑4137, point 82).

136    S’agissant de l’argument subsidiaire de la requérante tiré du défaut de motivation, il convient de relever que le point 28 de l’exposé du 9 avril 2003 a été repris au considérant 45 du règlement attaqué. Étant donné que la requérante n’a pas démontré que cet exposé était incomplet, la motivation du règlement attaqué doit être considérée comme suffisante à cet égard.

137    Au vu de ce qui précède, la requérante n’a pas établi que l’information finale était incomplète et qu’elle a entraîné, de la sorte, une violation de ses droits de la défense.

138    Par conséquent, le deuxième moyen ne saurait être accueilli.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 8, paragraphes 2 et 6, du règlement de base, en ce qui concerne l’examen des éléments relatifs à la détermination du préjudice et du lien de causalité

 Observations liminaires

139    Il convient de rappeler que la question de savoir si l’industrie communautaire a subi un préjudice et si celui-ci est imputable à des importations faisant l’objet de subventions suppose l’appréciation de questions économiques complexes, pour laquelle les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation. Le contrôle juridictionnel s’exerce, sur ce pouvoir, dans les limites rappelées au point 28 ci-dessus.

140    En outre, il appartient à la requérante de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice (voir arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 119, et la jurisprudence citée).

141    Dans le cadre du présent moyen, la requérante prétend que l’analyse, opérée par les institutions communautaires, des indicateurs économiques pertinents pour la détermination du préjudice et du lien de causalité a été arbitraire, entachée d’erreurs manifestes d’appréciation et, subsidiairement, d’un vice de motivation. Elle soulève quatre griefs à cet égard.

 Sur la méthode employée pour comparer les tendances économiques (premier grief)

–       Arguments des parties

142    La requérante soutient que, dans leur analyse des indicateurs relatifs au préjudice, les institutions communautaires ont sous-estimé l’importance des tendances positives pour l’industrie communautaire. Elle ne conteste pas les constatations factuelles, mais leur comparaison ainsi que les conclusions tirées de cette comparaison.

143    En premier lieu, ce serait à tort que les institutions communautaires ont évalué l’impact des importations sur la base de données relatives aux années 1998 à 2000.

144    À cet égard, premièrement, les institutions communautaires auraient pris en compte, à tort, les donnés de l’Office statistique des Communautés européennes (Eurostat) relatives à l’année 1998. Il découlerait des informations présentées dans le tableau figurant au considérant 62 du règlement attaqué que la requérante, le seul producteur exportateur indien du produit en cause, a commencé à exporter au cours de son exercice budgétaire 1999/2000.

145    Deuxièmement, les données d’Eurostat pour les années 1998 à 2000 ne seraient pas fiables. La catégorie concernée de la nomenclature établie pour les statistiques comprendrait plusieurs produits autres que les CD‑R, importés avec différents types d’emballage, et leur quantité serait indiquée en tonnes, de sorte que pour estimer le nombre de CD‑R importés il aurait été nécessaire d’appliquer une formule mathématique aux données d’Eurostat. Or, les quantités étant très faibles, une telle formule ne serait pas statistiquement fiable.

146    Troisièmement, il ressortirait des considérants 55 à 64 du règlement attaqué que, de 1998 à 2000, les importations provenant de l’Inde n’ont pas dépassé le seuil de 1 % du marché communautaire. Elles auraient donc été négligeables au sens de l’article 14, paragraphe 4, du règlement de base.

147    Quatrièmement, le fait que les importations ont été faibles durant les trois premières années de la période considérée n’aurait pas été suffisamment pris en compte lors de l’évaluation de la situation de l’industrie communautaire. Ainsi, les institutions communautaires auraient comparé les données pour l’année 1998 et la période d’enquête pour conclure que l’industrie communautaire avait gagné 3,7 points de pourcentage du marché communautaire, alors que la comparaison entre l’année 2000, première année au cours de laquelle les importations sont devenues non négligeables, et la période d’enquête aurait fait apparaître un gain plus important, de 5 points de pourcentage.

148    En second lieu, les institutions communautaires auraient commis une erreur en fondant leurs conclusions sur la comparaison de périodes qui se recoupent.

149    Premièrement, la comparaison entre, d’une part, les années civiles et, d’autre part, la période d’enquête aurait été erronée. En effet, l’année civile 2001 et la période d’enquête, s’étendant d’avril 2001 à mars 2002, se chevauchent de neuf mois, ce qui ne permettrait pas la prise en compte des changements saisonniers dans le cadre de leur comparaison.

150    Deuxièmement, le Conseil aurait comparé, à tort, des tendances se rapportant à plusieurs années consécutives antérieures à l’année 2001 avec des tendances constatées entre cette année et la période d’enquête ou au cours de cette dernière. À titre d’exemple, lors de la comparaison de la progression de la production communautaire, au considérant 73 du règlement attaqué, la conclusion selon laquelle la progression a ralenti pendant la période d’enquête serait inexacte, car le chiffre s’y rapportant porterait sur une période beaucoup plus courte que la période à laquelle se rapportent les autres chiffres utilisés pour la comparaison. Il en serait de même des conclusions relatives à la baisse des prix, à l’augmentation limitée des capacités, ainsi qu’à la lente augmentation des volumes de vente, figurant respectivement aux considérants 59, 74 et 76 du règlement attaqué.

151    Le Conseil indique, à titre liminaire, que la détermination du préjudice présuppose, selon la pratique des institutions communautaires, l’appréciation des indicateurs économiques sur une période d’examen du préjudice de quatre à cinq ans, s’achevant par la période d’enquête. En l’espèce, les institutions communautaires auraient examiné l’évolution des facteurs de préjudice pendant les années 1998 à 2001 et durant la période d’enquête.

152    En premier lieu, la requérante alléguerait, à tort, que cet examen aurait dû exclure les années 1998, 1999 et 2000, pendant lesquelles les importations se trouvaient à des niveaux faibles.

153    Premièrement, peu importerait que la requérante n’ait pas exporté vers la Communauté en 1998, les institutions communautaires devant analyser les données au niveau du pays concerné et non au niveau de l’exportateur.

154    Deuxièmement, la requérante n’aurait pas démontré que les données d’Eurostat pour les années en cause aient été erronées. En tout état de cause, les institutions communautaires auraient également examiné l’évolution des indicateurs relatifs aux importations sur la base des chiffres fournis par la requérante et seraient parvenues à des résultats comparables à ceux découlant des données d’Eurostat.

155    Troisièmement, la comparaison des informations relatives aux années en cause ne serait pas contraire à l’article 14, paragraphes 3 et 4, du règlement de base, qui viserait le cas où les importations ont été négligeables durant la période d’enquête.

156    Quatrièmement, le Conseil aurait pris en compte le fait que les importations étaient à des niveaux faibles de 1998 à 2000. Quant à l’argument de la requérante lié à l’augmentation de la part de marché de l’industrie communautaire, l’évolution de cet indicateur aurait été considérée comme positive et la requérante ne démontrerait pas comment l’analyse complémentaire demandée aurait pu avoir une incidence sur l’évaluation du préjudice.

157    En second lieu, la requérante alléguerait, à tort, que la comparaison de tendances se rapportant à des périodes qui se recoupent a pu conduire à une erreur d’appréciation.

158    Premièrement, quant à la comparaison effectuée entre l’année civile 2001 et la période d’enquête, les institutions communautaires prendraient normalement comme période d’enquête, conformément à l’article 5 du règlement de base, le dernier exercice comptable de l’exportateur, qui peut être différent de l’année civile. Dans un tel cas, rien n’empêcherait les institutions communautaires de comparer les tendances au cours de la période d’enquête avec les tendances de l’année précédente, qui chevauche partiellement la période d’enquête. Par ailleurs, la requérante n’aurait pas établi que l’importation de CD‑R serait soumise à des variations saisonnières qui rendraient inappropriée la comparaison des deux périodes en cause.

159    Deuxièmement, la requérante n’invoquerait aucune erreur factuelle affectant les données retenues ou l’analyse opérée par les institutions. Spécifiquement, elle ne contesterait pas les constatations de faits visées aux considérants 59, 73, 74 et 76 du règlement attaqué. La requérante n’expliquerait d’ailleurs pas en quoi les défauts allégués dans la comparaison des données auraient affecté l’évaluation globale du préjudice.

–       Appréciation du Tribunal

160    Dans le cadre de son premier grief, la requérante conteste, essentiellement, la prise en compte de données relatives à différentes périodes pour comparer l’évolution de tendances économiques.

161    Selon une jurisprudence constante, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer la période à prendre en considération aux fins de l’examen du préjudice (voir arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 277, et la jurisprudence citée).

162    Il convient également d’observer que les institutions communautaires peuvent examiner le préjudice au cours d’une période plus longue que celle couverte par l’enquête. Cette possibilité est justifiée par le fait que l’étude des tendances économiques doit être effectuée sur une période suffisamment longue (arrêt Nakajima/Conseil, précité, point 87).

163    En l’espèce, il ressort du considérant 10 du règlement attaqué que la période d’enquête s’étalait du 1er avril 2001 au 31 mars 2002 et correspondait au dernier exercice financier de la requérante. La période considérée pour l’examen du préjudice couvrait la période d’enquête et les quatre années civiles précédentes et allait donc du 1er janvier 1998 au 31 mars 2002.

164    La requérante indique qu’elle ne conteste pas le choix de la période considérée, en tant que telle. En revanche, en premier lieu, elle soutient que les institutions communautaires ne pouvaient fonder leurs conclusions sur les données relatives aux années 1998, 1999 et 2000, au cours desquelles les importations se trouvaient à des niveaux très faibles.

165    Il ressort des considérants 55 et 57 du règlement attaqué que les importations ont été très faibles en termes de volume et de parts de marché, de 1998 à 1999, et qu’elles ont seulement atteint 1 % du marché communautaire en 2000.

166    Il convient d’examiner si les institutions communautaires ont pris en compte cette circonstance dans leur appréciation des facteurs du préjudice.

167    À cet égard, premièrement, la requérante indique qu’elle était le seul exportateur indien et qu’elle a commencé à exporter vers la Communauté à partir du mois d’avril 1999.

168    Il convient d’observer, tout d’abord, que l’existence d’un préjudice doit être appréciée globalement, sans qu’il soit besoin d’individualiser l’effet des importations effectuées par chacune des sociétés responsables (voir, par analogie en matière de dumping, arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 163, et la jurisprudence citée). Il ressort d’ailleurs de la jurisprudence que les institutions communautaires ne commettent pas d’erreur manifeste dans le cadre de cette appréciation quand elles se fondent sur les données dont elles peuvent raisonnablement disposer (voir arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, points 229 et 230, et la jurisprudence citée).

169    En outre, en l’espèce, à supposer même que les données présentées à la Commission par la requérante, selon lesquelles celle-ci avait commencé à exporter à partir du 1er avril 1999, aient pu conduire à remettre en cause le caractère représentatif des données d’Eurostat pour l’année 1998 et le début de l’année 1999, il convient d’observer que les institutions communautaires ont relevé, au considérant 64 du règlement attaqué, que l’appréciation des indicateurs relatifs aux importations a été concentrée sur une période débutant en 2000, durant laquelle la requérante a effectivement exporté vers la Communauté.

170    Deuxièmement, la requérante soutient que le faible volume des importations aurait affecté le caractère représentatif des données statistiques d’Eurostat pour les années 1998 à 2000.

171    Il convient d’observer, à cet égard, que la requérante n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle la formule statistique appliquée par Eurostat pour établir les données en cause ne serait pas fiable pour de petites quantités. Dans ces conditions, le seul argument lié au faible volume des importations pendant la période en cause n’est pas susceptible de démontrer que les données d’Eurostat s’y rapportant auraient manqué de fiabilité. En tout état de cause, il ressort des considérants 61 et 62 du règlement attaqué que les institutions communautaires ont comparé les données d’Eurostat avec les chiffres fournis par la requérante et sont arrivées à des conclusions similaires pour la période concernée.

172    Il y a donc lieu de considérer que le Conseil a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, prendre en compte les données d’Eurostat pour les années 1998, 1999 et 2000.

173    Troisièmement, la requérante soutient que la prise en compte des données pour les années en cause aurait été exclue par l’article 10, paragraphe 11, et l’article 14, paragraphes 3 et 4, du règlement de base, les importations ayant été négligeables au cours desdites années.

174    En vertu de l’article 10, paragraphe 11, et de l’article 14, paragraphes 3 et 4, du règlement de base, la procédure antisubventions ne peut être ouverte ou est immédiatement close lorsque le préjudice est considéré comme négligeable, soit lorsque la part de marché des importations est inférieure à 1 %.

175    En l’espèce, la requérante ne soutient pas que la part de marché des importations s’est trouvée au-dessous du seuil de 1 % susmentionné à un moment quelconque de la période d’enquête, s’étalant du 1er avril 2001 au 31 mars 2002. Or, le fait que la part de marché desdites importations ait été inférieure à ce seuil au début de la période, plus longue, qui a été prise en considération pour évaluer les tendances économiques est indifférent au regard des dispositions susmentionnées. L’argument de la requérante fondé sur l’invocation de ces dispositions est donc inopérant.

176    Enfin, s’agissant, quatrièmement, de l’argument de la requérante tiré de l’évaluation des indicateurs relatifs à la situation de l’industrie communautaire dans les années 1998 à 2000, il convient de relever que, pour effectuer l’étude des tendances économiques, les institutions communautaires peuvent légalement prendre en compte les évolutions constatées dans l’industrie communautaire durant toute la période considérée, y compris les années durant lesquelles les importations n’ont pas encore atteint un niveau important.

177    En l’espèce, la requérante n’a pas démontré que du choix de la date initiale de la période considérée il serait résulté une présentation inexacte des tendances économiques, en ce qui concerne la concomitance entre l’entrée des importations en cause sur le marché et l’évolution négative de l’industrie communautaire. En effet, si, suivant l’exemple donné par la requérante, l’industrie communautaire a gagné une part de marché plus élevée entre 2000 et la période d’enquête qu’entre 1998 et la période d’enquête, il convient d’observer que cet indicateur a, en tout état de cause, été considéré comme positif. À cet égard, la requérante n’a pas démontré en quoi les conclusions du Conseil quant à l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité auraient été affectées si le début de la période considéré s’était situé en 2000.

178    Dès lors, les arguments de la requérante concernant la prise en compte des données relatives aux années 1998, 1999 et 2000 doivent être rejetés.

179    En second lieu, la requérante critique l’appréciation faite des données relatives aux périodes qui se recoupent partiellement.

180    À cet égard, premièrement, elle relève que les institutions communautaires ont commis une erreur manifeste d’appréciation en comparant les données se rapportant à des années civiles, notamment les années 1998 et 2001, avec celles de la période d’enquête qui chevauche de neuf mois l’année 2001.

181    Il convient d’observer, à cet égard, que la période d’enquête choisie en l’espèce est d’une durée d’un an. La comparaison faite entre les données relatives aux années civiles et cette période, d’une durée identique, n’aurait donc pu conduire à une présentation inexacte des tendances économiques, à moins qu’il ait été établi que le marché de CD‑R connaissait des fluctuations saisonnières. Or, la requérante n’indique pas que le marché des CD‑R a connu de telles fluctuations.

182    Deuxièmement, la requérante reproche au Conseil d’avoir comparé les évolutions d’une année à l’autre avec celles constatées entre l’année 2001 et la période d’enquête. Cette critique concerne l’appréciation de la production, des niveaux de prix, des capacités et des volumes de vente communautaires, faite respectivement aux considérants 59, 73, 74 et 76 du règlement attaqué.

183    Il y a lieu de relever, à cet égard, que les évolutions qui ont eu lieu entre les années civiles consécutives examinées ne sont pas directement comparables à celles apparues entre l’année 2001 et la fin de la période d’enquête, car ces dernières se rapportent à une période d’une durée différente.

184    Cependant, il ne ressort pas de l’analyse des considérants 59, 73, 74 et 76 du règlement attaqué que les conclusions, quant à l’évolution des indicateurs en cause, auraient été fondées sur les tendances apparues entre l’année 2001 et la fin de la période d’enquête. En effet, si le Conseil a indiqué, aux considérants 73, 74 et 76, que l’augmentation de la production communautaire « a été plus lente pendant la période d’enquête », que l’augmentation de ses capacités à partir de 2001 « a été limitée » et que l’augmentation du volume des ventes de l’industrie communautaire « n’a été que de 6 % pendant la période d’enquête par rapport à 2001 », il n’a pas déduit de ces constatations que la situation de l’industrie communautaire ressortant desdits indicateurs s’était détériorée. En ce qui concerne le considérant 59, si le Conseil a indiqué que le prix des importations a augmenté de 17 % entre 2001 et la période d’enquête, il a néanmoins fondé ses conclusions sur le préjudice, au considérant 102, sur la baisse de prix globale, de 59 %, entre 2000 et la fin de la période d’enquête. Il convient de relever que la requérante ne conteste aucune de ces constatations factuelles.

185    En outre, si la requérante critique le fait que les institutions communautaires n’ont pas extrapolé les données relatives à l’année 2002, elle ne démontre pas en quoi, faute d’une telle extrapolation, le Conseil aurait donné une image inexacte de l’évolution des indicateurs concernés. Ainsi, la requérante n’établit pas qu’un tel prétendu défaut dans la présentation des données aurait conduit à une erreur d’appréciation de ces indicateurs.

186    Il convient d’observer que, en tout état de cause, la requérante n’indique pas quelle incidence l’erreur prétendument commise par le Conseil dans la comparaison des données en cause aurait pu avoir sur ses conclusions quant à l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité (voir, en ce sens, arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 167, et la jurisprudence citée). Elle n’indique pas même en quoi lesdites conclusions auraient pu être sensiblement modifiées, si le Conseil avait pris en compte les données extrapolées relatives à l’année 2002.

187    Il y a lieu, dès lors, de considérer que la requérante n’a pas démontré que le Conseil avait commis une erreur de fait ou une erreur manifeste dans son appréciation des indicateurs en cause.

188    Enfin, dans le cadre du présent grief, la requérante invoque l’article 8, paragraphes 2 et 6, du règlement de base, en prétendant que les institutions communautaires n’ont pas effectué une analyse objective des données relatives aux différentes périodes.

189    La requérante n’ayant pas démontré l’existence d’une erreur de fait ni d’une erreur manifeste d’appréciation des données en cause, elle ne saurait soutenir que les périodes de comparaison ont été choisies arbitrairement. L’argument tiré d’un manque d’objectivité à cet égard ne saurait donc prospérer.

190    Dès lors, le présent grief doit être rejeté comme non fondé.

 Sur l’appréciation du niveau des stocks (deuxième grief)

–       Arguments des parties

191    La requérante soutient que les institutions communautaires ont commis une erreur manifeste en concluant, au considérant 103 du règlement attaqué, que l’évolution du niveau des stocks de l’industrie communautaire constituait l’un des indicateurs qui se sont fortement détériorés. Les stocks de l’industrie communautaire auraient diminué entre 2000 et la période d’enquête, démontrant, au contraire, une tendance positive. Cette seule erreur pourrait entraîner l’annulation du règlement attaqué.

192    Le Conseil fait valoir que l’appréciation des stocks effectuée au considérant 103 du règlement attaqué est exacte, étant donné qu’elle se réfère à la détérioration de ce facteur pendant la période d’examen du préjudice, entre 1998 et la période d’enquête, et non à la situation au cours de la période d’enquête. Le niveau des stocks n’aurait pas été, en tout état de cause, un élément déterminant du préjudice. Une erreur éventuelle ne saurait donc entraîner l’annulation du règlement attaqué, car elle n’affecterait pas le résultat de l’examen du préjudice.

–       Appréciation du Tribunal

193    Dans le cadre du présent grief, la requérante soutient que l’appréciation de l’évolution des stocks de l’industrie communautaire est manifestement erronée. Elle ne discute pas les données chiffrées s’y rapportant, figurant au considérant 80 du règlement attaqué. Elle relève néanmoins que le Conseil n’aurait pu conclure au considérant 103 du règlement attaqué, sur la base de ces données, que l’indicateur des stocks s’était fortement détérioré au cours de la période considérée.

194    Il convient de rappeler que la période considérée en l’espèce s’étalait de l’année 1998 à la fin de la période d’enquête. Il ressort des données non contestées par la requérante que, durant toute cette période, les stocks de l’industrie communautaire ont augmenté de manière significative.

195    À cet égard, la requérante n’a pas démontré que l’amélioration de l’indicateur relatif aux stocks exprimé en pourcentage de production à partir de l’année 2000 aurait été de nature à renverser la tendance négative constatée sur l’ensemble de la période considérée. En effet, il ressort du considérant 80 du règlement attaqué que les stocks sont restés à des taux élevés durant toute la période considérée, augmentant en termes absolus vers la fin de 2001, ce qui coïncidait donc avec l’augmentation du volume des importations, et représentant, en termes relatifs, un taux élevé, de 15 %, de la production au cours de la période d’enquête.

196    Le présent grief est donc dénué de fondement.

 Sur l’appréciation des prix des importations (troisième grief)

–       Arguments des parties

197    La requérante soutient que, en concluant à la baisse des prix des importations, les institutions communautaires se sont fondées sur les données relatives aux années 1998, 1999 et 2000, qui n’étaient ni pertinentes ni fiables. Le seul élément fiable quant aux tendances des prix des importations serait le fait qu’ils ont augmenté de 15 % entre 2001 et la période d’enquête. Cette augmentation serait, en réalité, même plus importante, car les deux périodes se chevauchent.

198    Le fait que les prix à l’importation ont été également analysés sur la base des chiffres fournis par la requérante n’ajouterait rien à cet égard. Par ailleurs, les données en cause auraient été présentées par les institutions communautaires d’une manière inadéquate. Les données relatives aux exercices financiers de la requérante auraient été attribuées en totalité aux années civiles les plus récentes. Ainsi, les prix pour l’exercice financier 1999/2000, couvrant seulement trois mois de l’année 2000, auraient été attribués à l’année 2000 et non à l’année 1999 pendant laquelle l’essentiel des recettes aurait été réalisé.

199    Le Conseil rétorque que la requérante indique, à tort, que l’analyse du prix des importations aurait dû être effectuée sur la période allant de 2001 à la période d’enquête et non au cours de toute la période d’examen du préjudice. Le fait que le niveau des importations ne dépasse pas au départ le seuil de 1 % du marché communautaire ne serait pas pertinent.

200    Les institutions communautaires auraient admis que les prix d’Eurostat pour 1998 et 1999 n’étaient pas représentatifs à cause des faibles quantités des importations. Elles auraient, en conséquence, opéré, au considérant 59 du règlement attaqué, une comparaison de l’évolution des prix entre 2000 et la période d’enquête. De plus, elles auraient procédé à une autre analyse des prix sur la base des données fournies par la requérante pour la période de son exercice budgétaire 1999/2000 et la période d’enquête. Les résultats auraient été comparables.

–       Appréciation du Tribunal

201    L’appréciation des niveaux de prix des importations constituait, en l’espèce, l’élément essentiel fondant la conclusion d’une sous-cotation des prix communautaires et, ainsi, de l’existence du préjudice. Les institutions communautaires ont analysé cet indicateur, aux considérants 58 à 64 du règlement attaqué, sur la base des données d’Eurostat, ainsi que sur celle des chiffres fournis par la requérante.

202    En ce qui concerne les données d’Eurostat, les institutions ont conclu, à titre principal, qu’il y avait eu une baisse de prix importante, de 59 %, entre 2000 et la fin de la période d’enquête. La requérante conteste la prise en compte des données relatives à l’année 2000, arguant de ce que les importations étaient encore insignifiantes. Or, cet argument a déjà été examiné et rejeté aux points 170 à 175 ci-dessus.

203    Quant à l’analyse des chiffres fournis par la requérante, il convient de rappeler qu’elle a conduit à des résultats très comparables à ceux fondés sur les données d’Eurostat, à savoir une baisse des prix de 54 %. La requérante soutient néanmoins que la présentation de ces chiffres est inexacte.

204    Il ressort du tableau figurant au considérant 62 du règlement attaqué que le pourcentage de 54 % se rapporte à l’évolution des prix entre les deux exercices budgétaires de la requérante. À supposer même que le considérant 63 ne soit pas suffisamment précis lorsqu’il indique que ce pourcentage concerne l’évolution entre 2000 et la période d’enquête, cette imprécision ne constituerait pas non plus une erreur. Il ressort clairement du tableau qui précède le considérant en question qu’il s’agit de l’évolution entre l’exercice budgétaire 2000 et la période d’enquête. La requérante n’a donc pas démontré que les chiffres qu’elle avait fournis auraient été présentés de manière inexacte.

205    En outre, même si les données fournies par la requérante se rapportent à la période débutant le 1er avril 1999, tandis que les données d’Eurostat intéressent la période commençant le 1er janvier 2000, ce seul fait ne conduit pas à rendre inexacte la constatation du Conseil, selon laquelle les chiffres d’Eurostat et ceux de la requérante démontrent des tendances concordantes. Or, la requérante n’indique pas que la prise en compte d’une autre date de départ pour ses données aurait pu conduire à des conclusions différentes en ce qui concerne les prix des importations.

206    Par conséquent, la requérante n’a pas démontré l’existence d’une erreur factuelle ou d’une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de l’analyse des prix des importations.

207    Le présent grief doit donc être rejeté comme non fondé.

 Sur l’appréciation des tendances positives et négatives (quatrième grief)

–       Arguments des parties

208    La requérante fait valoir que les institutions communautaires n’ont pas mis en balance les indicateurs positifs et négatifs du préjudice, en violation de l’article 8, paragraphes 2 et 5, du règlement de base. L’évaluation globale exposée aux considérants 104 et 105 du règlement attaqué n’inclurait pas tous les indicateurs positifs et négatifs. Le Conseil aurait conclu, essentiellement, que la sous-cotation des prix des importations avait affecté l’aptitude de l’industrie communautaire à mobiliser des capitaux, ce qui aurait été illustré par l’évolution négative du rendement des investissements, de la rentabilité et du flux de liquidités. Ainsi, il aurait fondé son appréciation globale, en excluant des facteurs positifs, sur un petit nombre d’indicateurs étroitement liés.

209    Bien que la période considérée se soit étalée de l’année 1998 à la période d’enquête, les institutions auraient dû prendre en compte le fait que les importations antérieures à l’année 2000 avaient été négligeables. Or, elles n’auraient pas expliqué pourquoi plusieurs tendances positives entre 2000 et la période d’enquête, à savoir les augmentations, respectivement, de la production communautaire, du chiffre d’affaires de l’industrie communautaire, de sa part de marché, de sa productivité ainsi que la diminution simultanée des coûts de production auraient été neutralisées par les tendances négatives.

210    Le Conseil rappelle que la période d’examen du préjudice a débuté en 1998. Ainsi, les tendances relatives à la période suivant l’année 2000, indiquées par la requérante, auraient une valeur limitée. En outre, les institutions communautaires n’auraient jamais contesté l’existence de tendances positives. Cependant, celles-ci ne sauraient être comptabilisées ni mises en balance avec les tendances négatives, mais évaluées globalement dans les circonstances de l’espèce.

211    En l’espèce, les institutions communautaires auraient conclu à l’existence d’un préjudice sur la base des facteurs relatifs à l’aptitude de l’industrie à mobiliser les capitaux. Elles auraient pris en compte, d’une part, l’évolution négative de l’industrie communautaire en termes de prix, de rentabilité et de flux de liquidités, entraînant une réduction sensible des investissements et, d’autre part, le fait que cette industrie n’a pas réussi à tirer parti de ses réductions de coûts. Les tendances positives liées, essentiellement, à la croissance auraient été jugées moins importantes au vu d’une forte augmentation de la consommation communautaire. En effet, l’augmentation des ventes et les réductions des coûts de l’industrie communautaire n’auraient pas été suffisantes pour compenser le recul des prix et, ainsi, pour entraîner une évolution positive de sa rentabilité. Dès lors, les institutions communautaires auraient été fondées à conclure que les tendances positives étaient neutralisées par les tendances négatives.

212    La pondération des différents facteurs dans le cadre de cette analyse globale relèverait du pouvoir discrétionnaire des institutions communautaires et la requérante n’aurait pas démontré l’existence d’une erreur manifeste à cet égard.

–       Appréciation du Tribunal

213    Il est de jurisprudence constante que l’examen du préjudice doit porter sur un ensemble de facteurs dont l’un ou l’autre ne saurait à lui seul constituer une base de jugement déterminante. L’évolution positive d’un facteur ne fait pas obstacle à la constatation d’un préjudice important, dès lors que cette constatation se fonde sur différents facteurs dont le règlement de base prévoit la prise en considération (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Miwon/Conseil, T‑51/96, Rec. p. II‑1841, point 105, et la jurisprudence citée).

214    Dans ses conclusions sur le préjudice causé en l’espèce, notamment aux considérants 103 à 105 du règlement attaqué, le Conseil a pris en considération l’existence de tendances positives dans la situation de l’industrie communautaire. Il a également expliqué les raisons pour lesquelles d’autres indicateurs, qui ont évolué de façon négative, ont néanmoins conduit à l’existence d’un préjudice important.

215    La requérante n’a infirmé aucune des constatations factuelles relatives à cette appréciation ni démontré l’existence d’une erreur manifeste dans le cadre de l’évaluation des différents facteurs de préjudice. Dans le cadre du présent grief, elle soutient néanmoins que les institutions communautaires n’ont pas effectué un examen correct des différents indicateurs positifs et négatifs.

216    Il convient d’observer, à cet égard, que, dans le cadre d’une contestation de l’appréciation globale du préjudice, un requérant ne peut se borner à proposer son interprétation des différents facteurs économiques, mais doit préciser les raisons pour lesquelles le Conseil aurait dû aboutir, sur la base de ces facteurs, à une conclusion différente quant à l’existence d’un préjudice (voir, en ce sens, arrêt Miwon/Conseil, précité, point 103).

217    En l’espèce, si la requérante indique que certains indicateurs relatifs à la situation de l’industrie communautaire ont été positifs, notamment les augmentations, respectivement, de la production, du chiffres d’affaires, de la part de marché et de la productivité de cette industrie, ainsi que la réduction de ses coûts de production, ce fait ne conduit pas, à lui seul, à démontrer que l’industrie concernée n’a pas subi un préjudice important consistant notamment, selon le Conseil, en une évolution négative de la rentabilité et en des pertes substantielles enregistrées durant la période d’enquête, entraînant un ralentissement des investissements.

218    Or, la requérante ne développe pas d’argumentation susceptible de démontrer que le Conseil a conclu, à tort, que l’industrie avait subi le préjudice mentionné au point ci-dessus, au vu de l’analyse globale des facteurs pertinents.

219    En outre, en ce qui concerne l’argument de la requérante relatif à la date du début de la période considérée, il a déjà été examiné et rejeté aux points 176 et 177 ci-dessus.

220    Par conséquent, le présent grief tiré de l’évaluation globale des indicateurs de préjudice ne saurait être accueilli.

221    Il y a lieu, dès lors, de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 8, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, en ce qui concerne l’examen des effets des importations provenant de Taïwan

 Arguments des parties

222    La requérante expose que, dans le règlement attaqué, le Conseil a examiné si le préjudice causé à l’industrie communautaire pouvait être imputé à d’autres facteurs que les importations indiennes, et notamment aux importations faisant l’objet d’un dumping, provenant de Taïwan, à l’égard desquelles un droit antidumping provisoire a été institué au mois de décembre 2001.

223    Avant l’institution de ce droit, les importations taïwanaises auraient occupé une part de marché de 62 % et leur prix moyen aurait été considérablement inférieur à celui des importations indiennes. Au cours de la période d’enquête, cette différence de prix, de 27,5 %, aurait été supérieure au droit antidumping imposé aux exportateurs taïwanais, à l’exception de Princo Corp et des exportateurs non coopérants. Ainsi, le préjudice causé lors de cette période n’aurait pu être attribué aux importations indiennes.

224    Pour écarter les effets des importations taïwanaises, le Conseil n’aurait pu fonder son appréciation que sur l’examen de la période de trois mois et demi s’étendant de l’institution du droit antidumping provisoire jusqu’à la fin de la période d’enquête. Or, le Conseil n’aurait pu établir que l’industrie communautaire avait été confrontée à une pression des prix des importations indiennes durant cette période. Entre 2001 et la période d’enquête, les importations taïwanaises auraient perdu 6 % du marché, tandis que les producteurs communautaires, indiens et ceux des autres pays tiers auraient, respectivement, gagné 2 %. Pendant la période d’enquête, le volume des importations indiennes se serait seulement accru de 16 187 000 unités, de l’ordre de 0,73 % du marché. Ces éléments auraient été insuffisants pour conclure que les importations indiennes ont pu individuellement causer un préjudice important.

225    Par ailleurs, au cours de la même période, l’accroissement des importations provenant d’autres pays tiers, à savoir de Hong Kong, de la Suisse et de la Chine, aurait été supérieur à celui des importations indiennes, et les prix de ces importations plus bas que les prix indiens.

226    Le Conseil fait valoir que le lien de causalité entre les importations litigieuses et le préjudice continue à exister même si ces importations font partie d’un ensemble plus large de facteurs, pour autant que ces autres facteurs ne rompent pas le lien de causalité entre ces importations et le préjudice.

227    En l’espèce, le Conseil aurait conclu que le préjudice causé par les importations taïwanaises n’était pas de nature à briser ce lien de causalité. Premièrement, le producteur indien aurait gagné une part de marché de plus de 8 % entre 2000 et la période d’enquête, soit avant l’entrée en vigueur des mesures antidumping à l’encontre de Taïwan. Deuxièmement, après l’institution des mesures antidumping, le producteur indien aurait récupéré une partie de la part de marché perdue par les exportateurs taïwanais. Troisièmement, les bas prix des importations indiennes auraient entraîné une sous-cotation sensible des prix communautaires.

228    L’argument de la requérante serait fondé, à tort, sur une scission de la période d’enquête en deux parties, avant et après l’introduction d’un droit antidumping à l’encontre de Taïwan. En outre, ses allégations relatives à la période postérieure à l’institution des mesures concernant Taïwan ne seraient pas pertinentes. La requérante prétendrait que l’effet des importations indiennes se limitait à un gain de part de marché résultant d’une augmentation du volume des importations de 16 187 000 unités et, ainsi, à une perte hypothétique de cette part de marché par l’industrie communautaire. Or, le préjudice en l’espèce n’aurait pas pris la forme d’une perte de marché, mais de pertes financières de l’industrie communautaire se répercutant sur sa capacité à investir. À cet égard, la sous-cotation des prix, du fait des importations indiennes à hauteur de 9 % du marché, aurait eu une incidence significative sur ces pertes financières.

229    Quant aux observations de la requérante concernant les importations provenant de Hong Kong, de la Suisse et de la Chine, la part de marché qu’elles représentaient aurait été trop faible pour influencer les prix communautaires.

 Appréciation du Tribunal

230    L’article 8, paragraphe 7, du règlement de base prévoit l’obligation d’examiner les facteurs connus qui, simultanément avec les importations faisant l’objet de subventions, causent un préjudice à l’industrie communautaire. Cet examen doit permettre d’exclure que le préjudice causé par ces autres facteurs soit attribué aux importations en cause. Lesdits facteurs comprennent notamment le volume et le prix des importations ne faisant pas l’objet de subventions.

231    En l’espèce, il ressort du considérant 116 du règlement attaqué que, au cours de la période considérée, l’industrie communautaire concernée a été confrontée aux importations provenant de Taïwan qui ont fait l’objet de pratiques de dumping et qui lui ont causé un préjudice important entre 1997 et 2000. Il ne pouvait d’ailleurs être exclu que les effets négatifs de ces importations aient continué jusqu’à l’institution des mesures provisoires, au mois de décembre 2001, par le règlement (CE) n° 2479/2001 de la Commission, du 17 décembre 2001, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de CD-R originaires de Taïwan (JO L 334, p. 8).

232    Au vu de ce facteur connu, les institutions communautaires étaient tenues, lors de la détermination du préjudice causé par les importations indiennes, d’examiner si l’effet des importations taïwanaises n’avait pas été de nature à rompre le lien de causalité entre les importations indiennes et le préjudice causé à l’industrie communautaire (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 juillet 1995, Koyo Seiko/Conseil, T‑166/94, Rec. p. II‑2129, point 81 ; du 29 janvier 1998 Sinochem/Conseil, T‑97/95, Rec. p. II‑85, point 98, et du 15 décembre 1999, Petrotub et Republica/Conseil, T‑33/98 et T‑34/98, Rec. p. II‑3837, point 176).

233    Il convient d’observer que le Conseil a, effectivement, examiné les effets des importations taïwanaises aux considérants 116 à 118 du règlement attaqué et qu’il est parvenu à la conclusion que, si elles ont influencé le marché communautaire au cours de la période considérée, cette influence n’était néanmoins pas de nature à rompre le lien causal.

234    La requérante reproche aux institutions communautaires d’avoir commis une erreur manifeste dans le cadre de cet examen.

235    Il convient d’observer, tout d’abord, que la requérante présente son argumentation en distinguant les périodes avant et après l’institution des mesures provisoires à l’égard des importations taïwanaises, sous‑entendant donc que les institutions communautaires étaient tenues d’examiner les deux périodes séparément. Cependant, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base, le préjudice à déterminer est celui subi pendant la période d’enquête. Ainsi, si le Conseil a dû tenir compte de l’institution de mesures provisoires au cours de la période d’enquête, ce qu’il a fait, notamment, aux considérants 116 et 117 du règlement attaqué, ses conclusions sur le préjudice et le lien de causalité se rapportent, à bon droit, à l’ensemble de ladite période.

236    Ensuite, il est constant que les importations taïwanaises ont pu contribuer au préjudice causé à l’industrie communautaire durant une partie de la période considérée. La requérante soutient, à tort, que ce seul fait conduit à exclure la possibilité que les importations indiennes aient également causé un préjudice important dans la même période.

237    Selon la jurisprudence, la responsabilité d’un préjudice peut être attribuée aux importations considérées, même si leurs effets ne représentent qu’une partie d’un préjudice plus large imputable à d’autres facteurs (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, Canon e.a./Conseil, 277/85 et 300/85, Rec. p. 5731, point 62). Il ne saurait donc être exclu d’emblée qu’un préjudice soit causé simultanément par plusieurs facteurs, chacun d’eux constituant, pris isolément, la cause d’un préjudice important.

238    Dès lors, la présence d’un important facteur externe, tel que les importations taïwanaises en l’espèce, n’entraîne pas automatiquement une rupture du lien causal entre les importations litigieuses et le préjudice causé à l’industrie communautaire. Il convient néanmoins d’examiner si les institutions communautaires ont pu constater, à bon droit, que, en dépit de ce facteur externe, les importations subventionnées ont causé un préjudice important.

239    À cet égard, en premier lieu, la requérante relève que les importations taïwanaises occupaient une part de marché de 62 % et que leur prix moyen était considérablement inférieur à celui des importations indiennes. Au vu du volume et des prix de ces importations, aucun préjudice n’aurait pu être attribué aux importations indiennes, celles-ci n’occupant que 9 % du marché et étant pratiquées à des prix significativement supérieurs.

240    Tout d’abord, à supposer que la requérante évoque ainsi le fait qu’elle a été forcée d’aligner ses prix sur ceux des importations taïwanaises faisant l’objet de dumping, ce fait n’exclut pas que ses importations ont causé un préjudice important à l’industrie communautaire.

241    Ensuite, il convient de relever que la requérante ne discute pas le fait que les importations indiennes occupaient une part de marché significative, que leurs prix étaient inférieurs aux prix communautaires et qu’elles concurrençaient les producteurs taïwanais. Or, au vu de ces circonstances, son allégation, selon laquelle l’existence des importations taïwanaises, beaucoup plus importantes et à des prix plus bas, excluait toute possibilité de sous-cotation de sa part, est dénuée de fondement. En effet, on ne peut écarter d’emblée qu’un préjudice important, constitué par des pertes causées par la sous-cotation des prix communautaires, soit le résultat d’importations provenant de divers pays, ayant éventuellement une influence différente.

242    Enfin, il convient d’observer que les institutions communautaires ont expliqué les raisons pour lesquelles la présence des importations taïwanaises, même avec des prix très bas et des volumes importants, n’excluait pas que les importations indiennes, prises séparément, aient exercé une pression sur les prix communautaires. Il ressort notamment du considérant 117 du règlement attaqué que les importations indiennes ont pu non seulement faire face à la concurrence taïwanaise, mais également gagner une part de marché de plus de 8 % entre 2000 et la période d’enquête et récupérer une partie de la part de marché perdue par les exportateurs taïwanais entre 2001 et la période d’enquête. Ces considérations, non contestées par la requérante, ont permis au Conseil de conclure, à juste titre, au même considérant, que le bas niveau des prix indiens a eu une influence notable sur les prix communautaires.

243    Par conséquent, c’est à tort que la requérante soutient que, au vu des volumes et des prix des importations taïwanaises, aucun préjudice ne saurait être attribué à ses importations.

244    En deuxième lieu, la requérante affirme que le fait que les importations indiennes ont pu gagner, parallèlement avec les productions communautaires, une partie du marché perdue par les exportateurs taïwanais à la suite de l’institution des mesures provisoires était insuffisant pour conclure qu’elles ont eu une influence notable sur le marché communautaire.

245    Il convient de relever, à cet égard, que les conclusions du Conseil exposées au considérant 117 du règlement attaqué ne sont pas fondées sur la seule considération que les importations indiennes ont pu récupérer une partie de la part de marché perdue par les exportateurs taïwanais, mais également sur le fait qu’elles ont pu, face à la concurrence taïwanaise, gagner une part importante du marché communautaire et que le bas niveau de leur prix a affecté les prix communautaires.

246    Le fait que d’autres participants du marché, et notamment les producteurs communautaires, ont également récupéré une part de marché perdue par les exportateurs taïwanais ne peut remettre en cause la conclusion du Conseil, selon laquelle les importations indiennes, prises isolément, ont causé aux producteurs communautaires un préjudice important durant la période d’enquête.

247    Au vu de toutes ces considérations, il apparaît que la requérante n’a pas démontré que les institutions communautaires avaient commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant que les importations originaires de Taïwan n’étaient pas de nature à briser le lien de causalité en l’espèce.

248    Par ailleurs, la requérante fait observer que l’accroissement cumulé des importations provenant de Hong Kong, de la Suisse et de la Chine a été supérieur, et que ces importations ont été pratiquées à des prix inférieurs, à celui des importations indiennes.

249    Il convient de rappeler, à cet égard, que les conclusions du Conseil ne se fondent pas sur la seule considération que les importations indiennes ont pu récupérer une part importante des parts de marché perdus par les exportateurs taïwanais. En tout état de cause, la requérante admet que la part récupérée par les importations indiennes était comparable à celles gagnées, respectivement, par les producteurs communautaires et par l’ensemble des producteurs d’autres pays tiers.

250    En outre, si l’observation de la requérante devait être interprétée en ce sens que les institutions n’auraient pas suffisamment examiné les effets des importations provenant de Hong Kong, de la Suisse et de la Chine, une telle allégation ne saurait davantage prospérer. En effet, il ressort du considérant 121 du règlement attaqué, non contesté par la requérante, que les importations originaires de l’Inde ont été cinq à six fois supérieures en volume aux importations provenant de chacun des trois pays en cause et que ces derniers ont détenu individuellement une part de marché de 2 % pendant la période d’enquête, tandis que la part détenue par le producteur indien était de 9 %. Le Conseil a donc pu, en tout état de cause, considérer que les importations de ces pays tiers n’étaient pas suffisamment importantes pour briser le lien de causalité en l’espèce.

251    Par conséquent, le quatrième moyen ne saurait être accueilli.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, en ce qui concerne l’examen des effets d’un comportement anticoncurrentiel d’un titulaire de brevets

 Arguments des parties

252    La requérante indique que, dans le cadre de la procédure administrative, l’industrie communautaire a soutenu qu’un titulaire de brevets portant sur les CD‑R abusait de sa position dominante en facturant des redevances excessives. En écartant cette allégation, au considérant 135 du règlement attaqué, pour la seule raison qu’elle n’a pas été confirmée par une décision formelle des autorités chargées de la concurrence, les institutions communautaires auraient violé l’article 8, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, tel qu’interprété par les arrêts de la Cour du 11 juin 1992, Extramet Industrie/Conseil (C‑358/89, Rec. p. I‑3813), et du Tribunal du 19 septembre 2001, Mukand e.a./Conseil (T‑58/99, Rec. p. II‑2521).

253    La Commission aurait eu connaissance de cette allégation d’abus de position dominante, car, ainsi qu’il ressortirait de son communiqué de presse du 3 août 2003, au moment de l’adoption du règlement attaqué, l’enquête relative à cette violation des règles de concurrence aurait été dans sa phase finale.

254    Quant à l’appréciation des effets des redevances opérée au considérant 134 du règlement attaqué, elle ne suffirait pas pour écarter les effets de l’abus de position dominante allégué et notamment les effets des redevances excessives. Premièrement, la possibilité que l’exportateur indien ait pu également subir un préjudice du fait de redevances excessives ne serait pas pertinente pour l’appréciation du préjudice subi par l’industrie communautaire. Deuxièmement, si la rentabilité de l’industrie communautaire était au plus haut en 1999, au moment où les redevances étaient déjà applicables, cela n’exclurait pas que ces redevances aient contribué au préjudice durant la période d’enquête. Troisièmement, l’observation du Conseil selon laquelle une pression à la baisse sur les prix a empêché l’industrie communautaire de répercuter les coûts des redevances sur les consommateurs ne serait pas pertinente. En effet, les institutions communautaires auraient dû examiner si, en l’absence de redevances excessives, l’industrie communautaire subissait toujours un préjudice. En outre, si les coûts de l’industrie communautaire étaient artificiellement élevés en raison des redevances excessives, l’analyse de la sous-cotation des prix en l’espèce ne serait pas exacte.

255    Le Conseil soutient avoir examiné en détail l’incidence des redevances et, ainsi, du prétendu comportement anticoncurrentiel aux considérants 134 et 135 du règlement attaqué, même si ledit comportement n’a jamais été confirmé. L’allégation de la requérante selon laquelle le Conseil a écarté cet élément en raison de l’absence d’une décision formelle serait donc fondée sur une lecture erronée du règlement attaqué.

256    Les allégations d’un comportement anticoncurrentiel auraient porté sur la fixation du montant des redevances. À cet égard, les redevances étant payées par les producteurs tant communautaires qu’indiens, leur paiement ne saurait expliquer la différence de prix. De plus, l’industrie communautaire aurait dû acquitter des redevances tant en 1999, l’année où sa rentabilité aurait été au plus haut, qu’en 2000 et pendant la période d’enquête, où sa rentabilité aurait été négative. Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, la question de savoir si l’industrie communautaire a subi un préjudice à cause des redevances prétendument excessives ne serait pas pertinente pour l’appréciation du lien de causalité en l’espèce, car il aurait été impossible qu’un seul facteur de coût, identique pour tous les participants du marché, ait pu rompre ce lien de causalité. Le Conseil aurait toutefois expliqué, au considérant 135, que l’allégation d’un comportement anticoncurrentiel n’avait été confirmée par aucune décision formelle.

257    Le Conseil fait observer que les circonstances de l’espèce diffèrent de celles de l’arrêt Mukand e.a./Conseil, précité. Les faits relatifs au comportement ici en cause n’auraient jamais été établis, il n’existerait pas de lien automatique entre le comportement allégué et les prix du produit dont il s’agit et ce comportement affecterait également l’exportateur concerné.

258    Concernant le communiqué de presse de la Commission, joint à la réplique, le Conseil fait observer que la requérante n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle ne l’a pas produit avec la requête, conformément à l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. En outre, ledit communiqué mentionnerait les CD préenregistrés, et non pas les CD‑R, et ne concernerait d’ailleurs ni un abus de position dominante ni les paiements de redevances excessives invoqués par la requérante.

259    Le CECMA fait valoir que les institutions n’étaient pas tenues d’examiner l’allégation en cause en vertu de l’article 8, paragraphe 7, du règlement de base. D’une part, le comportement allégué affecterait de la même manière les producteurs communautaires et mondiaux. Il ne serait donc pas de nature à affecter la concurrence entre les producteurs de pays tiers et communautaires. D’autre part, le comportement anticoncurrentiel allégué ne constituerait pas un facteur connu.

 Appréciation du Tribunal

260    Selon une jurisprudence constante, lors de la détermination du préjudice, les institutions communautaires ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’elles entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping ou de subventions et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs, et notamment celui qui aurait sa cause dans un comportement anticoncurrentiel impliquant les producteurs communautaires [arrêts Extramet Industrie/Conseil, précité, point 16, et Mukand e.a./Conseil, précité, points 39 et 40].

261    En l’espèce, il ressort du dossier que l’industrie communautaire plaignante a fait valoir, dans un mémoire du 7 janvier 2003, qu’une société titulaire de brevets portant sur les CD‑R abusait de sa position dominante en facturant des redevances excessives et qu’un producteur européen s’était retiré du marché à la suite d’un litige avec cette société. L’industrie a fait cette observation pour contrer l’allégation de la requérante, selon laquelle le degré de soutien de la plainte, au sens de l’article 10, paragraphe 8, du règlement de base, avait décru au-dessous du seuil exigé pour la poursuite de la procédure. La requérante a formulé la même observation, au cours de l’enquête, faisant valoir que les effets du comportement anticoncurrentiel allégué, consistant en la fixation de redevances excessives, constituaient un facteur à examiner dans le cadre de la détermination du préjudice.

262    Dans le cadre du présent moyen, la requérante soutient que le Conseil a omis d’examiner ce facteur, en se bornant à constater, au considérant 135 du règlement attaqué, que l’allégation en cause n’a été confirmée par aucune décision formelle résultant d’une enquête des autorités chargées de la concurrence.

263    Il convient d’observer, à cet égard, qu’il ne résulte pas du considérant 135 du règlement attaqué que les institutions communautaires ont effectivement examiné la question de savoir si le préjudice retenu ne découlait pas du comportement anticoncurrentiel allégué.

264    Si ce considérant ne suffit donc pas pour écarter les effets du facteur invoqué par la requérante, il convient d’observer que la question de savoir si le Conseil n’a pas omis de prendre en compte lesdits effets doit néanmoins être examinée par rapport à l’ensemble du raisonnement adopté dans le cadre du règlement attaqué (voir, en ce sens, arrêt Koyo Seiko/Conseil, précité, point 79).

265    Or, le Conseil fait valoir qu’il a pris en compte ce facteur au considérant 134 du règlement attaqué. Il ressort dudit considérant que le Conseil a examiné, de manière générale, les effets du paiement des redevances découlant des brevets, en constatant que ce facteur n’était pas de nature à briser le lien de causalité en l’espèce. Le Conseil soutient que, par cette constatation, il a également répondu à l’allégation selon laquelle ces redevances étaient excessives et constituaient un comportement anticoncurrentiel.

266    À cet égard, si les considérants 134 et 135 figurent sous des sous-titres différents, à savoir « Redevances » et « Autres facteurs », il ressort des arguments des parties qu’ils concernent tous les deux, néanmoins, le même élément du dossier relatif au paiement de redevances. En outre, ces deux considérants se suivent, de sorte que leur lecture conjointe est commandée par la structure du règlement attaqué.

267    Il convient donc de prendre en compte les constatations effectuées au considérant 134 pour examiner si le Conseil a écarté le préjudice éventuel découlant du comportement anticoncurrentiel invoqué par la requérante.

268    En premier lieu, la requérante conteste la pertinence desdites constatations, faisant valoir que les institutions auraient dû évaluer les effets des redevances de façon précise pour conclure que, même en l’absence de redevances excessives, l’industrie communautaire aurait subi un préjudice.

269    Il convient de relever, à cet égard, que, pour écarter les effets découlant d’un facteur externe, les institutions communautaires sont tenues d’examiner si lesdits effets ont été de nature à rompre le lien de causalité entre les importations en cause et le préjudice causé à l’industrie communautaire (voir point 232 ci-dessus). Or, cet examen n’implique pas nécessairement une détermination des effets précis du facteur en cause. Il suffit que les institutions communautaires constatent que, en dépit d’un tel facteur externe, le préjudice causé par les importations en cause a été important.

270    En l’espèce, le Conseil a relevé que les importations indiennes avaient causé un préjudice important à l’industrie communautaire, résultant notamment d’une sous-cotation des prix communautaires. Il a expliqué que, même si les redevances avaient eu une influence négative sur les profits de l’industrie communautaire, ce facteur, affectant tous les producteurs du marché, était déjà présent en 1999, avant que les importations ne soient devenues importantes. L’évolution négative de la situation des producteurs communautaires à partir de l’année 1999 ne pouvait donc être imputée à ce facteur. Au vu de ces éléments, il n’était pas déraisonnable que le Conseil considérât que le paiement de redevances n’avait pu avoir d’incidence sur le préjudice causé par les importations subventionnées.

271    Le Conseil affirme, à juste titre, que l’examen de la question de savoir si les redevances ont été excessives à cause d’un comportement anticoncurrentiel d’un propriétaire de brevets ne saurait, en tout état de cause, conduire à remettre en cause sa conclusion mentionnée au point ci-dessus.

272    Il convient d’observer également que, à la différence des situations prévalant dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Extramet et Mukand e.a./Conseil, précités, la pratique anticoncurrentielle ici alléguée n’est pas imputable au comportement des producteurs communautaires. Pour apprécier les effets de ce facteur en l’espèce, les institutions communautaires n’étaient donc pas tenues d’examiner si l’industrie communautaire n’avait pas elle-même contribué au préjudice subi.

273    En deuxième lieu, la requérante soutient, en invoquant l’arrêt Mukand e.a./Conseil, précité, que le préjudice, déterminé par la sous-cotation des prix, n’a pas été correctement évaluée, si les prix communautaires étaient artificiellement élevés du fait des redevances excessives.

274    Il convient de rappeler que les circonstances de l’affaire qui ont donné lieu à l’arrêt Mukand e.a./Conseil, précité, concernaient un comportement affectant les prix communautaires, mais pas ceux à l’importation. Or, en l’espèce, le Conseil a constaté que les redevances en cause devaient être acquittées par tous les producteurs, y compris la requérante. La requérante n’a pas contesté cette donnée de fait.

275    Ainsi, le Conseil a pu estimer, au considérant 134 du règlement attaqué, que le facteur externe en cause n’était pas susceptible d’expliquer la différence entre les prix communautaires et les prix indiens et que, dès lors, il était sans influence sur les éléments pris en compte pour calculer le niveau de sous-cotation. Même à supposer que les redevances aient été excessives du fait d’un comportement anticoncurrentiel, ce facteur n’est pas susceptible d’affecter cette appréciation.

276    Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la requérante n’a pas démontré que le Conseil avait omis d’écarter, dans l’appréciation du préjudice, les effets découlant d’un prétendu comportement anticoncurrentiel.

277    Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’admissibilité de l’élément de fait présenté par la requérante dans la réplique, à savoir le communiqué de presse de la Commission, du 3 août 2003, faisant état d’une enquête relative à l’application des articles 81 CE et 82 CE à un accord standard concernant les brevets portant sur certains types de CD. En effet, il ressort des arguments de la requérante que cet élément a été présenté pour étayer sa thèse selon laquelle le facteur en cause était connu des institutions communautaires. En revanche, elle n’a pas expliqué en quoi ledit communiqué pouvait venir au soutien de l’argument selon lequel ce facteur était de nature à rompre le lien de causalité en l’espèce.

278    Dès lors, le cinquième moyen ne saurait être accueilli.

279    Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble. En conséquence, il n’est pas besoin de se prononcer sur les conclusions formulées par le Conseil à titre subsidiaire.

 Sur les dépens

280    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par la partie défenderesse, conformément aux conclusions de celle-ci.

281    La Commission supportera ses propres dépens, en application de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.

282    En vertu de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que les États membres et les institutions supportera ses propres dépens. Dans les circonstances de l’espèce, et notamment compte tenu du fait que les observations du CECMA, qui est intervenu en sa qualité d’association défendant les intérêts de l’industrie communautaire concernée, n’ont pas ajouté d’éléments décisifs aux arguments du Conseil, le Tribunal estime équitable que celui-ci supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La partie requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la partie défenderesse.

3)      Les parties intervenantes supporteront chacune leurs propres dépens.

Legal

Lindh

Vadapalas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal

Table des matières

Cadre réglementaire

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 5, de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base et d’une erreur manifeste dans l’appréciation de la durée d’amortissement normale des actifs

Observations liminaires

Sur l’appréciation des éléments relatifs à la durée d’amortissement (première branche)

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le classement des actifs dans la catégorie des moules et sur le défaut de prise en compte des informations découlant des états comptables de la requérante (premier et deuxième griefs de la deuxième branche)

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la prise en compte de la rentabilité et des investissements de la requérante (troisième grief de la deuxième branche)

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur l’emploi de la méthode d’amortissement dégressif (quatrième grief de la deuxième branche)

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le caractère prétendument arbitraire des calculs (cinquième grief de la deuxième branche)

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et d’un défaut de motivation, en ce qui concerne l’appréciation de la durée d’amortissement normale des actifs

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 8, paragraphes 2 et 6, du règlement de base, en ce qui concerne l’examen des éléments relatifs à la détermination du préjudice et du lien de causalité

Observations liminaires

Sur la méthode employée pour comparer les tendances économiques (premier grief)

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur l’appréciation du niveau des stocks (deuxième grief)

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur l’appréciation des prix des importations (troisième grief)

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur l’appréciation des tendances positives et négatives (quatrième grief)

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 8, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, en ce qui concerne l’examen des effets des importations provenant de Taïwan

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, en ce qui concerne l’examen des effets d’un comportement anticoncurrentiel d’un titulaire de brevets

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.