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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

14 mars 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Radiation de la marque antérieure à l’expiration de l’enregistrement – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑398/23,

Bodegas Aguiuncho, SL, établie à Sanxenxo (Espagne), représentée par Me J. Diez Roig, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Mar de Frades, SL, établie à Carthagène (Espagne), représentée par Mes I. Sempere Massa, J. Schmitt et V. Balaguer Fuentes, avocats,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et M. U. Öberg, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Bodegas Aguiuncho, SL, demande l’annulation et la réformation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 mai 2023 (affaire R 164/2023-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 24 février 2021, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait des produits relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Le 12 avril 2021, l’intervenante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque de l’Union européenne verbale MAR DE FRADES, enregistrée sous le numéro 11 426 566, visant des produits de la classe 33 (ci-après la « marque antérieure no 1 ») ;

–        la marque de l’Union européenne verbale MAR DE FRADES ALBARIÑO ATLÁNTICO, enregistrée sous le numéro 17 694 472, visant des produits de la classe 33 ;

–        la marque de l’Union européenne verbale MAR DE FRADES, enregistrée sous le numéro 18 065 439, visant des produits de la classe 33.

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 24 novembre 2022, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en tenant compte de la marque antérieure no 1.

8        Le 23 janvier 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. À l’instar de la division d’opposition, elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en tenant compte uniquement de la marque antérieure no 1.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler et réformer la décision attaquée ;

–        accueillir la demande d’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner « l’autre partie » aux dépens ;

11      L’EUIPO conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que le recours est devenu sans objet, prononcer un non-lieu à statuer et ne pas le condamner aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours et condamner la requérante aux dépens dans le cas où une audience serait organisée.

12      L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      En vertu de l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, si une partie le demande, le Tribunal peut constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 novembre 2023, l’EUIPO a informé le Tribunal que l’intervenante n’avait pas renouvelé dans le délai imparti la marque antérieure no 1. Il a précisé que l’enregistrement de cette marque avait expiré le 13 décembre 2022 et que le délai supplémentaire de six mois pour présenter une demande de renouvellement avait expiré le 13 juin 2023. Il a ajouté que, en l’absence de demande de renouvellement de l’intervenante dans le délai imparti, il avait déclaré, le 24 juin 2023, l’expiration de l’enregistrement et avait informé l’intervenante que cette expiration prenait effet le 14 décembre 2022. Il a indiqué que la radiation de la marque antérieure no 1 avait été enregistrée dans le registre des marques de l’Union européenne le 14 octobre 2023.

15      Compte tenu de ces circonstances, l’EUIPO considère que, dans la mesure où l’examen de l’opposition se fondait exclusivement sur la marque antérieure no 1 et où, conformément à la jurisprudence, le droit antérieur doit rester opposable jusqu’à la décision finale du Tribunal ou de la Cour, à la suite de la radiation de ladite marque, la décision attaquée ne pouvait plus produire d’effet et constituer un obstacle à l’enregistrement de la marque demandée. Il a ainsi demandé au Tribunal de constater que le recours était devenu sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer. Il a également demandé que les dépens ne soient pas mis à sa charge.

16      Dans ses observations du 4 décembre 2023, la requérante a marqué son accord sur la demande de non-lieu à statuer et a demandé au Tribunal d’accueillir la demande d’enregistrement de la marque demandée. En outre, elle a demandé, en substance, à ce que l’EUIPO soit condamné aux dépens.

17      Dans ses observations du 30 novembre 2023, l’intervenante s’est opposée à la demande de non-lieu à statuer. Elle a fait valoir que la marque antérieure no 1 était valable au moment de l’adoption de la décision attaquée et que la légalité des actes doit être appréciée à la lumière des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle ils sont adoptés.

18      Or, en l’espèce, aucune des parties n’aurait signalé l’expiration de l’enregistrement de la marque antérieure no 1 et la chambre de recours n’aurait pas été tenue de vérifier d’office cet élément. Ainsi, la chambre de recours n’aurait pas commis d’erreur en confirmant la décision de la division d’opposition. L’intervenante a ajouté que la jurisprudence invoquée par l’EUIPO dans sa demande de non-lieu à statuer n’est pas applicable en l’espèce. Elle a constaté que, dans ses conclusions dans l’affaire EUIPO/Indo European Foods (C‑801/21 P, EU:C:2023:915), M. l’avocat général Szpunar avait relevé que, dans toutes les situations dans lesquelles la Cour a constaté la disparition de l’objet du litige, il s’agissait d’un évènement produisant des effets ex tunc, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce. L’intervenante a relevé que, en tout état de cause, l’opposition était également fondée sur deux autres marques antérieures qui n’avaient pas fait l’objet d’une appréciation par la chambre de recours.

19      En l’espèce, il convient de constater que l’opposition était fondée sur trois marques antérieures et qu’aussi bien la division d’opposition que la chambre de recours l’ont accueillie seulement sur la base de la marque antérieure no 1.

20      S’agissant de cette dernière, il ressort du dossier que l’intervenante n’a pas présenté de demande de renouvellement de son enregistrement dans le délai de six mois précédant son expiration prévu par la première phrase de l’article 53, paragraphe, 3, du règlement 2017/1001, soit au plus tard le 12 décembre 2022, ni dans le délai supplémentaire de six mois suivant ladite expiration visé à la troisième phrase de la même disposition, ce délai expirant en l’espèce le 13 juin 2023. Dans ce contexte, conformément à l’article 53, paragraphe 8, du même règlement, le 24 juin 2023, l’EUIPO a constaté l’expiration de l’enregistrement de la marque antérieure no 1 et, le 14 octobre 2023, l’a rayée du registre des marques de l’Union européenne avec effet au 14 décembre 2022. Or, la décision attaquée a été adoptée le 18 mai 2023.

21      Ainsi, bien que la radiation de la marque antérieure no 1 du registre des marques de l’Union européenne ait été enregistrée à une date postérieure à l’adoption de la décision attaquée, à savoir le 14 octobre 2023, ladite radiation a néanmoins pris effet à une date antérieure à ladite adoption, soit le 14 décembre 2022.

22      Dès lors, force est de constater que, à la date à laquelle la décision attaquée a été adoptée, la radiation de la marque antérieure no 1 avait pris effet, de sorte que cette marque n’était plus enregistrée.

23      Dans ce contexte, il convient de relever que, à la suite de la radiation de la marque antérieure no 1, l’enregistrement de la seule marque sur laquelle l’opposition a été déclarée fondée dans la décision attaquée a expiré et la procédure d’opposition est devenue sans objet en ce qui la concerne [voir, en ce sens ordonnances du 27 juin 2005, Parfümerie Douglas/OHMI – Douglas (Douglas beauty spa), T‑349/04, non publiée, EU:T:2005:251, point 3, et du 17 octobre 2006, Harry’s Morato/OHMI – Ferrero Deutschland, T‑52/06, non publiée, EU:T:2006:325, point 4 ; voir également, en ce sens et par analogie, ordonnance du 14 février 2017, Helbrecht/EUIPO – Lenci Calzature (SportEyes), T‑333/14, EU:T:2017:108, point 24].

24      Par conséquent, le présent recours est devenu sans objet et il n’y a plus lieu de statuer sur celui-ci.

25      Néanmoins, dans la mesure où l’opposition était également fondée sur deux autres marques antérieures et où, ainsi qu’il ressort des points 7 et 9 ci-dessus, ni la division d’opposition ni la chambre de recours ne les ont prises en compte dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, la radiation de la marque antérieure no 1 a pour effet que la chambre de recours demeure saisie de la procédure de recours, à charge pour elle d’examiner directement le recours ou de renvoyer à la division d’opposition l’examen de l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et les autres marques antérieures [voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 23 février 2021, Frutas Tono/EUIPO – Agrocazalla (Marién), T‑587/19, non publiée, EU:T:2021:107, point 42].

26      Lors de cet examen, la chambre de recours ou, le cas échéant, la division d’opposition seront tenues de tirer les conséquences de la radiation de la marque antérieure no 1 sur la procédure d’opposition.

27      Pour le reste, aucun des arguments de l’intervenante n’est de nature à remettre en cause le constat selon lequel le présent recours est devenu sans objet et selon lequel il n’y a, dès lors, plus lieu de statuer sur celui-ci.

28      Premièrement, s’agissant de l’argument de l’intervenante selon lequel, au moment de l’adoption de la décision attaquée, la marque antérieure no 1 était valide et, selon la jurisprudence, la légalité des actes doit être appréciée à la lumière des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle ils sont adoptés, il convient de relever, d’une part, que, ainsi qu’il ressort du point 21 ci-dessus, conformément à l’article 53, paragraphe 8, du règlement 2017/1001, la radiation de la marque antérieure no 1 a pris effet avant l’adoption de la décision attaquée, à savoir le 14 décembre 2022. D’autre part, en l’espèce, le Tribunal ne procède pas à un contrôle de la légalité de la décision attaquée, mais se contente de constater que, au vu de la radiation de la marque antérieure no 1, le présent recours a perdu son objet.

29      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument de l’intervenante selon lequel, dans ses conclusions dans l’affaire EUIPO/Indo European Foods (C‑801/21 P, EU:C:2023:915), M. l’avocat général Szpunar a relevé que, dans toutes les situations dans lesquelles la Cour a constaté la disparition de l’objet du litige, il s’agissait d’un évènement produisant des effets ex tunc, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, il suffit de constater que l’intervenante procède à une lecture erronée desdites conclusions. En effet, au point 47 de ces conclusions, M. l’avocat général Szpunar a cité trois exemples dans lesquels un recours avait été jugé sans objet, à savoir lorsque la demande d’opposition avait été retirée à la suite d’un accord entre les parties, lorsque la marque sur laquelle était fondée l’opposition avait été déclarée nulle ou encore lorsque la demande d’enregistrement à laquelle une partie s’était opposée avait elle-même été retirée et, au point 48 des mêmes conclusions, il a relevé que « dans chacune de ces citations, la Cour a jugé que l’objet d’un recours en annulation avait disparu alors qu’était intervenu, au cours de l’instance, un événement produisant des effets ex tunc, de telle sorte que la décision visée devait être réputée comme n’ayant jamais existé ».

30      Troisièmement, quant à l’argument de l’intervenante selon lequel l’opposition était également fondée sur deux autres marques antérieures, il convient de préciser que, le Tribunal ne peut pas substituer sa propre motivation à celle de l’instance compétente de l’EUIPO, qui est l’auteur de l’acte attaqué [voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 65]. Ainsi, il ne lui incombe pas de statuer sur le risque de confusion entre la marque demandée et les autres marques antérieures (voir, en ce sens, ordonnance du 14 février 2017, SportEyes, T‑333/14, EU:T:2017:108, point 27).

31      En revanche, ainsi qu’il ressort des points 25 et 26 ci-dessus, il reviendra à la chambre de recours ou, le cas échéant, à la division d’opposition, de procéder à un tel examen, et ces instances de l’EUIPO seront tenues de tirer les conséquences de la radiation de la marque antérieure no 1 sur la procédure d’opposition.

32      Partant, conformément à l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure, il suffit de constater que, compte tenu de la radiation de la marque antérieure no 1, le recours est devenu sans objet, si bien qu’il n’y a plus lieu de statuer sur celui-ci.

33      Par ailleurs, dans la mesure où, par la présente ordonnance, le Tribunal ne procède pas à un contrôle de la légalité de la décision attaquée, mais se limite à constater que le recours est devenu sans objet, il n’y a également plus lieu de statuer sur le deuxième chef des conclusions de la requérante, qui vise à demander au Tribunal d’accueillir la demande d’enregistrement de la marque demandée, indépendamment de la question de savoir s’il est recevable ou non [voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 4 juillet 2013, Just Music Fernsehbetriebs/OHMI – France Télécom (Jukebox), T‑589/10, non publiée, EU:T:2013:356, point 39].

 Sur les dépens

34      L’article 137 du règlement de procédure prévoit que, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

35      À cet égard, il convient de constater que le non-lieu à statuer dans la présente affaire est dû à la radiation de la seule marque antérieure sur laquelle l’opposition est déclarée fondée.

36      Dès lors, il y a lieu de décider que l’intervenante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante. L’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      Mar de Frades, SL supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Bodegas Aguiuncho, SL. L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 14 mars 2024.

Le greffier

 

La présidente

V. Di Bucci

 

M. J. Costeira


*      Langue de procédure : l’espagnol.