Language of document : ECLI:EU:T:2007:158

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

6 juin 2007 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Casier viticole communautaire – Décision ordonnant le remboursement des sommes versées à titre d’avance »

Dans l’affaire T‑232/04,

République hellénique, représentée par MM. V. Kontolaimos, I. Chalkias et Mme S. Chala, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Condou-Durande, en qualité d’agent, assistée de Me N. Korogiannakis, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2004/302/CE de la Commission, du 30 mars 2004, relative à la participation financière de la Communauté aux dépenses effectuées par la Grèce pour l’établissement du casier viticole communautaire (JO L 98, p. 57),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme I. Labucka, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2392/86 du Conseil, du 24 juillet 1986, portant établissement du casier viticole communautaire (JO L 208, p. 1), prévoit que :

« Les États membres producteurs de raisins cultivés en plein air établissent pour leur territoire, conformément au présent règlement, un casier viticole communautaire [...] Ce casier est constitué de l’ensemble des informations visées à l’article 2. »

2        Aux termes de l’article 9 du règlement n° 2392/86 :

« 1. La Communauté participe au financement des mesures prévues aux articles 1er et 2, à raison de 50 % des coûts effectifs :

–        d’établissement du casier,

–        des investissements en informatique visés à l’article 5, paragraphe 1, nécessaires à la gestion du casier.

[…]

3. La participation communautaire est effectuée sous forme de remboursements […] Toutefois, un régime d’avances aux États membres peut être décidé.

4. Les articles 8 et 9 du règlement (CEE) n° 729/70 s’appliquent au financement communautaire visé au paragraphe 1 du présent article. »

3        Selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2392/86, « [l]e casier est établi en totalité au plus tard dans un délai de six ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent règlement ».

4        Le règlement (CE) nº 1549/95 du Conseil, du 29 juin 1995, modifiant le règlement nº 2392/86 (JO L 148, p. 37), remplace l’article 4, paragraphe 1, de ce dernier règlement par le texte suivant :

« Le casier est établi en totalité au plus tard le 31 décembre 1996. »

5        Le règlement nº 1549/95 ajoute également à l’article 4 du règlement no 2392/86 le paragraphe suivant :

« 4. Les États membres qui, au 1er juillet 1995, n’ont pas encore établi de casier viticole ou ne l’ont établi que partiellement procèdent, avant le 31 décembre 1996, à l’établissement d’une base graphique de référence couvrant l’ensemble du périmètre des superficies cultivées en vignes.

Les États membres transmettent à la Commission, avant le 1er novembre 1995, le programme d’achèvement de la réalisation de leur casier et, le cas échéant, l’état des travaux déjà effectués.

La Commission examine ce programme et autorise les mesures conciliables avec les besoins prévisibles engendrés par l’évolution de l’organisation commune du marché vitivinicole.

La Communauté participe au financement de cette mesure à raison de 50 % de son coût effectif. Toutefois, les États membres qui n’ont établi que partiellement le casier viticole à la date du 1er juillet 1995, mais où ce casier est très avancé, sont autorisés à le compléter. Dans ce cas, le financement de la Communauté est limité au financement correspondant à celui du casier simplifié pour les superficies concernées.

[…] »

6        Le règlement (CE) nº 1631/98 du Conseil, du 20 juillet 1998, modifiant le règlement nº 2392/86 (JO L 210, p. 14), ajoute la phrase suivante à l’article 4, paragraphe 4, premier alinéa :

« La date limite pour l’établissement du casier est le 31 décembre 1999 en Espagne et le 31 décembre 2000 en Grèce et au Portugal. »

7        Le règlement (CEE) nº 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1), a établi les règles générales applicables au financement de la politique agricole commune. Le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), a remplacé le règlement n° 729/70 et s’applique aux dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000.

8        L’article 8 du règlement n° 729/70 prévoit que :

« 1. Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour :

–        s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole],

–        prévenir et poursuivre les irrégularités,

–        récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

Les États membres informent la Commission des mesures prises à ces fins, et notamment de l’état des procédures administratives et judiciaires.

2. À défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d’irrégularités ou de négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres.

Les sommes récupérées sont versées aux organismes payeurs agréés et portées par ceux-ci en diminution des dépenses financées par le [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole]. Les intérêts afférents aux sommes récupérées ou payées tardivement sont versés au [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole].

3. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête les règles générales d’application du présent article. »

9        L’article 9 du règlement n° 729/70 dispose :

« 1. Les États membres mettent à la disposition de la Commission toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement du [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole] et prennent toutes mesures susceptibles de faciliter les contrôles que la Commission estimerait utile d’entreprendre dans le cadre de la gestion du financement communautaire, y compris des vérifications sur place.

Les États membres communiquent à la Commission les dispositions législatives, réglementaires et administratives qu’ils ont adoptées pour l’application des actes communautaires ayant trait à la politique agricole commune, pour autant que ces actes comportent une incidence financière pour le [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole].

2. Sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, des dispositions de l’article 188 C du traité, ainsi que de tout contrôle organisé sur la base de l’article 209, [sous] c), du traité, les agents mandatés par la Commission pour les vérifications sur place ont accès aux livres et à tous autres documents, y compris les données établies ou conservées sur support informatisé, ayant trait aux dépenses financées par le [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole]. Ils peuvent notamment vérifier :

a)      la conformité des pratiques administratives avec les règles communautaires ;

b)      l’existence des pièces justificatives nécessaires et leur concordance avec les opérations financées par le [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole] ;

c)      les conditions dans lesquelles sont réalisées et vérifiées les opérations financées par le [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole].

[…] »

 Faits à l’origine du litige

10      La République hellénique, État membre producteur de raisins cultivés en plein air, était tenu, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 2392/86 (voir point 1 ci-dessus), d’établir pour son territoire un casier viticole.

11      Pour la période allant de 1988 à 1990, et en application de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2392/86 (voir point 2 ci-dessus), la Communauté européenne a versé à la République hellénique une avance d’un montant de 710 341 euros pour le financement du casier viticole.

12      Alors que la date limite pour l’établissement du casier viticole en Grèce avait été arrêtée en dernier lieu au 31 décembre 2000 (voir point 6 ci-dessus), la République hellénique a demandé à la Commission, par lettre du 20 octobre 2000, de prolonger cette échéance jusqu’au 31 mars 2002. La Commission a rejeté cette demande.

13      Le 13 novembre 2000, la Commission a envoyé à la République hellénique une lettre rédigée comme suit :

« Pour que les services de la Commission puissent procéder à l’examen des dépenses relatives à la constitution du casier viticole/SIG en Grèce, je vous demande de bien vouloir me communiquer les informations suivantes :

1)      Un état détaillé des dépenses au cours des campagnes 1987 à 2000.

[…]

2)      Des copies des justificatifs des dépenses seront jointes à l’état visé au paragraphe précédent.

3)      Un rapport contenant le bilan final des travaux de constitution du casier viticole/SIG en Grèce.

Ce rapport développera au moins les points suivants :

–        travaux effectués : calendrier, nature et modalités ;

–        contenu du casier viticole/SIG et état actuel d’avancement des travaux ;

–        utilisation du casier viticole/SIG pour la gestion et le contrôle du secteur ;

–        dépenses à venir du casier viticole/SIG : travaux prévus, motifs.

[…] »

14      Par lettres du 15 février et du 19 juin 2001, la République hellénique a transmis à la Commission un dossier concernant l’affectation des dépenses en cause.

15      Par lettre du 9 février 2002, la République hellénique a réitéré auprès de la Commission sa demande de prorogation du délai d’établissement du casier viticole, en demandant cette fois une prorogation du délai jusqu’à la fin de l’année 2003.

16      Par lettre du 9 août 2002 adressée à la République hellénique, la Commission, après un bref rappel des échanges intervenus entre elles depuis 2000, déclarait :

« […]

Il a été constaté que la majeure partie desdites dépenses concerne des frais de personnel, et d’autres frais induits par le fonctionnement administratif normal. Seules quelques dépenses, pour un montant d’environ 60,8 millions de GRD, non significatif eu égard à l’ampleur des travaux à mettre en œuvre, paraissent être directement liés à la création de la base graphique de référence. Cette situation est par ailleurs confirmée par vos courriers des 20 septembre 2000 et 29 juin 2001 dont une copie nous a été adressée.

Il en résulte que, suivant les éléments mis à notre disposition par vos autorités, la réalisation de la base graphique de référence ne peut être considérée, en date du 31 décembre 2000, comme opérationnelle et utilisable aux fins auxquelles elle est destinée.

Considérant que l’évolution du marché viticole a démontré que l’établissement du casier constitue un instrument indispensable afin d’assurer le bon fonctionnement de l’organisation commune du marché vitivinicole, et en particulier le contrôle des surfaces plantées en vigne, seules les dépenses encourues pour la réalisation d’un casier utilisable à cette fin peuvent bénéficier du cofinancement communautaire.

Sur la base de ce qui précède, mes services sont d’avis que, dans le cadre réglementaire en vigueur, aucun cofinancement des dépenses de réalisation du casier viticole communautaire dans votre pays ne peut être mis à charge du FEOGA.

Je saisis cette occasion pour vous rappeler que l’absence de cofinancement communautaire n’exonère pas la [République hellénique] de l’obligation de réaliser la base graphique de référence sur son territoire. J’attire également l’attention de vos autorités sur les dispositions du règlement no 2729/2000, tout particulièrement son article 5. »

17      Par lettre du 3 novembre 2003, la République hellénique a transmis à la Commission, sur support électronique, un état détaillé des dépenses engagées au cours de la période allant de 1998 à 2000 pour la constitution du casier viticole. La République hellénique a indiqué dans cette lettre que la Commission devrait réexaminer sa décision et reconnaître les dépenses invoquées.

18      Le 30 mars 2004, la Commission a adopté la décision 2004/302/CE, relative à la participation financière de la Communauté aux dépenses effectuées par la République hellénique pour l’établissement du casier viticole communautaire (JO L 98, p. 57, ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, la Commission a relevé que la République hellénique était obligée d’établir le casier viticole avant le 31 décembre 2000 (considérant 8). À la lumière des vérifications qu’elle a effectuées sur la base des documents transmis par cet État membre, la Commission a toutefois considéré que ce casier viticole n’avait pas été établi dans le délai imparti (considérant 6). La Commission a ajouté que les dépenses déclarées par la République hellénique ne remplissaient pas les conditions réglementaires requises (considérant 6). En conséquence, la Commission a décidé, en se fondant principalement sur l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2392/86, que la Communauté ne pouvait pas participer aux dépenses encourues par la République hellénique pour l’établissement du casier viticole et que la République hellénique devait rembourser la somme de 710 341 euros versée par la Communauté à titre d’avance.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 mai 2004, la République hellénique a introduit le présent recours. L’affaire a été inscrite sous la référence C-218/04.

20      Par ordonnance du 8 juin 2004, en application de l’article 2 de la décision 2004/407/CE, Euratom du Conseil, du 26 avril 2004, portant modification des articles 51 et 54 du protocole sur le statut de la Cour de justice (JO L 132, p. 5), la Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties à répondre par écrit à une série de questions. Il a été déféré à cette demande.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 22 novembre 2006.

23      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal annuler la décision attaquée.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République hellénique aux dépens.

 Sur le fond

25      À l’appui de son recours, la République hellénique invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré de l’absence de base légale de la décision attaquée, le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 253 CE, le troisième moyen est tiré d’un abus de pouvoir de la Commission et le quatrième moyen est tiré d’une violation des principes de proportionnalité et de collaboration loyale entre la Communauté et les États membres.

26      Il convient d’abord d’examiner, ensemble, les premier et quatrième moyens.

 Sur les premier et quatrième moyens, tirés respectivement de l’absence de base légale de la décision attaquée et d’une violation des principes de proportionnalité et de collaboration loyale entre la Communauté et les États membres

 Arguments des parties

27      La République hellénique fait valoir que la décision attaquée est dépourvue de base légale. En particulier, aucune des dispositions du règlement n° 2392/86 relatives à l’établissement du casier viticole ou à son financement ne prévoirait le droit pour la Communauté de récupérer les sommes versées au titre des dépenses cofinancées, au motif que le casier ne serait pas achevé au 31 décembre 2000. Selon la République hellénique, la réglementation pertinente se bornerait à définir la nature des dépenses et, dès lors que ces dernières auraient trait à l’établissement du casier viticole et aux investissements en informatique nécessaires à la gestion de celui-ci, les conditions qu’elle pose seraient totalement remplies. Elle souligne que le casier viticole a été achevé, qu’il fonctionne et que c’est sur son fondement qu’interviennent les paiements.

28      Toutes les dépenses en cause étant ainsi régulières, la question de la récupération d’un quelconque montant en application des articles 8 et 9 du règlement n° 729/70 ne se poserait donc pas.

29      Selon la République hellénique, c’est le règlement (CE) nº 2729/2000 de la Commission, du 14 décembre 2000, portant modalités d’application relatives aux contrôles dans le secteur vitivinicole (JO L 316, p. 16), qui prévoit les modalités spécifiques de contrôle et de sanctions dans ce secteur. L’article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement démontrerait que le législateur connaît et accepte pleinement l’inexistence du casier viticole à la date du 31 décembre 2000 et que, non seulement, il ne prévoit pas de sanction pour ce cas de figure et n’impose pas le remboursement de la contribution communautaire, mais, au contraire, il considère comme équivalentes d’autres mesures qu’adoptent les États membres en vue de garantir les régimes communautaires de soutien du marché vitivinicole.

30      La République hellénique soutient que l’absence de dispositions réglementaires imposant le remboursement du montant versé par la Communauté est due au fait que le législateur souhaitait par tous les moyens, même avec retard (ce qui explique les prolongations accordées), l’achèvement du casier viticole, instrument important pour la réalisation de l’organisation commune du marché vitivinicole.

31      La République hellénique ajoute que la décision de la Commission d’exiger le remboursement des sommes versées par la Communauté à titre d’avance n’est conforme ni au principe de proportionnalité, ni à l’obligation de coopération de la Commission avec les États membres.

32      Il ressortirait des lettres des autorités grecques du 26 novembre 2003 et du 17 mai 2004 ainsi que des tableaux des dépenses que la République hellénique a transmis à la Commission que la somme de 710 341 euros a été uniquement et exclusivement utilisée pour les besoins de l’établissement du casier viticole. Si la Commission avait considéré que certaines de ces dépenses pouvaient ne pas être justifiées, elle aurait pu les signaler et exclure uniquement celles-ci du financement communautaire. La Commission aurait cependant réclamé la restitution de l’intégralité du montant de 710 341 euros, en violation du principe de proportionnalité.

33      Par ailleurs, la République hellénique souligne avoir établi que la somme en cause avait été utilisée pour la réalisation du casier viticole. Compte tenu du fait qu’il ne s’agirait ainsi pas d’une fraude, d’une mauvaise gestion ou d’une dilapidation de fonds communautaires, la Commission aurait donc violé le principe de proportionnalité en invoquant le retard pour refuser de financer le projet au taux de participation prévu.

34      Enfin, la République hellénique rappelle qu’elle a pleinement collaboré avec la Commission lors de la période d’établissement du casier viticole et que celui-ci fonctionne depuis le 1er novembre 2003. La Commission aurait donc dû également collaborer avec elle afin de lui permettre de surmonter les difficultés rencontrées dans l’établissement dudit casier (voir la jurisprudence invoquée au point 70 ci-après).

35      Le fait que le casier viticole n’a pas été achevé et qu’il n’a pas été mis en œuvre en 2001 et en 2002 donnera lieu, selon la République hellénique, à des corrections financières au cours de la procédure d’apurement des comptes du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) dans le secteur vitivinicole, de sorte que l’inachèvement du casier sera déjà sanctionné à cette occasion. En conséquence, la République hellénique fait valoir qu’exiger d’elle, comme le demande la Commission, le remboursement des sommes qui lui auraient été indûment versées serait une sanction disproportionnée, voire une double peine pour l’absence d’établissement du casier viticole dans les délais prévus. Selon la République hellénique, il conviendrait d’imposer tout au plus une pénalité à hauteur de 2 % du montant versé pour l’absence de réalisation du casier viticole dans les délais.

36      La Commission estime que, en application des obligations découlant des dispositions combinées du règlement n° 2392/86 et des articles 8 et 9 du règlement n° 729/70, la Communauté ne saurait participer au financement du casier viticole que la République hellénique était tenue d’établir, lequel n’était pas opérationnel à la date d’expiration des délais impartis. De plus, la Commission conteste avoir violé le principe de proportionnalité à cet égard.

 Appréciation du Tribunal

37      Il convient de rappeler d’emblée qu’il ressort de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2392/86, que la Communauté participe, à raison de 50 %, au financement des coûts effectifs que représentent pour les États membres l’établissement du casier viticole et les investissements en informatique nécessaires à la gestion de celui-ci (voir point 2 ci-dessus).

38      En l’espèce, il est constant que la Commission a versé une avance d’un montant de 710 341 euros à la République hellénique pour le financement du casier viticole. Il est également constant que la République hellénique n’a pas établi ce casier avant l’échéance du 31 décembre 2000 prévue par la réglementation applicable (voir point 6 ci-dessus). En effet, la République hellénique a admis, lors de l’audience, que le casier viticole n’avait fonctionné conformément à la réglementation pertinente qu’à partir du mois de novembre 2003.

39      Tout en admettant qu’elle n’avait pas établi le casier viticole avant l’échéance du délai réglementaire, la République hellénique soutient qu’aucune législation communautaire en vigueur n’impose la restitution des sommes versées par la Communauté à titre d’avance. En particulier, aucune des dispositions du règlement n° 2392/86 relatives à l’établissement du casier viticole ou à son financement ne prévoirait le droit pour la Communauté de récupérer les sommes versées au 31 décembre 2000, au titre des dépenses cofinancées, si le casier n’était pas achevé à cette date (voir points 27 à 30 ci-dessus). La République hellénique a confirmé, en réponse aux questions du Tribunal, qu’elle ne visait en cela que le cofinancement par la Communauté des dépenses encourues jusqu’au 31 décembre 2000 et qu’elle ne contestait pas le fait que la Commission était habilitée à refuser de financer les dépenses encourues après cette date.

40      Dans ces circonstances, il convient d’examiner si la décision attaquée repose sur une base juridique habilitant la Commission à prendre une décision ordonnant à la République hellénique de rembourser la somme de 710 341 euros versée par la Communauté à titre d’avance au motif que cet État membre n’a pas établi le casier viticole dans le délai imparti.

41      Il importe de souligner, à cet égard, que l’article 1er du règlement n° 2392/86 prévoit expressément que les États membres doivent établir un casier viticole « conformément au présent règlement ». Cet article prévoit une règle d’application générale en la matière, selon laquelle le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêts de la Cour du 6 mars 2001, Pays-Bas/Commission, C‑278/98, Rec. p. I‑1501, point 38 ; du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec. p. I‑3851, point 45, et du 9 juin 2005, Espagne/Commission, C‑287/02, Rec. p. I‑5093, point 34). Il ressort de cette jurisprudence que la Commission n’est pas habilitée à engager des fonds qui ne répondent pas aux conditions prévues par la réglementation communautaire.

42      De plus, selon l’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 2392/86, les articles 8 et 9 du règlement n° 729/70 s’appliquent au financement communautaire du casier viticole (voir point 2 ci-dessus). L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 impose aux États membres de prendre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, de prévenir et de poursuivre les irrégularités ainsi que de récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences (voir point 8 ci-dessus). Cette disposition, qui constitue, dans ce domaine particulier, une expression des obligations imposées aux États membres par l’article 10 CE, définit, selon la jurisprudence de la Cour, les principes selon lesquels la Communauté et les États membres doivent organiser la mise en oeuvre des décisions communautaires d’intervention agricole financées par le FEOGA ainsi que la lutte contre la fraude et les irrégularités en rapport avec ces opérations (arrêts de la Cour du 2 juin 1994, Exportslachterijen van Oordegem, C‑2/93, Rec. p. I‑2283, point 17, et du 19 novembre 1998, France/Commission, C‑235/97, Rec. p. I‑7555, points 44 à 45).

43      Dès lors, l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 impose aux États membres l’obligation générale de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, même si l’acte communautaire spécifique ne prévoit pas expressément l’adoption de telle ou telle mesure de contrôle (arrêt de la Cour du 12 juin 1990, Allemagne/Commission, C‑8/88, Rec. p. I‑2321, points 16 et 17).

44      Un État membre étant expressément obligé, en vertu de l’article 8 du règlement n° 729/70, de récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences commises par un tiers, il s’ensuit a fortiori, ainsi que la République hellénique l’a admis lors de l’audience, qu’il est soumis à une obligation de rembourser les sommes que l’État lui-même a reçues et qui n’ont pas été utilisées par ses autorités conformément à la réglementation applicable.

45      S’agissant de l’article 9 du règlement n° 729/70, celui-ci permet à la Commission de procéder aux contrôles qu’elle estime nécessaires dans le cadre de la gestion du financement communautaire. Il ressort de l’article 9, paragraphe 2, sous a) et c), du règlement n° 729/70 que la Commission peut vérifier la conformité des pratiques administratives avec les règles communautaires et les conditions dans lesquelles sont réalisées et vérifiées les opérations financées par le FEOGA (voir point 9 ci-dessus). Il s’ensuit que, si un projet ne respecte pas les conditions réglementaires, la Commission est habilitée à prendre les mesures nécessaires, y compris, le cas échéant, en demandant le remboursement des avances communautaires.

46      Il est constant que le casier viticole de la Grèce n’a pas été établi dans le délai prévu par la réglementation et ce nonobstant deux prolongations. En outre, il ressort clairement du libellé de la réglementation en cause que le délai prévu était contraignant.

47      À l’origine, l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2392/86 prévoyait que le casier viticole fût établi en totalité et au plus tard dans un délai de six ans à compter de la date d’entrée en vigueur de ce règlement. Le législateur, en adoptant le règlement n° 1549/95, a reconnu les difficultés techniques rencontrées par certains États membres ayant tardé à mettre en œuvre leur obligation de se doter d’un tel instrument dans le délai prévu par le règlement n° 2392/86 (voir deuxième considérant du règlement n° 1549/95). C’est ainsi que, en ce qui concerne la République hellénique, le délai initialement prévu pour l’établissement du casier viticole a été prolongé jusqu’au 31 décembre 1996, puis jusqu’au 31 décembre 2000 (voir points 4 et 6 ci-dessus). Toutefois, et contrairement à ce que soutient la République hellénique, ces prolongations ne signifient pas que le délai ainsi prévu pour l’établissement du casier viticole était simplement un délai indicatif. Le fait que le législateur a, tout en respectant le principe de proportionnalité, prolongé ce délai ne signifie, en effet, pas que le délai final pour l’établissement du casier viticole n’était pas un délai contraignant, que le législateur pouvait se contenter de prolonger indéfiniment. Le législateur a, à cet égard, clairement fait référence à un établissement du casier viticole dans les délais les plus courts possibles (voir septième considérant du règlement n° 2392/86) et a fixé une date limite précise à cet effet, à savoir le 31 décembre 2000 (voir article 1er du règlement n° 1631/98). La République hellénique devait donc respecter ce délai impératif.

48      Ce caractère contraignant du délai est également démontré par l’objectif que poursuit l’établissement du casier viticole. Il ressort du deuxième considérant du règlement n° 2392/86 que le casier viticole est nécessaire pour permettre à la Communauté d’obtenir les renseignements indispensables sur le potentiel et l’évolution de la production afin d’assurer un bon fonctionnement de l’organisation commune du marché vitivinicole et, en particulier des régimes communautaires d’intervention et de plantation ainsi que des mesures de contrôle. Le casier viticole était donc essentiel pour la gestion efficace de l’organisation commune du marché vitivinicole (voir, également, conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt de la Cour du 13 juillet 2000, Grèce/Commission, C‑46/97, Rec. p. I‑5719, I‑5721, point 119). C’est ainsi que l’établissement du casier viticole est, par définition, un projet s’appliquant à tous les États membres producteurs de raisins cultivés en plein air (voir point 1 ci-dessus). Les impératifs financiers du projet dépendent de la situation cumulée dans tous ces États membres. Dès lors, il n’est pas possible pour un État membre de s’affranchir unilatéralement du délai fixé au sein du Conseil pour l’établissement du casier viticole et néanmoins de continuer à prétendre à un cofinancement communautaire.

49      Il découle de tout ce qui précède que la Commission était en droit de se fonder sur les règlements nos 729/70 et 2392/86 pour refuser le cofinancement communautaire du casier viticole en Grèce et pour demander à la République hellénique le remboursement des sommes qui lui avaient été versées à titre d’avance, puisque cette dernière n’avait pas respecté une condition fondamentale de la réglementation. Il convient d’ajouter que la République hellénique n’a pas établi le casier viticole dans un délai raisonnable après le 31 décembre 2000 (voir point 38 ci-dessus) et a même demandé, par lettre du 9 février 2002, que le délai pour l’établissement du casier soit prorogé jusqu’à la fin de 2003 (voir point 15 ci-dessus).

50      En tout état de cause, il ressort de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2392/86 que la participation communautaire au financement du casier viticole sous forme d’avance était facultative (voir point 2 ci-dessus). Si la Communauté n’avait pas décidé de verser des avances à la République hellénique, cette dernière ne serait pas en droit de demander après le 31 décembre 2000 une quelconque contribution communautaire aux dépenses effectuées pour le financement d’un casier viticole qui n’a pas été achevé avant cette date. La République hellénique ne saurait à cet égard affirmer qu’elle a un droit au cofinancement au seul motif que la Commission lui a versé une avance.

51      La République hellénique fait valoir que la Commission a violé le principe de proportionnalité en demandant la restitution de l’intégralité de l’avance en cause (voir point 31 ci-dessus).

52      Cette argumentation ne saurait être retenue. Ainsi qu’il a été indiqué au point 48 ci-dessus, l’objectif essentiel du règlement n° 2392/86 était l’établissement du casier viticole dans chacun des États membres concernés par le règlement. Les États membres en question étaient tenus de réaliser cet objectif en utilisant leurs moyens propres. De plus, l’utilité du casier viticole pour l’organisation commune du marché vitivinicole dépendait de l’établissement du casier dans tous les États membres concernés. Ainsi, la subvention communautaire à raison de 50 % des dépenses était soumise à la condition que le casier viticole soit opérationnel et utilisable avant l’échéance prévue. La Communauté n’était ni obligée ni habilitée à accorder une contribution partielle pour des travaux correspondant à la réalisation partielle de l’objectif du règlement.

53      De plus, le législateur a respecté le principe de proportionnalité en prorogeant le délai prévu pour l’établissement du casier viticole en Grèce à deux reprises (voir points 4 et 6 ci-dessus). Ainsi qu’il a été indiqué par la Commission, la République hellénique a bénéficié de huit années supplémentaires à compter de l’expiration du délai initial prévu par le règlement n° 2392/86 (à savoir le 31 juillet 1992) pour achever le casier viticole. En effet, la République hellénique ne conteste pas que, par lettre du 12 janvier 1998, elle s’était engagée à achever l’établissement du casier viticole pour le 31 décembre 2000 au plus tard.

54      Par ailleurs, la République hellénique invoque l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 2729/2000, pour démontrer que le législateur, en pleine connaissance pourtant de l’inexistence du casier viticole à la date du 31 décembre 2000, n’a pas prévu de sanction pour ce cas de figure (voir point 29 ci-dessus). Le règlement nº 2729/2000 ne porte cependant que sur les modalités de contrôle du comportement des producteurs nationaux. Comme il a été indiqué par la Commission, ce règlement ne concerne pas l’établissement du casier viticole ou de quelconques conséquences relatives à ce casier. Son application ne saurait donc être utilement invoquée en l’espèce.

55      En tout état de cause, la récupération de la somme litigieuse ne constitue pas l’imposition d’une sanction, mais la conséquence inévitable du fait que l’État membre n’a pas atteint l’objectif dont la réalisation conditionnait précisément le droit de percevoir ladite somme à titre d’avance.

56      De même, et contrairement à ce que soutient la République hellénique (voir point 35 ci-dessus), la demande de restitution des sommes versées à titre d’avance ne constitue pas une deuxième sanction de l’absence de réalisation du casier viticole dans les délais impartis. La décision attaquée n’impose pas une peine ou une sanction. En revanche, l’État membre reste tenu de mettre en place un casier viticole utilisable. Le manquement à cette obligation pourrait entraîner des corrections financières au cours de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA en raison du risque de paiements irréguliers que représente l’absence de mise en œuvre d’un tel casier dans le secteur vitivinicole.

57      En conséquence, il y a lieu de rejeter les premier et quatrième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 253 CE

 Arguments des parties

58      La République hellénique soutient, à titre principal, que la motivation de la décision attaquée est erronée en ce qu’elle ne comporte aucun élément dont il découle que le casier viticole existant en Grèce et pour lequel sont intervenus tous les paiements n’était pas utilisable à cette date. Le fait que le casier viticole n’était pas achevé le 31 décembre 2000 ne signifierait pas nécessairement qu’il n’est pas utilisable. La République hellénique ajoute que les données du casier viticole sont déjà utilisées pour les paiements dans le secteur vitivinicole et pleinement acceptées par la Commission elle-même. Dès lors, le casier viticole aurait été utilisable, ce qui confirmerait le bien-fondé du versement des subventions communautaires.

59      À titre subsidiaire, la République hellénique soutient que la motivation de la décision attaquée est insuffisante et vague en ce qu’il y est indiqué que les dépenses déclarées par elle ne remplissent pas les conditions réglementaires requises et ne peuvent donc être financées par la Communauté, sans pour autant qu’aucune précision ne soit donnée sur les conditions en question.

60      La Commission fait valoir que la motivation de la décision attaquée doit être considérée comme valable, suffisante et correcte.

 Appréciation du Tribunal

61      Selon une jurisprudence constante, en vertu de l’article 253 CE, la motivation d’un acte doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’autorité communautaire, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d’exercer son contrôle. La portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, points 15 et 16 ; arrêt du Tribunal du 13 mars 2003, Comunità montana della Valnerina/Commission, T‑340/00, Rec. p. II‑811, point 82).

62      De plus, il convient de rappeler que, dans le contexte particulier des décisions en matière de FEOGA, la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (arrêts de la Cour du 11 janvier 1973, Pays-bas/Commission, 13/72, Rec. p. 27, points 11 et 12, et du 17 octobre 1991, Allemagne/Commission, C‑342/89, Rec. p. I‑5031, point 22).

63      En l’espèce, il ressort clairement de la décision attaquée (voir point 18 ci-dessus) que la Communauté ne participerait pas aux dépenses encourues par la République hellénique pour l’établissement du casier viticole et, par voie de conséquence, que la République hellénique devrait rembourser la somme de 710 341 euros qui lui avait été versée par la Communauté à titre d’avance. La Commission a indiqué que les dépenses déclarées par la République hellénique ne remplissaient pas les conditions réglementaires requises, au motif que, d’une part, la République hellénique n’avait pas établi le casier viticole dans le délai imparti et que, d’autre part, les dépenses invoquées par celle-ci ne pouvaient pas faire l’objet d’un cofinancement communautaire (voir, en particulier, considérants 6 à 8 de la décision attaquée). Il ressort de la lettre de la Commission du 9 août 2002 (voir point 16 ci-dessus), que lesdites dépenses comprenaient en particulier des dépenses de personnel et d’autres dépenses inhérentes au fonctionnement administratif courant. Cette motivation était suffisante pour permettre à la République hellénique de connaître les motifs de la décision attaquée et au Tribunal d’exercer son contrôle. Par conséquent, le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un abus de pouvoir

 Arguments des parties

64      La République hellénique prétend que le retard constaté dans l’établissement du casier viticole est justifié et n’est pas dû à une faute des autorités grecques. Dans ces circonstances, la décision de la Commission de ne pas prolonger le délai et sa décision de récupérer l’avance seraient injustifiées et abusives.

65      La République hellénique invoque, tout d’abord, plusieurs faits qui auraient retardé l’établissement du casier viticole et qui auraient dû, selon elle, être pris en compte par la Commission.

66      En premier lieu, plusieurs interventions de la Commission entre 1995 et 1997, et en particulier sa décision de relier l’établissement du casier oléicole à celui du casier viticole, auraient retardé la réalisation de ce dernier.

67      En deuxième lieu, des complications judiciaires nationales auraient contraint la République hellénique à retarder l’achèvement du casier viticole. Bien que les recours en cause aient été rejetés par le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État hellénique), un retard aurait été enregistré de manière inévitable en raison des ordonnances de référé suspendant provisoirement les procédures d’appel d’offres requises pour l’établissement du casier viticole. La Commission elle-même aurait demandé la suspension des procédures d’attribution des travaux concernés. Selon la République hellénique, au vu de ces circonstances et en l’absence de faute qui puisse lui être reprochée, la Commission aurait donc dû accepter sa demande de prolongation du délai d’achèvement du casier viticole jusqu’au 31 mars 2003.

68      En troisième lieu, la Commission n’aurait pas tenu compte des particularités du paysage grec qui auraient également contribué au retard constaté dans la réalisation du casier viticole. Premièrement, contrairement aux autres États membres, l’existence d’installations militaires secrètes sur le territoire grec, en particulier près de ses frontières et de ses côtes surveillées, aurait rendu plus difficile la prise de photos aériennes. Deuxièmement, la structure des exploitations agricoles grecques serait différente de celle existant dans d’autres États membres et se caractériserait essentiellement par un grand nombre de producteurs d’olives et de vignerons ainsi que par une grande dispersion de petites parcelles. Troisièmement, dans certaines régions, les oliveraies et les vignobles constitueraient une surface verte unique empêchant de déterminer la limite des parcelles. Dans d’autres régions, des cultures d’arbres mixtes rendraient plus difficile la détermination de la surface des terrains ou du nombre d’oliviers.

69      En quatrième lieu, l’absence de livre foncier national aurait retardé l’établissement du casier viticole en Grèce, en comparaison avec les autres pays producteurs de vin disposant d’un tel livre foncier. Cette circonstance aurait dû, elle aussi, selon la République hellénique, être prise en compte par la Commission.

70      Ensuite, la République hellénique souligne qu’il ressort de la jurisprudence que la Commission aurait dû lui accorder une prolongation du délai dans les circonstances de l’espèce et que cette dernière n’était pas habilitée à réclamer la restitution de l’avance qui avait été versée par la Communauté. En effet, un État membre pourrait invoquer l’impossibilité absolue d’exécuter correctement une mesure communautaire à condition, d’une part, que la Commission soit informée à temps des difficultés et des problèmes auxquels il est confronté et, d’autre part, qu’il collabore avec la Commission en vue de surmonter les difficultés et de réaliser la mesure (arrêts de la Cour du 15 janvier 1986, Commission/Belgique, C‑52/84, Rec. p. 89, et du 4 avril 1995, Commission/Italie, C‑348/93, Rec. p. I‑673). Selon la République hellénique, ces mêmes conditions s’appliqueraient par analogie lorsqu’un État membre invoque, non pas l’impossibilité absolue, mais la difficulté à réaliser une mesure communautaire dans un certain délai. Dans sa réplique, la République hellénique invoque également les arrêts de la Cour du 4 juillet 1996, Grèce/Commission (C‑50/94, Rec. p. I‑3331, point 39), et du 29 janvier 1998, Grèce/Commission (C‑61/95, Rec. p. I‑207, point 12), à cet égard.

71      À cet égard, il existerait une correspondance échangée entre la Commission et la République hellénique et comportant dix documents concernant les difficultés auxquelles cette dernière aurait été confrontée dans l’établissement du casier viticole avant l’expiration du délai final (annexe 7 de la requête). En particulier, la République hellénique aurait demandé, par lettre du 20 octobre 2000, et donc avant l’expiration du délai, une prolongation du délai de réalisation du casier viticole allant jusqu’au 31 mars 2002. Selon la République hellénique, le retard en cause aurait donc dû conduire la Commission soit à lui accorder une prolongation pour l’achèvement du casier viticole, soit à interrompre le financement de celui-ci à compter du 1er janvier 2001, mais n’autoriserait en aucun cas celle-ci à réclamer tout ce qui avait déjà été versé.

72      La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen. Elle fait observer en particulier que la République hellénique a bénéficié d’un délai de quatorze ans à partir de l’adoption du règlement n° 2392/86 et de huit années supplémentaires à compter de l’expiration du délai initial, prévu par ledit règlement (à savoir le 31 juillet 1992), pour achever le casier viticole, ce qui démontre que le Conseil a suffisamment tenu compte de l’ensemble des particularités du territoire grec.

 Appréciation du Tribunal

73      Par le présent moyen, la République hellénique soutient en substance qu’elle n’est pas responsable du retard constaté dans l’établissement du casier viticole et que la Commission, en ne prolongeant pas le délai et en ordonnant la restitution des sommes versées à titre d’avance, a abusé de ses pouvoirs.

74      Force est de constater que la République hellénique n’a nullement démontré comment, en adoptant la décision attaquée, la Commission aurait abusé de ses pouvoirs.

75      Quant à l’argument de la République hellénique selon lequel la Commission aurait dû prolonger davantage le délai, tel qu’il avait été fixé par règlement n° 1631/98 (voir points 70 et 71 ci-dessus), il suffit de constater que, d’une part, la décision attaquée ne fait pas suite à une telle demande de prorogation et ne concerne nullement le délai en cause et que, d’autre part, la Commission n’était pas compétente pour prolonger davantage ce délai, qui a été fixé par le Conseil.

76      En tout état de cause, il convient de rappeler que le délai en cause a été prolongé deux fois et que, comme la Commission l’a indiqué, la République hellénique a bénéficié de huit années supplémentaires à compter de l’expiration du délai initial prévu par ledit règlement (à savoir le 31 juillet 1992) pour achever le casier viticole. En effet, par lettre du 12 janvier 1998, les autorités grecques ont présenté à la Commission un programme détaillé pour l’établissement du casier viticole et ont assuré à cette dernière que celui-ci devait être mis en œuvre à 100 % pour le 31 décembre 2000. Il s’ensuit que les autorités grecques elles-mêmes ont reconnu que le délai fixé par le Conseil était raisonnable. Dans les circonstances de l’espèce, elles ne sauraient ainsi reprocher aux institutions de leur avoir imparti un délai trop court pour établir le casier viticole.

77      Le troisième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

78      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Cooke

García-Valdecasas

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juin 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. D. Cooke


* Langue de procédure : le grec.